N° 3353
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 octobre 2001.
PROPOSITION DE LOI
tendant à transformer les conseils généraux
en
conseils départementaux de l'intercommunalité.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Michel HUNAULT,
Député.

Collectivités territoriales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les conseils généraux créés en 1790 ont été, pendant longtemps, l'un des archétypes des institutions républicaines. Parfaitement adaptés à une France majoritairement rurale, assurant à l'échelle du canton un authentique débat de proximité, ils ont contribué à un aménagement harmonieux du territoire et à sa vitalité.
Ce modèle s'est peu à peu essoufflé malgré la proximité de l'échelon qu'il représente dans l'organisation administrative du territoire.
L'urbanisation accélérée de notre pays a progressivement retiré aux cantons leur fonction identitaire. Dans nombre d'agglomérations, cet échelon territorial a même perdu toute lisibilité pour nos concitoyens.
L'effacement de la distinction traditionnelle entre le monde rural et le monde urbain, au profit de larges bassins de vie où lieu de travail et lieu d'habitation sont souvent nettement séparés, a même contribué à affaiblir l'image du canton jusqu'en milieu traditionnellement rural. La récente « loi Chevènement» a contribué, autour de véritables pôles d'attractivité et d'équilibre, à la création des intercommunalités répondant mieux à la réalité.
Ainsi, la décentralisation et les formules de coopération intercommunale ont donné aux communes et à leurs groupements une dynamique nouvelle qui est, à l'inverse, vécue beaucoup plus intensément par nos compatriotes.
On ajoutera que les évolutions démographiques très différenciées de l'ensemble des cantons ne permettent plus, malgré des redécoupages périodiques, de considérer leurs élus comme également représentatifs.
Le département reste indispensable en tant que cadre d'organisation intermédiaire. Mais si l'on veut que la démocratie garde une signification à cette échelle, il est désormais indispensable de l'asseoir sur d'autres bases.
Tout l'effort des trente dernières années a consisté à encourager la naissance et le développement des intercommunalités. Aujourd'hui en plein essor, sous des formes variées qui leur permettent de s'adapter à la diversité territoriale de notre pays, c'est elles qui sont devenues le lieu le plus significatif des choix et des enjeux locaux. Plutôt que sur des structures cantonales dont la perception s'estompe peu à peu, c'est sur cette réalité qu'il convient désormais d'asseoir la démocratie départementale.
Reprenant l'essentiel des compétences des actuels conseils généraux, les conseils départementaux de l'intercommunalité devraient à l'avenir consacrer ce changement profond de la vie locale dans notre pays. Cette modification serait aussi l'occasion d'une clarification des compétences avec les autres collectivités : communes, régions...
La durée du mandat de ses membres serait de six ans; leur désignation ne se ferait plus par moitié tous les trois ans mais dans sa globalité dans le mois suivant les élections municipales et la mise en place des structures intercommunales issues des élections précitées.
Maintenant le lien direct entre le département et les citoyens, ces conseils seraient élus au scrutin de liste départemental à la proportionnelle, les listes étant constituées de candidats choisis parmi les représentants des conseils des intercommunalités. Cette formule permettrait tout à la fois de favoriser une approche plus large des problèmes locaux et d'encourager la mise en place systématique des intercommunalités.
Ces conseils départementaux reprendraient, en outre, les attributions actuellement dévolues aux commissions départementales de la coopération intercommunale.
Telles sont les principales dispositions de la présente proposition de loi que nous vous proposons d'adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Dans l'ensemble des dispositions du code général des collectivités territoriales, du code électoral, et des lois et règlements relatifs aux départements, les termes : «  conseil général », «  président de conseil général », «  conseiller général », sont respectivement remplacés par les termes : «  conseil départemental de l'intercommunalité », «  président du conseil départemental de l'intercommunalité », «  conseiller départemental de l'intercommunalité ».

Article 2

I. - L'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil départemental de l'intercommunalité établit et tient à jour un état de la coopération intercommunale dans le département. Il peut formuler toute proposition tendant à renforcer la coopération intercommunale. A cette fin, il entend, à leur demande, des représentants des collectivités territoriales concernées. Le représentant de l'Etat dans le département le consulte dans les conditions fixées à l'article L. 5211-5 sur tout projet de création d'un établissement public de coopération intercommunale. Tout projet d'association de communes en vue de l'élaboration d'une charte intercommunale de développement et d'aménagement lui est communiqué. Ses propositions et observations sont rendues publiques. »
II. - Les articles L. 5211-42 à L. 5211-45 du code général des collectivités territoriales sont supprimés.

Article 3

Dans le titre III du livre Ier du code électoral, les chapitres Ier « Composition des conseils généraux et durée des mandats des conseillers» et II « Mode de scrutin» sont ainsi rédigés :

« Chapitre Ier
« Composition des conseils départementaux,
de l'intercommunalité et durée du mandat des conseillers

« Art. L. 191. - Les conseils départementaux de l'intercommunalité sont composés de représentants des communautés de communes, communautés urbaines et communautés d'agglomération.
« L'effectif de chaque conseil départemental est égal à l'effectif actuel du conseil général. Il est augmenté de dix sièges si le nombre moyen d'électeurs inscrits dans les cantons existants est supérieur à 10000.
« Art. L. 192. - Les conseillers départementaux de l'intercommunalité sont élus pour six ans pour une durée égale au mandat municipal.
« Les conseils départementaux se renouvellent intégralement. Les élections ont lieu dans le mois qui suit la mise en place des structures intercommunales issues des élections municipales.

