N° 2574
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 septembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à moderniser la loi n° 81-766 du 10 août 1981
sur le
prix unique du livre.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Bernard ACCOYER,
Député.

Commerce et artisanat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
A l'heure où arrivent sur le marché français de l'édition de grands opérateurs du commerce par Internet, il importe que les pouvoirs publics veillent à la sauvegarde du réseau français de librairies.
La loi sur le prix unique du livre, dite " loi Lang ", a jusqu'à présent contribué au soutien à la créativité éditoriale ainsi qu'au maintien et à la modernisation d'un réseau dense de librairies sur l'ensemble du territoire. Votée par un Parlement unanime, la loi du 10 août 1981 a, rappelons-le, instauré le système du prix unique du livre, mode de régulation le plus approprié pour un marché fragile et spécifique. Elle a évité que les librairies ne subissent le même sort que les disquaires, dont un grand nombre a aujourd'hui disparu.
Toutefois, l'article 3 de cette loi permet aux acheteurs collectifs de livres (bibliothèques, comités d'entreprise, établissements d'enseignement, etc.) de solliciter des rabais supérieurs aux 5  % que chaque détaillant est autorisé à pratiquer pour les ventes aux particuliers.
Les collectivités, publiques ou privées, obtiennent fréquemment des rabais supérieurs à 20 %, en particulier pour les marchés les plus importants faisant l'objet d'appels d'offres. Certaines évaluations estiment le poids de ce marché du livre à prix libre entre 7 et 10 % du chiffre d'affaires total de l'édition.
Or, l'écrasante majorité des libraires traditionnels ne peut se permettre de pratiquer de tels rabais, sans remettre gravement en cause leur équilibre financier. Une étude de la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture et de la Communication, réalisée en 1999, note: " il est généralement admis que des rabais supérieurs à 15 % fragilisent l'équilibre financier d'une librairie, des rabais de 20 % étant, quant à eux, difficilement rentables, surtout si l'on ajoute des coûts induits liés au service fourni par le libraire ". La perspective d'un marché où seuls les grossistes et quelques librairies de grande taille pourraient survivre doit donc être prise en considération.
Les dangers inhérents à l'absence de plafonnement des rabais accordés à des collectivités privilégiées sont tellement évidents que, dans les pays européens où le prix unique du livre est de rigueur, ces rabais particuliers, quand ils sont tolérés, sont toujours encadrés par des accords interprofessionnels ou par des mesures législatives :
- en Allemagne : rabais maximum de 5 % pour les bibliothèques scientifiques, 10% aux bibliothèques populaires, 10 à 15 % selon les Länder pour les livres scolaires achetés par des collectivités publiques;
- au Danemark : de 4 % de rabais selon les quantités pour les livres scolaires achetés par les municipalités jusqu'à 10 % en zone rurale et 15 % en zone urbaine pour les livres achetés par les écoles secondaires et commerciales, 20 % pour les livres danois et 10% pour les livres étrangers acquis par les bibliothèques;
- en Espagne: 5 à 10 % en faveur des bibliothèques et des écoles;
- aux Pays-Bas : 5 à 10 % pour les écoles, les bibliothèques des entreprises et des administrations.
L'heure est donc venue, conformément aux v_ux des acteurs de la chaîne du livre, de compléter la loi de 1981 en étendant l'application du régime commun aux collectivités.
Les responsables de ces collectivités, les bibliothécaires au premier chef, sont d'ailleurs les premiers à regretter la logique du " moins disant " dans les marchés publics de livres qui les obligent à travailler avec des opérateurs extérieurs au monde du livre n'offrant pas les mêmes services et les mêmes compétences que les libraires.
L'enjeu n'est rien moins que de contribuer à la sauvegarde de notre réseau national de librairies, nourrir la diversité de la création éditoriale et maintenir au c_ur des centre villes ces relais indispensables de la culture.
Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 est supprimé.

Article 2

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2574 - Proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à moderniser la loi n° 81-766 du 10 août 1981sur le prix unique du livre (commission des affaires culturelles).


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