N° 3067
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à améliorer le statut des travailleurs à domicile.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Yves NICOLIN, Jean AUCLAIR, Gauthier AUDINOT, Mmes Sylvia BASSOT, Marie-ThérÈse BOISSEAU, MM. Émile BLESSIG, Claude BIRRAUX, Antoine CARRÉ, Richard CAZENAVE, Henry CHABERT, Jean-François CHOSSY, Jean-Michel COUVE, Marcel DEGAUCHY, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Franck DHERSIN, Dominique DORD, Jean-Pierre FOUCHER, Nicolas FORISSIER, Claude GAILLARD, Germain GENVENWIN, Louis GUÉDON, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Mme Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Christian KERT, Pierre LASBORDES, Roger LESTAS, François LOOS, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Christian MARTIN, Philippe MARTIN, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Pierre MENJUCQ, Gilbert MEYER, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Jean ROATTA, JoËl SARLOT, Bernard SCHREINER, Gérard VOISIN, Michel VOISIN, et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La France compte actuellement plus de 100000 travailleurs à domicile, hors assistantes maternelles, contre 40000 il y a vingt ans. Eu égard au nombre total de salariés, ce mode d'activité reste cependant moins usité ici que chez nos voisins, en raison notamment de la précarité qui le caractérise.
En effet, comme l'a relevé le Conseil économique et social dans son avis du 10 février 1999, le travailleur à domicile se trouve dans une situation économique et sociale difficile et précaire : isolement, caractère irrégulier et incertain de l'activité, donc du revenu, participation fréquente des enfants et travail nocturne pour respecter les délais de livraison, absence de priorité pour l'accès à l'emploi...
La réglementation du travail à domicile, qui n'a pas changé depuis 1957, nécessite donc, à l'heure où l'on prétend à « l'Europe sociale », une vraie réforme tendant à renforcer la protection statutaire, économique et sociale, de celles et ceux qui temporairement ou durablement, par choix ou par contrainte, exercent leur métier à domicile.

1. Le travailleur à domicile souffre d'isolement
et de précarité

La typologie des travailleurs à domicile, qui sont essentiellement des femmes (85 %), se présente ainsi : environ 60 % sont des employés, 30 % des salariés et 10 % des techniciens, cadres et professions intellectuelles (télétravail), ce qui témoigne du faible impact des nouvelles technologies de communication dans la progression du travail à domicile depuis vingt ans.
En réalité, ce sont certaines industries souffrant de la concurrence des pays où la main-d'_uvre est bon marché et du dumping social, comme celles de confection, qui doivent y recourir fréquemment pour réduire leurs coûts.
Dans le secteur textile, le travail à domicile facilite notamment la production en flux tendu, afin de s'adapter en temps réel à la demande du consommateur par une réactivité maximale et des collections ou micro-collections renouvelées à un rythme très soutenu (5 ou 6 jours).
Le volume d'activité et donc le temps de travail fluctuent d'un mois à l'autre avec une amplitude de 250 à 70 heures selon les besoins de l'entreprise.
L'immense majorité des travailleurs à domicile perçoivent ainsi moins de 6000 F par mois et une bonne majorité moins de 3 000 F mensuels.
C'est pourquoi ils sont contraints de travailler fréquemment pour plusieurs employeurs. Beaucoup se retrouvent alors avec 300 heures de travail à domicile par mois. Cette main-d'_uvre flexible qui travaille loin de tout contrôle doit en outre respecter des délais de livraison très courts.
Ces situations expliquent que les travailleurs à domicile soient souvent conduits à réquisitionner une partie de la famille, dont les enfants, et à travailler la nuit!

2. Six propositions pour renforcer
la protection du travailleur à domicile

Le développement d'une réglementation internationale du travail, le contexte économique et social et l'émergence du télétravail doivent nous conduire à ajuster et améliorer le statut du travailleur à domicile afin d'en faire un salarié à part entière, placé sur un pied d'égalité avec les autres salariés.
Aussi, il est proposé de réformer les articles L. 721-1 et suivants du code du travail en poursuivant six objectifs :
1° Soumettre aux dispositions du code du travail et aux conventions applicables tous les travailleurs à domicile quelle que soit la nature de l'activité exercée (industrielle, tertiaire, assistantes maternelles).
2° Interdire le recours aux enfants du travailleur ou à un auxiliaire pour exécuter la prestation de travail.
3° Poser le principe de l'établissement d'un contrat de travail écrit mentionnant les éléments habituels (nature, durée du contrat, temps de travail, rémunération) ainsi due l'engagement de l'employeur à fournir un volume de travail minimum. Ce dernier s'engagera également à offrir au travailleur à domicile une priorité d'accès à l'emploi dans l'entreprise, à respecter les dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.
4° Prévoir que la rémunération perçue par le travailleur à domicile ne soit pas inférieure au montant de la rémunération que percevrait, pour une même durée de travail, dans la même entreprise, un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires.
5° Renforcer la participation des travailleurs à domicile à la désignation et à la vie des institutions représentatives du personnel.
6° Mettre en place une instance paritaire au sein de laquelle travailleurs dans l'entreprise et travailleurs à domicile pourraient dialoguer et échanger.
Le travailleur à domicile a aujourd'hui besoin qu'on le protège mieux de l'incertitude, de l'isolement et de la précarité.
Tel est l'objet de la proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article L. 721-1 du code du travail est ainsi modifié :
I. - A la fin du deuxième alinéa (1°), les mot : « un travail qui leur est confié soit directement, soit par un intermédiaire » sont remplacés par les mots : « un travail qui leur est confié directement ».
II. - 1° Le troisième alinéa (2°) est ainsi rédigé :
« Travailler soit seuls, soit avec leur conjoint auquel sont applicables les dispositions du présent chapitre ».
2° En conséquence, l'article L. 721-5 est abrogé.
III. - A la fin du cinquième alinéa, les mots : « sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 120-3 » sont supprimés.
IV. - L'avant-dernier alinéa est supprimé.

