N° 3009
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 avril 2001.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer le dispositif de lutte
contre les pollutions marines,

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Bernard deflesselles,
Député.

Mer et littoral.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plus de trente ans, l'espace maritime français est le théâtre d'une pollution accrue. Chaque année, on estime que 600000 tonnes d'hydrocarbures sont déversées frauduleusement en Méditerranée et que la Mer du Nord en absorberait 3 millions de tonnes.
Depuis 1970, le transport maritime de produits dangereux et polluants s'est développé considérablement. Le littoral français, du fait de ses 5000 km de côtes, de la densité de la circulation en Manche-Mer du Nord et en Méditerranée est particulièrement exposé. En témoignent les catastrophes écologiques majeures que notre littoral subit régulièrement : l'Amocco Cadiz, l'Erika, le Ievoli Sun, et plus récemment, le Balu, autant de " navires poubelles " responsables de désastres environnementaux, économiques et sociaux, autant d'exemples illustrant les défaillances et les lacunes de notre dispositif de sécurité et de contrôle.
Le problème des dégazages et des déballastages sauvages est un problème récurrent devant lequel les pouvoirs publics sont restés passifs depuis de trop nombreuses années. Si la sécurité du transport maritime de produits dangereux ou polluants est aujourd'hui une nécessité reconnue par tous, les efforts entrepris n'ont donné, pour l'heure, que des résultats pour le moins mitigés.
S'il existe une réglementation internationale imposant des normes techniques et des contrôles réguliers des navires, sa mise en _uvre est largement défectueuse. En effet, l'existence de " pavillons de complaisance " et la qualité très inégale des contrôles effectués par les sociétés de classification, imposent le renforcement de notre propre dispositif de contrôle et de lutte contre les pollutions.
Dans cette optique, la création d'une police des mers et des océans, analogue au corps des Coast-Guards américains s'avère nécessaire. Cette proposition de loi prévoit donc la création d'un corps de garde-côtes munis des pouvoirs et moyens nécessaires pour prévenir et lutter contre les dangers provoqués par le trafic maritime dans les eaux territoriales françaises.
Par ailleurs, l'amélioration de la surveillance des navires passe inévitablement par une meilleure identification de ceux qui transportent des produits dangereux. C'est pourquoi ce texte prévoit également l'extension de la limite des eaux territoriales à 200 milles nautiques et la transmission préalable d'un dossier de sécurité avant l'accès dans cette zone aux autorités françaises.
Enfin il est nécessaire d'engager une politique de contrôle portuaire des navires qui, par sa nature préventive, limiterait la fréquence des pollutions marines. Une inspection systématique sera pratiquée au port de manière collégiale, par un inspecteur des Affaires maritimes et par un expert de la société de classification. Elle portera notamment sur la structure du navire et déterminera si une opération de déballastage est nécessaire.
Aujourd'hui, la pollution continue de nos côtes ne doit plus être considérée comme une fatalité faisant partie des aléas du transport maritime. Certes, la lutte contre les pollutions marines doit avoir une dimension européenne et internationale, mais il nous revient avant tout de combler les failles de notre propre législation ainsi que les insuffisances de notre dispositif de lutte contre ces pollutions.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un corps de garde-côtes placé sous l'autorité du Premier ministre et chargé de faire respecter la réglementation maritime. Les missions de ce corps de garde-côtes non définies par la loi sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Article 2

Dans la limite des eaux territoriales, les garde-côtes peuvent arraisonner tout navire afin de procéder aux vérifications techniques et contrôles de certificats de navigation qu'ils jugeront utiles. En cas d'anomalie ou de défaillance constatée, les garde-côtes peuvent enjoindre au capitaine du navire de se rendre au port le plus proche pour y effectuer les réparations nécessaires. En cas de refus, ils peuvent le contraindre à quitter les eaux territoriales.

Article 3

La limite des eaux territoriales définie par la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 est portée à 200 milles nautiques.

Article 4

Les navires transportant des matières dangereuses ou polluantes naviguant dans les eaux territoriales françaises sont tenus de signaler tout accident ou incident dont ils seraient victimes. L'assistance forcée peut alors être engagée conformément à l'article 16 de la loi du 7 juillet 1976 qui reconnaît la légitimité de l'intervention de l'Etat côtier dès la survenance de l'événement.

Article 5

Pour pénétrer dans les eaux territoriales françaises, les navires doivent répondre aux normes de sécurité établies par la législation française et européenne ainsi que par les conventions internationales ratifiées par la France. En outre, ils doivent signaler leur présence 24 heures avant leur entrée dans les eaux territoriales et sont tenus de faire parvenir aux garde-côtes un dossier comportant les titres et certificats de sécurité et de prévention de la pollution, notamment les certificats d'assurance, et attestation de formation des marins. Si le dossier n'est pas complet ou s'il apparaît au vu de ce dossier que le navire ne respecte pas les réglementations imposées, les autorités peuvent lui refuser l'entrée dans les eaux territoriales françaises.

Article 6

Tout navire faisant escale dans un port français fait l'objet d'un examen approfondi portant essentiellement sur la qualité de sa structure ainsi que sur sa capacité à naviguer. Ce contrôle est effectué conjointement par un inspecteur des Affaires maritimes et par un expert d'une société de classification. En cas de litige, un expert d'une autre société de classification du port et, le cas échéant, un inspecteur du service de sécurité effectuent conjointement les contrôles de sécurité qui s'imposent. En cas de non-conformité du navire, les autorités ont le pouvoir d'interdire aux navires concernés de quitter le port.

Article 7

Tout navire faisant escale dans un port français est tenu, soit à présentation d'une attestation et facture de déballastage datant de moins de deux mois, soit à une obligation de dépôt de ses déchets d'exploitation et résidus de cargaison dans les installations prévues à cet effet. En cas de non-respect de ces obligations, les autorités ont le pouvoir d'interdire aux navires concernés de quitter le port.

Article 8

Le gouvernement dépose chaque année auprès du Parlement un rapport récapitulant les efforts consentis en matière de lutte contre les dégazages et les condamnations définitives prononcées par les tribunaux sur le fondement de la loi de 1983.

Article 9

I. - L'aggravation des charges de l'Etat résultant de la mise en _uvre des dispositions prévues ci-dessus est compensée par une augmentation, à due concurrence du taux de la taxe exceptionnelle sur les entreprises pétrolières, prévue au II de l'article 39 ter du code général des impôts.
II. - En conséquence, le deuxième alinéa du II de l'article 39 ter du même code est supprimé.
N°3009-Proposition de loi de M. Deflesselles visant à renforcer le dispositif de lutte contre les pollutions marines.(commission de la production)


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