N° 2316
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 avril 2000.
PROPOSITION DE LOI
visant à l'extension du fichier national
des traces et
empreintes génétiques par ADN.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Georges SARRE,
Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Grâce à l'utilisation de l'ADN, on arrive à identifier de plus en plus souvent des criminels et aussi à innocenter des suspects. Voilà quatorze ans que cette découverte a été publiée. Pourquoi ne pas avoir fait bénéficier notre Nation plus tôt d'un outil aussi performant? Faut-il qu'un fichier national d'empreinte d'ADN se limite aux auteurs d'infractions sexuelles? Si on avait mis en place un fichier d'ADN pour les délinquants, comme c'est le cas en Angleterre, beaucoup d'assassins auraient pu être arrêtés plus tôt et plusieurs personnes seraient encore en vie.
Depuis 1994, en France, les empreintes génétiques sont limitées au "cadre de mesure d'enquête ou d'instruction diligentées lors de procédures judiciaires ou à des fins médicales". Un fichier commence à être établi, mais uniquement pour des personnes définitivement condamnées pour délinquance sexuelle (donc après inculpation, condamnation, appel, cassation).
Contrairement à la France, l'Angleterre établit et conserve les empreintes génétiques pour tout délinquant susceptible d'être emprisonné. Le FFS (Forensic Science Service), devenu en 1991 agence gouvernementale, a fusionné avec les laboratoires de police en 1996, emploie 1400 personnes à temps plein, a constitué un fichier de 400000 personnes. Toute la population carcérale va être enregistrée dans des documents confidentiels et parfaitement standardisés pour une recherche informatique rapide. Depuis 1991, le FFS a établi la présence de 16673 suspects sur les lieux du crime.
En Hollande, ces fichiers existent depuis 1994. En Grande-Bretagne, depuis 1995. En Belgique, après avoir refusé de constituer ce fichier, la découverte d'une douzaine de meurtres avec abus sexuels sur des enfants, l'été 1996, a décidé de son établissement en vingt-quatre heures, en août 1996.
Des arguments pour refuser l'utilisation et l'extension des empreintes ont été avancés : erreurs d'identification? Elles ne peuvent provenir que d'erreurs de manipulations car, avec les techniques actuelles, la fiabilité est totale. En faisant plusieurs analyses, le risque est quasiment nul. Etablir les empreintes, pour certains, permettrait d'identifier des caractéristiques individuelles. Impossible! Par essence, les "séquences" utilisées ne "codent" pour aucune protéine, donc, aucun caractère (ethnie, aptitude, santé, goût). Il ne s'agit vraiment que d'un code sans signification biologique. Stocker du matériel d'un individu pourrait permettre un jour de connaître les aptitudes ou les défauts de cet individu. Dans les pays où le fichier est constitué, il est totalement confidentiel dans les locaux de la police. D'ailleurs, on conserve bien les échantillons de sang de donneurs, ou d'autres tissus, sans que cela pose de problèmes éthiques.
Il n'y a donc aucun obstacle à voir les empreintes d'ADN utilisées à des fins définies par la société (justice, identification d'inconnus). Il est temps qu'en France on étende le fichier aux agressions caractérisées, on a déjà pris un retard considérable pour les empreintes génétiques. Il y a environ cinq fois plus de personnel au FFS qu'en France. Par manque de moyens humains et financiers, il nous sera impossible de nous joindre aux autres pays européens pour la mise en place d'un fichier. Les Etats-Unis investissent 150 millions de francs par an sur cinq ans alors qu'en France on estime à 9 millions le budget annuel de recherche et développement dans ce domaine.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 706-54 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
" Art. 706-54. - Il est créé un fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes incarcérées. Ce fichier est placé sous contrôle d'un magistrat.
" Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
" Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants de nature à motiver leur mise en examen pour une infraction punie d'une peine d'emprisonnement peuvent faire l'objet, à la demande du juge d'instruction ou du procureur de la République, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier. Elles ne peuvent toutefois être conservées. "

Article 2

Les charges résultant de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2316 - Proposition de loi de M. Georges Sarre visant à l'extension du fichier national des traces et empreintes génétiques par ADN (commission des lois)


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