N° 2888
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 janvier 2001.
PROPOSITION DE LOI

tendant à ramener l'âge de la majorité pénale à seize ans et modifiant l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Jacques KOSSOWSKI, Jean-Claude ABRIOUX, Pierre AUBRY, Pierre-Christophe BAGUET, Jean-Louis BERNARD, Léon BERTRAND, Jean BESSON, Antoine CARRÉ, Jean CHARROPPIN, Jean-Marc CHAVANNE, Charles COVA, Marc-Philippe DAUBRESSE, Francis DELATTRE, Xavier DENIAU, Éric DOLIGÉ, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Jean-Michel FERRAND, Jean-Pierre FOUCHER, Roland FRANCISCI, Henri de GASTINES, Germain GENGENWIN, Michel GIRAUD, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Pierre HELLIER, Francis HILLMEYER, Philippe HOUILLON, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Pierre LELLOUCHE, Maurice LIGOT, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Patrice MARTIN-LALANDE, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Charles MIOSSEC, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Jean PRORIOL, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER, André THIEN-AH-KOON, Anicet TURINAY et François VANNSON,

Députés.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Depuis une vingtaine d'années, le nombre des mineurs impliqués dans des actes de délinquance ne cesse d'augmenter de manière inquiétante.
Ainsi en 2000, 21 % des crimes et délits ont été commis par des jeunes de moins de dix-huit ans. En 1972, date des premières statistiques, ce pourcentage n'était « que » de 9,4.
Pour les seules six dernières années (1994-2000), la délinquance juvénile répertoriée par les forces de police et de gendarmerie a crû de quelque 50 %.
Il convient de souligner que ces statistiques officielles de la violence des mineurs sont partielles et minorées. En effet, seuls ne sont pris en compte que les crimes, les délits et les contraventions de cinquième classe ayant fait l'objet d'une procédure transmise à la justice.
N'apparaissent donc pas toutes les « incivilités » et ceci pour plusieurs raisons : peur ou découragement de nos concitoyens, classement sans suite en raison de la faiblesse du préjudice (dégradation de cage d'escaliers, tags, incendies de poubelles, etc.), insignifiance apparente de l'acte (insultes diverses, gestes déplacés).
Autre phénomène préoccupant, les formes de délinquance juvénile subissent une profonde mutation. Il n'est plus rare qu'un mineur soit désormais appréhendé pour avoir commis de graves infractions, en particulier sur la voie publique. Ces violences prennent essentiellement la forme de vols à main armée, de coups et blessures volontaires, de viols, de cambriolages, de vols de véhicules, de destruction de biens publics et privés, de trafics de stupéfiants, d'agressions en groupe contre les pompiers et les forces de l'ordre. Les jeunes filles, jusque-là peu concernées, commettent elles aussi de plus en plus d'actes répréhensibles.
Ce constat accablant doit obliger les pouvoirs publics à réagir avec détermination contre un tel fléau. Des adaptations sont donc nécessaires dans notre arsenal législatif afin de réprimer vigoureusement les formes les plus virulentes de la délinquance juvénile. Dans un tel contexte, les mesures éducatives n'apparaissent plus suffisantes et des sanctions pénales s'avèrent indispensables.
Pour cela, il faut en particulier modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 afin qu'un mineur, âgé de seize à dix-huit ans, se livrant à des actions violentes soit véritablement considéré comme un délinquant et sanctionné comme tel.
En Grande-Bretagne, dès 1994, le Gouvernement a fait appliquer le « Criminal Justice and Public Order Act » dans le but d'élargir les possibilités d'incarcération aux mineurs.
Nous devons estimer qu'un jeune de seize ans a désormais la maturité nécessaire pour évaluer la frontière entre le bien et le mal. A cet âge et à notre époque, les mineurs ont déjà une vie relativement autonome par rapport à leurs aînés. Cette liberté individuelle, la société l'a affirmée par l'octroi de certains droits (droits des lycéens, droit à la sexualité, etc.). En conséquence, leur responsabilité juridique dans des actes de violence ne saurait être minorée.
La législation actuelle, datant de plus de cinquante ans, est manifestement inadaptée au regard de l'évolution de notre société.
Il convient donc dans un premier temps de ramener l'âge de la majorité pénale à seize ans et d'évaluer, durant les prochaines années, les résultats de cette mesure. En fonction des données acquises, les pouvoirs publics devront, peut-être, dans un deuxième temps, prendre la décision d'abaisser un peu plus ce seuil.
Parallèlement à la modification de l'ordonnance de 1945, il faudra envisager une série de mesures :
· Participation de toutes les institutions concernées à la lutte contre la délinquance juvénile (police, justice, éducation nationale, services sociaux, collectivités locales et territoriales, RATP et SNCF).
· Augmentation des moyens financiers mis à la disposition de la police et de la justice, instruments du pouvoir régalien de l'Etat.
· Formation de magistrats spécialisés.
· Développement de nouvelles sanctions (notamment contre les petits actes de vandalisme) et raccourcissement des durées de procédure.
· Briser le noyau des meneurs dans les cités.
· Meilleure responsabilisation des parents avec des possibilités de sanctions pécuniaires (allocations familiales par exemple), mise en place de structures type « école des parents ».
· Initiation des enfants à la morale républicaine dès le plus jeune âge.
· Rétablissement de l'autorité professorale et renforcement de la surveillance des établissements scolaires.
· Création de centres d'incarcération spécialisés pour accueillir, en particulier, les jeunes délinquants multirécidivistes.
· Restriction, sous certaines conditions, de la circulation nocturne des mineurs non accompagnés.
Cette proposition de loi est la première pierre d'un dispositif cohérent visant à lutter efficacement contre la délinquance des mineurs. Elle est surtout le symbole d'une volonté politique de s'attaquer à ce mal qui ronge une partie de notre jeunesse et qui met en danger nos valeurs républicaines.
Tels sont les motifs pour lesquels je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter ce texte.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 1er de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « les mineurs » sont insérés les mots : « de seize ans ».
2° A la fin du premier alinéa, les mots : « ou des cours d'assises des mineurs » sont remplacés par une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs âgés de plus de seize ans seront déférés devant les juridictions pénales de droit commun. »