« Chapitre II
« Mode de scrutin

« Art. L. 193. - Les conseillers départementaux de l'intercommunalité sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au tiers du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au tiers du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.
« Art. L. 193-1. - Ne peuvent être présentés comme candidats que les personnes déléguées par une commune du département dans le conseil de l'un des établissements publics de coopération intercommunale visés à l'article L. 191. »

Article 4

L'article L. 194 du code électoral est supprimé.

Article 5

Dans le titre III du livre Ier du code électoral, le chapitre IV bis est ainsi rédigé :

«  Chapitre IV bis
« Déclarations de candidatures

« Art. L. 210-1. - Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe.
« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié à la préfecture de région par le candidat tête de liste sur laquelle ils figuraient au premier tour.
« Art. L. 210-2. - La déclaration de candidature, résulte du dépôt à la préfecture du département d'une liste répondant aux conditions fixées aux articles L. 338, L. 346 et L. 348.
« Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou par un mandataire porteur d'un mandat écrit établi par ce candidat. Elle indique expressément :
«  1° Le titre de la liste présentée ;
«  2° Les noms, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats.
« 3° L'établissement public de coopération intercommunale au conseil duquel appartient chacun des candidats.
« Art. L. 210-3. - Nul ne peut être candidat sur plus d'une liste. Est nul et non avenu l'enregistrement de listes portant le nom d'une ou plusieurs personnes figurant sur une autre liste de candidats.
« Art. L. 210-4. - Pour le premier tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le quatrième lundi qui précède le jour du scrutin, à midi. Il en est donné récépissé provisoire. Elles sont enregistrées si les conditions prévues aux articles L. 339, L. 340, L. 341 et L. 346 à L. 348 sont remplies.
« Le refus d'enregistrement est motivé. Un récépissé définitif est délivré par le représentant de l'Etat dans le département, après enregistrement, au plus tard le quatrième vendredi qui précède le jour du scrutin, à midi.
« Pour le second tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le mardi suivant le second tour, à 18 heures. Récépissé définitif est délivré immédiatement aux listes répondant aux conditions fixées aux articles L. 346 et L. 347. Il vaut enregistrement. Le refus d'enregistrement est motivé.
« Art. L. 210-5. - Pour les déclarations de candidature avant le premier tour, le candidat placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de quarante-huit heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu du département, qui statue dans les trois jours.
« Lorsque le refus d'enregistrement est motivé par l'inobservation des dispositions des articles L. 339, L. 340, L. 341-1 ou L. 348, de la décision du tribunal administratif confirmant le refus.
« Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la candidature est enregistrée si le tribunal administratif, saisi par le candidat tête de liste ou son mandataire, n'a pas statué dans le délai prévu au premier alinéa.
« Pour les déclarations de candidature avant le second tour, le candidat placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu du département, qui statue dans les vingt-quatre heures de la requête. Faute par le tribunal d'avoir statué dans ce délai, la candidature de la liste est enregistrée.
« Dans tous les cas, les décisions du tribunal administratif ne peuvent être contestées qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection.
« Art. L. 210-6. - Aucun retrait volontaire ou remplacement de candidat n'est accepté après le dépôt de la liste. Les listes complètes peuvent être retirées, avant le premier tour, au plus tard le quatrième samedi précédant le scrutin, à midi; avant le second tour, avant l'expiration du délai de dépôt des candidatures. La déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste. Il est donné récépissé des déclarations de retrait. »

Article 6

Dans le titre III du livre Ier du code électoral, le chapitre VIII est ainsi rédigé :

« Chapitre VIII
« Remplacement des conseillers départementaux
de l'intercommunalité.

« Art. L. 221. - Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller départemental élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit.
« Le représentant de l'Etat dans le département notifie le nom de ce remplaçant au président du conseil départemental de l'intercommunalité.
« Le mandat de la personne ayant remplacé un conseiller départemental dont le siège était devenu vacant expire lors du renouvellement du conseil départemental qui suit son entrée en fonction.
« Lorsque les dispositions du premier alinéa du présent article ne peuvent être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil départemental de l'intercommunalité. Toutefois, si le tiers des sièges d'un conseil départemental vient à être vacant par suite du décès de leurs titulaires, il est procédé au renouvellement intégral du conseil départemental dans les trois mois qui suivent la dernière vacance pour cause de décès, sauf le cas où le renouvellement général des conseils doit intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance. »

Article 7

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
3353 - Proposition de loi de M. Michel Hunault tendant à transformer les conseils généraux
en conseils départementaux de l'intercommunalité (commission des lois) -collectivités locales-.


© Assemblée nationale