N° 2292
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mars 2000.
PROPOSITION DE LOI

tendant à anticiper la date de suppression du service national et à modifier le régime des reports d'incorporation pour contrat de travail à durée indéterminée.

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Dominique PAILLÉ,
Député.

Défense.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 qui porte modification du code du service national a introduit pour les jeunes nés avant le ler janvier 1979 et titulaires d'un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée la possibilité de solliciter un report d'incorporation de deux ans qui peut être prolongé, sous réserve de respecter un certain nombre de conditions fixées par ladite loi, le décret du 18 mars 1998 et la circulaire ministérielle du 16 février 1999.
L'objectif du Gouvernement à travers ce dispositif " s'inscrit dans la volonté collective de concilier la priorité accordée à l'emploi des jeunes, axe central de l'action du Gouvernement, et le besoin en appelés pendant la phase de professionnalisation des armées qui s'achèvera fin 2002 ".
Mais sa mise en _uvre est aujourd'hui complexe et inique. En effet, l'octroi de ces reports est soumis à une multitude de critères précisés dans la circulaire ministérielle du 16 février 1999. Il faut tout d'abord que le jeune prouve que son incorporation immédiate aurait pour conséquence de compromettre son insertion ou une première expérience professionnelle. Les autres critères sont liés à la taille et à la santé de l'entreprise, et à la date à laquelle le jeune a été embauché.
Appréciés au cas par cas, il s'est avéré que les commissions régionales privilégient certains critères en considérant que les jeunes titulaires d'un contrat de travail depuis plus d'un an étaient à l'abri de difficultés d'insertion, leur avenir professionnel étant assuré par le code du travail (article L. 122-18) qui leur garantit de retrouver leur poste à l'issue des obligations légales. Cette position, confortée par la jurisprudence des tribunaux administratifs, est vivement contestable. Même si des souplesses lui ont été apportées dans son application, il n'en demeure pas moins que ce critère est injuste et inopportun.
1° Il est impossible de fixer, de manière aussi arbitraire, une date à partir de laquelle on peut considérer qu'une insertion professionnelle est réalisée.
2° Contrairement à ce qu'indique le ministre, le jeune n'est pas sûr de retrouver son poste à l'issue de l'accomplissement de ses obligations pour deux raisons :
- l'entreprise a pu disparaître,
- la réintégration dans l'entreprise n'est pas automatique. Elle doit être sollicitée par le jeune et l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour lui trouver un poste. Au-delà, si la réintégration n'a pas pu se faire, le jeune est licencié.
Ces mêmes critères inscrits dans la circulaire précitée sont également applicables aux demandes de renouvellement de ces reports d'incorporation, auxquels il convient d'ajouter que le jeune ne doit pas avoir entre temps changé ni d'employeur, ni d'entreprise. Par ailleurs, le fait que l'entreprise a pu être liquidée ou que le jeune a pu être licencié n'est pas pris en compte.
L'incohérence et l'inapplicabilité de ce processus sont évidentes. Une nouvelle phase de contentieux va se faire jour, dans de brefs délais, avec l'examen par les commissions des premières demandes de renouvellement.
Rien ne permet en outre, parmi les critères établis par le ministre, de prendre en considération les difficultés de l'entreprise à pourvoir au remplacement du jeune pendant son absence. Or, des secteurs tels que ceux du bâtiment ou du transport routier ont actuellement de grandes difficultés à trouver une main-d'_uvre immédiate et qualifiée.
S'il est indispensable de répondre aux besoins des armées pendant la phase intermédiaire qui va les conduire à la professionnalisation, le système mis en place crée de plus une inégalité profonde et inacceptable entre les jeunes en raison de leur date de naissance.
Par conséquent, il est donc urgent de proposer des solutions alternatives pour les jeunes nés avant le ler janvier 1979 et qui sont titulaires d'un emploi à durée indéterminée.
Ces mesures pourraient être triples :
1° Anticiper au ler Janvier 2002 la date de suppression du service national fixée par la loi du 28 octobre 1997 au ler janvier 2003.
2° Pour les jeunes bénéficiaires d'un premier report d'incorporation pour contrat de travail de droit privé à durée indéterminée, et sous réserve qu'ils n'aient pas changé d'entreprise, le renouvellement de leur report pourrait être accordé de manière automatique. Il leur suffirait pour ce faire de présenter une attestation de leur employeur auprès du bureau du service national auquel ils sont rattachés.
3° Pour les jeunes titulaires d'un premier report d'incorporation pour contrat de travail de droit privé à durée indéterminée et qui ont changé d'entreprise, leur demande de renouvellement serait examinée par la commission régionale de dispense instituée par l'article L. 32 du code du service national. Il serait procédé dans ce cadre à une étude approfondie des raisons pour lesquelles le jeune a été contraint de changer d'employeur : fermeture de l'entreprise, opportunité professionnelle, promotion...
C'est ce que propose d'établir cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le premier alinéa de l'article L. 5 bis A du code du service national est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
" Les jeunes bénéficiaires d'un premier report d'incorporation pour contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ont droit au renouvellement de leur report, pour la même durée, sous réserve qu'ils n'aient pas changé d'entreprise. Dans ce cas, les jeunes concernés doivent présenter une attestation de leur employeur auprès du bureau du service national auquel ils sont rattachés.
" Pour les jeunes titulaires d'un premier report d'incorporation pour contrat de travail de droit privé à durée indéterminée et qui ont changé d'entreprise, leur demande de renouvellement sera examinée par la commission régionale de dispense instituée par l'article L. 32 du code du service national. Il sera procédé dans ce cadre à une étude approfondie des raisons pour lesquelles les jeunes ont été contraints de changer d'employeur, notamment si leurs motivations sont indépendantes de leur volonté. "

Article 2

Le quatrième alinéa de l'article L. 5 bis A du code du service national est ainsi rédigé :
" Seules les demandes de reports initiaux ainsi que les demandes de renouvellement de ces reports font l'objet d'un examen par la commission régionale de dispense définie à l'article L. 32. "

Article 3

Après l'article L. 159 du code du service national, il est inséré un article L. 160 ainsi rédigé :
" Art. L. 160. - Jusqu'au ler janvier 2002, le livre II du code du service national s'applique aux Français, aux étrangers sans nationalité et aux bénéficiaires du droit d'asile nés avant le ler janvier 1979 ainsi qu'aux personnes rattachées aux mêmes classes de recensement. "


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