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le 14 janvier 2002
N° 3530

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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 janvier 2002.

PROPOSITION DE LOI

complétant la loi du 15 juin 2000.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
PAR MM. Jean-Marc AYRAULT, Julien DRAY, Bernard ROMAN,
André VALLINI et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)
Députés.

(1) Ce groupe est composé de : MM. Maurice Adevah-Poeuf, Stéphane Alaize, Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Didier Arnal, Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Baeumler, Jean-Pierre Balduyck, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Alain Barrau, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux,
...

Justice

...
Jean-Claude Beauchaud, Mme Yvette Benayoun-Nakache, MM. Henri Bertholet, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, André Billardon, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Marie Bockel, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, André Borel, Jean-Michel Boucheron, Jean-Claude Boulard, Michel Bourgeois, Pierre Bourguignon, Christian Bourquin, Mme Danielle Bousquet, MM. Jean-Pierre Braine, Pierre Brana, Jean-Paul Bret, Mme Nicole Bricq, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Guy-Michel Chauveau, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Didier Chouat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Jean Codognès, Pierre Cohen, François Colcombet, Mme Monique Collange, MM. François Cuillandre, Jacky Darne, Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Philippe Decaudin, Marcel Dehoux, Jean Delobel, François Deluga, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Mme Laurence Dumont, MM. Dominique Dupilet, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Jean-Paul Durieux, Philippe Duron, Henri Emmanuelli, Jean Espilondo, Michel Etievant, Claude Evin, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Mme Nicole Feidt, MM. Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Pierre Forgues, Raymond Forni, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Georges Frêche, Michel Fromet, Gérard Fuchs, Robert Gaïa, Yann Galut, Roland Garrigues, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. André Godin, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Gérard Gouzes, Bernard Grasset, Michel Grégoire, Mmes Odette Grzegrzulka, MM. Jacques Guyard, Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Edmond Hervé, Jacques Heuclin, François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Claude Jacquot, Serge Janquin, Jacky Jaulneau, Patrick Jeanne, Armand Jung, Jean-Noël Kerdraon, Bertrand Kern, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean Launay, Mmes Jacqueline Lazard, Christine Lazerges, MM. Gilbert Le Bris, André Lebrun, Jean-Yves Le Déaut, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Georges Lemoine, Bruno Le Roux, René Leroux, Jean-Claude Leroy, Alain Le Vern, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. Gérard Lindeperg, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Pierre Marché, Daniel Marcovitch, Didier Marie, Jean-Paul Mariot, Mme Béatrice Marre, MM. Marius Masse, Didier Mathus, Gilbert Maurer, Guy Menut, Roland Metzinger, Louis Mexandeau, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Gilbert Mitterrand, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Arnaud Montebourg, Philippe Nauche, Bernard Nayral, Henri Nayrou, Mme Véronique Neiertz, MM. Alain Néri, Michel Pajon, Joseph Parrenin, Vincent Peillon, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Jean-Pierre Pernot, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mmes Annette Peulvast-Bergeal, Catherine Picard, MM. Jean-Pierre Pujol, Paul Quilès, Dominique Raimbourg, Alfred Recours, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Patrick Rimbert, Jean-Claude Robert, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Yves Rome, Gilbert Roseau, Joseph Rossignol, Mme Yvette Roudy, MM. Jean Rouger, René Rouquet, Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Patrick Sève, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Michel Tamaya, Yves Tavernier, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Daniel Vachez, André Vallini, André Vauchez, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, Alain Veyret, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Kofi Yamgnane.
(2) MM. Yvon Abiven, Léo Andy, Alain Calmat, Jean-Claude Daniel, Camille Darsières, Christian Franqueville, Guy Malandain, Daniel Marsin, Mme Michèle Rivasi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a permis d'assurer la conformité de notre procédure pénale aux exigences qui sont celles d'un Etat de droit, et notamment aux prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La loi du 15 juin 2000 a donc constitué une réelle avancée pour notre système pénal dans la direction d'une justice moins expéditive, davantage respectueuse de la présomption d'innocence et qui renforce la place de la victime dans la démarche judiciaire.
Ces avancées, obtenues grâce à la volonté de tous, constituent aujourd'hui des acquis sur lesquels il ne saurait être question de revenir : présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, meilleure information de ses droits à la personne placée en garde à vue, encadrement de la mise en détention provisoire, instauration du juge des libertés et de la détention, possibilité de faire appel des arrêts rendus par les cours d'assises.
Dans une démocratie effective, les droits fondamentaux sont des principes qui se renforcent en permanence par de nouvelles garanties données par la loi.
Toutefois, il apparaît, après la première année d'application de cette réforme, que celle-ci doit faire l'objet, sur certains points, d'aménagements techniques.
Il est d'ailleurs compréhensible que, face à l'ampleur des modifications introduites par la loi, les difficultés d'application n'aient pu être toutes anticipées dans la phase d'élaboration législative.
Les changements intervenus dans la procédure pénale à travers l'adoption de la loi du 15 juin 2000 ont ainsi pu créer des situations d'insécurité juridique, le plus souvent par manque de clarification, pouvant nuire à l'efficacité du travail de l'enquêteur.
Par ailleurs, de nouvelles dispositions - dont l'introduction reste pleinement justifiée - (possibilité de faire appel des arrêts rendus par les cours d'assises, encadrement des placements en détention provisoire des personnes exerçant l'autorité parentale) pourraient, à travers des aménagements, être rendues plus cohérentes.
La présente proposition de loi vise donc, au regard des enseignements pratiques que nous pouvons tirer de sa mise en _uvre, à faciliter la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 ainsi que le travail de la police, sans pour autant remettre en cause les principes généraux qui en sont à l'origine.
Ces aménagements, qui font l'objet des six articles de la présente proposition de loi, répondent, notamment, aux observations faites par les rapports rédigés par M. Julien Dray, à la demande du Premier ministre, et par Mme Christine Lazerges, chargée par la commission des Lois de l'Assemblée nationale d'une mission d'évaluation de la loi du 15 juin 2000.
L'article 1er définit de façon plus précise l'exigence d'indices permettant le placement en garde à vue d'une personne, en reprenant les termes utilisés par l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à savoir l'exigence d'une raison plausible permettant de soupçonner la personne d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction.
Par coordination, le simple témoin, qui peut être retenu le temps nécessaire à son audition mais qui ne peut être placé en garde à vue, est défini comme la personne à l'égard de laquelle il n'existe aucune raison plausible de la soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre l'infraction.
L'article 2 propose une nouvelle formulation du droit au silence, afin que celui-ci ne soit pas compris par le gardé à vue comme une incitation à se taire. En outre, il diffère à la fin de la garde à vue l'obligation de communiquer à la personne les dispositions de l'article 77-2 du code de procédure pénale, permettant à la personne de demander au juge des libertés et de la détention de contrôler la durée de l'enquête préliminaire. Enfin, il précise que les diligences résultant de l'obligation mentionnée au premier alinéa de l'article 63 et de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 (avis à famille) et 63-3 (examen par un médecin) du même code doivent être effectuées dans un délai qui n'excède pas trois heures à compter du moment où la personne a été effectivement placée en garde à vue, sauf circonstances insurmontables.
L'article 3 prévoit la possibilité de placer en détention provisoire une personne qui n'a pas encore été condamnée et à laquelle il est reproché plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans.
L'article 4 clarifie les dispositions exigeant le recours à une enquête sociale avant toute décision de placement en détention provisoire d'une personne qui exerce l'autorité parentale sur un enfant en la réservant au cas où cette autorité est exercée de façon exclusive. Par ailleurs, il étend cette disposition aux mineurs de seize ans au plus, alors qu'actuellement elle ne concerne que les enfants de moins de dix ans.
L'article 5 donne au parquet la possibilité de faire appel des décisions d'acquittement rendues par les cours d'assises, mais uniquement en cas d'appel de la condamnation d'un co-accusé.
L'article 6 prévoit l'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

