graphique
graphique

N° 1065

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1),

sur la fiscalité du patrimoine et de l'épargne
Première partie : la fiscalité du patrimoine,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Didier MIGAUD,

Rapporteur général,
Député.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LE PATRIMOINE ET SA FISCALITÉ EN FRANCE 7

I.-  UNE ÉVOLUTION DES PATRIMOINES DES MÉNAGES FAVORABLE AUX
ACTIFS FINANCIERS
8

A.-  L'ÉVOLUTION DES PATRIMOINES 8

B.-  LA PERSISTANTE CONCENTRATION DES PATRIMOINES 13

C.-  LA SITUATION DES PLUS DÉMUNIS 17

II.-  UNE UTILISATION EXHAUSTIVE DES DIVERS MODES POSSIBLES
D'IMPOSITION
19

A.-  LA FRANCE PRATIQUE L'IMPOSITION DU PATRIMOINE À TOUS LES STADES, DEPUIS L'ENTRÉE DANS LE PATRIMOINE JUSQU'À SA CESSION OU SA TRANSMISSION 20

1.-  L'entrée dans le patrimoine 20

2.-  La détention du patrimoine 21

3.-  La cession du patrimoine 22

a) Les plus-values immobilières 22

b) Les plus-values sur biens meubles 23

c) Les gains de cessions de valeurs mobilières 23

d) La taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux et objets d'art,
de collection et d'antiquité
23

B.-  UN ACCROISSEMENT DU POIDS RELATIF DE L'IMPOSITION DU PATRIMOINE 24

1.-  Une faible part dans les prélèvements obligatoires 26

2.-  Les comparaisons internationales 27

a) La comparaison en termes de poids relatif des impôts sur le patrimoine dans l'ensemble des prélèvements obligatoires 27

b) La comparaison en termes de pression fiscale par rapport au PIB 30

3.- La diminution du poids des prélèvements obligatoires et la réforme de l'imposition du patrimoine 32

DEUXIÈME PARTIE : LES VOIES D'UN AMÉNAGEMENT DE LA FISCALITÉ
DU PATRIMOINE
33

I.- L'IMPÔT SUR L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE 33

A.- L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE (ISF) 33

1.- Les caractéristiques de l'impôt de solidarité sur la fortune 34

a) L'assiette 35

b) Le taux 35

c) Les modalités de gestion 36

2.- Le bilan de l'ISF 37

a) Le produit de l'impôt 37

b) Le caractère progressif de l'ISF 39

c) Les redevables de l'ISF 41

3.- L'amélioration de l'impôt 42

a) La question des biens professionnels 44

b) La question de l'exonération des oeuvres d'art 57

c) La question de l'exonération partielle des bois et forêts 60

d) La question des pratiques excessives d'optimisation fiscale 60

e) Les nécessaires adaptations de l'ISF 70

B.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT 72

1.- Une imposition élevée mais permettant l'évasion légale 72

2.- La question de la transmission des entreprises 75

II.- L'IMPÔT SUR LA CESSION DU PATRIMOINE 79

A.- L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION : LE CAS DES CESSIONS DE VALEURS MOBILIÈRES 79

B.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX 83

III.- LES TAXES FONCIÈRES 87

A.- UNE RESSOURCE IMPORTANTE POUR LES BUDGETS LOCAUX 87

B.- UNE RÉVISION TOUJOURS REPOUSSÉE 88

PROPOSITIONS 91

EXAMEN EN COMMISSION 93

ANNEXES 97

Mesdames, Messieurs,

Lors de sa réunion du 11 février 1998, votre Commission des finances a confié à son Rapporteur général la mission de lui présenter un rapport d'information sur la fiscalité du patrimoine et de l'épargne. Ce faisant, elle marquait son attachement à une approche globale des prélèvements institués sur le patrimoine, sur l'épargne et sur les revenus qu'ils procurent.

L'actualité récente est venue quelque peu interférer avec ce projet, en mettant en lumière la question de l'impôt de solidarité sur la fortune, plus particulièrement sous l'aspect de l'extension de son assiette aux biens professionnels.

C'est la raison pour laquelle il a paru souhaitable à votre Rapporteur général de présenter un rapport d'étape sur certains aspects de la fiscalité du patrimoine ayant un lien avec la problématique de l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce n'est pas pour autant qu'il renonce à procéder à l'examen d'ensemble tel qu'il a été souhaité et annoncé par la Commission des finances. Un rapport plus complet fournira ultérieurement l'occasion d'aborder les questions liées à l'épargne proprement dite et, notamment, le débat sur les fonds de pension.

Que recouvre le patrimoine des ménages et quel est le poids réel de son imposition en France ? Comment les patrimoines sont-ils effectivement imposés et quels aménagements conviendrait-il d'apporter à cette imposition pour des raisons à la fois économiques et sociales ?

Telles sont les questions auxquelles il convient d'ores et déjà de répondre.

PREMIÈRE PARTIE

LE PATRIMOINE ET SA FISCALITÉ EN FRANCE

Derrière leur fréquente aridité, les débats fiscaux sont pourtant des plus instructifs. Ils donnent beaucoup à voir et à entendre sur les conceptions politiques et sociales de chacun.

Tout débat fiscal impose déjà de s'interroger sur la meilleure répartition des charges publiques en fonction des facultés de chacun. C'est une première façon d'envisager la question des inégalités.

Mais, dès qu'on aborde la fiscalité du patrimoine, on pose beaucoup plus directement, presque crûment pourrait-on dire, la question des inégalités de fortunes. C'est particulièrement vrai pour tout impôt sur l'actif net, qu'il s'agisse d'imposer sa détention ou sa transmission.

La fiscalité doit-elle contribuer à la diminution des inégalités de fortunes ?

A cette question, on peut souhaiter répondre par la négative. Il faudrait alors abandonner au seul jeu des talents, de la chance et de la naissance le soin de redistribuer les patrimoines accumulés ou de les concentrer plus encore.

On peut heureusement vouloir y répondre de façon positive. Mais il faut alors réfléchir sur le choix des instruments les plus judicieux et, surtout, savoir situer la frontière entre un impôt efficace et un impôt de confiscation, entre un impôt de cohésion sociale et nationale et un impôt qui décourage l'initiative, entre un impôt qui égalise au prix de l'appauvrissement de la collectivité et un impôt qui contribue à rétablir l'égalité des chances au bénéfice de tous.

Bref, la fiscalité du patrimoine n'existe pas en elle-même, ni pour elle-même : elle est un instrument au service d'objectifs économiques et sociaux.

Dès lors, réfléchir à son évolution suppose de ne pas négliger le contexte dans lequel elle s'inscrit et comment ce contexte évolue.

I.- UNE ÉVOLUTION DES PATRIMOINES DES MÉNAGES FAVORABLE AUX ACTIFS FINANCIERS

Pour présenter des éléments d'information sur la composition et la répartition du patrimoine des ménages, deux types de sources peuvent être utilisées :

- les comptes de patrimoine de l'INSEE, qui présentent annuellement une estimation d'ensemble des éléments d'actif et de passif des différentes catégories d'agents économiques ;

- les enquêtes auprès des ménages, également réalisées par l'INSEE, qui permettent de cerner la répartition du patrimoine au sein de la population des ménages.

Au sens de la comptabilité nationale, le patrimoine national net, c'est-à-dire la différence entre, d'une part, les actifs économiques des ménages, des entreprises et des administrations et, d'autre part, leurs dettes, s'élevait, en 1997, à 31.700 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent de quatre années de produit intérieur brut.

A la même date, le patrimoine net des ménages s'élevait à 26.745 milliards de francs, soit 84 % du patrimoine national et un peu plus de trois fois le produit intérieur brut (PIB).

A.- L'ÉVOLUTION DES PATRIMOINES

Dans son seizième rapport, le Conseil des impôts indique qu'en vingt-cinq ans, entre 1970 et 1995, le patrimoine net des ménages a doublé en francs constants (+ 105 %, ce qui correspond à une augmentation moyenne par habitant de 2,4 % par an), atteignant 24.579 milliards de francs en 1996.

Le Conseil des impôts relève encore qu'au cours de ces mêmes vingt-cinq années, le patrimoine a augmenté plus vite que le revenu disponible brut, passant de 3,75 fois celui-ci en 1970, à 4,25 fois en 1995.

ÉVOLUTION DE LA VALEUR DU PATRIMOINE DES MÉNAGES (en milliards de francs)

Source : Conseil des impôts, d'après INSEE, comptes de patrimoine.

Si l'on s'attache à la structure du patrimoine brut des ménages, c'est-à-dire avant déduction de leur endettement, les estimations de l'INSEE indiquent que les deux tiers de ce patrimoine étaient, en 1970, constitués d'actifs non financiers. Cette proportion est ramenée à moins de la moitié en 1997, l'inflexion s'étant produite à partir des années 1980.

De 1970 à 1995, la part des terrains dans le patrimoine des ménages a été divisée par six (de 23 % à 4 %). Dans le même temps, la part des biens professionnels autres que des actifs financiers a diminué régulièrement en raison du nombre moins élevé des travailleurs indépendants.

La part du logement tend, elle, à se stabiliser depuis le milieu des années quatre-vingt. Même si le projet d'acquisition immobilière reste central pour l'épargnant français " moyen ", les enquêtes logement réalisées récemment par l'INSEE font apparaître un taux de ménages propriétaires de leur résidence principale quasiment stable depuis 1988 (53,6 % en 1988, 54,3 % en 1996). Outre des raisons démographiques, tenant à l'arrivée de classes moins nombreuses à l'âge adulte, cette stagnation tient, en partie, à la difficulté désormais éprouvée par les jeunes ménages pour s'engager dans des emprunts à long terme.

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES ACTIFS PATRIMONIAUX

Source : Conseil des impôts, d'après INSEE, comptes de patrimoine.

Enfin, la part des actifs financiers est en forte progression en raison, à la fois, de l'offre de nouveaux produits financiers, que les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières ou d'assurance-vie ont su proposer, et de la fiscalité favorable qui leur a été accordée. La hausse du cours des actions a également contribué à cette progression.

PRIX RELATIF DE L'IMMOBILIER RÉSIDENTIEL ET DES ACTIFS FINANCIERS

Source : INSEE Première, n° 595, Juillet 1998, d'après Notaires parisiens, INSEE et Société des Bourses françaises.

La part des actifs financiers a continué de croître de façon importante dans la période récente. Ainsi a-t-elle augmenté de 21,3 % entre la fin de 1989 et celle de 1997.

Le tableau suivant présente les grandes lignes de l'évolution des patrimoines financiers des Français dans les années récentes.

PATRIMOINE FINANCIER BRUT DES MÉNAGES (*)

(Encours des créances en milliards de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Moyens de paiement internationaux

111

121

165

151

181

Monnaies et dépôts monétaires

3.864

4.144

4.486

4.720

5.007

Bons négociables

47

49

38

13

13

Prêts à court terme

362

345

362

420

485

Crédits à long terme

3

2

3

2

2

Réserves techniques d'assurance

1.868

2.156

2.489

2.970

3.433

Total des actifs financiers hors titres

6.255

6.817

7.543

8.276

9.121

Obligations

596

541

632

545

433

Actions et autres participations

5.748

4.918

4.578

5.332

6.343

Total des actifs financiers

12.598

12.275

12.753

14.153

15.897

(*) D'après le tableau des opérations financières. Encours des créances. Rapport sur les comptes de la Nation pour 1997.

Il montre que, dans son ensemble, le patrimoine financier a crû d'environ 26% de 1993 à 1997. Sur la même période, si le patrimoine financier hors titres a crû de 46%, le patrimoine en actions et obligations n'a enregistré qu'une augmentation de 10,35%.

Il convient de relever que l'augmentation de la part relative, dans le patrimoine financier, des réserves techniques d'assurance, incluant les produits d'assurance-vie a été forte : elles représentaient 15% des actifs financiers en 1993 et 21,6% de ceux-ci en 1997. Si l'on se place sur le long terme, cette augmentation est encore plus importante. En 1970, les réserves d'assurance ne constituaient, en effet, que 6,2% des actifs financiers bruts des ménages.

Il ressort d'ailleurs d'une enquête réalisée par la SOFRES, pour le compte de la Banque de France, de la Commission des opérations de bourse et de la société SBF-Bourse de Paris sur la détention de produits financiers en France, qu'en 1997, le taux de détention des contrats d'assurance-vie au sein de la population française, âgée de 15 ans et plus, atteignait 24,1 %. Au regard de cette enquête, 10,4 millions de Français auraient détenu un placement de ce type à la fin de 1997  (1).

La part relative des actions est passée de 45,6 % du patrimoine financier brut en 1993, à 40 %, en 1997. Selon l'enquête précitée, 5,2 millions de Français auraient détenu, directement, des actions de sociétés cotées à la fin de 1997, l'introduction en bourse de France Telecom ayant attiré de nouveaux actionnaires. Traditionnellement, en effet, les ménages français, à la différence des épargnants anglais ou américains, montrent une nette réticence devant la détention directe d'actifs finançant les entreprises cotées. Ils les détiennent plutôt indirectement par l'intermédiaire d'organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) et de sociétés d'assurance.

En 1997, le nombre des détenteurs de titres d'OPCVM aurait cependant baissé de 35 % par rapport à l'année précédente, en raison de la forte diminution des OPCVM monétaires, dont le rendement a baissé fortement.

La croissance générale des patrimoines est satisfaisante, en raison des effets macro-économiques positifs qu'elle engendre. Ce constat n'est pourtant pas suffisant pour asseoir une analyse des conditions d'imposition du capital.

Il est également nécessaire de prendre en compte la concentration des patrimoines.

L'utilité d'un dépassement des analyses globales peut-être illustrée par l'exemple de la notion d'" épargne populaire ". Si, en 1996, 83,7 % des ménages possédaient un livret d'épargne défiscalisé, on peut relever que les deux tiers des encours du livret A sont possédés par 10 % des détenteurs de ce livret, le solde moyen de leur livret étant supérieur à 50.000 francs. S'agissant du livret bleu, 50 % des ménages détenteurs sont, eux, imposés à un taux marginal égal ou supérieur à 24 % et détiennent les deux tiers de l'encours total de ce livret (2).

B.- LA PERSISTANTE CONCENTRATION DES PATRIMOINES

Les enquêtes réalisées par l'INSEE auprès des ménages permettent de rendre compte de la répartition du patrimoine global en fonction de certaines caractéristiques démographiques ou économiques. L'image générale qui en ressort est celle d'une forte concentration des patrimoines.

Sur la base d'une enquête sur les actifs financiers réalisée par l'INSEE en 1992, le seizième rapport du Conseil des impôts a pu synthétiser ces données d'une façon très éclairante :

- plus du tiers du patrimoine est détenu par les 10 % de ménages aux plus hauts revenus (le " dixième décile "). Plus le revenu s'élève, plus la possibilité de dégager une importante épargne augmente et plus l'épargne accumulée est susceptible, elle-même, de procurer des revenus supplémentaires importants ;

- plus de la moitié du patrimoine est détenu par 10 % des ménages . Si l'on raisonne maintenant en fonction du niveau de patrimoine, la moitié des ménages disposant des patrimoines les moins importants (les cinq déciles les plus bas) détient 6 % du patrimoine net total, alors que les 10 % de la population ayant les plus hauts patrimoines (le dixième décile) détiennent 53 % du patrimoine net total ;

- plus de 78 % des valeurs mobilières et 62 % de l'immobilier de rapport sont détenus par le dixième des ménages possédant les plus gros patrimoines ;

- plus le patrimoine détenu est important, plus la part des actifs financiers en son sein est importante. Alors que le taux moyen de détention de valeurs mobilières est de 22 %, ce taux s'élève à 57 % pour les patrimoines d'un montant supérieur à 1,5 million de francs.

A l'évidence, l'épargne constitue un facteur important d'accumulation patrimoniale pour un grand nombre de ménages et les différences dans les niveaux des flux d'épargne expliquent vraisemblablement une part importante de l'inégalité des patrimoines.

Cette accumulation du patrimoine engendre elle-même une différence dans la capacité d'obtenir des taux de rendement élevés. L'élévation de ces taux dépend en effet de la possibilité, pour l'épargnant, de répartir ses risques financiers et, en conséquence, dans la plus grande prise de risques que cette capacité autorise. Les valeurs mobilières qui possèdent le plus de rendement potentiel, à long terme, sont les actions. Ce rendement sera d'autant plus élevé qu'une détention à long terme est possible. Plus le patrimoine est important, plus la part des valeurs mobilières prédomine en son sein et plus les possibilités de placements mobiliers peuvent donc être rémunératrices ou source de plus-values.

Les plus hauts revenus trouvent leur source ailleurs que dans l'accumulation patiente d'une épargne des revenus d'activité

Les auteurs d'une étude de l'INSEE ont pris l'hypothèse d'un couple de cadres supérieurs du secteur privé, chacun ayant débuté sa carrière en 1951 et gagné le salaire moyen de sa catégorie, chacun ayant épargné annuellement 20 % de son salaire, taux moyen d'épargne de cette catégorie professionnelle, et investi dans un portefeuille d'actions dont les revenus eux-mêmes auraient été entièrement réinvestis. En 1990, un tel ménage aurait détenu un patrimoine de 4,5 millions de francs, a peine égal au seuil de l'impôt de solidarité sur la fortune. Même en prenant des niveaux de revenus d'activité très élevés (revenu annuel d'un million de francs par exemple), ce qui les rendrait d'ailleurs peu représentatifs si l'on se réfère aux résultats effectifs des déclarations faites au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (404.000 francs de revenus en moyenne en 1996), il apparaît improbable qu'un tel ménage eût pu voir son patrimoine dépasser 7 millions de francs (à peu près le patrimoine médian des redevables de l'ISF en 1990). Il est pratiquement impossible que le montant de ce patrimoine eût pu dépasser le patrimoine moyen des assujettis à l'ISF en 1990 (de l'ordre de 10 millions de francs).

Source : INSEE, Le patrimoine des ménages, Synthèses, édition 1997.

Plus fondamentalement encore, les inégalités de fortune paraissent largement liées au bénéfice d'héritages ou de donations. L'existence d'une ou de plusieurs transmissions de patrimoine explique le mieux les écarts de richesse au-delà d'un certain niveau de fortune, l'importance de l'héritage dans le patrimoine observé devenant même tout à fait prédominante pour les grandes fortunes. Les ménages les plus riches ont ainsi, beaucoup plus souvent que les autres, reçu des héritages et des donations. Ils se distinguent également par un souci d'organiser la transmission de leur fortune. La fréquence des donations est, en particulier, plus grande parmi eux. Selon une enquête réalisée par l'INSEE en 1994 (3), un tiers des défunts les plus riches avaient eu recours à une donation avant leur décès, alors que la fréquence de cette pratique n'était que de 8 % pour l'ensemble des défunts.

La transmission des grandes fortunes
Profil des riches défunts en France

L'étude d'un échantillon anonyme de déclarations de succession en 1987 fait apparaître que, parmi les défunts les plus riches, les dix premiers pour cent (défunts " riches ") lèguent 51 % du patrimoine total transmis en France (par succession et donations antérieures au décès), et qu'un pour cent d'entre eux (défunts " très riches ") en lèguent 19 %.

Ces " riches " et " très riches ", en termes de patrimoine, ont aussi des revenus élevés ; ils exercent souvent une profession indépendante, recourent plus souvent à des partages inégalitaires entre leurs enfants et un sur trois avait effectué des donations de son vivant. On compte parmi les " riches " autant de femmes que d'hommes. Les " très riches " habitent, pour près de la moitié, l'Ile-de-France. En moyenne, ils meurent 4 ans plus tard que l'ensemble des défunts dont le décès donne lieu à déclaration de succession. Leur patrimoine est constitué à 44 % par des actifs professionnels et des valeurs mobilières.

Source : INSEE, Economie et statistique n° 273, 1994 , pages 41 et suivantes

Si l'on cherche à évaluer l'évolution de la concentration des patrimoines entre 1986 et 1996, une diminution de la part détenue par les plus importants patrimoines semble se dessiner.

ÉVOLUTION DE LA CONCENTRATION DU PATRIMOINE
ENTRE 1986 ET 1996

 

1986

1992

1996

Patrimoine brut détenu par les 50 % de ménages les moins riches


6 %


8 %


9 %

Patrimoine brut détenu par les 25 % de ménages les plus riches

75 %

72 %

69 %

Conseil des impôts, seizième rapport.

Cette évolution satisfaisante appelle un commentaire mesuré de la part du Conseil des impôts : " Les personnes âgées les plus pauvres ont aujourd'hui davantage de patrimoine car elles ont connu, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des conditions économiques favorables à l'accumulation patrimoniale. Par ailleurs, l'évolution du prix des actions françaises dont le cours moyen a baissé de 3,5 % de décembre 1991 à décembre 1995 et la chute du prix de l'immobilier parisien ont contribué à déprécier certains gros patrimoines. Enfin, les ménages les plus pauvres ont tendance à sortir du champ d'observation des enquêtes et y sont vraisemblablement moins bien représentés qu'auparavant. ". Mais le Conseil des impôts ne manque pas de relever que la forte hausse du cours des actions enregistrées depuis 1996 " a pu à l'inverse entraîner tout récemment une nouvelle tendance à l'augmentation des inégalités patrimoniales ".

On peut constater que le dixième décile, le plus riche, détenait 53 % des patrimoines nets en 1992. Une certaine redistribution des patrimoines est certes engagée. Il n'est pas besoin d'être un " partageux ", pour estimer nécessaire la poursuite de ce mouvement...

Un même constat de concentration peut être établi si l'on considère uniquement les patrimoines les plus importants.

Si l'on se réfère à l'analyse des fichiers de l'impôt de solidarité sur la fortune, et selon les chiffres de l'ISF de 1996  (4), les 174 256 redevables de cet impôt, c'est-à-dire moins de 1 % des ménages, détenaient un patrimoine net de près de 1 890 milliards de francs, soit environ 8 % du patrimoine total des ménages au sens de la comptabilité nationale et 15 % du patrimoine net détenu par le 10 % des ménages les plus riches, le " dixième décile " dont il a été fait mention auparavant.

Un quart des déclarants à l'ISF avaient un patrimoine nettement plus important que les autres déclarants (23 millions de francs en moyenne) et possédaient 53 % des 1 890 milliards de francs d'actif net total précités. Comme le notent les auteurs de l'étude précitée : " Il est frappant de constater qu'on retrouve, à cette occasion, précisément la part détenue par le quart le plus fortuné du centième le plus riche dans l'enquête " Actifs financiers " (52 %) ". Les 1 % d'assujettis les " moins fortunés " - notion relative appréciée au regard de l'échantillon - détenaient seulement 0,4 % du patrimoine net total déclaré à l'ISF et la moitié la moins fortunée 27 %. A l'inverse les 1 % d'assujettis les plus riches en détenaient 13 %.

Les ménages les plus riches se distinguent enfin par la gestion de leur patrimoine, le poids dominant de la composante mobilière se retrouvant aussi dans la structure du patrimoine déclaré à l'ISF. La part du capital mobilier croît nettement avec l'importance du patrimoine, tandis que le poids de la résidence principale décroît, lui, continûment.

Au total, le clair résumé de cet ensemble de statistiques tiendrait en peu de mots : les fortunes sont concentrées entre les mains d'un petit nombre. Aussi ne peut-on vraiment s'étonner de la concomitance entre la soudaine intensité du débat sur l'assiette et l'alourdissement de l'ISF et la discussion d'un projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

On rappellera d'ailleurs qu'en même temps qu'était déposé, à l'Assemblée nationale, le 13 juillet 1988, le projet de loi relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune, était également déposé celui instituant le revenu minimum d'insertion.

