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N° 911

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mai 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1)

sur la diversification des industries de défense,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU,

Députée.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Yves Bur, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Germain Gengenwin, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierrre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 7

I. -  LE CONTEXTE DE LA DIVERSIFICATION 9

A. -  LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE...... 9

1. - La réduction de la demande d'équipements militaires 9

a - Un mouvement général et durable 9

b - Un double décalage en France 10

2. - Le renforcement de la concurrence 12

3. - L'innovation technologique et la dérive des coûts 12

B. -  LES RÉACTIONS DES ENTREPRISES 14

1. - Les adaptations structurelles 15

a - Les restructurations 15

b - Les alliances et les partenariats 16

2. - Des réactions diverses qui obéissent à des logiques communes 17

a - Le recentrage sur les métiers 17

b - Le développement des technologies duales 18

c - La valorisation des compétences et des moyens 19

3. - Une définition multiforme de la diversification 19

a - La diversification des produits, des processus et des marchés 20

b - Une définition en contrepoint 21

II. -  UN BILAN NUANCÉ DES PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE DIVERSIFICATION 25

A. -  LES RÉUSSITES DANS L'AÉRONAUTIQUE, LA CHIMIE ET L'ÉLECTRONIQUE 25

1. - Deux exemples similaires et intéressants : la SNPE et la SEP 25

2. - De nombreux autres exemples peuvent être cités 27

B. -  DES RÉSULTATS MITIGÉS CHEZ THOMSON-CSF 29

C. -  LES ÉCHECS DANS L'ARMEMENT TERRESTRE 32

1. - La démarche de diversification de la branche GITECH de

GIAT-Industries 32

2. - La politique de développement des activités de GIAT-Industries 33

D. -  LES EXPÉRIENCES NOUVELLES DANS LA CONSTRUCTION NAVALE ET LA

MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE 36

1. - L'approche théorique 36

a - De la diversification de capacités (l'exemple du SMA)... 36

b - ... à une diversification de produits (l'exemple de la DCN) 37

2. - Les perspectives pour les établissements 38

3. - La diversification vers l'offshore 39

a - L'intérêt pour le site de Brest 39

b - Les limites de la diversification 41

III. -  LES CONDITIONS DE RÉUSSITE AU NIVEAU DES ENTREPRISES 43

A. -  UNE DÉMARCHE RÉFLÉCHIE ET CONTINUE À PARTIR DES COMPÉTENCES

TECHNOLOGIQUES EXISTANTES 43

1. - L'identification des savoir-faire et des métiers 43

2. - Une action continue dans le temps 44

B. -  LE DÉPASSEMENT DES FAIBLESSES DES ENTREPRISE 46

1. - Les difficultés de financement 46

a - La nécessité des investissements 46

b - L'analyse comptable 47

c - Le financement de la recherche 48

2. - Le management et les rigidités de structure 51

3. - L'accès aux marchés et l'expertise commerciale 52

C. -  L'ALLÉGEMENT DES CONTRAINTES PESANT SUR LES ENTREPRISES 54

1. - Les relations entre l'établissement et son groupe 54

a - La contribution des établissements locaux 54

b - L'établissement face à son groupe 56

2. - Le poids de la tutelle 57

IV. -  LES CONDITIONS DE RÉUSSITE AU NIVEAU DES BASSINS D'EMPLOI 63

A. -  LA PRISE EN COMPTE PAR LES BASSINS D'EMPLOI 63

1. - Une bonne réaction des acteurs locaux 64

a - L'implication des élus 64

b - La capacité de réaction des acteurs économiques 67

2. - La détermination d'une stratégie de territoire 69

a - D'une logique d'attraction à une démarche constructive 69

b - La détermination des pôles de compétence 70

B. -  L'ARTICULATION ENTRE DES LOGIQUES DIFFÉRENTES : UN ÉTABLISSEMENT

DANS SON TERRITOIRE 71

1. - Des logiques souvent différentes 72

2. - La politique de sous-traitance 73

a - La politique de sous-traitance des Chantiers de l'Atlantique 73

b - Le développement de la sous-traitance globale dans les

établissements de la DCN 74

c - La nécessité de relations plus équilibrées 75

3. - Optimiser les résultats de la diversification du donneur d'ordres 76

a - Le transfert de technologies 77

b - Le traitement social de la diversification 79

C. -  LA MISE EN PLACE D'OUTILS SPÉCIFIQUES DANS LE TERRITOIRE 79

1. - La structuration du bassin d'emploi 79

a - Les structures créées dans le bassin de Saint-Nazaire 80

b - Les instruments nécessaires 81

2. - La nécessité d'un animateur local 82

V. -  PROPOSITIONS POUR UNE STRATÉGIE DE LA DIVERSIFICATION 87

A. -  LE RÔLE DE L'ETAT : CLARIFIER LES OBJECTIFS POLITIQUES, DÉFINIR

UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE 87

1. - Accroître la lisibilité de la politique publique de défense 87

2. - Préciser les orientations fondamentales 89

a - Déterminer des orientations fondamentales 89

b - Effectuer des choix budgétaires et de développement économique 91

c - Clarifier les fonctions de l'Etat 92

3. - Prendre position sur la stratégie de l'Union européenne en matière

d'industries de défense 93

a - Une prise de conscience tardive 93

b - Les initiatives actuelles 94

4. - Harmoniser les logiques ministérielles 96

a - Des approches parallèles 96

(1) Une approche territoriale : la DATAR et la DRIRE 96

(2) Deux approches économiques : le secrétariat à l'Industrie et

la DGA 97

(3) Une approche recherche-développement : l'absence de coor-

dination entre la Défense, la Recherche et l'Union européenne 99

b - Un besoin de capitalisation 99

(1) Echanger et mettre en commun 99

(2) Structurer la " veille " 101

c - Privilégier le rôle interministériel du délégué aux restructu-

rations 101

B. -  L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES NATIONALES 105

1. - Accroître la lisibilité et l'accessibilité des financements 105

a - Les fonds nationaux 106

b - Les dispositifs de capital risque 108

c - La Banque de développement des PME 108

2. - Clarifier l'action des sociétés de conversion 109

a - Mieux définir l'action des sociétés de conversion 110

b - Renforcer les capacités d'intervention 112

C. -  PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA MISE EN OEUVRE ET À LA

RÉFORME DES FONDS COMMUNAUTAIRES 113

1. - L'architecture des fonds structurels 113

2. - Les principes d'intervention des fonds structurels 113

3. - Le programme pluriannuel plurirégional 117

4. - La réforme des fonds structurels 118

a - Un bilan difficile à effectuer 118

b - Les principes de la réforme 118

c - Définir les enjeux 119

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  PRÉSENTATION DU RAPPORT D'ÉTAPE 123

II. -  PRÉSENTATION DU RAPPORT DÉFINITIF 130

ANNEXES

ANNEXE 1 : Synthèse sur la diversification des industries de défense à

l'étranger 135

ANNEXE 2 : La diversification-reconversion des industries de défense au

Royaume Uni 138

ANNEXE 3 : La diversification des industries de défense en Allemagne 141

ANNEXE 4 : La diversification des industries de défense au Canada 144

ANNEXE 5 : La diversification des industries de défense en Italie et en Espagne148

ANNEXE 6 : La diversification des industries de défense aux Etats-Unis 150

ANNEXE 7 : Activités du rapporteur (auditions et déplacements) 155

ANNEXE 8 : Glossaire 160

Mesdames, Messieurs,

Les travaux les plus récents de la Commission de la Défense, tant à l'occasion du rapport d'information sur " les perspectives de l'industrie française de défense " de MM. Paul Quilès et Guy-Michel Chauveau comme lors des débats budgétaires, ont montré que la diversification des industries de défense pouvait souvent apparaître comme une solution privilégiée aux difficultés sociales et industrielles entraînées par la réduction des budgets militaires et à la contraction durable des marchés.

La présentation du budget de la défense, dans le cadre de la loi de programmation militaire 1997-2002, comme les projets de restructurations élaborés pour les sociétés nationales ou les établissements de l'Etat (Direction des constructions navales DCN surtout, mais aussi Service de maintenance aéronautique SMA) ont également fait référence à la diversification, sur laquelle ont été fondés des espoirs, tant en termes qualitatifs qu'en chiffre d'affaires.

Face à la chute de leur plan de charges, la plupart des groupes industriels de la défense ont, pour leur part, réorienté leur stratégie en ayant recours à une palette de solutions : intégration verticale, accroissement des exportations malgré des marchés de plus en plus compétitifs, restructurations internes ou externes, reconversion partielle voire totale, collaboration et partenariat accrus. Certaines entreprises avaient d'ailleurs entamé ce processus depuis de nombreuses années, les exemples les plus anciens remontant au milieu des années soixante-dix. Dans ce contexte, la diversification apparaît ainsi aux industriels comme une solution parmi d'autres, une réponse complémentaire aux changements des marchés et à l'évolution des décisions politiques.

*

La notion de diversification peut faire l'objet de plusieurs approches. Dans tous les cas, elle doit s'entendre au sens de la recherche d'activités nouvelles, dans le domaine civil, à partir des compétences technologiques existantes. Elle entraîne donc la valorisation du savoir-faire dans d'autres applications que les métiers de base.

Mais il conviendra de différencier la diversification de concepts voisins comme la reconversion, la valorisation des compétences ou le développement des technologies duales.

*

Trois premières questions ont permis de préciser le programme de la mission et d'en fixer les grandes orientations :

- quels objectifs sont assignés à la diversification ?

- à quelles conditions la diversification peut-elle réussir ?

- quels sont les facteurs susceptibles d'améliorer la situation actuelle ?

Il a semblé tout d'abord utile de recenser les expériences de diversification menées à ce jour, d'en comprendre les raisons, d'analyser les causes des réussites mais aussi des échecs. Il en ressort certaines conditions préalables nécessaires pour assurer le succès de cette stratégie.

Les industries de défense disséminées sur le territoire structurent une vingtaine de bassins d'emploi. Les visites à Tarbes, Bourges, Brest, Saint-Étienne ou Saint-Nazaire, Bordeaux, ont montré l'importance de ces bassins d'emploi pour la mise en oeuvre de la diversification et ont élargi l'étude vers une approche territoriale. La diversification des industries de défense nécessite de conduire parallèlement la diversification des bassins d'emploi. Dans ce cadre, trois catégories de relations ont été analysées : entre le groupe industriel et ses sous-traitants, PMI-PME locales, notamment ; entre l'établissement local et le groupe auquel il appartient et avec lequel il peut ne pas partager les mêmes objectifs ; entre l'établissement industriel et le territoire dans lequel il vit et qu'il fait souvent vivre.

Par ailleurs, un " coup de projecteur " sur les expériences étrangères a paru également nécessaire. Il apparaît toutefois que peu de pays disposant d'industries de défense ont mené une réelle politique de reconversion ou de diversification. Ainsi, même si des exemples intéressants existent au Royaume Uni et en Allemagne, d'une part, aux Etats-Unis et au Canada, notamment dans la province du Québec, d'autre part, ils ne peuvent être simplement transposés.

I. -  LE CONTEXTE DE LA DIVERSIFICATION

A. -  LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

Les différents secteurs de l'industrie de défense sont confrontés à une forte évolution des besoins des clients et à un renforcement de la concurrence : en même temps, ils subissent des contraintes structurelles liées à l'innovation technologique ou à la " dérive des coûts ".

1. - La réduction de la demande d'équipements militaires

L'évolution de la demande en équipements militaires est le facteur le plus évident de la crise actuelle des industries d'armement. La diminution des budgets d'investissement -qui marque l'aspect quantitatif du phénomène- a tendance à en masquer l'évolution qualitative.

a) Un mouvement général et durable

·  Le marché mondial de l'armement se réduit. Cette évolution globale mériterait d'être différenciée par zone géographique car elle concerne davantage les pays développés que le Moyen Orient ou l'Asie du Sud-Est. Elle touche en particulier les pays membres de l'Alliance atlantique, soucieux de bénéficier rapidement des " dividendes de la paix ". Mais il est certain que d'autres facteurs ont favorisé une remise en cause de l'effort militaire.

·  L'évolution des conditions stratégiques explique la volonté des pays occidentaux de percevoir " des dividendes de la paix " dès la fin de la guerre froide. De même, les politiques de réduction des déficits budgétaires et de maîtrise des dépenses publiques jouent également leur rôle dans la contraction des budgets d'équipement militaire. Elles se conjuguent avec des situations nationales spécifiques telles les conséquences de la réunification en Allemagne ou la politique de désengagement de l'Etat au Royaume-Uni. Par leur importance, les budgets militaires, spécifiquement les crédits d'équipement, ne peuvent échapper au mouvement de réduction de l'ensemble des dépenses publiques. Qui plus est, les dotations en capital, souvent l'un des premiers budgets d'investissement de l'Etat, se prêtent rapidement à une baisse et peuvent jouer le rôle de variable d'ajustement à court terme, comme l'a montré pour la France le rapport de la Cour des comptes de 1997.

·  La contraction des budgets militaires se lit dans la réduction de leur poids dans l'ensemble des dépenses publiques comme dans le PIB. Elle a débuté dès 1986 aux Etats-Unis et a été forte dans les premières années (- 12 % de 1986 à 1990). Elle a été plus tardive eu Europe et en conséquence plus rapide et plus importante.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES MILITAIRES

 

Evolution 1997/1986

Part des crédits d'équipement

en % du PIB

 

en %

1991

1995

Etats-Unis

- 33

1,25

0,99

France

- 30

1,16

0,93

Royaume-Uni

- 43

0,81

0,81

Allemagne

- 50

0,38

0,24

La réorientation des budgets publics n'est d'ailleurs pas la seule cause de perturbation. La dégradation des conditions de réalisation des programmes d'armement (retards, étalement des commandes et des livraisons...) affecte à court terme les plans de charges des industries. Parallèlement, les évolutions des marchés extérieurs comme intérieurs tendent à accroître la vitesse d'exécution des contrats. Par ailleurs, se manifeste le souci d'éviter la duplication des matériels dans chaque pays.

Ce n'est pas la première fois que les industries de défense se trouvent confrontées à une mutation de cette ampleur qui concerne l'ensemble des principaux producteurs. Chaque période d'après-guerre correspond à un moment de mutation importante dans le secteur de l'armement.

Mais, en l'absence de menace grave, de nombreux éléments tendent à montrer que ce mouvement paraît durable et qu'il n'est sans doute pas terminé.

b) Un double décalage en France

La situation de l'industrie de défense de notre pays trouve sa source dans l'histoire des grands programmes décidés au début de la Vème République pour répondre aux besoins d'équipement des armées, et qui structurent encore le secteur industriel en pôles (nucléaire, aéronautique ou électronique, armements terrestres et navals).

La réduction des budgets militaires français a été plus tardive et moins brutale que chez nos principaux partenaires de l'Alliance atlantique. Ce retard peut s'expliquer par la conjonction de grands programmes d'équipement en phase d'industrialisation (chars Leclerc, porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, SNLE-Ng) ou de développement (prototypes Rafale) et par la référence constante aux lois de programmation militaire. Malgré ses imperfections et le décalage systématique entre les annuités des lois de programmation militaire et les budgets votés, voire réalisés, la programmation militaire constitue un cadre de référence pour les programmes.

Ce décalage est d'autant plus sensible que le maintien d'une industrie d'armement nationale a toujours été considéré comme un élément fondamental de la politique nationale de défense et que son objectif essentiel consistait à répondre à la plupart des besoins opérationnels des armées françaises. L'évolution de la situation internationale a conduit à une profonde révision de ce principe de souveraineté dans le Livre Blanc de 1994 et à une réorientation de la politique d'armement vers les concepts nouveaux des forces nationales intégrées et d'interopérabilité avec des forces étrangères.

De plus, pour la première fois depuis trente ans, est remise en cause la base industrielle qui permettait une indépendance assez complète dans le domaine de la défense.

L'impact sur certains établissements est renforcé par le paradoxe suivant : à court terme, les capacités peuvent être saturées en raison de contrats à l'exportation dont les délais ne peuvent pas être revus ; à moyen terme, le carnet de commandes est à ce point réduit que la fermeture de sites a pu être envisagée. Au moment où l'entreprise devrait adapter ses capacités à une baisse de commandes attendue à moyen terme, elle aurait besoin de capacités supplémentaires ponctuelles (par exemple en études ou en expertise).

Mais il convient de ne pas oublier que le plan de charges des grandes entreprises intervenant dans les équipements lourds est rarement supérieur à trois ou quatre ans. La lisibilité offerte par la loi de programmation militaire aux industries de défense leur est donc encore favorable même si l'expérience montre que d'importantes révisions de commandes ou des étalements de calendriers peuvent perturber le " jeu ".

ÉVOLUTION DES BUDGETS D'ÉQUIPEMENT MILITAIRE

(en milliards de francs courants)

Crédits de paiement

1992

1993

1994

1995

1996

1997

En loi de finances initiale

102,9

102,9

94,9

94,9

88,9

88,7

Budgets exécutés

93,8

88,6

88,4

74,7

78,0

 

2. - le renforcement de la concurrence

De manière traditionnelle, les exportations ont toujours constitué un débouché important pour ce secteur. Les vingt plus grands groupes français ont ainsi réalisé près de 30 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation jusqu'à la fin des années 80.

L'industrie française d'armement s'est toutefois trouvée confrontée à un déclin régulier mais prononcé des marchés extérieurs. Le volume des exportations, porté par les grands contrats, a diminué des deux tiers de 1984 (année record) à 1995, et de 40 % sur les cinq dernières années.

En dix ans, de 1987 à 1996, les exportations mondiales d'armement ont presque diminué de moitié, de 46 à 23 milliards de dollars. Pourtant, celles-ci constituent bien souvent l'unique solution lorsque les marchés intérieurs se rétractent, surtout dans les groupes où le taux de dépendance à l'égard des productions militaires est resté important.

Le renforcement de la concurrence est accentué par :

- l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence qui a concerné en premier lieu les télécommunications et l'électronique ;

- l'agressivité commerciale des Etats-Unis jointe à la position dominante du dollar dans les flux commerciaux.

De plus, les marchés internationaux d'armement, plus sensibles que les marchés civils au contexte politique, pourraient être limités par des initiatives politiques liées au désarmement des grandes puissances et à la limitation des exportations d'armement.

3. - L'innovation technologique et la dérive des coûts

Deux autres facteurs d'évolution ne doivent pas être négligés, notamment l'innovation technologique qui, responsable depuis vingt ans de la progression du coût des programmes militaires, est devenue telle que certains spécialistes ont évoqué l'image du " désarmement structurel " : pour un même montant de crédits, le volume des unités fabriquées tend à se réduire.

Il est vrai que l'évolution technologique est marquée par un double phénomène. Les dépenses considérables de recherche et développement financées sur budgets militaires ont permis des innovations technologiques majeures qui ont soutenu les développements civils jusque dans les années 80. Dans les secteurs de l'électronique et des télécommunications, un renversement de tendance amène désormais les technologies civiles, moins coûteuses et plus performantes, à soutenir les programmes militaires.

L'évolution du prix des armements nécessiterait de longs débats. Il convient de souligner ici l'importance de la hausse constante des coûts des matériels qui est due d'abord à l'incorporation, dans les systèmes, des progrès techniques performants, gages de supériorité, mais coûteux. Mais elle provient également de la manière dont sont gérés les programmes d'armement et en particulier les modifications introduites dans leur développement.

Ce phénomène dont les répercussions sur le secteur industriel sont nombreuses a un caractère quasi " universel " : diminution du nombre de nouveaux programmes, impossibilité à l'avenir pour un seul pays européen de mener seul un projet aéronautique, réduction de la cible des appareils majeurs (chars, aéronefs, pièces d'artillerie, navires), tendance constante des donneurs d'ordre étatiques à réviser les programmes engagés, dépendance accrue des groupes à l'égard d'un petit nombre de projets et difficulté de fonder une stratégie sur un programme de long terme.

S'engagent alors des " cercles vicieux " qui fragilisent voire condamnent les entreprises. La réduction des commandes et la hausse des coûts des matériels ont des conséquences immédiates : la baisse du chiffre d'affaires fait chuter la rentabilité et les capacités d'autofinancement s'amenuisent. L'entreprise devient mal située en terme de compétitivité-prix, ce qui renforce la concurrence et rétrécit les marchés. Ce schéma se vérifie pour toutes les entreprises mais il est encore plus valable pour les groupes privés que pour les entreprises nationales.

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Révision ou baisse de la demande

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Progrès technique

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Inflation

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Hausse des coûts

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Diminution de la compétitivité technologique

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Diminution de la compétitivité-prix

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Baisse des prix

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Perte des marchés

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Diminution du chiffre d'affaires

Diminution des marges

Baisse de l'autofinancement

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Réduction de la Recherche et Développement

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Surcapacités

Augmentation de la part des prix fixes

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B. -  LES RÉACTIONS DES ENTREPRISES

Face aux contraintes de la demande et à l'évolution des marchés, le secteur des industries de défense a réagi de diverses manières.

Une des premières réactions des sociétés face à un environnement de plus en plus dégradé est de resserrer la gestion, d'améliorer la productivité et de poursuivre les efforts de réduction des coûts.

De plus, l'innovation est un élément fondamental de la compétitivité surtout dans les structures qui se placent à la pointe de la technologie (électronique de défense, intégration de systèmes...). La valorisation des compétences ne trouve son sens que si l'entreprise est capable de les conserver et de les élargir.

La permanence d'un contexte défavorable incite à des réponses plus structurelles et stratégiques. Certaines entreprises ont anticipé depuis longtemps la contraction des dépenses militaires et ont entamé une reconversion technologique et industrielle. Les grands groupes privilégient désormais une politique de restructuration interne ou externe. Mais au-delà des adaptations et des stratégies industrielles se dessinent deux logiques de recentrage sur les métiers originels et de diversification des activités.

1. - Les adaptations structurelles

Les surcapacités en moyens de production impliquent en premier lieu des redimensionnements et des réorganisations internes qui peuvent être conséquentes. La suppression de services ou de branches conduit alors à des rapprochements entre établissements d'un même groupe ou entre sociétés afin de préserver des compétences : c'est un premier pas vers une intégration.

Les programmes longs et structurants quant à eux incitent à des alliances ou à des partenariats.

a) Les restructurations

L'une des premières adaptations consiste à renforcer la verticalité du groupe par intégration des entreprises en amont (sous-traitants et approvisionnement), plus rarement en aval (distribution). Le phénomène de " rapatriement " de la sous-traitance est général. Il permet à court terme de pallier la baisse du plan de charges puisque l'entreprise dominante garde en son sein le maximum d'activités. Mais, il a des effets défavorables à moyen terme sur le tissu industriel. C'est pourquoi, pour compenser la baisse d'activités et pour élever le niveau de compétence des PME sous-traitantes, les groupes cherchent à privilégier le concept de sous-traitance globale.

L'extension d'activités destinée à limiter la dépendance à l'égard d'un marché se réalise soit par acquisition de sociétés qui pratiquent les mêmes métiers de base, soit par diversification ou reconversion jusqu'à constituer un nouveau groupe.

Cette stratégie, courante aux Etats-Unis, a abouti à une concentration très forte de pôles industriels puissants et à la constitution de très grands groupes dont le chiffre d'affaires dépasse 25 milliards de dollars : fusions de Boeing et McDonnell Douglas en 1996, de Raytheon et Hughes, puis rapprochement en cours de Lockheed - Martin Marietta avec Northrop Grumman en 1997. A une logique d'entreprise correspondent alors à la fois une intégration verticale (motoriste, avionneur, équipementier, électronicien...) et un élargissement du spectre (activités civiles et militaires, aéronautique, espace, missiles...).

Le mouvement de concentration a été moins prononcé en Europe, à l'exception peut-être de DASA en Allemagne, en raison de la volonté des différents Etats de préserver leur indépendance et de conserver une maîtrise des projets. C'est pourquoi ont été privilégiés dans un premier temps les programmes en coopération (avions de combat, missiles, frégates, torpilles).

b) Les alliances et les partenariats

·  D'autres voies que l'intégration horizontale ou verticale ont parfois été préférées :

- la coopération au niveau des métiers et des programmes pour le développement de nouveaux produits (exemple des hélicoptères ou des missiles) ;

- la recherche d'alliances industrielles " structurelles " qui va des partenariats techniques ou commerciaux à la prise de participation afin d'être présent sur les différents marchés nationaux et d'y confirmer des positions.

La formule la plus limitée consiste à créer des GIE (groupement d'intérêt économique), surtout en cas d'association de structures publiques. Mais les joint-ventures se développent et la création de véritables filiales commerciales privées par des entreprises publiques, comme Aérospatiale ou Thomson, n'est plus exceptionnelle.

La mise en oeuvre d'un réseau dense de partenariats industriels et d'alliances financières constitue pour certains groupes un enjeu essentiel. C'est le cas pour Thomson-CSF qui a noué dans le cadre de programmes multinationaux des GIE (Eurosam, Eurotorp) ou des filiales. C'est aussi le cas de la SNPE qui a créé avec Aérospatiale une société commune CELERG sur les moteurs de missiles tactiques et a entrepris une démarche avec Royal Ordnance pour la création d'une filiale commune de poudres et explosifs. L'Aérospatiale réalise désormais près de 60 % de sa production en coopération. Mais l'exemple le plus achevé est représenté par l'association de Matra avec GEC-Marconi puis BAe (Matra BAe Dynamics prend 30 % de LFK, filiale de DASA).

De nombreuses tentatives ont été faites depuis des années pour rapprocher les acteurs du secteur, notamment sous forme de coopérations européennes. Celles-ci restent assorties de règles contraignantes, comme la loi du " juste retour " et la duplication des sites, et n'empêchent pas les dérives de coûts. De plus, elles ont été aussi limitées car la prise de conscience de leur nécessité a été tardive et les Etats n'ont pas joué un rôle moteur. Ceux-ci exercent pourtant une influence déterminante sur l'industrie d'armement en raison de leur fonction de client principal, d'actionnaire voire de producteur ou d'acteur financier. Cependant, les coopérations conduisent à des évolutions progressives, d'abord des organisations internes, puis à des restructurations de plus grande ampleur voire à une intégration industrielle ou financière.

2. - Des réactions diverses qui obéissent à des logiques communes

a) Le recentrage sur les métiers

·  Des tendances complémentaires sont constatées. Elles visent à  :

- se recentrer sur les métiers de base, en particulier ceux qui relèvent de pôles d'excellence. Ce mouvement est apparemment contraire à celui de la diversification. L'entreprise concentre ainsi les moyens humains et matériels sur les secteurs qu'elle domine et confie les travaux les moins spécialisés à des sous-traitants ou à des coopérants (à l'inverse de la tendance à rapatrier les activités pour augmenter les plans de charge).

Dassault Electronique a conduit cette démarche jusqu'au bout en confiant même à des partenaires des taches d'approvisionnement et d'essais. Mais une telle expérience comporte des limites et la société a été amenée à reprendre le contrôle de sous-traitants devenus stratégiques.

- décentraliser les responsabilités dans les filiales ou dans les établissements afin d'augmenter leur réactivité et de rapprocher les entreprises des marchés et des clients. De plus, en raison du caractère de plus en plus international des principaux groupes, la politique industrielle et sociale est nécessairement décentralisée pour tenir compte des législations nationales, des contextes locaux et des spécificités des secteurs.

En réalité, ces deux démarches obéissent à une seule logique, le maintien d'une stratégie de cohérence entre les activités de l'entreprise.

Le recentrage sur les métiers se rencontre surtout dans les entreprises qui bénéficient de compétences technologiques-clés. Il conduit à une spécialisation accrue, par exemple dans les secteurs de la chimie, de l'avionique ou de l'électronique, qui se caractérisent à la fois par l'importance des marges commerciales ou financières, et par celle de la " matière grise ". Pour la plupart des groupes, le recentrage améliore les performances, favorise la réduction des coûts et permet en valorisant les métiers de base (" core-business ") de conquérir des marchés adjacents.

b) Le développement des technologies duales

La conversion des activités peut intervenir à tous les stades du cycle d'un produit : recherche-amont, développement, fabrication, commercialisation. Intervenant très en amont, lors des premières recherches ou des premiers développements, elle repose souvent sur des technologies duales que l'entreprise souhaite valoriser aussi bien dans une application civile que dans un programme militaire. Mais elle est plus fréquente au moment de la production ou de la commercialisation car, s'il est possible de transférer très en aval des technologies et des savoir-faire, en réalité on transfère peu de technologies de base sur les composants. Les exemples de l'aéronautique et de l'électronique montrent que ce sont en réalité les sous-ensembles et les ensembles déjà développés pour le civil qui sont adaptés pour le militaire.

Le professeur Yves Bélanger, de l'université du Québec à Montréal, situe à cet endroit la commercialisation de produits civils ou la mise aux normes civiles de produits militaires.

Le développement de technologies duales trouve pleinement son sens au stade initial de la recherche. Les industriels de l'électronique ou de la chimie ont de plus en plus tendance à privilégier les technologies susceptibles d'intéresser à la fois les programmes civils et militaires. On comprend mieux pourquoi cette stratégie conduit à mettre l'accent sur les projets civils, susceptibles de déboucher sur des produits rentables et à en rechercher les possibles applications militaires. Le recours accru, le plus en amont possible, à des technologies duales, ne peut que favoriser la diversification comme le montrent tous les exemples réussis depuis vingt ans.

Par ailleurs, même si certaines technologies militaires sont spécifiques (furtivité, propulsion), les technologies sont maintenant souvent créées par le civil et transférées à la défense, surtout dans les domaines de l'informatique et de l'électronique. Les techniques civiles sont très en avance aujourd'hui alors que le risque des techniques militaires est de se trouver obsolètes dès l'arrivée sur le marché.

Les nouvelles générations d'équipement militaire utiliseront en conséquence des technologies civiles adaptées aux besoins militaires. Les grands groupes imaginent de réaliser à l'avenir peu d'équipements militaires spécifiques compte tenu de la différence de taille des marchés et de l'apparition tous les dix-huit mois à deux ans d'une nouvelle génération de matériels civils.

La dualité des technologies dépend des secteurs industriels. Si elle est particulièrement évidente pour le secteur aéronautique et spatial, elle est encore relative pour les armements navals et terrestres et pour les missiles qui restent des domaines purement militaires. Pourtant, ce serait ceux qui auraient le plus besoin de se diversifier.

c) La valorisation des compétences et des moyens

Sans volonté stratégique à long terme, dans tous les groupes, chaque directeur d'établissement recherche des commandes de sous-traitance capacitaire pour résoudre l'inadaptation temporaire entre la charge et les capacités productives et pour réguler les plans de charge : c'est le développement conjoncturel ou la diversification de capacités.

L'utilisation des outils et des moyens de production pour des sous-traitances ponctuelles est fréquente dans le secteur des industries de défense où prédominent technologies de pointe et investissements modernes : ces moyens existent pour fabriquer des armements ; leur sous-utilisation permet de les mettre à la disposition des PME qui ne peuvent les acquérir.

Cette valorisation des moyens fournit des heures de travail appréciables et diminue les charges fixes liées aux immobilisations en cas de réduction des plans de charge. C'est pourquoi elle doit s'effectuer dans des conditions économiques compatibles avec l'équilibre des comptes de l'entreprise. En 1997, le centre de Bourges de GIAT-Industries a ainsi trouvé dans les métiers de la chaudronnerie, de la mécanique ou des câblages, les 80 000 heures de travail manquantes.

La plus importante des réactions des entreprises reste cependant la diversification de leurs activités.

3. - Une définition multiforme de la diversification

La notion de diversification peut faire l'objet de plusieurs approches et doit être distinguée de notions voisines telles que celle de conversion.

a) La diversification des produits, des processus et des marchés

La diversification apparaît comme un des axes privilégiés de la mutation d'une entreprise de défense. Dans tous les cas, elle doit s'entendre au sens de la recherche d'activités nouvelles, dans le domaine civil, à partir des compétences technologiques existantes. Elle entraîne donc la valorisation du savoir-faire dans d'autres applications que les métiers de base. Au niveau de la stratégie de l'entreprise, elle peut concerner de manière partielle ou totale l'ensemble des activités de production.

·  Les objectifs de la diversification sont divers :

- assurer le développement de l'entreprise sur le long terme ;

- protéger des risques de retournement de la conjoncture liés aux activités monoproduit ou monoclient et permettre le redéploiement hors d'un secteur en crise. Il est plus facile pour une entreprise d'amortir les chocs conjoncturels lorsque les cycles de production ne varient pas aux mêmes périodes. Cette action est davantage du ressort d'un groupe et elle rejoint les préoccupations de la puissance publique ;

- éviter les plans sociaux et maintenir les emplois ;

- allouer les ressources excédentaires, financières ou humaines, dans le cas d'un groupe et résoudre les problèmes de redéploiement interne. La croissance du secteur spatial civil chez Matra Marconi Space a ainsi permis d'absorber les effectifs excédentaires dans les activités de défense ;

- conserver les savoir-faire et les compétences, notamment dans une vision de défense de la valeur patrimoniale et de limitation des coûts.

C'est aussi un outil de management pour mobiliser les personnels sur des perspectives positives.

·  L'approfondissement de la notion conduit à envisager la trilogie : diversification des produits, diversification des clients ou diversification de l'offre, diversification des marchés. A partir de ces trois éléments, les rares études de théorie économique sur le sujet, par exemple à l'université de Bretagne occidentale (Roland de Penanros et Groupe E3D) ou à l'université du Québec (Yves Bélanger) ont parlé de diversification horizontale, concentrique ou hétérogène, selon que les éléments produit-client-marché étaient ou non modifiés :

- la diversification horizontale consiste à promouvoir des produits nouveaux, incorporant ou non la même technologie, pour une même base de clientèle ;

- la diversification concentrique s'adresse à une nouvelle clientèle à qui l'entreprise propose des produits nouveaux ou non, à technologie identique. Elle correspond à une prospection de clients qui avaient été " délaissés " à une époque où les commandes publiques étaient suffisantes.

Le développement des exportations militaires relève de cette approche. Thomson-CSF estime ainsi que la progression du chiffre d'affaires à l'exportation est partiellement due à la conquête de nouveaux clients. Les efforts d'exportation de la DCN reposent sur une même approche puisque les navires proposés aux clients étrangers sont souvent démarqués des productions de la Marine, mais incorporent les mêmes technologies.

Mais la recherche de clients à l'exportation à partir des produits déjà élaborés et à technologie identique ne relève pas de la diversification au sens strict. Car les frégates, les missiles ou les chars vendus à l'étranger ne modifient ni l'architecture ni la gestion ni la stratégie des groupes industriels. Au contraire, on peut parler de diversification dès que l'industriel affecte une part importante de ses ressources (humaines, matérielles, financières, technologiques) à la fabrication et à la commercialisation de produits civils ;

- la diversification hétérogène combine des produits nouveaux, à technologie nouvelle pour une autre clientèle. C'est la plus difficile à réaliser puisque les trois composantes doivent être maîtrisées en même temps.

Jacques Fontanel, de l'université Pierre Mendès-France de Grenoble et Manas Chatterji, professeur à l'université de Binghamton (New York) parlent également de diversification géographique -c'est-à-dire par délocalisation- ou financière (achats et ventes d'entreprises). Le groupe Matra a ainsi opéré une diversification de ce type par le rachat d'activités d'ITT qui l'a placé sur le marché des télécommunications.

b) Une définition en contrepoint

La diversification doit être distinguée à la fois du développement " normal " d'un groupe et des autres concepts comme la conversion, le développement des technologies duales ou la valorisation des compétences.

·  Il convient de différencier nettement diversification et conversion. Les phénomènes sont apparentés puisqu'ils visent d'une manière identique la réduction du taux de dépendance à l'égard de la défense : la conversion constituerait la phase ultime de la diversification, le passage d'une industrie militaire à une industrie civile. La diversification accroît la diversité des productions et des marchés ce qui ne réduit pas forcément le chiffre d'affaires des activités militaires en valeur absolue alors que la conversion implique une substitution progressive d'activités civiles à des activités militaires, ce qui aboutit à une réduction de la part militaire dans le chiffre d'affaires, en valeur absolue comme en valeur relative.

Ce qui distingue fondamentalement les deux concepts est le caractère irréversible de la conversion. Une entreprise du secteur de la défense peut chercher à diversifier ses activités pour profiter d'un avantage concurrentiel ou pallier une baisse de plan de charge. Mais sa finalité restera toujours de produire et de commercialiser des équipements militaires. L'objectif du développement des technologies duales est bien à cet égard de rester positionné sur le marché militaire. La confrontation des deux types d'activité à l'intérieur d'une même entreprise pose cependant un problème majeur sur lequel votre rapporteur reviendra.

Au contraire, une entreprise en conversion vers les activités civiles changera sa stratégie, son organisation, ses méthodes, ses processus, jusqu'au moment où il ne lui sera plus possible de revenir en arrière.

L'objectif majeur d'une conversion est l'abandon d'un secteur en décroissance et le développement de nouvelles activités qui succéderont à d'autres. A terme, l'entreprise n'appartiendra plus au même secteur industriel.

Dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples. On passe insensiblement de la diversification à la conversion partielle ou totale. C'est ainsi qu'apparaissent des entreprises ou des groupes qui deviennent duaux, comme la SNPE, la SEP, la SNECMA, DASSAULT ou Thomson-CSF : certaines de leurs divisions ou certains de leurs établissements se consacrent aux programmes militaires, d'autres aux programmes civils.

Les groupes industriels dont les activités étaient autrefois majoritairement militaires ont fait un effort de diversification vers le civil et, à de rares exceptions près dont GIAT-Industries et la DCN, la part d'activités civiles dépasse à présent 50 %. Ainsi, parmi les adhérents du GICAT, ce pourcentage est passé de 45 % en 1990 à 60 % en 1997. L'activité civile qui ne représentait que 40 % du chiffre d'affaires du GIFAS en 1987 atteint désormais 61 %.

*

Cependant, comme le soulignent MM. Claude Serfati et Bernard Reverdy, les mouvements de concentration risquent de renforcer à nouveau la " remilitarisation " des groupes industriels à l'image de ce qui se passe aux Etats-Unis.