I. -  Aux premiers alinéas des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, les mots : « des indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».
II. -  Au dernier alinéa de l'article 62, au premier alinéa de l'article 153 et au premier alinéa de l'article 706-57 du même code, les mots : « aucun indice faisant présumer », sont remplacés par les mots : « aucune raison plausible de soupçonner », et au deuxième alinéa de l'article 78 les mots : « n'existent pas d'indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner ».

Article 2

I. -  La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code est supprimée.
II. -  A la troisième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code, les mots : « qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs » sont remplacés par les mots : « qu'elle a le choix de se taire, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de faire des déclarations. Elle est avisée que son silence est susceptible de lui porter préjudice dès lors qu'il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».
III. -  L'article 63-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa connaissance.
« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de l'obligation mentionnée au premier alinéa de l'article 63 et de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été effectivement placée en garde à vue. »
IV. -  Au premier alinéa de l'article 63-2 du même code, les mots : « sans délai » sont remplacés par les mots : « dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 63-1 ».

Article 3

Après le quatrième alinéa de l'article 143-1 du même code est inséré un alinéa ainsi rédigé : 
« 3° Il est reproché à la personne mise en examen plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans. »

Article 4

Au premier alinéa de l'article 145-5 du même code, les mots : « ou la prolongation de la détention provisoire » sont supprimés, les mots : « d'une personne faisant connaître qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans » sont remplacés par les mots : « d'une personne faisant connaître, au plus tard lors de l'interrogatoire de première comparution, qu'elle exerce à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de seize ans au plus » et les mots : « toutes mesures propres à éviter la détention de l'intéressé ou à y mettre fin » sont remplacés par les mots : « toutes mesures propres à éviter que la santé, la sécurité et la moralité du mineur ne soient en danger ou que les conditions de son éducation ne soient gravement compromises. »

Article 5

L'article 380-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le ministère public peut également faire appel des arrêts d'acquittement lorsqu'une décision de condamnation ayant fait l'objet d'un appel a été prononcée à l'encontre d'un co-accusé. »

Article 6

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

3530 - Proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault complétant la loi du 15 juin 2000 (commission des lois)-présomption d'innocence-


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