N° 3185
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2001.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Bernard PERRUT,
Député.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Lors d'un récent bilan de la loi Evin, des spécialistes du cancer ont manifesté leur inquiétude devant les chiffres alarmants de la mortalité due au tabac. En effet, en France, chaque année 60 000 personnes meurent de maladies liées au tabac, et l'OMS prévoit près de 160 000 décès dans notre pays en 2025 si rien n'est fait pour relancer la lutte contre le tabagisme.
La consommation de tabac avait baissé d'environ 14 % au cours des premières années qui ont suivi la mise en application de la loi Evin. Aujourd'hui, cette baisse n'est plus que de 1,5 %. Cette stagnation est d'autant plus inquiétante que nous constatons un taux record de fumeurs chez les jeunes. Plus de la moitié des adolescents de 18 à 25 ans fument et environ 25 % des femmes enceintes fument pendant leur grossesse phénomène récent dont les effets sur la santé des femmes et des enfants sont préoccupants.
Par ailleurs, le tabagisme a progressé chez les plus jeunes. C'est ainsi que la proportion de fumeurs réguliers chez les jeunes de 13 à 18 ans a augmenté de 5 % entre 1991 et 2000.
Une campagne de prévention contre le tabagisme a été lancée en juin 2000, intitulée « la vérité si j'fume ! » Elle s'adressait particulièrement aux jeunes, à ceux qui n'ont pas encore commencé à fumer. A cette occasion, la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer a dénoncé très vivement les stratégies subtiles des fabricants de cigarettes qui, par le biais déguisé de la promotion du tabac, incitent les jeunes à fumer.
Certains cigarretiers se targuaient de faire campagne pour l'interdiction de la vente de cigarettes aux jeunes, et des affiches indiquaient que « les mineurs ne doivent pas fumer » ou que « fumer doit être réservé aux adultes ». Il était possible de se demander si ces messages étaient destinés à les dissuader ou au contraire à les inciter à transgresser un interdit.
L'industrie du tabac continue toujours sa promotion par la publicité dite « subliminale » en rémunérant des acteurs pour qu'ils fument à l'écran ou portent des vêtements au nom de marque de cigarettes. Ces images ont un grand impact auprès des jeunes. Par ailleurs, la promotion des cigarettes est assurée par des jeux, des cadeaux, des primes donnant diverses réductions sur les vêtements ou des voyages gratuits.
Parallèlement, l'industrie du papier à cigarette continue ses efforts publicitaires, par la voie d'annonces dans la presse ou par voie d'affichage ainsi que par des opérations de promotion. Ces campagnes de publicité très actives sont essentiellement destinées aux jeunes consommateurs qui ont reporté leur consommation de cigarettes manufacturées, devenues trop chères, sur le tabac à rouler, moins taxé et donc moins onéreux.
Est-il nécessaire de rappeler que l'usage du papier à cigarette favorise chez ces mêmes jeunes l'usage du cannabis associé au tabac.
Il apparaît aujourd'hui que seule une assimilation du papier à cigarette aux produits du tabac limiterait les effets nocifs de ces campagnes chez les jeunes.
Actuellement, l'ensemble des opérations de promotion liées au tabac peuvent être évaluées à environ 1 milliard de francs par an selon l'Observatoire des promotions. Cette somme est au moins égale et peut-être même supérieure à celle précédemment dépensée en publicité directe et indirecte.
La lutte contre le tabagisme est un impératif de santé publique. Lorsque les statistiques révèlent également que ce fléau atteint très fortement les populations les plus défavorisées et les jeunes, il est de la responsabilité sociale du législateur de prévenir et de protéger ces personnes vulnérables.
Le nouveau code pénal introduit la responsabilité des personnes morales et le législateur a défini le principe de cette responsabilité dans un certain nombre de domaines tels que la pollution atmosphérique ou la protection de l'environnement.
Il apparaît aujourd'hui important de compléter la loi du 9 juillet 1976 en introduisant la responsabilité des personnes morales pour les infractions aux règles de publicité en faveur du tabac.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les motifs pour lesquels nous soumettons à votre examen la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article L. 3511-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le papier à cigarette est assimilé aux produits du tabac. »

Article 2

Il est inséré, après l'article L. 3512-2 du code de la santé publique, un article L. 3512-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3512-3. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 3511-3 et L. 3511-6.
« Les peines encourues par les personnes morales sont celles mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article 131-39 du même code.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 au même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ».
N°3185- Proposition de loi de M.Perrut visant à renforcer la lutte contre le tabagisme(commission des affaires culturelles)


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