Cette approche théorique et économique permet de mieux analyser les premières expériences françaises de diversification industrielle.

RÉSULTATS DE QUELQUES GROUPES INDUSTRIELS FRANÇAIS DE L'ARMEMENT

(en millions de francs)

   

Chiffre d'affaires

Chiffre d'affaires

Variation

Résultat net

Résultat net

Part de la Défense dans le chiffre d'affaires (2)

   

1997

1996

97/96

1997

1996

1997

1996

 

Aérospatiale (groupe)

56 293

50 885

10,6 %

1 418

812

20

23

 

Eurocopter (1)

6 830

6 493

5,2 %

127

- 150

-

-

Aéronautique

Dassault Aviation (société mère)

16 666

10 011

66,5 %

998

958

66

48

 

Matra BAe Dynamics (1)

5 411

4 230

27,9 %

59

- 40

-

-

 

Snecma (groupe)

23 055

18 709

23,0 %

750

- 280

23

27

 

Dassault Electronique (groupe)

4 916

4 559

7,8 %

216

206

62

58

Electronique

Sagem

16 757

15 409

8,7 %

698

638

22

23

 

Thomson CSF

38 530

36 270

6,2 %

2 122

812

65

65

Secteur terrestre

GIAT-Industries

nc

5 550

-

-

- 2 079

-

98

Chimie

SNPE SA

1 927

1 914

0,7 %

44

28

29

27

(1) Activités réalisées par les usines françaises

(2) Données concernant les groupes (Source DGA + Air et Cosmos)

II. -  UN BILAN NUANCÉ DES PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE DIVERSIFICATION

Il n'est pas dans l'intention de votre rapporteur de décrire minutieusement toutes les expériences de diversification dont il a pu avoir à connaître. Mais certains exemples méritent d'être commentés selon leur degré de réussite et les perspectives qu'ils offrent.

En effet, ils permettent de dégager les obstacles qui s'opposent à la diversification et les conditions en favorisant le succès

A. -  LES RÉUSSITES DANS L'AÉRONAUTIQUE, LA CHIMIE ET L'ÉLECTRONIQUE

Depuis de nombreuses années, certaines entreprises ont mené une expérience de diversification qui visait à compenser la chute des commandes dans le domaine militaire par la croissance des activités civiles ou par la recherche de nouveaux débouchés.

1. - Deux exemples similaires et intéressants : la SNPE et la SEP

·  Souhaitant valoriser le savoir-faire de ses deux métiers de base, les matériaux énergétiques de défense et la chimie fine, et anticipant la baisse des activités militaires traditionnelles, la SNPE11), sur l'impulsion de sa direction, a mené dès 1971 une politique de désengagement des marchés militaires et de diversification industrielle sur les marchés civils :

- à partir des produits originels (poudres, explosifs et propergols) ;

- et en valorisant la maîtrise de procédés (nitration, phosgénation, hydrogénation, synthèse peptidique...).

Les activités militaires et spatiales ne représentent plus en 1997 qu'un quart du chiffre d'affaires du groupe alors que la chimie en constitue l'élément principal (42 % du chiffre d'affaires). La SNPE est ainsi devenue le premier producteur mondial de nitrocelluloses utilisées dans les vernis et peintures. Elle s'est également installée sur le créneau porteur des générateurs de gaz pour airbags avec sa filiale LIVBAG implantée à Pont de Buis (Finistère). Elle produit des intermédiaires de synthèse en agrochimie et en pharmacie.

Les activités de la SNPE sont menées par neuf unités opérationnelles qui ont, soit le statut de divisions de l'entreprise (cas du centre de recherche au Bouchet ou des établissements de Bergerac, Angoulême, Sorgues ou Toulouse), soit celui de filiales : GIE G2P avec la SEP pour la propulsion stratégique, " joint-venture " Celerg avec Aérospatiale sur les moteurs de missiles tactiques, filiale Regulus avec Fiat Avio pour la propulsion solide d'Ariane 5, etc.

La réussite de la diversification s'explique par la constance de la politique menée par les dirigeants successifs, les opportunités de marché qui ont été saisies, et la nature des procédés ainsi que des produits qui a facilité l'accès aux marchés civils. Parallèlement, une profonde réorganisation a été engagée. Elle a fait basculer le groupe dans une logique d'industriel civil de la chimie. Le départ progressif à la retraite des personnels bénéficiant de l'ancien statut et l'adoption de la convention nationale de la chimie ont favorisé cette mutation interne.

L'association avec des partenaires extérieurs a été privilégiée pour la pénétration des marchés automobile ou export (implantation en Asie pour les activités qui y sont en croissance).

Les erreurs commises dans certains projets secondaires qui ont échoué confirment les principes fondamentaux de toute diversification : ne pas s'éloigner de ses métiers de base ni s'aventurer sur des marchés mal connus, éviter les effets de mode, ne pas investir dans de grandes structures mais privilégier une croissance externe par l'acquisition de petites sociétés bien placées sur les marchés convoités, anticiper et gagner en réactivité.

·  De manière similaire, la SEP -Société européenne de propulsion, devenue division de la SNECMA- a anticipé les réductions des programmes militaires. De nombreuses technologies développées pour les besoins de la force de dissuasion (propulsion des missiles balistiques) ont trouvé des prolongements civils dans la propulsion spatiale (col et butée flexible des tuyères de boosters d'Ariane V, matériaux de protection thermique). Les savoir-faire utilisés pour la production des divergents de tuyères en composites thermostructuraux carbone-carbone ont même été retenus pour équiper l'étage supérieur des lanceurs Delta 3 et Delta 4.

Aujourd'hui, deux nouveaux métiers, développés depuis les années 70, se sont fondés sur l'exploitation de l'expérience acquise dans le domaine

des matériaux composites :

- le freinage à haute énergie, notamment l'application carbone-carbone, appliqué à l'aéronautique (avions civils et militaires), à l'automobile (Formule 1), aux engins terrestres (Leclerc). La filiale Carbone Industrie, créée en 1985, a été intégrée à Messier-Bugatti. D'autres domaines, notamment dans le ferroviaire sont en cours d'évaluation ;

- de nombreuses applications industrielles sont fondées sur les qualités de résistance et d'inertie chimique des composites thermostructuraux (verrerie, plateaux et soles de fours, supports de pièces, prothèses osseuses) ou sur le développement de composites à matrice céramique.

Sur les 5 milliards de francs de chiffre d'affaires réalisés en 1996, on estime que les applications civiles hors propulsion représentent environ 288 millions de francs et que le chiffre d'affaires correspondant aux tuyères et caoutchoucs de protection thermique Ariane V devrait être de 450 à 500 millions de francs par an. La diversification place ainsi le groupe SNECMA (division SEP + Messier-Bugatti) au premier rang mondial des fournisseurs de composites thermostructuraux.

2. - De nombreux autres exemples peuvent être cités

·  C'est également le cas, sous une autre forme, pour Sextant Avionique dont les objectifs stratégiques consistent, notamment :

- à renforcer la dualité de ses compétences et à bénéficier de la synergie croisée des progrès technologiques militaires et des productions civiles en séries ;

- à élargir ses débouchés (retrofits et modernisation d'avions d'armes ou de transport, visualisations à cristaux liquides, viseurs de casques...).

·  De même, SNECMA a regroupé les activités d'après vente des moteurs CFM 56 coproduits avec General Electric afin de développer la part de marché relatif à la maintenance. Ainsi, alors que SNECMA ne détient globalement que 8 % du marché de maintenance des CFM 56, le contrat récemment signé avec la compagnie US Airways a porté ce taux à 25 % pour les 120 premiers Airbus et à 35 % pour les 280 exemplaires suivants.

·  La diversification dans le groupe Matra a été engagée en période faste : de manière générale, elle est très difficile lorsque le secteur est en crise ou en phase de maturité. A partir des activités de défense du groupe Lagardère s'est créé puis développé Matra Marconi Space qui a atteint un volume équivalent de chiffre d'affaires (8 milliards de francs en 1997) et emploie près de 5 300 personnes. Une diversification au second degré s'est opérée vers les transports (VAL) à partir des technologies spatiales, notamment des automatismes et des systèmes opérateurs de haut niveau.

Dans les années 80, le développement vers l'automobile (véhicule monospace) a répondu à une logique particulière car le groupe Matra s'est lancé dans la prospection d'une niche sans rapport avec les métiers de la défense en lançant une petite série de voitures à partir d'une technologie spécifique et en limitant les investissements. Une telle expérience ne serait sans doute pas renouvelée aujourd'hui car les perspectives du marché automobile ne sont plus aussi favorables à long terme. C'est pourquoi la diversification suppose une anticipation. Or les dirigeants estimaient déjà dans les années 70 que les groupes industriels allaient atteindre leurs limites en matière de production d'armement militaire.

La diversification a été favorisée par la circulation des personnels, l'identification des synergies possibles et la mise en oeuvre de passerelles, c'est-à-dire par une véritable culture du changement. La structure par métiers n'a donc pas entraîné de cloisonnements et le partage des expériences a été favorisé. Cette démarche tranche avec la stratégie habituelle des groupes qui ont tendance à concentrer leurs activités dans des pôles technologiques et à établir des cloisonnements. On peut donc considérer qu'il y a eu chez Matra une stratégie originale de diversification à l'intérieur du groupe par transfert et redéploiement horizontaux de compétences au delà des barrières habituellement créées par la constitution de pôles d'activités.

Le groupe a cependant connu quelques échecs de diversification (horlogerie Jazz et équipements automobiles) dont les causes proviennent de l'absence de maîtrise d'un nouveau secteur qui obéit à d'autres logiques et à la mauvaise appréciation du changement de métier. Dans ce cas particulier, il s'agissait de produits de grande consommation à très faible marge. Pour l'horlogerie, les concurrents étrangers ont fait rapidement chuter le prix des produits de très grandes séries.

Actuellement, le groupe Lagardère se développe dans le multimédia et les services de télécommunication à partir d'une diversification financière (rachat d'une partie d'ITT) et consolide ses activités de défense. La direction de la stratégie valide les opportunités identifiées au sein des différents établissements et en analyse les possibilités réelles de développement. On peut observer que le développement dans le multimédia est venu du siège : c'est une impulsion du sommet qui vise à poursuivre la diversification du groupe dans son ensemble.

·  Le groupe Aérospatiale a également engagé une politique de diversification des activités depuis de nombreuses années. C'est ainsi que l'établissement de Saint-Médard près de Bordeaux a profondément évolué en douze ans, de 1985 à 1997 : la part du chiffre d'affaires réalisé dans les programmes civils est passée de 5 à 40 % et les activités ont été réorientées à partir d'une vocation nucléaire vers l'aéronautique et le spatial (réalisation du nez du prototype américain X-33, capsule pilotée ARD).

Le groupe a identifié récemment des activités nouvelles susceptibles d'être engagées. Quelques résultats encourageants ont été obtenus :

- faces avant de trains régionaux, bancs de test automatiques et services (dans la branche aéronautique) ;

- éoliennes et turbines de refroidissement pour Eurocopter ;

- simulations, systèmes de commandement, technologies composites (dans la branche Europe et défense).

D'après la direction de la stratégie, mise en place en 1994, les principales difficultés sont dues à des coûts de structure élevés pour les marchés visés, à une culture d'entreprise privilégiant le perfectionnisme technique, et aux besoins de financement des projets en développement. Au même moment le groupe a besoin d'augmenter son taux d'autofinancement de la recherche et de réduire son endettement. Les filières créées doivent être gérées et soutenues dans la durée et, comme elles ne créent pas suffisamment de valeur, elles ne sont pas susceptibles d'être cédées en dehors du groupe.

La direction de la stratégie du groupe distingue deux concepts selon que la diversification est issue du management et relève alors d'une approche stratégique, ou que les responsabilités sont confiées à des centres opérationnels de compétences. Les deux démarches (" top down " ou " bottom up ") se retrouvent dans la mise en oeuvre des moyens et l'allocation des ressources financières.

B. -  DES RÉSULTATS MITIGÉS CHEZ THOMSON-CSF

·  Bien que certaines diversifications vers le civil fassent partie du coeur même des activités de Thomson-CSF (contrôle aérien), la démarche volontariste de diversification a tardivement débuté au début des années 90, dans une société dont la nature est militaire, en raison de la prise de conscience de la chute des budgets de défense et du caractère dual croissant des socles technologiques.

Face à ce double constat, l'entreprise a eu trois modes de réponse : l'accentuation des exportations militaires, le développement des domaines duaux chaque fois que cela était possible, et les actions de diversification. En fait, la diversification n'a pas été conçue comme un but en soi, mais comme une réponse complémentaire s'intégrant dans une stratégie plus large et permettant d'exploiter des compétences préexistantes.

Durant trois ans, de 1993 à 1995, la réorientation a été confiée à une cellule spécialisée, la direction des domaines nouveaux, rattachée à la direction de la stratégie au siège de Thomson-CSF. Il a été constaté que cette structure avait atteint ses limites et la direction générale a arrêté l'expérience. En effet, il y avait un risque que celle-ci génère des projets pour eux-mêmes sans réussir à déboucher sur la création de nouvelles activités.

Le plan stratégique pour l'entreprise fixe deux objectifs principaux : la croissance des exportations d'équipements militaires (un tiers du chiffre d'affaires en 1996, plus de 45 % en 2003) ; l'augmentation de 5 à 6 % par an du chiffre d'affaires sur les marchés civils en dehors de la France. Les seules activités civiles en croissance significative sont à l'exportation (contrôle du trafic aérien, avionique Airbus). En 1995, l'objectif de la diversification était fixé pour 1998 à un tiers du chiffre d'affaires : il semble qu'il ne puisse dépasser le quart. L'entreprise s'est tournée vers un potentiel inexploité d'activités et vers des marchés à l'exportation qui avaient été délaissés à des époques de forte croissance du chiffre d'affaires réalisé en France. Les premiers résultats favorables correspondent à des marchés faciles à conquérir. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Plusieurs exemples montrent que la diversification a été favorisée à partir des compétences duales :

l'avionique-électronique de vol, même s'il est possible d'identifier un socle technologique commun pour les senseurs de pilotage et de navigation, la gestion du vol, les interfaces homme-machine ou les communications, et des socles spécifiques : l'électronique de cabine (sources audio-vidéo, interfaces interactives, etc.) pour les aéronefs civils, le traitement des données, le cryptage ou les senseurs adaptés aux missions militaires pour les aéronefs militaires. A ce secteur peut être rattachée la simulation ;

l'imagerie médicale : la diversification est venue très en amont à partir de recherches militaires sur les matériaux. Partagé à égalité il y a dix ans entre le civil et le militaire, le marché des tubes médicaux (1,5 milliard de francs de chiffre d'affaires en 1996) est aujourd'hui civil de manière prépondérante (80 %), en raison de l'augmentation de la demande ;

les systèmes d'information et de commandement pour la gestion d'une situation et l'aide à la décision, partout où existe un poste de commandement nécessitant fiabilité et sécurité (sécurité civile, police, douanes, SNCF, etc.) ;

- dans les systèmes de contrôle des spectres (domaine civil), de l'interception et du brouillage (technologies intéressant la guerre électronique). Thomson-CSF, absent du marché il y a dix ans, est devenu le troisième fournisseur mondial. Le groupe glisse d'ailleurs du métier industriel à celui d'opérateur à plus ou moins long terme car les appels d'offres incluent non seulement la fourniture des équipements mais leur gestion opérationnelle. Il s'agit à nouveau d'un exemple de diversification par l'offre.

De nombreux projets dans des domaines civils " nouveaux " ont fait l'objet d'aides de la part du siège (5 à 10 millions de francs d'investissements) mais bien peu ont abouti à des développements, soit parce que le marché émerge insuffisamment (exemple du moteur de véhicule électrique) ou inexistant en France (radar de trafic), soit parce que Thomson-CSF n'a pas les capacités d'un équipementier de premier rang, ne dispose pas des réseaux commerciaux (radar automobile anti-collision, chronotachygraphe) ou n'a pas identifié les bons partenaires commerciaux.

Dans ce groupe, le taux de réussite est faible selon la direction : seuls 2 % des idées avancées peuvent être retenus et huit projets sur dix échouent. Cependant la direction générale ne paraît pas convaincue par la diversification. Elle a chargé la direction de la stratégie de coordonner une cellule dans chaque branche ou dans chaque établissement pour détecter les diversifications possibles et organiser une veille technologique.

·  Des actions complémentaires ont été menées par le groupe, dans le cadre d'un GIE pour la reconversion d'industries locales (la GERIS à partir du bassin de Brest) ou d'une société de capital risque (Thomson-CSF Venture). Les opérations restent de faible portée même si elles ne peuvent être négligées (quelques centaines d'emplois créés en dix ans, surtout par essaimage, pour la GERIS).

C. -  LES ÉCHECS DANS L'ARMEMENT TERRESTRE

Par refus de la terminologie de diversification, trop liée à une première expérience jugée négative par la direction actuelle, GIAT-Industries parle de " développement " pour les activités fondées sur les savoir-faire internes les plus sophistiqués et de " conversion " pour la diversification des bassins d'emploi dans lesquels le groupe est le premier employeur.

1. -  La démarche de diversification de la branche GITECH de GIAT-Industries

·  En 1992, à partir d'une vision industrielle forte, une division a été créée (GITECH) pour servir d'équipementier interne à l'ensemble du groupe et fédérer l'industrie de la mécanique en France. Tous les ateliers de productions spécifiques ont été placés sous la direction unique de GITECH, mais cette politique était basée sur les métiers périphériques et non sur le coeur des savoir-faire. En dehors de l'acquisition de petites sociétés, peu d'investissements ont été réalisés, les moyens n'étaient pas suffisamment performants et le coût de production s'est révélé supérieur de 30 à 40 % aux exigences du marché.

Des partenariats ont été recherchés essentiellement par acquisition de participations minoritaires dans des PME aux activités similaires (76 millions de francs d'investissement dans dix sociétés de 1992 à 1994). Le partenaire gardait la conduite des affaires industrielles.

Hormis quelques exemples (Vide-Adour), le résultat a été décevant sur le plan social (les personnels mis à disposition sont revenus chez GIAT-Industries), industriel (les activités sont restées liées à l'armement) et financier (des pertes équivalentes au chiffre d'affaires).

·  L'échec de cette première étape de diversification n'est pas la conséquence d'un manque de compétences technologiques. Il est dû à de nombreux facteurs : problèmes d'organisation, mauvais choix des marchés, gaspillage des ressources, difficulté de trouver un équilibre entre un objectif industriel (reconversion des activités) et un objectif social (reconversion des personnels). Ainsi, dès 1994, alors que les structures mises en place par GITECH avaient bénéficié d'une vision industrielle forte, GIAT-Industries a décidé de faire supporter par cette branche une partie des sureffectifs, à charge pour elle de trouver des débouchés. Par ailleurs, les principales erreurs proviennent d'un défaut d'appréciation du risque commercial ou industriel, et d'une mauvaise connaissance des réseaux voire d'une incompréhension des mécanismes concurrentiels.

De nombreux facteurs défavorables se sont conjugués :

- l'absence de maîtrise des coûts de production ainsi que la faible autonomie des établissements et des centres de recherche ;

- la baisse rapide des commandes étatiques (commandes de munitions divisées par dix de 1990 à 1997) ;

- le management d'entreprise où se sont mélangées plusieurs cultures ;

- les conséquences du contrat de vente de chars Leclerc aux Émirats qui a détourné l'attention de la diversification dans la mesure où les plans de charge étaient assurés à 90 % alors même que la trésorerie excédentaire incitait à une diversification non réfléchie (chariots en plastique) ou trop en avance (robots de déminage).

Au coeur de la politique de développement se situe le label du groupe, donc son image. Or, GIAT-Industries souffre d'une image d'industrie militaire, qui l'a par exemple empêché de nouer des accords avec d'autres groupes comme Air Liquide.

Les conséquences les plus graves de cet échec se situent dans la dégradation de l'image du groupe, dans la prudence manifestée par la tutelle vis-à-vis de nouvelles expériences de diversification et dans l'absence actuelle de prise de risque industriel.

Le nouveau PDG a mis fin aux participations du groupe dans certaines PMI-PME mais certaines activités ont trouvé un prolongement au sein du groupe dans les activités " en développement ".

2. - La politique de développement des activités de GIAT-Industries

La politique de développement a été adoptée dans le cadre du Plan de Retour à l'Équilibre (PRE) approuvé en mai 1996 dont le premier objectif est le recentrage sur les métiers et l'amélioration de la productivité Le développement vise donc à créer une activité pérenne et rentable qui serve d'alternative à la déflation des effectifs.

Cette politique s'est appuyée sur l'identification des savoir-faire et la recherche de leur application dans un domaine civil.

· ·  L'identification des savoir-faire

Avec l'aide d'une équipe centrale, chaque établissement a décrit ses moyens et ses savoir-faire. Ceux-ci ont été regroupés selon quatre axes qui ont fait apparaître que GIAT-Industries a une double compétence de systémier et d'équipementier, un savoir-faire munitionnaire (association de la pyrotechnie et de la mécanique fine sous fortes contraintes), la maîtrise de la conception de systèmes en environnement difficile, voire hostile, dans lequel prédomine la sécurité du produit et de son utilisateur.

Pour la direction générale, les activités les plus à même de bénéficier du développement sont celles qui correspondent aux métiers de mécanique fine, mécano-soudures et pyromécanismes.

·  La recherche d'applications duales et structurantes

A partir de cette analyse des savoir-faire, six secteurs ont été identifiés : l'automobile, l'aéronautique, les transports urbains et ferroviaires, les infrastructures pour l'environnement, la transformation de matières premières, les grandes installations scientifiques ou technologiques.

Les secteurs de l'automobile et des transports ferroviaires paraissent répondre positivement à l'approche de GIAT-Industries. Les autres secteurs sont plus difficiles à pénétrer parce que les atouts de l'entreprise y sont moins marqués et que les risques industriels ou commerciaux y semblent plus élevés. Des perspectives se manifestent dans le projet Laser Mégajoule du CEA. GIAT-Industries a répondu à un appel d'offres pour être un fournisseur d'éléments mécaniques de haute précision optique.

Le marché de l'automobile est prospecté sur la base des compétences détenues dans le domaine des déclencheurs pyrotechniques de sécurité passive, non seulement pour les initiateurs d'airbags mais également pour des systèmes de prétensionneurs, de rétracteurs ou de blocage de siège (environ vingt points pyrotechniques peuvent être imaginés dans une future voiture). Sur ces niches nouvelles, les fournisseurs sont peu nombreux et les équipementiers de premier rang, comme la filiale de Peugeot ECIA, souhaitent se dégager de la position dominante de leur fournisseur (AUTOLIV dans le cas considéré). GIAT-Industries peut donc se positionner en fournisseur de deuxième rang.

Un essai a été effectué il y a deux ans dans un cadre de sous-traitance pour AUTOLIV qui n'a toutefois pas qualifié le produit. En fait, GIAT-Industries essaie dans ce domaine de se positionner sur des produits intelligents (munis d'une puce électronique de Motorola) ou des systèmes de sécurité.

Un deuxième axe d'activité concerne les réservoirs pour gaz liquides (GNV et GPL) qui seront intégrés dans les structures mêmes des automobiles (allégement du poids grâce à la technologie des composites). Des prototypes sont actuellement testés.

OBJECTIFS DE DIVERSIFICATION DE GIAT-INDUSTRIES

Pyromécanismes

Echéance 3 ans

200 millions de francs

200 emplois*

10 % du marché en Europe

Réservoirs

Idem

100 millions de francs

100 emplois

-

* L'objectif visé de 1 million de francs par emploi est ambitieux car le ratio actuel n'est que de 0,6.

Dans le secteur ferroviaire trois créneaux ont été repérés : la pendulation et la suspension active des voitures (mêmes technologies que pour stabiliser les tourelles de chars), l'allégement des voitures grâce à la technique des composites et la " robustification " d'équipements électroniques embarqués. GIAT a obtenu une étude préliminaire lancée par la SNCF sur la pendulation.

Plusieurs projets sont en cours sur un nouveau concept de serrure, la modernisation et la mise en conformité de machines outils, la destruction des munitions ou la prestation de services.

*

On comprend mieux la difficulté de concilier les exigences de termes, le développement restant une politique cohérente sur le moyen, voire le long terme, et ne pouvant résoudre les difficultés immédiates.

C'est pourquoi, M. Jacques Loppion, Président Directeur Général de GIAT-Industries, considère que, même si certains savoir-faire militaires sont susceptibles de développement civil, la diversification ne sauvera pas le groupe et que celui-ci ne trouvera pas dans les activités civiles les moyens de générer un plan de charge équivalent à celui des commandes perdues. Les projets concernant cinquante ou cent emplois ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne permettront pas d'absorber les excédents d'effectifs dans certains établissements (exemple : sureffectif de 400 personnes à Tulle). Le développement, selon la direction, n'est donc pas une réponse aux difficultés que connaît GIAT-Industries, même en développant une solide politique partenariale.

Par ailleurs, " les activités civiles générant souvent des pertes équivalentes à leur chiffre d'affaires ", les prouesses techniques quasiment uniques en Europe se paient cher, même si elles rehaussent l'image du groupe. La consigne a donc été donnée de réfléchir très en amont aux projets civils afin que les emplois qu'on espère maintenir ne coûtent pas en fait le double.

Cette prise de position de la direction générale fait l'objet d'un débat à l'intérieur du groupe. Depuis de nombreuses années, la CFDT effectue de nombreuses propositions et s'engage en faveur de la diversification. Elle a édité deux brochures, l'une en 1992 " 10 propositions ", l'autre en 1997 " Diversification... c'est possible ". Ses responsables au sein des comités d'établissement et du comité central d'entreprise insistent pour que GIAT-Industries prenne des marchés de capacité pour résoudre les difficultés de plan de charge à court terme et développe la diversification en en faisant un objectif de moyen terme. Ils suggèrent que les nouvelles activités soient créées dans des structures indépendantes, quitte à ce que les liens soient coupés progressivement avec le groupe, et sont favorables à une politique de bassin d'emploi.

D. -  LES EXPÉRIENCES NOUVELLES DANS LA CONSTRUCTION NAVALE ET LA MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE

1. - L'approche théorique

Pour la Délégation générale à l'armement DGA, il est nécessaire de distinguer la diversification de capacités qui permet de conquérir de nouveaux marchés avec les mêmes produits sans réaliser d'investissements matériels ou immatériels, et la diversification de produits qui nécessite des études, des développements, une industrialisation et un dispositif de commercialisation, et suppose des investissements matériels et humains.

a) De la diversification de capacités (l'exemple du SMA)...

Jusqu'en 1996, le service de maintenance aéronautique (SMA), dont les trois établissements de Bordeaux, Clermont-Ferrand et Cuers constituent la première société de maintenance militaire (15 000 personnes et 10 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1997), ne travaillaient que pour les armées françaises. La diminution du plan de charges et la nécessité de réduire les coûts de maintenance ont incité le SMA à prospecter les marchés étrangers en privilégiant une politique de partenariat avec les entreprises françaises du secteur (SOGERMA, SOCHATA). Il s'agit d'un élargissement de clientèle sur des produits et des services existants car le SMA n'effectue aucune étude pour développer de nouveaux produits.

Certains établissements se sont positionnés sur des créneaux spécifiques assimilables à une démarche de diversification. C'est le cas de la transformation d'aéronefs en bancs d'essai pour le Centre d'essai en vol. De même, la conception et la fabrication de radômes constituent une activité dotée d'un véritable bureau d'études qui a permis à l'établissement de Cuers de soumissionner dans le cadre de l'hélicoptère NH 90.

Trois difficultés de fond ont été identifiées pour la diversification de capacités. Tout d'abord, l'insertion sur des marchés concurrentiels pose la question du respect des règles de concurrence par un organisme d'Etat, alors que le client, lorsqu'il est étranger, souhaite obtenir la garantie de l'Etat français. D'autre part, les marges commerciales sont faibles sur les marchés en raison des coûts de revient (interne ou sous-traité) et de la tendance à la baisse des prix du marché. De plus, les marchés restent modestes (ils sont inférieurs à 50 millions de francs et ont représenté 120 millions de francs de commandes en 1997 dans le cas du SMA) et les contrats obtenus ne dépassent pas 8 à 10 % de la charge globale.

Par ailleurs, pour un service de l'Etat, la gestion en comptes de commerce et l'absence de fonds propres qui en résulte obligent à obtenir du client des financements précoces dans le cadre des contrats à l'exportation. Le partenariat avec des sociétés françaises, non seulement évite une concurrence stérile dans la prospection d'acheteurs de produits français, mais facilite l'obtention des marchés.

Enfin, la coexistence d'activités civiles et militaires dans un même établissement doit être codifiée afin que l'intérêt pour la diversification civile ne se réduise pas lorsque le plan de charges militaire redevient favorable et que l'établissement puisse tenir ses engagements sur les programmes civils tout en respectant les impératifs militaires.

b)...à une diversification de produits (l'exemple de la DCN)

La réussite d'une diversification civile de produits repose en réalité sur la rencontre entre une compétence interne, le plus souvent duale, et de la demande d'un client extérieur à la défense. L'intérêt est triple pour la DCN en raison de l'importance de la valeur ajoutée de ses produits, des répercussions sur l'amélioration de la productivité et des possibilités de nouveaux accès aux marchés (multiplication des contacts, approche de nouveaux problèmes techniques, acquisition de nouvelles compétences technologiques et commerciales).

La diversification de produits est cependant limitée par :

- la gamme restreinte de l'offre commercialisable et des savoir-faire duaux au sein de la DCN (la DCN n'a pas toutes les compétences souhaitables pour la diversification car elle est avant tout un ensemblier qui sous-traite la fabrication des systèmes) ;

- la faiblesse des structures de commercialisation. La création de DCN-International a permis de contourner les difficultés liées au statut de DCN et d'instaurer de véritables rapports de clients/fournisseurs ;

- la nécessaire évolution de la culture d'entreprise, davantage spécialisée dans les grands projets et les petites séries, réduites souvent à des prototypes, vers des productions en moyenne série avec une moindre valeur ajoutée.

2. - Les perspectives pour les établissements

Le concept de diversification dans la construction navale reçoit une application variable selon les établissements. La démarche n'a été intégrée dans la stratégie d'ensemble de la Direction que récemment : la loi de programmation militaire fixe ainsi un objectif annuel de 500 millions de francs qui ne se confond pas avec l'objectif de 3 milliards de francs pour les exportations militaires.

·  A Cherbourg, il est difficile de concevoir une application civile des techniques mises en oeuvre et, a fortiori, pour l'ingénierie nucléaire (même les techniques de chaudronnerie sont trop lourdes et trop coûteuses). Une pénétration sur le marché des équipements sous-marins pourrait être envisagée comme le montre l'exemple du générateur que l'établissement de la DCN souhaite développer en partenariat avec Total. Mais le prix unitaire (1 million de francs) et les besoins civils ne sont pas à la mesure du plan de charge (environ 4,5 milliards de francs de production). Par ailleurs, même en coopération, les efforts d'investissement paraissent démesurés.

·  Certains établissements de la DCN ont fait l'objet d'évolutions partielles. Ainsi, le site de Ruelle, atelier de production d'artillerie, s'est spécialisé dans le métier d'équipementier pour les installations et les systèmes de tirs, et a acquis, en parvenant à la maîtrise de procédés électroniques et hydrauliques, une compétence dans le développement des logiciels d'automatique et de simulation. De même, les compétences de l'établissement d'Indret permettraient d'envisager des projets centrés sur le traitement des déchets ou la refonte des tunneliers. Mais, soit les marchés sont très compétitifs (simulateurs, conduites de tir ou grilles d'appontage), soit les objectifs de sûreté, liés par exemple à la propulsion nucléaire, ont réduit l'adaptabilité de l'établissement.

·  Grâce au développement de nouvelles méthodes de construction liées à la fabrication des chasseurs de mines et au contrat de frégates Bravo, le site de Lorient a acquis un potentiel, en particulier dans le domaine des composites qui peut être valorisé dans les vedettes paramilitaires (douanes, gendarmerie) ou dans les portes d'écluses des voies navigables.

L'absence de capitalisation ne facilite pas l'insertion dans une démarche industrielle et commerciale. De plus, la question de la compatibilité des activités civiles reste posée étant donné notamment la jurisprudence du Conseil d'Etat sur l'application de la loi d'Allarde.

·  Hormis de rares expériences dans la construction de paquebots ou de cars-ferries (1972), la DCN a peu valorisé les techniques et les savoir-faire en oeuvre dans la construction de navires militaires. Quelques cas peuvent cependant être cités (câbles du pont de l'Iroise, turbine de la Rance) mais ils correspondent à des interventions de haute technologie sans véritable portée économique. Il a été fait appel à l'établissement de Brest car lui seul en Bretagne possédait les compétences techniques nécessaires.

Un premier mouvement durable provient de la politique d'exportation de navires de guerre. Il a permis une redistribution des plans de charge entre les établissements à l'occasion de commandes à caractère exceptionnel (les établissements de Brest ou de Cherbourg ont ainsi fabriqué des anneaux de frégates pour le compte de Lorient dans le cadre du contrat Bravo) et prolonge ainsi une pratique ancienne qui a eu tendance à passer de l'allégement des pointes de charge à la répartition " des pénuries de commandes ".

3. - La diversification vers l'offshore

a) L'intérêt pour le site de Brest

·  Récemment un nouvel axe a été exploré en dehors de la compétence traditionnelle des navires de surface. A partir d'un souci de diversifier l'établissement de Cherbourg, une étude avait été menée sur l'offshore. L'idée a été transposée au site de Brest qui bénéficiait de meilleurs atouts comme l'expérience de la réparation navale, la présence de moyens techniques importants, l'intérêt manifesté pour l'expérience par un chantier civil dynamique (Sobrena du groupe Meunier) et le dynamisme de la communauté urbaine. Le site de Brest connaissait en outre un creux de plan de charge important -1 million d'heures en moins pour chacune des années 1997 puis 1998-.

·  Le marché de l'offshore, saturé jusqu'à une période récente, s'est ouvert et est devenu rapidement porteur en raison de la concomitance des besoins. A ce moment, les investissements réalisés à Brest sur les premiers appels d'offres sont parvenus à maturité et le site semblait prêt à s'aligner sur le marché en terme de qualité, de prix (grâce à la sollicitation d'aides publiques) et de délais.

·  Pour la première plate-forme SEDCO 707, un contact avait été pris par la Technopole de Brest dès juin 1996. En octobre de la même année, il a été répondu à un appel d'offres pour le carénage et la modernisation de la plate-forme correspondant à un marché de 150 millions de francs et de 500 000 heures de travail. Un groupement momentané d'entreprises a été créé pour répondre à cet appel d'offres. Il s'agit en fait d'un protocole entre les groupes Bastide et Meunier, la SNEF et DCN-International. Tout le bassin d'emploi s'est mobilisé pour le succès du programme et la plate-forme a été livrée en août selon le calendrier prévu.

L'établissement de la DCN de Brest a gardé la responsabilité du projet, de sa planification, des commandes et de l'exécution du marché. Il a réalisé toutes les études car lui seul a les capacités d'ingénierie. DCN-International a rédigé et signé les contrats. C'est bien l'Etat qui a pris tous les risques, les partenaires locaux se contentant d'offres de prix intéressantes mais n'arrivant pas à s'organiser. Le client a par ailleurs préféré traiter avec une structure publique.

·  Un second contrat Améthyst 4 a été conclu en septembre 1997. Il représente un million d'heures de travail mais son positionnement dans le temps n'est pas fixé car le client n'arrive pas à assurer les consolidations financières du programme. Des contacts ont été pris avec des chantiers polonais et croates pour la livraison de tôles à meilleur marché. Le montant du contrat est hors de proportion avec les risques que peuvent prendre les sociétés locales.

Une lettre d'intention de commande a été signée le 10 décembre 1997 pour la construction d'une plate-forme neuve SFX (Schlumberger) pour Elf Aquitaine.

Importante pour le bassin d'emploi de Brest, la diversification vers l'offshore ne représente qu'une part faible pour la DCN en terme d'heures productives comme de chiffre d'affaires (500 millions de francs sur 13,5 milliards en 1997). Elle reste donc une activité secondaire qui ne doit en aucun cas perturber les commandes militaires. Il est évident que, malgré la réduction du format de la Marine, Brest restera un site important de construction et de réparation navales militaires, apte à soutenir la flotte de l'Atlantique et la FOST.

Pourtant, le marché correspond aux compétences techniques ou commerciales et aux infrastructures disponibles. De plus, de nombreuses perspectives s'offrent pour les cinq à dix prochaines années, même si le marché reste très concurrentiel au niveau mondial et si le Finistère se situe loin des champs pétrolifères. Le volume d'affaires peut fournir un appoint non négligeable.

De plus, la cohabitation des systèmes de production sur un même chantier reste source d'expérience et de transfert mutuel de compétences.

b) Les limites de la diversification

Une des limites au développement de l'offshore peut provenir de la disponibilité des installations portuaires qui n'est pas toujours assurée pour cette activité dans la mesure où les chantiers civils de réparation navale doivent réaliser leurs travaux dans des délais très courts, ce qui suppose que les équipements qu'ils sont appelés à utiliser ne soient pas bloqués pendant de longs mois par la construction ou la réparation de plates-formes.

L'expérience de l'offshore a été marquée par le rôle leader de l'établissement de la DCN (et de son directeur). Seule la DCN a pu offrir un niveau suffisant de compétence et de crédibilité. Les industriels privés ont éprouvé des difficultés à s'organiser et à répondre dans des délais brefs aux appels d'offre internationaux. Or, il serait essentiel pour la pérennité de l'expérience qu'un groupement privé assure le rôle de maître d'oeuvre afin d'éviter un désistement de la DCN, même si elle continue à jouer un rôle important.

De plus, il n'est pas certain que l'activité offshore soit économiquement rentable dans les conditions actuelles. Les contrats n'ont pu être acquis que grâce à la participation des collectivités locales et aux aides publiques. Les ministères de tutelle ont annoncé que leur participation irait en décroissant.

