N° 2976
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 avril 2001.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale pour simplifier la procédure d'examen des actes communautaires et pour améliorer le contrôle du Parlement sur la transposition des normes européennes dans la législation française.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Alain BARRAU,
Député.

Assemblée nationale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de résolution, qui vise à améliorer les conditions d'examen et de transposition des normes européennes par l'Assemblée nationale, comprend deux dispositions distinctes.
1. La première reprend dans le Règlement de l'Assemblée nationale les dispositions figurant initialement dans la proposition de loi n° 2781 complétant l'article 6 bis de l'ordonnance du 17 novembre 1958 en vue d'améliorer le contrôle du Parlement sur la transposition des normes européennes dans la législation française, qui a été déposée au début du mois de décembre 2000.
L'exposé des motifs de cette proposition de loi, repris ci-après, expliquait les motifs de la réforme proposée :
" La question de la participation des parlements nationaux à la construction européenne a pris une importance croissante au cours de la dernière décennie, en raison, d'une part, de ce qu'il est convenu d'appeler le "déficit démocratique" de l'Union européenne et, d'autre part, de l'extension du champ des compétences qui lui sont confiées, laquelle entraîne naturellement une inflation des normes européennes.
" Avec la création, par la loi du 6 juillet 1979, des délégations pour l'Union européenne au sein de chaque assemblée, et surtout avec les révisions constitutionnelles du 25 juin 1992 et du 25 janvier 1999, a été mise en place une procédure originale, permettant d'associer le Parlement à l'élaboration des textes européens.
" Le travail d'instruction systématique effectué par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le dépôt de propositions de résolutions renvoyées aux commissions compétentes et l'adoption de ces résolutions, éventuellement en séance publique, ont permis au Gouvernement de prendre en compte la position de la représentation nationale lors de l'adoption de règlements ou de directives au sein du Conseil européen.
" Cependant, les difficultés rencontrées pour transposer dans notre législation et notre réglementation les directives communautaires - au 30 septembre 2000, 176 directives étaient en attente de transposition - montrent que le dispositif mis en place au fil des ans n'est pas pleinement satisfaisant.
" Certes, le retard accumulé est d'abord imputable aux gouvernements qui se sont succédé et qui n'ont pas pris les mesures nécessaires pour traduire dans notre droit des textes qu'ils avaient pourtant adoptés au niveau européen.
" Pour résoudre ce problème, il faudrait sans doute qu'une circulaire du Premier ministre enjoigne à tous les membres du Gouvernement, lorsqu'ils proposent des projets de loi, d'y inclure systématiquement la transposition des directives portant sur les domaines ayant un lien avec l'objet du texte en préparation. Si une telle formule avait été retenue depuis une vingtaine d'années, il ne fait pas de doute que la très grande majorité des directives dont la transposition par voie d'ordonnances est prévue dans le projet de loi d'habilitation déposé par le Gouvernement au cours de l'été seraient d'ores et déjà incluses dans notre droit positif.
" En ce qui concerne le Parlement, force est de constater que le dispositif mis en place pour l'associer, en amont, au processus d'adoption des actes européens n'a pas été prolongé par la prise de mesures permettant, en aval, d'assurer dans de meilleures conditions la transposition de ces actes dans notre droit.
" Or, l'amélioration du contrôle parlementaire sur la législation européenne suppose que l'Assemblée nationale ait les moyens d'assurer le suivi des textes, depuis leur élaboration jusqu'à leur application.
" Confier à une commission spécialisée le soin d'accomplir cette mission serait sans doute la meilleure solution.
" Une telle commission serait systématiquement saisie des projets d'actes européens et des projets de lois transposant ces actes dans notre droit.
" Elle aurait par ailleurs pour rôle de suivre de manière permanente l'évolution et l'application des normes européennes.
" Cependant, l'article 43 de la Constitution limitant à six le nombre des commissions permanentes dans chaque assemblée, la création d'une commission pour les affaires européenne supposerait une révision de la Constitution. Cette révision est souhaitable - la limitation constitutionnelle du nombre des commissions étant devenue absurde - mais elle n'est pas d'actualité.
" Dans ces conditions, il vous est proposé, plus modestement, de permettre aux délégations pour l'Union européenne créées au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat de se saisir pour avis des projets ou propositions de loi transposant ou mettant en _uvre des actes de la Communauté européenne ou de l'Union européenne.
" Ainsi, les organes actuellement chargés d'examiner de manière systématique les projets d'actes européens auront-ils également, à l'avenir, la possibilité de donner un avis sur la transposition de ces actes dans notre législation.
" Ce dispositif ne porte nullement atteinte aux pouvoirs des commissions permanentes de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Bien évidemment, la commission compétente au fond aura à établir le rapport sur le texte en discussion et d'autres commissions pourront, le cas échéant, se saisir pour avis. Mais la délégation pour l'Union européenne, qui aura examiné le projet de directive avant son adoption par le Conseil européen, pourra éclairer utilement l'Assemblée nationale sur sa portée et faciliter ainsi sa transposition. "
Au début de l'année 2001, dans un intéressant rapport d'information sur la transposition des directives (n° 182 - Sénat), le Président de la délégation pour l'Union européenne du Sénat a émis des doutes sérieux sur l'utilité d'accroître les compétences des délégations en matière de transposition, en ignorant complètement les perspectives dans lesquelles s'inscrit cette proposition. L'amélioration suggérée n'est en effet qu'un élément d'une réforme plus vaste, permettant aux délégations pour l'Union européenne d'être associées à l'ensemble du processus d'élaboration, d'adoption et de transposition des normes européennes.
Permettre à un organe unique de suivre tout ce processus est la seule solution pouvant conduire notre Parlement national à exercer un réel contrôle de la construction européenne.
Si le Sénat ne désire pas être associé à cette réforme, il est possible de l'appliquer seulement à l'Assemblée nationale, en modifiant notre Règlement. C'est précisément ce que prévoit l'article premier de la proposition de résolution.
2. La seconde disposition proposée vise à simplifier la procédure d'examen des actes communautaires.
Rappelons que l'article 88-4 de la Constitution a laissé aux assemblées une importante marge de décision en ce qui concerne les modalités d'adoption des résolutions sur les projets ou propositions d'actes communautaires qui leur sont transmis. Il se contente en effet de prévoir que ces résolutions peuvent être adoptées " selon les modalités fixées par le Règlement de chaque assemblée [...], le cas échéant en dehors des sessions ".
L'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que les délégations de chaque assemblée à l'Union européenne " examinent les projets de directives, de règlements et autres actes de l'Union avant leur adoption par le Conseil de l'Union européenne ". Il prévoit également que " les délégations transmettent les rapports, assortis ou non de conclusions, aux commissions parlementaires compétentes ".
En application des nouvelles dispositions constitutionnelles, le Règlement a prévu une procédure très complexe. Centrée sur l'intervention des commissions permanentes, elle s'est révélée parfois malaisée à appliquer compte tenu de l'ordre du jour de celles-ci, et donc, d'une certaine façon, inefficace.
La présente proposition de résolution prévoit de simplifier et de rendre plus efficace cette procédure, sans porter la moindre atteinte aux prérogatives des commissions permanentes.
La pratique montre en effet que, dans un certain nombre de cas, le dispositif prévu par l'article 151-2 du Règlement se révèle d'une lourdeur excessive. L'obligation faite aux commissions permanentes de se saisir des propositions de résolution de la délégation, au sein de laquelle tous les groupes sont représentés en proportion de leur effectif, aboutit souvent à faire procéder à deux examens identiques - l'un en délégation, l'autre en commission -, quelquefois sous la conduite du même rapporteur désigné au sein de l'une puis de l'autre, dont les conclusions seront également très proches. L'ordre du jour de la commission aura alors été encombré inutilement, comme seront déposés, imprimés et distribués des documents redondants par rapport à ceux de la délégation.
Dans le nouveau schéma proposé, les propositions de résolution de la délégation continueront à être déposées et renvoyées à l'examen d'une commission permanente. Celle-ci pourrait toujours s'en saisir et, de la même façon, l'article 151-3 du Règlement - relatif à l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée des propositions de résolution - continuerait à s'appliquer.
Toutefois, il serait prévu que, lorsque la commission permanente compétente - voire l'une des six commissions - n'estime pas nécessaire de se saisir de la proposition de résolution de la délégation, le Président de l'Assemblée constaterait, au bout d'un délai de quinze jours, cette absence de saisine. Pendant le même délai, afin de garantir les droits de chacun, le simple dépôt d'un amendement aurait pour effet la saisine automatique de la commission.
En absence de toute saisine, la résolution de la délégation serait considérée comme adoptée dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 151-3 du Règlement.

