N° 3487
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2001.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'expulsion des étrangers en situation régulière qui se sont rendus coupables de crime ou de trafic de stupéfiants.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Thierry MARIANI, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, René ANDRÉ, Pierre AUBRY, Gautier AUDINOT, Mme Martine AURILLAC, MM. André BERTHOL, Léon BERTRAND, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Olivier de CHAZEAUX, Charles COVA, Xavier DENIAU, Jean-Michel DUBERNARD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Jean de GAULLE, Gérard HAMEL, Didier JULIA, Jacques KOSSOWSKI, Jean-Claude LEMOINE, Jacques LIMOUZY, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Gilbert MEYER, Jacques MYARD, Jacques PÉLISSARD, Serge POIGNANT, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Michel TERROT, Jean UEBERSCHLAG, Jean VALLEIX et François VANNSON,

Députés.
Etrangers.
EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Depuis quelques années et, particulièrement depuis plusieurs mois, nous sommes confrontés, sur l'ensemble du territoire national, à une aggravation très préoccupante de l'insécurité.
Cette situation est malheureusement confirmée par les statistiques qu'il nous est donné de consulter : la délinquance a augmenté de 5,72 % en un an (de 1999 à 2000), soit 3771849 faits constatés (plus 202985 en un an). On a ainsi recensé, en 2000, une progression de 13 % des vols à main armée, de 10 % des vols avec violence, 204000 faits délictueux supplémentaires, 30000 incidents classés sous la rubrique « violences urbaines » et 15000 voitures brûlées l'an dernier !
Des chiffres émanant du ministère de l'Intérieur ont été rendus publics au printemps 2001. Ils montrent, sans ambiguïté possible, une recrudescence sans précédent de ce phénomène. Ainsi, pour les cinq premiers mois de l'année 2001, les crimes et délits ont augmenté de 9 % en zone urbaine (zone de police) et de 20 % en zone rurale (zone de gendarmerie), avec des pics bien plus importants dans certaines agglomérations. On prévoit qu'à la fin de l'année 2001 les infractions constatées dépasseront 4 millions.
Une telle situation ne peu continuer sans mettre en péril l'équilibre de notre société. D'autant que les actes commis sont de plus en plus violents et concernent désormais l'ensemble du territoire national, y compris les petites villes et les zones rurales, et non plus seulement les agglomérations les plus importantes.
Plusieurs observations peuvent être menées afin d'analyser le phénomène de la violence. Si on constate une proportion croissante des mineurs impliqués dans les actes de délinquance, on se rend également compte que le pourcentage des étrangers impliqués est élevé.
Dans une réponse du 8 janvier 2001 à une question écrite n° 44431 que j'ai déposée le 3 avril 2000 au Journal officiel, la ministre de la Justice a ainsi précisé que le nombre des étrangers détenus dans les prisons françaises atteignait 11527 en 2000.
A l'examen des statistiques fournies par la garde des Sceaux, il apparaît clairement que les étrangers sont sur représentés dans les établissements pénitentiaires par rapport à la part qu'ils occupent dans la population française. En effet, alors qu'en mars 1999 les étrangers représentaient 5,6 % de l'ensemble de la population, ils constituaient en 2000 22,4 % de la population carcérale.
Un tableau, annexé à la réponse gouvernementale, indique précisément la structure de la population pénale selon la nationalité pour l'année 2000 et par direction régionale de l'administration pénitentiaire.
Voici les statistiques trimestrielles établies en janvier 2000 :
DRSP Pourcentage
d'étrangers

Bordeaux 19,2
Dijon 19.6
Lille 16.2
Lyon 19.6
Marseille 25.6
Paris 30.2
Rennes 8.2
Strasbourg 19.3
Toulouse 24.4
Outre-mer 13.9
Ensemble
22.4
A la lecture de ces chiffres, on se rend compte qu'il est important d'évaluer avec précision les actions menées par la justice contre les étrangers auteurs de faits délictueux.
Devant la régression effective du droit à la sécurité, il apparaît indispensable de renforcer l'arsenal répressif contre les délinquants, notamment ceux de nationalité étrangère.
Actuellement, l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France précise que l'expulsion d'un étranger peut être prononcée « si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ». Cette disposition est malheureusement très imprécise, tout pouvant dépendre de l'interprétation donnée à l'expression « menace grave pour l'ordre public ». En outre, l'expulsion des étrangers reconnus coupables d'un trafic de stupéfiant n'est pas systématique.
L'objet de cette proposition de loi est de pallier à cette imprécision de la loi en renforçant les peines complémentaires à l'encontre des étrangers condamnés pour crime ou trafic de stupéfiant.
Ce texte propose les mesures suivantes :
- Les étrangers en situation régulière, condamnés pour avoir commis un crime, voient leur titre de séjour retiré. Ils sont reconduits à la frontière après avoir effectué leur peine.
Ils ne peuvent faire la demande d'un nouveau titre de séjour pendant un délai de dix ans après la fin de leur peine.
- Tout étranger reconnu coupable de trafic de stupéfiants est immédiatement reconduit à la frontière pour être jugé dans son pays d'origine. En l'absence d'accords de coopération judiciaire, il est expulsé après avoir effectué sa condamnation sur le territoire français.
Il perd définitivement toute possibilité d'obtenir un titre de séjour lui permettant de séjourner sur le territoire national.
- Les étrangers en situation régulière, condamnés pour avoir commis un crime ou un trafic de stupéfiants, perdent le droit à toute aide sociale.
L'adoption de ces nouvelles dispositions législatives ayant pour objectif de renforcer les peines complémentaires liées au séjour des étrangers en France (expulsions) permettrait de lutter plus efficacement contre l'insécurité.
Elle témoignerait, en effet, de la détermination de la justice française à sanctionner sévèrement les auteurs de faits délictueux.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Les articles 12 et 18 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire doit être retirée à tout étranger ayant commis un crime. Elle ne peut être à nouveau délivrée dans un délai de dix ans suivant la date de ce retrait. »

Article 2

Le titre XVI du livre IV du code de procédure pénale et le chapitre V de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers sont complétés par un article ainsi rédigé :
« La présence sur le territoire français de tout étranger condamné pour trafic de stupéfiants est considérée comme une menace grave pour l'ordre public.
« Tout étranger reconnu coupable de trafic de stupéfiants, y compris s'il appartient à l'une des catégories définies comme inexpulsable à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, est donc immédiatement reconduit à la frontière pour être jugé dans son pays d'origine dans le cadre des accords de coopération judiciaire existants. En l'absence de tels accords, il est expulsé après avoir effectué sa peine sur le territoire français.
« Il perd définitivement toute possibilité d'obtenir un titre de séjour lui permettant de séjourner sur le territoire national. »

Article 3

L'article 131-10 du code pénal est ainsi rédigé :
« La déchéance immédiate et à titre définitif du droit à toute prestation sociale peut être prononcée à l'encontre de tout étranger coupable de crime ou de trafic de stupéfiants. »

Article 4

L'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers en situation régulière, condamnés pour avoir commis un crime ou un trafic de stupéfiants, perdent le droit à toute aide sociale, comme il est précisé à l'article 131-10 du code pénal. »

Article 5

Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de la présente loi.

3487 - Proposition de loi de M. Thierry Mariani relative à l'expulsion des étrangers en situation régulière qui se sont rendus coupables de crime ou de trafic de stupéfiants (commission des lois)


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