C.- LA SITUATION DES PLUS DÉMUNIS

Selon l'INSEE, la pauvreté touche un ménage sur dix en France. Ce pourcentage est relativement stable depuis dix ans. En termes statistiques, est pauvre un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté estimé à une fraction du niveau de vie médian (5). Ce seuil s'élève aujourd'hui à environ 3.500 francs par mois et par unité de consommation.

La pauvreté et l'exclusion signifient :

- la perte du logement : le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a estimé à environ 200.000 le nombre de personnes sans abri ;

- l'absence d'emploi : le nombre des demandeurs d'emplois de longue durée (6) s'élève à 1,36 million de personnes à la fin de 1997, ce qui représente près de deux chômeurs sur cinq ;

- l'absence de couverture sociale : selon l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre l'exclusion, 100.000 à 200.000 personnes ne bénéficieraient d'aucune couverture sociale ;

- le recours au revenu minimum d'insertion : le nombre de ses bénéficiaires a quadruplé entre 1989 et 1996, année où il a dépassé le million ;

- la part prise par les prestations sociales dans le revenu des ménages : les revenus sociaux, retraites exclues représentent plus de la moitié des revenus pour 1,6 million de ménages ;

- la montée de la pauvreté des jeunes : entre 1984 et 1994, le taux de pauvreté a doublé pour les ménages de moins de 30 ans. Il est passé de 9,3% à 18,5%, taux largement supérieur à la moyenne de 11% constatée pour l'ensemble de la population.

Si l'on se place du point de vue plus spécifiquement adopté en 1989, lors de l'institution de l'ISF, selon lequel le rétablissement d'un tel impôt avait pour but " de marquer le nécessaire effort de solidarité qui doit être accompli en faveur des plus démunis et de pourvoir au financement du revenu minimum d'insertion ", on peut comparer l'évolution des dépenses inscrites au budget de l'Etat au titre du RMI. (7) et celle du produit de l'ISF. Un écart grandissant apparaît entre les deux séries :

DÉPENSES POUR LE RMI INSCRITES AU BUDGET DE L'ETAT ET PRODUIT DE L'ISF

(en milliards de francs)

Année

RMI (1)

ISF (2)

(2)/(1)

1989

5,81

4,54

78,14 %

1990

8,66

6,06

69,97 %

1991

14,31

6,43

44,93 %

1992

13,16

7,01

53,26 %

1993

16,63

7,20

43,29 %

1994

19,2

8,32

43,33 %

1995

21,84

8,52

39,01 %

1996

23

8,19

36,47 %

1997

24,23

10,1

41,68 %

1998

25,32

11

43,44 %

A elle seule, une approche en termes de solidarité suffirait à justifier un examen des conditions dans lesquelles le patrimoine est imposé. Cette approche n'exclut évidemment pas la prise en compte du contexte économique, budgétaire et fiscal dans lequel s'inscrit la fiscalité du patrimoine, ni les comparaisons internationales.

II.- UNE UTILISATION EXHAUSTIVE DES DIVERS
MODES POSSIBLES D'IMPOSITION

Après avoir rappelé les traits généraux des différents impôts assis sur le patrimoine, il conviendra de mesurer leur poids relatif par rapport à ce qu'il peut être dans les principaux Etats partenaires et concurrents de la France.

Comme l'observe le Conseil des impôts dans son seizième rapport : " La France ne fait pas partie des pays qui imposent le moins le patrimoine et utilise aujourd'hui, contrairement à d'autres pays, tous les vecteurs d'imposition ".

L'imposition du patrimoine peut présenter différentes caractéristiques.

Elle peut, par exemple, intervenir au moyen d'un impôt annuel, en général à partir du seuil où l'on considère que le patrimoine devient " fortune ". Mais l'impôt sur la propriété immobilière peut avoir un caractère général, comme c'est le cas des taxes foncières. Cette imposition peut également être assise à l'occasion de la mutation d'ensemble d'un patrimoine, qu'il s'agisse d'une vente, d'une donation ou d'une succession. Elle peut aussi intervenir à l'occasion de la cession d'une partie seulement de la propriété. Une taxation extraordinaire du patrimoine en vue de financer un effort exceptionnel de la Nation peut enfin être instituée (8). Une des caractéristiques du système français réside dans le caractère exhaustif de la mise en _uvre de ces diverses modalités.

A.- LA FRANCE PRATIQUE L'IMPOSITION DU PATRIMOINE À TOUS LES STADES, DEPUIS L'ENTRÉE DANS LE PATRIMOINE JUSQU'À SA CESSION OU SA TRANSMISSION

1.- L'entrée dans le patrimoine

Elle peut se faire :

- soit à titre onéreux. Dans ce cas, l'imposition peut prendre la forme d'un droit d'enregistrement perçu à l'occasion de certains actes juridiques, comme la vente, ou de droits de timbre perçus à l'accomplissement de certaines formalités ou à la rédaction de certains actes. Actuellement, ils peuvent, par exemple, varier de 6 % pour les acquisitions immobilières, à 18,6 % s'il s'agit d'immobilier professionnel. Les acquisitions de fonds de commerce sont taxées selon un barème progressif  (9). Les parts sociales sont taxées au taux proportionnel de 4,80 % . En 1996, le produit total des droits de mutation à titre onéreux s'est élevé à 26,82 milliards de francs, dont 23,48 milliards (soit 87,50 %) au profit des collectivités locales ;

- soit à titre gratuit. Les personnes recevant des biens par succession ou donation sont soumises aux droits d'enregistrement selon un barème spécifique. Actuellement, le régime de ces droits présente les caractéristiques générales suivantes : l'impôt est calculé sur la part de chaque héritier ; les donations sont, sauf exceptions, assimilées aux successions ; le taux d'imposition varie en fonction du lien de parenté avec le défunt ; la base imposable peut être réduite par le jeu d'exonérations, mais l'abattement à la base est plus faible que dans les autres pays comparables. Par exemple, en France le conjoint bénéficie d'un abattement d'un montant de 330.000 francs. En Allemagne, il s'élève à 2.040.000 francs, majoré d'un forfait représentatif de pensions égal à 1.700.000 francs, lequel est éventuellement diminué de la valeur capitalisée du droit à pension non imposable attribué au conjoint. Aux Pays-Bas, l'abattement s'élève à 1.666.000 francs. En Italie, le conjoint bénéficie d'une tranche à taux d'imposition à 0 % de 850.000 francs. Au Royaume-Uni, l'ensemble de la succession bénéficie d'un abattement de 2.068.300 francs. En 1997, le produit des droits de mutation à titre gratuit s'est élevé à 39,35 milliards de francs.

2.- La détention du patrimoine

L'imposition annuelle de la détention d'un patrimoine prend deux formes, selon qu'il s'agit de l'impôt local ou de l'impôt d'Etat.

L'impôt local vise seulement la propriété immobilière, mais sans prendre en compte le niveau de fortune du propriétaire. Les taxes foncières sont assises non sur la valeur vénale des biens, mais sur les revenus qu'ils sont censés procurer, à partir d'une évaluation administrative.

La taxe foncière sur les propriétés bâties concerne toutes les propriétés situées en France, à l'exception des propriétés publiques non productrices de revenus. Des exonérations de longue et de courte durée sont cependant prévues. Son assiette correspond à 50 % de la valeur locative cadastrale. Son taux est fixé par les collectivités locales. En 1997, hors taxes annexes ayant la même assiette (10), le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties s'est élevé à 89,46 milliards de francs.

La taxe sur les propriétés non bâties concerne toutes les propriétés non exonérées de manière permanente (propriétés publiques) ou temporaire (par exemple, terrains plantés en bois). Son assiette est égale à 80 % de la valeur locative cadastrale. Son taux est également fixé par les collectivités locales. En 1997, le produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties s'est élevé à 5, 81 milliards de francs.

L'imposition au profit de l'Etat est annuelle : l'impôt de solidarité sur la fortune est dû uniquement par les foyers fiscaux dont le patrimoine excède 4,7 millions de francs en 1998. Les personnes morales n'y sont pas assujetties. Les biens qualifiés de professionnels en sont exclus de même que les _uvres d'art, les bois et forêts bénéficiant d'une exonération partielle. Un dispositif de plafonnement en fonction du revenu permet de limiter l'impôt dû pour les contribuables déclarant de faibles revenus.

3.- La cession du patrimoine

La taxation à ce stade s'applique aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession à titre onéreux de biens meubles ou immeubles, ou de droits portant sur ces biens, de titres de sociétés non cotées à prépondérance immobilière, de valeurs mobilières cotées ou assimilées, de droits portant sur ces valeurs ou de titres représentatifs de telles valeurs.

a) Les plus-values immobilières

Hormis les cas d'exonération expresses (11), la taxation des plus-values est déterminée en fonction de la durée de détention du bien cédé.

Les plus-values à court terme sont celles réalisées moins de deux ans après l'acquisition. Elles sont imposées sur le montant nominal diminué d'un abattement général de 6.000 francs. Leur montant s'ajoute aux autres revenus imposables déclarés.

Les plus-values à long terme sont celles réalisées plus de deux ans après l'acquisition du bien. Elles sont imposées sur un montant corrigé de l'érosion monétaire après application d'un abattement pour durée de détention. Cet abattement, applicable au-delà de la deuxième année de détention, est égal à 5 % par an et conduit donc à une exonération totale au bout de vingt-deux ans. D'autres abattements réduisent également le montant de ces plus-values, par exemple, l'abattement général de 6.000 francs. Pour les plus-values à long terme, l'impôt est calculé selon le système du quotient, ce qui limite la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu. Des prélèvements sociaux de 10 % (CSG de 7,5 %, CRDS de 0,5% et contribution unique CNAV-CNAF de 2 %) s'ajoutent à cette imposition.

b) Les plus-values sur biens meubles

A l'exception de certains biens (meubles meublants, appareils ménagers, automobiles ne constituant pas des objets de collection ou des antiquités) ou de certaines cessions (d'un montant annuel n'excédant pas 20.000 francs) expressément exclus de l'imposition, les plus-values sur biens meubles sont imposées dans des conditions analogues à celles applicables aux plus-values immobilières. Toutefois, le délai de détention à court terme est limité à une année et l'abattement applicable à la base imposable est égal à 5 % par année de possession du bien cédé au-delà de la première, ce qui conduit à une exonération au bout de vingt et un ans.

En 1996, le produit de l'imposition des plus-values sur biens meubles et immeubles s'est élevé à 1,57 milliard de francs.

c) Les gains de cessions de valeurs mobilières

Les gains nets en capital réalisés par les personnes physiques lors de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières cotées ou assimilées, de droits portant sur ces valeurs ou de titres représentatifs de telles valeurs entrent dans le champ d'application de l'impôt sur le revenu. Les gains ne sont effectivement taxés que si le montant annuel des cessions excède un plafond (100.000 francs pour les gains réalisés en 1997 et 50.000 francs pour ceux réalisés en 1998). Cet abattement a été supprimé pour les cessions de parts ou d'actions d'OPCVM monétaires de capitalisation réalisées depuis le 1er janvier 1996. Ces gains sont imposables au taux forfaitaire de 16 %. En 1996, le produit des gains de cessions de valeurs mobilières perçu au profit du budget de l'Etat s'est élevé à 3,93 milliards de francs. Des prélèvements sociaux de 10 % (CSG de 7,5 %, CRDS de 0,5 % et contribution unique CNAV-CNAF de 2 %) s'ajoutent à l'imposition.

d) La taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux et objets d'art, de collection et d'antiquité

Les ventes de métaux et objets précieux sont soumises à une taxe forfaitaire spécifique libératoire de l'impôt sur le revenu, au taux de 7,5 % pour les métaux précieux, de 4,5 % pour les bijoux et objets d'art, de collection et d'antiquité vendus aux enchères publiques et de 7 % pour ceux vendus autrement qu'aux enchères publiques. En 1996, le produit de la taxe forfaitaire s'est élevé à 270 millions de francs. A cette taxe s'ajoute la contribution pour le remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 %. Une option est offerte au contribuable pour l'application du régime des plus-values sur biens meubles, sauf pour les ventes de métaux précieux.

B.- UN ACCROISSEMENT DU POIDS RELATIF DE L'IMPOSITION DU PATRIMOINE

En 1996, les impôts sur le patrimoine ont représenté un produit de 195,84 milliards de francs, dont 130 milliards de francs au profit des collectivités locales (66,37 %) et 54,34 milliards de francs au profit du budget général (soit (27,75 %) (12). Au regard de ce dernier, le total des impôts sur le patrimoine a représenté un montant équivalant à 14,40 % des recettes fiscales nettes de l'Etat.

PRODUIT DES IMPÔTS SUR LE CAPITAL

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

Impôt de solidarité sur la fortune

8.526

8.919

10.061

Prélèvement sur les bons anonymes

1.339

1.005

(1)

TOTAL IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

9.865

9.924

 

Donations

3.860

4.289

5.448

Successions

24.036

27.140

34.309

TOTAL DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

27.896

31.429

39.757

Taxes au profit de l'Etat :

     

Créances, rentes, prix d'offices

1.074

948

1.071

Fonds de commerce

1.988

1.793

1.867

Meubles corporels

4

4

5

Immeubles et droits mobiliers

11

16

19

Droits d'apport des sociétés

44

50

n.d.

Taxe de publicité foncière

379

543

365

Taxes locales :

     

Taxes départementales d'enregistrement et taxes de publicité foncière

16.620

15.529

20.533

Taxes communales, départementales et régionales additionnelles aux droits d'enregistrement

7.810

7.952

9.900

TOTAL DES DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX

27.930

26.835

-

IMPÔT SUR LES OPÉRATIONS DE BOURSE

778

961

1.441

Taxes foncières sur les propriétés bâties

78.638

85.088

89.462

Taxes foncières sur les propriétés non bâties

6.263

5.780

5.818

Taxe pour frais de chambre d'agriculture

1.433

1.461

1.499

Taxe perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles


49


49


48

Taxe spéciale d'équipement

100

120

120

TOTAL DES TAXES FONCIÈRES

86.483

92.498

 

Taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux

237

270

269

Plus-values sur biens meubles et immeubles

1.952

1.575

n.d. (2)

Gains de cessions de valeurs mobilières

3.951

3.936

n.d. (2)

TOTAL DES IMPÔTS SUR LES PLUS-VALUES

6.140

5.781

 

Taxe sur les véhicules à moteur

13.433

13.996

14.110

Taxe sur les véhicules des sociétés

2.900

2.891

2.901

Redevance Télévision (hors TVA)

10.918

11.527

11.638

TOTAL DES IMPÔTS SUR LE CAPITAL

186.343

195.842

-

(1) La recette n'est plus individualisée à compter de 1997.

(2) Les données du PLF 1999 ne sont pas disponibles à ce jour.

Source : Direction générale des impôts.
Annexe au PLF 1998 (Imposition des plus-values).
Direction du Budget (Redevance télévision).

1.- Une faible part dans les prélèvements obligatoires

En 1996, la part respective des différents impôts dans le produit total de la fiscalité du patrimoine et dans le produit intérieur brut était la suivante :

 

En % des impôts sur le patrimoine

En %
du PIB

- Taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties

47,2

1,35

- Droits sur les mutations à titre gratuit

16,0

0,39

- Droits sur les mutations à titre onéreux

13,7

0,34

- Taxe sur les véhicules à moteur

7,14

0,17

- Redevance télévision

5,9

0,14

- ISF

5,0

0,12

(dont ISF au sens strict)

4,5

0,11

- Impôts sur les plus-values

2,95

0,07

- Taxe sur les véhicules de société

1,47

0,03

- Impôt sur les opérations de bourse

0,49

0,01

Rapportée au produit intérieur brut, la fiscalité du patrimoine représentait, globalement, la même année, une pression relativement modeste, 2,68 %, soit un pourcentage un peu supérieur à celle de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (1,88 %) ou à celle de l'impôt sur les sociétés (1,81 %).

Sur le plan global, ce résultat modéré, par rapport aux grands impôts, et l'éclatement de son produit entre l'Etat et les collectivités locales et entre de multiples taxes accentue le caractère diffus de l'imposition du patrimoine. En revanche, si l'on considère les impôts locaux, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une taxation générale de la propriété immobilière, surtout si l'on tient compte de l'impôt supporté par les entreprises, qu'il s'agisse de la taxe foncière et même de la part de la taxe professionnelle assise sur les immobilisations.

2.- Les comparaisons internationales

Afin de permettre une comparaison homogène avec les résultats des pays membres de l'Union européenne ou de l'OCDE, il est nécessaire de se référer à la classification utilisée par cette dernière. Elle diffère de la notion d'imposition du patrimoine retenue précédemment, par exemple en ce qui concerne les plus-values, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance audiovisuelle. Toutefois, l'incidence de ces différences demeure sans conséquence pour apprécier les tendances relatives à l'imposition du capital.

En revanche, les délais nécessaires, sur le plan international, pour confectionner les données comparatives, ne permettent de disposer de celle-ci qu'avec une année, au moins, de retard. Or, il faut avoir présent à l'esprit qu'en 1997 et 1998, de nombreux Etats ont modifié leur législation fiscale, en particulier en ce qui concerne l'imposition du patrimoine.

a) La comparaison en termes de poids relatif des impôts sur le patrimoine dans l'ensemble des prélèvements obligatoires

A partir des statistiques des recettes publiques de l'OCDE, les prélèvements obligatoires sont décomposés en cinq rubriques, dont l'imposition du patrimoine. Selon les dernières données disponibles, les impôts sur le patrimoine, au sens de l'OCDE, représentaient, en 1996, 5% des prélèvements obligatoires en France, 2,9% en Allemagne et 10,5% au Royaume-Uni, alors que la moyenne de l'Union européenne s'élevait à 4,2% et celle de l'OCDE à 5%. Aux Etats-Unis, les impôts sur le patrimoine représentaient, à la même date, 11,1% des prélèvements obligatoires.

STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (1996)

(en %)


Pays

Impôts sur le revenu

Impôts sur le bénéfice des sociétés

Sécurité sociale

Impôts sur les salaires à la charge des employeurs

Impôts sur le patrimoine

Impôts sur les biens et services


Autres


Total

France

14,4

3,8

42,9

2,4

5,0

27,3

4,2

100

Allemagne

24,6

3,8

40,9

-

2,9

27,8

-

100

Belgique

37,5 (1)

 

32,6

-

2,6

27,3

-

100

Danemark

59,9 (1)

4,9

3,1

0,4

3,4

33,0

0,2

100

Espagne

23,3

5,9

35,9

-

5,4

29,4

 

100

Grèce

31,5

10,6

2,2

1,1

4,7

60,6

-

100

Irlande

31,6

9,4

13,4

1,2

4,8

39,6

-

100

Italie

35,0

5,5

34,0

0,2

5,1

25,7

-

100

Luxembourg

22,1

16,1

26,1

-

7,7

27,9

-

100

Pays-Bas

17,4

9,5

39,8

-

4,3

28,5

0,5

100

Portugal

19,2

8,8

25,9

-

2,5

42,9

0,6

100

Royaume-Uni (2)

27,5

9,3

17,7

-

10,5

34,7

0,3

100

Suède

35,2

5,7

29,7

2,5

3,7

23,1

0,2

100

Etats-Unis (2)

36,4

9,5

25,1

-

11,1

17,9

-

100

Japon (2)

21,4

15,1

36,3

-

11,6

15,0

0,7

100

Moyenne UE 15 (2)

27,1

7,0

29,5

1,0

4,2

30,7

0,5

100

Ensemble OCDE (2)

27,7

7,9

26,2

0,8

5,0

31,7

0,8

100

(1) Comporte certaines rubriques non ventilables.

(2) Chiffres 1995 (1996 non disponibles)

Source : Statistiques des recettes publiques des pays membres de l'OCDE 1965-1996.

Sur longue période, entre 1965 et 1995, cette part a eu tendance à augmenter pour la France (+ 0,9 point) et au Luxembourg (+ 1 point), alors qu'elle diminuait de 2,5 points pour l'Union européenne à Quinze et de 2,4 points pour la moyenne de l'OCDE. Pendant la même période, cette part a diminué de 3 points en Allemagne et de 4 points au Royaume-Uni. Elle est restée quasiment stable aux Pays-Bas (- 0,4 point). Aux Etats-Unis, elle a diminué de 4,7 points entre 1965 et 1995.

graphique

STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (1996)

graphique

b) La comparaison en termes de pression fiscale par rapport au PIB

Selon les dernières données disponibles, les impôts sur le patrimoine, au sens de l'OCDE, représentaient 2,3 % du produit intérieur brut en France en 1996, 1,1 % en Allemagne et 3,7 % au Royaume-Uni, alors que la moyenne de l'Union européenne s'élevait à 1,7 % et celle de l'OCDE à 1,9 %. Aux Etats-Unis, les impôts sur le patrimoine représentaient 3,1 % du produit intérieur brut en 1996.

PART DES PRINCIPAUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DANS LE PIB (1996)

(en %)


Pays

Impôts sur le revenu

Impôts sur le bénéfice des sociétés

Sécurité sociale

Impôts sur les salaires à la charge des employeurs

Impôts sur le patrimoine

Impôts sur les biens et services


Autres


Total

France

6,6

1,7

19,6

1,1

2,3

12,5

1,9

45,7

Allemagne

9,4

1,4

15,6

-

1,1

10,6

-

38,2

Belgique

17,5 (1)

 

15,2

-

1,2

12,7

-

46,6

Danemark

31,1 (1)

(2,5)

1,6

0,2

1,7

17,1

0,1

51,9

Espagne

7,8

2,0

12,1

-

1,8

9,9

-

33,7

Grèce

8,8 (1)

(3,0)

0,6

0,3

1,3

16,9

-

27,9

Irlande

10,6

3,2

4,5

0,4

1,6

13,3

-

33,6

Italie

15,2 (1)

(2,4)

14,8

0,1

2,2

11,2

-

43,5

Luxembourg

9,7

7,1

11,5

-

3,4

12,3

-

44,0

Pays-Bas

7,6

4,2

17,5

-

1,9

12,5

0,2

43,9

Portugal

6,4

2,9

8,6

-

0,8

14,3

0,2

33,4

Royaume-Uni (2)

9,7

3,3

6,3

-

3,7

12,3

0,1

35,3

Suède

18,3

2,9

15,4

1,3

1,9

12,0

0,1

51,9

Etats-Unis (2)

10,1

2,6

7,0

-

3,1

5,0

-

27,9

Japon (2)

6,1

4,3

10,4

-

3,3

4,3

0,2

28,5

Moyenne UE 15 (2)

11,3

2,9

12,3

0,4

1,7

12,8

0,2

41,8

Ensemble OCDE (2)

10,4

3,0

9,8

0,3

1,9

11,9

0,3

37,4

(1) Comporte certaines rubriques non ventilables, les chiffres éventuellement entre parenthèses donnent un ordre de grandeur.

(2) Chiffres 1995 (1996 non disponibles).

Source : Statistiques des recettes publiques des pays membres de l'OCDE 1965-1995.

graphique

PART DES PRINCIPAUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DANS LE PIB (1996)

graphique
en %

graphique

Sur longue période, entre 1965 et 1995, cette part a eu tendance à augmenter pour la France (+ 0,8 point), les Pays-Bas (+ 0,4 point) et le Luxembourg (+ 1,5 point), alors qu'elle restait stable pour l'Union européenne à Quinze et l'ensemble de l'OCDE. Pendant la même période, cette part a diminué de 0,7 point en Allemagne et au Royaume-Uni. Aux Etats-Unis, elle a diminué de 0,8 point entre 1965 et 1995.

Ces données ne prennent pas cependant en compte les modifications intervenues dans les lois de finances pour 1997 et 1998.

