N° 2948
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2001.
PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir l'usage détourné des avantages ouverts à certains fonctionnaires en matière de mutation par la signature d'un pacs.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles_30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Bernard ACCOYER,
Député.

Fonctionnaires et agents publics.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'article 13 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité a modifié le système des mutations, détachements et affectations dans la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, afin de faciliter le rapprochement de deux fonctionnaires liés par un PACS.
Alors que ce système, hérité de la loi Roustan de 1921, se heurtait déjà à de très nombreuses difficultés d'application, la majorité gouvernementale a décidé de légiférer dans la précipitation et l'improvisation, sans concertation avec les syndicats représentatifs.
Il est en effet injuste d'étendre aux couples liés par un PACS, c'est-à-dire sans obligation de vie commune, un dispositif qui d'ores et déjà ne fonctionne pas de façon satisfaisante pour les couples mariés et dont certains, séparés par des affectations lointaines, sont confrontés à des situations douloureuses.
Il est également injuste de pénaliser les célibataires éloignés de leurs familles et qui sont, du fait de la priorité accordée aux personnes liées par un PACS, contraints pour un temps encore plus long de vivre dans la solitude.
Deux ans après la promulgation de ce texte, il n'est donc pas étonnant de constater le développement des fraudes, pourtant annoncées par l'opposition, lors des débats parlementaires. Notre collègue Robert Pandraud avait en effet parfaitement analysé la situation lorsqu'en séance publique, le 8 décembre 1998, il déclarait :
"_Indépendamment des difficultés auxquelles se heurteront les postulants, votre disposition sera à l'origine de bien des fraudes. Vous le savez très bien : les mutations sont sans doute le problème numéro un dans la gestion des corps de fonctionnaires. Alors que j'exerçais cette responsabilité pour un corps important, j'avais, à l'occasion d'un comité technique paritaire, suggéré de favoriser dans les mutations ceux dont la famille présentait un taux de morbidité plus élevé, ou les cas sociaux. Je me suis rendu compte, trois ans plus tard, que le taux de morbidité dans ce corps des fonctionnaires était devenu nettement supérieur à la moyenne nationale_! Quant aux cas sociaux, tout le monde avait un certificat du maire de sa commune natale, du médecin ou de l'antenne sociale du lieu_! Nombre de fonctionnaires, je vous le garantis, contracteront des PACS pour rejoindre leur ville ou leur village d'origine._"
Dès la première année de mise en _uvre du pacte civil de solidarité, les fraudes sont apparues.
Dans une édition du 17 mai 2000, un quotidien national relevait "_à l'approche du mois de mars, une épidémie matrimoniale frappe habituellement la communauté des enseignants. En cette année 2000, il semble que le mariage Camif soit en perte de vitesse au profit du PACS Camif. Les deux apportent 90 points de bonus sur le barème des mutations..._Le problème réside dans le fait que plusieurs de ces pactes sont en réalité des "_pacs de_complaisance_". A titre de comparaison, signalons que cinq ans en ZEP sont nécessaires pour bénéficier de 85 points_!
L'année dernière, des petites annonces circulaient dans les instituts de formation des maîtres en vue d'obtenir la conclusion d'un PACS blanc et, de ce fait, une affectation dans les académies du sud de la France. Certains de ces PACS auraient même donné lieu à rémunération.
Comme cela était prévisible, à l'approche du mois de mars 2001, ce phénomène de multiplication des PACS dans les personnels de l'Education nationale s'est reproduit. Lors d'un reportage diffusé au Journal télévisé de 20 heures sur une grande chaîne nationale le 27 février dernier, le directeur des personnels enseignants de l'Education nationale a même évoqué l'idée de sanctionner les abus.
Un hebdomadaire évalue, dans un article intitulé "_Vague de PACS blancs chez les profs ", à 4_000 le nombre de PACS blancs sur les 29_855 recensés, qui auraient ainsi été signés entre enseignants. Ce détournement de droit ne concerne d'ailleurs pas seulement l'Education nationale, premier employeur de France, mais aussi, à un degré il est vrai moindre, d'autres administrations.
Il devient désormais indispensable pour les pouvoirs publics d'assurer un traitement équitable aux fonctionnaires qui respectent les règles et qui sont demandeurs d'une clarification. L'article de presse précité rapporte ainsi les propos d'un commissaire paritaire au SNES : "_Depuis quelques temps, la question vient quasi systématiquement en assemblée._" Et certains enseignants n'hésitent désormais plus à dénoncer ces pratiques, par des courriers de protestations auprès des rectorats.
Alors que l'éducation, l'enseignement et, par conséquent, le corps enseignant sont au centre des préoccupations de tous, et que le Gouvernement prétend faire sienne cette priorité, il s'avère nécessaire de remédier à cette dérive qui pousse les enseignants, en particulier les jeunes, soit à la fraude, soit au désespoir. Ces attitudes ne sont motivantes ni pour les enseignants, ni exemplaires pour leurs élèves.
A la lumière de deux années expérience, il s'avère donc plus sage et équitable de renoncer à poser dans la loi le principe de parité de droits en matière de mutation dans la fonction publique, entre le PACS et l'union matrimoniale. De ce fait, le soin d'examiner le bien-fondé de chaque dossier reviendra au comité technique paritaire de chaque administration.

IL VOUS EST DONC DEMANDÉ, MESDAMES, MESSIEURS, DE BIEN VOULOIR ADOPTER CETTE PROPOSITION DE LOI. PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, après les mots : " raisons professionnelles, ", les mots : " aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité " sont supprimés.

Article 2

Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 54 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriales après les mots : " raisons professionnelles, ", les mots : " les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité " sont supprimés.

Article 3

Dans l'article 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, après les mots : " raisons professionnelles, ", les mots : " aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité 0" sont supprimés.
N°- 2948 Proposition de loi de M. Bernard Accoyer visant à prévenir l'usage détourné des avantages ouverts à certains fonctionnaires en matière de mutation par la signature d'un pacs.( renvoyée à la commission des lois)


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