N° 3629
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 février 2002.
PROPOSITION DE LOI
portant réforme de l'atelier protégé
et du statut de l'
entreprise adaptée.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par M. Jean-François CHOSSY,
Député.

Handicapés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Créé par la loi du 23 novembre 1957 puis redéfini par la loi en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, l'atelier protégé a pour objectif d'offrir un emploi salarié à des personnes handicapées dont le placement dans un milieu normal de travail s'avère impossible.
Il a pour mission d'insérer professionnellement des personnes handicapées exclues du circuit économique dont la capacité de travail est au moins égale a un pourcentage fixé par décret (capacité de travail supérieure au tiers de la normale).
Le dispositif de l'atelier protégé fut en fait le premier capable d'offrir une véritable insertion professionnelle à des exclus de l'emploi, trente ans avant l'entreprise d'insertion.
Plus de 90 % des ressources de l'atelier protégé proviennent de son activité économique et ses salariés handicapés relèvent du code du travail. Les ateliers protégés se distinguent cependant des centres d'aide par le travail (CAT), financés par les pouvoirs publics, et dont le but est d'apporter un accompagnement médico-social à des personnes gravement handicapées.
De 1981 à 2000, les ateliers protégés ont vu leur nombre multiplié par plus de 5, passant de 98 à 538, tandis que dans le même temps leurs effectifs triplaient, pour dépasser aujourd'hui le nombre de 20000 salariés dont 18264 handicapés. Leurs secteurs d'activité sont très vastes, allant de l'industrie (câblage électrique, électronique, montage électromécanique, menuiserie, confection...) aux services (conditionnement à façon, imprimerie, façonnage de documents, nettoyage industriel, espaces verts, bureautique...). Leur chiffre d'affaires dépasse les 2 milliards de francs.
Pourtant, être handicapé aujourd'hui et trouver un emploi en entreprise relève encore bien souvent du «parcours du combattant».
210000 personnes handicapées sont en effet à la recherche d'un emploi et les salariés handicapés ne représentent seulement que 4 % de l'effectif global des entreprises ordinaires alors que la loi de 1987 en prévoit 6 %. C'est dire si la mission des ateliers protégés conserve toute son actualité.
L'évolution du contexte économique et social, qui met cependant en évidence de multiples contradictions entre vocation sociale et droit du travail, crée aujourd'hui un certain nombre de problèmes, voire de dysfonctionnements, pour les ateliers protégés. En ce début de xxie siècle, ceux-ci ont besoin d'une refonte totale de leur cadre juridique.
La présente proposition de loi a donc pour but de faire évoluer l'atelier protégé en «entreprise adaptée» en lui attribuant de nouvelles missions, en lui donnant les moyens d'évaluer et d'orienter les travailleurs et en créant un statut du salarié à part entière à la personne handicapée depuis son embauche jusqu'à sa retraite. Ces nouvelles dispositions sont indispensables pour permettre cette évolution aux futures entreprises adaptées, mais avec des réponses diversifiées, personnalisées et adaptées.
A ce titre, différentes «formules» d'entreprises adaptées seront définies par décret, en fonction du type de «public» accueilli, de la taille de la structure, de sa forme juridique, de son fonctionnement économique ou encore de son projet social. Ces formules détermineront des objectifs en terme d'évaluation, de formation, ou encore de parcours d'insertion professionnel.
Le titre Ier de la proposition de loi prévoit que la future «entreprise adaptée», tout en demeurant une unité de production sociale qui offre à la personne handicapée des conditions particulières de travail nécessaires à l'exercice de sa profession, devient une entreprise à part entière qui bénéficie a minima des mêmes droits que toutes les entreprises.
La mission de l'entreprise adaptée est définie de la manière suivante : offrir un emploi salarié dans des conditions adaptées aux personnes handicapées exclues du circuit économique et assurer la promotion et la qualification de la personne au cours de son parcours professionnel en remplissant une mission d'entreprise économique ordinaire.
Le travailleur handicapé en entreprise adaptée devient un salarié à part entière et bénéficie de ce fait des mêmes droits que les autres salariés. Il reçoit une rémunération au moins égale au salaire SMIC ou aux minimas conventionnels.
Il bénéficie d'une évolution de sa rémunération comparable à celle des salariés en général. L'âge du départ à la retraite tient compte du handicap.
Le titre II prévoit diverses dispositions de coordination dans le code du travail.

