No 3570
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 février 2002.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
chiffres de la délinquance.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Claude GOASGUEN
et les membres du groupe démocratie libérale et indépendants (1),
Députés.

(1) Ce groupe est composé de: Mme Nicole Ameline, M. François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM. Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Bernard Deflesselles, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Philippe Houillon, Denis Jacquat, Aimé Kergueris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Alain Madelin, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Bernard Perrut, Jean Proriol, Mme Marcelle Ramonet, MM. Jean Rigaud, Jean Roatta, José Rossi, Joël Sarlot, Guy Teissier, Gérard Voisin, Paul Patriarche, Jean-Pierre Soisson.
Ordre public.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La sécurité doit être conçue comme un acte positif qui permet d'épanouir la liberté. Il n'y a pas de liberté sans sécurité. L'on peut bien faire les réformes les plus profondes, les plus puissantes et les plus coûteuses, elles ne passeront pas si les Français ne se sentent pas en sécurité, précisément, dans leur vie quotidienne, s'ils ne se sentent pas assez bien pour laisser s'épanouir leur force de travail, leur imagination, leurs qualités personnelles.
Or, ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'insécurité augmente chaque jour en France : près de 8 % en 2001. Agressions, vols, cambriolages, viols, insultes, voitures brûlées, dégradations de bâtiments sont le lot quotidien de nombreux Français. Les témoignages se multiplient dans les journaux ou sur les télévisions. Chacun de nous connaît désormais au moins une personne qui a vécu des événements dramatiques. Personne ne songe plus à nier les faits et à invoquer un prétendu «sentiment d'insécurité» paranoïaque.
La lutte contre l'insécurité exige de connaître la vérité. Et la vérité des chiffres ne semble pas être celle du Gouvernement, qui suscite pour le moins des doutes.
Aujourd'hui, les graves accusations portées par un ancien responsable des Renseignements généraux viennent malheureusement confirmer les doutes sur la fiabilité des chiffres de la criminalité annoncés par le ministère de l'Intérieur, et sur leur éventuelle manipulation, donnant aux Français le sentiment qu'on veut leur cacher la vérité.
Le Gouvernement osait se réjouir il y a peu d'un «tassement» de la violence scolaire, le jour même où plusieurs lycéens étaient attaqués à l'acide, alors même que la violence dans les établissements scolaires connaît une montée constante depuis plusieurs années, allant de pair avec la montée généralisée de la délinquance chez les mineurs, elle-même rendue possible par une ordonnance de 1945 qui, de toute évidence, doit être réformée au vu de la situation actuelle.
Le Gouvernement fait l'éloge de ses nouvelles méthodes de mesures des violences à l'école, sans pourtant préciser leur manque de fiabilité. Un grand nombre d'établissements scolaires n'a pas répondu à l'enquête et ils ne sont donc pas comptabilisés dans le logiciel mis en place par le ministère de l'Education nationale, un logiciel utilisé pour la première fois, qui ne permet donc aucune comparaison valable avec les mois ou les années passés.
Les communications du Gouvernement autour de chiffres aléatoires laissent une désagréable impression de manipulation, un arrière-goût de petit arrangement avec la réalité. Bien entendu, des esprits angéliques nous accuseront de vouloir polémiquer inutilement et de vouloir tirer des avantages politiques de la souffrance de nos concitoyens. Nous ne pourrons pas nous dispenser pour autant de la vérité.
Il est plus que temps que la France, comme d'autres pays européens, comme les Etats-Unis, se dote d'une autorité indépendante et incontestée qui publie un rapport, chaque année, faisant le point sur ce sujet, en croisant les données, en faisant des enquêtes de victimisation, c'est-à-dire une action dynamique qui permette de contrôler le niveau d'insécurité par des chiffres irréfragables.
Le projet d'un Observatoire, évoqué récemment, a malheureusement été renvoyé a une date postérieure aux élections présidentielles de manière complètement incompréhensible au regard de l'urgence de la situation. Nos concitoyens, qui souffrent quotidiennement de l'insécurité, ne peuvent plus attendre.
C'est pourquoi il ne faut plus laisser aucun doute sur la réalité des violences dans notre pays et une commission parlementaire d'enquête devrait rapidement s'atteler aux tâches suivantes :
- analyser les sources actuelles des chiffres de la délinquance, auditionner les responsables sous serment, vérifier d'éventuelles manipulations et, enfin, établir un véritable bilan de l'insécurité pour ces dernières années de sorte que, dans la pluralité des opinions, les parlementaires puissent transmettre les résultats aux citoyens avant les élections;
- en s'inspirant des méthodes éprouvées dans d'autres pays, recommander un système fiable et indépendant de mesure de la criminalité auxquels sont confrontés les Français dans leurs différents lieux de vie : à l'école, sur leur lieu de travail, dans la rue, dans leur quartier;
- vérifier les meilleurs moyens pour assurer le libre accès de chaque citoyen et de la représentation nationale aux informations concernant l'insécurité.
La fin proche de cette législature ne saurait empêcher les députés de continuer à exercer jusqu'au bout de leur mandat leurs fonctions de contrôle et d'enquête sur des sujets aussi importants. De la même façon, le Gouvernement ne peut en aucune façon se prévaloir de l'approche des élections législatives pour nous opposer une fin de non-recevoir. Les Français ne le comprendraient pas.
Il est capital, dans cette période de crise, de contribuer à l'établissement de la vérité. Il convient d'éviter les polémiques, comme il convient de donner au vote des citoyens, quel que soit son sens, une base de vérité, qui constitue la meilleure manière de choisir dans la sérénité la politique de l'avenir.
Vérité et sécurité ne sont ni de droite ni de gauche. Encore faudrait-il que la vérité soit connue dans toute sa lumière.
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres afin d'étudier l'évolution de la criminalité en France ces dernières années et de recommander la mise en place d'un organisme indépendant de suivi de cette évolution.

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3570 - Proposition de résolution de M. Claude Goasguen tendant à la création d'une commission d'enquête sur les chiffres de la délinquance.


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