No 3687
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 avril 2002.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à création d'une commission d'enquête
sur les
chiffres de l'emploi et de l'insécurité.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Hervé MORIN, Jean-Pierre ABELIN, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Mme Marie-ThérÈse BOISSEAU, MM. Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Claude GATIGNOL, Hubert GRIMAULT, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Mme Anne-Marie IDRAC, MM. Édouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX, Dominique PAILLÉ, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, JoËl SARLOT, François SAUVADET et Michel VOISIN,

Députés.

Emploi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Dans un contexte où les chiffres sont quotidiennement disséqués, analysés et utilisés, il est indispensable de disposer de sources d'informations incontestées et incontestables.
Or, tel n'est pas le cas puisqu'on constate que la fiabilité des chiffres rendus publics par le Gouvernement est au contraire régulièrement mise en doute, ce qui alimente les inquiétudes des observateurs.
L'actualité récente marquée par la publication des chiffres du chômage et de l'insécurité nous fournit à cet égard une illustration de ce phénomène.
Ainsi, les chiffres du nombre de demandeurs d'emploi pour le mois de décembre 2001, rendus publics par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité mercredi 30 janvier 2002, ont confirmé la dégradation de la situation observée depuis mai 2001 sur le front de l'emploi.
Pour le huitième mois consécutif, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté (+ 0,5 %, soit 11 300 personnes). Sur l'ensemble de l'année 2001, cela représente une hausse de 2,2 % (47 000 personnes). Au total, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1 s'élève à 2 212 millions de personnes, soit 9 % des actifs.
Pour le Gouvernement, ces chiffres reflètent «une mauvaise passe transitoire». En réalité, cette dégradation s'inscrit dans une évolution marquée par le ralentissement sensible de la croissance économique, l'augmentation des licenciements économiques et les difficultés croissantes liées à l'application de la réduction du temps de travail.
L'inquiétude est d'autant plus grande qu'il semble que l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ait procédé ces derniers mois à un nombre croissant de radiations. Par ailleurs, le calcul du taux de chômage a été récemment modifié par l'INSEE, ce qui a conduit de fait à aplatir la courbe du chômage.
La même incertitude entoure les statistiques relatives à l'insécurité.
Les chiffres de la violence pour 2001, rendus publics par le ministère de l'Intérieur lundi 28 janvier 2002, ont souligné la dégradation de la situation observée et le sentiment d'insécurité grandissant ressenti par les Français. Les crimes et délits constatés ont augmenté de 7,69 % en 2001, cette hausse étant déjà de 5,72 % en 2000.
Ce chiffre global déjà alarmant à lui seul cache une réalité plus préoccupante encore : l'explosion de la violence en direction des personnes.
L'inquiétude des observateurs est d'autant plus grande que la fiabilité de ces chiffres est contestée par le Gouvernement lui-même. Il semble en effet que la statistique ne soit pas croisée avec d'autres instruments de mesures utilisés par nos voisins européens comme les enquêtes de victimation ou les enquêtes autoreportées.
Ce croisement paraît d'autant plus nécessaire que de très nombreuses victimes sont découragées de porter plainte par des fonctionnaires de police à qui on demande de ne pas «faire du chiffre». Combien de plaintes ayant peu de chances d'aboutir sont réduites au silence par une inscription dans la «main courante» des commissariats?
Surtout, cette statistique n'est qu'un maillon dans une chaîne d'information dont une part essentielle relève de l'institution judiciaire. Or, à ce jour, hormis quelques efforts, aucun rapprochement des statistiques des ministères de l'Intérieur et de la Défense avec celles de la Justice n'est opéré.
L'insuffisance scientifique de cette méthode limite le constat à l'efficacité des gendarmes et des policiers puisque les chiffres présentés ne sont que le reflet de l'activité policière.
Aucun gouvernement n'aura de légitimité tant qu'il produira ses propres statistiques car il sera toujours considéré comme juge et partie. Il n'appartient pas en effet au politique de produire les chiffres sur lesquels il doit travailler, au risque sinon d'une dangereuse confusion des rôles.
Les deux exemples ci-dessus témoignent de la nécessité de mettre en place un organisme indépendant chargé de définir les méthodes de calcul des grands indicateurs sociaux et économiques et de procéder aux évaluations. Ces chiffres seraient inattaquables et permettraient ainsi à tous de constater, en toute transparence, si les objectifs annoncés par chaque Gouvernement sont atteints.
Au préalable, il semble souhaitable de mieux comprendre la façon dont sont établies d'une part les évaluations du taux chômage et d'autre part les statistiques de l'insécurité en France.
S'agissant des chiffres de l'emploi, cette analyse apparaît d'autant plus nécessaire dans le contexte de la mise en _uvre depuis quelques mois de la nouvelle convention d'assurance chômage, applicable aux demandeurs d'emploi depuis juillet 2001. L'enquête devrait également permettre d'établir de façon précise la nature et le nombre d'emplois créés dans le cadre de l'application de la réduction du temps de travail depuis 1998.
En ce qui concerne l'insécurité, l'objectif est de parvenir à un diagnostic précis de la situation permettant d'apprécier l'efficacité des politiques mises en _uvre et de définir les besoins.
Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement, une commission d'enquête parlementaire de trente membres chargée d'évaluer les modalités d'élaboration des chiffres de l'emploi et de l'insécurité.
Cette commission devra notamment :
Faire le point sur les méthodes de calcul utilisées pour déterminer le nombre de demandeurs d'emploi ainsi que les actes de violence.
Comparer ses méthodes avec celles de nos partenaires européens.
Envisager la mise en place d'une collaboration renforcée des ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense.
Croiser les données actuellement disponibles en matière d'insécurité avec d'autres indicateurs tels que par exemple l'enquête de victimation.
Évaluer les conséquences de la mise en _uvre de la nouvelle convention d'assurance chômage.
Établir la nature et le nombre d'emplois créés liés à l'application de la réduction du temps de travail depuis 1998.
Faire des propositions quant à la mise en place d'un organisme indépendant chargé de définir les grands indicateurs économiques et sociaux.

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3687 - Proposition de loi de M. Hervé Morin tendant à création d'une commission d'enquête sur les chiffres de l'emploi et de l'insécurité


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