3.- La diminution du poids des prélèvements obligatoires et la réforme de l'imposition du patrimoine

Ainsi que votre Rapporteur général l'indiquait dans son rapport d'information (n° 963) préalable au débat d'orientation budgétaire pour 1999, une correction à la baisse du niveau des prélèvements obligatoires s'impose.

Avec 45,7 % de prélèvements obligatoires dans le PIB, en 1996, la France se situait au quatrième rang en Europe, après la Suède et le Danemark (51,9 %) et la Belgique (46,6 %).

Cela ne saurait évidemment signifier que chaque impôt soit aussi immédiatement concerné par l'indispensable effort de diminution.

Toutefois, il faut être conscient qu'avec un marché commun des capitaux et une monnaie unique, le rôle joué par la fiscalité, dans la zone euro, pour attirer et maintenir les capitaux va devenir déterminant. La pression en faveur d'un rapprochement des fiscalités va donc s'accentuer. Or, cette pression sera d'autant plus efficace, que sera grande la possibilité de transférer facilement la base d'imposition d'un pays à l'autre. Il ne sert à rien de nier que cet élément joue en faveur d'une baisse de l'imposition de l'épargne et du patrimoine, sauf à négocier les conditions d'une harmonisation maîtrisée entre Etats européens.

Une plus grande justice sociale, la prise en compte de la nécessaire harmonisation européenne et la recherche d'une plus grande efficacité économique dans l'organisation du prélèvements fiscal, tels sont les enjeux de toute réforme de la fiscalité du patrimoine.

DEUXIÈME PARTIE

LES VOIES D'UN AMÉNAGEMENT DE LA FISCALITÉ DU PATRIMOINE

I.- L'IMPÔT SUR L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE

L'actualité récente ayant mis en lumière la question de l'impôt de solidarité sur la fortune, le présent rapport d'information s'attachera plus particulièrement à rechercher les modifications qui seraient de nature à améliorer son efficacité tout à la fois sociale et économique.

Après quoi, on envisagera un certain nombre d'impôts pour lesquels les mêmes exigences d'efficacité rendront nécessaires de procéder à des modifications dont certaines devront s'étaler dans le temps.

Enfin, votre Rapporteur général saisira l'occasion du présent rapport pour appeler, à nouveau, à la mise en _uvre effective de la révision des évaluations cadastrales servant à asseoir les impôts directs locaux.

A.- L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE (ISF)

L'imposition de l'actif net répond traditionnellement à des préoccupations d'ordre social, économique, budgétaire et administratif.

Les enjeux sociaux tiennent à la volonté d'assurer une plus grande équité entre les contribuables. A cet égard, ce type d'impôt permet d'appréhender les facultés contributives supplémentaire conférées au détenteur du patrimoine par la possession même de ce dernier. A mesure que le patrimoine augmente, l'épargne de précaution est rendue moins nécessaire, ce qui justifie la taxation des plus-values latentes dont bénéficie celui qui n'a pas besoin de les réaliser, contrairement à la personne dont le patrimoine est insuffisant et qui doit consommer une plus grande part de son revenu ou de son épargne de précaution, et se voit, de ce fait, soumise à l'impôt.

Les enjeux économiques tiennent à ce qu'une imposition adaptée du capital favorise la circulation de ce dernier dans l'économie, car le redevable devra utiliser ses ressources de la façon la plus rentable possible ou sera obligé de réaliser une partie de son patrimoine pour acquitter l'impôt.

Les préoccupations budgétaires tiennent à ce que l'imposition du patrimoine contribue à la diversification des sources des recettes publiques. L'impôt sur la fortune, tel qu'il a été institué en 1989, répondait ainsi à la volonté de faire participer les plus fortunés à l'effort de solidarité en faveur des plus démunis au-delà de ce qui aurait résulté du simple jeu de la structure fiscale, qui privilégie, en France, les impôts indirects aux effets non progressifs.

Les avantages d'ordre administratif tiennent à la possibilité d'obtenir une meilleure information sur la situation patrimoniale réelle des plus fortunés.

1.- Les caractéristiques de l'impôt de solidarité sur la fortune

La mise en _uvre de ce nouvel impôt, prenant la suite de l'impôt sur les grandes fortunes qui avait été supprimé par la majorité parlementaire élue en 1986, avait été l'occasion de tirer parti de l'expérience apportée par la gestion de celui-ci. L'ISF répondait à trois préoccupations :

- ne taxer que les plus grandes fortunes, à un taux progressif,

- tenir compte de certaines préoccupations économiques, en ne retenant qu'une valeur nette du patrimoine et en exonérant l'outil de travail,

- reprendre un dispositif technique facilitant sa mise en _uvre, c'est-à-dire un impôt déclaratif utilisant l'essentiel des principes applicables aux mutations par décès.

L'architecture générale de l'ISF est la conséquence de ces choix.

Seules sont imposées les personnes physiques, afin d'éviter la double imposition qui résulterait, dans le cas de la détention de parts sociales, d'un assujettissement parallèle des personnes morales.

a) L'assiette

Elle est constituée de la valeur nette, au 1er janvier de l'année d'imposition, des biens et valeurs appartenant au redevable et à son conjoint ou son concubin notoire, ainsi qu'à leurs enfants mineurs dont ils ont l'administration légale des biens.

Les biens retenus sont tous les biens mobiliers et immobiliers possédés par le foyer fiscal, les biens grevés d'usufruit à la suite d'une mutation à titre gratuit devant, sauf exception, être déclarés pour leur valeur en pleine propriété dans le patrimoine de l'usufruitier, à concurrence de la fraction du bien faisant l'objet de cet usufruit.

Certaines exonérations corrigent cette assiette. Il s'agit :

- soit d'exonérations totales, par exemple pour les rentes viagères assimilables à des retraites, les placements financiers des non-résidents, les _uvres d'art et les biens professionnels. La notion de biens professionnels entendue au sens de l'ISF tend à établir une distinction entre ce qui constituerait un actif représentatif de l'exercice de la profession principale et ce qui constituerait un bien purement privé (13) ;

- soit d'exonérations partielles, par exemple pour les biens ruraux donnés en bail à long terme, les parts de groupements fonciers agricoles ou les bois et forêts et parts de groupements forestiers, lorsqu'ils ne peuvent être qualifiés de professionnels.

b) Le taux

Le barème de l'ISF est progressif. En 1998, comme depuis 1990, les taux s'échelonnent de 0,5 % à 1,5 % pour cinq tranches de patrimoine allant. Ces tranches s'échelonnent, comme en 1997, de 4,7 millions de francs à plus de 45,58 millions de francs. En outre, depuis 1995, une majoration de 10 % est appliquée au total de l'impôt dû après plafonnement.

Contrairement à ce qui était prévu pour l'impôt sur les grandes fortunes, le dispositif de l'ISF prévoit un plafonnement de la cotisation due en fonction du revenu imposable. Ce plafond a d'abord été fixé à 70 % du revenu imposable, puis porté à 85 % par la loi de finances pour 1991. Une limitation du montant de la réduction d'impôt obtenue grâce à ce plafonnement a été introduite par la loi de finances pour 1996.

c) Les modalités de gestion

L'ISF est un impôt déclaratif, la valeur des biens étant constituée, pour l'essentiel, de leur valeur vénale au 1er janvier de l'année d'imposition. Cette valeur est déterminée par le redevable sous sa responsabilité.

Par exemple, pour les immeubles, la valeur vénale correspond au prix auquel ils auraient pu être normalement négociés à cette date, l'évaluation pouvant être opérée par comparaison (prix des transactions d'immeubles similaires) ou par réajustement d'une valeur antérieure ou, pour l'évaluation des immeubles de rapport, par la capitalisation du revenu ressortant nettement de l'analyse du marché locatif local.

Des méthodes particulières sont toutefois utilisées dans certains cas spécifiques. Ainsi, pour les actions de sociétés cotées, le choix est donné entre l'évaluation au dernier cours connu au 1er janvier de l'année d'imposition et la moyenne des trente derniers cours précédant cette date. De même, pour l'évaluation des meubles meublants, destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, l'évaluation peut avoir lieu au choix : soit par le prix d'une vente publique, soit par l'estimation résultant d'un inventaire détaillé notarié ou établi par le redevable tous les trois ans, soit par l'application d'un forfait de 5 % à l'ensemble de l'actif brut, soit par une évaluation globale en un seul chiffre, sans qu'il soit besoin d'indiquer la nature et la valeur de chaque objet.

Sur le patrimoine ainsi évalué, s'impute le passif déductible composé des dettes et des impositions dont le fait générateur est antérieur au 1er janvier de l'année d'imposition. Les dettes s'entendent des dettes certaines et non professionnelles, à la charge du redevable au 1er janvier de l'année d'imposition, et dont il peut justifier l'existence, ainsi que le montant actualisé des indemnités allouées à titre de réparation des dommages corporels.

Sont ainsi déductibles :

- les emprunts, découverts bancaires et comptes débiteurs ;

- les dettes envers des prestataires de services ou des entrepreneurs de travaux ;

- les dettes fiscales : l'impôt sur le revenu tel que calculé par le redevable, la taxe d'habitation et les impôts fonciers, l'impôt de solidarité sur la fortune.

Les dettes contractées pour l'achat de biens exonérés s'imputent par priorité sur la valeur de ces biens. Les dettes concernant les biens partiellement exonérés ne sont déductibles que dans la même proportion que la valeur des biens soumis à l'ISF, par exemple, pour seulement un quart de leur montant, les dettes contractées pour l'achat de bois et forêts. Les dettes relatives aux biens professionnels, qui sont totalement exonérés d'ISF, s'imputant par priorité sur les biens de cette nature, n'ont pas à figurer sur la déclaration d'ISF. Si un excédent de passif grève exceptionnellement ces biens, il peut être mentionné sur la déclaration accompagné de tous les éléments détaillant le patrimoine professionnel pour dégager le montant de l'excédent imputable sur la valeur des biens privés.

2.- Le bilan de l'ISF

a) Le produit de l'impôt

Le tableau suivant récapitule, pour les années 1982 à 1997, le produit de l'impôt sur les grandes fortunes et de l'impôt de solidarité sur la fortune en distinguant le produit issu de l'IGF et de l'ISF au sens strict et celui issu du prélèvement sur les bons anonymes (14).

EVOLUTION DU PRODUIT DE L'IMPÔT SUR LES GRANDES FORTUNES, DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET DU PRODUIT DU PRÉLÈVEMENT SUR LES BONS ANONYMES (1982 À 1996)

 

IGF jusqu'en 1986, puis ISF

Bons anonymes

Produit total

 

En millions de francs

Evolution en %

En millions de francs

Evolution en %

En millions de francs

Evolution en %

1982

2.765

-

991

-

3.755

-

1983

2.876

+ 4

1.040

+ 4,9

3.916

+ 4,26

1984 (1)

3.516

+ 22,2

1.251

+ 20,3

4.767

+ 21,75

1985 (1)

3.917

+ 15,4

1.596

+ 27,6

5.513

+ 15,6

1986 (1)

4.170

+ 6,45

1.688

+ 5,76

5.858

+ 6,25

1989

4.546

-

1.663

-

6.209

-

1990

6.062

+33,3

2.065

24,1

8.127

+ 30,9

1991

6.439

+8,9

1.939

- 6,1

8.378

+ 3

1992

7.014

+8,9

1.698

- 124

8.712

+ 4

1993

7.209

+2,8

1.505

-11,4

8.714

-

1994

8.322

+15,4

1.314

-12,7

9.636

+ 10,6

1995 (2)

8.526

+2,5

1.339

+1,9

9.865

+ 2,4

1996 (2)

8.919

+4,

1.005

-25

9.924

+ 0,6

(1) Y compris la majoration conjoncturelle de 8%.

(2) Y compris majoration de 10 %.

Source: Direction générale des Impôts

Il ressort de ce tableau que le produit de l'ISF a dépassé 4,5 milliards de francs dès la première année de son établissement, en progression de 9 % par rapport à la dernière année de perception de l'IGF. En 1990, son rendement, supérieur d'un tiers à celui de l'année précédente, s'explique, en premier lieu, par l'augmentation du nombre des assujettis et la valorisation des patrimoines et, en second lieu, par l'alourdissement du taux applicable aux patrimoines les plus importants (création de la tranche supérieure à 40 millions de francs imposable au taux de 1,5 %).

En 1994, la progression de 15,4 % par rapport à l'exercice précédent s'explique principalement par l'augmentation des bases de l'impôt, en particulier celles afférentes aux actions, dont le cours, en 1993, exercice de référence, fut orienté à la hausse.

En 1995, la progression de 2,45 % s'explique par une évolution moins rapide des bases de l'impôt, du fait de la baisse des cours de bourse constatée en 1994, l'indice CAC ayant perdu 17 % de sa valeur cette année-là. En l'absence de la majoration de 10 % instituée par l'article 3 de la loi de finances rectificative du 4 août 1995, le produit de l'impôt aurait été en diminution de 6,1 %.

L'augmentation du rendement de l'ISF, en 1996, s'explique notamment par la forte hausse des cours des obligations survenue en 1995, consécutive à la baisse des taux d'intérêt à long terme ainsi que par la forte progression des cours des marchés d'actions étrangers, en particulier du marché américain. L'évolution du marché immobilier a pesé défavorablement sur les bases d'imposition.

b) Le caractère progressif de l'ISF

L'ISF est un impôt fortement progressif, c'est-à-dire dont l'essentiel du produit est normalement supporté effectivement par ses redevables les plus fortunés.

En effet, en 1996, les patrimoines inférieurs à 7,5 millions de francs représentaient 52,5 % des redevables, mais ils assuraient seulement 7,5 % du produit de l'impôt, avec une cotisation moyenne de 6.923 francs. En revanche, les patrimoines supérieurs à 23,10 millions de francs, regroupant 5 % des redevables, supportaient 52,5 % du produit de l'impôt, avec une cotisation moyenne de 241.891 francs dans l'avant dernière tranche et de 1.130.445 francs dans la dernière tranche. Les redevables dont le patrimoine dépasse 14,88 millions de francs acquittent, pour leur part, 67,3 % du produit de l'impôt, alors qu'ils ne représentent que 12 % des personnes imposées.

VENTILATION DU NOMBRE DE REDEVABLES, DU PRODUIT DE L'IMPÔT ET DES COTISATIONS MOYENNES SELON LA TAILLE DU PATRIMOINE EN 1995 ET EN 1996

 

1995

 

1996


Taille du patrimoine

% de redevables

% du produit
de l'ISF

Cotisation moyenne

(en francs)


Taille du patrimoine

% de redevables

% du produit
de l'ISF

Cotisation moyenne

(en francs)

< 7,37 millions de francs

51,41

7,8

6.351

< 7, 50 millions de francs

52,5

7,5

6.923

de 7,37 à 14,62 millions de francs

36,35

26,6

30.763

de 7,50 à 14,88 millions de francs

35,5

25,2

34.465

de 14,62 à 22,69 millions de francs


7,11


15,5


91.430

de 14,88 à 23,10 millions de francs


7,0


14,8


102.804

de 22,69 millions de francs à 43,94 millions de francs


3,61


18,3


213.015

de 23,10 millions de francs à 44,73 millions de francs


3,5


17,7


241.891

> 43,94 millions de francs

1,52

31,8

880.618

> 44,73 millions de francs

1,5

34,8

1.130.445

TOTAL

100

 

42.001

TOTAL

100

100

48.496

Il convient, en outre, de prendre en compte la répartition des bases imposables selon la nature des biens. Contrairement à une idée trop fréquemment répandue, l'ISF n'apparaît pas comme un impôt pesant principalement sur le capital immobilier.

En 1996, et si l'on considère tous les redevables de l'ISF, les immeubles n'ont en effet représenté que 41,53 % des bases imposables et les biens meubles 61,06 %. Si l'on considère maintenant les contribuables qui possédaient plus de 35 millions de francs de patrimoine, au nombre de quelque 5.000, au maximum, le capital immobilier imposable à l'ISF s'est élevé, pour eux, à 51,14 milliards de francs (soit 15,17 % de l'actif net propre à ces redevables), alors que les valeurs mobilières ont représenté 235,49 milliards (soit 75 % de l'actif net propre à ces redevables).

Le tableau suivant montre qu'en 1996, les bases de l'ISF étaient constituées pour environ 45 % de valeurs mobilières et pour environ 41,5 % d'immeubles. Or, les enquêtes sur la distribution des patrimoines et la composition des actifs montrent clairement l'augmentation de la part des actifs mobiliers dans le patrimoine à mesure que ce dernier augmente. On en conclura donc, dès lors que le produit de l'ISF croît selon la taille du patrimoine, que l'ISF est autant un impôt assis sur des actifs mobiliers, en particulier des valeurs mobilières, que sur l'immobilier.

RÉPARTITION DES BASES IMPOSABLES PAR TYPE DE BIENS EN 1996

Types de biens

Montant

(en milliers de F)

Actif net imposable

(en %)

Immeubles

765.638

41,54

- résidences principales

(241.131)

(13,08)

- autres immeubles

(492.647)

(26,73)

- bois et forêts et parts de groupements forestier

(3.079)

(0,17)

- biens ruraux loués à long terme

(4.409)

(0,24)

- part de groupement fonciers agricoles

(1.060)

(0,06)

- autres biens non bâtis

(23.312)

(1,26)

Meubles

1.200.744

65,14

- liquidités

- valeurs mobilières

- autres meubles à l'exception du forfait mobilier

- forfait mobilier

(188.243)

(833.867)

(174.085)

(4.519)

(10,21)

(45,24)

(9,44)

(0,24)

Passif

- 123.059

- 6,67

Actif brut

1.966.382

106,67

Actif net imposable

1.843.323

100

Source : D'après des données du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Il apparaît donc que l'évolution de la composante valeurs mobilières de l'ISF a un rôle déterminant dans l'évolution de son produit. On peut donc en présumer, avec quelque certitude, que, compte tenu de l'évolution des cours de la Bourse en 1997, et en particulier à la fin de l'année, une augmentation sensible du produit de l'ISF interviendra en 1998. L'évolution de ce début d'année, si elle se confirme, devrait avoir le même effet sur le produit de l'impôt en 1999.

c) Les redevables de l'ISF

En dehors des caractéristiques patrimoniales, les redevables de l'ISF présentent les deux caractéristiques suivantes :

- d'un point de vue géographique, on note une concentration des personnes imposées dans la région d'Ile-de-France (48,97 % des personnes imposées), la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (9,49 %) et la région Rhône-Alpes (7,45 %) ;

- du point de vue de l'âge des déclarants, on constate que 70% des redevables sont des personnes âgées de plus de 60 ans, qui acquittent 70 % de l'impôt  (15).

S'agissant du phénomène du transfert, par les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, de leur domicile fiscal à l'étranger, couramment qualifié de " délocalisation ", il ressort des informations recueillies par votre Rapporteur général qu'un mouvement continu de départs de gros redevables de l'ISF est effectivement constaté. Il a concerné, chaque année, en 1995 et 1996, une vingtaine d'assujettis sur les mille plus importants d'entre eux. Leur nombre devrait avoir légèrement diminué en 1997. Ces départs ont principalement lieu vers la Suisse, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Belgique et intéressent des contribuables plutôt âgés, retraités ou dirigeants d'entreprises. Rapportés au nombre total des assujettis à l'ISF, ces départs apparaissent relativement faibles. Il convient toutefois de souligner qu'ils entraînent, s'agissant d'importants redevables, une forte diminution du patrimoine mobilier soumis à l'impôt, lequel représente près des quatre cinquièmes de l'actif net déclaré par ceux-ci, et, en conséquence, une baisse sensible des droits exigibles à leur égard. Il importe donc de ne pas méconnaître cet élément lorsqu'on envisage une quelconque modification de l'ISF.

3.- L'amélioration de l'impôt

Que de fois n'a-t-on entendu qualifier l'impôt de solidarité sur la fortune d'impôt " imbécile ", comme son devancier !

La contestation technique de l'impôt sur le capital net est traditionnelle en France, où ce type d'impôt n'existait pas avant 1982, sauf à titre d'impôt exceptionnel de solidarité nationale.

Cette contestation s'appuie sur le fait que, si le taux de l'impôt est élevé, il ne peut être acquitté que par une altération de la substance du capital : la taxe fait donc progressivement disparaître la matière imposable. En revanche, si le taux est faible, l'impôt reviendra à constituer un supplément d'impôt sur le revenu, son rendement étant alors sans rapport avec le poids des formalités imposées au contribuable.

Pour les opposants à ce type d'impôt, un taux compris entre 0,5 % et 1 %, ferait que le principe même de l'imposition serait plus intéressant que son rendement, la création d'un impôt sur l'actif net s'apparentant alors davantage à la manifestation d'un principe politique qu'à la mise en jeu d'une véritable technique fiscale.

Force est de constater que l'impôt symbole a la vie dure. Sa suppression pure et simple n'a, de fait, aucun défenseur, car cet impôt est jugé nécessaire par la majeure partie de nos concitoyens. L'idée que la disposition d'un patrimoine important constitue l'indice d'une capacité contributive particulière est désormais largement admise.

Cet acquis peut cependant être source de difficultés, dans la mesure où il est devenu difficile de distinguer entre cette approbation globale du principe de l'impôt de solidarité sur la fortune et ses modalités mêmes de mise en oeuvre, ce qui conduit, sans doute un peu facilement, à n'envisager la question qu'en termes de tout ou rien : supprimer l'ISF ou le garder tel qu'il est.

Votre Rapporteur général estime que le maintien de l'ISF ne doit pas exclure la réflexion sur les moyens de le rendre plus efficace et de renforcer son adaptation à l'évolution économique. Il s'agit par là de conforter l'ISF et la justice fiscale, plutôt que de faire perdurer des mécanismes dont la complexité ne pourra, à terme, que fragiliser l'ISF.

La trop grande complexité des règles d'assiette est, en effet, une inévitable source de contentieux, soit incompréhension réelle, soit tentative d'en détourner l'interprétation à des fins d'évasion fiscale. Les coûts de gestion en sont inévitablement affectés. Du point de vue économique, la simplicité des règles est aussi gage de l'application la plus large possible, c'est-à-dire d'une base imposable suffisante pour permettre la mise en _uvre de taux modérés et, partant, une meilleure acceptation de l'impôt par ses redevables et une meilleure compréhension par l'opinion publique. Cette moindre pression fiscale évite à l'impôt de subir des phénomènes de contestation, même lorsqu'elle s'exprime de façon " feutrée " comme dans le cas des délocalisations, contestation qui entraîne, à son tour, l'adoption de mesures dérogatoires supplémentaires et, d'exceptions en exceptions, finit par conduire à l'idée que l'impôt n'est même plus réformable.

Aussi convient-il de rechercher celles des dispositions de l'ISF qui pourraient être améliorées.

Certaines critiques ont concerné la question des actifs professionnels, l'exonération des _uvres d'art, ainsi que des possibilités excessives d'optimisation fiscale.

a) La question des biens professionnels

- Leur inclusion originelle dans l'assiette et son abrogation

Les actifs professionnels étaient assujettis à l'impôt sur les grandes fortunes dans le régime initialement prévu par la loi de finances pour 1982. Il existait toutefois une exonération jusqu'à hauteur de 2 millions de francs. Lorsque la valeur des biens professionnels était supérieure à ce montant, le seuil d'assujettissement à l'IGF pris en compte était porté à 5 millions de francs (article 2 de la loi de finances pour 1982).

En outre, la loi avait prévu un mécanisme de réduction d'impôt en cas de réinvestissement dans l'entreprise. Cette réduction était égale à l'accroissement des investissements réalisés au cours de l'année précédant la déclaration. Un tel dispositif tendait, en fait, à exonérer les actifs professionnels dès lors qu'un programme d'investissement permettait de ne plus être imposable à concurrence du montant de cet investissement. Lorsque le crédit d'impôt était supérieur à l'impôt dû, l'excédent était reportable pendant quatre ans.

