No 3692
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2002.
PROPOSITION DE LOI
tendant à renforcer les droits des victimes d'actes criminels.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Pierre MORANGE,
Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Notre code de procédure pénale n'accorde aujourd'hui encore qu'une place limitée aux victimes et à la reconnaissance formelle de leurs droits.
La procédure de mode inquisitoire qui caractérise ce code privilégie, à la diligence des magistrats, la poursuite et la sanction des délinquants. C'est essentiellement sur le terrain de l'action civile que les victimes ont la possibilité de se faire entendre.
La forte montée de la délinquance, le faible taux d'élucidation des faits ayant justifié des plaintes et, à certaines périodes, le manque de vigueur de la politique pénale ont, peu à peu, conduit les victimes à demander à voir leurs droits mieux reconnus dans la procédure pénale elle-même. Ces dernières années, différentes lois ont ainsi affirmé plus nettement la place des victimes dans le cadre de la procédure pénale. Mais ces dispositions - par exemple, l'information de la victime de son droit à se constituer partie civile, ou encore l'intervention d'associations ayant pour objet d'assister les victimes - restent d'une portée insuffisante et donnent encore le sentiment d'un profond déséquilibre entre les droits de ceux qui sont poursuivis et les droits des plaignants.
De nouvelles mesures paraissent donc indispensables pour renforcer le droit des victimes à être informées et à mieux faire valoir leurs droits aux différents stades de la procédure - notamment à l'occasion des actes de procédure antérieurs à la saisine du juge d'instruction, puis une fois que ce dernier est en charge du dossier. De même, la place de la victime ou de sa famille doit être mieux reconnue au cours du procès d'assises; qu'il s'agisse de leur pouvoir de récuser les jurés ou plus simplement des facilités matérielles qui leur sont ouvertes pendant le procès.
D'autres mesures concernant l'action civile devraient contribuer à accélérer le règlement des indemnités et à interdire en matière criminelle que le condamné puisse être exonéré de certains frais de justice.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons d'adopter la présente proposition de loi

PROPOSITION DE LOI
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L'INFORMATIONDE LA VICTIME ET DE SON AVOCAT
Article 1er

Il est inséré, après l'article 77-2 du code de procédure pénale, un article 77-2-1 ainsi rédigé :
«Art. 77-2-1. - En matière criminelle, la victime, ceux qui ont porté plainte ainsi que leur avocat sont informés par le procureur de la République et par le juge de la détention et des libertés des décisions que ces derniers sont conduits à prendre ou des informations qui leur sont communiquées dans le cadre des articles 75-1, 77-1 et 77-2 ci-dessus.»

Article 2

Il est inséré, après l'article 77-2 du code de procédure pénale, un article 77-2-2 ainsi rédigé :
«Art. 77-2-2. - En matière criminelle, lorsque le procureur de la République décide soit d'engager des poursuites, soit de prononcer le classement sans suite, ou lorsqu'il est conduit à saisir le juge des libertés et de la détention, ou encore au terme du délai de six mois prévu à l'article 75-1, la victime, l'auteur de la plainte ou leur avocat peuvent prendre connaissance de la procédure et des différentes pièces du dossier.»

Article 3

L'article 80-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«En matière criminelle, le juge reçoit la victime ou les auteurs de la plainte ou, si la victime est mineure, ses représentants légaux.»

Article 4

Dans le premier alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale, après les mots : «par une ordonnance», est inséré le mot : «motivée».

Article 5

Dans le premier alinéa de l'article 182 du code de procédure pénale, après les mots : «Des ordonnances», est inséré le mot : «motivées».

Article 6

L'article 470 du code de procédure pénale est complété par les mots : «, par une décision motivée».

Article 7

Le premier alinéa de l'article 541 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ,par une décision motivée».

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COUR D'ASSISES
Article 8

L'article 297 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«Art. 297. - L'accusé ou son avocat, d'abord, la victime ou son avocat, ensuite, puis le ministère public récusent tels jurés qu'ils jugent à propos, à mesure que leurs noms sortent de l'urne, sauf la limitation exprimée à l'article 298.»

Article 9

Il est inséré, après l'article 306 du code de procédure pénale, un article 306-1 ainsi rédigé :
«Art. 306-1. - La victime et ses proches disposent d'une place réservée à l'intérieur de la salle d'audience.»

Article 10

Le second alinéa de l'article 307 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
«Ils peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges, de la victime et de ses proches et de l'accusé.
«Un emplacement est réservé à l'intérieur du tribunal pour permettre à la victime et à ses proches de s'isoler, s'ils le souhaitent, pendant le déroulement du procès.»

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION CIVILE
Article 11

La dernière phrase de l'article 375 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
«Sauf en matière criminelle, elle peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.»

Article 12

L'article 706-8 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«Art. 706-8. - Lorsque la juridiction statuant sur les intérêts civils a alloué des dommages-intérêts d'un montant supérieur à l'indemnité accordée par la commission, celle-ci verse automatiquement à la victime le complément d'indemnité correspondante.»

Article 13

L'aggravation des charges de l'Etat résultant de l'application des dispositions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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N° 3692.- Proposition de loi de M. Pierre Morange tendant à renforcer les droits des victimes d'actes criminels.


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