PROPOSITION DE LOI
TITRE Ier
ENTREPRISE ADAPTÉE
Article 1er

Après la sous-section 4 de la section II du chapitre III du titre II du livre III du code du travail, sont insérés une sous-section 4 bis et huit articles ainsi rédigés :

«Sous-section 4 bis
«Entreprise adaptée

«Art. L. 323-33-1. - Les personnes handicapées dont la capacité de travail est supérieure à un pourcentage fixé par décret peuvent bénéficier d'une orientation vers l'emploi, sur décision motivée de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel prévue à l'article L. 323-11. Cette décision d'orientation leur permet de postuler à un emploi en entreprise adaptée ou dans une autre entreprise.
Pour prononcer une orientation vers l'emploi, la commission précitée complète l'évaluation du handicap par une évaluation du potentiel de la personne handicapée, afin de s'assurer que celle-ci ait acquis ou puisse acquérir une compétence professionnelle ainsi que de réelles capacités d'intégration dans le milieu du travail. L'évaluation du potentiel professionnel et le bilan de compétence peuvent être réalisés en entreprise adaptée par le biais d'un stage de six mois au moins préalable à l'embauche.
«Art. L. 323-33-2. - L'entreprise adaptée est une entreprise à finalité sociale qui offre un emploi salarié à des personnes handicapées dans des conditions de travail adaptées à l'exercice de leur profession. Elle met en _uvre des modalités d'emploi susceptibles de faciliter leur promotion professionnelle. L'entreprise adaptée peut prendre la forme d'un centre de distribution de travail à domicile lorsqu'elle emploi des personnes handicapées dans l'impossibilité de se déplacer.
«L'entreprise adaptée a pour mission, dans le cadre de l'économie de marché, d'assurer l'insertion professionnelle et sociale de personnes handicapées à travers l'élaboration d'un projet individuel permettant notamment d'acquérir une qualification et de réaliser un parcours professionnel.
«L'entreprise adaptée bénéficie des mêmes droits et aides que toute autre entreprise. Elle ne peut en aucun cas être exclue des dispositifs de soutien aux entreprises du fait de sa vocation d'insertion.
«Art. L. 323-33-3. - Les entreprises adaptées ne peuvent être créées que par un organisme gestionnaire disposant de la personnalité morale et habilité à conclure des actes de commerce. Elles doivent être agréées par le représentant de l'Etat dans la région.
« Cet agrément nécessitant une enquête doit permettre d'apprécier la motivation du promoteur, la qualité de gestionnaire du futur directeur ainsi que la cohérence économique, financière et sociale du projet.
« Le promoteur devra opter pour une des deux formules d'entreprise adaptée, définie par décret. Ces dernières se déterminent par des objectifs liés à l'accompagnement professionnel, à l'évaluation, à la formation, au parcours interne ou externe du salarié handicapé ainsi que par l'implantation et la nature de l'activité économique de l'entreprise.
«Art. L. 323-33-4. - L'Etat assure à l'entreprise adaptée la compensation des surcoûts résultant de l'emploi des personnes à efficience réduite et du coût des actions de promotion professionnelle et sociale de ces personnes.
« Les surcoûts peuvent résulter d'investissements de nature mobilière ou immobilière, ainsi que de toute action d'encadrement et de soutien engagée au bénéfice des salariés handicapés.
« L'entreprise adaptée bénéficie, en outre de la part de l'Etat, de soutiens nécessaires à l'accomplissement des objectifs propres à la formule d'entreprise adaptée retenue.
« Les entreprises adaptées peuvent recevoir des subventions en application de conventions passées avec l'Etat, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale. Ces subventions peuvent avoir pour objet de contribuer aux investissements, de soutenir les actions en faveur des personnes handicapées comme la formation ou l'accompagnement professionnel
« Art. 1323-33-5. - L'organisme gestionnaire de l'entreprise adaptée est considéré comme employeur et le travailleur handicapé comme salarié.
« Ce dernier bénéficie des mêmes droits et devoirs que tout autre salarié, notamment en ce qui concerne la rémunération, l'application du droit du travail et des dispositions conventionnelles, la formation, les droits à la retraite et à la prévoyance.
« Le travailleur handicapé en entreprise adaptée perçoit une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance ou aux minimas conventionnels.
« Il est rémunéré par son employeur en fonction de son efficience et bénéficie, en outre, au titre de la solidarité nationale, de la compensation de la réduction d'efficience résultant de son handicap dans des conditions fixées par décret. Il ne peut être exclu des aides ou soutiens accordés aux personnes handicapées.
« Art. L. 323-33-6. - Le développement des compétences et de l'autonomie du salarié handicapé fait l'objet d'un projet individuel régulièrement évalué et actualisé. La progression de la qualification et l'évolution professionnelle sont soutenues par des projets de formation dotés de financements adéquats.
« En cas de départ volontaire vers une autre entreprise, le salarié handicapé démissionnaire bénéficie, au cas où il souhaiterait réintégrer l'entreprise adaptée, d'une priorité d'embauche dont les modalités sont déterminées par décret.
« Dans le cas d'une réorientation vers un centre d'aide par le travail, décidée par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, la rupture du contrat de travail n'est imputable ni à l'employeur ni au salarié. En cas d'absence de place au centre d'aide par le travail, le salarié peut demeurer temporairement en poste, en contrepartie d'une compensation du surcoût pour l'entreprise adaptée.
« En cas de réduction d'efficience le ramenant en dessous du seuil déterminé par décret, le salarié handicapé qui le souhaite, et qui ne nécessite pas d'accompagnement médico-social spécifique, peut conserver son emploi en entreprise adaptée. Une compensation est alors allouée pour ne pénaliser ni le salarié ni l'entreprise.
« Art. L. 323-33-7. - Les centres d'aide par le travail peuvent recourir à des contrats individuels de travail adapté. Ces contrats, destinés aux salariés handicapés orientés ``atelier protégé'' par les COTOREP, doivent être agréés par le représentant de l'Etat dans la région. Un décret fixera les conditions de recours aux contrats individuels de travail adapté.
« Art. L. 323-33-8. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles les travailleurs handicapés accèdent à la retraite à taux plein en tenant compte des effets spécifiques du vieillissement sur leur handicap.»

TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 2

La sous-section 4 de la section II du chapitre III du titre II du livre III du code du travail est ainsi modifiée :
1° L'intitulé de la sous-section est ainsi rédigé :
« Emplois réservés et centres d'aide par le travail.»
2° L'article L. 323-30 est ainsi rédigé :
« Art. L. 323-30. - Les personnes handicapées pour lesquelles l'accès à l'emploi s'avère impossible et dont la capacité de travail est inférieure à un seuil fixé par décret sont orientées dans un centre d'aide par le travail prévu à l'article 167 du code de la famille et de l'aide sociale.
« La commission technique d'orientation et de reclassement professionnel prévue à l'article L. 323-11 se prononce par une décision motivée, en tenant compte de la capacité et des possibilités d'intégration, sur l'admission dans les centres d'aide par le travail. Elle peut prendre une décision provisoire valable pour une période d'essai. »
3° Les articles L. 323-31 et L. 323-32 sont abrogés.

Article 3

Dans le troisième alinéa de l'article L. 323-34 du même code, les mots : «ateliers protégés et centres de distribution de travail à domicile» sont remplacés par les mots : «entreprises adaptées».

Article 4

I. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 131-2 du même code, les mots : «ateliers protégés et aux centres de distribution de travail à domicile» sont remplacés par les mots : «entreprises adaptées».
II. - Dans le sixième alinéa du II de l'article L. 323-4 dudit code, les mots : «d'un atelier protégé défini à l'article L. 323-31» sont remplacés par les mots : «d'une entreprise adaptée».
III. - Dans la première phrase de l'article L. 323-8 dudit code, les mots «des ateliers protégés, des centres de distribution de travail à domicile» sont remplacés par les mots : «des entreprises adaptées».
IV. - Dans le premier alinéa des articles L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 dudit code, les mots : «des ateliers protégés ou des centres de distribution à domicile» sont remplacés par les mots : «ou des entreprises adaptées».

Article 5

Les dépenses pour l'Etat éventuellement occasionnées par les dispositions de l'article 1er ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par une cotisation additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
___________
3629 - Proposition de loi de M. Jean-François Chossy portant réforme de l'atelier protégé et du statut de l'entreprise adaptée.


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