Article 2

L'article 2 de l'ordonnance précitée est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « et la cour d'assises des mineurs prononceront » sont remplacés par le mot : « prononcera ».
2° Dans le deuxième alinéa de cet article, les mots : « Ils pourront » sont remplacés par les mots : « Il pourra ».

Article 3

Dans l'article 3 de l'ordonnance précitée, après les mots : « ou la cour d'assises », les mots : « des mineurs » sont supprimés.

Article 4

L'article 6 de l'ordonnance précitée est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « et devant la cour d'assises des mineurs » sont remplacés par les mots : « et, pour les mineurs âgés de seize ans au moins, devant les juridictions de droit commun ».
2° A la fin de la première phrase du deuxième alinéa, sont supprimés les mots : « compétente à l'égard des majeurs ».
3° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « les mineurs », sont insérés les mots : « de seize ans ».

Article 5

Dans la dernière phrase du septième alinéa de l'article 9 de l'ordonnance précitée, les mots : « soit renvoyer tous les accusés âgés de seize ans au moins devant la cour d'assises des mineurs, soit disjoindre les poursuites concernant les majeurs et renvoyer ceux-ci devant la cour d'assises de droit commun » sont remplacés par les mots : « renvoyer tous les accusés âgés de seize ans au moins devant la cour d'assises ».

Article 6

Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas de l'article 11 de l'ordonnance précitée sont supprimés.

Article 7

L'article 16 bis de l'ordonnance précitée est supprimé.

Article 8

L'article 20 de l'ordonnance précitée est supprimé.

Article 9

L'article 20-2 de l'ordonnance précitée est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « et la cour d'assises des mineurs ne peuvent » sont remplacés par les mots : « ne peut ».
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
3° Le troisième alinéa est complété par les mots : « de seize ans ».

Article 10

Dans l'article 20-3 de l'ordonnance précitée, les mots : « et la cour d'assises des mineurs ne peuvent » sont remplacés par les mots : « peut ».

Article 11

L'article 20-4 de l'ordonnance précitée est complété par les mots : « de seize ans ».

Article 12

L'article 20-5 de l'ordonnance précitée est supprimé.

Article 13

L'article 20-6 de l'ordonnance précitée est complété par les mots : « de seize ans ».

Article 14

A la fin du premier alinéa de l'article 20-7 de l'ordonnance précitée, les mots : « de treize à dix-huit ans, » sont remplacés par les mots : « de seize ans ».

Article 15

L'article 48 de l'ordonnance précitée est supprimé.

Article 16

L'avant-dernier alinéa de l'article 49 de l'ordonnance précitée est supprimé.
N°2888- Proposition de loi de M. Kossowski tendant à ramener l'âge de la majorité pénale à seize ans et modifiant l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.(commission des lois)


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