*

Le bilan des premières expériences de diversification permet de déterminer les conditions de leur succès et les raisons de leur échec. Deux approches sont alors concevables, au niveau des entreprises et à celui des bassins d'emploi.

III. -  LES CONDITIONS DE RÉUSSITE AU NIVEAU DES ENTREPRISES

A. -  UNE DÉMARCHE RÉFLÉCHIE ET CONTINUE À PARTIR DES COMPÉ-TENCES TECHNOLOGIQUES EXISTANTES

La diversification donne des résultats quand elle s'appuie sur les métiers de base de l'entreprise et sur ses facteurs de réactivité. Il s'agit de valoriser les savoir-faire de l'entreprise. Mais la diversification vers des marchés civils est aléatoire car la concurrence peut être vive face à des acteurs présents depuis longtemps sur le marché.

1. - L'identification des savoir-faire et des métiers

L'identification des savoir-faire et des métiers constitue une démarche préalable. Elle a été effectuée de manière générale, soit au niveau des groupes, soit au niveau des établissements, soit par les Chambres de commerce et d'industrie, soit par les DRIRE. Elle relève avant tout d'une initiative locale même si l'idée émane quelquefois du siège ou d'une administration centrale. Seul le ministère de l'Industrie a réellement tenté une première analyse nationale, pour les PME de défense. Il est regrettable que les études régionales menées par les services déconcentrés n'aient pas encore fait l'objet d'une synthèse.

Ainsi, un plan de la Chambre régionale de commerce et de l'industrie (CRCI) de Bretagne propose un audit à toutes les PME de Brest dont le taux de dépendance vis-à-vis de la défense dépasse 15 % de leur chiffre d'affaires. L'objectif est de mettre en place les dispositifs d'aide.

Deux types d'audits sont proposés aux entreprises :

- un diagnostic global et court de cinq jours (sur un coût total de 25 000 francs, la CRCI demande à l'entreprise une contribution de 1 250 francs). Sur les 224 entreprises ciblées, 107 répondent aux critères de dépendance des 15 %. Elles accueillent environ 6 500 personnes. 67 d'entre elles ont été contactées, 17 ont refusé le diagnostic et 27 ont engagé un diagnostic global au 31 décembre dernier ;

- une mission longue de quinze jours (le coût global de 75 000 francs est pris en charge à 75 % par les collectivités locales). Les objectifs principaux de cette mission concernent la mise en place d'un compte d'exploitation prévisionnel et la formation du chef d'entreprise.

Les premières constatations mettent en évidence la réticence des chefs d'entreprise, " pris à la gorge " dans une conjoncture difficile, à s'inscrire dans une logique de transparence (ouvrir leurs comptes, reconnaître leurs insuffisances, etc.). Elles soulignent le fait que les entreprises privilégient la relation produits-marchés alors qu'elles devraient également inclure dans leur démarche les technologies qu'elles maîtrisent et qu'elles mésestiment souvent. En effet, seules les technologies permettent d'élargir la gamme de produits et facilitent la diversification à partir des points forts.

La maîtrise et l'enrichissement des savoir-faire constituent la clé de voûte du processus d'innovation de la société (qui implique également les structures et les chefs de projet responsabilisés). La maîtrise des savoir-faire passe par la protection des compétences (brevets) et la relation de confiance qui se construit avec les salariés et permet de protéger la confidentialité de l'information.

Un autre facteur favorable repose sur l'accès aux informations et l'articulation avec les compétences externes aux entreprises. L'étude menée dans la Région Rhône-Alpes par K. Colletis-Wahl et B. Reverdy a montré que les sociétés les plus innovantes ont recours à des sources externes de technologie et savent " combiner " les savoir-faire internes et les informations, scientifiques ou commerciales, externes. Elle a également confirmé la nécessité de faciliter l'accès à ces informations. C'est pourquoi, l'Etat et la Région Rhône-Alpes ont mis en place plusieurs réseaux en faveur des PMI, dont Présence, pour développer l'offre entre centres techniques industriels, laboratoires d'universités ou d'établissements publics, lycées techniques et conseils privés.

2. - Une action continue dans le temps

La diversification est une action continue dans la durée et la prise en compte du temps est un élément essentiel de sa réussite.

Tout d'abord, elle n'est concevable que dans la durée  : elle ne peut régler les problèmes conjoncturels, demande des délais pour aboutir à des résultats tangibles, n'apporte d'activités complémentaires pérennes que sur le moyen terme. De plus, les efforts doivent être maintenus dans la durée. On constate également que plus le métier de l'entreprise est éloigné à l'origine de l'activité envisagée pour la diversification, plus le délai sera long. Parallèlement, plus les coûts sont élevés en termes d'investissements et d'emplois, plus les risques d'échec sont patents.

Ainsi, dans le bassin brestois, les perspectives en matière d'offshore sont vécues comme une priorité immédiate par les acteurs économiques car les premiers contrats obtenus sont susceptibles de compenser partiellement les déflations programmées d'emplois. Leur confirmation passe par une structuration des industries locales qui doivent s'adapter et se moderniser. Mais la diversification ne peut compenser " en temps et en heure " la baisse des commandes militaires car il est difficile de faire coïncider dans le temps les excédents d'effectifs et les besoins liés aux activités nouvelles. Un tel constat est encore plus pertinent pour les établissements qui ont fonctionné en situation de " monopsone ", avec une gamme de produits spécifiques dont la série était parfois réduite à des prototypes (cas de frégates, d'avisos ou de grands bâtiments de surface).

C'est pourquoi la clarification des objectifs industriels et sociaux s'impose. Même si elles sont menées parallèlement, les stratégies de conversion des personnels, d'une part, des activités, d'autre part, peuvent différer car elles n'obéissent pas aux mêmes logiques.

Les groupes acceptent souvent la diversification pour " calmer le jeu ", notamment les revendications sociales, et ont tendance à arrêter le développement dès que les commandes militaires sont reconfirmées. Mais cette stratégie n'apparaît pas pertinente pour le moyen-long terme. En effet, contrairement au passé, la recherche-développement sera issue de plus en plus des programmes civils et ne sera plus axée, en particulier dans l'industrie électronique, sur les produits militaires. Cette mutation peut permettre aux programmes civils de tirer les programmes militaires grâce à leur meilleure rentabilité, et d'assurer un enrichissement réciproque des technologies civiles et militaires.

Les dirigeants de la SEP ou de Matra n'en ont pas moins estimé que la diversification avait permis de maintenir l'emploi sur la dernière décennie et de passer socialement le cap des années difficiles. Il y a eu ainsi un transfert d'emplois des programmes militaires vers les nouvelles activités civiles.

La diversification commencée en période stable (c'est-à-dire il y a au moins dix à quinze ans) a été conçue comme une mesure de prévoyance pour l'avenir. Les expériences anciennes ont été portées par des dirigeants " visionnaires " qui ont su anticiper au moment où l'entreprise était réactive et pouvait exploiter ses potentiels techniques, et qui ont tout fait pour conserver l'avance.

*

L'analyse des critères de réactivité des entreprises permet de dégager les faiblesses les plus courantes qu'il convient alors de vaincre ou de dépasser.

B. -  LE DÉPASSEMENT DES FAIBLESSES DES ENTREPRISES

Les difficultés des entreprises tiennent généralement à des causes bien identifiées : fonds propres insuffisants, faibles marges bénéficiaires, absence de produits spécifiques ou de projets, faiblesse des structures d'encadrement, inexistence de cadres commerciaux. Pour les PME, le système actuel des marchés publics présente en outre de nombreux inconvénients qui les obligent à prendre les marchés à prix coûtant et à diminuer leurs tarifs horaires. Malgré le caractère innovant des produits ou des services, elles éprouvent des difficultés à s'insérer dans des marchés concurrentiels car elles ne disposent ni d'une équipe d'encadrement suffisante, ni des ressources suffisantes pour une diversification durable. De plus, les sous-traitants doivent à la fois maintenir un niveau d'activité adéquat avec leur principal donneur d'ordres et obtenir rapidement des résultats dans les activités nouvelles.

1. - Les difficultés de financement

Compte tenu de leurs ressources en trésorerie et en capitaux propres, les plus importantes interrogations portent sur la capacité des entreprises à supporter le poids financier des restructurations et à investir ensuite dans la diversification, notamment en matière de recherche.

a) La nécessité des investissements

Le développement d'activités civiles à partir de compétences militaires suppose des investissements matériels et humains. Il nécessite des moyens financiers importants et implique à court terme un accroissement des coûts pour l'acquisition des compétences, la formation, la réalisation d'études, le développement (prototype), la pré-industrialisation et la recherche de marchés (mise en place de réseaux commerciaux). L'importance du " ticket d'entrée " a souvent été mésestimée surtout par les moyennes entreprises qui ne peuvent en financer le coût que si leurs ressources en trésorerie ou en fonds propres et leur capacité d'endettement le leur permettent. Le chiffre minimum de 1 million de francs sans commercialisation a souvent été cité.

Le problème est tout aussi crucial pour les PME-PMI que pour les groupes car le retour sur investissement est lent et il y a rarement des effets immédiats. Avant l'accès aux marchés, la phase d'investissement et de développement du produit peut durer de deux à cinq ans et les pertes peuvent être équivalentes pendant cette période au montant du chiffre d'affaires escompté à terme.

La SEP a ainsi investi dans les technologies de carbone-carbone près de 10 milliards de francs sur dix ans, dont 50 % sur fonds propres soit 500 millions de francs par an ; l'activité de la filiale Carbone-Industries, créée en 1985 et intégrée depuis dans Messier-Bugatti n'est devenue rentable qu'au bout de dix ans.

Le développement de la division Thomson-tubes électroniques a été soutenu par le siège mais les investissements ont été autofinancés par la division. Le groupe a ainsi retenu des objectifs de développement dans des plans annuels et n'est pas allé à l'encontre des souhaits exprimés par les dirigeants des établissements. Néanmoins, il les a convaincus de financer eux-mêmes les activités qu'ils souhaitaient développer.

Pour développer le chronotachygraphe, il fallait à Thomson-RDM 0,6 million de francs que les collectivités locales se sont engagées à verser. De même, pour le programme de radars automobiles initié en 1990, près de 10 millions de francs ont été investis en 1995 et 40 millions de francs en 1996, essentiellement en autofinancement. Au total, il faudra investir près de 150 millions de francs sur dix ans pour un chiffre d'affaires annuel équivalent à partir de 2005.

En 1996, GIAT-Industries a consacré 5 millions de francs à des investissements en développement de produits ou élaboration de méthodes. Le groupe envisage de consacrer 25 millions de francs en 1997 sur ses fonds propres, chaque projet de développement nécessitant de 5 à 15 millions de francs de recherche et développement.

b) L'analyse comptable

Certaines Chambres de Commerce et d'Industrie ont cherché à établir le bilan type d'une entreprise de sous-traitance. Cette démarche a permis de dégager de nombreuses caractéristiques communes :

- à l'actif, faiblesse des immobilisations et du renouvellement des appareils productifs, montant important des créances clients et faiblesse des disponibilités de trésorerie ;

- au passif, part médiocre des capitaux propres, faible montant des emprunts financiers, exagération des dettes sociales et fiscales (qui financent les créances).

Ainsi, l'équilibre des bilans est trompeur. D'une part, les ressources en trésorerie et en capitaux propres ne permettront pas de financer les plans sociaux, lorsqu'ils s'avèrent inévitables, ce qui risque de conduire la majorité des PME au dépôt de bilan. D'autre part, les entreprises ne dégagent plus de rentabilité suffisante.

Les pertes cumulées sur plusieurs exercices constituent de plus un frein très lourd à la diversification. D'abord parce que l'entreprise manque de fonds pour les nouvelles activités, surtout si celles-ci se situent en marge des métiers de base, pour lesquels l'actionnaire est déjà amené à réaliser un effort important. Ensuite parce que les mentalités sont moins disposées à la prise de risque après un échec des premières expériences.

De plus, la diversification dans des domaines hautement concurrentiels ne permet pas de dégager des marges importantes : celles-ci sont limitées et ne peuvent financer les investissements nécessaires, notamment en matière de recherche.

c) Le financement de la recherche

Les investissements amont rencontrent des difficultés. Au moment où il est nécessaire de maintenir le socle des compétences technologiques et donc le financement des études, c'est le phénomène inverse qui se joue.

Au sein des entreprises, en cas de baisse des commandes, donc du chiffre d'affaires et à terme du résultat, le budget recherche-développement baisse. Pourtant, il est indispensable pour développer des activités nouvelles, conquérir des marchés et assurer l'avenir même de l'entreprise.

L'Etat réduit également le budget de recherche militaire (- 19 % entre 1997 et 1998) et le concentre sur de grands projets militaires alors que la demande des groupes liés à la défense s'accroît et qu'ils souhaitent un financement pour des projets de développement civil.

ORGANISATION, RÔLE ET ACTIVITÉ DU COMITÉ RICHELIEU

Le Comité Richelieu est une association à but non lucratif créée en 1989 par six PME françaises de haute technologie. Il regroupe actuellement 230 adhérents dont la moitié en Ile-de-France et la moitié en province.

Il est animé par une équipe de quinze permanents implantés à Boulogne, et cinq délégués régionaux à Marseille, Toulouse, Grenoble, Rennes et Bordeaux. Il dispose également d'une agence aux Etats-Unis (un délégué) et a créé en 1996 la fédération européenne des PME de haute technologie avec des partenaires anglais, belge, espagnol, italien, néerlandais et suédois.

Le montant de la cotisation annuelle varie de 15 000 à 30 000 francs en fonction du chiffre d'affaires de la PME candidate. Le Comité fut financé exclusivement par les cotisations de ses adhérents pendant ses trois premières années. Il obtint son premier contrat en 1992.

Ses objectifs sont de faire connaître les spécificités des PME françaises et de mener des actions d'aide au développement. Le Comité sert ainsi " d'interface " entre les organisations, les groupes industriels et ses adhérents. Il anime le programme MET, rencontres individuelles entre PME et grands groupes français, européens et américains avec les objectifs de recherche de nouveaux clients, d'acquisition de technologies, de développement d'offres communes, d'ouverture du capital ou de création de " joint-ventures ". La méthodologie mise en oeuvre pour l'organisation de ces entretiens comprend :

- l'inscription des PME au vu des thèmes d'intérêt exprimés par les grands groupes ;

- la sélection par les grands groupes des PME qu'ils souhaitent rencontrer ;

- l'envoi aux PME de la liste des grands groupes qui souhaitent les rencontrer et d'une fiche d'identité des autres PME participants, partenaires potentiels.

De manière continue, le Comité Richelieu a créé avec une vingtaine de grands groupes des comités bipartites, qui se réunissent tous les mois et permettent d'organiser le transfert de technologies. Il propose également des services à ses adhérents (coopérative d'achats, mutuelle, assurance...).

Le Comité Richelieu s'inquiète particulièrement de cette réduction des crédits de recherche et développement pour les PME-PMI. Certes, toutes les entreprises n'obéissent pas à la même problématique :

- les sociétés de main d'oeuvre souffrent du rapatriement de la sous-traitance au coeur des groupes et du développement de leur verticalité ;

- seules les entreprises de haute technologie se trouvent en concurrence avec les grands groupes sur les marchés d'études. Cette caractéristique n'est pas spécifique du domaine de la défense, elle est valable aussi pour les pôles technologiques de l'informatique, des télécommunications ou de l'électronique.

Selon le comité Richelieu, les PME de haute technologie consacrent une part supérieure à 18 % de leur chiffre d'affaires à la recherche-développement. Il est donc essentiel qu'elles obtiennent des contrats d'études. Or, la diminution des crédits publics en recherche-développement renforce la concurrence entre PME et grands groupes au détriment de ces dernières. Au début des années 90, la DGA avait décidé de consacrer 6 % du montant des marchés d'études aux PME. Le rapport de M. Bernard Leroy en 1996 avait d'ailleurs avancé le chiffre de 10 % comme un optimum. Le Délégué actuel, M. Jean-Yves Helmer, estime certes que 10 % des études sont réalisés par les PME, mais il intègre dans ces chiffres les filiales des grands groupes alors que la part des PME indépendantes régresse selon le Comité Richelieu.

Les PME de haute technologie sont diversifiées par nature car elles ont toujours valorisé leurs compétences technologiques de manière horizontale dans des secteurs aussi différents que la défense, les transports, les télécommunications ou l'énergie. La réduction des marchés de défense comme de télécommunications les fragilise car la technologie est soutenue par les contrats défense. Elles sont donc très sensibles à la réduction des budgets militaires, même si leur chiffre d'affaires est peu dépendant de ces contrats : la part " défense " a baissé de 33 % en 1993 à 20 % en 1997.

Dans tous les cas, il y a un risque d'affaiblissement de l'effort global de recherche-développement et de concurrence entre activités. La baisse du financement public condamne les projets lorsqu'ils sont fondés sur des activités non-duales. Dans le cas des activités duales, les ministères de tutelle se " renvoient souvent la balle " et il est souvent difficile d'obtenir les financements souhaitables.

2. - Le management et les rigidités de structure

La diversification suppose une mutation importante de la culture d'entreprise en particulier des méthodes de travail et des cadres de référence, donc des habitudes et des mentalités des personnels. L'une des premières conditions du succès pourrait être que l'entreprise ressente la nécessité de la diversification.

L'un des problèmes les plus importants réside dans l'absence de prise de conscience par les chefs d'entreprise de l'évolution des marchés et de la nécessité de la reconversion. Les dirigeants français ne sont pas encore persuadés de la brutalité et de la rapidité de la rupture par rapport au passé. L'inflexion plus brutale des commandes militaires dans les autres pays a entraîné une mutation industrielle plus rapide qu'en France.

Il semble que, jusqu'à une période récente, les dirigeants d'entreprises n'ont pas ressenti l'urgence de la situation ni le risque visant leur pérennité, et qu'ils se soient davantage situés dans une perspective de lente mutation. Il est révélateur que les syndicats professionnels comme le GIFAS (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) ou le SPER (syndicat professionnel de l'électronique de défense) n'aient mené aucune étude sur le sujet et ne disposent pas de statistiques sur les initiatives prises par leurs adhérents. Cela corrobore l'impression que le secteur a peu anticipé les évolutions, peut-être parce que la stratégie des grands groupes détermine celle des syndicats. Au sein du GICAT, par contre, de telles études ont été menées.

Ceci est d'autant plus vrai qu'il faut un minimum de quatre à cinq ans dans un grand groupe pour que les projets de diversification aboutissent et que le délai avoisine souvent dix-huit mois à deux ans pour une PMI.

Plusieurs phénomènes expliquent les difficultés pour une entreprise de passer de la catégorie de sous-traitant à celle d'entreprise de haute technologie :

- la nécessité de modifier la culture de l'entreprise et les habitudes des personnes ;

- les différences liées aux marchés, surtout quand le seul atout provient de la connaissance des clients et que les marchés sont relativement fermés aux nouveaux venus.

Selon le Comité Richelieu, la diversification produits par des sous-traitants est difficile. Soit ils disparaissent dans un marché en récession, soit ils s'en sortent par le haut en s'alliant à des sociétés équivalentes qui souffrent des mêmes difficultés (" marier les boiteuses ensemble "). Or, cette sortie par le haut ne peut se concevoir qu'à l'échelle européenne. Les deux entreprises resteront des sous-traitants mais elles révolutionneront leur culture d'entreprise et leur structure du capital. L'une des réflexions actuelles du Comité Richelieu porte donc sur la manière d'amener ces sociétés à initier un dialogue avec leurs homologues européennes, à envisager des " joint-ventures " ou des rachats.

Il convient donc à la fois de motiver et de persuader les équipes de production et de mobiliser les cadres dirigeants. Le premier point ne semble pas poser de difficultés particulières car les salariés, soucieux de l'emploi, sont souvent des promoteurs de la diversification. Il n'en est pas toujours de même pour les ingénieurs qui émettent des doutes sur la diversification.

Le développement des activités civiles a le mérite d'ouvrir les cadres à des expériences étrangères et de les habituer à de nouvelles méthodes d'organisation et de travail. Il favorise le décloisonnement des activités et limite les effets pervers d'une structure hiérarchique -trop souvent calquée sur le modèle militaire mais inadaptée, en milieu d'entreprise, à la diffusion des idées, des connaissances et des techniques ou à la mobilité des personnels.

De plus, la personnalité des dirigeants d'établissements est prépondérante pour le dynamisme et le suivi des activités en développement. La consigne de la plupart des groupes est que les directeurs de centres ou de divisions restent les moteurs de la diversification, le groupe venant en appui de leurs initiatives. Le remplacement de certains directeurs par des responsables davantage " rompus aux règles des marchés concurrentiels " favorise les mutations.

3. - L'accès aux marchés et l'expertise commerciale

·  La distance d'une entreprise du secteur de la défense à l'égard des réseaux commerciaux doit être réduite. Il s'agit autant de la connaissance du marché que de la maîtrise des techniques commerciales du secteur concurrentiel.

Pour s'insérer sur de nouveaux marchés, il faut également investir dans le marketing pendant au moins trois à quatre ans, par une présence dans les salons, par l'installation d'une équipe permanente dans les pays clients et par la multiplication des démonstrations. Ces efforts consomment beaucoup de ressources, d'où l'utilité de monter des partenariats pour résoudre à la fois les besoins capitalistiques et se positionner à l'échelle européenne. A long terme, compte tenu du développement de la coopération et de la mise en place de fusions, les investissements nouveaux seront en fait interdépendants.

·  La recherche d'un partenaire est parfois difficile à réaliser. Le groupe qui se diversifie est moins en quête d'un allié technique que d'un partenaire commercial car il maîtrise les technologies et recherche avant tout une société qui connaisse les règles du marché et les clients.

Dans les domaines duaux, l'entreprise peut ne pas avoir besoin systématiquement de partenaires car elle arrive à maîtriser le marché civil s'il n'est pas trop différent du marché militaire. Ainsi, lorsque le client est unique et étatique, c'est en fait un autre ministère qui lance l'appel d'offres et la nature du client ne change pas. Pour la simulation ou l'électronique de vol par exemple, où l'on passe des états-majors aux grandes compagnies aériennes, le type de commerce ne change pas. En revanche, il est indispensable de rechercher un partenaire ou de créer une filiale dans le cas de marchés éclatés comme celui de l'électronique grand public.

Une autre solution consiste souvent à externaliser les activités de développement par création de filiales ou par essaimage sur des technologies qui ne sont pas considérées comme au coeur des activités. La création de filiales ex-nihilo, spécialisées dans un marché, permet d'identifier une ingénierie de produits et de réaliser une meilleure interface avec des clients spécifiques, souvent mal connus de la société mère. C'est le cas de THS (Thomson Health Systems) dans la filière santé, de Matra Datavision ou de Dassault Systèmes pour les logiciels et la conception assistée par ordinateur, ou de Multicom, filiale d'Aérospatiale spécialisée dans les multimédias. L'essaimage permet de trouver de nouveaux marchés en dehors du groupe, des ingénieurs créant leur propre entreprise avec l'appui technique, juridique voire financier de la " société mère " et en coopération étroite avec elle.

Plus l'entreprise a déjà pratiqué des marchés civils et acquis une expérience (cas de Thomson-CSF), plus sa diversification est facilitée. La conquête de marchés civils exige en effet un effort et une expérience supérieurs, dans la mesure où les clients civils sont plus dispersés que les clients militaires.

Votre rapporteur constate trop souvent dans les entreprises de défense une grande croyance dans la suprématie totale des technologies militaires. Or, la spécificité et l'avance des technologies militaires décroissent d'autant plus que l'effort de recherche-développement est en retrait depuis plusieurs années. C'est davantage le marché civil qui soutient le marché militaire, notamment dans les télécommunications et l'électronique. Les applications se développent à un rythme plus soutenu dans le secteur civil que dans le secteur militaire, d'où la nécessité de partir de technologies de base bien maîtrisées.

Par ailleurs, la diversification ne peut réussir que si le marché civil est suffisamment en croissance pour que de nouveaux entrants puissent y trouver leur place ou en émergence réelle ou potentielle. Sur des marchés stables ou en régression, la diversification est plus compliquée sauf à disposer d'un important avantage comparatif (le plus souvent technologique, rarement lié au prix).

A contrario, la méconnaissance des effets de cycles industriels aboutit à des échecs. Certains industriels de l'armement se sont ainsi lancés dans des développements chers pour des produits de très haute technologie ne correspondant plus aux besoins (cas des matériels de santé). D'autres ont mal évalué leur productivité et leur compétitivité-prix.

C. -  L'ALLÉGEMENT DES CONTRAINTES PESANT SUR LES ENTRE-PRISES

Une troisième série de handicaps dans la diversification provient des contraintes qui pèsent sur la stratégie. Celles-ci peuvent être issues des structures du groupe lui-même ou des règles imposées par la politique de l'Etat.

1. - Les relations entre l'établissement et son groupe

L'analyse des structures et des stratégies des groupes industriels intéresse directement la diversification, en particulier dans deux domaines :

- la contribution des différents établissements d'un groupe à l'élaboration de la stratégie et à la conversion industrielle ;

- les méthodes dont les établissements industriels ont fait usage pour résoudre leurs différences d'approches avec leur direction générale.

a) La contribution des établissements locaux

Même si toutes les entreprises du secteur de l'armement ne sont pas des groupes au sens juridique ou économique du terme, toutes fonctionnent comme des unités économiques locales soumises à une direction centrale ou à un siège qui assurent le pouvoir de contrôle.

Il est intéressant de connaître l'origine de la politique de diversification, de savoir si l'idée ou l'impulsion provient de la direction centrale qui l'a intégrée dans une stratégie industrielle (démarche " top down ") ou bien si une réflexion autonome, propre à un site déterminé, est à l'origine de la démarche (" bottom up "). Les établissements, même s'ils ne disposent pas toujours de la personnalité juridique, peuvent en effet jouir d'une autonomie dans leur décision stratégique en raison d'une meilleure connaissance des marchés et des compétences. Mais l'origine de la diversification est décisive. Si elle est imposée par la direction centrale, elle peut ne pas correspondre aux spécificités locales ou être refusée. Dans les cas où elle émane des établissements, elle peut ne pas correspondre à la stratégie générale du groupe.

L'absence d'autonomie stratégique dans le secteur militaire industriel est assez répandue, plus nettement encore dans les arsenaux (ou les établissements qui en sont les héritiers) ou dans les sociétés nationales. Les structures hiérarchiques, calquées sur une organisation militaire, ont longtemps empêché les initiatives locales.

Les groupes représentent aussi un frein à la diversification dès lors qu'ils ne renoncent pas au caractère prioritaire de leur activité dans le domaine militaire et souhaitent même la maintenir en développant les exportations.

Lorsqu'ils effectuent des expérimentations, les établissements locaux présentent l'avantage de limiter la prise de risque financier. Une réussite locale peut ainsi être reprise et amplifiée au niveau du groupe dont la stratégie industrielle est alors réorientée tandis qu'un échec local ne nuit pas à la cohésion d'ensemble.

Par ailleurs, au sein d'un groupe industriel, la technologie est souvent émiettée et très liée à un établissement. La diversification s'apparente plutôt, dans ces conditions, à une addition de projets émanant d'établissements dispersés. Mais celle-ci doit bénéficier de la volonté de la direction générale car il existe dans tous les groupes une logique d'allocation optimale des ressources qui peut défavoriser tel ou tel projet.

En général, les groupes ont les capacités de mener des études prospectives sur les marchés civils mais ils ne sont pas toujours en mesure d'apprécier les difficultés d'un marché segmenté qu'ils ne maîtrisent pas. Les PMI n'ont ni la capacité ni la volonté de mener ces études. En fait, ce sont surtout les établissements spécialisés qui prospectent car la réflexion s'effectue là où un capital technologique préexiste.

b) L'établissement face à son groupe

La politique des établissements rencontre quelquefois l'hostilité de la direction générale au nom de la politique du groupe, elle peut aussi se trouver en concurrence avec celle des autres établissements, eux aussi confrontés à une situation difficile. La rivalité entre sites est latente à la DCN ou à GIAT-Industries. Elle apparaît souvent moindre ailleurs en raison de la spécialisation des établissements.

Les sites ne peuvent cependant échapper à l'évolution de la politique générale du groupe, donc de ses dirigeants successifs, lorsque sont, par exemple, décidés le recentrage sur certains métiers et certains clients, ou l'abandon des expériences de diversification.

Dans le cadre de Thomson-CSF, par exemple, le processus de décentralisation n'est pas allé à son terme. Les prises de décision ont toujours lieu au siège. Face aux volontés locales de diversification, particulièrement sensibles à Brest (Thomson Radars Contre-Mesures) en raison de l'histoire du site, le siège du groupe a opposé la cohérence de sa politique globale et l'établissement a dû le convaincre.

De manière différente, la direction du développement de GIAT-Industries vient en appui des initiatives locales, elle n'en est pas l'initiatrice. La consigne du groupe est que les directeurs de centres ou de divisions soient les moteurs du développement. C'est aussi le meilleur moyen d'aider à la diversification des bassins d'emploi. L'outil financier -SOFRED- est utile aussi bien aux territoires qu'à l'établissement de GIAT-Industries lui-même, en raison notamment de sa souplesse. Selon son PDG, le groupe a souvent joué le rôle " d'amortisseur des plans sociaux " dans les entreprises en déclin du même territoire. Mais, à présent que les établissements ont eux-mêmes des difficultés, ils ne trouvent plus autour d'eux de tissu industriel suffisamment solide pour en amortir l'impact social.

La diversification suppose une évolution de l'organisation même de la société. Elle conduit à un bouleversement, non seulement des plans de charge mais de la structure avec un risque d'irréversibilité. Les groupes de l'industrie militaire, caractérisés par une réelle cohérence entre leurs objectifs et leurs moyens, n'ont pas été organisés dans cette perspective. D'où une résistance à la diversification et de nombreuses rigidités.

La SNPE est entrée dans un processus de diversification et de reconversion il y a vingt-cinq ans. Mais, lorsqu'elle a développé une activité civile, elle l'a créée en marge, c'est-à-dire en partenariat ou dans une filiale spécialement créée à cet effet. Cela a évité de modifier la structure interne de l'entreprise et a permis de modifier lentement la production des biens militaires et le mode de fonctionnement général. Malgré des cloisonnements qui demeurent, certaines méthodes ont évolué par osmose, une culture commerciale s'est développée et a permis la constitution d'une véritable entreprise où n'existent plus les difficultés que rencontre, entre autres, la DCN.

2. - Le poids de la tutelle

·  L'adaptation de l'industrie d'armement a des répercussions sur l'emploi et sur la structure des bassins d'emploi. Même si les ajustements les plus importants ont déjà eu lieu, on estime que près de 200 000 emplois, directs ou indirects, ont été supprimés dans le secteur de l'armement depuis 1987. Les impératifs du Gouvernement en matière d'emploi représentent un correctif essentiel des décisions prévues dans le cadre de la loi de programmation militaire 1997-2002 et conduisent à en renforcer certains éléments comme le dispositif d'accompagnement économique et social des restructurations.

Le rapport d'information de MM. Paul Quilès et Guy-Michel Chauveau intitulé " L'industrie française de défense : quel avenir ? " a identifié trois impératifs nationaux : les impératifs en matière d'emploi, les préoccupations d'aménagement du territoire et le maintien des compétences technologiques. Pour légitimes et justifiés qu'ils soient, ces trois impératifs constituent cependant la " quadrature du cercle " pour le secteur de la défense. Certes, dans chaque domaine, des aides spécifiques ou des programmes sont prévus. Mais il faut être conscient que persiste le risque de confusion entre objectifs industriels et objectifs sociaux. La diversification peut être alors aussi bien facilitée qu'entravée.

Votre rapporteur souhaiterait évoquer, à propos du rôle de l'Etat, la réflexion entamée sur les technologies-clés et le transfert des technologies par le Commissariat général au Plan et le ministère de l'Industrie. Le Commissariat général au plan a identifié et hiérarchisé, dans une étude publiée en 1993, vingt-quatre domaines technologiques critiques pour l'avenir des industries de défense. Ont ainsi été appréciés les degrés de dualité, de dépendance nationale ou de partage. La Direction de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie du ministère de l'Industrie a réalisé quant à elle un travail orienté vers les PMI-PME et les sous-traitants des grandes entreprises.

Les structures de gestion constituent également des handicaps sérieux dans les services industriels de la défense, héritiers des arsenaux. Toutes les armées sont concernées puisqu'à des titres divers les équipements traditionnels ou les services de maintenance et de réparation sont fournis par le Service de maintenance aéronautique SMA, la Direction des constructions navales DCN et GIAT-Industries. Le fait que le SMA et la DCN restent des services et n'ont pas le statut d'entreprises nationales est mis en avant par leurs partenaires industriels et commerciaux comme par leurs clients ou leurs fournisseurs.

Mais bien d'autres règles, imposées par l'Etat, accentuent les pesanteurs face au phénomène de diversification. Il en est ainsi du cadre statutaire (multiplicité et diversité des statuts) ou des règles de la comptabilité publique (comptes de commerce, code des marchés publics...) qui ne sont pas toujours adaptées aux objectifs fixés par l'Etat ou à l'évolution des marchés et du contexte économique.

Un allégement de ces diverses contraintes est souhaitable si on veut donner à la diversification de réelles chances de réussir.

*

Conclusion partielle : 

S'appuyer sur les facteurs de réactivité des entreprises

La Chambre de Commerce et d'Industrie de Brest a mené plusieurs diagnostics -macro- et micro-économiques-. Une première enquête de septembre 1996 à avril 1997 a dressé un bilan des sous-traitants et fournisseurs des industries de défense. Une seconde étude a identifié les critères de réactivité des entreprises face au processus de diversification.

A partir de cette étude votre rapporteur aimerait vous proposer en guise de conclusion partielle de ses premières réflexions le tableau suivant qui fournit une analyse des facteurs de réactivité des entreprises, en particulier des PME, ce qui permet d'entrevoir quelques solutions à leurs difficultés.

CONDITIONS PRÉALABLES À LA DIVERSIFICATION

DANS LES ENTREPRISES DE DÉFENSE

1. -  Quelques constats relatifs à la diversification des entreprises de défense

Facteurs structurels internes

· La réactivité des entreprises est d'autant moins forte :

- que leur taux de dépendance à l'égard de la défense est élevé ;

- qu'elles fonctionnent dans une organisation hiérarchisée, avec une culture militaire, avec un statut contraignant 

- qu'elles travaillent dans la construction neuve (par opposition à la réparation) ou qu'elles sont concernées par un seul type de produits.

· Elle est d'autant plus forte :

- qu'elles possèdent leurs propres outils industriels (la diversification des " loueurs de main d'oeuvre " est quasi impossible) ;

- qu'elles maîtrisent un produit propre ou une technologie ;

- qu'elles restent dans leurs métiers de base ;

- qu'elles connaissent les marchés visés ;

- qu'elles disposent d'un bureau d'études et d'une structure commerciale.

Facteurs humains

· La réactivité est d'autant plus forte :

- que les dirigeants sont convaincus de la nécessité de la diversification ;

- qu'ils anticipent et conduisent une stratégie à long terme ;

- et qu'ils connaissent leurs atouts et leurs faiblesses ;

- que les effectifs sont jeunes (importance de la pyramide des âges) ;

- que l'entreprise regroupe une palette large de qualifications.

Facteurs relationnels

· Les entreprises sont d'autant plus réactives :

- qu'elles sont intégrées dans un réseau, soit professionnel, soit territorial ;

- qu'elles ont établi une relation commerciale équilibrée avec leur donneur d'ordres et leurs sous-traitants ;

- qu'elles disposent d'une marge d'autonomie vis-à-vis du groupe dont elles font partie ;

- que les initiatives des établissements sont reconnues par le groupe.

Facteurs financiers

· Le ticket d'entrée est élevé.

· La réactivité des entreprises est favorisée :

- par les sommes disponibles en trésorerie et la capacité de lever des fonds (capacité d'endettement) ;

- par l'accompagnement des collectivités territoriales, de l'Etat, de l'Union euro-péenne ;

- par l'accélération des versement des aides nationales ou communautaires.

2. -  Instances de décision où peuvent être définis et mis en oeuvre les objectifs de la diversification

 

Décideurs

Objectifs

Acteurs sociaux

(1)

Entreprise

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Entreprise Donneur d'ordre

Groupe

Réseau industriel ou institutionnel

Etat

Europe

Collectivités territoriales

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Réorienter les activités pour diminuer le taux de dépendance

 

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X(3)

   
 

Clarifier les objectifs : sociaux, industriels

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X(3)

   
 

Identifier les savoir-faire, les compétences, les atouts et les faiblesses

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Analyser les marchés sur le court et le long terme

 

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Eviter les aventures techniques, procéder graduellement

 

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X(3)

   

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Combattre les rigidités internes, adopter une structure plus souple, favoriser les relations horizontales

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Améliorer la gestion des ressources humaines, faciliter l'embauche et l'apprentissage, favoriser l'extension des retraites anticipées

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Mettre en place des fonctions de bureau d'études et commerciales, y compris sous forme collective

 

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Sensibiliser, former les dirigeants à la nécessité de diversifier

 

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Savoir nouer des partenariats commerciaux

 

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Structurer le milieu professionnelpar des coopérations

       

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Etablir des chartes entre donneurs d'ordre et sous-traitants

 

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Accroître l'autonomie des établissements par rapport au groupe

 

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Structurer le bassin d'emploi pour favoriser le développement endogène

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Favoriser le transfert technologique

 

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Mise en place de guichets uniques pour informer, orienter, instruire les dossiers

       

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Maintenir ou augmenter les crédits de recherche-développement

 

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Accompagner les expérimentations des établissements

     

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Abonder des fonds de capital risque

     

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Accélérer le versement des aides nationales et communautaires

         

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Faciliter l'accès aux systèmes de prêts et de garantie

         

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(1) Syndicats et de manière plus générale les salariés (2) Au sens général (PME, filiale, etc.) (3) Pour les entreprises sous tutelle

IV. -  LES CONDITIONS DE RÉUSSITE AU NIVEAU DES BASSINS D'EMPLOI

Les territoires ont acquis un rôle important dans le développement économique. Cette démarche nécessaire n'est cependant pas suffisante. En effet, s'il est impératif de fonder les projets sur une base territoriale et sur les technologies qui y sont présentes, les impulsions sont nécessaires à tous les niveaux. L'initiative au niveau national, qu'elle vienne des états-majors des groupes ou de programmes ministériels, ne peut remplacer la mobilisation des acteurs locaux. C'est particulièrement vrai pour la réutilisation des emprises militaires ou les transferts de technologies. Il est donc essentiel que le milieu local soit réactif et que s'effectuent, d'une part, un passage de relais entre le national et le local, d'autre part, un dosage entre impulsions parties du sommet et reprise d'initiatives locales.

