N° 2495
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juin 2000.
PROPOSITION DE LOI
relative à la création d'un statut social de l'écrivain salarié.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. André GERIN, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Bernard BIRSINGER, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, René DUTIN, Daniel FEURTET, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Jean-Claude LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÉS et Jean VILA (1),

Députés.

(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi a pour objet de libérer sur le temps de travail, une durée limitée, contractuellement concertée entre l'employeur et l'auteur, pour reconnaître ce temps hors travail comme un temps créatif utile pour la société : le temps libre comme donnée de civilisation d'épanouissement.
L'écrivain salarié en 2000, à l'heure d'Internet et de la mondialisation vit difficilement sa situation. Faut-il pour autant se résoudre à l'abandon d'un choix intellectuel? Je ne le pense pas. La promotion de l'écriture de la lecture est action individuelle et collective. L'écrit reste le seul outil d'une culture de connaissance qui, à la différence de l'image, du son et de l'écran passif, met en relation par la lecture la réflexion qu'elle suscite, rapport global de notre pensée et de notre action aux faits et aux choses.
Après la tentative de l'AMI pour mettre en cause l'exception culturelle française, nous pouvons avancer pour contribuer dans la diversité à une culture d'égalité à l'accès de personne citoyenne à cette création née de l'imagination des hommes en sachant écouter la pensée et les innovations qui naissent tous les jours chez des millions de gens.
Dans le même temps, il n'existe pas de statut social pour les salariés qui, de par leur choix, participent à l'enrichissement culturel de notre pays. Mieux, même des exemples connus montrent l'absurdité de situations qu'ils rencontrent quand ils donnent à un éditeur pour une anthologie leur meilleur poème: il leur revient le plus souvent de payer l'insertion du texte; la réception d'un titre académique demande pour son bénéficiaire le paiement du titre et de la médaille adressée.
Certes, il existe des aides allouées par les pouvoirs publics. Indépendamment de leur nombre limité, les critères d'attribution restent fréquemment obscurs.
Dans certaines entreprises et pôles d'activités, milieux professionnels, sociaux, culturels, il existe un statut pour des sportifs. Il n'existe rien de tel pour un créateur. Or, celui-ci a besoin de
reconnaissance et de moyens pour pratiquer son art, de protection sociale également. L'activité de création n'est pas une activité éphémère ou sur une période comme pour le sportif. A son lieu de travail, il devrait être prévu la dotation d'heures pour exercer une pratique littéraire, sans a priori ni atteinte à son déroulement de carrière.Il se peut même que dans des entreprises, malgré la qualité professionnelle d'un écrivain connu comme tel, celui-ci a besoin d'une reconnaissance de sa personnalité. Pour les sportifs disposant d'un statut, il n'est pas démontré d'ingérence de l'entreprise dans leurs activités sportives. Mieux, même la présence de créateurs culturels dans une entreprise ne signifie pas de la part de l'entreprise un geste à sens unique, à caractère philanthropique. Il est avéré que les profits créatifs apportent une plus-value dans certains types de métiers comme les ressources humaines, la communication, la recherche, le commercial, les relations sociales...
Sous couvert d'arguments juridiques ou de principes, il est ce constat : dans les faits, la culture reste envisagée comme inférieure au sport du point de vue de l'impact médiatique et commercial. D'ailleurs, au seuil du prochain millénaire, la pensée reste sous-évaluée. Ainsi, un auteur reçoit en moyenne 10 % de droits hors taxes par exemplaire d'ouvrage vendu ou diffusé par les nouvelles technologies (soit la part infime).L'éditeur, le diffuseur, les libraires se partageant le reste. La revalorisation des créateurs est posée. Ce sont celles et ceux qui pensent, qui contribuent à apporter des solutions aux problèmes de société. Pour de nouveaux modèles de culture, il faut rendre à la culture sa véritable mission, contribuer à la réflexion sur le sens et les fins de vie et l'invention d'un avenir à visage humain.
Il serait opportun que la représentation nationale fasse sienne cette proposition de loi. Je citerai un extrait de la commission mondiale de la culture et du développement à l'UNESCO à propos de la culture : est-elle le but visé du développement compris au sens de l'épanouissement de la vie humaine sous ses formes multiples et dans la tonalité?
La définition du statut social de l'écrivain salarié contractuellement défini est _uvre responsable pour la promotion de la personne.
Sous le bénéfice de ces dispositions, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'entreprise ou le service public et le salarié écrivain reconnu internationalement, nationalement ou régionalement, disposant de titres, de références, d'articles de presse ou du milieu représentatif de son art peuvent signer une convention pour libérer du temps de travail. Les deux parties s'accordent sur les modalités afin que le déroulement de carrière du salarié soit garanti.

Article 2

L'accord passé entre les parties est révisable tous les ans. A la demande écrite du salarié, l'accord peut s'interrompre.

Article 3

La perte de salaire est compensée par une aide forfaitaire attribuée sous l'égide du ministère de la culture.

Article 4

Le financement se fait par un fond d'aide à l'écrivain salarié abondé par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des ventes et publications sous toutes ses formes d'ouvrages d'auteur.

Article 5

Les charges éventuelles résultant pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2495 - Proposition de loi relative à la création d'un statut social de l'écrivain salarié (commission des affaires culturelles).


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