La taxation des biens professionnels ne fut, en réalité, pas mise en oeuvre. La justification de son abrogation a été présentée comme étant d'ordre économique : il s'agissait de ne pas peser sur l'industrie française à un moment où elle était confrontée aux effets d'une concurrence internationale accrue.

Les biens professionnels furent donc rétroactivement exclus de l'assiette de l'IGF par l'article 19-VI-1 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983.

En 1989, l'exclusion des biens professionnels a été maintenue " pour des raisons économiques évidentes ", selon les termes de l'exposé des motifs du projet de loi n° 147. La justification globale était aussi présentée comme étant d'ordre économique, une telle imposition pouvant exercer un effet dissuasif à l'égard de ceux qui auraient voulu investir une partie de leur patrimoine dans une entreprise.

DÉFINITION DES BIENS PROFESSIONNELS

Les biens professionnels peuvent être regroupés en trois catégories :

- les biens nécessaires à l'exercice à titre principal par leur propriétaire d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. La notion de profession suppose l'existence d'une activité effectivement exercée à titre habituel et constant et dans un but lucratif. Les biens professionnels s'entendent de ceux qui, ayant un lien de causalité directe suffisant avec l'exploitation, sont utilisés effectivement pour les besoins de l'activité professionnelle. La valeur des actifs professionnels doit être diminuée des dettes professionnelles, qui réduisent ainsi le montant des sommes exonérées ;

- les parts ou actions de sociétés. Il convient de distinguer :

· les parts de sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu : elles constituent, quel que soit le pourcentage de participation détenu, des biens professionnels lorsque leur détenteur exerce dans la société son activité professionnelle principale ;

· les parts ou actions de sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés détenues par les associés dirigeants. Selon le type de société, les dirigeants concernés sont : dans les SARL et sociétés en commandite par actions, les gérants de droit nommés conformément aux statuts ; dans les sociétés anonymes, le président-directeur-général, les directeurs généraux ; dans les sociétés de personnes soumises sur option à l'impôt sur les sociétés, chacun des associés en nom. Les fonctions doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale, c'est-à-dire représenter plus de la moitié des revenus professionnels du redevable. Une participation minimale de 25 % du capital est en principe exigée des gérants minoritaires de SARL et des associés dirigeants de sociétés anonymes. Ces dirigeants sont toutefois dispensés de respecter le seuil minimum de détention lorsque la valeur brute de leur participation excède 75 % de la valeur brute de leurs biens imposables, y compris les parts et actions en cause. Pour la détermination du seuil de 25 %, il peut être tenu compte de la participation détenue directement par le redevable et les membres de son groupe familial. La valeur des droits sociaux n'est prise en considération au titre des biens professionnels que dans la mesure où elle correspond à l'actif professionnel de la société ;

- les exploitations agricoles ainsi que les biens ruraux donnés à bail à long terme et les parts de GFA des non exploitants qui donnent leurs fonds à bail à long terme.

- Les raisons de cette exonération

Dans le régime actuel, l'exonération des biens professionnels s'apprécie au regard de la situation du redevable, personne physique, et non au regard de celle de l'entreprise qu'il possède ou dont il possède une partie de l'actif social. L'exonération tend donc à distinguer ce qui serait constitutif, pour le redevable, d'un actif professionnel par rapport à un bien privé.

Cette définition a donc a priori sa cohérence.

Dans le cas de sociétés de capitaux, la distinction a été faite au moyen d'un faisceau de critères permettant de distinguer, pour l'exonérer, celui dont l'activité principale s'exerce effectivement dans l'entreprise dont il possède une partie du capital social. Cette activité doit comporter l'exercice d'un pouvoir déterminant d'influence sur les décisions prises par l'entreprise à la fois par l'exercice d'une fonction dirigeante, par exemple président-directeur général ou directeur général d'une société anonyme, dans des conditions d'exercice et de rémunérations effectifs des responsabilités y afférentes, ainsi que par la possession d'une part significative du capital (au minimum 25 %).

Comme le dividende versé aux actionnaires constitue le revenu sur lequel s'imputera l'ISF, sauf à envisager que l'actionnaire cède une partie de ses actifs pour acquitter l'impôt, la loi, telle qu'elle est actuellement rédigée, incite les actionnaires dirigeants à suivre une stratégie de moindre distribution de dividendes, puisqu'ils ne sont pas assujettis, eux, à l'ISF, au détriment des actionnaires minoritaires. Ils sont d'autant plus enclins à adopter cette stratégie que les actionnaires non résidents, qui ne sont pas soumis à l'ISF, bénéficierait d'un surplus de dividende qu'ils pourraient utiliser, par exemple, pour renforcer leur part dans la détention du capital.

L'indéniable avantage économique qui peut résulter de ce type de comportement ne dispense cependant pas d'envisager certains inconvénients qui y sont liés. Ils sont d'ordre fiscal et économique.

- Les conséquences d'ordre fiscal

Sur le plan de l'équité, il faut d'abord souligner qu'une part sociale de même nature entrera ou non dans la base d'imposition à l'ISF selon qu'elle sera détenue par un actionnaire dont la participation au capital et l'absence de rôle dirigeant au sens de la loi lui interdisent de les qualifier de biens professionnels et le dirigeant au sens précité qui, lui, verra sa participation échapper à l'impôt.

Si l'on se place du point de vue de l'entreprise, une part sociale de même nature sera également taxée différemment selon qu'elle appartient au un dirigeant, au sens de la législation fiscale, ou à l'actionnaire minoritaire ne pouvant la faire entrer dans la catégorie des biens professionnels. C'est pourquoi, on peut considérer que des " biens professionnels " sont assujettis à l'ISF.

Dès lors, le débat portant sur l'élargissement de l'assiette devrait être présenté moins en termes de discussion sur la suppression de l'exonération dont bénéficie les biens professionnels qu'en termes de recherche d'une harmonisation de leurs conditions d'imposition. Des propositions ont d'ailleurs été faites sur la prise en compte des pactes d'actionnaires dans l'évaluation des parts sociales de redevables n'atteignant pas le seuil d'exonération.

S'agissant de la prise en compte des capacités contributives, l'inconvénient de la solution actuelle est de bénéficier largement aux titulaires des patrimoines les plus importants, même si la progressivité de l'ISF aboutit, d'ores et déjà, à une plus forte pression fiscale sur les détenteurs des plus hauts patrimoines.

Si l'on se base sur les dernières données fiscales disponibles, à savoir les déclarations relatives aux biens professionnels faites en 1982-1983, et même en tenant compte des réserves techniques qu'appellent l'absence de vérification et leur ancienneté, il apparaît néanmoins que plus le patrimoine est élevé, plus la part de biens professionnels est importante.

Dans le dispositif initial de l'impôt sur les grandes fortunes, les biens professionnels bénéficiaient d'une exonération dans la limite de deux millions de francs si leur valeur était égale ou supérieure à ce montant. Ils pouvaient bénéficier des deux plafonds définis par la loi, soit au total 5 millions de francs, si leur valeur dépassait 2 millions de francs. L'impôt dû pouvait être, dans certaines conditions, diminué du montant des investissements réalisés. Ultérieurement, l'imposition sera abrogée. En ce qui concerne l'entreprise individuelle, la définition des biens professionnels sera reprise dans le dispositif de l'ISF. En ce qui concerne les parts et actions de sociétés, l'ISF réalisera un certain nombre d'assouplissements, en particulier en instituant le seuil des 75 % et en prenant en compte les participations détenues par l'intermédiaire d'une société holding.

IMPORTANCE DES BIENS PROFESSIONNELS AU SENS DE L'IMPÔT

SUR LES GRANDES FORTUNES SELON LA TAILLE DES PATRIMOINES
EN 1982 ET 1983

(en %)

 

1982

1983

 

Déclarations contenant des biens professionnels par rapport au total des déclarations de chaque tranche

Biens professionnels dans le montant des bases déclarées pour chaque tranche de patrimoine

Déclarations contenant des biens professionnels par rapport au total des déclarations de chaque tranche

Biens professionnels dans le montant des bases déclarées pour chaque tranche de patrimoine

Du seuil à 5 millions de francs

16,3

11,1

10,6

8,8

5 à 10 millions de francs

25,9

15,3

20,3

13,6

10 à 30 millions de francs

40,1

20,7

35,2

19,9

30 à 100 millions de francs

51,5

26,5

46,7

25,5

Plus de 100 millions de francs

60,3

36,6

62

31,6


Source : 8ème rapport du Conseil des impôts d'après la Direction générale des impôts.

Il faut ensuite relever la difficulté que l'on éprouve pour distinguer entre ce qui serait un pur actif professionnel et ce qui serait un pur bien privé. On peut, en effet, considérer que la différence s'estompe progressivement dans l'esprit du détenteur à mesure que le patrimoine devient grande fortune

Enfin, cette solution présente l'inconvénient de faire échapper à la taxation des actifs parmi les plus productifs, c'est-à-dire conduit à retenir une assiette étroite, et, en conséquence, à pratiquer des taux plus élevés, solution qui, à son tour, oblige à mettre en place des mécanismes complexes de prise en compte du revenu pour retirer à l'impôt tout caractère confiscatoire.

S'agissant de la gestion de l'impôt, l'existence de biens soumis à une exonération, en raison de leur qualification fiscale, est source de contentieux. Le contribuable aura inévitablement tendance à avoir une interprétation large des dispositions en cause pour déterminer si un bien doit être exonéré ou non. Il en résulte inévitablement une dérive vers une gestion personnalisée de l'impôt, au cas par cas. Il faut toutefois reconnaître qu'il s'agit, pour partie, moins d'une conséquence mécanique de la loi, que d'une occasion offerte par celle-ci. En raison même de la sociologie des redevables et de leur capacités contributives, les possibilités qu'ils ont d'obtenir les meilleurs conseils en vue d'une optimisation fiscale sont importantes. Elles sont même consubstantielles à la gestion de tels patrimoines en raison des montants d'impôt en jeu. Il n'en demeure pas moins que ce choix est inévitablement source d'incertitudes et de complications dans la gestion de l'impôt.

Ces inconvénients concernent aussi l'aspect économique.

- Les conséquences d'ordre économique

Il faut relever, en premier lieu, que la législation tend à conférer à un certain type de capitalisme français traditionnel un " brevet " d'efficacité organisationnelle. Il est indiscutable, s'agissant des potentialités de créations d'emplois, que les grandes entreprises ont déjà internationalisé leur organisation, leur stratégie de production et leurs sources de revenus. Le plus fort gisement de créations d'emplois réside donc effectivement dans les PME-PMI. Il ne faudrait toutefois pas qu'un tel constat tournât au " chantage à l'emploi " jusqu'au point d'aboutir, d'exonérations d'ISF en réductions des droits de succession, à conforter des sentiments et des pratiques dynastiques excessifs.

En second lieu, l'utilisation du capital la plus rentable pour l'économie doit être encouragée, car elle est la garantie d'une pérennité des emplois existants ou nouvellement créés. Cela suppose donc de ne pas excessivement freiner la mobilité du capital. Le Parlement ne vient-il pas, à cette fin, de permettre aux sociétés cotées en bourse de racheter leurs propres actions, dans un souci de meilleure gestion financière du capital ? En termes strictement économiques, la structure familiale, ou relativement fermée, du capital qu'entretient la définition des biens professionnels retenue par l'exonération d'ISF ne garantit pas nécessairement la plus grande efficacité économique de l'allocation des capitaux. Un redevable de l'ISF ayant des participations minoritaires dans des entreprises compétitives n'aurait-il pas une gestion du capital préférable à celui disposant d'une participation suffisante pour bénéficier de l'exonération d'ISF, dans une entreprise moins performante ou inapte à négocier un tournant commercial ou technologique ?

On pourra certes objecter qu'un actionnaire mû par le seul souci d'accroître ses dividendes ou qu'un spéculateur à la recherche de la plus-value la plus rapide, sont indifférents, eux, aux projets industriels des entreprises dont ils partagent la propriété. Il n'en demeure pas moins que certains comportements économiquement aberrants peuvent trouver leur motivation essentielle dans la crainte d'une entrée dans le barème de l'ISF. On peut d'ailleurs douter qu'il faille en faire porter la responsabilité au législateur exclusivement. La transmission d'une entreprise, l'ouverture de son capital pour favoriser son développement doivent obéir, à l'évidence, à une stratégie d'ensemble dont l'aspect fiscal n'est qu'un élément parmi d'autres. De tels comportements existent pourtant.

La règle des 25 % peut, par exemple, contribuer à geler la propriété du capital dans les mains de dirigeants exonérés d'ISF, qui hésiteront à procéder à des augmentations de capital uniquement par crainte d'être assujettis à l'impôt si leur participation devenait inférieure au seuil.

De même, la cessation de l'exercice de fonctions de direction entraîne la perte du bénéfice de l'exonération. Cela contribue à favoriser le maintien en poste de certains dirigeants pour des raisons exclusivement fiscales, ce qui ne correspond pas nécessairement à l'intérêt de l'entreprise. Le cas d'une personne âgée de 90 ans et prétendant conserver des fonctions dirigeantes a pu ainsi être rapporté à votre Rapporteur général au cours d'une rencontre avec les personnels d'un centre des impôts ayant une forte spécialisation en matière d'ISF.

Enfin, il faut noter qu'une application systématique des conditions d'exonération de l'ISF, au titre des biens professionnels, peut se révéler pénalisante au regard de l'évolution juridique des structures et de l'internationalisation croissante des groupes de sociétés. Les chefs d'entreprises peuvent se trouver dissuadés d'accepter des apports qui leur feraient perdre l'exonération du fait du passage en dessous du seuil de 25 %.

Beaucoup d'arguments vont donc dans le sens d'une adaptation nécessaire de l'ISF.

Comment y procéder ?

- Les options en matière d'élargissement de l'assiette

· L'option de l'assiette universelle et les difficultés de sa mise en _uvre

Une première solution consisterait à retenir le principe d'une assiette universelle, cette extension permettant d'abaisser les taux pratiqués actuellement. S'agissant d'un impôt synthétique sur la fortune, destiné à prendre en compte la capacité contributive résultant de cette dernière, cette solution apparaît la plus logique. En termes de technique fiscale, il s'agit même de la meilleure solution. Elle est source de rendement, rend l'impôt plus supportable et facilite sa gestion par l'administration et le redevable. En termes économiques, elle ôterait toute justification aux comportements aberrants comme ceux mentionnés auparavant.

Une telle solution a été évoquée à plusieurs reprises par des responsables de la majorité comme de l'opposition. Par exemple, le Rapporteur général, sous la législature précédente, avait déclaré " (...) L'assiette de l'ISF devrait donc être élargie aux biens professionnels à partir d'un certain niveau de capital, mais en compensation, le taux serait revu à la baisse (...) ". Il est exact qu'il ajoutait immédiatement qu'une telle réforme lui semblait tout à fait inopportune politiquement  (16).

Dans son seizième rapport, le Conseil des impôts a lui-même suggéré une solution s'en inspirant. " Intégrer les biens professionnels dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune permettrait simultanément de rendre cet impôt plus équitable et de faire disparaître tous les problèmes de frontière posés par la nécessité de définir les biens professionnels ". Il a accompagné sa proposition d'une suggestion de baisse des taux avec un barème à deux taux : 0,4 % entre 4,7 et 12 millions de francs de patrimoine et 0,9 % au-delà. Sa proposition laisse les seuils d'imposition inchangés, mais supprime le plafonnement et la majoration de 10 %. Le Conseil des impôts a considéré qu'un rendement global de l'ISF ainsi modifié serait de l'ordre de 11 milliards de francs, soit à peu près le rendement actuel.

En soi, l'idée d'élargir l'assiette de l'ISF est séduisante. Sa mise en _uvre soulève néanmoins des difficultés certaines.

La première d'entre elles tient à la question de savoir s'il est opportun d'ouvrir un débat difficile avec les chefs d'entreprises et les milieux économiques, qui ne sont manifestement pas prêts à envisager sereinement cette question. Au moment où la croissance économique montre des signes de renforcement, il serait dommageable de susciter des anticipations négatives de la part des entreprises.

En deuxième lieu, il faut constater qu'il est plus difficile de réformer l'ISF, alors qu'il s'applique depuis bientôt dix ans, que de l'instaurer. En effet, cette mise en _uvre a inévitablement suscité des raisonnements en termes de " droits acquis " à l'exonération. A vouloir brusquer les choses, on risquerait de devoir gérer des réactions négatives liées, par exemple à l'entrée dans le barème de contribuables qui sont, aujourd'hui, à la limite du seuil de 4,7 millions de francs. Il faudrait également gérer les augmentations de l'imposition des plus importants contribuables qui pourraient avoir à assumer entre 75 % et 95 % de la charge fiscale supplémentaire. Celles-ci seraient d'ailleurs aggravées dans le cas d'une suppression du plafonnement. Or, à ce niveau de patrimoine et de cotisation annuelle, les risques de pertes de bases, par suite de " délocalisations " des contribuables, ne sont pas négligeables ni sans effet sur le rendement de l'ISF. Votre Rapporteur général a pu s'en convaincre, ainsi qu'il a été dit auparavant.

S'il fallait prévoir des abattements spécifiques pour gérer cette transition, on perdrait le gain attendu du changement d'assiette en ce qui concerne la simplification de gestion.

Il est évident, en effet, que la charge de travail du contrôle-valeur serait accrue du simple fait qu'il faudrait procéder à la valorisation de beaucoup de nouveaux actifs, en particulier pour les titres non cotés, pour lesquels la tâche de valorisation est d'une plus grande complexité.

Cette solution aurait, en outre, l'effet pervers de donner un fondement légal à certaines pratiques d'optimisation fiscale. Aujourd'hui, les déficits relatifs à des biens professionnels exonérés n'ont pas, en principe, à être pris en compte. Dans le cas d'une assiette élargie, la prise en compte de ces déficits sera dans la logique même de l'impôt général sur l'actif net.

Enfin, l'abaissement des taux actuellement pratiqués aurait pour conséquence de diminuer l'impôt dû par les redevables dont le patrimoine ne comprend pas de biens professionnels. Une telle diminution n'aurait guère de justification au regard du montant moyen d'ISF dans les premières tranches du barème, qui était de l'ordre de 7.000 francs pour les contribuables dont le patrimoine n'excédait pas 7,50 millions de francs en 1996.

· L'option de l'élargissement de l'assiette au moyen d'un régime spécifique d'imposition des biens professionnels et les difficultés de sa mise en _uvre

Une deuxième solution serait celle d'une extension d'assiette aux biens professionnels selon des modalités spécifiques à ces biens. Votre Rapporteur général a lui-même considéré qu'une telle piste méritait d'être examinée de près. Il lui apparaît aujourd'hui qu'elle soulève de réelles difficultés.

Par rapport à l'hypothèse précédente, cette solution aurait l'avantage de maintenir la pression fiscale actuelle sur les biens patrimoniaux n'ayant pas de caractère professionnel.

En revanche, elle aurait l'inconvénient, non seulement de maintenir, mais même d'accentuer, la charge des travaux d'assiette et de contrôle relatifs à la qualification de bien professionnel. En effet, ces biens continueraient d'être définis distinctement des biens strictement patrimoniaux afin de permettre l'application d'un barème spécifique, que cette spécificité résulte d'un abattement, d'un taux réduit ou d'une réduction d'impôt.

Afin de surmonter les blocages psychologiques suscités par une telle extension, qui paraissent, dans ce cas, aussi réels que dans le précédent, des mécanismes liant une baisse d'impôt à des comportements " vertueux ", en termes d'emploi, d'investissement ou de remploi des bénéfices, seraient envisageables. Telle est d'ailleurs de sens de la proposition de loi (n° 1053) récemment présentée à ce sujet par les membres du groupe communiste et apparentés de l'Assemblée nationale.

On peut cependant s'interroger sur le point de savoir si l'ISF est bien un outil adapté pour favoriser l'emploi et l'investissement. Il semble bien que, compte tenu de la complexité de sa mise en _uvre, une modulation de l'ISF serait de peu de portée à ces égards. La demande anticipée est, par exemple, le déterminant majeur de l'investissement ; de fait, les incitations fiscales n'ont d'effet que sur le calendrier de sa réalisation. Enfin, favoriser le seul réinvestissement dans l'entreprise n'est pas nécessairement la meilleure solution en termes d'efficacité économique : une diversification peut, parfois, lui être légitimement préférée.

Une solution consistant, comme l'ont proposé les députés communistes dans la proposition de loi précitée, à moduler un abattement sur la base imposable, en fonction de l'évolution de la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée, soulèverait plusieurs difficultés, même en laissant de côté les problèmes techniques liés à la définition de la valeur ajoutée, par exemple dans le secteur financier. Outre qu'il y aurait une multiplication des effets de seuil, il faut souligner que l'augmentation du rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée ne serait pas nécessairement synonyme de créations d'emplois. Par exemple, cette hausse pourrait résulter de la baisse de la valeur ajoutée. Un entreprise qui déciderait de se doter de nombreux équipements, achetés en crédit-bail, verrait sa valeur ajoutée diminuer, donc son ratio s'améliorer, alors même que sa politique salariale ou d'embauche serait restée constante.

En outre, dans un cycle de productivité en phase de reprise, la valeur ajoutée augmente avant que l'entreprise n'embauche. Le dispositif proposé risquerait donc de pénaliser l'activité au moment où celle-ci redémarre. De même, l'impact apparaît a priori plutôt défavorable sur les entreprises innovantes.

Au total, une solution de ce type impliquerait une gestion extrêmement complexe pour un gain limité, de l'ordre de 600 millions de francs à 1,6 milliard de francs au maximum.

Cette complexité même aurait, en outre, l'inconvénient de fragiliser l'ISF en termes de comparaisons internationales.

Il faut reconnaître que le mouvement actuellement constaté en Europe, en matière d'impôt sur la fortune, est défavorable à ce type d'impôt. Le nombre des Etats le pratiquant est en diminution. L'Autriche et le Danemark viennent de le supprimer, en 1994, pour la première, et en 1997 pour le second. En outre, l'Allemagne n'applique plus le sien depuis l'année dernière. La Suède a supprimé l'impôt sur la fortune dû par les personnes morales depuis le 1er janvier de cette année.

D'autres Etats européens ont engagé un processus d'allégement du poids de leur impôt sur l'actif net. C'est le cas des Pays-Bas. Le seuil d'imposition vient d'y être relevé de 48 % (de 163.000 francs à 241.000 francs) et le taux proportionnel de l'impôt réduit de 0,8 % à 0,7 %. Au Luxembourg, la valeur nette imposable des entreprises individuelles vient d'être réduite de 50 %, les sociétés de capitaux étant, pour leur part, autorisées à déduire le montant de l'impôt sur la fortune du montant de l'impôt sur les sociétés relatif au même exercice.

Toutes ces dispositions, que les derniers chiffres disponibles de l'OCDE ne pouvaient pas prendre en compte, ne manqueront pas d'affecter le regard que l'on doit porter sur la structure du système fiscal français.

Il n'y a cependant aucune fatalité à voir l'imposition du patrimoine et des revenus du capital diminuer encore en Europe, au détriment de l'imposition sur les salaires. Par exemple, le programme économique du parti social démocrate allemand prévoit bien de rétablir l'imposition sur la fortune, mais sous une forme qui exonère l'outil de travail et la résidence principale.

Néanmoins, si une volonté d'harmonisation devait exister pour aller au-delà de l'harmonisation spontanée par le jeu de la concurrence fiscale à la baisse, elle prendrait nécessairement la voie d'une négociation communautaire. Il est préférable, dans ce type de négociation, de pouvoir proposer des solutions simples, aptes à convaincre, plutôt que de donner en exemple des systèmes extrêmement compliqués à comprendre et à mettre en oeuvre.