De grandes différences apparaissent dans la réactivité des bassins d'emploi face aux difficultés des industries de défense. Il manque de manière générale :

- une réelle construction du territoire autour d'une stratégie de développement à moyen et à long terme, portée par un consensus politique et social fort ;

- une cohérence des actions pour répondre à l'ensemble des problèmes posés.

Il est inutile de dresser un palmarès des territoires, mais l'étude de leur évolution économique permet de faire ressortir la nécessité pour les bassins d'emploi de prendre en compte la diversification et d'articuler logiques territoriales et industrielles. Comme le souligne M. Bernard Reverdy, les Régions apparaissent comme le niveau pertinent pour le développement économique et l'articulation des initiatives. Mais les Régions françaises sont moins armées que leurs homologues européennes, surtout dans leurs relations avec les groupes industriels.

A. -  LA PRISE EN COMPTE PAR LES BASSINS D'EMPLOI

La mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux doit permettre de déterminer une stratégie industrielle et de structurer les bassins d'emploi.

1. - Une bonne réaction des acteurs locaux

Que le raisonnement porte sur la diversification d'une entreprise ou celle du bassin d'emploi, la motivation des acteurs économiques ou politiques locaux est essentielle. Tous les intervenants sont concernés par la diversification et en premier lieu les élus locaux.

a) L'implication des élus

La prise de conscience et la mobilisation récente des élus transparaissent dans l'établissement de conventions Etat-Régions. Mais elles ne deviendront un facteur de réussite que si elles restent sous-tendues par une volonté forte et continue.

Douze Régions ont signé des conventions avec l'Etat dans le cadre du plan d'accompagnement économique et social des restructurations de la défense : Aquitaine (25 avril 1996 puis convention d'application aux PME-PMI le 22 octobre 1997), Bourgogne (17 octobre 1996), Bretagne (21 mai 1996), Centre (24 juin 1996), Franche-Comté (18 octobre 1996), Ile-de-France (12 juillet 1996), Lorraine (27 juin 1996), Midi-Pyrénées (juin 1996), Poitou-Charentes (5 février 1997), Provence-Alpes-Côte d'azur (16 juillet 1996) et Rhône-Alpes (8 mars 1996).

Les conventions décrivent la situation des entreprises de défense et des implantations militaires. Elles mettent en avant les pôles d'excellence et analysent la vulnérabilité des bassins d'emploi. Certaines adoptent une démarche et définissent un cadre d'intervention en précisant les moyens consacrés par l'Etat et les Régions, les procédures et les délais d'intervention.

Plusieurs conseils économiques et sociaux régionaux ont mené des réflexions sur la reconversion des industries de défense, sous forme de groupe d'études (Rhône-Alpes), ou de rapports à l'exécutif régional (Ile-de-France, Bourgogne, Centre), en raison de l'importance du secteur économique de la défense. Deux inquiétudes majeures des élus régionaux se manifestent à la lecture des rapports et des communications cités dans le tableau ci-joint. Elles portent sur les moyens à promouvoir dans les restructurations et sur le désengagement apparent de l'Etat. Le manque de définition des moyens pour la mise en oeuvre des conventions est souvent dénoncé par les acteurs régionaux. En particulier, le souhait est vif de déterminer des enveloppes financières négociées, de préciser les objectifs, et d'assurer la pérennité des sites. Or, les conventions se contentent souvent de reprendre à leur compte les actions commencées avant leur signature et peu d'innovations sont réellement apportées.

EXEMPLES DE CONVENTION ÉTAT-REGION

·  Aquitaine

Dès 1991, le Conseil régional a fait réaliser une trentaine d'audits d'industries de défense et a mis en place, d'une part, des avances remboursables, d'autre part, a facilité les embauches de cadres commerciaux. Un nouveau plan régional de 1994 a précédé la signature de la convention Etat-Région de 1996. Le Conseil régional a également financé deux audits, le premier, par Ernst et Young, a dressé l'état des lieux de 200 entreprises jugées stratégiques dans la Région, le second, par Goyenetche, a analysé les structures de transfert technologique.

La Région a également créé une structure de capital-risque, Aquitaine Création Innovation, dotée à terme de 30 millions de francs, pour prendre des participations de 100 à 500 000 francs.

·  Bourgogne

Le Conseil économique et social de Bourgogne a rédigé un avis au troisième trimestre de 1996 pour analyser les conséquences économiques et sociales de la réforme du système de défense. Un second avis sur les entreprises bourguignonnes a été émis en juin 1997 pour dresser un premier constat de l'application de la convention-cadre et dégager des propositions d'action. Le comité régional des restructurations de défense, prévu par la convention, s'est réuni à deux reprises.

·  Bretagne

Une convention cadre a été signée le 21 mai 1996 entre l'Etat et la Région pour anticiper les conséquences de la loi de programmation militaire 1997-2002 sur les sites bretons.

Compte tenu de l'impact économique et social des industries liées à la défense, le Conseil économique et social a très tôt souligné son inquiétude par des voeux, des motions ou des considérations. Il a mené des études en novembre 1996 sur l'industrie militaire et en juin 1997 sur la construction navale civile. Un comité régional au redéploiement industriel aux restructurations a été créé et un délégué régional nommé.

·  Centre

Le Conseil économique et social a adopté un avis le 11 avril 1994 sur " les perspectives de la branche aéronautique-armement et a rédigé plusieurs communications avant la signature de la convention cadre armement à l'été 1996.

Le lancement du programme ARES (Appui au redéploiement des entreprises du secteur aéronautique armement) est mené en partenariat avec la Préfecture de Région et la Chambre de commerce et d'industrie. Il a permis de recenser les entreprises sous-traitantes (315 ont été repérées), de réaliser des audits et d'entreprendre des actions commerciales dans une centaine de cas. Les objectifs sont multiples : délocalisations, écoles d'ingénieurs (à Bourges), transferts de technologie, etc.

·  Ile-de-France

La Région est celle qui semble avoir mené le plus loin la réflexion comme le souligne le rapport du Conseil économique et social, le 9 janvier 1997, sur la " reconversion des industries de l'armement ". Une convention Etat-Région a été signée le 12 juillet 1996. Elle a permis une étude de l'ensemble des moyens mis en oeuvre et des premières expériences de diversification.

Le dispositif AIDA, mis en place en 1992, a permis de dresser un inventaire complet des besoins des PME-PMI pour leur développement (notamment dans les domaines de la fonction commerciale, du marketing, de l'exportation, et des fonds propres).

·  Midi-Pyrénées

Une convention cadre Etat-Région a été signée en juin 1996. Elle a été complétée par une convention d'application spécifique pour les PME-PMI. Deux grands donneurs d'ordre, Aérospatiale et Matra, ont été invités à adhérer par un protocole aux actions proposées.

Un séminaire du 24 mars 1997 sur les industries de défense a permis  :

- de mettre en avant une confusion des rôles entre donneurs d'ordre et sous-traitants et le souhait d'une meilleure lisibilité des évolutions de commandes à moyen terme ;

- de cerner les conditions d'une diversification. Celle-ci peut prendre plusieurs formes (partenariat, développement à l'exportation sur un métier ou des produits, action commune de R&D, déclinaison du savoir faire dans des produits civils) mais elle doit reposer sur des règles claires entre partenaires, des regroupements et alliances pour atteindre une taille critique et des solutions adaptées ;

- de préciser les difficultés rencontrées (méconnaissance des marchés, inadaptation des structures commerciales, faiblesse des fonds propres).

·  Poitou-Charentes

La " convention d'accompagnement de nouvelles dynamiques en faveur des industries de l'armement et de l'aéronautique " a été signée le 5 février 1997. Des moyens financiers complémentaires (dont 15 millions de francs de la Région pour l'année 1997) confortent les outils de développement existants en faveur des filiales des groupes ou des PMI. Un soutien particulier a été apporté aux actions de formation. Un comité régional de pilotage se réunit tous les six mois pour dresser un bilan des actions entreprises.

·  Provence-Alpes-Côte d'Azur

Le Conseil économique et social a adopté le 17 mars 1997 un rapport sur les conséquences de la restructuration des industries de défense.

·  Rhône-Alpes

Le Conseil économique et social a mis en place au début de 1997 un groupe d'études sur l'évolution de la restructuration des industries dans trois sites mais aucun rapport n'a été adopté.

Si les Régions acceptent de prendre leur part des responsabilités, elles craignent néanmoins que les difficultés et la multiplicité des objectifs ne conduisent l'Etat à se décharger des siennes au moment où il devrait plus que jamais jouer un rôle prépondérant d'animateur et de coordinateur. La capacité d'influence et de négociation de l'Etat reste très grande. Plus que jamais la définition d'une politique industrielle nationale semble nécessaire aux Régions en particulier en matière de recherche, de développement et d'essais.

L'Etat dispose d'autres instruments pour l'accompagnement économique et social des restructurations. Des dispositions concernant les bassins d'emploi ont été prises an cours des comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire des 10 avril et 15 décembre 1997. Elles comportent des délocalisations d'emplois publics pour compenser les pertes d'activités, des dotations du Fonds national de développement des entreprises (FNDE) ou des prêts à taux privilégié.

Les conventions-cadres permettent d'obtenir de l'Etat une politique cohérente et prospective. Les flux de nouveaux emplois créés en France négligent certains besoins de développement territoriaux et les élus locaux souhaitent que l'Etat, dans son rôle d'aménageur, favorise une meilleure répartition des activités économiques et évite leur dispersion.

Une première charte de développement, signée en 1988 par le Premier Ministre, a servi de cadre de travail pour le développement structurel de Brest. Le programme a été exécuté au cours des cinq années prévues car chaque opération avait été assortie d'enveloppes financières. Par contre, la charte d'objectifs décidée par le CIAT en 1995, signée par le Préfet de Région, n'a pas eu la même incidence car elle n'était pas accompagnée d'engagements financiers.

b) La capacité de réaction des acteurs économiques

La diversification du bassin d'emploi suppose également l'implication de l'ensemble des acteurs économiques, dépendants ou non de la défense, mais ils sont quelquefois plus difficiles à motiver car leurs intérêts ne convergent pas toujours.

·  Les centrales syndicales des établissements ou des territoires peuvent jouer deux rôles diamétralement opposés : promouvoir la diversification vers les activités civiles ou s'opposer aux initiatives en ce sens.

La position des syndicats est variable selon les sites, les bassins d'emploi et les perspectives. Si les syndicats de Brest, comme ceux en général de la façade atlantique, paraissent les plus motivés pour la diversification, c'est en raison du contexte industriel et du climat social et politique qui règne entre les acteurs locaux. L'absence de perspectives et la nature des marchés militaires justifient une position plus en retrait à Tarbes, dans le Cher ou dans la Loire.

Les réticences, observées le plus souvent à la CGT et surtout à FO, mais aussi à la CGC, s'expliquent par un attachement aux modes de fonctionnement passés qui vont jusqu'au refus des évolutions que la diversification suppose et par un scepticisme à l'égard des expériences déjà réalisées.

Les constats des délégués syndicaux ont souvent mis en avant les risques sur les pertes de savoir-faire ou de compétences de haut niveau et les coûts de la diversification. Ils estiment également que la diversification ne peut venir qu'en complément et non en substitution des activités traditionnelles.

Les représentants de la CFDT sont les plus favorables à la diversification et leurs critiques, formulées à propos de GIAT-Industries, sont transposables dans les autres groupes industriels. Non seulement les délégués regrettent les incertitudes et l'absence de volonté politique, au niveau national comme local, mais ils constatent que leurs propositions sont peu reprises par les directions générales.

·  L'intérêt des armées réside dans le maintien d'un tissu industriel solide et le mieux organisé possible car les besoins restent considérables tant pour les équipements neufs que pour leur maintenance. De plus, les impératifs stratégiques supposent l'absence de tension sociale.

C'est d'autant plus vrai pour la Marine qui est très favorable :

- à la diversification de la DCN en tant qu'appoint de charge, notamment dans les périodes difficiles de la programmation militaire entre 1997 et 2000 ;

- à la multiplication des sites de formation et de recherche-développement ;

- à l'utilisation des équipements majeurs dont elle a la responsabilité pour favoriser la diversification tant des arsenaux que de l'ensemble des bassins.

De plus, la Marine a accepté de favoriser l'évolution de la DCN en accueillant sur la période de la programmation près de 1 200 techniciens et ouvriers.

Le développement a de meilleures chances de réussir si les projets sont cohérents et bien reçus par le milieu local. Cela encourage les directeurs d'établissement et leur permet de prolonger leur stratégie. C'est particulièrement vrai lorsque le territoire bénéficie de la richesse technologique du groupe industriel et que ces technologies peuvent être associées à celles des autres acteurs industriels locaux. Plus le paysage est riche sur le plan technologique et industriel, plus les compétences sont variées, plus le développement peut réussir.

Inversement, les groupes industriels n'ont pas toujours conscience de leur importance économique dans le bassin d'emploi. C'est ainsi que l'IFREMER à Brest ne se considère pas comme un partenaire local majeur. Une étude réalisée en interne n'a pas été communiquée car les dirigeants ont estimé qu'elle risquait de montrer l'importance de l'établissement, donc les soumettre aux sollicitations du territoire.

2. - La détermination d'une stratégie de territoire

L'importance d'un projet d'ensemble au niveau du territoire est soulignée par l'expérience du Québec qui a commencé, il y a dix ans, la reconversion de ses industries militaires (voir annexe 4). Même si les motifs politiques ont devancé les raisons économiques, les bassins d'emploi ont cherché un nouveau projet à partir de leurs potentialités. Plusieurs axes de développement ont alors été définis en concertation entre tous les acteurs.

Cette réflexion et cette concertation font généralement défaut dans les bassins français. Il y a un déficit de médiation entre les acteurs économiques et les collectivités locales. Même lorsque des structures de rencontre existent (Technopole par exemple), elles restent souvent formelles et les préoccupations demeurent cloisonnées. Or la cohérence du développement local suppose que la diversification s'inscrive dans une démarche globale.

a) D'une logique d'attraction à une démarche constructive

L'une des premières conditions pour conjuguer diversification et développement local est de faciliter l'ancrage territorial des acteurs économiques.

La problématique du développement endogène mérite d'être privilégiée. Le développement endogène est en effet durable par nature. Pour le Commissariat général au Plan comme pour les universitaires rencontrés, M. de Penanros en particulier, il faudrait passer d'une logique d'attraction des entreprises dans le bassin d'emploi à une démarche constructive du territoire. Les aides directes ont tendance à accroître le nomadisme des entreprises. Les groupes de la défense, qui privilégient une approche verticale des activités, n'ont pas vraiment de logique territoriale et la difficulté essentielle des bassins d'emploi n'est pas d'attirer mais de garder les entreprises.

Dans le cas des développements exogènes, l'Etat et l'ensemble des collectivités locales cherchent à réduire le coût d'entrée de la nouvelle entreprise qu'elles attirent dans le territoire. L'expérience du Nord et de la Lorraine montrent, de manière inverse, que la suppression des mesures incitatives -par définition transitoires- peut expliquer le départ prématuré d'entreprises récemment implantées. L'exemple de la Lorraine illustre les risques du développement exogène d'activités et la difficulté d'introduire des technologies qui ne sont pas traditionnelles. Il est vrai que, dans la sidérurgie, les compétences technologiques n'étaient pas aussi riches que dans les industries de défense.

Parallèlement, de nombreux acteurs économiques locaux soulignent l'intérêt des délocalisations d'administrations publiques ou de services de l'Etat lorsque leurs activités correspondent aux compétences locales.

b) La détermination des pôles de compétence

La création de véritables pôles de compétences technologiques permet de multiplier les échanges locaux, de développer des savoir-faire non reproductibles ailleurs et de renforcer l'interdépendance des acteurs. Elle aboutit aussi dans certains cas à une compétition renforcée entre les territoires qui disposent d'atouts similaires.

Le choix de la compétence à privilégier est fondamental. Deux démarches ont contribué à organiser de manière spatiale les systèmes de production. D'une part, de nombreux bassins d'emploi ont défini leurs axes de développement à partir d'une analyse fine de leurs savoir faire et ont pu créer un véritable réseau industriel. C'est le cas de la Bretagne qui a construit une industrie agro-alimentaire forte à partir de compétences agricoles. C'est aussi le cas de Rhône-Alpes qui, à partir de compétences technologiques, a créé des PME-PMI très innovantes et peu concurrencées par les pays émergents.

D'autre part, l'Etat a implanté, pour des raisons historiques et stratégiques, l'armement terrestre à Roanne, Tarbes, Bourges ou Tulle, les entreprises aéronautiques en Midi-Pyrénées, ce qui a permis dans ce dernier cas, la création de près de 300 laboratoires technologiques, mais a peu intégré le tissu de PMI centré sur des domaines plus traditionnels (métallurgie notamment). Parallèlement les centres de décision, les sièges sociaux et les bureaux d'études sont restés nombreux en Ile de France.

Il convient de mentionner à cet égard, le site de Saint-Etienne qui s'oriente vers les techniques d'optique en s'appuyant sur les compétences et les outils existants. Cette orientation a justifié l'implantation d'un centre universitaire dans l'enceinte même de l'établissement de GIAT-Industries et devrait déboucher sur la création d'une école nationale des sciences de la vision. A l'instar de la stratégie de l'offshore ou de la protection des milieux aquatiques à Brest, ce choix suppose que les donneurs d'ordres principaux agissent dans le même sens, sur le long terme et ne remettent pas en cause l'orientation, ne serait-ce qu'en privant le projet d'un support matériel (en l'occurrence les locaux et la " sécurité " du site à Saint-Etienne). Il doit également s'accompagner de décisions favorables de l'Etat pour renforcer ce pôle de la vision.

De manière générale, la création de pôles technologiques doit s'insérer dans une réflexion nationale d'aménagement du territoire.

De la même façon, le développement du bassin brestois est lié à de nouveaux programmes industriels. Ceux-ci pourraient s'appuyer sur les atouts du bassin (réserve foncière de 150 hectares, aéroport modernisé, haut potentiel de formation et de recherche, motivation des partenaires sociaux) et lever les obstacles du développement local (éloignement géographique, méconnaissance des potentialités locales, image revendicatrice). Les axes de développement privilégiés concernent les télécommunications, la construction mécanique, le domaine maritime et l'agroalimentaire. Toute implantation d'un programme majeur en dehors de ces domaines porte toutes les incertitudes et les risques d'une industrialisation exogène.

B. -  L'ARTICULATION ENTRE DES LOGIQUES DIFFÉRENTES : UN ÉTABLISSEMENT DANS SON TERRITOIRE

Sauf de rares exceptions, les groupes industriels de la défense ont peu de préoccupations territoriales : la compensation d'activités au niveau d'un site est rarement un élément fondamental de la stratégie d'ensemble. Seule la force ou l'inertie d'une implantation quelquefois pluriséculaire contrecarre ce " nomadisme " industriel, comme dans le cas des arsenaux.

La confrontation des logiques entre l'industriel et le bassin d'emploi peut déboucher sur une communauté d'intérêts s'exprimant notamment dans la politique de sous-traitance et dans le rôle moteur joué par le donneur d'ordres principal pour la diversification du territoire.

1. - Des logiques souvent différentes

Les groupes industriels et leurs bassins d'emploi ont souvent des logiques différentes. Les acteurs locaux sont surtout préoccupés du maintien de l'emploi sur le territoire. C'est pourquoi les salariés des entreprises de l'armement sont souvent les premiers promoteurs d'activités civiles. Il peut d'ailleurs y avoir une contradiction entre les conséquences négatives de la baisse des commandes militaires sur l'emploi et le maintien des effectifs nécessaires au développement d'activités civiles.

Une des difficultés essentielles de la diversification des bassins d'emploi provient du déficit d'esprit d'entreprise. Il est possible de différencier les bassins d'emploi à cet égard. Dans certains d'entre eux, la présence d'un groupe industriel important dans le secteur de la défense, avec le poids de la culture militaire et l'absence de référence à des marchés concurrentiels, a renforcé des habitudes de dépendance à l'égard des marchés de l'armement.

L'autre difficulté majeure vient de l'absence d'échange des compétences techniques entre donneurs d'ordre et sous-traitant. Les structures qui concourent aux transferts de technologies ou qui permettent d'améliorer les politiques commerciales et de gestion des PME sont donc nécessaires pour pallier le retard de ces PME. Cette question est d'autant plus importante que les groupes ne trouvent pas dans leur bassin d'emploi les partenariats dont ils auraient besoin.

L'un des plus grands freins à la diversification réside également dans l'absence de liens entre l'entreprise dominante et son bassin d'emploi. C'est l'un des domaines dans lesquels l'Etat a un rôle majeur à jouer. La définition d'une politique nationale ne suffit cependant pas. Elle doit être " déclinée " dans les bassins d'emploi afin que les établissements disposent d'une orientation stratégique. La situation est néanmoins variable selon les sites, l'autonomie et la responsabilité réelles des directeurs d'établissement, et l'implantation locale de ceux-ci (ce n'est pas toujours de leur fait si le tissu des PME n'est pas adapté à leurs besoins).

On ne peut imaginer de diversification de bassin d'emploi sans que le donneur d'ordre principal garde le rôle prépondérant. C'est particulièrement vrai dans les sites où la sous-traitance est forte. Ainsi, à Brest, on estime qu'en 1996 et en 1997, 2 300 personnes ont travaillé en sous-traitance interne à la DCN. Ils faisaient partie d'environ 160 entreprises représentant près de 10 000 salariés : 35 d'entre elles n'opéraient que du prêt de main-d'oeuvre et elles auront les plus grandes difficultés à perdurer.

2. - La politique de sous-traitance

Deux exemples peuvent être cités pour montrer l'évolution des relations entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants. Ils relèvent tous deux de la construction navale, secteur qui a manifesté un certain retard dans son adaptation.

a) La politique de sous-traitance des Chantiers de l'Atlantique

Les Chantiers de l'Atlantique, filiale à 100 % de GEC-Alsthom, installés sur un seul site à Saint-Nazaire, sont positionnés sur deux créneaux de construction à haute technologie : les navires à passagers (paquebots de croisière ou transbordeurs) et les navires de transport de gaz naturels liquéfiés (méthaniers) pour lesquels a été développée la technologie dite de cuve intégrée. Ils ont réalisé par le passé des navires militaires de second rang, construits aux normes civiles Véritas (frégates Floréal).

Le nouveau Président, M. Patrick Boissier, a défini un ambitieux projet :

- multiplier par deux l'activité, compte tenu de la suppression programmée des subventions publiques à la construction navale civile ;

- réorienter les Chantiers vers les métiers de base (conception et architectures navales, construction de coques métalliques et compétences d'ensemblier). Un objectif de croissance de la productivité a été fixé à 10 % par an contre 3 à 4 % sur les cinq dernières années.

La limitation des effectifs à environ 4 300 personnes conduit à faire appel de plus en plus à la sous-traitance, ce qui permettra également de réduire les coûts de 30 %. Le concept de sous-traitance globale est privilégié même au niveau des études et des achats.

Les Chantiers de l'Atlantique ont défini une nouvelle politique à l'égard de leurs sous-traitants pour mieux les accueillir, les aider à s'organiser, les former avec l'aide de la Chambre de commerce et d'industrie et mettre en place une action commerciale. Deux domaines d'intervention sont mis en avant : des actions directes de création d'entreprises et le transfert de technologies. Une charte a été élaborée pour définir les obligations des Chantiers et de ses sous-traitants. Elle prévoit une vérification réciproque de l'application de la charte et limite à 30 % le chiffre d'affaires des PMI dépendantes des Chantiers. Cette démarche incite également les sous-traitants à se regrouper ou à nouer des alliances afin d'atteindre une taille critique face au donneur d'ordres. Sur 170 entreprises recensées, 88 ont déjà signé la charte. Enfin, les Chantiers de l'Atlantique envisagent le développement d'une zone d'activités industrielles sur leur propre terrain (locaux techniques, vestiaires, restaurant commun pour les sous-traitants).

b) Le développement de la sous-traitance globale dans les établissements de la DCN

A l'établissement de Brest qui réunit toutes les activités de construction navale (sauf les sous-marins) et de réparation navale (y compris les SNLE), trois types de sous-traitance sont identifiés :

- la sous-traitance interne (STI). Des personnels de PME forment des équipes communes avec ceux de la DCN. Il s'agit souvent de spécialités que la DCN a réduites au cours des dernières années (électricité, câblage, aménagement de locaux) pour se recentrer sur ses métiers. Il convient cependant de garder certaines connaissances dans les métiers sous-traités afin de pouvoir spécifier les marchés, contrôler les activités et encadrer les personnels. La STI a concerné 1 500 emplois en 1996 ;

- la sous-traitance externe (STE, 150 à 200 emplois maximum en 1996) permet de fournir une assistance technique dans des spécialités ponctuelles ou pour des pointes de charge. Elle intéresse essentiellement des cadres ou des ingénieurs en renfort de capacité ;

- la sous-traitance globale (STG) permet de confier à une entreprise une partie du navire à aménager avec toutes les spécialités associées. En développement sur les chantiers du Charles-de-Gaulle et du Sirocco, elle donne à certaines entreprises l'occasion de devenir les véritables co-traitants de la DCN et d'améliorer leurs compétences industrielles en termes de qualité. La STG ne correspond cependant pas à la structure des PME brestoises car il n'y a pas, dans le bassin d'emploi, de véritable maître d'oeuvre de rang 2.

Le statut de la DCN n'est pas un véritable problème à court terme mais il est complexe dans sa gestion et il ne facilite pas les dispositifs opérationnels. Il sera conduit à évoluer pour des raisons à la fois internes (gestion du personnel, autorisations d'embauches à l'école de formation des apprentis, mobilité) et externes (partenariats industriels et financiers). La création de GIE ne suffit plus. Les récents contrats offshore ont pu être signés par l'intermédiaire de DCN-International, l'obtention de nouveaux contrats devra s'appuyer sur un autre type de partenariat, surtout si des aides publiques de l'Etat et de la Région sont à nouveau sollicitées.

c) La nécessité de relations plus équilibrées

·  Il est essentiel que s'établissent des relations de partenariat industriel plus équilibrées entre les sous-traitants et les donneurs d'ordre ou les maîtres d'oeuvre.

De manière générale, la nature des contrats d'équipement militaire renforce la dépendance et l'isolement des sous-traitants. Celle-ci se manifeste en premier lieu par le manque d'information dont disposent les PME. Les chefs d'entreprise manquent de prévisions et se retrouvent dans l'incapacité de programmer même à court terme (au-delà de quelques mois) : ils sont cantonnés dans l'exécution des tâches et ne se trouvent pas incités à innover.

Dans le passé, la contrepartie essentielle provenait du prix des sous-systèmes ou des travaux réalisés. En période de crise, la dépendance structurelle s'exerce à l'avantage exclusif du maître d'oeuvre qui rapatrie la charge de travail sans avertir la sous-traitance et en prenant le risque de sacrifier le tissu industriel autour de lui.

La recherche d'informations est donc ressentie comme un préalable. Elle est à l'origine des expériences menées dans la Région Rhône-Alpes et les bassins brestois ou cherbourgeois où les PME ont cherché à améliorer leurs circuits avec leur principal donneur d'ordres. Dans une étude de 1995 sur une centaine de PME de haute technologie, l'économiste B. Reverdy a souligné l'intérêt du développement des réseaux d'entreprise, à l'image des intermédiaires de réseau (" network brokers ") au Royaume-Uni et au Danemark.

L'association ASTRID21) a proposé l'élaboration d'une " charte de la sous-traitance " qui permettrait d'améliorer l'information en amont, d'afficher enfin clairement les choix du donneur d'ordres et les moyens de les mettre en oeuvre, de privilégier le système du forfait. Ceci suppose que les entreprises de rang 1 ou de rang 2 s'impliquent dans l'obtention et le traitement des marchés négociés et passent à un statut de co-traitant. Depuis six mois, la DCN a fait un effort d'information pour fournir des prévisions de plan de charges à ses sous-traitants de rang 1 dans cinq ou six métiers, mais ces prévisions ne paraissent pas reposer sur une évaluation rigoureuse. Il faudra également qu'une structure industrielle se substitue à la DCN pour porter les projets de diversification car les groupes les plus importants de la sous-traitance n'atteignent pas la taille critique.

La démarche globale et contractuelle d'instauration d'une relation équilibrée a prouvé tout son intérêt là où elle a été mise en oeuvre, surtout si la partenariat a été envisagé sur le long terme.

·  Par ailleurs, les sous-traitants pauvres sur le plan technologique sortent rarement du schéma de " loueur de main-d'oeuvre ". De plus, on peut déceler une volonté de ne pas prendre de risque qui explique les réticences face aux innovations et reflète une préoccupation patrimoniale excluant souvent toute réflexion sur la succession d'entreprise.

Il serait pourtant utile d'identifier les potentiels représentés par les entreprises appartenant au bassin d'activités et de repérer les besoins qui pourraient être satisfaits par les compétences existantes, soit chez les principaux donneurs d'ordre, soit dans le tissu des PME. Ce repérage permettrait de retenir des pistes nouvelles.

3. - Optimiser les résultats de la diversification du donneur d'ordres

Parallèlement à l'amélioration des relations entre les donneurs d'ordres principaux et leurs sous-traitants, il est nécessaire que les PME entreprennent une diversification sectorielle et géographique, c'est-à-dire recherchent de nouveaux donneurs d'ordres pour obtenir des charges complémentaires.

Or, les PME souffrent d'une insuffisance de fonds propres liée aux conditions d'exploitation des dernières années (elles n'ont pas dégagé de marge suffisante) et d'un manque d'encadrement commercial (d'où l'importance de renforcer cette fonction par des aides spécifiques). Elles éprouvent également des difficultés à acquérir de nouvelles compétences en raison de l'absence de fonction recherche-développement et plus généralement, de bureau d'études.

C'est pourquoi le regroupement des sous-traitants est essentiel pour coordonner les actions d'assistance et de conseil, mener en commun des actions de développement ou de projection commerciale et mobiliser les ressources financières en facilitant l'accès au crédit et en permettant aux sociétés de conversion d'intervenir dans tous les sites en restructuration.

Une démarche en réseau est cependant difficile à mettre en oeuvre car elle se heurte aux habitudes et à la dispersion des intervenants, et repose essentiellement sur leurs initiatives individuelles.

a) Le transfert de technologies

En France, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, la diffusion des technologies se fait peu en dehors du secteur d'origine.

D'une part, les aides pour la recherche-développement sont concentrées par les différents ministères sur quelques secteurs. Le rapport de la mission sur la technologie et l'innovation (mars 1998) confiée à M. Henri Guillaume estime, par exemple, que l'Etat investit annuellement près de 80 milliards de francs dans les technologies mais que seuls vingt grands groupes industriels en bénéficient.

D'autre part, comme le souligne M. Henri Guillaume dans ce même rapport, " le dispositif de transfert et de diffusion est trop complexe aux yeux de ses utilisateurs (...) La multiplicité des acteurs engagés dans cette mission rend la lisibilité globale du dispositif extrêmement faible. La recherche d'une plus grande efficacité au niveau régional suppose d'abord une simplification de la politique et de l'organisation de l'Etat en Région ".

Selon le Commissariat au Plan, deux mythes compliquent la situation :

- la hiérarchie entre haute et basse technologies, et la concentration des aides sur les secteurs de haute technologie, privent souvent d'investissements d'autres secteurs comme celui des biens intermédiaires ou celui des biens de consommation ;

- la faiblesse de la politique envers les PME est liée à la dispersion des aides et à l'accent mis sur certaines procédures de modernisation (comme l'automatisation qui aboutit aux résultats inverses de ceux escomptés).

Dans les grandes entreprises, la démarche de recentrer permet d'identifier des activités viables sur le plan commercial et financier mais qui se situent toutefois en marge des coeurs de métiers et se révèlent parfois coûteuses en structures. C'est pourquoi certains groupes envisagent un transfert de ces activités à une PMI de technologie.

Les conditions indispensables pour un transfert de technologies ont été identifiées, notamment par l'Union des industries métallurgiques et minières d'Aquitaine.

Elles supposent :

- l'existence préalable d'un marché et le transfert concomitant de charges de travail identifiées (le transfert de recherche amont est risqué) ;

- un monitorat et un suivi pour l'apprentissage de la technologie ;

- des relations gagnantes pour les deux partenaires, l'entreprise qui accepte le transfert atteignant un marché jusqu'alors inaccessible, l'entreprise qui cède la technologie diminuant ses frais de structures.

Ces transferts facilitent dans une étape ultérieure, d'une part, les projets de recherche-développement associant PMI et grandes entreprises, projets particulièrement intéressants pour l'avenir s'ils concernent des activités duales, d'autre part, le repérage des technologies existantes dans le bassin d'emploi et dont les donneurs d'ordre éprouvent le besoin.

Malgré les efforts accomplis et l'existence de relais PMI-PME (présents dans les grands établissements ou pris en charge par eux), la mobilisation des réseaux paraît cependant encore faible.

Il semble qu'il y ait un seuil critique en dessous duquel les PME subissent une concurrence déséquilibrée de la part des groupes. Lorsqu'elles ont moins de 200 salariés, les PME ne sont pas jugées dangereuses par les groupes même si elles détiennent un savoir-faire qui peut être valorisé. Lorsque les effectifs dépassent 300 à 400 personnes, elles peuvent agir seules sur le marché national ou international. Les principales difficultés concernent les PME de 100 à 200 salariés qui n'ont donc pas atteint le seuil critique mais qui attisent la crainte des groupes de se retrouver face à un concurrent.

Or, le rôle de ces groupes est essentiel pour vitaliser le tissu des PME. Le phénomène est analogue en Grande-Bretagne et en Allemagne où les relations PMI-grands donneurs d'ordres sont identiques. C'est en fait une question stratégique et non commerciale : l'innovation technologique vient également des PME qui sont capables de proposer de nouveaux processus à un coût moindre.

b) Le traitement social de la diversification

L'adaptation des entreprises porte directement sur la main d'oeuvre dans la mesure où la réduction des marchés a une incidence immédiate sur l'emploi. A court terme, les effectifs constituent une variable d'ajustement tentante.

Les politiques d'ajustement de l'emploi privilégient souvent la réduction du travail et les départs anticipés à la retraite car ces mesures évitent les licenciements et limitent les conséquences des plans sociaux. Les normes étant d'application générale (à un établissement -cas de la DCN ou de GIAT-Industries- ou à un territoire), c'est bien le bassin d'emploi dans son ensemble qui est concerné et non seulement les groupes ou les entreprises.

La diversification est insuffisante pour compenser la baisse des plans de charge et le traitement social reste nécessaire. Ainsi, à Brest, les deux contrats de diversification AMETHYST et SEDCO-SFX ne représentent respectivement qu'environ 1 million et 1,3 million d'heures de travail pour le bassin. Trois types de mesures ont été envisagés : un système de préretraites ouvert aux salariés âgés de plus de 54 ans en règle générale et de plus de 52 ans pour la DCN, le financement de congés de conversion (10 à 24 mois) ; l'ouverture du plan PROXIMA (plan ministériel pour faire embaucher par la Marine des salariés de la DCN).

Les effets du traitement social des reconversions ne sont pas suffisamment pris en compte et compensés : les départs anticipés ont des conséquences immédiates sur les pertes de savoir-faire et sur la transmission des compétences, rarement anticipée.

Il peut arriver que certains établissements (de 200 à 500 personnes) se trouvent privés de leurs ressources humaines alors que les embauches sont bloquées par la tutelle. De même, la fermeture ou la disparition de sous-traitants prive les maîtres d'oeuvre de capacités qu'ils doivent alors retrouver de manière coûteuse.

C. -  LA MISE EN PLACE D'OUTILS SPÉCIFIQUES DANS LE TERRITOIRE

1. - La structuration du bassin d'emploi

A partir de l'exemple de Saint-Nazaire, il est possible de déterminer les principales conditions pour structurer et animer un bassin d'emploi.

a) Les structures créées dans le bassin de Saint-Nazaire

En raison des caractéristiques du bassin d'emploi de Saint-Nazaire (trois grands donneurs d'ordres : Chantiers de l'Atlantique, Aérospatiale et Elf, absence d'entreprises moyennes et forte dépendance du tissu des PME) et de la suppression programmée en cinq ans de 4 000 emplois, un programme d'action a été mis en place dès 1984-1985 pour valoriser les atouts locaux, diversifier l'activité et ouvrir le bassin d'emploi.

·  Sur le modèle d'une structure fonctionnant à Alès, une première association, le Centre d'Initiatives Locales (CIL), a été créée en 1985 par les grands donneurs d'ordres, la Chambre de commerce et d'industrie, la commune, qui ont mis en commun des idées et des moyens financiers. De nombreux outils ont été mis en place : une pépinière d'entreprises, des prêts d'honneur (jusqu'à 50 000 francs), des aides aux conseils et à la prospection (moyens de secrétariat), des études de développement et un service dédié à l'immobilier d'entreprise. Le CIL s'est révélé bien adapté à la création de PME avec moins de 10 salariés.

·  Compte tenu de la nécessité de travailler également sur des projets de moyenne envergure, une seconde structure a été créée en 1989, le Comité d'Industrialisation du Bassin d'Emploi (CIBE) qui a associé les partenaires du CIL, la DRIRE et une société de capital-risque (mais Aérospatiale s'est retirée). Un guichet unique CIL-CIBE fonctionne pour traiter l'ensemble des dossiers. Il s'agit essentiellement de projets industriels, à de rares exceptions de projets dans les commerces ou les services.