Article 2

L'article L. 721-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les travailleurs à domicile définis à l'article L. 721-1 sont des salariés soumis aux dispositions législatives et réglementaires du présent code, notamment en matière d'égalité professionnelle et de rémunération entre hommes et femmes et de participation aux élections des institutions représentatives du personnel.
« Ils bénéficient des dispositions conventionnelles liant le donneur d'ouvrage. »

Article 3

Après l'article L. 721-7 du code du travail, il est inséré un article L. 721-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 721-7-1. - Des informations sur le recours au travail à domicile doivent être fournies par l'employeur aux délégués du personnel, aux membres du comité d'entreprise et aux délégués syndicaux, dans le cadre des attributions qui leur sont dévolues. Ces informations sont transmises annuellement et portent notamment sur le nombre des travailleurs à domicile, sur les fonctions occupées et la durée de leur travail. »

Article 4

Après l'article L. 721-7 du code du travail, il est inséré un article L. 721-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 727-7-2. - Un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les conditions de la mise en place d'une instance paritaire comprenant les travailleurs à domicile et les autres salariés. Cette instance présidée par le chef d'entreprise se réunit annuellement. Elle peut être saisie des difficultés rencontrées par les travailleurs à domicile pour l'exercice de leur activité. Elle peut se prononcer en cas de conflit. Elle est alors présidée par l'inspecteur du travail, en présence des délégués syndicaux, ou à défaut des représentants du personnel. »

Article 5

Après l'article L. 721-8, la section II du chapitre Ier du titre deuxième du livre VII du code du travail intitulée « contrat de travail » est ainsi rédigée :
« Art. L. 721-8-1. - Le contrat de travail du travailleur à domicile est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. Il précise notamment la nature et la durée du contrat. A défaut, il est réputé conclu pour une durée déterminée. Une durée minimum de travail doit être prévue. Le non-respect de cette durée par l'employeur est assimilé à un licenciement au sens de l'article L. 321-1.
« Art. L. 721-8-2. - Les travailleurs à domicile qui souhaitent occuper un emploi dans l'établissement ou l'entreprise dont ils dépendent ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. L'employeur porte systématiquement à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.
« Art. L. 721-8-3. - Le recours au travail exercé de façon partielle, périodique ou non, par un salarié à son domicile, doit donner lieu à l'établissement d'un avenant écrit au contrat de travail. »

Article 6

Avant l'article L. 721-9 du code du travail, il est inséré un article L. 721-9 A ainsi rédigé :
« Art. L. 721-9 A. - La rémunération perçue par les travailleurs à domicile ne peut être inférieure au montant de la rémunération que percevrait pour une même durée du travail, dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié de même qualification et occupant les mêmes fonctions ou des fonctions similaires. »

Article 7

Les articles L. 722-1 à L. 722-6 du code du travail sont abrogés.

Article 8

I.- L'intitulé du titre II du livre VII du code du travail est ainsi rédigé : « Travailleurs à domicile ».
II.- L'intitulé du chapitre Ier du titre II du livre VII du code du travail est ainsi rédigé : « Dispositions générales ».
III.- L'intitulé de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre VII du code du travail est ainsi rédigé : « Statut ».

Article 9

I.- Le chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail devient le chapitre II du titre II du livre VII du même code.
II.- 1° En conséquence, l'intitulé du chapitre II du titre II du livre VII est ainsi rédigé : « Assistants et assistantes maternelles ».
2° Dans la section première :
- l'article L. 773-1 devient l'article L. 722-1 ;
- l'article L. 773-2 devient l'article L. 722-2 ;
- l'article L. 773-3 devient l'article L. 722-3 ;
- l'article L. 773-3-1 devient l'article L. 722-4 ;
- l'article L. 773-4 devient l'article L. 722-5 ;
- l'article L. 773-4-1 devient l'article L. 722-6 ;
- l'article L. 773-5 devient l'article L. 722-7 ;
- l'article L. 773-6 devient l'article L. 722-8 ;
- l'article L. 773-7 devient l'article L. 722-9.
Dans la section II :
- l'article L. 773-8 devient l'article L. 722-10 ;
- l'article L. 773-9 devient l'article L. 722-11.
Dans la section III :
- l'article L. 773-10 devient l'article L. 722-12 ;
- l'article L. 773-11 devient l'article L. 722-13 ;
- l'article L. 773-12 devient l'article L. 722-14 ;
- l'article L. 773-13 devient l'article L. 722-15 ;
- l'article L. 773-14 devient l'article L. 722-16 ;
- l'article L. 773-15 devient l'article L. 722-17 ;
- l'article L. 773-16 devient l'article L. 722-18 ;
- l'article L. 773-17 devient l'article L. 722-19.

3067. - Proposition de loi de M. Yves Nicolin tendant à améliorer le statut des travailleurs à domicile (commission des affaires culturelles)


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