N° 3274
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 septembre 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à rendre obligatoire la conservation par la Banque de France des signes monétaires du franc.

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Jacques MYARD,
Député.

Banques et établissements financiers.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs
Dans la logique du traité de Maastricht (1992) et d'Amsterdam (1997), l'euro, qui existe depuis le 1er janvier 1999 sur les marchés financiers et dans les échanges internationaux, va entrer, dans six mois, dans la vie quotidienne des Européens.
Le 1er janvier 2002, les billets et pièces en euros seront mis en circulation dans les douze pays de la zone euro. Les Français vont devoir s'y accoutumer rapidement : la période de coexistence des monnaies nationales et de l'euro, en tout état de cause inférieure à six mois, prend fin en France dès le 17 février : à cette date, les paiements en pièces et billets en francs ne seront plus autorisés.
Il eût été préférable de laisser coexister l'euro comme monnaie des douze Etats membres avec le franc, ce dernier étant certes réduit à une simple subdivision de l'euro. L'irruption de l'euro dans la vie quotidienne des Français va être source de difficultés nombreuses. La conversion de tous les prix au taux de 6,5597 anciens francs pour une nouvelle unité monétaire entraînera inévitablement des lenteurs, des complications, des erreurs et des escroqueries en tous genres. Depuis janvier 1999, les Français peuvent effectuer leurs paiements en euros mais tant les particuliers que les entreprises se sont refusé massivement à bouleverser leurs habitudes de paiement et n'ont pas exploité cette possibilité.
Mais telle n'a pas été la solution retenue. Ainsi donc, le franc va disparaître.
Qu'advient-il des instruments de paiement en francs après leur retrait de circulation ? Selon des informations concordantes, ils seront détruits, les billets étant incinérés et les pièces refondues.
Le Gouvernement allemand, quant à lui, s'est gardé d'envisager la suppression de sa monnaie nationale et s'est, au contraire, engagé à conserver les Deutsche Mark pour faire face à tout aléa.
La sagesse commande d'adopter la même démarche de prudence car la destruction des signes monétaires du franc comporte de nombreux risques.
L'abandon du franc repose sur un pari politique qui consiste à vouloir confirmer l'irréversibilité de la construction d'un super Etat fédéral par la contrainte de la monnaie unique. Ce pari est illusoire car il fait fi des doutes qui, de l'avis d'un certain nombre d'experts impartiaux, pèsent sur la viabilité à terme de l'euro.
Il existe, en effet, une contradiction majeure entre le système de la monnaie unique, qui impose une gestion économique centralisée, et l'hétérogénéité, conjoncturelle et structurelle des espaces nationaux de la zone euro qui ne satisfait pas aux conditions d'une « zone monétaire optimale ». Des chocs asymétriques ne manqueront pas de s'y produire : dans ce cas, la zone euro est condamnée à imploser, sauf à organiser en son sein des transferts massifs de revenus compensateurs entre les Etats conduisant tout droit à une perspective fédéraliste, à une union de transferts.
Or, il paraît peu probable que l'euro, première monnaie sans Etat, puisse perdurer.
En d'autres termes, la survie de l'euro est loin d'être acquise et le risque est bien réel qu'il succombe à ses contradictions internes.
La disparition physique des signes monétaires du franc serait une faute grave alors que l'euro n'a pas fait ses preuves et n'est pas à l'abri d'une crise grave dans le futur. Il convient en conséquence de prendre en compte le principe de précaution, si souvent et légitimement invoqué dans d'autres domaines.
Dans ces conditions, sachant que l'imprimerie de Chamalières et l'usine de Pessac ont besoin d'un délai de un an pour les billets et d'au moins cinq ans pour les pièces afin de reconstituer le stock (qui représente 1,4 milliards de billets et 18 millions de pièces), il importe de rendre obligatoire le stockage des billets et pièces en francs.
Cette conservation est techniquement possible dans les installations de la Banque de France qui servent actuellement à stocker les euros.
Au nom du principe de précaution, il faut exiger que la Banque de France conserve les signes monétaires du franc.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Il est créé, dans le titre II du livre Ier du code monétaire et financier, un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III
« Conservation par la Banque de France
des signes monétaires du franc

« Art. L. 123-1. - La Banque de France a obligation de stocker les billets et pièces en francs pour une durée illimitée lors de leur retrait définitif de circulation le 17 février 2002.
« Art. L. 123-2. - Un décret déterminera les modalités d'application des présentes dispositions. »
3274. - Proposition de loi de M. Jacques Myard tendant à rendre obligatoire la conservation par la Banque de France des signes monétaires du franc (commission des finances).


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