L'impôt sur la fortune en Allemagne

L'impôt sur la fortune (Vermögensteuer) n'est plus perçu en Allemagne depuis le 1er janvier 1997.

Par une décision du 22 juin 1995, le Tribunal constitutionnel fédéral a déclaré inconstitutionnelles les modalités d'établissement de cet impôt et enjoint au législateur de les modifier avant le 31 décembre 1996. Pour le Haut Tribunal, outre la nécessité de mettre un terme à l'inégalité résultant de certaines différences dans les modalités d'évaluation des actifs imposables, l'impôt sur la fortune ne saurait porter atteinte à la substance du patrimoine des particuliers et des entreprises et doit, en conséquence, pouvoir être acquitté sur les revenus ordinaires des redevables. Le prélèvement fiscal total au titre des impôts sur le revenu, sur les bénéfices et sur la fortune ne doit en aucun cas dépasser 50 % des ressources du contribuable.

Dans son projet de loi de finances pour 1997 (article 5), le Gouvernement allemand avait prévu la suppression expresse de l'impôt sur la fortune. Il justifiait ce choix par des considérations :

- juridiques : les difficultés de réformer l'impôt pour satisfaire aux obligations définies par le Tribunal constitutionnel ;

- économiques : une telle suppression mettrait fin à un obstacle à l'investissement des entreprises sur le territoire allemand, les prélèvements à ce titre diminuant la compétitivité internationale de l'économie allemande ;

- de simplifications administratives : le coût d'établissement de l'impôt s'élève à environ 4 % du produit de l'impôt recouvré (soit 360 millions de D.M. pour un produit de 9 milliards de D.M.), 1500 à 1800 agents étant affectés à la gestion de cet impôt dans les anciens Länder. Une réforme de l'impôt et son extension aux nouveaux Länder auraient conduit à devoir affecter à sa gestion entre 4000 et 5000 agents ;

- de politique du travail : l'impossibilité juridique de maintenir l'exemption des entreprises situées dans les nouveaux Länder aurait entraîné un alourdissement de leurs charges de l'ordre de 400 à 500 millions de D.M., ce qui n'aurait pu que contribuer à une aggravation de la situation économique, encore précaire, dans cette partie de l'Allemagne.

Les députés du groupe social-démocrate (SPD) ont réfuté l'argumentation de la coalition gouvernementale. Selon eux, la décision du Tribunal fédéral n'imposait pas de supprimer l'impôt, mais seulement de le réformer, sans que cela présentât d'excessives difficultés. Le poids relatif de l'impôt allemand, par rapport à ceux d'autres pays de l'OCDE, le fait figurer parmi les moins élevés. Les coûts administratifs d'établissement de l'impôt, évalués à 300 millions de D.M., sont jugés raisonnables pour un produit de 9 milliards de D.M.

Le Conseil fédéral (Bundesrat), au sein duquel l'opposition est majoritaire, ne s'étant pas rallié à la suppression voulue par le Gouvernement, et aucun accord n'ayant pu être conclu avec le Bundestag sur une réforme, l'impôt sur la fortune n'est plus recouvré depuis l'expiration du délai fixé par le Tribunal constitutionnel fédéral.

Le programme économique adopté par le parti social-démocrate, lors de son congrès de Leipzig, prévoit le rétablissement d'un impôt sur la fortune en exonérant l'outil de travail et la résidence principale à hauteur d'1 million de marks pour une famille de quatre personnes.

- Maintenir la réflexion ouverte

Au total, la solution la plus simple techniquement eût sans doute été d'élargir l'assiette et de modérer les taux. Il faut toutefois reconnaître que l'extension de l'assiette de l'ISF aux biens qualifiés de professionnels, ne pourrait, aujourd'hui, se faire sereinement. Il faudrait se résigner à voir se créer des conditions psychologiques négatives pour la réussite d'une telle réforme ou à mettre en place des mécanismes d'une complexité telle que, par leurs effets induits, ils risqueraient de se révéler des remèdes pires que le mal prétendument soigné.

En outre, et ainsi qu'il a déjà été relevé, un tel élargissement, contribuerait, aujourd'hui, à légitimer les optimisations fiscales qui ont pu être effectuées en imputant les déficits de biens professionnels exonérés sur l'actif global.

La réflexion doit cependant rester ouverte. Mais pour avancer, sans doute conviendrait-il, d'un côté, d'éviter de donner à croire à nos concitoyens qu'une exonération d'ISF maintenue pour les biens professionnels permettrait systématiquement aux contribuables, parmi les plus fortunés, d'échapper à l'impôt pour une partie importante de leur patrimoine. Comme il a été indiqué, la progressivité de l'ISF aboutit, d'ores et déjà, à ce que la pression fiscale soit plus élevée pour les détenteurs des plus hauts patrimoines. De l'autre côté, il conviendrait de cesser de donner à croire que les biens professionnels sont exonérés de toute forme d'impôt sur le capital. On peut en effet rappeler que la taxe foncière sur les propriétés bâties et la part de la taxe professionnelle assise sur les immobilisations constituent des formes d'imposition du capital assises sur les biens professionnels.

La réflexion à cet égard ne saurait donc manquer d'être reprise.

En attendant, il est possible de rechercher les voies qui permettraient de mieux asseoir l'impôt de solidarité sur la fortune tel qu'actuellement conçu.

b) La question de l'exonération des _uvres d'art

Dès la création de l'impôt sur les grandes fortunes, les objets d'antiquité, d'art ou de collection ont été exonérés sans condition. Aux termes de l'actuel article 885 I du code général des impôts : " les objets d'antiquité, d'art ou de collection et les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune ".

L'objet d'antiquité répond à une condition d'ancienneté : être un objet de plus de 100 ans d'âge. L'objet d'art répond au critère de l'_uvre originale réalisée par son auteur. Sont visés, en pratique, des articles correspondant aux rubriques du tarif extérieur commun utilisé pour l'assiette de la taxe forfaitaire sur les objets précieux et les métaux (17).

Les raisons qui sont à l'origine des cette exonération sont tirées :

- des difficultés d'évaluer les objets d'art,

- de la facilité de les dissimuler,

- des risques d'accroissement de la fraude et de l'évasion vers l'étranger,

- du possible refus des propriétaires privés de continuer à participer à la politique culturelle de l'Etat et des collectivités territoriales par les expositions ou le mécénat.

Le Président de l'Observatoire des mouvements internationaux d'_uvres d'art, M. André Chandernagor, s'est d'ailleurs prononcé, dans un rapport remis au ministre de la Culture, au mois d'avril dernier, sur les conditions du développement du marché de l'art en France, en faveur du maintien de l'exonération. Il a estimé inopportune toute mesure qui méconnaîtrait le caractère international du marché de l'art pour les objets d'une valeur supérieure à 500.000 francs, marché qui est donc très mouvant et susceptible de délocalisations. Il a souligné, en outre, que pour être prospère, un marché national doit voir sa croissance s'accompagner du développement d'une capacité à attirer les objets, la France étant, à cet égard, en concurrence avec Londres et New-York.

Pour votre Rapporteur général, les contraintes concurrentielles du marché des _uvres d'art, qui sont réelles, ne doivent pas conduire à occulter un principe, non moins réel, de répartition de l'actif patrimonial qui conduit, à mesure que la valeur du patrimoine augmente, à voir apparaître, à côté d'une part plus spécifiquement professionnelle, une part immobilière, puis une diversification vers les _uvres d'art. Pour autant, il faut tenir compte du très compréhensible refus des collectionneurs de voir instituer une quelconque forme d'inventaire forcé, générateur, lui, de dissimulation, alors qu'il n'apporterait, sur le plan du contrôle fiscal, qu'un surcroît de difficultés, les services ne disposant, en effet, d'aucune expertise en la matière  (18).

Il est tout à fait légitime de préférer voir favoriser, en France, l'enrichissement des collections et des expositions, plutôt que l'organisation de colloques sur les législations propices à la fuite des _uvres d'art. Mais, entre l'exonération totale et l'instauration d'un système inquisitoire, il doit y avoir place pour un dispositif permettant de prendre en compte la forte capacité contributive dont la possession de certaines _uvres d'art est l'indéniable indice.

Le Conseil des impôts a ainsi suggéré d'inclure les _uvres d'art dans le forfait mobilier, les redevables de l'ISF pouvant, s'ils le souhaitent, apporter la preuve d'une valeur inférieure. Votre Rapporteur général partage une telle approche.

Il serait évidemment nécessaire de prévoir que les artistes contemporains ne soient pas imposables sur leurs propres _uvres.

Afin de rapprocher, autant que possible, les règles applicables aux différentes formes de création artistique, les droits de la propriété littéraire et artistique détenus par les ayants droit de l'auteur devraient, en conséquence, être intégrés dans l'assiette de l'ISF. Leur régime serait donc aligné sur celui d'ores et déjà applicable aux droits de la propriété industrielle. Une telle proposition, faite par le Conseil des impôts, recueille l'approbation de votre Rapporteur général.

c) La question de l'exonération partielle des bois et forêts

Actuellement, les bois et forêts et les parts de groupements forestiers, lorsqu'ils ne sont pas considérés comme des biens professionnels susceptibles d'être exonérés en totalité, bénéficient d'une exonération des trois quarts de leur valeur vénale. Cette exonération spécifique est accordée pour tenir compte des particularités mêmes de la production forestière (longueur du délai séparant l'investissement de la récolte, accroissements annuels des arbres ne pouvant être prélevés en récolte et en revenus qu'après avoir été cumulés pendant de longues années).

Une remise en cause de l'exonération, compte tenu de la longueur du différé et de la faiblesse du rendement de la forêt, encouragerait le taillis simple, qui correspond à une rotation de trente ans environ et nécessite de faibles investissements. Cela serait contraire à la politique forestière française, qui préconise une sylviculture de long terme, orientée vers la production de bois d'_uvre. Avec des proportions de l'ordre de 66 % de feuillus et de 34 % de résineux, la forêt française apparaît équilibrée, sans excès d'intensivité, et remplit ainsi une fonction écologique indéniable.

Il faut enfin relever que le régime d'exonération des trois quarts est soumis à l'engagement du propriétaire de soumettre sa forêt, pendant trente ans, à un régime d'exploitation normale et de ne pas y pratiquer de défrichements. Le non-respect de ces conditions est assorti de sanctions.

Pour votre Rapporteur général, ces conditions justifient le maintien de l'exonération spécifique actuelle.

d) La question des pratiques excessives d'optimisation fiscale

L'impôt de solidarité sur la fortune, parce qu'il comporte des règles complexes, dont certaines peuvent générer des effets de seuil importants, et parce qu'il concerne des redevables ayant la capacité et les moyens de procéder à une optimisation fine, donne lieu à un contrôle dont l'enjeu fiscal, pour le redevable, peut être extrêmement important.

Un contrôle d'ISF constitue, par conséquent, une opération dont l'ampleur croît en fonction de la diversification du patrimoine.

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur général, le contrôle de l'ISF a donné lieu, en 1997, à 6.088 redressements, pour

321 millions de francs de droits rappelés, et à 101 taxations d'office, pour 6,4 millions de francs de droits rappelés. Ces rappels ont généralement porté sur des insuffisances de valeur vénale, sur le plafonnement, sur la déqualification de biens professionnels, ainsi que sur des omissions d'actifs ou des rejets de passifs.

RÉSULTATS DU CONTRÔLE DE L'ISF

(Situation au 31 décembre)

Nature du contrôle

1994

1995

1996

1997

1997/1996

Nombre de déclarations imposables déposées

171.855

175.770

173.660

180.683

4%

Relance des défaillants

         

Nombre de déclarations déposées après lettre amiable

8.025

8.353

8.948

11.487

28,4%

Montant des droits encaissés (en francs)

77.062.528

98.474.741

91.883.258

137.745.202

49,9%

Nombre de déclarations déposées après notification préalable ou mises en demeure


444


365


411


426


3,6%

Montant des droits encaissés (en francs)

7.336.049

8.045.461

7.790.461

8.889.982

14,1%

Nombre de taxation d'office

118

110

127

101

- 20,5%

Montant des droits (en francs)

4.597.747

7.110.475

9.307.164

6.435.065

- 30,9%

Contrôle des dossiers ISF

         

Nombre de dossiers contrôlés(1)

10.323

10.990

13.089

11.564

- 11,7%

Nombre de rappels

9.004

9.376

9.418

6.088

- 35,4%

Droits rappelés (en francs)

229.524.494

224.167.757

270.678.726

321.403.834

18,7%

Pénalités

NC

NC

NC

73.310.716

 

(1) Contrôles sur pièces, contrôles approfondis.

Source : Direction générale des impôts

Afin de compléter son information, votre Rapporteur général s'est rendu dans un centre des impôts relevant de la direction des services fiscaux de Paris-Ouest. Cette direction gère le territoire des 7ème, 15ème et 16ème arrondissements de Paris. L'ISF dont elle a la charge représente, à lui seul, 21,4 % de l'ISF national.

Les travaux d'assiette et de contrôle relatifs à la fiscalité patrimoniale sont effectués au sein de cellules de fiscalité immobilière (FI), dans lesquelles les agents sont amenés à traiter des différents aspects des cette fiscalité (fiscalité immobilière, droits de succession et ISF).

Lors de l'institution de l'IGF, puis de l'ISF, le choix fut fait d'une gestion administrative commune avec celle des droits d'enregistrement. Ce choix a sa logique, s'agissant de la gestion d'un impôt assis sur l'actif net et évalué sur la base de la valeur vénale. L'inconvénient d'une telle organisation est la coupure matérielle avec les services chargés de la vérification du revenu. Il appartient, aujourd'hui, à l'outil informatique de faciliter le rétablissement du lien indispensable avec le contrôle du revenu pour améliorer la vérification de la cohérence des déclarations et des impositions au titre de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. C'est bien dans ce sens que la direction générale des impôts s'est orientée, notamment en appuyant et coordonnant les initiatives prises par ses agents en ce domaine, ainsi qu'a pu le constater votre Rapporteur général.

Une direction comme celle de Paris-Ouest, dispose de 66 agents FI dont 17 peuvent être considérés comme employés à l'assiette et au contrôle de l'ISF. Une " brigade ISF " traite les dossiers complexes, laissant aux inspections le contrôle des dossiers à moindre enjeu fiscal.

Peut être considéré comme simple, un dossier ne comportant que des biens immobiliers, même situés hors du centre compétent  (19), ou des biens mobiliers dont la valeur est déterminée selon un mode légal, par exemple, des titres cotés en bourse ou des créances. En revanche, sera réputé complexe, tout dossier comportant des titres de sociétés non cotées, comme des holdings, des parts de sociétés civiles non passibles de l'impôt sur les sociétés, des biens professionnels exonérés ou des biens situés à l'étranger.

La politique de contrôle en matière d'ISF n'apparaît pas différente de celle conduite à l'égard des autres impôts.

Trois niveaux de contrôle sont pratiqués sur les déclarations d'ISF :

- des contrôles formels, lors de la réception des déclarations. Ils conduisent à rectifier des erreurs matérielles et arithmétiques ou des problèmes ponctuels (personnes à charge ou calcul du plafonnement). En général, ces points font l'objet d'une notification de redressement sans échange d'informations ;

- des contrôles ponctuels d'ampleur limitée. Ils portent sur la valeur vénale des immeubles, ont trait à des rectifications de passif ou redressent des omissions. En nombre, ces contrôles représentent l'essentiel de l'activité relative à l'ISF des inspections FI ;

- des contrôles approfondis. Ils sont engagés en cas de discordance apparente, et importante, dans les déclarations ou sur la base de renseignements particuliers. Ces contrôles portent sur l'ensemble des éléments déclarés.

La mise en _uvre de l'application informatique " VIZIR ", créée à l'initiative des fonctionnaires de la direction des services fiscaux de Paris-Ouest avec l'accord de la CNIL, vise, à partir d'un système informatique expert, constitué sur la base de l'expérience acquise par les agents de la direction précitée, à faire analyser la cohérence des liasses d'ISF afin de distinguer, par anticipation, les dossiers " à risques " en vue d'un redressement éventuel. Soixante tests de cohérence sont effectués sur les éléments relatifs à trois années de déclarations, pour donner, à l'égard d'un contribuable, les résultats cumulés, en droits, des incohérences affectant la base imposable. Par exemple, le cours des valeurs mobilières figurant à l'actif est comparé à l'évolution de l'indice SBF. Cette application permet donc de distinguer les contribuables " atypiques " ou les anomalies cumulées.

Tel pourrait être, le cas, par exemple, d'un contribuable qui :

- déclarerait plusieurs millions d'actif net, essentiellement en valeurs mobilières, et ne paierait pas d'impôt sur le revenu. L'application pourrait détecter un domaine d'investigation en raison d'une diminution du revenu total des droits sociaux et valeurs mobilières déclarés une année où le marché boursier a été en augmentation ;

- aurait déclaré près de 14 millions d'actif net et bénéficierait systématiquement du plafonnement, car non imposable à l'impôt sur le revenu, et, en raison d'une cotisation d'ISF avant plafonnement, inférieure à 67.340 F, à l'ISF lui-même ;

- posséderait un actif net de plus d'une cinquantaine de millions de francs, parmi lequel plus d'une dizaine de biens immobiliers, répartis sur tout le territoire, et serait associé dans près d'une vingtaine de sociétés civiles immobilières. Un tel profil soulève la difficulté d'évaluer les parts de SCI sans informations sur le patrimoine réel de la société, en l'absence de bilan obligatoire de cette dernière ;

- posséderait un actif net de près de cinq millions de francs qui générerait une cotisation d'ISF de moins de 1.000 francs, car il ne posséderait pas d'habitation principale, mais détiendrait des parts de SCI au lieu de son domicile ;

- dont l'actif net déclaré, d'une année sur l'autre, augmenterait de plus de 15 millions de francs. Il s'agirait alors de vérifier la cohérence de cette hausse avec la situation du contribuable, au regard de ses revenus déclarés, de l'apport de capitaux extérieurs, d'héritages ou de donations reçus, en l'absence desquels des minorations antérieures seraient à envisager;

- dont la baisse de l'actif net immobilier, de plus de 10 millions de francs d'une année à l'autre, n'empêcherait toutefois pas le maintien du bénéfice du plafonnement. L'application diagnostiquerait alors la nécessité de vérifier l'existence d'une plus-value non incluse dans les revenus déclarés.

Cette démarche innovante est encouragée et encadrée par la direction générale des impôts pour, à la fois, " mutualiser " les initiatives locales et leur conserver une cohérence d'ensemble.

Les activités de contrôle au sein d'une direction comme la direction des services fiscaux de Paris Sud-Ouest portent sur :

- la relance des défaillants, pour 42,6 % des contrôles et 15 % du produit recouvré ;

- la taxation d'office, pour 1 % des contrôles et 1,4 % du produit recouvré ;

- les contrôles ponctuels (par exemple de la valeur vénale), pour 45, 3 % des contrôles et 26,38 % du produit recouvré ;

- les contrôles approfondis, pour 11 % des contrôles et 57,2 % du produit recouvré.

Si l'on s'attache à la typologie des redressements d'ISF effectués par les brigades FI, plus de la moitié porte sur la remise en cause de l'exonération des biens professionnels, suivie, à égalité d'importance, par le redressement d'omissions de valeurs mobilières, surtout pour les titres non cotés et la reprise de passifs. Les redressements liés au plafonnement arrivent ensuite.

TYPOLOGIE DES REDRESSEMENTS ISF POUR LES BRIGADES (FI) A LA DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DE PARIS-OUEST

graphique
graphique
Remise en cause exo. biens ruraux

graphique
graphique
Reprise de passifs

graphique
graphique
Taxations d'office

graphique
graphique
Plafonnement

graphique
graphique
Omissions autres meubles

graphique
graphique
Omissions valeurs mobilières

graphique
graphique
graphique
graphique
Omissions immeubles

graphique
Insuffisances valeurs mobilières

graphique
Divers

graphique
graphique
Remise en cause exo. biens prof.

graphique

Votre Rapporteur général a été très favorablement impressionné par la qualité des personnels et des travaux du centre des impôts qu'il a visité.

Il ressort de cette présentation que la question de la cohérence entre les revenus déclarés et le patrimoine et, en conséquence, du plafonnement de l'ISF, présente une importance particulière.

Le total formé par l'ISF et l'impôt sur le revenu dû au titre d'une année ne peut excéder 85 % des revenus nets imposables au titre de l'année précédente.

Cette règle constitue l'une des principales innovations de l'ISF par rapport à l'ancien IGF, dont quelques redevables devaient aliéner une partie de leur capital pour acquitter l'impôt, en raison de l'insuffisance relative de leurs revenus. Le Conseil des impôts, dans son huitième rapport sur l'imposition du capital (1986), avait en effet estimé qu'" en l'absence de tout plafonnement, l'existence d'un taux maximum d'imposition élevé peut dans certains cas conduire à acquitter une cotisation d'impôt supérieure non seulement aux revenus du capital taxé, mais également à la totalité des revenus de toute nature perçus par le contribuable ".

DÉFINITION DE L'IMPÔT SUR LE REVENU À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

·   Cotisations d'impôt sur le revenu calculés d'après un barème progressif ou selon un taux proportionnel avant imputation des avoirs fiscaux, crédits d'impôt et retenues non libératoires

·   dus en France ou à l'étranger

·   Prélèvements libératoires de l'impôt sur le revenu, y compris :

- la contribution complémentaire de 1% sur les revenus de capitaux mobiliers abstraction faite :

- des prélèvements opérés au profit de la sécurité sociale (1% social et CSG) (*)

- des cotisations exigibles à l'étranger constituant un crédit
d'impôt imputable sur le cotisation en France

·   dus à raison des revenus perçus par les membres du foyer fiscal au sens de l'ISF qui a son domicile fiscal en France

·   dus au titre de l'année précédant celle de l'imposition à l'ISF

(*) Toutefois les TGI de Paris et Nanterre ont jugé qu'il y avait lieu de tenir compte de la CSG et du prélèvement social de 1%.

DÉFINITION DES REVENUS À PRENDRE EN COMPTE POUR LE CALCUL DU PLAFONNEMENT

·   Ensemble des revenus nets de frais professionnels soumis à l'impôt sur le revenu, à savoir :

- Traitements et salaires et rémunérations des gérants (art. 62 du code général des impôts ) - 10 % et déduction forfaitaire supplémentaire ou frais réels ;

- Pensions et rentes viagères à titre gratuit - 10 %

- Pensions et rentes viagères à titre onéreux : fraction imposable en fonction de l'âge du crédirentier lors de l'entrée en jouissance ;

- Revenus des capitaux mobiliers (y compris avoir fiscal et crédit d'impôt) avant abattement - Frais de garde ;

- Revenus fonciers avant imputation des déficits antérieurs ;

- Bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux avant abattement centre de gestion agréé ou association agréée de gestion ;

- Montant net imposable des plus-values (biens immeubles et meubles, droits sociaux et valeurs mobilières) avant imputation des pertes antérieures reportables.

·    en France ou à l'étranger

·   au titre de l'année précédant celle de l'imposition à l'ISF

·   perçus par chaque membre du foyer fiscal au sens de l'ISF, qui a son domicile fiscal en France.

·   Produits soumis à un prélèvement libératoire

 

Pour la détermination du revenu servant au calcul du plafonnement, la prise en compte des pertes et déficits s'effectue de la manière suivante :

- les déficits commerciaux, non commerciaux, agricoles, les déficits des loueurs en meublés non professionnels et les déficits fonciers viennent en déduction du revenu de référence pour la seule année de leur réalisation, sans considération des règles particulières d'imputation des déficits sur le revenu global existant en matière d'impôt sur le revenu ;

- les pertes provenant des cessions de valeurs mobilières, de droits sociaux, de parts de sociétés de personnes sont prises en compte l'année de leur réalisation dès lors que ces cessions sont imposables.