Les résultats sont encourageants. Le CIL a permis la création de près de 500 emplois. Le taux de réussite des entreprises à la sortie de la pépinière atteint 66 %. En revanche, les projets financés par la société de capital-risque ont un taux d'échec assez élevé.

·  La volonté de développer le transfert de technologies a conduit à la création en 1990 d'une nouvelle association, l'APRETTS (Association pour la Promotion de la Recherche et du Transfert de Technologies), dont l'objectif est de rapprocher les mondes des universités, des écoles d'ingénieurs, de l'IUT et des PME. L'idée était de sensibiliser les petites entreprises, de former les acteurs au transfert des technologies (responsables d'entreprises et enseignants-chercheurs), de valoriser les stages d'étudiants, et de réaliser une analyse précise du bassin d'emploi en offre et demande de transferts de technologies.

Cette structure de réflexion, de concertation et de propositions a lancé un programme STRIDE et créé une structure opérationnelle pour le transfert de technologies. Le budget du programme STRIDE a été financé par l'Union européenne, les contreparties locales étant des mises à disposition de personnels. L'APRETTS a introduit une culture d'innovation technologique et permis de faire évoluer les PME les plus dynamiques afin que l'offre et la demande technologiques coïncident mieux. La force du bassin d'emploi est d'avoir accepté le constat préalable de décalage entre offre et demande et de s'être engagé dans une nouvelle politique.

·  A la suite de l'expérience de la cellule Proto de Chambéry, les acteurs des structures précédentes ont créé en 1994 l'ICI, Institut de Créativité Industrielle. La DATAR, le Lycée Aristide Briand, l'IUT de Saint-Nazaire et une école d'ingénieurs IGELEC, se sont associés au projet.

Cette association permet des interconnexions entre les entreprises, les étudiants et les enseignants. Sur un budget de fonctionnement de 2 millions de francs par an, les ressources provenant des contrats avec les entreprises atteignent 2/3 du financement, le financement européen, assuré notamment par le Feder, 1/3. Chaque promotion regroupe une vingtaine d'étudiants du niveau BTS ou DUT dans une dizaine de spécialités technologiques. La durée des études, d'une année actuellement, pourrait être portée à seize mois afin que les étudiants puissent terminer leur projet et que l'ICI délivre un diplôme universitaire. La structure ne comprend que trois permanents (directeur, directeur-adjoint, secrétaire-comptable).

La formation dispensée à l'ICI comprend une partie théorique, 400 heures, et une partie pratique, 800 heures, fondée sur l'apprentissage d'une démarche de projet. Un protocole a été élaboré dont les principales étapes sont : la naissance du projet, son lancement avec la constitution d'une équipe et la signature d'un contrat avec l'entreprise, l'étude de la faisabilité et le développement qui s'accompagne de l'élaboration d'un prototype.

b) Les instruments nécessaires

La structuration du bassin d'emploi repose sur des initiatives. Elle ne peut être imposée. Il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux cadres, identiques et transposables d'une Région à l'autre, mais de mobiliser les structures existantes autour de projets communs dont la réussite entraînera, en cascade, la création des instruments adéquats. Les deux éléments-clés de l'expérience de Saint-Nazaire reposent sur le fonctionnement en réseau (les acteurs discutent, analysent et travaillent ensemble) et sur la mise en place d'outils légers, décentralisés et cohérents.

Ces caractéristiques signifient que les instruments mis en place répondent à une finalité précise (et une seule), ne sont pas forcément pérennes et n'exigent pas un effort démesuré de la part des acteurs.

Deux instruments contribuent à créer une dynamique locale qui s'auto-entretient et favorise l'implication des partenaires potentiels au gré de leurs besoins et de leurs possibilités : d'une part, les documents contractuels, d'autre part, les systèmes associatifs.

Les documents contractuels ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi. Ce sont des facteurs de prise de conscience et d'animation. Ils favorisent les échanges entre partenaires économiques et institutionnels, sollicitent leur engagement et évitent les relations conflictuelles. Mais ils ne constituent que la première étape de la prise en charge par le bassin de son avenir.

Il est donc regrettable de constater qu'ils restent quelquefois lettre morte ou qu'un délai important est nécessaire pour leur traduction concrète. Les chartes de partenariat industriel, comme celle signée en octobre 1997 entre le conseil régional d'Aquitaine et l'UNIM, supposent un plan d'actions concrètes sous peine de rester sur le papier et d'être considérées comme des effets d'annonce.

Par ailleurs la forme modulable et évolutive des associations, la souplesse avec laquelle elles accueillent un nouveau partenaire ou autorisent son retrait facilitent les décloisonnements et la participation tout en correspondant à la nature des problèmes posés.

2. - La nécessité d'un animateur local

La présence d'un animateur local a été qualifiée d'essentielle par la plupart des acteurs rencontrés. Une mission multiple peut lui être confiée : renforcer la coordination entre les administrations et favoriser leur action ; mobiliser les fonds budgétaires des différents ministères et les crédits européens ; concentrer et redistribuer l'information ; assurer une démarche d'assistance et de conseil.

Il semble que de nombreux acteurs puissent jouer ce rôle, et qu'il n'existe pas de règle toute faite en la matière. Dans certains cas, comme à Brest ou à Cherbourg, c'est l'autorité préfectorale qui a assuré l'impulsion initiale. Dans ces deux sites comme ailleurs l'animation a été confiée, en relais du sous-Préfet, à un délégué de site aux restructurations. Les délégués des DRIRE ou les conseillers de la DATAR jouent ce rôle d'animation dans les bassins d'emploi où aucune autre structure n'est intervenue. L'animation a été utilement prise en charge à Saint-Nazaire ou en Rhône-Alpes par des associations privées, à Brest, par un chargé de mission de la communauté urbaine (M. Jacques Grossi, ancien Directeur de la DCN). A Bordeaux, c'est la Maison de l'Industrie, qui regroupe les structures dépendant de l'UNIM Aquitaine qui a effectué les premiers diagnostics et répondu aux sollicitations de ses adhérents.

L'important est que l'animateur existe et qu'il soit reconnu par toutes les parties.

Certaines Chambres de commerce et d'industrie essaient de mobiliser les acteurs économiques et politiques sur l'ampleur des restructurations à venir et les conséquences de la suppression d'emplois. Mais il n'y a pas toujours de réelle prise en compte du choc que ces évolutions représentent et les mesures envisagées ne sont pas alors à l'échelle des conséquences économiques et sociales. De même, elles ne correspondent pas à l'effort exigé pour un développement de long terme.

La réussite des actions menées dans le bassin d'emploi tient à la réunion de trois conditions : la présence d'un chef de file ou d'un animateur, une concertation de l'ensemble des acteurs et la volonté de ces acteurs de développer ensemble un projet de territoire et de travailler en réseau.

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Votre rapporteur aimerait conclure ce chapitre relatif aux bassins d'emploi par un tableau récapitulatif des facteurs de réactivité et des conditions préalables de réussite.

CONDITIONS DE RÉUSSITE DE LA DIVERSIFICATION

DES BASSINS D'EMPLOI

 

Conditions

Moyens

Facteurs humains

· Prise de conscience collective

· Création d'un consensus politique et social :

- implication des élus ;

- participation des syndicats, des organismes professionnels et des entreprises

· Dégager un chef de file, un animateur

· Exercer une volonté politique continue

· Actions d'animation et de sensibilisation par les représentants de l'Etat ou les organismes professionnels

· Nomination d'un délégué spécifique aux restructurations dans chaque site

· Création d'un lieu de médiation entre l'ensemble des partenaires locaux

Facteurs structurels

1. Elaboration d'une stratégie de développement endogène

· Connaissance du territoire

· Rapprocher les logiques industrielle et locale :

- groupe-établissement

- mise en cohérence de la politique de l'entreprise dominante avec le bassin d'emploi

· Dégager les priorités d'actions :

- définir des pôles de compétences

- nouer des partenariats

- instaurer d'une véritable politique de sous-traitance

- favoriser le transfert de technologies

- promouvoir la recherche

- simplifier les procédures

2. Contractualisation de la démarche

- affichage des objectifs, des moyens et d'un calendrier

· Audit du bassin d'emploi

- synergie entre formation, recherche et entreprise (réseaux de technopole...)

- création d'associations d'initiatives locales qui réunissent les partenaires (maîtres d'oeuvre, collectivités locales, organismes professionnels, organismes financiers)

- charte de sous-traitance entre maîtres d'oeuvre et sous-traitants

- développement de la sous-traitance globale

- structures internes aux donneurs d'ordre pour favoriser l'essaimage, le transfert de technologie, l'appui technique et commercial aux PME

- Université/Structure d'Interface/

Entreprise

- création d'un guichet unique

Elaboration de documents contractuels sous des formes variées : 

- convention Etat-région

- convention cadre régions-donneurs d'ordres

- conventions ou protocoles de sites

- engagements du CIAT

- chartes de développement

V. -  PROPOSITIONS POUR UNE STRATÉGIE DE LA DIVERSIFICATION

Les diagnostics sur la diversification varient en fonction des entreprises et des bassins d'emploi. En particulier, ils diffèrent en raison de la nature des produits et des marchés, ainsi que des caractéristiques des entreprises (taille, rôle et statut). C'est pourquoi les propositions d'actions concrètes en faveur de la diversification doivent tenir compte de ces différences et s'appuyer sur les facteurs de réactivité des entreprises comme sur ceux des territoires.

Quatre types de propositions peuvent être retenus. Ils ne sont pas de même portée. Mais ils concourent à des degrés divers à créer une véritable stratégie de la diversification pouvant s'appuyer sur :

- une meilleure définition des objectifs politiques et industriels ;

- la clarification du rôle des acteurs et une capitalisation de leurs expériences ;

- l'amélioration des procédures nationales ;

- une attention particulière portée à la mise en oeuvre et à la réforme des fonds communautaires.

A. -  LE RÔLE DE L'ETAT : CLARIFIER LES OBJECTIFS POLITIQUES, DÉFINIR UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE

Si le choix de la diversification relève avant tout de la stratégie industrielle des entreprises et des groupes, la clarification par l'Etat des objectifs de la politique de défense apparaît comme un préalable.

1. - Accroître la lisibilité de la politique publique de défense

Les critiques les plus fréquentes à l'encontre des décisions politiques concernent les incertitudes en matière d'équipements et de programmes militaires.

La visibilité est en effet nécessaire au secteur industriel. Dans le domaine de l'industrie de défense, elle est de la responsabilité de l'Etat et a longtemps reposé sur la programmation militaire. L'avantage était indéniable pour les entreprises qui bénéficiaient d'une meilleure connaissance de leur plan de charges. Mais, depuis plusieurs années, l'incertitude s'est accrue sur la nature et le niveau des commandes publiques. Cette remise en cause, en cours d'exercice budgétaire, s'est faite sans que toutes les conséquences sur les entreprises et sur l'emploi aient été prises en compte.

Cette observation mérite d'être nuancée en raison des rigidités qu'entraînent les exigences des contrats en cours. Les contrats d'armement sont en effet conclus pour de longues périodes et les fournisseurs s'engagent à assurer la maintenance des équipements et la livraison des pièces de rechange pendant toute la durée de vie des matériels : cela renforce la connaissance préalable des plans de charges à venir et réduit la marge d'incertitudes (la DCN et le SMA connaissent ainsi à l'avance, sur longue période, entre un tiers et la moitié de leur plan de charges).

L'exercice auquel s'est livré le ministère de la Défense dans le cadre de la revue des programmes permet à la fois :

- de rappeler les orientations générales de la politique de défense, notamment le principe d'autonomie stratégique ou les objectifs de capacité d'action à distance du territoire national ;

- de confirmer la mise en oeuvre de la professionnalisation et le format des armées ;

- de proposer une adaptation limitée et réaliste de la loi de programmation militaire en cours.

La décision, prise au terme de cet exercice, (annoncée par le Premier Ministre, M. Lionel Jospin, à Saint-Mandrier le 3 avril dernier et confirmée par le Ministre de la Défense, M. Alain Richard, devant la Commission de la Défense nationale le 8 avril) de stabiliser les crédits d'équipement militaire à 85 milliards de francs (valeur 1998) pour chacune des quatre annuités restantes, non seulement permet de réaliser une économie de 20 milliards de francs qui contribue à l'effort de maîtrise des dépenses publiques mais justifie le cadre de la programmation militaire.

Alors que les annulations et les gels de crédits opérés au cours des exercices 1993, 1995 et 1996 s'étaient traduites par des aménagements de calendriers ou des réductions de cibles (au risque de rupture des capacités opérationnelles), la revue de programmes contribue au contraire à la cohérence de la programmation :  elle prolonge l'aménagement habituel des grands programmes par des décisions d'annulations ou de renonciations temporaires portant sur les fabrications ou études de systèmes d'armes moins prioritaires.

Comme l'a indiqué le Ministre de la Défense, l'effort de modernisation des équipements s'inscrit " dans un cadre stabilisé " et se traduit par des " perspectives claires pour les acteurs de la défense ". Une telle démarche de renforcement et de continuité des décisions doit être encouragée et poursuivie. Il convient également d'engager une réflexion au-delà de l'horizon 2002 sur les armements du futur pour fixer à tous les acteurs une perspective à long terme.

2. - Préciser les orientations fondamentales

Les décisions politiques en matière de défense ont de nombreuses répercussions. Le Royaume-Uni s'est longtemps posé la question de l'intervention même des pouvoirs publics (voir annexe 2). En France, les interrogations les plus courantes concernent les objectifs des politiques publiques et leurs conséquences industrielles, ainsi que les moyens d'intervention.

a) Déterminer des orientations fondamentales

·  La détermination des orientations fondamentales relève à l'évidence de l'Etat et de ses plus hautes autorités. " La fonction d'arbitrage et de débat ", au sens où l'entend M. Claude Serfati, est de plus en plus difficile à exercer dans un contexte de médiatisation croissante. Il n'en reste pas moins que la professionnalisation des armées, la fin programmée du service national et la réduction des crédits d'équipement (en termes absolus et relatifs) constituent des décisions majeures dont il est essentiel de souligner les conséquences, notamment industrielles. Les gouvernements successifs ont engagé, même si c'est avec retard, la mutation de l'appareil de défense.

De même, l'inscription des politiques de défense dans un cadre européen se confirme depuis quelques années. Si la constitution de forces ou d'états-majors plurinationaux est inscrite dans les faits, la mise en place d'une agence européenne de l'armement n'en est qu'à ses débuts. L'OCCAR créé à la suite d'une initiative commune de l'Allemagne et de la France préfigure une véritable politique européenne d'achats et de programmes.

On peut cependant regretter la lenteur avec laquelle se mettent en place ces nouvelles structures, témoins perceptibles d'une évolution qui ne demande qu'à s'amplifier : elle est sans doute la rançon de pesanteurs structurelles qui disparaissent peu à peu.

·  C'est paradoxalement au niveau des politiques sectorielles que les objectifs manquent de clarté et nécessiteraient d'être précisés, voire d'être hiérarchisés car les priorités gouvernementales paraissent encore trop marquées par les échéances de court terme.

Le tableau suivant fournit quelques exemples de politiques publiques et d'instruments favorables à la diversification des industries de défense vers les activités civiles. Les exemples fournis relèvent en fait d'une même problématique générale liée à la régulation des systèmes de production, à la dépendance à l'égard des autorités étatiques, à un certain désengagement industriel de l'Etat (changement de statut de GIAT-Industries, séparation des activités étatiques et industrielles de la DCN, privatisations), ou à la réforme de la DGA.

POLITIQUES PUBLIQUES ET INSTRUMENTS FAVORABLES

À LA DIVERSIFICATION

Politiques publiques

Instruments

Emploi et formation professionnelle

Systèmes de formation et de reclassement professionnels

Reconversion des personnels

Aides directes à l'embauche

Retraits anticipés de la vie active

Accompagnement social

Financement, fiscalité

Subventions

Aides directes et indirectes

Baisses d'impôts et de charges

Paiements compensatoires de charges sociales

Politique industrielle et recherche technologique

Aides aux investissements productifs

Agences d'Amélioration et transferts de technologie

Innovation technique et amélioration de la qualité

Politique régionale et aménagement du territoire

Actions de la DATAR

Aides aux collectivités locales

CIAT

b) Effectuer des choix budgétaires et de développement économique

Il s'agit de mieux apprécier la notion de " dividendes de la paix ".

De nombreuses études macro-économiques ont été menées pour mettre en évidence l'influence des dépenses militaires sur la croissance et justifier cette notion. Tant au Royaume-Uni qu'en France, des modèles ont été élaborés pour analyser l'impact des réductions budgétaires sur le développement économique et sur l'emploi.

·  Une analyse économique réalisée en 1996 par MM. Thierry Baumgart du Commissariat général au Plan et Raymond Courbis de l'Université de Nanterre a cherché à évaluer les effets de la réduction des dépenses budgétaires sur la croissance et l'emploi dans notre pays.

Une première simulation sur les aspects micro-économiques du désarmement analyse ses conséquences sur l'emploi à partir de deux scénarios portant sur la réduction des dépenses militaires et l'évolution des exportations. Si les hypothèses les plus favorables prévoient un accroissement d'environ 4 000 emplois, les scénarios les plus défavorables conduisent à une perte de 61 000 à 82 000 emplois sur trois ans dans les industries de défense en France.

La simulation macro-économique à partir du modèle PROTEE mis au point par l'université de Nanterre distingue le court terme (quatre-cinq ans) et le long terme (quinze à vingt ans) ainsi que les effets directs et indirects sur la demande. Il étudie aussi les conséquences les décisions du Gouvernement relatives aux dépenses publiques, au déficit du budget de l'Etat et des taux d'intérêt.

Le principal scénario repose sur :

- une réduction graduelle et modeste des dépenses militaires sur une décennie qui aboutit en fin de période à une diminution de 0,5 % de la part des budgets militaires dans le PIB ;

- une déflation des effectifs militaires de 60 000 sur la même période.

Un second scénario prend en compte les effets additionnels de la réduction des dépenses militaires sur les exportations d'armement. Une troisième simulation tire les conséquences de la reconversion des industries de défense dans les activités civiles.

Toutes ces études révèlent un effet défavorable à court terme : il y a une réduction directe sur la demande effective et, en conséquence, sur l'emploi et le PIB par l'effet du multiplicateur keynésien. Après quinze à vingt ans, la réduction des dépenses aura un effet favorable sur la demande. Ce phénomène est dû principalement à un déficit public réduit qui permet une baisse des taux d'intérêts et aux économies budgétaires qui rendent possible l'accroissement des investissements publics dans les équipements et les infrastructures. Néanmoins, cet impact favorable à long terme est graduel et lent. Il dépend de la manière dont peuvent être utilisées les capacités de production de l'industrie de défense. L'importance de l'effet positif est limitée et la possibilité de réduire les dépenses militaires reste largement un choix politique.

·  Les conclusions de la simulation britannique de l'Université de Cambridge sont assez dissemblables car elles concluent à un solde très positif de création d'emplois civils à moyen terme. Deux conditions sont posées :  la conduite d'une politique d'adaptation ; la réaffectation de l'épargne réalisée. Mais cette approche, d'une part, sous-estime les bouleversements sociaux, d'autre part, surestime la capacité des industries de défense à se restructurer.

c) Clarifier les fonctions de l'Etat

Face à la contraction des crédits budgétaires et à l'accroissement des coûts des programmes militaires, l'Etat-Client cherche à réviser les méthodes d'acquisition des armements et à réaliser des économies.. Il a été demandé un effort notable aux industriels, éventuellement en échange d'assurances sur le niveau des commandes et leur échéancier (démarche des commandes pluriannuelles), mais la DGA a été aussi sollicitée afin de diminuer ses coûts d'intervention, qui pèsent sur les prix des armements.

Un objectif de réduction de coûts de 30 % a été fixé dans la loi de programmation militaire. On peut se demander pourquoi cet objectif a été fixé à un tel niveau. Soit il s'agit de contenir l'ensemble des programmes d'équipement dans l'enveloppe de la loi de programmation militaire et d'éviter certains abandons de programmes. Soit il s'agit d'une transposition des analyses américaines de la fin des années 80 qui situent à 20 ou 30 % du coût des programmes la part due aux infrastructures administratives (" le coût de la technocratie ").

Il convient de ne pas se tromper d'objectifs. L'amélioration des gains de productivité, surtout dans des industries à fort contenu technologique, conduit à une diminution des emplois industriels de 3 à 4 % par an, dès lors que celle-ci ne peut plus être compensée par l'accroissement des commandes publiques.

La revue de programmes effectuée par le ministère de la défense a confirmé que l'objectif de réduction des coûts de 30 %, souhaitable pour la poursuite de la modernisation des armées, ne pouvait être réalisé dans tous les domaines et qu'il serait plus réaliste de prévoir un objectif de 5 % pour les crédits d'entretien des matériels ainsi que pour les dépenses d'infrastructures, ou de 10 % pour les études amont ou les développements.

L'Etat-Producteur peut parfois être en contradiction avec son rôle d'Etat-Client. C'est ce qui semble se jouer aujourd'hui avec la DCN. Mais encore faudrait-il que soit expliquée la logique dans laquelle l'Etat souhaite se situer.

L'objectif de l'Etat-Actionnaire est d'améliorer l'efficacité industrielle. Aujourd'hui, la tutelle des entreprises dont l'Etat est actionnaire est le plus souvent exercée par le Trésor qui a une vision financière et non industrielle. Il n'a en outre pas toujours exercé son rôle de contrôle. Par exemple, chez GIAT-Industries, il a laissé, dans les années 90, se réaliser certains montages industriels sans avenir ; a contrario, il est intervenu en juin 1997 pour s'opposer à un partenariat dans le domaine des transports.

3. - Prendre position sur la stratégie de l'Union européenne en matière d'industries de défense

a) Une prise de conscience tardive

La prise de conscience par la Commission des difficultés croissantes et de l'ampleur de la dégradation du secteur industriel de défense est récente. Elle a été renforcée par le sentiment que les indicateurs économiques (diminution de l'emploi de 13 % de 1993 à 1995, renforcement de la pénétration américaine, faible concentration) compromettaient les objectifs politiques, en particulier ceux liés à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et que le cadre national n'était plus suffisant pour les restructurations en cours. Pourtant, la responsabilité en la matière fondée sur l'article 223 du Traité de Rome reste du domaine des Etats.

Cette prise de conscience de la Commission sur le caractère " nécessaire et urgent " de la mise en oeuvre d'une stratégie communautaire a cherché à s'appuyer sur une " position commune " des Etats et sur un plan d'action spécifique pour les industries de défense.

Un premier groupe de travail, établi en 1995, n'a pas été en mesure de formuler des recommandations. Le traité d'Amsterdam a cependant prévu la définition d'une politique commune en matière d'armement et une coopération entre l'Union européenne et l'UEO pour la rationalisation des marchés et pour la création d'une Agence européenne de l'armement. Une première communication de la Commission en janvier 1996 a provoqué un large débat à ce sujet et le Parlement a adopté, en juin 1997, une résolution sur les initiatives à prendre et la stratégie européenne à concevoir. Une seconde communication de la Commission a été adressée en décembre 1997 au Conseil.

Mais les travaux au sein du groupe Polarm " Politique européenne d'armements " ont seulement permis d'examiner les positions des Etats membres et le Conseil ne s'est pas encore prononcé.

Quelques idées ont été retenues : l'Union européenne doit préserver la base industrielle et technologique de défense (BITD) en raison du niveau des capacités déjà constituées et de l'impact de ce secteur sur l'emploi et le développement économique. Le cadre de l'Union doit être privilégié car complémentaire des programmes nationaux. Par ailleurs, les coopérations ne peuvent pleinement se développer qu'à l'échelle européenne. Enfin, l'Europe de la défense suppose l'existence d'industries de défense, européennes donc indépendantes.

L'approche industrielle de la Commission est essentiellement centrée sur la compétitivité et la recherche d'efficacité des entreprises face à la concurrence : la Direction générale " Industries " DG III considère ainsi que l'évolution des besoins des armées et leur politique d'acquisition d'équipements vont favoriser les matériels à double usage donc les entreprises duales, et que les moyens d'action de la Commission peuvent en conséquence être transposés des marchés civils aux marchés militaires. Les directives existantes seraient élargies ou de nouveaux textes spécifiques s'en inspirant seraient élaborés. Mais la préférence de la direction générale va à l'utilisation des instruments déjà utilisés dans le secteur civil, qui pourrait servir dans le cadre institutionnel dit du " deuxième pilier " (politique étrangère et de sécurité commune), même si la spécificité du secteur appelle une adaptation.

b) Les initiatives actuelles

·  La Commission a saisi le Conseil en décembre dernier d'un projet de position commune au titre de l'article J2 du traité sur l'Union européenne. Celui-ci établit des principes et des domaines d'action, essentiellement dans les domaines des transferts intracommunautaires, des marchés publics et du régime douanier. Il prévoit l'adoption de mesures concrètes relatives notamment à la rationalisation des normes militaires et à l'harmonisation des droits de douane.

La Commission a, en complément, établi un plan d'action dans les domaines où une démarche européenne s'avère nécessaire pour remédier aux désavantages compétitifs des entreprises européennes et accompagner leurs efforts de restructuration.

DOMAINES DU PLAN D'ACTION COMMUNAUTAIRE

- simplification des transferts de produits intercommunautaires ;

- création d'un statut d'entreprise européenne ;

- définition de nouvelles règles des marchés publics (trois catégories de matériels seraient déterminées) ;

- renforcement de la complémentarité des programmes en matière de recherche et développement ;

- rationalisation des normes militaires ;

- harmonisation des droits de douane ;

- diffusion des technologies ;

- adaptation des règles de concurrence ;

- réforme des fonds structurels pour la période 2000-2006 ;

- rénovation du système fiscal, direct ou indirect.

Enfin, la Commission souhaite aborder les principes d'accès au marché, promouvoir l'étalonnage des performances industrielles et étudier la situation de l'industrie de défense dans les pays d'Europe centrale et orientale.

Ces différentes propositions sont assorties d'un calendrier, variable selon l'urgence ou la sensibilité des thèmes et le caractère réalisable des interventions. Elle sont liées à la réforme des fonds structurels, et pourraient être différenciées selon les secteurs.

L'Etat devra prendre position face aux propositions de la Commission. Les réactions des industriels paraissent négatives à leur égard car elles sous-entendent des restructurations massives.

La place de l'armement français dans les industries européennes de Défense reste à définir : dans quels secteurs l'armement français choisit-il d'exister ou de continuer à exister ?

La réponse à cette question permettrait d'offrir une plus grande lisibilité aux entreprises, une vision à long terme.

4. - Harmoniser les logiques ministérielles

Les interventions des administrations publiques restent cloisonnées. Non seulement les services de l'Etat hésitent entre une politique sectorielle et une approche territoriale, mais ils ne mènent pas suffisamment de travaux et d'actions en commun.

a) Des approches parallèles

(1) Une approche territoriale : la DATAR et la DRIRE

·  Le secrétariat d'Etat à l'Industrie mène une action régionale dans le cadre de la DAR-PMI et des DRIRE qui ont une approche collective du développement au sein des bassins d'emploi et participent déjà au dispositif FRED (instruction des dossiers pour le compte de la DGA).

·  La DATAR a lancé un programme expérimental de technologies duales (surtout dans deux Régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Poitou-Charentes). Ce programme s'appuie sur des audits d'entreprises -recensement, évaluation, analyse des vulnérabilités- menés à la suite de multiples initiatives (Chambres régionales de commerce et d'industrie, DRIRE, Industrie). Il ne semble pas qu'il y ait de diagnostic global car la DATAR s'intéresse avant tout à une approche territoriale et à un positionnement stratégique du bassin d'emploi.

La DATAR a dressé une carte de la vingtaine de bassins d'emploi dépendant des industries de défense pour permettre au Gouvernement français de négocier avec la communauté européenne le plan pluriannuel plurirégional. Mais la DATAR n'a pas dressé une typologie ou hiérarchisation entre les différents bassins d'emploi permettant d'adapter les réponses aux différentes situations.

·  Comme elle ne dispose plus de structures territoriales depuis la suppression du service de surveillance industrielle de l'armement et que le réseau d'une quinzaine de correspondants locaux pour les PMI-PME est insuffisant, la DGA souhaiterait établir une convention industrie-défense pour que les DRIRE prennent en charge les objectifs liés à la restructuration des industries de défense.

(2) Deux approches économiques : le secrétariat à l'Industrie et la DGA

Il n'existe pas de politique industrielle coordonnée entre les différents ministères concernés.

·  Le secrétariat d'Etat à l'Industrie a tout intérêt à accompagner la diversification des industries de défense pour deux raisons majeures :

- d'abord, parce que les grands groupes ont depuis une dizaine d'années la volonté de rééquilibrer leur chiffre d'affaires en privilégiant les marchés civils et que le caractère dual de leurs activités les fait ainsi rentrer dans son champ de compétences ;

- ensuite, en raison de l'incertitude de la politique menée par la DGA en faveur des industries à fort taux de dépendance vis-à-vis des produits militaires. L'ampleur et la complexité des reconversions sont telles que le ministère chargé de l'Industrie se sent directement impliqué.

Aussi, ses services ont-ils mené des études sur les industries de défense, d'avril 1996 à janvier 1997.

Par ailleurs, le secrétariat d'Etat à l'Industrie a identifié entre 2 500 et 3 000 PMI-PME liées à la défense. Cependant, ce recensement n'a donné lieu à aucune exploitation. A fortiori, aucune action n'a suivi.

Il a également édité en novembre 1997 un guide pratique à l'intention des entreprises de sous-traitance pour les aider à conduire une démarche de diversification sectorielle.

·  La DGA a identifié près de 5 000 entreprises qui contribuent en France à l'industrie de défense. En fait, seules 300 PME-PMI l'intéressent car elles maîtrisent des technologies et des savoir-faire performants. C'est pourquoi depuis mi-1992 a été mis en place un système de soutien (la financière de Brienne) aux PME de haute technologie afin de réduire, par la diversification vers les marchés civils, leur taux de dépendance à l'égard des marchés militaires et leur fragilité face à un retournement du marché.

Quelques efforts de rapprochements entres les deux administrations ont été réalisés. A la demande du Ministre de la Défense, une commission d'étude " diversification ", créée en octobre 1992, a permis une première réflexion associant les services de la Défense et de l'Industrie ainsi que les organisations syndicales. Son rapport, rendu en février 1993, a défini les contraintes à surmonter et les atouts susceptibles d'être valorisés.

La réforme de la DGA qui a entraîné la disparition de la Direction des programmes et affaires industrielles semble être un frein à la coopération.

Dans son rapport de mission sur la technologie et l'innovation (mars 1998), M. Henri Guillaume souligne :

" En 1994, les grands groupes liés à la Défense et leurs filiales percevaient 98 % des crédits militaires, mais aussi 86,3 % des contrats des grands programmes civils et le quart des crédits incitatifs. Ils étaient donc destinataires de 83 % des 23,2 milliards de francs de financement public, alors qu'ils effectuaient de l'ordre du tiers de la dépense de recherche-développement des entreprises et employaient le tiers des chercheurs en entreprises. "

" Un problème spécifique se pose en tout état de cause pour les PMI. Maintes fois évoquée, l'application en France d'un dispositif analogue au SBIR américain qui réserve aux PMI une part des marchés publics civils et militaires, se justifie désormais dans la perspective d'une baisse des crédits militaires qui risque, sans effet correcteur, de fragiliser le tissu des PMI innovantes. "

" Il conviendrait en outre que la DGA et l'ANVAR mettent en place un dispositif de soutien spécifique pour les PMI travaillant pour la Défense. "

" La concentration des financements militaires et civils conduit d'abord à s'interroger sur la nécessité d'organiser de façon concertée la recherche duale en France. "

" Les actions de recherche d'intérêt Défense potentiellement concernées par une approche duale représentent un niveau de financement de la DGA qui n'excède sans doute pas 150 à 200 millions de francs. "

" La somme du montant des Etudes Amont et des crédits incitatifs du MEFI (hors ANVAR) et du MERT représente les crédits disponibles directement pour financer la politique technologique. Or, contrairement à l'exemple du Royaume-Uni, cette somme ne fait l'objet d'aucune coordination entre le ministère de la Défense et les ministères civils, plus particulièrement avec le MEFI. Ainsi, le maintien et le développement d'une base technologique ne font pas partie explicitement de la mission d'aucun ministère. "

" La seule initiative commune est constituée par la procédure SYRECIDE (Synergie recherche civile et défense) qui associe la DGA et le MENRT. Elle est dotée d'un montant de 26 millions de francs pour une assiette de programme de 50 millions de francs. Même si son montant reste symbolique, cette initiative a le mérite de contribuer au dialogue. Il existe donc à l'évidence un potentiel important d'accroissement des actions duales au service d'une base technologique performante en termes de brevets et de prix par rapport à la concurrence internationale (le volume de 400 millions de francs réparti entre la Défense et le MEFI représenterait un ordre de grandeur plus significatif). "

" Ma première constatation sera donc de mettre en place une instance interministérielle de pilotage et de suivi de l'ensemble des crédits du financement de recherche-développement qui aura à la fois la tâche d'éviter les doubles emplois vers les grands groupes et de mieux coordonner la recherche duale. "

(3) Une approche recherche-développement :

l'absence de coordination entre la Défense, la Recherche et l'Union européenne

Le ministère de la Défense concentre surtout l'effort sur les grandes entreprises.

Par ailleurs, l'Union européenne est appelée à prendre un part prépondérante dans la recherche-développement. Les industries de défense sont exclues du programme cadre de recherche-développement mais elles sont susceptibles d'être concernées lorsqu'elles se lancent dans la diversification.

Notre collègue Michèle Rivasi écrit dans son rapport d'information sur " Les enjeux de la recherche communautaire, le cinquième programme-cadre " que " La recherche-développement est la base fondamentale de la croissance économique ". Mme Edith Cresson a précisé lors de son audition par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (septembre 1997) : " Aux Etats-Unis, un tiers de la croissance du PNB a pu être attribué en 1996 aux industries de haute technologie, secteur dans lequel l'emploi a progressé, la même année, près de 2,5 fois plus vite que dans le reste de l'économie américaine ".

Une coopération est donc nécessaire à deux niveaux :

- entre les ministères eux-mêmes ;

- et entre les ministères et l'Union européenne.

b) Un besoin de capitalisation

(1) Echanger et mettre en commun

·  La capitalisation des expériences en matière de reconversion industrielle est effectuée à de nombreux niveaux mais elle reste incomplète et cloisonnée. Le Commissariat général au plan et la DATAR organisent des échanges et informent les responsables, locaux ou industriels, à l'occasion de séminaires ou de sessions de formation. Ils élaborent des documents dont le foisonnement est sans doute sous-utilisé. Les sociétés de conversion et les groupes industriels possèdent également une expérience riche et ancienne de ces questions : ils disposent d'analyses, d'études et de bilans sur des expériences dans les secteurs civils et militaires qui pourraient utilement servir à d'autres situations, même si elles ne sont pas transposables en l'état.

La DATAR estime que la capitalisation des expériences ne revêt pas une importance fondamentale car les méthodes ne sont pas reproductibles tant les caractéristiques locales ou industrielles diffèrent. Ce qui semble le plus important est la jonction entre les groupes industriels et les services administratifs (qui relève donc de l'animation, d'où le rôle fondamental d'un " catalyseur " local) et la prise en main des dossiers industriels par un acteur local privé. Le ministère de la Défense accepte, par l'intermédiaire des établissements de GIAT-Industries ou de la DCN, d'être le porteur de la diversification pendant une phase transitoire compte tenu du déficit d'esprit d'entreprise. Mais il est nécessaire que ce soit une société privée, ou un leader dans le bassin d'emploi, qui prenne le relais.

L'exemple du bassin de Saint-Nazaire montre l'utilité d'un guichet unique qui permet de renseigner, d'orienter et d'instruire les demandes des responsables d'entreprises. De même la similitude des conclusions auxquelles tous les responsables sont amenés incite à ne pas réinventer de manière systématique des solutions éprouvées et généralement admises à moins que la démarche en elle même ne soit indispensable à la prise de conscience et à la motivation des acteurs politiques, économiques et sociaux.

Il apparaît nécessaire d'encourager la création dans chaque bassin d'emploi d'une structure unique de documentation, d'information et d'instruction. Cette mission peut être confiée à une structure existante (organisme consulaire par exemple) ou créée à cet effet (sous le régime associatif) mais en cas de défaillance d'initiatives locales, il reviendrait à un service de l'Etat d'assumer ce rôle, même de manière transitoire.

Malgré la mise en place des Commissariats au développement économique dans certaines Régions et la présence de chargés de mission (une trentaine dans les différents bassins d'emploi), la DATAR ne dispose pas suffisamment d'infrastructures régionales et n'est pas favorable à la création d'une nouvelle structure administrative ou para-administrative. Elle ne peut que faciliter le dialogue (une part importante du programme pluriannuel plurirégional est réservée aux échanges d'expériences et d'informations) et laisser la maîtrise locale soit aux Préfets, soit aux DRIRE.

De même, les délégués régionaux de la délégation aux restructurations du ministère de la Défense ne sont pas assez nombreux pour remplir ce rôle de " guichet unique ". Dans ces conditions, il sera nécessaire de réfléchir à la mise en place d'une structure spécifique, un observatoire de la diversification, auquel serait confiée la mission d'information et de capitalisation des expériences. Cet observatoire pourrait être rattaché à la DATAR. Il pourrait également être adossé à une université spécialisée en aménagement du territoire, le dotant d'une mission supplémentaire de formation.

(2) Structurer la " veille "

En 1995, le ministère de l'Industrie a recensé une centaine de " technologies clés " essentielles pour le développement de l'industrie française à moyen terme. Ces technologies font l'objet d'une étude qui déterminera également le positionnement de la France et de l'Union européenne afin de définir les priorités pour l'initiative publique.

Par ailleurs, hormis dans quelques grands groupes, on constate un grand déficit d'analyses stratégiques des produits, des technologies et des marchés. Or, il est nécessaire de redéfinir périodiquement les enjeux industriels et les technologies à maintenir ou à acquérir.

Le Commissariat général au Plan est l'une des rares structures interministérielles de réflexion et de concertation à avoir une vision prospective. Le secrétariat d'Etat à l'Industrie, quant à lui, est sollicité pour développer l'analyse prospective des marchés en raison de son expertise sur le plan technique et commercial, et en l'absence de réelle vision stratégique de la plupart des entreprises. Il n'effectue pas de travail systématique pour identifier les secteurs de diversification car il estime que cette démarche relève des entreprises, qui seules doivent choisir les développements et définir les pôles d'action. Par contre, il identifie les capacités, élabore des scénarios et cherche à structurer des tissus d'entreprises. Les autres administrations ne sont pas associées à ce type d'actions.

Une coordination entre l'ensemble des ministères s'impose pour assurer une vision prospective, cohérente aux entreprises et à l'Etat, " initiateur de grands projets ".

c) Privilégier le rôle interministériel du délégué aux restructurations

·  Le ministère de la Défense a mis en place, en 1991, une délégation aux restructurations. Elle participe à la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement des restructurations afin de faciliter l'acceptation des mesures décidées et de favoriser la reconversion des emprises militaires désaffectées. Elle entretient des relations étroites avec les Préfets et les secrétaires généraux pour les affaires régionales, ainsi qu'avec la DATAR et le ministère de l'Industrie. Pour l'aide à la conversion ou à la diversification des industries d'armement, elle veille à la cohérence des actions conduites par les différents partenaires.

De même, la délégation élabore, négocie et suit l'application du dispositif d'accompagnement social de manière à proposer à la direction de la fonction militaire et du personnel civil les adaptations nécessaires. Elle étudie les plans sociaux des entreprises sous tutelle et facilite le reclassement des personnels sous statut public.

Cependant, le ministère de la Défense ne disposant pas de services déconcentrés dans les départements et les Régions (hormis les délégués militaires), l'autorité préfectorale est l'interlocuteur en matière de développement local.

·  La fonction de délégué interministériel aux restructurations de défense a été créée par le décret n° 96-261 du 28 mars 1996. Nommé auprès du Ministre de la Défense sur proposition de celui-ci et du Premier Ministre, il prépare les travaux du comité interministériel et coordonne l'action des ministères concernés par les restructurations. Il lui appartient de concevoir et mettre en oeuvre les programmes de développement qui permettent de préserver le potentiel économique et social des bassins d'emploi.

Le délégué dispose d'une équipe de collaborateurs provenant des ministères intéressés (DATAR, Finances -direction duTrésor-, Industrie), des délégués régionaux et de la DAR, délégation aux restructurations du ministère de la Défense.

Le comité interministériel pour les restructurations de défense, présidé par le Premier Ministre, réunit les Ministres concernés par les conséquences des restructurations et leur accompagnement : Défense ; Travail ; Economie et Finances ; Industrie ; Petites et moyennes entreprises, Commerce et Artisanat ; Aménagement du territoire ; Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation ; Recherche.

Le comité délibère sur les mesures d'accompagnement et veille à leur exécution. Il se réunit tous les 3 ou 4 mois. Le comité permanent, constitué de hauts fonctionnaires désignés par les Ministres représentés au comité interministériel, prépare les réunions.

·  Les délégués régionaux exercent leurs fonctions auprès des Préfets de Région (SGAR) en liaison avec les services déconcentrés de l'Etat :

- ils coordonnent l'action des délégués de site qui exercent leurs fonctions auprès des Préfets de départements ou des sous-Préfets dans certains bassins d'emploi ;

- ils veillent à la mise en oeuvre de la convention Etat-Région relative aux restructurations de défense en liaison avec les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, de l'équipement, et avec les différents délégués régionaux (délégué régional au tourisme, délégué régional au commerce extérieur) ;

- ils facilitent la mise en oeuvre des moyens propres au ministère de la Défense (FRED, plan défense PME), s'assurent de la mobilisation des autres fonds (KONVER, part " défense " du FEDER objectif 2) et participent à la politique générale de programmation des crédits de l'Etat en faveur du développement économique ;

- ils suivent les plans sociaux des industries de défense ou de leurs sous-traitants et la mise en oeuvre de tous les dispositifs de prévention ou d'accompagnement.

Les délégués régionaux et les délégués de site sont intégrés dans le processus d'instruction et d'examen des dossiers car ils sont membres de la commission locale du FRED et peuvent, par délégation du Préfet, présider ces commissions locales. A titre d'information, ils participent aux réunions des commissions régionales et locales de restructuration, instances de concertation prévues au niveau local par le dispositif d'accompagnement social " formation et mobilité ".

Enfin, en ce qui concerne la reconversion des sites militaires, les délégués régionaux ou les délégués de sites participent aux réunions des commissions de suivi au titre de la coordination et de l'information. Cependant, la gestion des procédures de reconversion et d'aliénation restent de la compétence de la DAR et des directions administratives du ministère de la Défense.

Il peut y avoir disparité dans l'action et dans l'implication des délégués régionaux car il n'existait pas vraiment jusqu'à ces derniers mois de stratégie ni de corps de doctrine commun à leurs interventions. Tous ne jouent pas un véritable rôle d'animation interministérielle en raison de l'absence de mandat clair et d'un certain manque d'autorité. Les crédits du ministère de la Défense sont en fait attribués aux Préfets de département et les délégués régionaux donnent seulement un avis mais ne pilotent pas l'attribution de ces crédits.

Par ailleurs, la faiblesse des moyens de fonctionnement qui leur sont attribués nuit à leur efficacité. Dans certains bassins d'emploi, il y a un risque qu'ils entrent en concurrence avec les DRIRE et les SGAR ou du moins qu'ils soient perçus comme tels par les acteurs locaux. Enfin, les Préfets considèrent souvent que la principale mission des délégués régionaux est de leur ressort.

Il semble dès lors nécessaire que le délégué aux restructurations assure un rôle interministériel et que les délégués régionaux deviennent de véritables animateurs territoriaux.

·  Les avis recueillis sur la place institutionnelle du délégué interministériel divergent. Pour certains, il est essentiel qu'il reste placé auprès du Ministre de la Défense afin qu'une meilleure liaison s'instaure avec la DAR. Des projets n'auraient pas pu se concrétiser si les deux structures avaient été institutionnellement et géographiquement éloignées. On cite à titre d'exemple la reconversion de sites militaires, notamment celle du fort des Rousses dans le Jura. D'autre part, les crédits de reconversion FRED sont du ressort du budget de la Défense.

Pour d'autres, le positionnement auprès du Premier Ministre conférerait au délégué une autorité qui lui manque encore.

Il est vrai qu'une part importante de sa mission consiste à faire admettre aux ministères civils que les réformes de la Défense doivent être prises en compte dans leurs décisions, en raison notamment des conséquences économiques et sociales induites. L'action interministérielle est significative pour l'accompagnement social des entreprises sous-traitantes de la DCN ou de GIAT-Industries par le FNE ou le FSE, l'attribution de primes d'aménagement du territoire et l'utilisation du FNADT, ou les interventions auprès des PME-PMI.

Il semble également primordial d'améliorer la situation des délégués régionaux.

·  En premier lieu, il serait souhaitable d'instituer de manière systématique des délégués de sites dans tous les bassins d'emploi touchés par la reconversion des industries de défense et susceptibles de diversification. La carte des fonds communautaires Konver fournit un bon exemple des sites concernés.

L'appellation de délégué régional ne doit pas inciter à placer systématiquement le délégué au niveau de la Région, c'est-à-dire de la préfecture de Région. D'une part, certaines métropoles sont peu concernées par la question alors que le problème est plus ardu dans d'autres villes (Bourges dans la Région Centre, Tarbes en Midi-Pyrénées, Cherbourg en Basse Normandie). D'autre part, la proximité est un facteur essentiel dans la mission des délégués. L'exemple de la Bretagne est intéressant à cet égard car il existe un délégué en poste à Rennes, compétent également pour le bassin de Lorient, et un délégué spécifique pour Brest. Un tel modèle est reproductible et éviterait l'éloignement des délégués de Bordeaux ou de Toulouse à l'égard de bassins secondaires dans lesquels leur action n'est pas relayée par des délégués de site.

Il semble que la décision ait été prise d'aller dans ce sens.

·  Pour assurer un meilleur positionnement local des délégués régionaux, les autorités de tutelle devront redéfinir leur stratégie d'intervention et leur assurer des moyens matériels propres (notamment des crédits de fonctionnement suffisants).

A défaut, il serait envisageable que les ministères de la Défense et de l'Industrie mettent en place des moyens communs et que ceux-ci soient partagés en fonction des particularités locales.

Il serait également utile d'accentuer leur influence sur la distribution des crédits de reconversion, au moyen d'une délégation préfectorale systématique par exemple, afin qu'ils deviennent davantage les responsables de l'attribution de ces crédits.

B. -  L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES NATIONALES

Les principaux reproches adressés aux différentes procédures en vigueur concernent, d'une part, la lourdeur et la multiplicité des mécanismes, d'autre part, le montant des fonds d'origine ministérielle estimé très en retrait par rapport à l'ampleur des restructurations et aux objectifs de développement.

Les critiques à l'égard des aides publiques ne sont pas toujours justifiées, car les fonds existent et sont en adéquation avec les projets qui se manifestent. Il s'agit moins de l'absence de moyens que de la difficulté à les utiliser ou du risque de saupoudrage des aides sans objectif précis. De nombreuses interrogations portent aussi sur l'utilisation des fonds nationaux ou européens, ainsi que sur l'intervention des sociétés de conversion.

1. - Accroître la lisibilité et l'accessibilité des financements

Plusieurs types de financement peuvent être utilisés dans le cadre des restructurations industrielles du secteur de l'armement.

a) Les fonds nationaux

·  Destinées à l'ensemble des sociétés, donc accessibles aux entreprises de la défense, les aides à l'investissement distribuées par le fonds de développement des PMI (FDPMI) concernent en priorité les opérations de conversion. Mais le Secrétariat d'Etat à l'Industrie encourage également d'autres types d'investissements à caractère technologique, grâce aux aides à l'innovation de l'ANVAR et à des procédures spécifiques qui font appel à des subventions ou à des avances remboursables : diffusion des techniques ATOUT, fonds régional d'aide au transfert de technologie (FRATT), fonds régional d'aide au conseil (FRAC), aide au recrutement des cadres (ARC).

·  L'un des fonds les plus spécifiques est le fonds pour les restructurations de la défense (FRED), créé en 1992, qui a une vocation large et dont, par construction, l'action est étalée dans le temps.

Le Fonds pour les restructurations de défense FRED

Créé par la loi de finances pour 1992, le Fonds pour les restructurations de la défense FRED a pour objet de financer des mesures de reconversion économique dans les bassins touchés par les restructurations :

- il apporte des subventions aux PME qui cherchent à se diversifier pour des actions de création d'emploi, d'investissement industriel ou de transfert de technologies ;

- il participe aux projets de reconversion des emprises militaires par les collectivités locales.

Sont éligibles les PME à caractère industriel, ou sous certaines conditions à caractère commercial ou artisanal, et les actions collectives tendant au renforcement du tissu économique. Les aides peuvent concerner l'investissement, la création d'emplois, le conseil ou la formation des personnels. Des critères cumulatifs de sélection portent sur les effectifs, le chiffre d'affaires et la répartition du capital.

Les dossiers sont d'abord examinés par une commission locale et transmis après avis favorable à une commission nationale présidée par le délégué interministériel aux restructurations. Ils font alors l'objet d'une convention.

Inscrit sur le titre VI du ministère de la Défense, le FRED est délégué aux Préfets de Région qui instruisent les dossiers et assurent le financement. Les Préfets de département ont été rendus ordonnateurs secondaires.

Les moyens accordés au FRED et aux sociétés de conversion

par la loi de programmation militaire (1997-2002)

(en millions de francs 1995)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

FRED

132

162

162

162

162

162

942

Sociétés de conversion

186

195

226

226

226

226

1 285

Total

318

357

388

388

388

388

2 227

Source : JO n° 153 du 3 juillet 1996

Deux reproches ont été adressés au FRED :

- d'une part, pour les cinq premières années, les dotations ne correspondaient pas à l'ampleur des besoins de restructurations. De 1991 à mi-1995, trente-deux départements ont bénéficié d'environ 350 millions de francs d'autorisations de programme : 611 conventions ont été passées avec les Préfets, dont 509 au bénéfice d'entreprises ; elles prévoyaient la création de 3 750 emplois. La vocation du FRED a été renforcée par le plan d'accompagnement économique et social de 1996 lié à la nouvelle loi de programmation militaire 1997-2002 qui a prévu de lui affecter 942 millions de francs (valeur 95) sur six ans. Parallèlement les sociétés de conversion devaient être recapitalisées pour un montant de 1 285 millions de francs sur la même période.

Le coût de la création d'un emploi a ainsi été estimé à 70 000 francs par notre collègue Patrice Martin-Lalande, dans son rapport d'information sur l'accompagnement économique et social des restructurations des industries de défense.

- d'autre part, la lenteur de la procédure reste excessive. Il s'écoule de 18 à 24 mois entre une demande de financement et le versement de l'aide à l'entreprise.

Enfin, on pourrait ajouter les interrogations sur la nature réelle de l'aide et sur les critères de décision.

Il serait souhaitable de rapprocher les différents dispositifs de financement pour simplifier le schéma général et mieux distinguer les étapes de développement économique. Le FRED pourrait alors venir en complément des aides aux projets gérés par les ministères de l'Industrie et de la Recherche.

b) Les dispositifs de capital risque

·  Trois acteurs financiers appuient plus particulièrement la démarche de capital-risque :

- le dispositif PRIAM, créé en 1989 de manière conjointe par la DGA et le CEA, est un fonds commun de placements à risque doté d'un capital de 100 millions de francs par des organismes bancaires et de grands industriels. La DGA instruit les dossiers de demande de fonds en réalisant une expertise technique. 38 participations ont ainsi été réalisées ;

- Thomson-Venture est très orientée sur les filiales du groupe et les entreprises du secteur de l'électronique ;

- la Financière de Brienne, créée en mars 1993 à la demande du ministère de la défense, est une société financière d'innovation, filiale d'un groupe parapublic, qui a été dotée d'un capital de 100 millions de francs. Son principal actionnaire est Défense Conseil International (60 %). Elle a vocation à apporter des fonds propres en prenant des participations minoritaires (de 3 à 5 millions de francs) dans des PME de haute technologie des domaines de la défense, de l'aéronautique et de l'espace, lorsqu'elles envisagent des développements ou des diversifications vers le civil.

La Financière de Brienne a également des activités d'amorçage et de conseil en ingénierie (Brienne Conseil et Finance). Elle bénéficie d'un réseau d'expertises et effectue des audits complets, comptables, industriels et commerciaux. Depuis mi-1993, 400 dossiers ont été analysés. Sur la base de critères stricts liés aux perspectives de rentabilité et à l'innovation technologique, 64 millions de francs ont été investis dans une trentaine d'entreprises.

L'accélération des conversions industrielles suppose la recherche de nouveaux partenaires financiers. Car, selon un organisme consultant, les besoins en capital-risque seraient de l'ordre de 500 millions de francs en France et de 3 milliards de francs en Europe.

c) La Banque du développement des PME

·  La Banque du développement des PME (BDPME) a été créée en 1997. Elle regroupe la Sofaris et le CEPME. Elle a pour mission de faciliter le financement des PME (prêts et fonds propres) en intervenant systématiquement en partenariat avec les autres banques.

Pour les interlocuteurs rencontrés, la BDPME dans les faits, de par ses critères, ne facilite par réellement l'accès aux financements : compte d'exploitation positif sur les deux dernières années, délai de carence de neuf mois, ...

·  Le jugement des PME envers les aides mises en place est assez négatif. Une enquête réalisée en octobre 1997 par le Comité Richelieu auprès de 250 PME-PMI de haute technologie a cherché à estimer l'efficacité des procédures et des organismes à travers la connaissance qu'en ont ces PME-PMI. Un diagramme a été élaboré pour croiser les deux critères : connaissance et efficacité des aides.

Les résultats sont assez contrastés. Soit les entreprises ne connaissent pas les aides (ce qui est étonnant dans certains cas comme pour le FDPMI, la Financière de Brienne, les réseaux AREX, CRITT, APTE etc.) et elles soulignent la difficulté d'obtenir des informations. Soit elles ne les estiment pas adaptées à leur situation et seules des " procédures phares " sont alors utilisées (action de la COFACE, crédit d'impôt recherche, aide au recrutement pour l'innovation, aide aux services de l'innovation).

Mais il est vrai que les PME de ce type, qui cherchent avant tout à obtenir des contrats, ne se satisfont pas des aides qu'elles peuvent obtenir. En effet, les subventions ne correspondent pas pour elles à des contrats individualisés, ni à des produits, et elles ne permettent pas de nouer des relations avec un client identifié.

Il conviendrait donc à la fois d'améliorer l'information des entreprises sur les systèmes en vigueur (rôle des guichets uniques dans les bassins d'emploi) et d'étendre les dispositifs de capital risque en dehors du cercle restreint des PMI de haute technologie. De plus il serait souhaitable de coordonner l'ensemble des aides financières à destination des PMI afin d'instaurer une cohérence dans les critères d'attribution des aides en capital et de sensibiliser les organismes bancaires aux besoins d'investissement. Il conviendrait également de renforcer les mécanismes de co-garantie, ce qui rassurerait les banques et leur permettrait de soutenir davantage les projets des PMI-PME.

2. - Clarifier l'action des sociétés de conversion

Les sociétés de conversion ont été crées depuis vingt ans par de grands groupes industriels en restructuration. Elles prennent souvent la forme juridique de filiales (SODIE pour Usinor-Sacilor, SOFIREM pour les Charbonnages de France, GERIS pour Thomson-CSF, SOFRED pour GIAT-Industries, etc.). Depuis le début des années 1990, trois sociétés -SODIE, GERIS et SOFRED- accompagnent plus particulièrement les restructurations de la défense.

Les sociétés de conversion sont appelées à intervenir de plus en plus dans un double rôle de prévention et de règlement des crises. Mais leur action sera d'autant plus efficace que les bassins seront mobilisés et se seront déjà appropriés des technologies clés.

C'est pourquoi leur intervention mérite d'être clarifiée et renforcée.

a) Mieux définir l'action des sociétés de conversion

·  Les sociétés de conversion ont plusieurs mérites. Elles s'engagent sur deux métiers : celui d'ingénierie les conduit à fournir une expertise à des bassins d'emploi et des entreprises, à concevoir des plans de revitalisation des zones et à apporter des conseils aux dirigeants d'entreprise ; celui d'investisseur financier leur permet d'apporter une aide en capital aux entreprises en complément des prêts bancaires et ainsi d'accompagner les projets de développement . Par ailleurs elles font partie du traitement psychologique des bassins en crise où les événements sont davantage subis qu'anticipés. Leur expérience leur permet donc de maîtriser les aspects techniques et industriels du développement économique.

·  Mais leur action est contestée. En fait, elle est souvent mal comprise.

L'action financière des sociétés de conversion entraîne une certaine confusion de leur rôle avec celui des organismes financiers et les place au même niveau. Le soutien opéré par les sociétés de conversion a atteint 192 millions de francs en 1997, dont 96 millions de francs pour la SODIE et 37,5 millions de francs pour la SOFRED (première recapitalisation).

De par leurs statuts différents, elles ne peuvent utiliser les mêmes instruments financiers et ne visent pas les mêmes entreprises. Les utilisateurs sont donc désorientés et ne comprennent pas pourquoi telle intervention, possible ici, ne l'est pas ailleurs où les besoins sont pourtant identiques.

De plus, la plupart des interlocuteurs ont exprimé des réserves sur les aides accordées à certains projets, notamment ceux incluant une création d'emploi et qui semblent relever plus de l'effet d'affichage. Non seulement le coût moyen des aides à la création d'emploi semble déraisonnable, mais la longévité des emplois récemment créés est faible. De nombreuses PMI-PME dont la création repose sur l'attribution de crédits FRED et l'intervention des sociétés de conversion ont déjà disparu.

Enfin, malgré les améliorations qui ont été apportées, le zonage des sociétés de conversion manque de cohérence.

SOFRED

La Sofred est une filiale du groupe GIAT-Industries chargée de manière spécifique de l'accompagnement économique et social des PME-PMI du secteur de l'armement terrestre. Le capital initial de 50 millions de francs a été porté de 150 millions de francs en 1997, financés à parité par l'Etat et GIAT-Industries.

La Sofred est constituée d'une équipe de 24 personnes dont 18 cadres, choisis pour leur connaissance des tissus économique et institutionnel des bassins d'emploi ainsi que de l'ensemble des activités des sites industriels. Six délégations régionales sont implantées dans les bassins d'emploi les plus concernés par les restructurations de GIAT-Industries (Bourges, Le Mans-Rennes, Saint-Etienne, Roanne, Tarbes et Tulle).

Les actions de la Sofred s'articulent autour de trois axes principaux qui supposent une analyse préalable des bassins d'emploi concernés :

- les dispositifs d'essaimage visent à la fois le départ individuel de personnels de GIAT-Industries désireux d'exercer une activité nouvelle (aide à la sortie de l'entreprise, diagnostic préalable sur la viabilité de l'activité projetée, prêts et accompagnement de l'initiative dans la durée), l'externalisation d'activités non pérennes dans l'entreprise (exemple de l'activité " véhicules d'incendie " à Roanne) et la mise à disposition à temps partiel de personnels. Cette action essentielle vise à diffuser l'offre technologique de GIAT-Industries dans le tissu industriel local ;

- les appuis aux PME dans le bassin d'emploi permettent de financer des investissements porteurs de capacités, en partenariat avec les acteurs locaux. Les actions de capital-développement ont pour objectif de baisser le taux d'intervention de la Sofred, de renforcer les fonds propres et de développer le partenariat avec la BDPME ;

- les missions de prospection de projets visent à faciliter l'implantation de nouvelles industries dans le bassin d'emploi, en liaison avec la DATAR et à renforcer le dispositif de prospection des PME. La Sofred s'est regroupée avec Usinor, Rhône-Poulenc, Thomson et les Entreprises minières et chimiques (EMC) au sein de l'Association Hexagone pour créer des synergies dans les prospections.

La Sofred a engagé 57,7 millions de francs et son action a permis de mobiliser 245 millions de francs de crédits pour l'emploi et 730 millions de francs pour les investissements. De 1994 à fin octobre 1997, 138 projets aidés ont permis la création d'environ 1 700 emplois ; près de 1 800 emplois restent à créer à partir des actions déjà engagées dont 140 accessibles aux salariés de GIAT-Industries. 81 opérations d'essaimage ont été réalisées, avec un taux de réussite s'élevant à 96 % ; une vingtaine d'emplois ont été créés par les essaimeurs.

La Sofred est reconnue comme partenaire par l'ensemble des acteurs de la reconversion économique, surtout dans les bassins d'emploi des grands établissements de GIAT-Industries.

Par exemple, la société SODIE intervient dans les bassins de Vannes, d'Auray, de Lorient, de Quimper et de Chateaulin (après la décision du CIAT du 15 décembre 1997). Sur les quatre premiers bassins, 22 millions de francs auront été distribués en 1997 pour faciliter la création de 628 emplois programmés sur trois ans. On estime que près de la moitié de ces emplois aurait été créée sans l'aide de la SODIE. L'intervention de cette dernière n'en est pas moins essentielle car elle rend le dispositif plus réactif et les décisions d'attribution sont rapides. De plus la SODIE ne demande pas de garantie, ce qui facilite l'obtention de prêts bancaires complémentaires.

Les responsables brestois n'ont pas souhaité l'intervention de la SODIE dans leur bassin d'emploi car ils estimaient suffisante l'intervention de la GERIS. Or, celle-ci mène une action dans le cadre du développement industriel à moyen terme et ne vise que les grands groupes ou les PME de haute technologie. L'action qui a commencé début 1997 ne répond pas aux espérances des autres PME car il y a conflit entre le souhait d'obtenir des résultats immédiats et une démarche qui ne peut donner de résultats qu'à moyen terme. C'est pourquoi le groupe de pilotage de la GERIS a dû réorienter son action pour tenir compte de cette réalité.

Il serait souhaitable de redéfinir le rôle des différents intervenants dans les bassins d'emploi :

- l'Etat, à travers notamment ses représentants locaux, doit garder la maîtrise d'ouvrage des restructurations de défense ;

- les sociétés de conversion ne reçoivent qu'une délégation de responsabilité. Leur rôle essentiel est une mission d'ingénierie. La clarification de leur mission et de leur savoir-faire mérite d'être étudiée. S'il convient de privilégier le savoir faire industriel et technique, on peut se demander jusqu'où doivent aller leurs interventions financières.

b) Renforcer les capacités d'intervention

Par ailleurs il est nécessaire d'étendre les zones d'intervention des sociétés de conversion afin qu'aucun territoire concerné par les restructurations ou la diversification ne soit exclu. En outre, il serait souhaitable de délocaliser la décision d'octroi des aides.

C. -  PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA MISE EN OEUVRE ET À LA RÉFORME DES FONDS COMMUNAUTAIRES

La reconversion des industries de défense est prise en compte au niveau communautaire dans le cadre des fonds structurels et du programme d'initiative communautaire KONVER.

Il convient dès lors d'accompagner la nécessaire réforme des fonds structurels.

1. - L'architecture des fonds structurels

La politique régionale de l'Union européenne est financée par quatre fonds structurels :

- le fonds social européen FSE, déjà prévu à l'origine par le Traité de Rome, vise la promotion de l'emploi, la mobilité des personnels et la formation professionnelle ;

- la section orientation du Fonds européen d'orientation et de garantie agricoles FEOGA, institué en 1962, intervient dans les programmes d'adaptation des structures agricoles et du développement rural ;

- le fonds européen de développement régional FEDER, mis en place en 1975, finance des aides aux Régions défavorisées dans le domaine des infrastructures (désenclavement, équipement), des investissements productifs, du développement local. Il intervient en particulier en faveur des PME (services, conseil, transfert de technologies) ;

- l'Instrument financier d'orientation de la pêche, adopté en 1993, concerne l'adaptation de ce secteur économique.

La France disposera de près de 100 milliards de francs sur la période 1994-1999 au titre des fonds structurels.

2. - Les principes d'intervention des fonds structurels

·  Pour la période 1994-1999, l'action des fonds structurels repose sur cinq principes dont le plus important est la concentration sur six objectifs prioritaires :

l'objectif 1 vise à promouvoir le développement et l'ajustement structurel des Régions en retard de développement ;

- la finalité de l'objectif 2 est la reconversion économique des Régions affectées par le déclin industriel, donc ceux concernés par les restructurations de la défense ;

Les zones de l'objectif 2

Pour être éligibles, les zones doivent répondre à trois critères :

- taux de chômage supérieur à la moyenne communautaire ;

- déclin de l'emploi industriel ;

- taux d'emploi industriel supérieur à la moyenne communautaire.

Le règlement cadre 2081/1993 a étendu les interventions d'objectif 2 aux zones suivantes :

- zones contiguës qui répondent aux mêmes critères que précédemment ;

- communautés urbaines caractérisées par un taux de chômage dépassant d'au moins 50 % la moyenne communautaire et ayant enregistré un déclin important dans l'emploi industriel ;

- zones ayant enregistré au cours des années 1990 à 1992, enregistrant ou menacées d'enregistrer des pertes substantielles d'emplois dans des secteurs industriels avec comme conséquence une aggravation sérieuse du chômage ;

- zones confrontées à de graves problèmes de réhabilitation de sites industriels ;

- autres zones concernées par la restructuration du secteur de la pêche.

l'objectif 3 a pour objet la lutte contre le chômage de longue durée et l'intégration professionnelle des jeunes et des personnes menacées d'exclusion du marché du travail ;

l'objectif 4 vise à faciliter l'adaptation des salariés aux mutations industrielles et à l'évolution des systèmes de production ;

l'objectif 5a concerne l'adaptation des structures agricoles et de la pêche ;

l'objectif 5b reprend l'objectif du développement et de la diversification des zones rurales dans le cadre de la réforme de la PAC ;

l'objectif 6 est adapté aux particularités des zones arctiques, très peu peuplées.

Les objectifs 1, 2, 5b et 6 sont géographiquement limités et ont donné lieu à des zonages. Les objectifs 3, 4 et 5a peuvent couvrir tout le territoire de l'Union.

·  A la concentration des fonds sur les objectifs s'ajoutent trois autres principes :

- l'additionnalité de l'effort financier de la Commission à celui des Etats (le contrôle s'effectue globalement au niveau des dépenses nationales publiques ou éligibles aux contrats de plan) ;

- la complémentarité des financements et des actions, liée au principe précédent, conduit à une véritable programmation des projets ;

- le partenariat permet de respecter tous les niveaux administratifs de compétence et d'associer l'ensemble des intervenants.

Sur le terrain, ces objectifs sont mis en oeuvre par des programmes proposés par les autorités compétentes des Etats membres. C'est pourquoi on les appelle programmes d'initiative nationale. Soit ils sont adoptés par la Commission après accord préalable sur un Cadre communautaire d'appui (CCA), soit ils sont compris dès le départ dans un Document unique de programmation (DOCUP) qui fait l'objet d'une décision unique de la Commission.

·  Pour résoudre des problèmes particuliers, la Commission a décidé de mettre en place des actions spécifiques, à son initiative, pour accompagner les objectifs ; 8 % des crédits totaux des fonds structurels sont ainsi réservés aux programmes d'initiative communautaire. Les programmes d'initiative communautaire (PIC) sont régionalisés et mis en oeuvre dans le cadre des mêmes procédures mais sur la base de zonages différents. Après la réforme de 1994, neuf thèmes et treize programmes ont été retenus dont KONVER pour la reconversion des zones militaires.

Les crédits objectifs 2 s'élèvent à près de 4 milliards d'écus pour la France sur la période 1994-1999. A ce flux principal s'ajoutent 83 millions d'écus au titre de KONVER et 38 millions d'écus pour le programme pluriannuel plurirégional (de 1998 à 1999).

KONVER a suscité beaucoup de malentendus car les industries d'armement étaient exclues du programme en raison de l'article 223 du traité de Rome. De plus, la deuxième phase a été plus restrictive car le PIC KONVER a été conçu comme complémentaire à l'objectif 2 -et non spécifique : les aides ont été concentrées sur les restructurations et n'ont donc plus soutenu la diversification par investissements productifs.

OBJECTIFS DES FONDS STRUCTURELS DONT BÉNÉFICIE LA FRANCE POUR LA PÉRIODE 1994 - 1999

   

F

Nombre de

   
   

O

programmes

Dotation

Critères de zonage

Objectifs

Missions

N

en France

France

 
   

D

Durée des

% de

Population française couverte

   

S

programmes

l'Europe

en millions d'habitants

en % France

Objectif 1

Promouvoir le développement et ajustement structurel

FEDER

FSE

FEOGA

1 par Région en Corse. NPC. DOM

(**)

2,19

les Régions ayant un PIB < à 75 % de la moyenne

Régionalisé

des zones en retard de

IFOP

6 ans

2 %

communautaire

 

développement

Bei/Ceca

1994 - 1999

 

2,53

4,35 %

Objectif 2

Reconvertir les Régions gravement affectées par

FEDER

FSE

1 par Région sauf Limousin, IDF, Corse et DOM

(***)

1,765

3 critères cumulatifs (*) :

*taux de chômage élevé

*fort taux d'emploi industriel

Régionalisé

le déclin industriel

Bei/Ceca

2 x 3 ans

24 %

*déclin de l'emploi industriel

     

94-96 et 97-99

 

14,611

25,90 %

Objectif 3

Combattre le chômage de longue durée et faciliter l'insertion professionnelle des jeunes et des personnes

FSE

1 pour l'ensemble du territoire

°°

pas de zonage

l'ensemble du territoire est

National

exposées à l'exclusion du marché du travail

 

6 ans

1994 - 1999

3,203

concerné

Objectif 4

Faciliter l'adaptation des travailleurs et travailleuses aux mutations industrielles

FSE

1 pour l'ensemble du territoire

21 %

pas de zonage l'ensemble du territoire est

National

et à l'évolution des

 

2 x 3 ans

 

concerné

 

systèmes de production

 

94-96 et 97-99

pour 3 & 4

 

Objectif 5A

Promouvoir le développement rural en accélérant l'adaptation des structures agricoles et de la pêche dans le cadre de la réforme de la PAC et de la

FEOGA

IFOP

1 pour l'ensemble du territoire

1,932

pas de zonage l'ensemble du territoire est concerné

National

politique commune de la pêche

 

6 ans

1994 - 1999

30 %

 

Objectif 5B

Promouvoir le développement rural en facilitant le développement et

 

1 par Région sauf Picardie, NPC, IDF, Corse et DOM

°

2,238

2 des 3 critères suivants : (*)

*taux élevé d'emploi agricole

*bas revenu agricole

*faible densité de population

Régionalisé

l'ajustement structurel des zones rurales

 

6 ans

1994 - 1999

33 %

9,739

17,3 %

TOTAL POUR LA FRANCE POUR TOUS OBJECTIFS CONFONDUS

Mécus

11,328

26,88

47,5 %

(Hors programmes d'initiative communautaire)

% de la population européenne couvert par le zonage

9,37 %

120,9

(en millions d'hab.)

en millions d'habitants

de la population française

(*) L'ensemble des critères statistiques de zonages sont comparés à une moyenne communautaire : °Ecus 92

(**) En milliards d'Ecus, dotation hors PIC pour l'Europe (E)

(***) Dotation 1994 - 1999 ; pour la première phase, dotation de 1,63 milliards d'Ecus ; °° Ecus 94

3. - Le programme pluriannuel plurirégional

La période de programmation des fonds structurels 1994-1999 a été divisée en deux avec une révision des programmes et des zonages à mi-parcours en 1996-1997. La France avait la possibilité de faire réviser la carte des zonages et d'inclure de nouveaux sites. Mais il aurait fallu éliminer certains bassins car le taux global de populations concernées doit rester le même. C'est pourquoi le choix a été fait de garder les mêmes zones d'intervention pour les six années. En compensation, la France a obtenu que soient prises davantage en compte les questions liées à la défense. La répartition financière entre les Régions a ainsi intégré un critère supplémentaire lié au poids de la défense et la Commission a décidé en 1997 de réserver une enveloppe au niveau national pour des actions spécifiques dans les bassins les plus touchés par les activités de défense (40 millions d'écus pour la France) : c'est le plan pluriannuel plurirégional (PPP).

Dans le cadre de ce programme ont été sélectionnés 21 bassins d'emploi de reconversion des industries de défense dont le zonage a été croisé avec la carte d'éligibilité à l'objectif 2. Bien que la réflexion ait débuté depuis janvier 1996, la négociation avec la Commission dure toujours. Une décision pourrait être prise prochainement.

Le volume d'intervention supplémentaire à hauteur de 250 millions de francs au niveau national pour les deux à trois ans à venir (c'est-à-dire 500 millions de francs compte tenu des compensations nationales) est recentré sur cinq types d'action :

- les relations donneurs d'ordre-PME. Ce n'était pas une action possible au niveau régional car il faut mobiliser les sièges des groupes. De nombreuses actions possibles ont été recensées (audit, conseils, ingénierie, paiement des services rendus par les entreprises aux PME, etc.) ;

- la reconversion des emprises et des friches. Là aussi le pilotage relève de compétences ministérielles. La difficulté majeure réside dans la question de savoir jusqu'où l'Etat peut inciter les collectivités locales à reprendre les emprises si elles n'ont pas envie de le faire ;

- l'ingénierie financière, confiée essentiellement à la BDPME, notamment pour conforter la structure financière des PMI en abondant les fonds de garantie ;

- l'animation et la coordination de l'action des entreprises ;

- le transfert de compétences technologiques.

4. - La réforme des fonds structurels

a) Un bilan difficile à effectuer

L'utilisation des fonds structurels est difficile à appréhender. La Commission publie chaque année un rapport annuel qui contient surtout des éléments financiers et ne fournit aucune approche qualitative. De réels efforts ont été faits mais de nombreuses imperfections demeurent. En particulier, il est impossible d'évaluer la reconversion des emplois et l'efficacité marginale des aides aux entreprises comme aux collectivités locales.

La DATAR et la Direction générale XVI de la Commission estiment que la France n'est pas une bonne utilisatrice des crédits européens. Les partenaires économiques mettent en avant le principe d'additionnalité des crédits (les contreparties manquent ou tardent) et la lourdeur administrative des procédures. Pour la première phase 1994-1997, seuls 34 % des dotations prévues auraient été engagées au 31 décembre 1997 selon les données disponibles.

Une comparaison européenne fait apparaître que la France a orienté les initiatives KONVER sur la reconversion industrielle (davantage que sur la réhabilitation des sites militaires) en privilégiant les activités nouvelles de proximité dans les secteurs en expansion. L'évaluation de la période KONVER I (1993) n'est pas terminée. L'empilement des programmes semble nuire à la lisibilité des actions, alourdit les procédures et aboutit à un émiettement des crédits. Les difficultés des sous-traitants ne sont pas encore résolues. Pour la Commission, la culture communautaire pénètre lentement les différents échelons administratifs de notre pays et le système de versement des fonds est inefficace. De plus, les entreprises françaises ne disposent pas des moyens suffisants pour l'élaboration des dossiers.

b) Les principes de la réforme

La réforme des fonds structurels pour la période 2000-2006 vise la simplification (notamment limitation à trois objectifs et à trois PIC), le renforcement du rôle des Etats et des Régions dans la mise en oeuvre, le partenariat et le contrôle par l'autorité de gestion (il n'y aura plus de comité de suivi). Mais le rapprochement entre les objectifs 2 et 5b semble une fausse simplification car le nouvel objectif sera composite et comportera plusieurs sous-objectifs (un à tendance industrielle, un autre à vision plus rurale, ...). On peut se demander si l'unicité de structure améliorera la lisibilité des programmes au niveau régional.

De même, la volonté affirmée de renforcer la responsabilité des Etats membres dans la définition des objectifs risque de priver les interlocuteurs locaux de toute initiative au moment où les collectivités territoriales sont déjà en retrait par rapport aux services de l'Etat. Les contraintes actuelles ne permettent plus aux Etats d'agir efficacement et aux collectivités locales de s'engager réellement. Or, les premiers bilans soulignent les meilleurs résultats des démarches de proximité. C'est pourquoi la Commission souhaite pour sa part une réelle association des régions.

c) Définir les enjeux

Les enjeux portent à la fois sur le choix des projets et des programmes. La simplification des procédures administratives, communautaires et nationales est aussi au coeur de la réussite.

Il est essentiel qu'une attention particulière soit portée à :

- la détermination des zonages, chaque Etat membre devant redéfinir des priorités et faire des propositions concernant les populations concernées et les Régions à retenir ;

- l'articulation entre contrats de plan Etat-Région et fonds structurels ;

- l'instauration d'un système d'évaluation.

S'agissant de l'articulation entre les contrats de plan et les aides apportées par les fonds structurels, la révision devra éviter les contradictions entre les systèmes d'intervention et reposer sur des priorités clairement définies. Jusqu'à présent, les conceptions des acteurs territoriaux et de la Commission diffèrent, cette dernière privilégiant la formation, l'emploi, les investissements productifs ou le développement endogène. Il est nécessaire de rapprocher les deux programmations, nationale et européenne ;

La Commission envisage une évaluation finale des programmes actuels dès 1998, plus particulièrement au regard des interventions prioritaires. Une réflexion s'est engagée sur la méthodologie de l'évaluation applicable au prochain programme et la mise au point d'outils d'appréciation de l'impact des fonds structurels, en particulier sur l'emploi. La Commission souhaite s'inspirer du système britannique : il permet de fixer a priori des objectifs quantifiés et repose sur des mécanismes d'évaluation de la dépense publique. Il est ainsi prévu une estimation de l'impact des interventions à mi-parcours : une réserve de crédits d'environ 10 % des dotations initiales serait débloquée selon les premiers résultats (réalisation des objectifs, impact économique et social, qualité de la gestion).

Par ailleurs, les acteurs locaux souhaitent très fortement réviser le système de gestion des fonds structurels. Ils veulent que soit privilégiée une déconcentration directe des crédits auprès des Préfets de Région.

ROLE DE L'ÉTAT DANS LA DIVERSIFICATION

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS

Thème

Objectif

I

Définition d'axes politiques et industriels

· Accroître la lisibilité pour les entreprises :

- de la politique de défense (équipements et programmes)

- des politiques sectorielles (formation, fiscalité, industrie, recherche, aménagement du territoire)

· Déterminer les orientations de la politique européenne de défense

· Prendre position sur la stratégie de l'Union européenne envers les industries de défense

· Clarifier les fonctions de l'Etat :

- client, producteur, actionnaire

Harmoniser les logiques ministérielles

· Rapprocher les démarches territoriales et sectorielles des ministères

· Coordonner la politique industrielle entre le secrétariat à l'Industrie et le ministère de la Défense

· Coordonner la politique de recherche entre les différents ministères et l'Europe :

- mettre en place une instance de pilotage et de suivi des crédits recherche et dévelop-pement

- mettre en place un dispositif spécifique pour les PMI Défense (ANVAR-DGA)

- dégager un espace pour la recherche technologique duale

Capitaliser les expériences et les savoirs

· Regrouper au niveau national les expériences des sociétés de conversion et des services de l'Etat

· Créer un observatoire de la diversification

· Structurer la " veille " et la prospective

· Instituer des structures uniques de documen-tation et d'information au niveau de chaque bassin d'emploi (guichet unique)

Privilégier le rôle interministériel

du délégué aux restructurations

· Instituer systématiquement des délégués de sites dans les bassins d'emploi touchés par la crise des industries de défense et susceptibles de diversification

· Redéfinir la stratégie d'intervention des délégués et leur assurer des moyens en propre

· Accroître leur influence sur la distribution des crédits de reconversion (délégation préfectorale au niveau de la Région)

II

Amélioration des procédures nationales

Systèmes financiers

· Améliorer l'information des entreprises sur les systèmes d'aides et unifier l'instruction des dossiers (guichet unique)

· Favoriser la capitalisation des organismes de capital risque

· Rapprocher les dispositifs de financement

· Hiérarchiser les systèmes d'aides

· Abonder les fonds de restructuration et de conversion et déconcentrer le niveau de décision (au niveau régional)

Sociétés de conversion

· Définir le rôle des différents intervenants dans les bassins d'emploi

· Délocaliser les décisions d'octroi des aides, assurer la transparence

· Etendre les zones d'intervention des sociétés de conversion

III

Réforme des fonds communautaires

· Définir les priorités nationales et faire des propositions sur les populations concernées et les Régions à retenir pour le prochain pro-gramme

· Rapprocher et concevoir en même temps les programmations nationale (contrat de plan Etat-Région) et communautaire

· Réviser le système de gestion des fonds structurels en privilégiant une déconcen-tration régionale des crédits

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  PRÉSENTATION DU RAPPORT D'ÉTAPE

La Commission de la Défense s'est réunie le 25 mars 1998 pour entendre une communication de Mme Martine Lignières-Cassou sur l'état d'avancement de son rapport d'information sur la diversification des industries de défense.

Mme Martine Lignières-Cassou a tout d'abord rappelé que les plus récents travaux menés par la Commission de la Défense, à l'occasion du rapport d'information sur " les perspectives de l'industrie française de défense " de MM. Paul Quilès et Guy-Michel Chauveau comme dans le cadre des débats budgétaires, ont montré que la diversification pouvait constituer un des moyens de préserver des activités industrielles et l'emploi malgré la réduction des budgets militaires et la contraction des marchés. Elle a également souligné que les orientations retenues pour l'établissement du budget de la défense pour 1998, dans le cadre de la loi de programmation militaire 1997-2002, comme les restructurations envisagées pour les sociétés nationales ou les établissements de l'Etat -Direction des Constructions Navales (DCN) surtout, mais également Service de maintenance aéronautique (SMA)- avaient inclu la diversification dans la stratégie industrielle mise en oeuvre et fondé sur elle des espoirs réels, en termes qualitatifs ou quantitatifs.

Le rapporteur d'information a observé que, face à la chute de leur plan de charge, la plupart des groupes industriels de la défense avaient tendance à réorienter leur stratégie en ayant recours à une palette de solutions : accroissement des exportations militaires malgré des marchés de plus en plus compétitifs, restructurations internes ou externes, intégration verticale, reconversion partielle, développement des technologies duales. Elle a également relevé que certaines entreprises avaient entamé le processus de diversification depuis de nombreuses années, les exemples les plus anciens remontant au milieu des années soixante-dix.

Mme Martine Lignières-Cassou a ensuite précisé que la diversification s'entendait comme la recherche et la création d'activités nouvelles, dans le domaine civil, à partir de la base industrielle et technologique de défense existante, c'est-à-dire comme la valorisation des compétences existantes par de nouvelles applications civiles. Regrettant la rareté des études de théorie économique sur le sujet, elle a mentionné les concepts, d'une part, de diversification-produits, de diversification-clients, ou de diversification-marchés et, d'autre part, de diversification défensive ou offensive selon la place accordée à cette démarche dans la stratégie de l'entreprise. Elle a également fait observer que la recherche de clients à l'exportation à partir de produits déjà élaborés et à technologie identique ne relevait pas de la diversification même si des services de l'Etat comme la DCN ou le SMA l'analysent ainsi. Elle a précisé qu'au contraire, on pouvait parler de diversification dès lors que l'industriel affectait une part importante de ses ressources (humaines, matérielles, financières, technologiques) à la fabrication et à la commercialisation de produits nouveaux vers des marchés civils. Elle a rappelé à ce propos que certains groupes, comme la SNPE, la SEP, Matra ou Thomson-CSF, sont aujourd'hui duaux et que le basculement d'activités pouvait même conduire à une situation où les activités de défense deviennent minoritaires.

Le Rapporteur d'information a alors indiqué les grandes questions qu'elle s'était posées dans la préparation de son rapport : quels objectifs assigne-t-on à la diversification ? A quelles conditions la diversification peut-elle réussir (inversement, quelles sont les causes des échecs constatés) ? Quels sont les facteurs qui permettraient d'améliorer la situation actuelle ?

Elle a ensuite distingué deux démarches parallèles : la diversification de l'industrie de défense, d'une part, celle des bassins d'emploi, d'autre part. Elle a ajouté que l'examen de la diversification des bassins d'emploi l'avait amenée à étudier les relations entre les groupes industriels et leurs sous-traitants, notamment les PMI-PME locales, entre les établissements locaux et les groupes eux-mêmes, enfin entre les établissements industriels et les territoires dans lesquels ils vivent et qu'ils font souvent vivre.

Mme Martine Lignières-Cassou a souligné que le bilan des premières expériences de diversification et l'analyse de leurs résultats permettaient de dégager des conditions préalables à leur succès et d'identifier des résistances. Elle a observé que les expériences menées dans le domaine de la chimie (SNPE et SEP) montraient l'intérêt d'avoir anticipé les réductions des programmes militaires et d'avoir mené très tôt -dès le milieu des années soixante-dix- une politique de présence sur les marchés civils à partir des produits originels grâce à la maîtrise de procédés complexes. Elle a souligné que la réussite de la diversification s'expliquait dans de tels cas par la constance de la politique menée par les dirigeants successifs, les opportunités de marché qu'ils ont su saisir ainsi que par la nature des procédés et des produits, qui a facilité l'accès aux marchés civils. Elle a également remarqué que, dans les diversifications réussies, une profonde réorganisation avait été engagée, qui avait fait basculer le groupe dans une logique d'industriel civil, l'association à des partenaires ayant été privilégiée pour la pénétration des marchés en croissance.

Abordant les conditions de réussite au niveau des entreprises, Mme Martine Lignières-Cassou a souligné que les erreurs commises confirmaient a contrario les principes de base de toute diversification : ne pas s'éloigner des métiers de base, refuser de s'aventurer sur des marchés mal connus sans appui commercial et sans connaissance des réseaux, s'interdire les effets de mode, éviter de gaspiller les ressources humaines et financières, ne pas investir dans de grandes structures mais privilégier une croissance des activités fondée sur l'acquisition de petites sociétés ou le partenariat avec des sociétés bien placées sur les marchés recherchés, anticiper les évolutions commerciales et favoriser la réactivité de l'entreprise. Elle a également fait valoir que les principales difficultés provenaient souvent d'une confusion entre un objectif industriel (reconversion des activités) et un objectif social (reconversion des personnels), et d'un défaut d'appréciation du risque commercial ou industriel.

Observant que la diversification n'offrait pas de solution pour la gestion du temps de crise, mais qu'elle permettait de préparer l'avenir, elle a souligné qu'elle nécessitait d'importants investissements en termes d'outils de production et de mise à disposition de personnels qualifiés. Faisant état des études menées par plusieurs Chambres de Commerce et d'Industrie pour identifier les facteurs de réactivité des entreprises, elle a indiqué que ces bilans atouts/handicaps permettaient de décrire les faiblesses, en particulier d'ordre financier, qui s'opposaient à une réorientation d'activités, comme l'insuffisance des fonds propres et de la capacité d'endettement. Elle a observé à ce propos que le rôle des banques et des sociétés de conversion pouvait être déterminant et que l'absence de société de capital-risque constituait un obstacle sérieux. Elle s'est demandé si les établissements bancaires appuyaient suffisamment le tissu des petites entreprises, surtout dans une conjoncture difficile.

Elle a également diagnostiqué d'autres contraintes internes, dans l'organisation des groupes, souvent hiérarchisés, ou dans les modes de production. Observant que la diversification concernait des productions aux cycles beaucoup plus courts que ceux du secteur militaire, elle a souligné qu'elle supposait un changement dans les méthodes de travail et une mutation des " cadres de référence ". Elle a par ailleurs fait ressortir l'importance de la motivation des équipes de production.

Après avoir souligné l'intérêt de la contribution des établissements à l'élaboration de la stratégie de diversification, Mme Martine Lignières-Cassou a néanmoins considéré que, pour réussir, il convenait que la politique de diversification soit portée par la direction du groupe, qui devait jouer un rôle d'impulsion auprès des différentes branches, centraliser les démarches et les études, et assurer la communication entre les sites industriels.

Puis le Rapporteur d'information a identifié les conditions préalables de réussite au niveau des bassins d'emploi. Elle a constaté que des logiques économiques différentes étaient à l'oeuvre dans les établissements industriels, d'une part et dans leur bassin d'emploi, d'autre part. Elle a souligné la différence de réactivité des bassins plus ou moins touchés par les mutations de l'industrie de défense et l'a attribuée à des facteurs historiques puissants. Elle a rappelé que la réactivité était plus faible lorsque l'industrie de défense relevait d'une longue tradition et que la monoculture industrielle était très affirmée. Elle a également identifié, pour l'amélioration de la réactivité, certaines conditions comme la présence d'un consensus politique et social fort, la motivation des acteurs locaux (collectivités, institutions, sous-traitants, donneurs d'ordres, etc.), ou une structure d'animation et de médiation dédiée.

Elle a relevé qu'une des premières tâches de la diversification consistait à définir une stratégie de développement du bassin d'emploi et que la présence d'un animateur permettait alors de renforcer la coordination entre les administrations, de mobiliser les fonds budgétaires nationaux et européens, et de diffuser l'information. Estimant que la structuration des bassins d'emploi ne peut être imposée, elle a fait valoir qu'elle repose sur des initiatives locales et sur un fonctionnement en réseau. Elle a par ailleurs souligné qu'il ne s'agit pas forcément de mettre en place de nouvelles structures mais que plusieurs instruments de nature associative ou contractuelle (convention Etat-région, charte de développement) peuvent créer une dynamique locale.

En conclusion, Mme Martine Lignières-Cassou a esquissé les propositions qu'elle sera amenée à présenter dans son rapport définitif. Elle a souligné la nécessité d'une plus grande lisibilité de la politique nationale, dans la mesure où il ne paraît plus possible de s'engager dans la voie des restructurations et de la diversification sans que des objectifs précis soient fixés. Abordant l'aspect institutionnel de la politique de diversification, elle s'est prononcée en faveur du renforcement de l'autorité des délégués régionaux aux restructurations et d'une clarification du rôle des deux ministères compétents -Industrie et Défense- dans la tutelle et le suivi des industries de défense. Elle a enfin estimé que la nature et l'utilisation des fonds publics nationaux ou européens d'aide à la diversification méritaient de plus amples investigations, à échéances régulières, notamment au sein de la Commission de la Défense, considérant qu'il était indispensable d'améliorer la transparence de leur utilisation et d'évaluer leur efficacité.

Faisant part de son grand intérêt pour les travaux menés par Mme Martine Lignières-Cassou, le Président Paul Quilès a souligné que son rapport devrait contribuer à démystifier le terme même de diversification. Insistant sur la nécessité de dégager des conclusions opérationnelles, il a souhaité que des propositions concrètes soient faites pour chaque secteur et suggéré que leur mise en oeuvre soit suivie par la Commission de la Défense. Il a en particulier exprimé son intérêt pour des propositions tendant à améliorer le cadre institutionnel de la diversification et à rendre plus efficaces les instruments financiers, notamment communautaires, destinés à la soutenir.

M. Jean-Noël Kerdraon a estimé que le problème de la diversification se posait de manière différente selon la nature des activités concernées et les caractéristiques des bassins d'emploi. Il a remarqué que, dans le cas du site de Lorient de la DCN, la diversification avait porté sur les clients. Il a par ailleurs rappelé que le problème de la diversification se posait actuellement dans toute son ampleur et dans un contexte difficile, à la différence de la situation qui prévalait dans les années soixante et soixante-dix. A propos des stratégies industrielles de cette période, M. Jean-Noël Kerdraon a établi une nette distinction entre la SNPE, qui avait su développer des activités civiles préexistantes, et le GIAT dont l'expérience industrielle était exclusivement militaire et qui a cru, dans les années quatre-vingts, que la diversification passait par un volume élevé d'exportations. Il a estimé qu'à cette époque existaient, pour le GIAT comme pour la DCN, des opportunités qui n'ont pas été saisies, à de rares exceptions près.

Se déclarant en plein accord avec l'analyse faite par Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Noël Kerdraon a souhaité ensuite mettre l'accent sur quatre points, relatifs, pour l'essentiel, à la DCN. Tout d'abord, il a insisté sur la nécessité de mettre en place, dans chaque établissement, un chef d'établissement aux responsabilités clairement établies. En second lieu, il a souligné l'importance des synergies entre tous les acteurs concernés au niveau du bassin d'emploi. Ensuite, il a mis l'accent sur la nécessité, au niveau de chaque établissement, d'un accord des personnels et des représentants syndicaux sur la stratégie de diversification, ce qui impliquait lisibilité et transparence et posait le problème du rôle des représentants locaux du Délégué interministériel aux restructurations. Enfin, il a fait valoir que la diversification supposait la mobilisation de moyens commerciaux et financiers adéquats, avant de faire part de sa certitude que le rapport d'information de Mme Martine Lignières-Cassou permettrait d'ouvrir des perspectives nouvelles dans les bassins d'emploi concernés.

M. Antoine Carré a insisté sur le mécanisme des interventions européennes et sur le mode d'utilisation des fonds européens, indiquant qu'ils n'étaient pas forcément adaptés aux situations actuelles.

M. René Galy-Dejean, citant l'exemple de l'établissement de la DCN à Indret, a estimé que c'était un leurre de croire, et de laisser croire aux personnels, qu'il était possible de diversifier un établissement de ce type, spécialisé en l'occurrence dans la fabrication des chaudières de SNLE. Il a souhaité que le rapport fasse comprendre, de manière réaliste, qu'à côté de la diversification des produits, devait également se développer une diversification des esprits. Il a alors plaidé en faveur d'une certaine flexibilité, indiquant qu'on ne pouvait garantir à des ouvriers hautement qualifiés dans une activité spécifique leur emploi dans des domaines équivalents et qu'il fallait au contraire les convaincre de la nécessité de se tourner, ailleurs, vers d'autres activités. Il a estimé que ces personnels devaient faire preuve de souplesse, le problème étant celui de la diversification de la capacité d'emploi et de l'emploi lui-même.

M. Bernard Cazeneuve, contestant l'analyse de M. René Galy-Dejean, a estimé que, dans le cas des bassins de mono-industrie, une telle solution se traduirait par la disparition de l'emploi et l'exode des personnels, ce qui allait précisément à l'encontre de l'objet même du rapport de Mme Martine Lignières-Cassou.

M. Robert Gaïa, tout en approuvant les propos du rapporteur concernant le caractère prospectif de la diversification et la nécessité de sa mise en oeuvre dans un climat de sérénité, a estimé cependant que, si elle faisait aujourd'hui l'objet de débats, c'était précisément parce qu'existaient une urgence et, au-delà de la logique industrielle, des demandes sociales fortes. Il a jugé nécessaire que soient conjuguées, sur le terrain, une volonté politique déterminée et une stratégie de mobilisation de tous les acteurs, estimant qu'en la matière, la DGA constituait souvent un frein. Il s'est prononcé en faveur d'un renforcement du rôle du Délégué interministériel aux restructurations afin de lever les obstacles constitués, selon lui, par la bureaucratie et l'inertie des structures de la DGA.

M. Jean Briane s'est alors interrogé sur l'utilité de la DGA.

M. Arthur Paecht s'est déclaré perplexe sur la démarche suivie par le rapporteur d'information. Il a estimé qu'il était certes intéressant et courageux de réfléchir sur un sujet dont il a considéré qu'il n'était pas forcément, du fait de ses aspects industriels, de la compétence de la Commission de la Défense. Il a néanmoins jugé que, pour les industries d'Etat dont les procédés de fabrication, les méthodes de travail et la culture d'entreprise sont très spécifiques, seule la reconversion totale du site vers d'autres activités de nature civile était envisageable. Il a par ailleurs posé le problème du statut des personnels de ces industries, jugeant qu'il s'agissait là d'un sujet de négociation difficile, qui impliquait une véritable campagne d'explication.

Mme Martine Lignières-Cassou a apporté les éléments de réponse suivants.

Elle a précisé que la vente d'un produit militaire existant déjà, à de nouveaux clients étrangers, souvent publics, ne constituait pas, à ses yeux, une expérience de diversification, au contraire, par exemple, de l'orientation de la production vers l'offshore. Elle a jugé en outre que, comparativement à d'autres régions, les stratégies de diversification avaient connu une réussite certaine en Bretagne, du fait d'une stratégie de développement local, d'une synergie entre les pôles industriels et de recherche et d'un traitement du problème de la sous-traitance. Sans minimiser les problèmes rencontrés par cette région, elle a estimé que la mobilisation en faveur de la diversification y était exemplaire.

Elle a par ailleurs rappelé que la mission de la DGA n'était pas de conduire la diversification mais de fournir aux armées les équipements dont elles ont besoin. Elle a estimé qu'il était nécessaire et essentiel que soit établie une coopération constante entre la DGA et les services du ministère de l'Industrie, étant donné que la diversification se traduisait par le passage du secteur militaire vers le secteur civil de certaines activités industrielles.

S'agissant des financements communautaires, le rapporteur pour information a rappelé qu'existaient actuellement deux outils, le premier, l'objectif 2 des fonds structurels étant quantitativement le plus important et le plus souvent utilisé, le second, le programme KONVER, plus spécifique. Elle a également mis l'accent sur la nécessité de remédier aux difficultés d'évaluation et de suivi de ces fonds. Elle a enfin souligné qu'elle n'avait jamais prétendu que la diversification représentait la panacée mais qu'elle avait toujours indiqué qu'il s'agissait d'une solution possible, produisant des effets à moyen terme, et facilitée par le caractère dual des activités de certains secteurs tels que l'aéronautique ou l'aérospatiale.

II. -  PRÉSENTATION DU RAPPORT DÉFINITIF

Lors de sa réunion du 19 mai 1998, la Commission de la Défense a examiné le rapport d'information de Mme Martine Lignières-Cassou sur la diversification des industries de défense.

Mme Martine Lignières-Cassou a tout d'abord indiqué que le bilan des réussites et des échecs de différentes expériences de diversification permettait de dégager des conditions préalables de succès, d'une part au niveau des entreprises, d'autre part dans les bassins d'emploi.

Elle a ensuite formulé plusieurs constats concernant la diversification des entreprises de défense. Elle a souligné que ces entreprises réagissaient d'autant moins bien à la contrainte de diversification que leur taux de dépendance à l'égard de la défense était élevé, qu'elles fonctionnaient dans une organisation hiérarchisée et qu'elles travaillaient dans la construction neuve, par opposition à la réparation. Elle a fait valoir qu'a contrario leur réactivité était d'autant plus forte qu'elles maîtrisaient un produit ou une technologie, qu'elles restaient dans leurs métiers de base, qu'elles disposaient d'un bureau d'étude et d'une structure commerciale et qu'elles possédaient leurs propres outils industriels, soulignant à cet égard que la diversification des " loueurs de main d'oeuvre " était quasi impossible.

Evoquant les facteurs humains, Mme Martine Lignières-Cassou a indiqué que la capacité des entreprises à diversifier leurs activités était d'autant plus forte que leurs dirigeants étaient convaincus de la nécessité de cette orientation, qu'ils anticipaient les évolutions futures, conduisaient une stratégie à long terme et connaissaient exactement leurs atouts et faiblesses. Elle a également souligné l'importance de la pyramide des âges et de l'existence d'une palette large de qualifications. Parmi les facteurs relationnels favorables à la diversification, elle a cité l'intégration de l'entreprise dans un réseau, soit professionnel, soit territorial, l'établissement d'une relation commerciale équilibrée entre donneur d'ordres et sous-traitants, l'autonomie de la filiale vis-à-vis de son groupe et la reconnaissance par la direction générale des initiatives des établissements. Après avoir relevé que " le ticket d'entrée de la diversification était élevé ", surtout pour les PME, elle a rappelé que la capacité d'adaptation des entreprises était favorisée par l'état de leur trésorerie et leur aptitude à lever des fonds, mais qu'elle pouvait aussi être renforcée par l'accompagnement des collectivités territoriales, de l'Etat et de l'Union européenne.

Mme Martine Lignières-Cassou a alors présenté les différents lieux de décision où pouvaient être mises en oeuvre les actions destinées à atteindre les grands objectifs de la diversification. Elle a précisé que ces objectifs concernaient quatre domaines : l'élaboration de la stratégie industrielle, le management, le développement des relations entre partenaires industriels et l'accès aux aides et aux financements. Elle a souligné que la définition des stratégies et l'adaptation des structures internes des entreprises aux exigences de la diversification relevaient davantage des entreprises elles-mêmes, mais aussi des groupes et des réseaux industriels ou institutionnels alors qu'il revenait plutôt à l'Etat, aux collectivités territoriales et à l'Union européenne d'assurer la structuration des milieux professionnels et des bassins d'emploi et d'accompagner les établissements sur le plan financier.

Mme Martine Lignières-Cassou a ensuite présenté les conditions de réussite de la diversification des bassins d'emploi. A ce propos elle a mis l'accent sur trois facteurs : le consensus politique et social, la désignation d'un " chef de file " et la continuité de la volonté politique sur le long terme. Elle a souligné que les actions d'animation et de sensibilisation prenaient tout leur sens lorsqu'elles visaient à réunir ces conditions essentielles et insisté, dans ce contexte, sur l'intérêt de la nomination d'un délégué interministériel aux restructurations dans chaque site industriel.

Evoquant les actions structurelles de soutien à la diversification, elle a identifié comme relevant du niveau régional, d'une part la mise en cohérence de la politique de l'entreprise dominante avec son bassin d'emploi, d'autre part la synergie entre formation, recherche et production industrielle. Elle a par ailleurs souligné l'intérêt d'une véritable politique de sous-traitance et des actions visant à favoriser les transferts de technologie. Elle a également préconisé le développement de la sous-traitance globale, les démarches d'essaimage, et la promotion de la recherche grâce aux structures d'interface entre les universités et les entreprises, puis elle a relevé la nécessité de contractualiser la démarche de diversification.

Après avoir fait valoir que les actions entreprises au niveau des entreprises comme des bassins d'emploi devaient être accompagnées par une politique de l'Etat, Mme Martine Lignières-Cassou a défini quatre orientations d'une véritable stratégie de la diversification : une meilleure définition des objectifs sociaux et industriels, une clarification du rôle des acteurs permettant notamment de mieux tirer parti de leurs expériences, une amélioration des procédures nationales de soutien et une réforme des fonds structurels communautaires. Elle a particulièrement regretté que les ministères concernés, notamment ceux chargés de l'industrie et de la défense, ne développent pas de réflexion commune et qu'il n'y ait aucun lieu de synthèse qui permette, d'une part de capitaliser les expériences et les savoirs, d'autre part d'organiser la " veille technologique et la prospective " en matière de diversification. Elle a affirmé qu'il devenait urgent pour l'Etat de prendre position sur la stratégie de l'Union européenne à l'égard des industries de défense et de clarifier ses fonctions de client, de producteur voire d'actionnaire. Elle a proposé d'harmoniser les politiques suivies par les différents ministères, de créer un observatoire de la diversification et d'instituer dans les bassins d'emploi des structures uniques pour l'information des entreprises et l'instruction des dossiers. Elle a souligné que ce guichet unique, testé dans certains bassins d'emploi, contribuerait au rapprochement des dispositifs de financement, à la structuration des bassins d'emploi et à une meilleure coordination des politiques publiques.

Mme Martine Lignières-Cassou a également insisté sur la nécessité de redéfinir le rôle des sociétés de conversion et de déconcentrer les décisions d'octroi des aides. Elle a enfin estimé que la réforme envisagée des fonds structurels communautaires fournissait l'occasion pour la France de renouveler ses propositions en matière d'aide à la conversion industrielle et de rapprocher les programmations nationale et européenne.

Relevant que les reconversions étaient souvent conditionnées par les compétences acquises et que, de ce fait, elles se faisaient le plus souvent dans des métiers aux perspectives de développement relativement limitées, M. Guy-Michel Chauveau s'est demandé s'il ne fallait pas plutôt privilégier des marchés porteurs, même en dehors du secteur de base de l'entreprise. Approuvant la nécessité d'instaurer des guichets uniques dans les bassins d'emploi et estimant que ce regroupement des instances compétentes faisait souvent défaut, il a observé que, pour autant, il fallait éviter d'aller en chercher les opérateurs parmi les personnes faisant l'objet de reclassements.

Mme Martine Lignières-Cassou a souligné que l'exemple de la Lorraine montrait que l'implantation d'entreprises faisant appel à des compétences non disponibles localement n'était pas durable et jugé que, de même, la greffe de services publics délocalisés sans lien avec le tissu économique local ne prenait pas, même lorsque les bassins d'emploi concernés étaient demandeurs.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Patrice Martin-Lalande a exposé qu'il avait retrouvé dans la présentation de Mme Martine Lignières-Cassou les préoccupations qu'il avait lui-même exprimées dans son rapport sur les restructurations industrielles, concernant notamment la contradiction entre l'objectif de fermer un site et celui d'en préserver les compétences. Il a expliqué que, dès lors que la décision de fermeture précédait la recherche de diversification, les personnels les plus qualifiés étaient encouragés à partir, ce qui provoquait la disparition des compétences de l'établissement.

Mme Martine Lignières-Cassou a alors répondu que la diversification n'avait pas pour objet d'apporter une réponse de court terme aux difficultés créées par les fermetures de sites mais qu'il s'agissait d'une stratégie industrielle qu'il fallait élaborer très en amont des restructurations.

Citant le cas d'un établissement pour lequel les dépenses liées au maintien des sureffectifs avaient largement excédé celles demandées pour la recherche de nouvelles activités, M. Patrice Martin-Lalande a conclu que le traitement social était trop souvent préféré aux risques de la diversification. Il a également relevé la situation particulière des entreprises de défense vis-à-vis des aides européennes, et notamment des fonds KONVER, dont ne peuvent bénéficier la plupart de leurs établissements.

Le Président Paul Quilès a souligné que l'analyse du rapporteur sur les moyens et les conditions de la diversification des bassins d'emploi recoupait les enseignements qu'il tirait des actions menées pour la reconversion de la zone touchée par la fermeture de la mine de Carmaux. Il a insisté sur les trois conditions essentielles dont il avait alors constaté la nécessité : une anticipation suffisante des difficultés, la désignation d'un chef de file, porteur d'une volonté politique et capable de réunir les forces vives en mobilisant les imaginations, et enfin l'inscription dans la durée des actions à mener. Après avoir observé que la conversion des activités industrielles nécessitait un lent travail de conviction, il a estimé qu'il était possible de combiner les objectifs sociaux et économiques, par exemple en orientant progressivement vers de nouvelles activités les personnels bénéficiant des plans sociaux.

Mme Martine Lignières-Cassou a précisé que les fonds KONVER n'étaient pas accessibles aux industries de défense en application de l'article 223 du Traité de Rome qui excluait ce secteur des compétences communautaires. Elle a toutefois ajouté que, dans les faits, cette limitation était souvent contournée au profit de PME mettant en oeuvre des projets de nature duale. Elle a par ailleurs exprimé ses réserves à l'égard de la stratégie d'entreprises, qui comme GIAT-Industries, continuent à privilégier la production d'armements malgré un contexte particulièrement difficile. Elle a également estimé que la tutelle du ministère des Finances avait souvent pour effet de dissuader les entreprises publiques de défense de s'engager dans des projets de diversification considérés comme risqués. Elle s'est à ce propos inquiétée d'une éventuelle interdiction faite à la DCN d'accepter de nouvelles commandes de construction ou de réparation offshore.

M. Robert Poujade a demandé si Mme Martine Lignières-Cassou pouvait citer quelques expériences de diversification significatives ou exemplaires à l'étranger.

Mme Martine Lignières-Cassou a mentionné, parmi les pays où s'étaient déroulées des expériences dignes d'intérêt, les Etats-Unis et le Canada, plus particulièrement le Québec qui a entrepris une reconversion totale. Elle a ajouté qu'au Royaume-Uni le rapprochement opéré entre les structures civiles et militaires de recherche avait abouti à des résultats intéressants. Elle a indiqué que la société suédoise Ericsson, presque entièrement dédiée aux activités militaires dans le passé, réalisait désormais 90 % de son chiffre d'affaires dans le secteur civil.

A M. Robert Poujade qui s'interrogeait sur la reconversion de l'industrie militaire de la Russie et sur ses capacités à remédier à la pénurie de biens civils qui avait caractérisé l'économie soviétique, Mme Martine Lignières-Cassou a répondu que les diversifications ne s'étaient pas traduites, dans ce pays, par des réussites, le Président Paul Quilès citant, en revanche, l'exemple particulier des capacités de production de missiles balistiques utilisées pour les besoins du lancement de satellites civils.

Le Président Paul Quilès a alors demandé à Mme Martine Lignières-Cassou lesquelles de ses propositions lui paraissaient les plus importantes.

Mme Martine Lignières-Cassou a tout d'abord souligné la nécessité d'une clarification des compétences des différentes autorités mettant en oeuvre les politiques publiques. Elle a également préconisé une définition plus rigoureuse des objectifs poursuivis par ces autorités, proposant le regroupement de leurs moyens et la mise en place d'une structure interministérielle de veille technologique.

Elle a enfin rappelé que la formation d'un consensus, la désignation d'un chef de file et la continuité de l'action dans la durée constituaient les trois conditions essentielles de réussite de la diversification au niveau des bassins d'emploi.

La Commission a alors, conformément à l'article 145 du Règlement, décidé d'autoriser la publication du rapport d'information.

ANNEXE 1

SYNTHÈSE SUR LA DIVERSIFICATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE À L'ÉTRANGER

Les mêmes causes ont bouleversé le secteur des industries de la défense dans les pays développés :

- l'évolution du contexte stratégique depuis la fin de la guerre froide a appelé de nouvelles réponses qui ont modifié les besoins d'équipement des armées ;

- le recours à des technologies sophistiquées a allongé les délais entre la conception et la mise en service opérationnelle des équipements, et a renforcé les coûts des systèmes d'armes ;

- la situation de l'économie mondiale et l'importance des déficits publics ont pesé sur les budgets militaires au moment où étaient escomptés des dividendes de la paix.

Les politiques menées par de nombreux pays semblent avoir confié à la conversion des industries de défense plusieurs objectifs : allégement des dépenses publiques, efficacité industrielle, profitabilité, reconversion des personnels. C'est pourquoi plusieurs modèles d'adaptation des entreprises de défense peuvent être distingués au cours des dernières années.

·  La prise en charge de l'adaptation par le secteur privé.

Plusieurs pays dont le Canada, la Belgique, la Suède ou le Royaume-Uni ont choisi de ne pas ou de peu intervenir dans le processus d'adaptation des entreprises du secteur de la défense : 

- en Belgique, l'initiative a été laissée aux Régions, essentiellement à la Wallonie qui a lancé quelques projets tardifs de diversification dans l'industrie aérospatiale. Le résultat est nuancé en raison d'une absence de politique technologique globale à long terme. Seuls quelques projets de diversification dans le secteur privé ont abouti à des résultats modestes. Comme le Canada en Amérique du Nord, la Belgique sur le continent européen fait face à des partenaires beaucoup plus puissants qu'elle. L'industrie nationale de défense a en fait pratiquement disparu.

- le Royaume Uni a refusé tout soutien direct de la relance aux entreprises et a privilégié une politique de privatisation. De plus, le Ministre de la Défense a fait reposer la stratégie d'acquisitions d'équipements ou de services sur les principes de libre concurrence et de moindre coût " best value for money ". De très nombreux emplois (50 000 entre 1989 et 1992) ont été supprimés. Par des aides discrètes, de nouveaux partenariats avec des entreprises étrangères ont été recherchés. Certaines conversions ou diversifications industrielles sont jugées réussies (voir annexe 2) ;

- les aides de l'Etat à la reconversion des industries de défense sont quasi inexistantes en Suède. Les PME ignorent le concept de diversification et seuls quelques groupes peuvent faire état d'une expérience en la matière.

L'un des exemples de diversification les plus réussis concerne Volvo Aero Corporation dont la part d'activités militaires est inférieure à 21 %du chiffre d'affaires. Le groupe s'est diversifié vers les applications secondaires des technologies militaires des investissements commerciaux et l'achat de sociétés dans les domaines de la propulsion et des moteurs. Mais d'autres groupes ont également réussi une diversification : par exemple, Bofors pour les capsules d'airbags ou la détection des mines ; Ericson dans la téléphonie ; l'équipementier Kockums dans les mobiliers de haute gamme.

·  La reconversion globale de l'économie de défense

Les tentatives de conversion globale du secteur de la défense impulsées par l'Etat ne se rencontrent qu'en Russie.

A partir de 1988, le but du Gouvernement soviétique a été de modifier le ratio de la production militaire et civile du complexe militaro-industriel de 60 %/40 % à 40 %/60 %. Un premier plan a été lancé en 1990, à l'aide d'un budget de 76 milliards de roubles, mais il s'est avéré un échec : les dirigeants du secteur industriel militaire ne se sont pas impliqués dans les objectifs, la recherche de nouveaux débouchés ne s'est pas accommodée de la planification encore centralisée et la démarche des entreprises ne s'est pas fondée sur les savoir-faire existants. Deux millions d'emplois ont été perdus entre 1991 et 1994.

L'Etat russe semble aujourd'hui abandonner l'aide à la reconversion, l'objectif annoncé n'étant plus de reconvertir les entreprises mais d'amener les secteurs les plus performants à se diversifier dans la production commerciale. Les collectivités au niveau local et régional ont entrepris des démarches plus fructueuses.

· ·  La reconversion au niveau local et régional

Aux Etats-Unis, 20 % du budget (1,2 milliard de $) destiné à l'assistance au personnel de défense et au soutien des communautés affectées est directement acheminé vers les Régions. Les mesures sont orientées vers la formation de la main d'oeuvre, l'exploration des marchés, le financement des PME, la coopération entre entreprises, universités et centres de recherche. Selon certains analystes, ces programmes ne relèvent pas de plans de reconversion mais sont une forme d'assistance sociale.

En Europe, les aides vraiment significatives au plan régional ont été apportées par le programme KONVER, mis en place en avril 1993 par le Parlement européen. 1993 : 130 millions d'écus ; 1994-1997 : 500 millions d'écus. Il s'agit non pas d'aides directes aux entreprises militaires mais aux bassins d'emplois des Régions, qui doivent débloquer un financement équivalent à celui offert par le Parlement européen.

ANNEXE 2

LA DIVERSIFICATION-RECONVERSION DES INDUSTRIES

DE DÉFENSE AU ROYAUME-UNI

Bien que les gouvernements britanniques aient renoncé depuis près de vingt ans à une stratégie interventionniste et aient largement confié à la régulation du marché la restructuration des industries de défense, l'Etat britannique, pour des raisons stratégiques et régionales, a confié à deux ministères la compétence du secteur.

L'ampleur des restructurations et leurs répercussions socio-économiques ont incité à la mise en place de nouveaux instruments de reconversion.

1. - Une compétence partagée entre deux ministères

·  Le Department of Trade and Industry (DTI) a pour objectif fondamental d'aider l'industrie britannique à concourir avec succès sur les marchés nationaux et internationaux. Pour remplir cette mission, il travaille en collaboration avec l'industrie, mais aussi avec les universités, syndicats professionnels et agences gouvernementales pour contribuer à l'amélioration de la compétitivité de l'industrie. Il appuie en outre l'ouverture des marchés internationaux et aide l'industrie britannique à utiliser au mieux les possibilités de ces marchés. Il coordonne enfin le contrôle des exportations.

En matière de défense, le rôle du DTI a été renforcé en 1995, à la suite d'un rapport commun entre les commissions parlementaires de la défense et du commerce et de l'industrie préconisant, d'une part un " droit de commentaire " du DTI dans les décisions du MoD en matière de choix des titulaires des programmes d'armement, d'autre part, par l'établissement d'un dialogue entre le MoD et l'industrie de défense.

·  Au ministère de la Défense (MoD), les responsabilités liées à l'industrie de défense sont partagées entre plusieurs services, le Chief Scientific Adviser pour la recherche amont, le Deputy Chief of Defense Staff pour l'expression du besoin et la définition des spécifications, le Procurement Executive pour la conduite des programmes d'armement. Ces trois services tirent leurs compétences de maître d'ouvrage d'une agence gouvernementale, dépendant du MoD : la Defense Evaluation and Research Agency (DERA).

La DERA qui regroupe 12 000 personnes dont 70 % de scientifiques est garante de la base scientifique et technologique de défense du Royaume-Uni. Elle réunit tous les centres de recherche et d'évaluation non nucléaires. Dotée d'un compte de commerce (qui conduit à trouver des financements extérieurs et aboutit à des pseudo-contrats entre l'agence et le MoD), la DERA a un chiffre d'affaires d'environ 1 milliard de livres qui correspond à l'essentiel de la recherche-amont en matière de défense.

L'agence recevant la majorité des budgets de recherche-amont et appliquée, ne sous-traitant qu'une partie des contrats à l'industrie, les liens qui l'unissent au MoD posent deux problèmes, l'un en matière de transfert de technologies à l'industrie et l'autre relatif aux applications civiles des développements militaires.

2. - Un concept encore marginal qui a fait l'objet de réflexions récentes

·  Le changement profond de relations entre le MoD et les industriels, et l'instauration de nouvelles règles (généralisation des contrats à prix ferme, achats sur étagères) ont conduit les principaux groupes, d'une part, à se restructurer par intégration horizontale, d'autre part, à accroître les débouchés à l'exportation. De 750 000 au début des années 80, le nombre d'emplois dans l'industrie de défense a rapidement diminué à près de 400 000 en 1995.

L'industrie de défense est ainsi dominée par quelques grands groupes (BAe dans l'aéronautique, GEC dans la construction navale et l'électronique, Matra Marconi Space dans les activités spatiales, GKN pour les hélicoptères et les blindés légers, Vickers pour les blindés lourds ...). Les dix premières sociétés concentrent la moitié du budget d'équipement militaire.

Trois initiatives ont été mises en oeuvre :

- la reconversion des sites militaires et l'assistance aux personnels ;

- la reconversion vers des activités civiles ;

- les transferts de technologie.

·  En ce qui concerne la diversification ou la reconversion de l'industrie de défense dans les activités civiles, les tentatives effectuées en Grande-Bretagne sont rares et ne semblent pas avoir donné les résultats escomptés, à l'exception de domaines duaux comme l'aéronautique ou le spatial.

Au contraire, tout au long des années 80 et 90, les différents groupes impliqués dans la défense en Grande-Bretagne ont choisi, soit de se spécialiser dans la défense (BAe, GEC Marconi), soit d'abandonner ces activités. La diversification a ainsi été conçue comme une consolidation des activités de défense par intégration horizontale.

Ce n'est que récemment que le DTI s'est préoccupé de conversion ou de diversification en organisant un cycle de conférences et en proposant son assistance. Le MoD, par la canal de la DERA, a mis en place divers mécanismes pour favoriser le transfert de technologies vers les industries militaires. En 1996 a été créé un poste de directeur pour les transferts technologiques. Le nouveau gouvernement travailliste a mis à l'étude dès mai 1997 la création d'une agence de diversification de défense destinée à promouvoir les applications civiles. Cette étude devait déboucher sur un document de travail entre le DTI et le MoD mais sa publication est repoussée de mois en mois. Il s'agirait en fait de trouver de nouveaux mécanismes de transfert entre la DERA et l'industrie civile, notamment au travers du concept de " parcs de science " (Science park), équivalents de technopoles.

Cette idée essentielle a déjà été mise en oeuvre au niveau des universités britanniques et des centres de recherche-développement. Les deux composants essentiels d'un parc de science consistent en une mise à disposition de terrains proches des centres scientifiques pour faciliter des installations nouvelles, et de bureaux ou de services au profit de nouvelles PME.

Plusieurs constats peuvent être effectués : les résultats ne sont pas immédiats, il n'existe pas de technologie prête à appliquer, tout transfert technologique demande des contacts fréquents entre industriels et chercheurs. La création des parcs de science nécessite par ailleurs l'implication des collectivités locales voire des autorités nationales. Le processus est donc long à mettre en oeuvre et peut démotiver des entreprises tentées par le court terme.

Outre la promotion de parcs de science autour de certains de ses sites (Farnborough, Malvern, Haslar ...) et l'accent mis sur la création de PME-PMI de haute technologie, la DERA envisage de permettre à certains de ses personnels de partager leur temps entre l'administration et l'industrie. Enfin, l'agence pourrait accepter dans certains domaines non stratégiques que l'activité correspondante serve de base à un développement commercial privé.

ANNEXE 3

LA DIVERSIFICATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

EN ALLEMAGNE

Profondément marqué par l'histoire qui a renforcé les pouvoirs politiques civils et a longtemps limité les exportations d'armes, le secteur des industries d'armement en Allemagne s'est appuyé, tantôt sur ses compétences traditionnelles (armements terrestres et navals), tantôt sur la coopération industrielle (ainsi, 75 % des programmes seraient réalisés en coopération pour les industries aéronautiques et les missiles). Ce secteur reste marqué par sa forte décentralisation et l'intervention des pouvoirs politiques locaux, par un degré élevé de technologies et d'activités civiles et par une forte spécificité territoriale, tous facteurs qui imprègnent les restructurations industrielles en cours.

1. - Une forte spécificité territoriale

L'industrie allemande est organisée autour de pôles qui correspondent autant à des types d'entreprises qu'à des emprises régionales :

- en Basse-Saxe et au Schleswig-Holstein, la construction navale concerne des entreprises dynamiques sur un marché mondial comme HDW pour les sous-marins ou Blohm et Voss qui ont su mettre au point, par exemple pour les frégates, des procédures modernes de fabrication (système Meko). Mais la progression de l'endettement lié à une forte croissance externe du groupe a entraîné le règlement judiciaire de Bremer Vulkan en 1994 ;

- la Bavière et le Bade-Wurtemberg regroupent des entreprises qui reçoivent entre 30 et 50 % des commandes publiques. Certaines sont contrôlées directement par le Land ; la plupart se sont centrées sur les activités militaires comme Diehl, Heckler et Koch, Dornier ou MBB ;

- la Rhénanie du Nord-Wesphalie regroupe des entreprises spécialisées dans les munitions et les armements terrestres. Krauss Maffei (constructeur de chars) et Rheinmetall (artillerie) ont réduit de moitié en dix ans leurs activités militaires pour se positionner sur des niches d'excellence et sont mieux préparées à la forte réduction des budgets militaires.

2. - Les caractéristiques des reconversions

Le dispositif de soutien à la reconversion industrielle se caractérise par sa décentralisation et par l'importance des synergies civilo-militaires.

a) Un processus qui fait largement appel aux pouvoirs locaux

Certes, l'Etat fédéral contribue à la planification des aides et participe financièrement : il existe un plan de soutien quinquennal et une différenciation entre programmes " spéciaux " et programmes " normaux ". Ce sont surtout les Länder et les communes qui assurent la mise en oeuvre des aides auxquelles ils contribuent activement.

L'essentiel des aides est destiné à soutenir les investissements productifs, plus rarement les infrastructures. Dans le cadre des reconversions, l'accent est mis sur la diversification des structures industrielles (création de pôles technologiques, soutien aux PME, formation, réaménagement de sites, ...).

Certaines Régions, comme la Sarre ou la Ruhr, ont connu plusieurs exercices successifs de restructuration industrielle civile : le premier dans les années 70 a réorienté les activités à partir de la sidérurgie et des industries minières vers l'automobile ou la chimie ; le second, plus récent, a concerné les technologies de l'informatique et de l'environnement et a conduit à la création de centres de recherche appliquée et de parcs technologiques thématiques. Les autorités des Länder se sont appuyées sur des sociétés publiques régionales.

Compte tenu de l'ampleur des crédits alloués par tous les niveaux d'intervention (communautaire, fédéral, collectivités locales), les résultats apparaissent assez décevants. Les diversifications menées par les entreprises auraient retardé la prise de conscience de la nécessité de reconversion à plus grande échelle.

b) Un engagement différencié des partenaires sociaux

Les dirigeants des grandes entreprises allemandes ont témoigné d'un certain scepticisme à l'égard des avantages procurés par des aides financières directes. En particulier, ils n'ont pas souhaité s'engager à moyen terme sur le maintien de l'emploi ou d'un site, en contrepartie de financements, à l'exception des entreprises " bavaroises ". En effet, les liens de celles-ci avec les pouvoirs locaux restent forts et l'octroi d'aides est d'autant plus probable que les centres de décision des entreprises restent proches des pouvoirs locaux.

Les mesures d'accompagnement des restructurations et de fermeture des sites n'échappent pas aux règles de la cogestion. Les négociations les plus récentes ont montré le manque de mobilité géographique du personnel et l'inadaptation des qualifications, d'où l'intérêt croissant porté aux sociétés de placement des personnels.

c) Les synergies civilo-militaires

Elles sont beaucoup plus importantes en Allemagne en raison de la constitution de grands pôles civils et militaires comme DASA, et d'une orientation industrielle marquée vers les technologies duales.

Cette particularité facilite les alliances ou les rapprochements tant nationaux qu'européens et place les groupes allemands dans une meilleure situation que leurs homologues français. Le choix de Matra comme partenaire par DASA aux dépends d'une alliance de longue date avec l'Aérospatiale illustre l'incompréhension par les industriels d'outre Rhin de la lenteur des restructurations dans notre pays.

ANNEXE 4

LA DIVERSIFICATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE AU CANADA

Les particularités des industries de défense au Canada expliquent leur réaction face à la conversion et à la diversification industrielles.

I. -  LA SPÉCIFICITÉ DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

Les industries de défense présentent un grand nombre de particularités.

1. - La dualité civilo-militaire

A l'exception de secteurs spécialisés comme celui des munitions, peu d'entreprises sont fondamentalement liées à la défense et la grande majorité propose des équipements en deux versions pour une même technologie (cas des simulateurs de vol, des turbopropulseurs Pratt et Whitney, des hélicoptères Bell Helicopter Textron). Certains groupes se sont même développés à partir d'une production civile (Bombardier ou Ballard pour les piles à combustible).

Cette caractéristique qui a toujours placé les industries dans un milieu concurrentiel a facilité une prise de conscience anticipée des reconversions. Deux tiers des entreprises ont cherché à réduire leur dépendance par rapport au marché militaire, notamment dans l'aéronautique.

2. - Le support industriel américain

Parce qu'elles sont souvent adossées à un groupe américain, les entreprises canadiennes de défense profitent de la relative vigueur du marché militaire aux Etats-Unis. Ainsi les trois quarts de la production aéronautique y sont exportés. Certains universitaires y voient cependant un risque dans la mesure où les Etats-Unis ont tendance à garder la maîtrise des hautes technologies et à confiner les provinces canadiennes dans des productions à moindre savoir-faire.

·  La dualité des technologies, la moindre dépendance à l'égard des dépenses militaires et le fait que l'industrie produise avant tout des équipements et des sous-ensembles permettent aux sociétés canadiennes d'être compétitives sur les marchés tiers et de proposer des matériels adaptés aux puissances émergentes.

3. - La politique régionale

Depuis les années 80, la politique fédérale de redistribution des activités entre les Régions, qui s'est appuyée sur la répartition des dépenses d'équipement et de recherche, a favorisé les provinces maritimes au détriment de l'Ontario et surtout du Québec qui abrite pourtant la majorité des maîtres d'oeuvres et des intégrateurs. Elle a contribué à l'éparpillement des ressources et à la fragilisation de l'ensemble du secteur. Le ministère de la Défense voit dans ce facteur un renchérissement des coûts d'acquisition des équipements.

II. -  LA POSITION À L'ÉGARD DE LA DIVERSIFICATION

1. - Les réactions des entreprises

En l'absence d'une véritable politique industrielle, les entreprises canadiennes ont tiré rapidement, dès le début des années 90, les conséquences des baisses de commandes publiques. Elles ont remanié leurs structures et réorienté leurs activités, la diversification et la reconversion (auxquelles les syndicats ont été favorables) devenant des impératifs.

Cependant, beaucoup de PME ont disparu car très rares ont été les entreprises ayant obtenu une aide publique. L'industrie a ainsi perdu 18 000 emplois entre 1987 et 1994 dont 14 000 au seul Québec. A titre d'exemple, la perte du contrat d'hélicoptère EH 101 a entraîné le licenciement de la moitié du personnel chez Unisys-CSG Canada.

Les groupes canadiens parlent moins de diversification que de réduction du taux de dépendance à l'égard du marché militaire. Le tableau ci-joint suivant illustre, à travers quelques exemples, les projets de conversion vers des activités civiles. Mais peu de résultats concrets ont été obtenus, hormis dans le cas où les entreprises ont récupéré les marchés de services assumés antérieurement par le ministère de la Défense puis privatisés.

En revanche, la nécessité de maintenir des capacités industrielles ainsi qu'un potentiel en recherche-développement incite les groupes et les PME à demander : 

- un soutien à la recherche-développement par des aides publiques directes, des mécanismes fiscaux (crédits d'impôts) ou incitatifs.

- la prise en compte de l'impact régional et local des mesures d'ajustement.

Entreprise

Projets

Allied Signal

- Applications commerciales des systèmes de détection militaires

Expro

- Accroissement de la part du marché des munitions commerciales

- Traitement des huiles usées et des sols contaminés

Héroux

- Trains d'atterrissage commerciaux

MIL Davie

- Fabrication de navires commerciaux

Peacock

- Fabrication de pièces aéronautiques

Rolls-Royce

- Nouvelle turbine commerciale

Technologies industrielles SNC

- Diversification dans d'autres produits de défense

- Munitions paramilitaires

Lockheed-Martin Marietta

- Applications commerciales des logiciels et techniques d'intégration de systèmes

- Systèmes de messagerie téléphonique, etc.

Source : Groupe de recherche sur l'industrie militaire. Enquête auprès des entreprises.

1994. Université du Québec.

2. - L'abandon d'une politique de développement industriel

Le gouvernement fédéral a profondément revu sa politique d'acquisition de matériels de défense et a défini plusieurs options qui ne sont pas exclusives :

- faire construire sous licence au Canada, comme dans le passé, des systèmes de fabrication étrangère. Cette stratégie est intéressante pour le Québec qui a une expertise en matière d'assemblage et d'intégration mais elle suppose un gros effort en R&D alors que le Gouvernement cherche à réduire son soutien dans ce secteur ;

- faire construire à l'étranger en posant des exigences en matière de contenu pour assurer du travail aux sous-traitants canadiens ;

- revenir à une politique d'accords de contrepartie (offset) au risque de renoncer à des transferts de technologie et de désavantager les industries de défense ;

- renoncer à la politique de compensation économique pour obtenir des équipements à meilleur prix.

Cet infléchissement de la politique fédérale a d'importantes répercussions sur les entreprises canadiennes.

ANNEXE 5

LA DIVERSIFICATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

EN ITALIE ET EN ESPAGNE

Au-delà de leurs différences, les secteurs des industries de défense dans ces deux pays présentent des similitudes. Situés aux quatrième et cinquième rang en Europe, ils connaissent une mutation importante.

1. - Des industries de défense à dimension restreinte

De manière un peu paradoxale, les années 80 ont permis un véritable développement du secteur industriel de la défense, tiré par les exportations et les commandes publiques en Italie, délibérément engagé par les gouvernements socialistes en Espagne.

L'Etat contrôle une partie importante des entreprises d'armement au travers de holdings ou de groupes industriels qui réalisent l'essentiel des productions. C'est le cas de Finmeccanica dans l'aéronautique et l'électronique ou Fincantieri dans les chantiers navals en Italie. De même, sur les cinq premiers groupes espagnols qui réalisent les trois quarts des productions, quatre sont des entreprises publiques contrôlées par le holding INI : Casa dans l'aéronautique, les chantiers Bazan dans la construction navale, Indra Sistemas dans l'électronique et Santa Barbara dans les armements terrestres.

Les groupes privilégient le recours aux licences et la participation aux programmes menés en coopération ce que confirme la faiblesse des crédits de recherche et développement (moins de 10 % des dépenses d'investissement).

2. - Une reconversion liée à des choix stratégiques

La régression des dépenses d'équipement a été brutale dans les deux pays au début des années 90 (- 25 % en Espagne de 1990 à 1995, - 5 % en Italie). Elle s'est confirmée par le souci de ces deux pays de réduire les dépenses publiques afin de satisfaire les critères pour la monnaie unique.

L'avenir est problématique et repose sur le choix entre une dépendance nationale de plus en plus forte à l'égard des autres pays pour les équipements militaires et le maintien à grands frais d'une coopération minoritaire dans des programmes européens. Le risque majeur est une prise de participation des grands groupes européens dans les sociétés nationales, notamment britanniques : renforcement des liens GEC Marconi avec Finmeccanica, projet d'acquisition de Casa par British Aerospace.

L'industrie italienne partage sa stratégie entre la coopération européenne (frégate Horizon, torpille MU 90, hélicoptère NH90) et transatlantique (accords Alenia-McDonnell Douglas). Le choix espagnol, peut-être davantage tourné jusqu'à ce jour vers les Etats-Unis, même pour les programmes nationaux (avion d'attaque, frégate), semble se réorienter vers l'Europe (Eurofighter, sous-marins, ...).

C'est pourquoi l'Italie a été favorable à la création d'une agence européenne de l'armement et souhaite intégrer l'OCCAR.

ANNEXE 6

LA DIVERSIFICATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

AUX ÉTATS UNIS

Après chaque guerre ou période de tension, les Etats-Unis ont entrepris des reconversions des industries de défense et de nombreuses expériences ont eu lieu dans les secteurs des transports (General Electric et Pratt & Whitney dans les moteurs d'avions de ligne), de la robotique, de la santé, des appareils ménagers (Raytheon dans les fours à micro-ondes)ou des services.

Depuis le début des années 90, le Gouvernement américain tente d'aider le secteur industriel à s'adapter aux nouvelles réductions budgétaires et à l'évolution des marchés. La politique de conversion, mise en place depuis 1992-1993, vise plusieurs objectifs :

- la rationalisation du secteur industriel ;

- l'amélioration de la compétitivité qui doit s'appuyer sur le développement des technologies duales et l'imbrication des technologies dans les systèmes ;

- la diversification industrielle.

En fait, on a assisté à un double mouvement, en premier lieu, un recentrage de certains groupes sur les métiers de base de la défense et une consolidation des ventes de matériels militaires, puis une ouverture aux marchés commerciaux dans des secteurs à forte croissance comme ceux de l'espace, des communications, de l'électronique et de l'information (les liens sont évidents entre produits civils et militaires). L'Etat fédéral et les Etats fédérés ont largement participé au mouvement de restructuration.

La grande différence avec les conversions des périodes précédentes est que le succès des diversifications paraît lié à l'implication du DoD dont l'intérêt dans les opérations doit converger avec celui des groupes. Les industriels comme le gouvernement espèrent tirer en effet avantage du décloisonnement des bases industrielles civile et militaire, et bénéficier en retour des avancées technologiques civiles et des économies d'échelle.

1. - L'implication de l'Etat dans les restructurations du secteur de la défense

a) Les restructurations industrielles

Les restructurations industrielles du secteur de la défense sont en voie d'achèvement car elles atteignent les limites de la législation antitrust. Elles ont abouti à la constitution de trois pôles autour de Boeing/McDonnell Douglas, Lockheed Martin et Raytheon/Hughes/Texas Instrument. Ce mouvement de concentration et de consolidation s'est effectué grâce à la communauté financière et avec l'aval des autorités.

L'implication de l'Etat fédéral est symbolisée par la participation financière directe du Department of Defense DoD dans les coûts, directs ou indirects, des restructurations, quelle que soit leur forme (acquisitions, fusions, rationalisations internes, ...). Les cinq plus grandes opérations de restructuration industrielle ont bénéficié de près de 850 millions de dollars de remboursement par les finances publiques.

Les grandes entreprises ont entrepris simultanément une stratégie de croissance externe par fusion et acquisition, et une pénétration des marchés civils. La modernisation des systèmes et des contrôles de trafic aérien civil a permis aux entreprises leaders de l'industrie de défense comme Lockheed Martin, Raytheon, Hughes ou Northrop Grumann de développer une activité aéronautique nouvelle. Le Gouvernement leur a donné l'autorisation d'utiliser certaines technologies militaires à des fins civiles (satellites, GPS, téléphonies) et d'opérer des transferts de technologies (simulateurs, radars, systèmes d'information et de commandement, ...).

b) Les reconversions d'installations militaires

L'exemple de la reconversion des bases militaires en Californie montre l'importance des dispositifs publics mis en place. Le bilan des reconversions paraît favorable puisque celles-ci se sont accompagnées d'importantes créations d'emplois et l'installation d'équipements économiques (aéroports civils), sociaux ou éducatifs. Dans certains cas, l'usage des installations est resté fédéral (parcs naturels, prisons, centres de recherche).

Les problèmes juridiques et financiers étaient complexes. Tous les niveaux administratifs ont été mobilisés. L'implication de l'Etat fédéral a pris la forme d'aides directes par le canal de diverses agences gouvernementales : l'Office of economic Adjustment OEA, dépendant du Department of Defense DoD, est chargée d'aider les collectivités locales à reconvertir les installations militaires fermées. L'Economic Development Administration EDA relève du Department of Commerce DoC. Le Defense Adjustment Matching Grant Program est un l'un des principaux programmes de subventions directes. Le déblocage des crédits est subordonné à un apport de 25 % par les collectivités locales. D'autres programmes reposent sur des systèmes de prêts directs ou de garanties de prêts.

Le programme LAMBRA (Local Area Military Base Recovery Act), autorisé à partir de janvier 1995 pour une période de huit ans, vise spécifiquement à " réensemencer " les sites militaires fermés par le biais d'incitations fiscales : exonérations de taxes, crédits d'impôts, report autorisé de pertes d'exploitation, déduction des frais, ...

Le montant global des subventions fédérales est évalué à près de 200 millions de dollars pour les exercices budgétaires de 1990 à 1996. Sur la même période, la Californie a investi près de 23 millions de dollars en faveur des installations militaires. L'Etat fédéré de Californie et les collectivités locales ont participé aux opérations en cofinançant des programmes et en facilitant les questions administratives , notamment sur le plan cadastral.

2. - La stratégie du ministère de la défense dans le domaine des technologies duales

La promotion des technologies duales recouvre plusieurs aspects : le développement de technologies duales proprement dit qui est une stratégie de long terme, la recherche d'applications commerciales de technologies militaires ( stratégie dite spin off à court terme) et l'insertion de technologies civiles dans les équipements militaires (stratégie de spin on).

L'intégration de systèmes militaires dans des produits civils est rare mais peut concerner les matériaux composites ou des techniques de propulsion. L'intégration de technologies commerciales, éventuellement " durcies ", dans les équipements militaires réduit les cycles de développement et accélère le rythme de revalorisation des systèmes ; elle concerne les composants électroniques ou les secteurs informatiques et de communication.

Comme près de 25 % du budget de Science et technologie du DoD (soit environ 2 milliards de dollars) sont consacrés aux domaines duaux, la majorité républicaine du Congrès considère qu'il s'agit d'une politique industrielle financée par le budget militaire et se montre assez réticente. De plus, il y a un risque que les législations antitrust ne viennent à s'appliquer.

Plusieurs instruments ont été mis en place pour faciliter les transferts de technologie, même ceux en provenance des laboratoires fédéraux de recherche. Le programme Maritech a l'objectif d'aider l'industrie navale à conquérir 10 % du marché mondial en 2000 grâce à des aides directes et à un système de garanties de prêts. Mais le coût final des produits reste un obstacle à la conquête des marchés.

Cette politique s'accompagne également d'une évolution dans l'acquisition des équipements militaires, notamment dans la recherche d'une simplification des procédures et de l'alignement des spécifications techniques sur celles des matériels civils.

La maîtrise des technologies et la synergie des compétences dans des secteurs porteurs confèrent aux entreprises américaines un avantage comparatif par rapport aux sociétés européennes.

·  L'action en faveur des PMI-PME

Le Gouvernement fédéral a cherché à faciliter l'ajustement et la diversification des PME grâce à des programmes spécifiques (assistance commerciale à l'exportation, formation, apport financier). Les programmes technologiques comme le TROP (Technologie reinvestment project), à présent achevé, ou le DUAP (Dual use applications program), qui lui a succédé, ont profité de manière paradoxale aux grandes sociétés, seules en fait capables d'un financement partagé, et n'ont pas permis aux PMI de répondre aux nouvelles conditions du marché. Pourtant ils ont représenté environ de 200 à 225 millions de dollars chaque année.

Les exemples de réussite se sont appuyés sur la création de structures juridico-financières indépendantes de la PMI mère et isolées de sa culture d'entreprise. La Small Business Administration SBA est une agence fédérale dotée d'un budget annuel de 400 millions de dollars qui intervient pour faciliter le financement des PMI. Alors qu'il n'était pas spécialisé dans les industries de défense et ne les avait pas identifiées, le programme Delta, lancé en 1996, vise à favoriser les projets d'expansion sur les marchés commerciaux.

·  Les limites à la diversification

Les mêmes limites aux diversifications sont constatées partout. La démarche exige une adaptation des méthodes de production à de nouveaux marchés et un changement de culture de l'entreprise. Le marketing et la connaissance des marchés sont des notions étrangères au secteur de l'armement. Si les grands groupes réussissent quelquefois leurs expériences de diversification et limitent ainsi leur dépendance à l'égard des activités militaires, la diversification est un enjeu essentiel pour les PME-PMI. Or celles-ci manquent de soutien technologique et financier. De plus, la pénétration de secteur commercial n'est pas plus facile pour les entreprises de haute technologie que pour les autres car elles souhaitent garder leurs compétences et le contrôle de leur activité.

ANNEXE 7

ACTIVITÉS DU RAPPORTEUR

(Auditions et déplacements)

I. -  INDUSTRIELS

aérospatiale

- M. Jean-Louis Fache, Directeur de la Stratégie et des programmes

- M. Jacques Guégan, Directeur de l'établissement de Bordeaux

- M. Olivier Reuther

- M. J. de Cordemoy

chantiers de l'atlantique

- M. Bernard Gendre, Responsable du développement de la sous-traitance et du développement économique local

dcn

- M. Dominique Castellan, Président Directeur général de DCN-International

- M. Louis Petitbois, Directeur de l'établissement DCN de Brest

- M. François Guerrier, chef du service action commerciale inter-nationale

giat-industries

- M. Jacques Loppion, Président Directeur général

- M. Jean-Louis Thaumiaux, Secrétaire général

- M. Philippe Daussy, Directeur du Développement

- M. Philippe Demangeat, Directeur Sofred

- M. Xavier Craplet, Directeur du centre de Bourges

- M. Edmond Gandrillon, Directeur des Opérations (Giat-Bourges)

- M. Pierre-André Moreau, Directeur général de DSA

- M. Yves Dubreuil, Directeur du centre de Saint-Etienne (Direction du développement) et Responsable des Ressources humaines

- M. Christian Van Ecke, Directeur du centre de Saint-Chamond

- M. Daniel Girardot, Directeur du centre de Tarbes

matra bae dynamics

- M. Pierre-Henri Ricaud, Directeur de la Stratégie

sep

- M. Jean-Paul Bernard, Directeur, attaché au Directeur général

- M. Jean-François Gargou, Directeur d'établissement de Bordeaux-Saint Médard

sma

- M. Yves Langlois, Directeur du service de la maintenance aéro-nautique SMA

- M. Deborde, adjoint au Directeur

- M. Henri Cornet, Directeur de l'AIA de Bordeaux

- M. Jean-Luc Masset, Directeur adjoint de l'AIA de Bordeaux

snpe

- M. Daniel Doyen, Directeur général adjoint Défense

- M. Bernard Roussel, Directeur de la Communication

thomson-csf

- M. Jean-Charles Hourcade, Directeur de la Stratégie

- Mme Annick Perrimond, Chargée des relations extérieures

II. -  MINISTÈRES ET SERVICES

commissariat général au plan

- M. Jean-Louis Levet, Chef du service économique, industriel et financier

- M. Thierry Baumgart

datar

- Mme Sylvie Cabanis, Affaires européennes

- Mme Sophie Guilbot-Christiaki, Affaires européennes, programme plurirégional Défense

- M. Jean-Michel Guyard

- M. Castagnac, Délégué Datar à Tarbes

- Mme Marianne Forejt, assistante du Délégué Datar à Bruxelles

dga

- M. Jean Fournet, Directeur de la Coopération et des Affaires industrielles

- M. Bernard Chabassière, Chef du bureau de l'Industrie mécanique

- M. Christian Fournier, SACI/SDAC, responsable diversification

délégation interministérielle aux restructurations

- M. Thierry Klinger, Délégué interministériel aux restructurations

- M. Thierry Pouessel, Délégué interministériel aux restructurations

- M. Gilbert Courier, Délégué régional Aquitaine

- M. André Le Duff, Chargé de mission du sous-Préfet à Brest

- M. Robert Pavic, Chargé de mission régional Bretagne

- M. Yves Salanave, Délégué régional Midi-Pyrénées

secrétariat d'état à l'industrie

- M. Dominique Jamme, Responsable du département Conversion-Etudes DARPMI

- M. Didier Lombard, Directeur de la stratégie industrielle

- Mme Sylvie Metz-Larue, Sous-Directeur électronique professionnelle

III. -  COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

bruxelles

- Mme Chantal Bruetschy, Conseiller au cabinet de M. Martin Bangeman, Commissaire européen

- M. Eneko Landaburu Illarramendi, Directeur général (DG XVI Action régionale)

- M. Guth, programme pluriannuel (DG XVI)

- Mme Barellon (DG XVI)

- Dr Helmut Schmitt von Sydow, Directeur (DG III Industries)

- M. Bacri, conseiller du directeur général DG III

- M. Michel Troubetzkoy, représentant permanent d'Aérospatiale à Bruxelles

- M. Yann de Jomaron, Directeur chargé des relations de Thomson-CSF avec l'Union européenne

IV. -  BASSINS D'EMPLOI

bordeaux

- M. Xavier Esturgie, Directeur général de la Maison de l'Industrie

- M. Christian Piotre, SGAR

- M. Jean Hickel, Directeur de l'action économique au Conseil régional

bourges

- M. Bernard Lanson, Président de l'association Secure Bourges

- M. A. H. Petit, Président de la CCI du Cher

brest

- M. Jacques Grossi, Chargé de mission diversification de la communauté urbaine de Brest

- M. Alain Cazan, Président de l'Association Astrid 29 et M. Luc-Bernard Catina, Directeur

- M. Jacques Kuhn, Président de la CCI de Brest

- M. Michel Gourtay, Directeur général de la CCI de Brest

- M. Jean-Yves Rousseau, chargé de mission auprès de la CCI de Brest

- Amiral Jean-Yves Le Dantec, Préfet maritime

- M. Pierre Maille, Président de la Communauté urbaine de Brest

roanne

- M. Christian Avocat, Maire adjoint de Roanne

saint-étienne

- M. le Professeur Bernard Laget, Institut d'ingénierie de la vision, Université Jean Mannet

- M. Christian Cabal, Député, premier adjoint de Saint-Etienne

- M. Gérard Lindeperg, Député

saint-nazaire

- M. James Millot, Administrateur de l'Institut de créativité industrielle ICI

- M. Luc Pellerej, Directeur de l'ICI

tarbes

- M. Jean Glavany et Philippe Douste-Blazy, Députés,

- Mme Josette Durrieu, Sénateur,

- M. François Fortassin, Président du Conseil général

- M. Girardot, Directeur de GIAT-Industries,

- M. Barthe, Délégué régional SOFRED,

- M. Raymond Herracarret, Maire de Tarbes

V -  SYNDICATS

cfdt

- M. Gérald Hayotte, CFDT GIAT Bourges

- M. Alain Vansteen Winckel

- M. André Golliard

et toutes les organisations syndicales dans les bassins d'emploi de Bourges, de Brest, de Saint-Etienne et de Tarbes.

VI. -  AUTRES ORGANISMES

comité richelieu

- M. Emmanuel Leprince, Délégué général

financière de brienne

- Mme Edwige Avice

université de saint-quentin

- M. Claude Serfati, Maître de conférences au centre d'économie et d'éthique pour l'environnement et le développement, Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines

université de brest

- M. Roland Le Guillou de Penanros, Centre du droit de la mer, E3D Université de Brest

- M. Reverdy, Consultant et animateur de la revue Conversion

*

Je tiens à remercier :

- l'ensemble des personnes auditionnées pour leur disponibilité ainsi que les attachés d'armement dans les ambassades françaises en Europe et aux Etats-Unis qui m'ont fait parvenir des documents ;

- le Président de la Commission Paul Quilès, pour la confiance qu'il m'a témoignée ;

- M. Thierry Vanel, Administrateur de la Commission de la Défense pour son infinie patience ;

- mes " vieux compères " (Emile, Jacques, Jean-Pierre, Raymond) ;

- l'équipe d'animation de Béarn XXIème siècle car, si ce territoire n'apparaît pas dans ce rapport, il y est très présent, les démarches et les analyses se répondant ;

- l'ensemble de mes collaborateurs.

ANNEXE 8

GLOSSAIRE

ARES

Programme d'appui au redéploiement des entreprises du secteur aéronautique de l'armement

BDPME

Banque de développement des petites et moyennes entreprises

CCI

Chambre de commerce et d'industrie

CEA

Commissariat à l'énergie atomique

CIAT

Comité interministériel d'aménagement du territoire

CRCI

Chambre régionale de commerce et d'industrie

DAR

Délégation aux restructurations (ministère de la Défense)

DARPMI

Direction à l'action régionale des petites et moyennes industries (Industrie)

DATAR

Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale

DCN

Direction des constructions navales

DGA

Délégation générale à l'armement/Délégué général à l'armement

DRIRE

Direction régionale de l'Industrie et de la Recherche (Industrie)

FDPMI

Fonds de développement des petites et moyennes industries

FEDER

Fonds européen de développement régional

FNADT

Fonds national d'aménagement du territoire

FNDE

Fonds national de développement des entreprises

FNE

Fonds national pour l'emploi

FSE

Fonds social européen

FOST

Force océanique stratégique

FRED

Fonds de restructuration de la défense

GICAT

Groupement des industries concernées par les matériels de défense terrestre

GIE

Groupement d'intérêt économique

GIFAS

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales

ICI

Institut de créativité industrielle

KONVER

Fonds européen de conversion (industrielle)

PAC

Politique agricole commune

PESC

Politique étrangère et de sécurité commune

PIC

Programme d'intérêt communautaire

PRE

Plan de retour à l'équilibre du groupe GIAT-Industries

SEP

Société européenne de propulsion

SMA

Service de maintenance aéronautique

SNECMA

Société nationale d'étude et de construction des moteurs d'avion

SNLE-Ng

Sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération

SNPE

Société nationale des poudres et explosifs

SPER

Syndicat professionnel de l'électronique de défense

STE

Sous-traitance externe

STG

Sous-traitance globale

STI

Sous-traitance interne

THOMSON-RCM

Thomson radars et contre-mesures

THS

Thomson Health Systems

UEO

Union de l'Europe occidentale

UIMM

Union industrielle métallurgique et minière

UNIM

Union des industries métallurgiques d'Aquitaine

_____________

N° 911.- Rapport d'information de Mme Martine Lignières-Cassou, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission de la défense nationale, sur la diversification des industries de défense.

1 1) Créée en 1971 à partir du service des poudres, chiffre d'affaires de 4,6 milliards de francs, effectifs consolidés de 5 200 personnes en 1996

2 1) ASTRID 29 a été créé, à l'été 1996, à partir de l'UIMM Brest sur le modèle d'ASTRAL de Lorient. Elle regroupe 35 adhérents représentant environ 4 500 personnes dont 1 millier pour Thomson-RCM. Le tissu des PME de Brest est dominé par deux groupes leaders, Bastide (1 200 personnes) qui regroupe une dizaine de sociétés et Meunier (1 000 salariés). Le groupe Meunier a appris à se libérer des relations très inégales avec l'établissement de la DCN et ne souhaite pas retourner à un rôle de sous-traitant.