N° 2575
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 septembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la prise en compte du harcèlement moral
parmi les causes de
rupture du lien conjugal motivant le divorce.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par M. Bernard PERRUT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Léonce DEPREZ, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Michel MEYLAN, Yves NICOLIN, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Paul PATRIARCHE, Jean ROATTA, André SANTINI, Michel VOISIN et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Famille.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La réforme de 1975 a beaucoup réduit la nécessité d'apprécier l'attitude des époux pour l'examen des requêtes en divorce. Mais, aujourd'hui, la pratique révèle des cas où cette appréciation demeure la seule voie d'une justice équitable : ceux où le prononcé du divorce est le seul moyen de mettre un terme aux agissements d'un époux qui adopte de manière délibérée une attitude contraire à l'accord de volontés qui fonde le mariage en droit civil contemporain.
A la différence du divorce par consentement mutuel et du divorce pour rupture de la vie commune, le divorce pour faute implique une appréciation de la conduite des époux. Mais tel qu'il est conçu aujourd'hui, il ne répond pas pleinement aux situations que l'on vient d'évoquer, où certains couples vivent malheureusement une grave violence psychologique, mais où ne sont pas caractérisés les " faits [constituant] une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et [rendant] intolérable le maintien de la vie commune " que retient l'article 242 du code civil.
La preuve de comportements de violence sournoise et occulte est souvent très difficile à établir. Comment, en effet, réunir des témoignages de tels comportements qui ne se manifestent en règle générale que dans des relations familiales intimes ? Pourtant ces attitudes peuvent affecter très profondément l'équilibre d'un des conjoints, voire des deux, et celui de leurs enfants, et rendre tout aussi intolérable la poursuite de la vie commune que les actes aujourd'hui pris en considération dans le cadre du divorce pour faute.
Il existe bien dans la vie de certains couples un véritable harcèlement moral, à l'instar de celui qui est de plus en plus invoqué par des médecins pour prescrire des arrêts de maladie lorsqu'ils constatent la déstabilisation qu'il provoque chez leurs patients ; on sait que de nombreuses voix s'élèvent pour faire prendre en compte le harcèlement moral dans le contentieux des relations du travail.
Agressions verbales, ou au contraire ranc_urs contenues dans le non-dit, humiliations déguisées pratiquées à répétition sont autant d'exemples de ces conduites de harcèlement. Les multiples symptômes cliniques qui les trahissent sont bien décrits par les spécialistes : tendances suicidaires, anxiété généralisée, fatigue chronique, sensations douloureuses multiples, agressivité, troubles du sommeil, voire hypertension artérielle ou apparition de problèmes organiques. Les victimes de harcèlement moral peuvent aussi, à la suite des agressions qu'elles ont subies, adopter des conduites de dépendance comme l'alcoolisme, le tabagisme, la boulimie ou encore la toxicomanie.
De ces divers phénomènes, et des situations conjugales et familiales qui leur correspondent, les médecins, psychiatres et psychologues sont les premiers témoins.
Mais l'écart est encore aujourd'hui très grand entre la connaissance médicale du harcèlement dans le couple et sa prise en compte par la loi et la jurisprudence civiles.
C'est pour tenter de le réduire, et en tout cas susciter le débat sur cette question au moment où est envisagée une réforme de notre droit de la famille, que nous proposons d'introduire dans le code civil, par un aménagement des cas d'ouverture du divorce pour faute, la notion de harcèlement moral, en prévoyant un mode de preuve spécifique consistant en un examen psychiatrique.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les motifs pour lesquels nous soumettons à votre examen la présente proposition de loi, que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 242 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
" Il peut être également demandé par l'un des époux lorsque le comportement de l'autre époux manifeste la volonté délibérée de porter atteinte matériellement ou moralement à ses droits ou à ses conditions de vie et de travail ".

Article 2

Dans le début de l'article 243 du code civil le mot : "Il" est remplacé par les mots : " Le divorce ".

Article 3

Il est ajouté, après l'article 259-3 du code civil, un article 259-4 ainsi rédigé :
" Art. 259-4. - Lorsque le divorce est demandé sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 242, le juge, sur requête de l'époux demandeur, peut soumettre les deux conjoints à une expertise psychiatrique. "
2575 - Proposition de loi de M. Bernard Perrut tendant à la prise en compte du harcèlement moral parmi les causes de rupture du lien conjugal motivant le divorce (commission des lois)


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