Dans tous les cas, l'appréciation du revenu de référence s'effectue indépendamment des déficits des années antérieures et des charges déductibles du revenu global.

La pratique du plafonnement a néanmoins montré :

- qu'un nombre non négligeable de redevables échappait purement et simplement à l'ISF. En 1994, pour 274 redevables plafonnés dans la première tranche de l'ISF, 85 % d'entre eux effaçaient totalement leur imposition à ce titre. Il en allait de même pour 64,4% des 418 redevables plafonnés de la deuxième tranche, 45,2% des 239 redevables plafonnés de la troisième tranche de patrimoine, 26,3 % des 335 redevables plafonnés de la quatrième tranche de patrimoine et 13,7% des 636 redevables plafonnés de la tranche de patrimoine supérieure à 43,33 millions de francs ;

- que le montant de la cotisation moyenne d'impôt sur le revenu apparaissait faible comparativement au patrimoine déclaré : 28.600 francs pour un patrimoine de 4,47 à 7,27 millions de francs, 27.000 francs pour un patrimoine de 7,27 à 14,42 millions de francs, 22.200 francs pour un patrimoine compris entre 14,42 millions de francs et 22,28 millions de francs, 58.900 francs pour un patrimoine compris entre 22,38 et 43,33 millions de francs,

- que, si la majorité des redevables plafonnés se trouvaient dans les tranches élevées de patrimoine (51 % au-delà de 22,38 millions de francs), une part plus importante encore acquittait un impôt sur le revenu soit nul

(37,1%) soit peu élevé (25,9% ayant une cotisation inférieure à 50.000 francs).

S'il est indéniable que le mécanisme du plafonnement a été institué pour les titulaires d'un patrimoine essentiellement immobilier dégageant une faible rentabilité, et qui perçoivent effectivement des revenus modestes, il est apparu, en revanche, que dans les tranches moyennes et supérieures du barème de l'ISF, l'écart entre le patrimoine et le revenu résultait du comportement de redevables en mesure d'être faiblement imposés par une optimisation fiscale. Enfin, dans les tranches les plus élevées du barème, par l'effet même du plafonnement, à un certain niveau de patrimoine, l'écart entre un patrimoine considérable et un revenu, même important, est nécessairement tel que le plafonnement trouvait à s'appliquer.

Dans son seizième rapport, le Conseil des impôts a relevé que la part des déficits et moins-values dans les revenus des foyers fiscaux bénéficiant du plafonnement est particulièrement importante. Ayant analysé le cas de 158.000 contribuables, il constate que leurs déficits et moins-values représentaient à peine 8 % du revenu brut. " Pour la seule population des contribuables concernés par le plafonnement, ils représentent 82 % des revenus buts ". Et le Conseil des impôts souligne que " la structure des déficits varie en fonction du niveau de patrimoine déclaré. Les déficits d'activité représentent 76 % des déficits des 20 % de contribuables dont l'impôt est plafonné et qui déclarent un patrimoine inférieur à 9,4 millions de francs. Ils ne constituent plus que 35 % des déficits des 20 % de contribuables dont l'impôt est plafonné et qui déclarent un patrimoine supérieur à 80,7 millions de francs ; pour ces derniers, les moins-values sont prépondérantes et interviennent à hauteur de 58 % dans le déficit total ".

A compter de 1996, une limitation des effets du plafonnement a été mise en place. La réduction d'impôt en résultant ne peut excéder :

- une somme égale à 50 % du montant de l'ISF avant plafonnement ;

- ou le montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif de l'ISF (15,16 millions de francs), soit un impôt de 67.340 francs, si ce montant est supérieur à 50 % du montant de la cotisation d'ISF avant plafonnement.

En pratique :

- lorsque le patrimoine taxable n'excède pas 15,16 millions de francs (c'est-à-dire pour une cotisation d'ISF inférieure ou égale à 67 340 francs), la limitation du plafonnement ne joue pas ;

- lorsque le patrimoine taxable est supérieur à 15,16 millions de francs et inférieur ou égal à 22,64 millions de francs (c'est-à-dire pour une cotisation d'ISF comprise entre 67.340 francs et 134.680 francs), l'allégement résultant du plafonnement est limité à 67.340 francs ;

- lorsque le patrimoine taxable est supérieur à 22,64 millions de francs (c'est-à-dire pour une cotisation d'ISF supérieure à 134.680 francs), l'allégement qui résulte du plafonnement est limité à 50 % de la cotisation d'ISF.

ISF 1997 ET 1998

Montant de l'ISF avant plafonnement

Limitation du plafonnement

< 67.340 F

pas de limitation

67.340 F < ISF < 134.680 F

67.340 F

> 134.680 F

50% de l'ISF

La limitation du plafonnement a permis de réactiver le contrôle, au titre de l'ISF, des dossiers des contribuables plafonnés, car, jusqu'à son intervention, les redressements effectués étaient neutralisés par le mécanisme même de plafonnement, avant l'intervention de sa limitation.

Dans son seizième rapport, le Conseil des impôts souligne qu'" en raison des réductions d'impôt auquel le dispositif du plafonnement aboutit dans certains cas, ce dernier ne peut pas être considéré comme un simple aménagement du barème à la marge. Il conduit, pour ainsi dire, à redéfinir un nouveau barème aux taux divisés par deux pour les plus gros patrimoines qui dégagent apparemment peu de revenus ".

La suppression du plafonnement, en l'absence d'une nouvelle définition de l'assiette et d'une baisse des taux de l'ISF, pourrait cependant aboutir, dans certains cas, à une taxation confiscatoire. C'est la raison pour laquelle votre Rapporteur général considère que le mécanisme du plafonnement, et le dispositif limitant ses effets, participent de l'équilibre d'ensemble de l'ISF tel qu'il est conçu actuellement. Il ne paraît pas opportun de le remettre en cause, sauf à redéfinir les règles d'assiette et de taux et à apprécier avec davantage de précision les risques de délocalisation réels.

En revanche, il appartient de " moraliser " ses règles de fonctionnement en mettant fin à toutes les possibilités de minoration du revenu réel. Une telle action a été commencée, dans la loi de finances pour 1998, en ce qui concerne le déduction de l'investissement outre-mer, qui s'impute désormais directement sur le revenu global du contribuable et non plus sur son revenu catégoriel pris en compte dans le calcul du plafonnement.

Il conviendra de la poursuivre. Votre Rapporteur général estime que, si le plafonnement a sa pleine justification pour empêcher l'imposition de devenir confiscatoire, il conviendrait néanmoins de réfléchir à la possibilité de fixer ce plafond par rapport aux revenus bruts, avant toute déduction, quelle qu'elle soit.

e) Les nécessaires adaptations de l'ISF

De sa rencontre avec les personnels chargés du contrôle de l'ISF, votre Rapporteur général est sorti convaincu que quelques aménagements des règles d'assiette seraient de nature à garantir une plus grande efficacité du prélèvement. Ces modifications tendraient à éviter que soit minorée, artificiellement, la capacité contributive des redevables les plus habiles à détourner les règles relatives à la fixation du domicile fiscal, à l'imputation des déficits ou encore au champ de l'abattement tenant compte de l'occupation, par son propriétaire, de l'immeuble entrant dans l'assiette de l'impôt.

Une première piste pourrait consister à éviter que la " jurisprudence Fleury " (20) n'entraîne des pertes excessives de bases d'imposition. La possibilité pour le propriétaire d'appliquer un abattement sur la valeur vénale de l'immeuble qu'il occupe ne serait possible que pour sa résidence principale, à l'exception donc de toute résidence secondaire, et uniquement dans la limite d'un plafond de 20 %. Une deuxième piste pourrait consister à préciser les conditions dans lesquelles les dettes afférentes à des biens exonérés d'ISF pourraient s'imputer exceptionnellement sur la valeur des biens assujettis. Il conviendrait d'exiger du redevable qu'il fournisse toutes les justifications sur le patrimoine à l'origine de ces dettes. Une troisième piste pourrait consister à ne pas tolérer les délocalisations fictives comme celles consistant à " dématérialiser " un bien immobilier, situé en France, en l'affectant à l'actif d'une société, dont les détenteurs des actions ou des parts sociales représentatifs n'auraient plus qu'à choisir le statut de non résident pour échapper à l'impôt. Il conviendrait donc de prévoir expressément la taxation des parts ou actions de sociétés de ce type.

Un autre contournement abusif de l'assujettissement à l'ISF consiste, pour certains redevables, à prétendre exercer à titre accessoire l'activité de loueur en meublé pour, en réalité, faire bénéficier un patrimoine conséquent de l'exonération au titre des biens professionnels. Une telle exonération devrait être désormais limitée. Il conviendrait également de taxer désormais chez le nu-propriétaire, sur leur valeur en pleine propriété, les biens qui ont fait l'objet d'une donation temporaire d'usufruit, cette dernière permettant de faire échapper à l'ISF de conséquents patrimoines immobiliers.

Ainsi qu'il a été dit auparavant, si le plafonnement des cotisations d'ISF en fonction du revenu permet d'éviter que la taxation ne puisse devenir confiscatoire, une telle mesure n'est légitime qu'autant qu'est garanti la sincérité du revenu de référence. C'est pourquoi la moralisation que votre Rapporteur général appelle de ses v_ux rend nécessaire de conforter l'interprétation la plus large du revenu à prendre en compte pour calculer le plafonnement. C'est le cas par exemple en ce qui concerne l'inclusion de l'avoir fiscal ou l'exclusion des déficits qui ne sont pas pris en compte à l'impôt sur le revenu. Il conviendrait de réfléchir également à la solution, simple à mettre en _uvre, consistant à calculer le plafond de l'ISF par rapport au revenu brut avant toute déduction, quelle qu'elle soit.

Votre Rapporteur général considère, comme le Conseil des impôts, que l'inclusion des _uvres d'art dans le forfait mobilier permettra de mieux tenir compte de la capacité contributive supplémentaire dont les collections d'objets d'antiquité ou d'art sont l'indéniable expression. Le choix de la méthode du forfait garantira toutefois aux collectionneurs qu'ils ne seront pas en butte aux procédures tatillonnes d'un inventaire forcé.

Enfin, dès lors que l'exclusion des biens professionnels est confirmée, il convient sans doute de réfléchir aux moyens qui permettraient d'atténuer les conséquences dommageables liées à certains effets de seuil, en particulier celui des 25 %. C'est la raison pour laquelle votre Rapporteur général considère que la prise en compte des pactes d'actionnaires dans les sociétés cotées pourrait être de nature à atténuer certaines iniquités entre actionnaires dirigeants et minoritaires, résultant de la définition actuelle du bien professionnel.

B.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

Les mutations à titre gratuit comprennent les successions par décès et les donations ou mutations entre vifs. Les droits de succession frappent l'ensemble du patrimoine à l'occasion de son transfert global à cause de décès. Ces impôts sont d'un rendement comparativement moyen : 27,14 milliards de francs pour les mutations par décès en 1996, 4,29 milliards de francs, la même année, pour les mutations entre vifs. Pris ensemble, ces deux montants, pour 1996, représentent 5,20 % du total des impôts directs perçus par l'Etat et 16,04 % du total des impôts sur le patrimoine et 43 % du produit des droits d'enregistrement perçus par l'Etat.

Produit des droits de succession, des impôts directs et des droits d'enregistrement au profit du budget de l'Etat et des impôts sur le patrimoine en 1996

(en millions de francs)

Droits de succession

Impôts directs

Impôts sur le patrimoine

Droits d'enregistrement

31.429

603.525

195.827

73.156

Ils n'en demeurent pas moins des impôts importants en raison de la sensibilité des citoyens à leur égard et de la contribution qu'ils sont seuls à pouvoir apporter à la réduction des inégalités de fortunes. Comme il a été indiqué auparavant, les patrimoines importants se renforcent d'abord par l'héritage. Par nature, les droits de succession constituent donc l'impôt le mieux adapté pour obtenir une atténuation de ces inégalités. En effet, l'imposition peut être significative, car n'intervenant qu'à l'occasion du remplacement d'une génération par une autre.

1.- Une imposition élevée mais permettant l'évasion légale

Si la France affiche de forts taux d'imposition, des dispositions permettent l'évasion légale. Ainsi, comme le relève le Conseil des impôts, " les ménages disposant des plus gros patrimoines sont généralement les mieux informés et les plus à même de réduire le montant des droits qui résultent de la transmission de l'ensemble de leur patrimoine ".

Une telle pratique est traditionnelle en France. On se souviendra de la rente 3,5 % 1952-1958, qui permettait aux contribuables d'organiser, en France même, la transmission de leur patrimoine en franchise de droits de succession.

En conséquence, cet impôt frappe d'abord les patrimoines de moyenne importance, dont les titulaires n'ont pas su, pu ou voulu organiser la transmission, ainsi que la fortune des personnes qui meurent accidentellement et prématurément.

Les droits de mutation sont assortis d'abattements portant sur la part de la succession ou de la donation reçue par l'héritier ou le donataire. Le montant de ces abattements n'a pas été actualisé depuis 1992 (abattement de 330.000 francs pour la part recueillie par le conjoint, de 300.000 francs pour celle des descendants et des ascendants, de 100.000 francs entre frères et s_urs). Et encore, exprimé en francs de 1996, l'abattement demeure-t-il très inférieur à celui pratiqué en 1959, puisqu'il n'en représente qu'a peine plus de 40 %. Depuis cette date, la seule modification a consisté dans l'institution d'un abattement spécifique de 100.000 francs pour inciter les grands parents à transmettre leur patrimoine à leurs petits-enfants.

Le taux marginal d'imposition a été successivement relevé (15 % en 1959, 20 % en 1969, 40 % depuis 1984), le nombre de tranches passant de trois à sept entre 1959 et 1984. L'absence de réévaluation des seuils et des abattements à la base a aggravé la pression fiscale, mais, de façon paradoxale pour un impôt à vocation égalisatrice, relativement plus au détriment des petites successions. Selon le Conseil des impôts, " exprimée en francs 1996, la part de l'héritier en ligne directe devient taxable lorsqu'elle dépasse, en 1959, 809.500 francs, en 1969, 554.600 francs et en 1996, 300.000 francs ".

ÉVOLUTION DU TAUX MOYEN D'IMPOSITION ENTRE 1959 ET 1996

Part imposable (en francs 1996)

Barème 1959

Barème 1969

Barème 1996

1.000.000

0,9 %

3,2 %

12,9 %

2.000.000

5,9 %

11,3 %

16,4 %

5.000.000

11,4 %

16,4 %

21,2 %

15.000.000

13,8 %

18,8 %

31,3 %

Source Conseil des impôts

Comme le Conseil des impôts le relève également, le taux moyen d'imposition a été multiplié par 14,3 pour une part héritée d'un million de francs, par 2,8 pour une part héritée de 2 millions de francs et par 2,3 pour une part héritée de 15 millions de francs.

Votre Rapporteur général estime donc qu'il conviendrait effectivement de relever et d'unifier à 500.000 francs l'abattement applicable aux donations et transmissions en ligne directe. Toutefois, conscient du coût budgétaire élevé d'un tel relèvement, estimé par le Conseil des impôts à 4,6 milliards de francs, à barème inchangé, il estime que ce relèvement ne pourrait être que progressif. C'est pourquoi le bénéfice d'un tel relèvement pourrait être réservé, dans un premier temps, au conjoint survivant. Parallèlement ou dans un avenir proche, ce relèvement pourrait bénéficier aux héritiers en ligne directe n'ayant bénéficié ni de don manuel ni de donation depuis plus de dix ans.

Le Conseil des impôts n'a pas manqué de relever que la frange de la population disposant des plus hauts patrimoines avait su utiliser certains produits d'assurance-vie pour échapper aux droits de mutation à titre gratuit. Il a donc suggéré d'intégrer dans l'assiette des droits de mutation toutes les sommes et tous les actifs déposés sur des contrats d'assurance-vie en vue de constituer une donation ou un héritage déguisé.

Dans le souci de rétablir une plus grande équité devant l'impôt, votre Rapporteur général considère également qu'il convient d'aménager l'assiette des droits de succession de telle sorte que les contrats d'assurance-vie ne soient plus un moyen privilégié d'évasion légale. Une possibilité envisageable à cette fin pourrait consister à permettre la transmission en franchise de droits de succession des sommes et actifs équivalents à 500.000 francs par part d'héritage, sans que la totalité des droits ainsi transférés puisse dépasser 30 % de l'actif successoral. Une telle mesure n'aurait évidemment aucun caractère rétroactif. Elle permettrait toutefois, pour l'avenir, de retirer aux contrats d'assurance-vie leur caractère d'instrument privilégié d'évasion fiscale.

Votre Rapporteur général considère également qu'il n'y a pas lieu de faciliter la tâche de ceux qui choisissent de transférer leur domicile fiscal hors de France à seule fin de faire échapper à une juste taxation la transmission de leur patrimoine, en particulier lorsque les héritiers ont leur domicile fiscal en France. C'est la raison pour laquelle il conviendrait de réfléchir à la possibilité de prendre en compte le domicile fiscal des héritiers donataires ou légataires pour la taxation des donations ou des successions.

2.- La question de la transmission des entreprises

Le souci de la pérennité de l'outil de travail et des emplois, par delà la transmission d'une entreprise, peut justifier l'adoption de mesures spécifiques, y compris de nature fiscale. De même, la multiplication des cas de rachat de moyennes entreprises performantes par des repreneurs étrangers en raison d'une succession non préparée incite à l'adoption de mesures préventives. Ces préoccupations rejoignent celles visant à permettre une circulation plus rapide du capital au profit des repreneurs les plus aptes économiquement et non des seuls " héritiers ".

Il convient toutefois d'être attentif aux mesures prises. La justice sociale et fiscale exige de pas retirer à l'impôt son caractère essentiellement redistributif. En outre un interventionnisme excessif se heurterait aux exigences du principe d'égalité, rappelées par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a annulé l'article 9 de la loi de finances pour 1996 au motif qu'une mesure prétendument destiné à faciliter la transmission, par un chef d'entreprise petite ou moyenne, de son outil professionnel tendait, en réalité, à privilégier fiscalement la transmission de certains éléments de patrimoine par rapport à tous les autres types de biens.

Des mesures ont d'ores et déjà été prises pour inciter à organiser une transmission anticipée du patrimoine. Ces mesures portent sur :

- des réductions du taux applicable aux donations-partages (35 % si le donateur est âgé de moins de 65 ans, 25 % s'il a entre 65 ans et moins de 75 ans),

- l'extension de la réduction précitée aux donations à un enfant unique,

- l'institution d'une réduction de droits applicables à toutes les autres donations, dont le taux varie en fonction de l'âge du donateur (25 % si le donateur a moins de 65 ans ; 15 % s'il a entre 65 ans et moins de 75 ans) ;

- l'institution d'un abattement de 100.000 francs pour les donations de grand-parents à petits enfants.

En outre, et à titre temporaire, l'ensemble des donations consenties entre le 1er avril 1996 et le 31 décembre 1998, par des donateurs âgés de 65 ans révolus et de moins de 75 ans, aura bénéficié des réductions de droits applicables aux donations réalisées par des donateurs de moins de 65 ans (35 % pour les donations-partages et 25 % pour les autres donations).

Par ailleurs, le régime du paiement fractionné ou différé des droits d'enregistrement a été modifié avec la substitution de l'intérêt légal au taux d'intérêt en vigueur, taux déjà lui-même réduit de deux tiers en cas de transmission d'une entreprise.

Enfin, un régime temporaire d'évaluation des entreprises, dans la perspective de la transmission entre vifs, prémunit le chef d'entreprise contre la remise en cause, par l'administration fiscale, de l'évaluation de la société ou de l'entreprise, dès lors qu'il s'engage à respecter un cahier des charges. Cette mesure est applicable jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle elle fera l'objet d'un bilan de mise en _uvre.

Ces mesures rejoignent les préoccupations exprimées par la Commission européenne en ce qui concerne la transmission d'entreprises. Le 7 décembre 1994, elle avait adressé aux Etats membres une recommandation sur la transmission des petites et moyennes entreprises. Son contenu était établi sur la base de ce qu'elle a considéré constituer les meilleures pratiques déjà mises en _uvre dans les différentes législations nationales. Les mesures préconisées, essentiellement de nature fiscale, visaient à diminuer la charge des droits de succession et de donation.

La Commission européenne a considéré que la charge fiscale de la transmission d'entreprise, justifiée par l'objectif social d'une certaine redistribution des richesses, touche en réalité un organisme fragile dont elle peut entraîner la faillite, alors que les Etats auraient intérêt à garantir la survie de ces entreprises sources d'autres recettes fiscales et de contributions sociales. Pour la Commission européenne, la rigueur des délais de paiement des droits de succession ou de donation constitue également un important obstacle à la transmission d'entreprise, le paiement immédiat pouvant contraindre le nouveau propriétaire à devoir soit réaliser une partie des actifs, soit céder une entreprise tout entière, quand ce n'est pas, dans le pire des cas, liquider l'entreprise.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DU 7 DÉCEMBRE 1994 SUR LA TRANSMISSION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES


Article 6

Assurer la réussite de la transmission familiale

(Extraits)

Droits de succession et droits de donation

La Commission invite les Etats membres à alléger, à l'instar du système britannique, l'imposition des transmissions d'entreprises opérées par voie de donation ou de succession (droits de succession, droits de donation, droits d'enregistrement) pour mieux adapter la fiscalité à la nécessité d'assurer la survie de ces entreprises. Cette faveur ne serait accordée qu'à condition qu'il s'agisse d'une entreprise activement engagée dans la production et la vente de biens ou de services et que les héritiers s'engagent à garder le capital et à maintenir l'activité économique de l'entreprise concernée pour une durée minimale. Cette durée devrait être déterminée de manière à refléter de manière crédible la volonté des héritiers de poursuivre les activités de l'entreprise. En cas de rupture de cet engagement, l'allégement ne serait plus appliqué et les héritiers deviendraient redevables de l'intégralité des droits de succession. Ce traitement fiscal, en faveur de la continuité de l'entreprise, ne devrait être accordé qu'aux actifs strictement professionnels, à savoir les biens qui permettent l'activité de l'entreprise. Les pertes éventuelles de recettes fiscales seraient largement compensées par une réduction du nombre de liquidations d'entreprises et, partant, une diminution de toutes les pertes en termes d'activité économique et d'emploi que celles-ci provoquent. La réduction proposée peut être d'ailleurs introduite progressivement et peut être limitée initialement à des entreprises n'excédant pas une certaine taille.

Modalités de paiement des droits

Dans la mesure où les Etats membres n'ont pas encore exempté la transmission des entreprises, il est recommandé qu'ils offrent la possibilité d'échelonnement ou de report du paiement des droits de succession ou de donation et accordent des exonérations d'intérêt. Ces Etats membres devraient accorder expressément aux héritiers le droit de payer les droits de succession sur un délai de six à dix ans, par versements annuels et sans intérêt, comme c'est déjà le cas dans certains Etats membres. En Allemagne, les droits de succession peuvent faire l'objet d'un différé de paiement pendant sept ans, avec exemption d'intérêt, limité aux entreprises individuelles et aux participations dans les sociétés de personnes. En Grèce et en Espagne, l'héritier a le droit de différer le règlement des droits pendant cinq ans, sans intérêt. Le régime grec prévoit que l'héritier peut toutefois opter pour un versement global dans un délai de quelques mois après remise de la déclaration de succession. Il bénéficie alors d'une réduction de 15 % sur le montant des droits. Le Royaume-Uni accorde, sous certaines conditions, l'échelonnement sur dix ans, sans intérêt du paiement de droits perçus sur les valeurs mobilières.