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Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article 1er

Dans la première partie du titre II du Règlement, il est inséré, après le chapitre II, un chapitre II bis ainsi rédigé :

" Chapitre II bis
" Saisine pour avis de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne
Article 88 bis

1. La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne peut se saisir pour avis des projets ou propositions de loi transposant ou mettant en _uvre des actes de la Communauté européenne ou de l'Union européenne. Dans ce cas, elle en informe le Président de l'Assemblée. Cette décision est publiée au Journal officiel et annoncée à l'ouverture de la plus prochaine séance.
2. Les alinéas 2 à 4 de l'article 87 sont applicables à la Délégation pour l'Union européenne lorsqu'elle est saisie pour avis d'un projet ou d'une proposition de loi. "

Article 2

L'article 151-2 du Règlement est ainsi modifié :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, les mots " ou lorsqu'il s'agit d'une proposition de résolution déposée par le rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne " et les mots " ou la distribution de la proposition de résolution " sont supprimés.
II.-Après le premier alinéa du même article, est inséré l'alinéa suivant :
" La commission saisie au fond d'une proposition de résolution déposée par le rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne doit déposer son rapport dans le délai d'un mois suivant la distribution de la proposition de résolution. Toutefois, si dans un délai de quinze jours suivant cette distribution, le Président de la commission saisie au fond n'a pas informé le Président de la délégation de la date de l'examen de la proposition de résolution par la commission et si dans le même délai aucune commission ne s'est saisie pour avis et aucun amendement portant sur la proposition de résolution n'a été transmis à la présidence, la proposition de résolution est considérée comme adoptée dans les conditions fixées à l'article 151-3, alinéa 2. Dans le même délai de quinze jours, l'une des autorités visées au premier alinéa de l'article 151-3 peut faire connaître à la présidence son opposition à l'adoption, dans les conditions fixées au présent alinéa, de la proposition de résolution. La commission saisie au fond doit alors déposer son rapport dans le délai d'un mois suivant la date de l'opposition. "


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