N° 3184
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2001.
PROPOSITION DE LOI

visant à permettre aux personnes handicapées reconnues au taux de 100% et totalisant cent vingt trimestres d'assurance vieillesse de bénéficier d'une retraite à taux plein à partir de cinquante-cinq ans.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par Mme Marie-ThérÈse BOISSEAU,
Députée.

Handicapés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Actuellement, les personnes handicapées qui exercent une activité professionnelle sont soumises aux conditions de droit commun en matière d'ouverture du droit à pension de retraite.
Elles ne peuvent bénéficier d'aucune mesure spécifique de mise à la retraite anticipée et doivent atteindre l'âge de soixante ans pour demander la liquidation de leur pension et bénéficier d'une retraite à taux plein si elles totalisent le nombre de trimestres requis (158 trimestres pour une liquidation en 2001 au régime général et 37,5 annuités pour les fonctionnaires) ou si elles sont reconnues inaptes au travail.
En outre, les dispositions relatives à l'assurance invalidité avant 60 ans ou la retraite pour inaptitude au travail à partir de 60 ans sont insuffisantes et peuvent être pénalisantes pour les intéressés.
Dans le régime général de sécurité sociale, avant 60 ans, les personnes handicapées dont la capacité de travail est réduite des deux tiers au moins et qui exercent une activité rémunérée (invalides du premier groupe) peuvent bénéficier d'une pension d'invalidité égale à 30% de leur salaire de base. En cas de reprise d'une activité professionnelle après l'arrêt de travail suivi d'invalidité, la pension peut être maintenue sous condition de ressources. Par ailleurs, la personne handicapée reconnue inapte au travail peut, le cas échéant, bénéficier d'une pension de retraite au taux plein de 50%, mais seulement à partir de 60 ans.
Dans le régime spécial des fonctionnaires, les assurés reconnus définitivement inaptes à l'exercice de toute fonction avant l'âge de la retraite (en principe 60 ans) peuvent être placés en invalidité. La pension d'invalidité est liquidée selon les mêmes modalités que la pension de vieillesse (2% par annuité des émoluments correspondant à l'indice détenu). Lorsque le taux d'invalidité est d'au moins 60 %, le montant de la pension d'invalidité ne peut être inférieur à la moitié des émoluments de base, c'est-à-dire l'équivalent de la pension de vieillesse pour vingt-cinq années de service. Cependant, au moment de la liquidation de leur pension de retraite, les intéressés se trouvent pénalisés du fait de l'interruption de leur carrière.
La législation en vigueur apparaît ainsi très rigoureuse et insuffisante, en particulier pour les personnes lourdement handicapées qui, en dépit de leur handicap, s'inscrivent dans une démarche volontariste d'insertion sociale et font l'effort de travailler en milieu ordinaire au prix, bien souvent, d'une usure prématurée de l'organisme qui les contraint à cesser leur activité avant 60 ans.
Certains régimes d'assurance vieillesse ont ouvert le droit à pension de retraite à un âge inférieur au droit commun pour les travailleurs qui exercent des activités pénibles entraînant une usure prématurée de l'organisme et ont, en conséquence, une carrière raccourcie. Ainsi, l'âge d'ouverture du droit à la retraite est fixé à 50 ans pour les mineurs ayant 30 ans de service dont 20 au fond ainsi que pour les marins et les personnels roulant et d'entretien de la SNCF et de la RATP ayant 25 années de service. Le jeu des bonifications de durée d'assurance permet en outre à certains de ces personnels de partir à 50 ou 55 ans sans être pénalisés.
Dans la fonction publique, la jouissance de la pension civile est immédiate à condition d'avoir effectué quinze ans de service actif ou dans des emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La jouissance de la pension est également immédiate, pour les femmes fonctionnaires lorsqu'elles sont mères de trois enfants ou d'un enfant atteint d'une invalidité d'au moins 80 %. En outre, les fonctionnaires ne pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate à 55 ans peuvent bénéficier de mesures de préretraite. La cessation progressive d'activité peut être accordée à partir de 55 ans à condition d'avoir accompli vingt-cinq années de service. Le congé de fin d'activité peut être accordé à partir de 56 ans à condition de justifier de quarante ans de cotisations vieillesse et quinze ans de service public ou à partir de 58 ans avec 37,5 annuités et vingt-cinq ans de service public. Les fonctionnaires reconnus travailleurs gravement handicapés par la COTOREP bénéficient d'une réduction de six ans de la condition de durée de service public. Le fonctionnaire en préretraite bénéficie d'un revenu de remplacement équivalent à 75 % de son dernier traitement.
La présente proposition de loi s'inscrit dans cette logique. Elle vise à assurer une juste reconnaissance des efforts d'insertion professionnelle accomplis par les personnes affectées par un très lourd handicap et à prendre en compte dans le droit à la retraite le vieillissement prématuré de ces personnes résultant de leur activité professionnelle.
Il s'agit d'une mesure d'équité et de justice qui a pour objet de permettre aux personnes lourdement handicapées ayant un taux d'incapacité reconnu par la COTOREP de 100 % et qui ont travaillé pendant au moins 30 années de bénéficier d'une retraite à taux plein à partir de 55 ans dans tous les régimes d'assurance vieillesse (le régime général et les régimes alignés, les régimes spéciaux ainsi que les régimes de retraite complémentaire obligatoires ou facultatifs).
Tels sont les motifs de la proposition de loi suivante qu'il vous est demandé de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Après l'article L. 351-7-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 351-7-2 ainsi rédigé :
«Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1, les personnes reconnues travailleurs handicapés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel prévue à l'article L. 323-11 du code du travail, atteintes d'une incapacité permanente de 100 % et qui totalisent au moins cent vingt trimestres d'assurance vieillesse peuvent, dès l'âge de cinquante-cinq ans, bénéficier d'une pension de retraite à taux plein.»

Article 2

Les dispositions de l'article L. 351-7-2 du code de la sécurité sociale sont également applicables au régime d'assurance vieillesse des professions libérales.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.

Article 3

Après le titre V du code des pensions civiles et militaires de retraite, sont insérés un titre V bis et un article ainsi rédigés :

«TITRE V BIS
«HANDICAPÉS

« Art. L. 37 ter. - Le fonctionnaire reconnu travailleur handicapé par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel prévue à l'article L. 323-11 du code du travail, atteint d'une incapacité permanente de 100 % et qui a accompli au moins trente années de services au sens de l'article L. 5 peut, dès l'âge de cinquante-cinq ans, bénéficier d'une pension de retraite liquidée sur la base du maximum d'annuités liquidables prévu par le premier alinéa de l'article L. 14.»

Article 4

Les règles applicables à la liquidation de la pension des personnes handicapées remplissant les conditions prévues à l'article L. 351-7-2 du code de la sécurité sociale et relevant des régimes spéciaux autres que celui des fonctionnaires sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 5

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, les règlements des régimes complémentaires obligatoires et facultatifs d'assurance vieillesse détermineront les modalités selon lesquelles les personnes handicapées remplissant les conditions prévues à l'article L. 351-7-2 du code de la sécurité sociale pourront faire liquider leur pension de retraite dès cinquante-cinq ans en bénéficiant des avantages qui leur seraient servis à l'âge de soixante ans.

Article 6

Les charges et pertes de recettes susceptibles de résulter pour l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale des dispositions qui précèdent sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, par la création d'une taxe additionnelle à ces droits, et par le relèvement des dotations globales de fonctionnement et générale de décentralisation.

__________

N° 3184.- Proposition de loi de Mme Boisseau visant à permettre aux personnes handicapées reconnues au taux de 100% et totalisant cent vingt trimestres d'assurance vieillesse de bénéficier d'une retraite à taux plein à partir de cinquante-cinq ans.


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