.../

Détermination de l'assiette imposable

Il est nécessaire que les Etats membres admettent que, dans le cadre d'une transmission familiale, le moment auquel l'évaluation se réfère puisse ne pas coïncider avec la date de la succession. La Commission recommande dès lors, que l'évaluation de la valeur de l'entreprise, aux fins de la détermination de l'assiette imposable, puisse prendre en compte l'évolution de la valeur de l'entreprise jusqu'à une date postérieure de quelques mois au décès, pour pouvoir prendre en considération les effets du décès de l'entrepreneur.

Dans une communication publiée le 28 mars 1998, la Commission européenne a dressé un bilan des mesures prises en ce sens par les Etats membres. Elle a estimé important qu'ils fassent des efforts supplémentaires en vue de réduire les droits de succession et de donation sur la transmission des actifs d'une entreprise. Ces allégements peuvent prendre la forme d'une exemption fiscale totale, d'une réduction du taux applicable ou d'une augmentation des abattements. Un report du paiement de l'impôt, le cas échéant avec la possibilité pour le repreneur d'une remise de cette dette en fonction du nombre d'années pendant lequel il poursuit l'affaire reprise, pourrait également être envisagé.

S'agissant plus particulièrement de la France, la Commission a estimé que l'aménagement des règles applicables aux donations " ne permet pas de résoudre, de manière satisfaisante, les cas de transmissions non préparées ".

Votre Rapporteur général considère qu'une mesure portant de 35 % à 50 % le taux de la réduction des droits applicables aux donations-partages et aux donations à enfant unique permettrait un sensible progrès en la matière. En outre, pour rendre la mesure plus incitative à l'égard des dirigeants d'entreprises devant organiser leur cessation d'activité, la condition d'âge maximum de 65 ans, prévue pour bénéficier du taux maximum de réduction, pourrait être exceptionnellement supprimée pendant une période temporaire de un an à dix huit mois pour permettre ces transmissions.

II.- L'IMPÔT SUR LA CESSION DU PATRIMOINE

A.- L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION :
LE CAS DES CESSIONS DE VALEURS MOBILIÈRES

Le champ de l'exonération d'impôt pour les gains nets de cession de valeurs mobilières s'articule autour de la distinction entre cessions importantes et cessions de faible importance.

L'article 7 de la loi de finances pour 1983 a délimité la catégorie des gains nets taxables sur la base du montant annuel des cessions réalisées, ce montant étant actualisé en fonction de l'évolution de la septième tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Le champ d'application de l'exonération a également pu être délimité en fonction de la nature des titres. Certains types de titres ont en effet pu bénéficier d'une exonération avant d'être assujettis à la taxation. Tel fut le cas des plus-values portant sur des titres non cotés (gains soumis à l'impôt en application de l'article 18 de la loi de finances pour 1991). Certains titres demeurent néanmoins exonérés, comme, par exemple, ceux des sociétés de capital-risque.

Entrent actuellement dans le champ de l'impôt sur le revenu, les gains nets en capital réalisés par les personnes physiques, directement ou par l'intermédiaire de sociétés de personnes, lors de la cession à titre onéreux :

- de valeurs mobilières cotées ou assimilées,

- de valeurs mobilières non cotées, à l'exception des gains réalisés sur cession de titres de sociétés de capital-risque,

- de droits portant sur ces valeurs ou de titres représentatifs de telles valeurs.

Il convient de relever en outre que les cessions de participations qualifiées de " substantielles " sont, elles, imposables dans tous les cas. Une participation substantielle existe lorsque le cessionnaire, son conjoint, ses ascendants ou descendants détiennent ou ont détenu au cours des cinq années précédentes, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits aux bénéfices de la société (régime de l'article 160 du code général des impôts ).

La taxation des plus-values a connu un régime d'imposition très favorable, qui a été progressivement restreint à la fois au titre de l'impôt sur le revenu et au titre des prélèvements sociaux.

Ce régime favorable résulte du fait :

- qu'il s'agit d'une imposition au taux forfaitaire de 16 %, d'autant plus intéressante que le taux marginal d'imposition à l'impôt sur le revenu est élevé,

- qu'un plafond d'exonération permet d'éviter une imposition des gains réalisés en cas de cession d'un montant total annuel inférieur à ce plafond. Ce régime conduit donc à une exonération totale ou à une taxation au premier franc selon le montant des cessions réalisées,

- qu'il n'existe actuellement pas de disposition visant à tenir compte de l'intention spéculative du contribuable ou faisant dépendre le taux d'imposition ou l'exonération de la durée de détention des titres cédés.

L'avantage résultant de ces règles a d'abord été restreint par l'abaissement du seuil de cessions entraînant l'imposition. Cette réduction progressive est, aujourd'hui, presque achevée. Le seuil s'élevait à 342.800 francs pour les gains réalisés en 1995, 200.000 francs pour ceux réalisés en 1996, 100.000 francs pour ceux réalisés en 1997 et est maintenant fixé à 50.000 francs pour ceux réalisés en 1998. Votre Rapporteur général considère que le seuil est désormais fixé à un niveau satisfaisant qu'il conviendrait de maintenir compte tenu de l'environnement international, les pays de l'Union européenne ayant, pour la plupart, une législation plus favorable que la nôtre. D'autant plus qu'il a d'ores et déjà été supprimé, depuis le 1er janvier 1996, pour les plus-values résultant des cessions de parts ou actions d'OPCVM monétaires ou obligataires de capitalisation.

L'avantage a été également restreint par l'assujettissement aux " prélèvements sociaux ", en particulier la contribution sociale généralisée, qui augmentent de 10 % le prélèvement fiscal entendu au sens strict (7,5 % de CSG, 0,5 % de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et 2 % de prélèvement fusionnés CNAV-CNAF). Il convient toutefois de relever que la CSG est alors déductible du revenu imposable, ce qui aura pour conséquence de réduire l'assiette de l'impôt sur le revenu de l'année suivant son versement, avec un bénéfice, dans ce cas encore, d'autant plus important que le taux marginal d'imposition sera élevé.

Le régime actuel de taxation des gains de cession de valeurs mobilières est comparativement moins favorable que celui applicable dans les autres Etats de l'Union européenne.

Certains Etats exonèrent totalement d'impôt les plus-values de cession de valeurs mobilières. C'est le cas de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg, sauf pour les opérations spéculatives. En Allemagne, celles-ci sont définies comme la cession de titres détenus depuis moins de six mois. En Belgique, la définition résulte des décisions de justice, au cas par cas, selon le montant et la fréquence des cessions. La notion de participations substantielles est définie, en Allemagne, comme la cession concernant plus de 1 % des actions d'une société par une personne possédant ou ayant possédé dans les cinq années précédentes, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital.

D'autres Etats pratiquent un taux d'imposition moins élevé que le taux français. C'est le cas de l'Italie, où l'exonération a été remplacée, en 1996, par un taux d'imposition de 15 % sans prise en compte des moins-values ou un taux d'imposition de 25 % avec prise en compte de celles-ci).

Le Royaume-Uni seul, pratique une taxation des plus-values supérieure à la taxation française, son taux pouvant s'élever jusqu'à 40 %. Il convient toutefois de relever qu'un abattement de 6.000 livres (12.000 livres pour les couples) est appliqué (soit respectivement 60.600 francs et 121.200 francs), et que certains titres sont exonérés (titres d'Etats et titres de créances négociables).

L'évolution de l'assiette et du produit de l'impôt a suivi la croissance importante des cours sur le marché des valeurs mobilières, ou, à l'inverse, leur diminution. Ces fluctuations ont leur traduction dans l'assiette et le produit de l'impôt (5,9 milliards de francs en 1994 ; 3,9 milliards en 1996).

EVOLUTION DES GAINS DÉCLARÉS ET DE L'IMPÔT

(en millions de francs)

Année d'imposition

1992

1993

1994

1995(*)

1996(*)

Gains nets taxables à 16 %

21.626

23.825

36.899

24.700

24.600

Pertes nettes déclarées

6.015

6.538

4.437

6.760

8.705

Impôt

3.460

3.812

5.904

3.951

3.936

(*) Estimations.

Source : " Annexe " Imposition des plus-values - PLF 1998.

Le nombre de déclarations portant sur les gains et pertes sur cessions mobilières s'est élevé à 112.919 en 1992, 123.926 en 1993, 330.640 en 1994, 492.045 en 1995 et 531.948 en 1996. En 1996, l'augmentation du nombre des déclarations a été dû, dans une large mesure, à la baisse du seuil spécifique pour les cessions de parts ou actions d'OPCVM monétaires ou de capitalisation.

Il convient enfin de relever que la possibilité, récemment reconnue aux sociétés cotées en bourse, de racheter jusqu'à 10 % de leurs propres actions, à des fins de gestion financière de leur capital, devrait entraîner une augmentation sensible des plus-values soumises à l'imposition. Sur un plan général, la croissance de la part prise par les actifs financiers dans le patrimoine des ménages - qui dépasse celle des actifs non financiers en 1997 - ira dans le même sens.

La plupart des Etats européens, y compris la France et sauf l'Italie, accordent aux non-résidents une exonération de taxation des plus-values de cessions d'actifs financiers. Il en résulte une indéniable incitation à la délocalisation de l'épargne vers les Etats limitrophes appliquant une moindre taxation, accompagnée souvent d'obligations déclaratives limitées pour les établissements payeurs.

C'est la raison pour laquelle il convient désormais de replacer toute mesure aggravant la taxation des plus-values dans le contexte concurrentiel qui marque, aujourd'hui, l'activité de la banque et des services d'investissement.

Il est tout à fait compréhensible et légitime de vouloir distinguer les comportements purement spéculatifs des choix d'investissement véritables. Parmi les pistes pour y parvenir, figure la possibilité de distinguer, selon la durée de détention des titres, une cession dans l'année de l'acquisition des titres pouvant légitimement être considérée comme l'indice d'un comportement spéculatif justifiant l'application d'un taux d'imposition, par exemple de l'ordre de 30 %.

Mais il faut s'assurer pour cela que les banques et les services d'investissement français sont bien en mesure d'assumer la tâche supplémentaire de collecte de l'impôt qui leur serait confiée. Il ne faut pas oublier que les banques ont engagé des investissements importants en vue tant de la préparation de l'euro que du passage informatique de l'an 2000.

En outre, nul ne contestera que la bourse de Paris va devoir affronter une concurrence européenne toujours plus vive, dont l'annonce du récent rapprochement entre Londres et Francfort donne une idée.

Il convient donc qu'une taxation appropriée des comportements spéculatifs intervienne suivant les modalités les plus adaptées à cet environnement.

Au demeurant, les particuliers ne sont pas les seuls à pouvoir pratiquer la spéculation boursière. Peut-être conviendrait-il de réfléchir à la possibilité de tenir compte de l'origine industrielle ou, au contraire, purement financière des revenus des sociétés. Par exemple, une piste pourrait consister à moduler l'imputation des avoirs fiscaux sur l'impôt sur les sociétés en fonction de la part plus ou moins importante des revenus de capitaux mobiliers dans les résultats des sociétés.

B.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX

La caractéristique de ces impôts est leur complexité :

- complexité due à la juxtaposition de régimes divers,

- complexité due à la multiplicité des collectivités locales bénéficiaires du produit des droits d'enregistrement sur les mutations à titre onéreux d'immeubles. La réforme de ces droits est ainsi rendue plus difficile, car dès lors qu'on s'orienterait vers une diminution du poids de l'impôt, se pose immédiatement la question des modalités de compensation des pertes de recettes en résultant pour les collectivités locales.

Les mutations d'immeubles représentent, en effet, la quasi-totalité des droits collectés. Sur les 27 milliards de francs recouvrés en 1996, 90 % provenaient des droits assis sur les mutations d'immeubles. En outre, 62 % du produit résultant de ces derniers provient des droits assis sur les mutations d'immeubles d'habitation. Le Conseil des impôts n'a pas manqué de relever que l'évasion fiscale explique sans doute la diminution de la part relative du régime de droit commun, qui s'applique aux immeubles utilisés pour des activités professionnelles, dans le total du produit des mutations d'immeubles revenant aux départements. Entre 1985 et 1996, cette part est passée de 34 % du produit total, en y incluant le régime agricole, à 25 %.

La France a en effet persisté à vouloir appliquer les taux les plus élevés d'Europe pour la taxation des mutations d'immeubles. Le taux du régime de droit commun est fixé à 18,6 %, compte tenu des taxes additionnelles communale et régionale et des frais d'assiette et de recouvrement. Ce taux s'applique à toutes les mutations d'immeubles qui ne relèvent d'aucun autre régime. En pratique, il porte essentiellement sur les ventes de locaux à usage professionnel, industriel et commercial.

TARIFS DES DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX DE BIENS IMMOBILIERS LES PLUS USITÉS

 

Etat

Départements

Communes

Régions

Total

Immeubles d'habitation

0 %

5 %

1,20 %

1,60 %

8,025 % (1)

Immeubles professionnels

0 %

15,40 %

1,20 %

1,60 %

18,685 % (2)

Immeubles ruraux

0 %

13,40 %

1,20 %

1,60 %

16,235 % (3)

(1) Y compris 0,125 % de frais d'assiette et 0,10 % de salaire du conservateur des hypothèques.

(2) Y compris 0,385 % de frais d'assiette et 0,10 % de salaire du conservateur des hypothèques.

(3) Y compris 0,335 % de frais d'assiette et 0,10 % de salaire du conservateur des hypothèques.

A l'étranger, les taux pratiqués sont, par exemple, de 6 % aux Pays-Bas, de 3,5 % en Allemagne et de moins de 2 % au Royaume-Uni .

Il est exact que le niveau de ces taux n'a pas dissuadé, par exemple, les investissements étrangers en France. Néanmoins, en raison même du niveau de ces taux, notamment pour l'immobilier de bureaux, une forme d'" ingéniérie financière " s'est développée visant, ni plus ni moins, à contourner la loi.

En effet, lorsque la transaction s'applique aux parts d'une structure patrimoniale, et non plus à un immeuble, la taxe passe de 18,6 % à 4,8 % et, dans le cas de la cession d'une société anonyme, les droits ne dépassent pas 1 % du total des titres, dans la limite de 20.000 francs.

La " technique " consiste donc à apporter un immeuble à une SARL, elle-même transformée en SA le cas échéant.

Dans son seizième rapport, le Conseil des impôts, estime que la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur l'immobilier à usage professionnel est une priorité.

Votre Rapporteur général partage ce sentiment. Dans ce cas précis, et comme on a pu le voir dans d'autres domaines, la pratique législative française a l'inconvénient d'afficher des taux excessifs et de tolérer, parce que ces taux peuvent être économiquement proches de l'irréalisme, des stratégies de contournement qui peuvent s'analyser, du point de vue général, comme des moyens détournés de ramener l'impôt à son niveau économiquement acceptable.

De telles habitudes sont d'autant plus regrettables qu'elles peuvent conduire à des comportements économiquement stériles, si les agents économiques se prenaient, de plus en plus, à mesurer la rentabilité d'un investissement donné, ou même d'une gestion d'ensemble, à sa seule capacité à susciter des " économies fiscales ".

En outre, ces habitudes ont des conséquences injustes, car ceux qui n'ont pas les moyens de procéder à ces optimisations seront bientôt les seuls à subir l'application intransigeante de taux rigoureux, alors que les plus fortunés pourront y échapper.

Une utile mesure consisterait donc à taxer au taux de 4,8 % les cessions d'actions de sociétés non cotées à prépondérance immobilière, constatées ou non par un acte, et à ramener à 4,8 % le taux applicable aux cessions d'immeubles industriels et commerciaux. La concomitance des deux mesures est indispensable pour retirer la plus grande part de son intérêt aux montages précités. A défaut, on peut douter que la seule baisse du taux applicable aux cessions d'immeubles ôte tout intérêt aux montages précités.

Une des difficultés liée à l'adoption d'une telle mesure tient à la question de la compensation des pertes de recettes pour les collectivités locales.

Le produit des droits de mutation sur l'immobilier d'entreprise représentait, en 1996, 0,6 % des dépenses des collectivités locales, 1,4 % de la fiscalité locale, et 16,8 % du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Pour les communes, il ne représentait que 281 millions de francs, soit 0,1 % de leurs dépenses ou de leur fiscalité directe et 1,6 % du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Pour les départements, il représentait 3,77 milliards de francs, soit 1,6 % de leurs dépenses, 4,7 % de la fiscalité directe et 52,3 % du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Pour les régions, ces chiffres étaient respectivement de 376 millions, 0,5 %, 1,6 % et 19,2 %.

Ces chiffres montrent que l'enjeu n'est pas négligeable pour les départements, cependant il est possible de penser que la perte de recettes pourrait n'être que temporaire, la baisse des taux devant faire bénéficier les collectivités locales des retombées fiscales de l'amélioration du marché immobilier.

Toutefois, une compensation partielle pourrait s'envisager si la logique économique qui sous-tend l'équilibre financier de la mesure ne se réalisait pas dans les deux ans.

Selon votre Rapporteur général, il conviendrait alors d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'un examen d'ensemble des compensations versées, par l'Etat, aux collectivités locales, au titre des allégements de fiscalité.

Les dispositifs de compensation automatique, qui ne tiennent pas compte des inégalités de situations et de richesses, ne sont plus admissibles, alors même que de difficiles efforts sont engagés pour maîtriser l'évolution du budget de l'Etat et que la péréquation n'a jamais été autant nécessaire.

III.- LES TAXES FONCIÈRES

Votre Rapporteur général ne pouvait pas ne pas saisir l'occasion d'un rapport sur la fiscalité du patrimoine pour demander que cesse le report de l'entrée en vigueur de la révision des valeurs locatives qui n'a que trop duré.

A.- UNE RESSOURCE IMPORTANTE POUR LES BUDGETS LOCAUX

En 1996, les taxes foncières ont représenté 46,4 % des impôts sur le patrimoine et 1,15 % du PIB.

La taxe foncière sur les propriétés bâties, qui est due par les propriétaires ou usufruitiers des immeubles bâtis, est, des quatre taxes directes locales, celle dont le produit a le plus augmenté de 1980 à 1995. Cette augmentation est principalement due à l'accroissement de la base communale d'imposition.

VARIATION DE LA PART DE LA TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES DANS LE PRODUIT DES QUATRE TAXES COMPARÉE AUX VARIATIONS DES PRINCIPAUX INDICATEURS DU FONCIER BÂTI EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

 

Situation en 1980

Situation en 1995

Variation entre 1980 et 1995

Part dans le produit des 4 taxes

16,9 %

26 %

+ 54 %

Base communale

118 MdF

258 MdF

+ 119%

Base par habitant

2182F/hab

4429F/hab

+ 103 %

Taux de prélèvement

18,2 %

24,4 %ù

+ 34 %

Produit global

21,4 MdF

62,9 MdF

+ 194 %

Produit par habitant

398 F/hab

1082 F/hab

+ 172 %


Source :GERI - L'évolution des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties de 1979 à 1995
La Documentation française.

La taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui est due par tout propriétaire de terrain non recouvert de constructions, a vu, en revanche, la part de son produit dans celui des quatre taxes directes locales divisée par trois entre 1980 et 1995.

VARIATION DE LA PART DE LA TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS NON BÂTIES DANS LE PRODUIT DES QUATRE TAXES COMPARÉE AUX VARIATIONS DES PRINCIPAUX INDICATEURS DU FONCIER NON BÂTI EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

 

Situation en 1980

Situation en 1995

Variation entre 1980 et 1995

Part dans le produit des 4 taxes

6,1 %

2,1 %

- 66 %

Base communale

13,5 MdF

11 MdF

- 18%

Base par habitant

251F/hab

190F/hab

- 24 %

Taux de prélèvement

56,9 %

45,6 %

- 20 %

Produit global

7,7 MdF

5 MdF

- 35 %

Produit par habitant

143 F/hab

87 F/hab

- 39 %

Source :GERI - L'évolution des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties de 1979 à 1995
La Documentation française.

B.- UNE RÉVISION TOUJOURS REPOUSSÉE

Les enjeux de la révision sont bien connus.

Les bases servant d'assiette aux taxes foncières sont anciennes. Les dernières révisions remontent à 1961 pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties et à 1970 pour la taxe foncière sur les propriétés bâties. Malgré les actualisations réalisées et les revalorisations forfaitaires, ces bases ne correspondent plus à la réalité économique.

Dans ce domaine encore, il serait souhaitable de mettre les actes en accord avec la loi. L'article 1518 du code général des impôts ne prévoit-il pas une révision tous les six ans des valeurs locatives servant de bases d'imposition pour la fiscalité directe locale ?

Enfin, la révision est nécessaire pour corriger des inégalités entre contribuables et entre collectivités locales, ces inégalités étant liées au vieillissement économique des bases. L'absence de correction pénalise les moins fortunés, puisqu'un des enjeux de la révision, en ce qui concerne le foncier bâti, est la question de la tarification applicable aux locaux possédés par les HLM ou les sociétés d'économie mixtes (logements dits du groupe 2).

Il est tout a fait nécessaire que l'incidence de la révision, pour les contribuables, fasse l'objet, en tant que de besoin, de mesures appropriées pour adapter les conditions dans lesquelles se fera le passage d'un système à un autre. Il serait injuste de faire supporter un poids excessif aux petits redevables de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Mais, il est important d'engager enfin cette réforme tant est dommageable le maintien des inégalités résultant de la vétusté des évaluations actuellement utilisées.

PROPOSITIONS

Mieux saisir la capacité contributive et mettre fin aux pratiques abusives

- Mieux saisir la capacité contributive à l'ISF :

- Rendre plus strictes les règles d'évaluation des immeubles occupés par leurs propriétaires : limitation de l'abattement à 20 % au maximum pour la résidence principale ; exclusion des résidences secondaires du bénéfice de cet abattement.

- Inclusion des _uvres d'art dans le forfait mobilier retenu pour l'ISF.

- Limitation à l'auteur de l'_uvre de l'exonération des droits de la propriété littéraire et artistique.

- Lutter contre l'optimisation fiscale excessive :

- Encadrement des modalités de déduction des dettes afférentes à des biens exonérés d'ISF.

- Moralisation et adaptation des règles du plafonnement de l'ISF : prise en compte du revenu brut pour le calcul du plafonnement .

- Taxation à l'ISF chez le nu-propriétaire, sur leur valeur en pleine propriété, des biens ayant fait l'objet d'une donation temporaire d'usufruit.

- Limitation de l'exonération de l'ISF pour les biens professionnels relatifs à l'activité de loueur en meublé.

- Limitation à 500.000 francs par part d'héritage, sans pouvoir dépasser 30 % de l'actif successoral, pour la transmission en franchise de droit de succession des sommes et actifs déposés sur des contrats d'assurance-vie.

- Lutter contre les délocalisations fictives :

- Taxation des actions détenues par des non-résidents dans les sociétés dont l'actif est principalement constitué d'immeubles situés en France.

- Prise en compte du domicile fiscal des héritiers donataires ou légataires pour la taxation des donations ou successions.

Taxer les profits spéculatifs

- Adapter les modalités de taxation en fonction de l'environnement concurrentiel, soit par une taxation des plus-values de cession réalisées, pour une durée de détention inférieure à un an, par les personnes physiques, soit par une diminution du taux de l'avoir fiscal imputé sur l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices financiers.

Favoriser la mobilité et la rentabilité du capital productif

- Relèvement de 35 à 50 % de la réduction de droits de mutation pour les donations partages et les donations à enfant unique, en cas de donateurs âgés de moins de 65 ans.

- Même relèvement sans condition d'âge du donateur pendant une durée temporaire de dix-huit mois.

- Taxation au taux de 4,8 % des cessions d'actions de sociétés non cotées à prépondérance immobilière et baisse de 18,2 % à 4,8 % du taux applicable aux cessions d'immeubles industriels et commerciaux.

- Maintien de l'abattement des trois-quarts pour les bois et forêts en matière d'ISF.

Améliorer les conditions de transmission des patrimoines modestes

- Relèvement à 500.000 francs de l'abattement bénéficiant au conjoint survivant.

- Même relèvement, parallèlement ou dans un avenir rapproché, pour les héritiers en ligne directe n'ayant bénéficié ni de dons manuels, ni de donations depuis plus de dix ans.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information dans sa séance du 16 juillet 1998.

Après l'exposé de votre Rapporteur général, plusieurs commissaires sont intervenus.

M. Gilbert Gantier a estimé que les propositions de votre Rapporteur général comportaient de nombreux points positifs. Il s'est félicité, tout d'abord, que l'impossibilité pour la France d'agir de façon isolée, sans tenir compte des contraintes inhérentes à une économie ouverte, soit prise en compte. Il a relevé que votre Rapporteur général avait fait état du mouvement d'abaissement de l'imposition du patrimoine que l'on observe dans de nombreux pays, citant l'exemple de l'Allemagne qui a suspendu la perception de son impôt sur le capital, et avait reconnu que la France fait partie des pays où cette imposition est la plus importante. Il a vivement approuvé l'idée de relever de 35 à 50% la réduction des droits pour les transmissions d'entreprises effectuées par voie de donation, lorsque le donataire est âgé de moins de 65 ans, ou, sans condition d'âge, à titre temporaire, rappelant qu'il avait défendu la même proposition sous la précédente législature. Il a jugé qu'en l'absence d'une telle mesure, de nombreuses entreprises petites et moyennes risqueraient de passer sous contrôle étranger et que la tentation des délocalisations ne cesserait de progresser. Il a enfin fait part également de son accord avec la proposition de votre Rapporteur général relative à la taxation des cessions d'actions de sociétés non cotées à prépondérance immobilière.

Votre Rapporteur général a souhaité tempérer ces propos et a observé que les propositions qu'il formulait auraient pour effet d'augmenter très sensiblement le rendement de l'ISF, dont le produit pourrait passer de 11 à 15 milliards de francs environ. S'agissant des taxes foncières, il s'est déclaré favorable à une révision des bases locatives, et il a rappelé les orientations qu'il a définies pour renforcer la taxation des profits spéculatifs.

M. Gilbert Gantier a observé qu'il n'avait pas abordé la question de l'ISF, mais uniquement celle de la transmission des entreprises et des biens mobiliers. S'agissant de l'ISF, il a simplement indiqué que, par rapport aux autres pays, la France se distinguait par une imposition plus forte et une assiette plus étroite.

M. Yves Deniaud a également jugé intéressantes les propositions de votre Rapporteur général pour favoriser la mobilité et la rentabilité du capital productif et faciliter la transmission des patrimoines des ménages modestes. A propos de l'ISF, il a jugé peu probable que son produit augmente de près de 50% grâce à de simples mesures d'adaptation. En ce qui concerne les _uvres d'art, il a considéré qu'il fallait veiller à ne pas surtaxer un secteur important et menacé par un réel risque d'évasion, mais à titre personnel, il a jugé acceptable la proposition de votre Rapporteur général de les inclure dans le forfait mobilier. Il a critiqué, en revanche, la proposition de taxer, chez les nus-propriétaires, les biens ayant fait l'objet d'une donation temporaire d'usufruit. Il a par ailleurs souligné les inconvénients qu'il y aurait à limiter le montant des sommes et actifs déposés sur des contrats d'assurance-vie ouvrant droit à une transmission en franchise de droits de succession, rappelant que les compagnies d'assurances étaient d'importants souscripteurs d'obligations d'Etat.

Après s'être inquiété de voir certains membres de l'opposition accueillir avec satisfaction les conclusions du rapport d'information sur la fiscalité du patrimoine, M. Christian Cuvilliez a indiqué que la proposition de loi déposée par les membres du groupe communiste visait à une meilleure justice fiscale, dans le cadre d'un rééquilibrage du poids relatif des prélèvements sur le capital et de ceux pesant sur les revenus du travail, objectif nécessaire compte tenu de l'importance de certaines fortunes professionnelles que révèle la presse spécialisée. Il a également appelé à tenir compte de différences significatives constatées dans la composition des patrimoines, certains d'entre eux constituant des unités dormantes, économiquement inactives, voire parasitaires, tandis que d'autres jouent un rôle économique important. Il a fait valoir que la proposition de loi communiste faisait clairement le choix d'une économie de développement, en distinguant les investissements productifs conduisant à des créations d'emplois et ce qui relève d'une " économie de casino " ou d'une économie de rente. Il a enfin relevé le caractère insuffisant, à cet égard, des propositions présentées en conclusion du rapport d'information.

M. Thierry Carcenac a jugé intéressante la proposition de votre Rapporteur général tendant à une taxation au taux unique de 4,8% des transactions sur les immeubles à usage professionnel. Il s'est cependant inquiété d'une éventuelle absence de compensation des pertes de recettes pour les collectivités locales, rappelant que le transfert du produit des droits de mutation à titre onéreux constituait à l'origine, dans le cadre des lois de décentralisation, une compensation des charges résultant du transfert aux départements des dépenses d'action sociale. Il a ensuite jugé que l'équilibre financier global entre la réduction des prélèvements obligatoires proposée dans le cadre du rapport d'information et l'augmentation de recettes fiscales résultant de l'adaptation des règles relatives à l'ISF ne devaient pas faire obstacle à cette compensation, puis a insisté sur le fait que l'expérience de la réduction temporaire des droits de mutation à titre onéreux à laquelle il avait été procédé en 1995 rendait indispensable une compensation effective, afin de ne pas perturber l'équilibre économique des collectivités.

Concluant son intervention, il a jugé également intéressante la proposition d'un rehaussement à 500.000 francs de l'abattement bénéficiant au conjoint survivant en matière de droits de succession, rappelant que serait ainsi facilité l'accès de certaines personnes à la prestation spécifique dépendance (PSD). Il a fait valoir que cette harmonisation des seuils d'exonération des droits de succession et des règles afférentes à la PSD devait être saluée.

Après avoir rappelé que ses convictions profondes allaient en faveur d'une imposition du capital plutôt que d'un aménagement des règles de l'ISF, même si celui-ci paraissait avoir de plus grandes chances d'aboutir, M. Raymond Douyère a jugé préférable de prévoir une taxation spécifique des contrats d'assurance-vie plutôt qu'une limitation à 500.000 francs du montant du capital transmis en franchise de droits de succession. Il a jugé que cette solution présenterait l'avantage d'offrir un rendement immédiat et d'éviter les difficultés précédemment soulignées par M. Yves Deniaud, appelant, en outre, à ne pas négliger les risques de délocalisation des contrats.

En réponse à ces interventions, votre Rapporteur général a d'abord rappelé que l'harmonisation des taux devait constituer de manière générale un objectif à long terme dans un souci de cohérence, et que, s'agissant des droits de mutation à titre onéreux affectant les immeubles professionnels, une telle harmonisation constituait une nécessité économique. Il a fait valoir que la question de la compensation des pertes de recettes des collectivités locales devait être examinée avec le Gouvernement dans le respect de deux principes : d'une part, la compensation doit tenir compte de la richesse et des capacités contributives des différentes collectivités ; d'autre part, son montant doit être établi dans une perspective à moyen terme, les pertes de ressources constatées lors de la mise en application d'une mesure de réduction des droits étant susceptibles d'être ultérieurement compensées par les recettes nouvelles procurées par le développement des échanges que favorise l'allégement du prélèvement.

Abordant ensuite les questions relatives à l'ISF, votre Rapporteur général a rappelé qu'il était également, sur un plan théorique, favorable à l'imposition de l'ensemble du capital, jugeant qu'un bon impôt devait reposer sur un taux faible et sur une base large, mais que les difficultés pratiques de mise en _uvre de ces principes devaient être prises en compte. Il a fait valoir que les adaptations préconisées, dont la portée est réelle, représentaient une contribution au dialogue entre le Gouvernement et la majorité parlementaire et tendaient à un meilleur rendement de l'ISF et à une plus grande justice. Il a, en outre, rappelé l'augmentation spontanée du rendement de cet impôt, qui prend en compte les plus-values latentes en capital, dont peuvent bénéficier les détenteurs de portefeuilles boursiers. Il a fait valoir que les mesures de moralisation votées par la majorité plurielle dans le cadre de la loi de finances pour 1998 produisaient déjà des résultats significatifs.

Votre Rapporteur général a ensuite observé que la mise en place d'une fiscalité tendant à décourager les activités spéculatives relève d'un autre dispositif, qui pourrait concerner tant les entreprises que les particuliers, et a indiqué que les contrats d'assurance-vie devaient également faire l'objet d'une mesure appropriée afin de limiter les possibilités d'évasion fiscale.

Il a ensuite précisé que le rapport sur la fiscalité du patrimoine constituait une première réponse à la mission que la Commission lui a confiée en début d'année sur la fiscalité du patrimoine et de l'épargne, le second volet devant être abordé ultérieurement, sous la forme d'un nouveau rapport d'information à la préparation duquel il travaille en liaison avec M. Jérôme Cahuzac.

Le Président Augustin Bonrepaux a souligné le caractère équilibré du rapport. Il a jugé favorablement le fait que la fiscalité pesant sur le patrimoine allait augmenter dans certains cas, mais diminuer pour les catégories sociales modestes ou moyennes, qui seraient ainsi bénéficiaires des mesures proposées.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information.

ANNEXES

- Annexe n° 1 : Comparaisons internationales
des impôts sur l'actif net
99

- Annexe n° 2 : Comparaisons internationales
des droits de succession
103

- Annexe n° 3 : Comparaisons internationales
des droits de mutation à titre onéreux sur les mutations d'immeubles industriels et commerciaux
105

graphique

ANNEXE N° 1

COMPARAISONS INTERNATIONALES DES IMPÔTS SUR L'ACTIF NET

Pays

Date de création.
Redevables.
Produit

Assiette.
Mode d'évaluation

Exonérations

Abattement.
Seuils

Taux.
Plafonnement

Remarques

Allemagne

1893.

Personnes physiques et entreprises

6,6 milliards de DM en 1994,

0,2 % du PIB,

répartis entre les ménages (44 %) et les entreprises (56 %).

Patrimoine agricole et forestier,

patrimoine immobilier bâti,

capital d'exploitation.

Exonération des objet d'art si leur valeur n'excède pas 20 000 DM (66.000 francs).Exonération dans la limite de 60 % de leur valeur s'ils ont un intérêt national.Exonération s'ils ont plus de trente ans, s'ils sont possédés par la même famille depuis plus de 20 ans et exposés.Les biens professionnels (entreprises individuelles) bénéficient d'une réfaction d'assiette de 25 % au-delà de 500.000 DM ; pas d'exonération des participations dans les sociétés de capitaux.

120.000 DM (396.000 francs) pour chaque personne du foyer fiscal; abattement complémentaire pour les personnes âgées ;

500.000 DM (1,65 million de francs) pour les entrepreneurs individuels.

0,5 % pour le patrimoine productif.

1 % sur le reste. Pas de plafonnement.

L'impôt n'est plus recouvré depuis le 1er janvier 1997.

Danemark

1903.

Personnes physiques.

700 millions de francs (0,1 % du PIB)

Patrimoine net du passif.

Biens d'intérêt national.

Exonération de 40 % de la valeur des entreprises individuelles.

1,4 million de francs.

1 %.

IR + IF < 71 % du revenu imposable

L'impôt a été supprimé au 1er janvier 1997.

graphique

Pays

Date de création.

Redevables.

Produit.

Assiette.

Mode d'évaluation

Exonérations

Abattement.

Seuils.

Taux.

Plafonnement.

Remarques

Espagne

1978.

Personnes physiques.

4,2 milliards de francs

0,15 % du PIB

Valeur vénale des éléments du patrimoine.

Les biens immobiliers sont retenus pour la plus forte des trois valeurs suivantes : valeur cadastrale, valeur fiscale ou valeur d'acquisition.

Valeur au bilan pour les actifs professionnels.

Nombreuses exonérations : biens d'intérêt culturel, _uvres d'art possédés par le créateur.

Effets et biens personnels, droits à pension, droit de propriété intellectuelle ou industrielle non exploités.

Valeur nette des entreprises individuelles lorsqu'elles sont dirigées directement par le contribuable qui en retire plus de 50 % de ses revenus.

Participations supérieures à 15 % dans le capital de sociétés non cotées dans les mêmes conditions que précédemment.

17 millions de pesetas

(676.000 francs).

Huit taux de 0,2 % à 2,5 %.

IR+IF < 70 % du revenu imposable ; la réduction d'impôt ne peut excéder 80 % de la cotisation avant plafonnement.

 

graphique

Pays

Date de création.

Redevables.

Produit.

Assiette.

Mode d'évaluation.

Exonérations

Abattement.

Seuils

Taux.

Plafonnement.

Remarques

France

1989.

Personnes physiques.

9 milliards de francs en 1996

0,11 % du PIB

Valeur vénale des éléments du patrimoine.

Déduction du passif

Biens professionnels sous conditions, _uvres d'art.

Forêts et biens ruraux pour une fraction de leur valeur, sous conditions.

Pensions.

Seuil d'imposition de 4,7 millions de francs.

Cinq taux de 0,5 % à 1,5 %.

IR+ISF < 85 % du revenu imposable, avec limitation de la réduction d'impôt qui ne peut être supérieure au maximum de

67 340 francs ou de 50 % de l'impôt initial

 

Luxembourg

Personnes physiques et sociétés.

3,6 milliards de francs.

0,7 % du PIB

Patrimoine imposable, net de passif ; y compris les biens composant une entreprise individuelle.

Abattement de 225.000 francs pour les participations dans les sociétés de capitaux, cotées, résidentes du Luxembourg.

33.000 francs.

Taux unique 0,5 %.

Pas de plafonnement.

En 1998, la valeur nette imposable des entreprises individuelles et des parts de sociétés de personnes a été réduite de 50 %. Les sociétés de capitaux ne bénéficient pas de cet abattement, mais peuvent, depuis le 1er janvier 1998, déduire le montant de l'impôt sur la fortune du montant de l'impôt sur les sociétés relatif au même exercice.

graphique

Pays

Date de création.

Redevables.

Produit.

Assiette.

Mode d'évaluation

Exonérations

Abattement.

Seuils.

Taux.

Plafonnement

Remarques

Pays-Bas

1891.

Personnes physiques.

1,6 milliard de florins.

0,26 % du PIB

Patrimoine mondial des intéressés, retenu pour sa valeur vénale, sauf exceptions.

Résidence principale retenue pour 60 % de sa valeur de marché.

Droits à pensions ou à allocations familiales, meubles meublants,

objets d'art et de collection, argenterie, pierres précieuses si leur valeur n'excède pas 8.000 florins (24.000 francs).

Exonération de 68 % de la valeur des entreprises individuelles au-delà de 630.000 francs.

Même abattement pour les participations dans les sociétés de capitaux si elles dépassent 33,3 % du capital.

Seuil d'imposition à 246.000 francs auquel s'ajoutent :

abattement pour enfant à charge (7000 florins)

abattement spécifique à l'outil de travail de 204.000 florins et réfaction d'assiette de 68 % au-delà.

Taux unique de 0,7 %.

IR+IF < 68 % du revenu imposable.

En 1998, le nombre des contribuables imposables a été réduit par le relèvement de 48 % du niveau du seuil d'imposition (de 163.000 francs à 246.000 francs). La charge de l'impôt a été diminuée par l'abaissement du taux proportionnel de 0,8 % à 0,7 %.

Etats-Unis

Personnes physiques et entreprises.

203 milliards de dollars.

2,8 % du PIB répartis entre les ménages

(42 %) et les entreprises (58 %).

Valeur vénale du patrimoine mobilier et immobilier, privé ou professionnel ; dans certains Etats existent des taxes particulières à certains biens.

Participations dans des sociétés américaines (pour éviter la double imposition).

Aucun abattement.

Cet impôt concerne tous les résidents.

Déterminé dans chaque Etat fédéré.

Très largement foncier, cet impôt n'est généralement pas considéré comme un impôt sur la fortune, au sens européen de l'expression.

Source : d'après le Conseil des impôts - Seizième Rapport.

Annexe n° 2

COMPARAISONS INTERNATIONALES DES DROITS DE SUCCESSION

   

Abattements

 
 

Assiette

(a) conjoint survivant

Barème applicable au conjoint

   

(b) enfants

survivant et aux enfants

   

(c) frères et soeurs

 
   

(d) autres

 

FRANCE

Part de chaque héritier

(a) : 330.000 F

_ 50.000 F

5 %

   

(b) : 300.000 F
(c) : 100.000 F

_ 100.000 F

(75.000 F pour les enfants)

10 %

   

(d) : 10.000 F

_ 200.000 F
(100.000 F pour les enfants)

15 %

     

_ 3.400.000 F

20 %

     

_ 5.600.000 F

30 %

     

_ 11.200.000 F

35 %

     

> 11.200.000 F

40 %

ALLEMAGNE

Part de chaque héritier

(a) : 2.040.000 F

(+ 1.700.000 F )

_ 340.000 F

7 %

   

(b) : 1.360.000 F

_ 1.700.000 F

11 %

   

(c) : 68.000 F

_ 3.400.000 F

15 %

   

(d) : 34.000 F

_ 34.000.000 F

19 %

     

_ 85.000.000 F

23 %

     

_ 170.000.000 F

28 %

     

> 170.000.000 F

30 %

ROYAUME-UNI

Ensemble de la succession

2.068.300 F

> 2.068.300 F

40 %

ITALIE

Ensemble de la chaque

Aucun. Mais tranche à

_ 850.000 F

0 %

 

succession et part de

taux 0 dont le seuil varie

_ 1.200.000 F

3 %

 

héritier si (c) ou (d).

en fonction du degré de

_ 1.700.000 F

7 %

   

parenté.

_ 2.700.000 F

10 %

     

_ 5.100.000 F

15 %

     

_ 10.200.000 F

22 %

     

> 10.200.000 F

27 %

PAYS-BAS

Part de chaque héritier

(a) 1.666.000 F

_ 119.000 F

5 %

   

(b) 47.600 F minimum

_ 238.000 F

8 %

   

(c) 4.700 F minimum

_ 476.000 F

12 %

   

(d) de 4.700 F

_ 952.000 F

15 %

   

à 46.900 F

_ 1.904.000 F

19 %

     

_ 4.760.000 F

23 %

     

> 4.760.000 F

27 %

Source : Conseil des impôts, Seizième Rapport.

Annexe n° 3

COMPARAISONS INTERNATIONALES DES DROITS DE MUTATION A TITRE ONEREUX SUR LES MUTATIONS D'IMMEUBLES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

 

ASSIETTE

TAUX

Allemagne

Prix d'acquisition

3,5 %

Espagne

Valeur du bilan

6 %

France

Prix et autres charges

18,20 %

Luxembourg

Prix d'achat

6 %

Pays-Bas

Valeur vénale

6 %

Royaume-Uni

Prix de cession

1 %, 1,5 % ou 2 %

Suisse

Prix d'achat

0,8 % en général

Etats-Unis

Variable selon les Etats

Variable selon les Etats. Ex : 1 % à New-York

Japon

Valeur du bien

En général 5 %,

terrains : 4 %

Source : Conseil des impôts, Seizième Rapport.

___________

N° 1065.- Rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, sur la fiscalité du patrimoine et de l'épargne (première partie : la fiscalité du patrimoine).

1 ) Actualité bancaire n° 379, 25 juin 1998.

2 ) Actualité bancaire n° 378, 17 juin 1998.

3 ) Luc Arrondel et Anne Lafferrère, La transmission des grandes fortunes- Profil des riches défunts en France, Economie et statistique n° 273. L'étude se fonde sur un échantillon anonyme de déclarations de succession de 1987.

4 ) INSEE, Synthèses, Revenus et patrimoines des ménages, Les ménages fortunés et la gestion de leur patrimoine, Edition 1997.

5 ) Il s'agit de la moitié du revenu divisant la population française en deux groupes numériquement égaux.

6 ) Personnes inscrites à l'ANPE depuis plus d'un an.

7 ) La charge totale du R.M.I., pour la collectivité, dépasse la seule dotation budgétaire destinée à financer l'allocation, compte tenu de la participation financière des collectivités locales.

8 ) Ce fut le cas en France avec l'impôt de solidarité nationale institué par l'ordonnance du 15 août 1945.

9 ) L'article 719 du code général des impôts fixe le barème suivant : taux de 0 % et application du minimum de perception de 100 F pour une valeur n'excédant pas 150.000 F, taux de 7 % pour une valeur comprise entre 150.000 F et 700.000 F ; taux de 11,40 % pour une valeur supérieure à 700.000 F.

10 ) Un certain nombre de taxes additionnelles aux taxes foncières sont perçues au profit de certaines collectivités ou organismes. Par exemple, les taxes spéciales d'équipement, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe perçue au profit du BAPSA, ou la taxe pour frais de chambres d'agriculture.

11 ) Des exonérations peuvent, par exemple, être liées à la nature des biens (résidence principale, première cession d'un logement par des contribuables non propriétaires de leur résidence principale, terrains agricoles et forestiers) ou se réferer à la qualité du cédant (retraités non assujettis à l'impôt sur le revenu).

12 ) Le reliquat est représenté par la redevance télévision.

13 ) La définition précise de la notion de biens professionnels est rappelée ci-après, p. 45.

14 ) Il s'agit de placements financiers sous forme de souscription de bons offrant à leurs porteurs la possibilité de détenir des avoirs qui peuvent demeurer anonymes vis-à-vis de l'administration fiscale. Afin de ne pas priver l'économie française de cette source de financement, la faculté d'anonymat n'a pas été remise en cause. Mais pour éviter que les redevables de l'impôt sur la fortune n'y aient recours pour échapper à cet impôt, les bons anonymes sont soumis d'office à un prélèvement sur leur valeur en capital.

15 ) Ces données issues, des résultats de 1993, présentent un caractère structurel leur conférant une bonne pérennité à législation inchangée.

16 ) Philippe Auberger " l'ISF ne doit pas épargner les milliardaires ", La Tribune 13 décembre 1996.

17 ) 5801 à 5803 - Tapis et tapisseries.

99-01 - Tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main, à l'exclusion des dessins industriels du n° 49-06 du tarif extérieur commun et des articles manufacturés décorés à la main.

99-02 - Gravures estampes et lithographies originales.

99-03 - Productions originales de l'art statuaire et de la sculpture, en toutes matières.

99-04 - Timbres postes et analogues, timbres fiscaux et analogues, oblitérés ou bien non oblitérés, mais n'ayant pas cours, ni destinés à avoir cours dans le pays de destination.

99-05 Collections et spécimens pour collections de zoologie et de botanique, de minéralogie et d'anatomie ; objets pour collections présentant un intérêt historique, archéologique, paléontologique, ethnographique et numismatique.

99-06 - Objets d'antiquité ayant plus de cent ans d'âge.

18 ) En matière de dations d'_uvres d'art en paiement de droits d'enregistrement ou de l'ISF, les valeurs sont arrêtées après avis de la Commission interministérielle pour la conservation du patrimoine artistique national.

19 ) Les règles régissant la compétence impliquent que le contrôle de la valeur d'un immeuble figurant dans une déclaration ISF déposée dans un centre, mais situé dans le ressort territorial d'un autre centre, sera effectué par l'agent FI du lieu de situation de l'immeuble.

20 ) Cour de Cassation, chambre commerciale, 13 février 1996. La Cour a décidé que pour la détermination de la base imposable à l'ISF, la valeur de l'appartement occupé à titre de résidence principale par son propriétaire doit tenir compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation.