N° 1105

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 octobre 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
sur la
fraude et l'évasion fiscales

ET PRÉSENTÉ

PAR M. JEAN-PIERRE BRARD,

Député.

--

La commission des finances, de l'économie et du plan est composée de :

M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Eric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

SOMMAIRE

____

Pages

INTRODUCTION 7

I.- La fraude et l'évasion fiscales : des phénomènes complexes en pleine Évolution 13

A.- Les difficultés d'une approche rigoureuse 13

1.- Des notions à plusieurs facettes 13

a) La difficulté d'approche de la fraude fiscale 13

b) L'incertitude de la notion d'évasion fiscale 16

c) Le rôle des notions communes à la lutte contre la fraude et à la répression de l'évasion fiscale : l'abus de droit et l'acte anormal de gestion 18

d) Une approche précise de l'évasion fiscale internationale 19

2.- La difficulté de présenter une estimation incontestable 21

B.- Un contexte économique et financier favorable au développement de la fraude et de l'évasion fiscales 25

1.- Un contexte juridique favorable : la complexité croissante de la législation 25

2.- Un contexte économique délicat : des mutations économiques, financières et commerciales 29

a) La pérennisation de la crise économique et le poids des prélèvements obligatoires, facteurs de fraude et d'évasion 30

b) Les incidences de la modernisation des techniques commerciales et financières 31

II.- le contrôle fiscal : des moyens importants justifiés par LA CONSISTANCE DES DROITS RAPPELÉS 39

A.- les moyens des administrations fiscales et douanières en matière de contrôle 40

1.- Des moyens budgétaires en augmentation 41

a) Au sein de la direction générale des impôts 41

b) Au sein de la direction générale des douanes et droits indirects 42

2.- L'organisation : les structures spécialisées 43

a) Les comités d'évaluation des risques de fraude 43

b) Les structures de la Direction générale des impôts exerçant les missions de recherche et de renseignement 43

c) Les services de la Direction générale des impôts en charge des opérations de contrôle fiscal 45

d) Les services relevant de la direction générale des douanes et droits indirects 49

e) L'importance accrue de l'assistance internationale et européenne 50

f) Le dispositif de coopération contre la fraude à la TVA intra-communautaire 53

g) La coopération entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects en matière de TVA intra-communautaire 54

h) Les structures communautaires de lutte contre la fraude 55

B.- les résultats du contrôle fiscal : une augmentation significative, mais d'importantes difficultés de recouvrement 57

1.- L'augmentation significative des résultats du contrôle fiscal 57

a) Les résultats des contrôles opérés par la direction générale des impôts 57

b) Les résultats des contrôles opérés par la direction générale des douanes 68

2.- Le rôle important de la juridiction gracieuse 72

3.- Des poursuites pénales assez peu nombreuses, mais concentrées sur les fraudes graves 76

4.- Un recouvrement difficile des droits rappelés 81

III.- les premières propositions : aménager les conditions d'exercice du CONTRÔLE fiscal, mieux garantir les droits des contribuables et développer l'information sur l'impôt et le contrôle fiscal 89

A.- renforcer l'efficacité des interventions de l'administration fiscale 90

1.- Renforcer les interventions et les moyens de l'administration fiscale 90

a) Accroître la fréquence des contrôles fiscaux 90

b) Augmenter les effectifs affectés aux opérations de contrôle fiscal 91

c) Poursuivre la modernisation des méthodes du contrôle fiscal 92

d) Aménager les règles relatives à certains impôts 93

e) Renforcer la lutte contre la fraude des entreprises -  déceler les sociétés dites " éphémères " 95

f) Renforcer la coordination entre l'administration fiscale et les administrations sociales 96

g) Améliorer le recouvrement des droits rappelés 96

h) Renforcer les obligations de paiement par chèque ou carte bancaire 97

i) Prévoir une déclaration, par les contribuables eux-mêmes, des mouvements en espèces et des mouvements avec l'étranger affectant leurs comptes bancaires 98

j) Renforcer la mise en oeuvre de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale 99

2.- Soutenir des initiatives juridiques au plan communautaire 99

a) Prévoir un document d'accompagnement des marchandises pour lutter contre la fraude en matière de TVA intra-communautaire 99

b) Améliorer la fiscalité de l'épargne 101

3.- Envisager une modification des règles régissant l'abus de droit 102

B.- autoriser l'administration fiscale à utiliser le numéro d'identification au répertoire des personnes (NIR) 103

C.- renforcer les garanties offertes au contribuable 104

1.- Les propositions 105

2.- Les orientations possibles, pour le futur 108

D.- Développer l'information sur l'impôt et sur les résultats du contrôle fiscal 112

1.- Aménager l'information des citoyens sur l'impôt payé par les autres contribuables 112

2.- Renforcer l'information du Parlement sur les résultats du contrôle fiscal 113

E.- renforcer la lutte contre l'Évasion fiscale internationale 113

EXAMEN EN COMMISSION 117

ANNEXE 1 121

ANNEXE 2 125

INTRODUCTION

Sur le plan du droit, l'égalité devant l'impôt est l'une des principales conquêtes de la Révolution française, avec la substitution d'une société fondée sur la citoyenneté et le principe de l'égalité devant loi, à une société d'ordres, fondée sur l'inégalité devant la loi et devant l'impôt, le statut de chacun dépendant de son appartenance au Premier ordre, l'ecclésiastique, au Second ordre, la noblesse, ou au Troisième ordre, le tiers-état, le plus nombreux.

Sur le plan politique, la consécration de ce principe a été essentielle à la pérennité de l'Etat, les années prérévolutionnaires ayant été une période de contestation non seulement philosophique, politique et sociale, mais également fiscale, puisque l'impôt, inégalement réparti, n'était plus perçu comme un prélèvement juste ni justifié.

Après plus de deux siècles, même si elle n'est pas remise en cause, ni sur le plan politique, ni sur le plan juridique, cette avancée essentielle paraît toujours assez fragile tant sa mise en oeuvre effective n'est pas encore réalisée.

En effet, au-delà de l'affirmation du principe de l'égalité devant l'impôt et de la mise en place d'un dispositif législatif et juridictionnel destiné à le garantir, force est de constater que l'existence d'une fraude et d'une évasion fiscales d'ampleurs significatives, qui débordent de beaucoup les limites de la délinquance et de la criminalité portant atteinte à l'ordre public, révèle que nombre de contribuables, entreprises ou particuliers, considèrent comme naturel de s'affranchir de cette obligation et de faire reporter sur l'ensemble de la collectivité et des autres contribuables le poids des charges qu'ils devraient normalement supporter.

Cette situation n'est pas saine.

Vécue au quotidien dans les cités, où tranche le niveau de vie des organisateurs de l'économie illégale de la drogue ou des autres trafics, perçue dans l'ensemble des autres milieux socio-professionnels, où chacun connaît des cas de fraude ou d'évasion plus où moins importants, et abondamment commentée par la presse pour les cas les plus connus touchant des personnalités du monde économique, sportif, culturel ou politique, elle s'accompagne, dans l'opinion, d'un sentiment de démission et ne laisse pas d'engendrer, face à ce qui est ressenti comme le résultat d'une injustice et d'une inégalité profonde de traitement, un sentiment de défiance à l'égard des institutions, des élus, de la fonction publique et de l'ensemble des structures d'encadrement de la société. A terme, la cohésion sociale pourrait en être menacée si les écarts de condition et de fortune finissaient par n'apparaître que comme le seul résultat de l'illégalité et ne plus rien devoir à l'initiative, à l'invention ou au mérite. De même, le sentiment d'une impuissance de l'Etat à mettre fin à ce qui apparaît comme une situation manifestement inacceptable ne peut qu'engendrer des comportements graves à l'égard du bien public et des valeurs fondamentales qui constituent le fondement et l'armature de notre système républicain.

Le législateur ne saurait donc rester indifférent face à cette situation qui met en cause la loi fiscale et les modalités de son application, et il convient d'affirmer à nouveau que la fraude et l'évasion fiscales ne sauraient bénéficier d'aucune impunité ni complaisance de la part de l'Etat et des services chargés de sa répression, au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

On ne rappellera jamais suffisamment, en effet, que le consentement des citoyens à l'impôt, qui est à l'origine de l'institution parlementaire, implique une grande vigilance, la fiscalité étant d'autant plus facilement acceptée qu'elle est ressentie comme équitable et légitime. Le respect de ces deux conditions est certes exigeant, mais il est totalement indispensable.

Le premier objectif de ce rapport sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales présente donc avant tout un caractère politique et législatif : il s'agit de proposer plusieurs mesures allant dans le sens d'un rétablissement de l'égalité fiscale, afin d'améliorer les conditions dans lesquelles les services de la direction générale des impôts et ceux de la direction générale des douanes et droits indirects interviennent pour lutter contre ces phénomènes.

En parallèle, cependant, le présent rapport vise un autre objectif, beaucoup plus pragmatique, à savoir l'amélioration du rendement des impôts les plus significatifs à taux constants. Ce second objectif apparaît en effet comme une nécessité, dès lors qu'il représente la seule voie permettant de bénéficier de recettes nouvelles et de retrouver, pour l'Etat comme pour les collectivités territoriales, quelque marge de manoeuvre financière dans un contexte européen où la réalisation de la monnaie unique réduit sensiblement les possibilités traditionnelles de la politique budgétaire et impose de poursuivre une réduction drastique du déficit public, et dans la mesure où le marché unique conduit à limiter les écarts entre les taux des impôts et des prélèvements sociaux, dans les différents Etats membres.

En outre, en arrière-plan, mais de manière non moins importante, il faut souligner que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales exige des règles simples et pérennes, tant il est vrai que l'instabilité et la complexité des règles favorisent les comportements peu citoyens et nuisent à l'efficacité du contrôle fiscal.

Pour situer ses propres travaux par rapport à ceux déjà réalisés par des parlementaires sur la question de la fraude fiscale, votre Rapporteur considère que le présent rapport s'inscrit dans la continuité du rapport d'information (n° 804) sur " Le contrôle fiscal " présenté par M. Guy Bêche, député, en conclusion des travaux d'une mission d'information le 21 juin 1989, plutôt que dans celle du rapport remis au Premier ministre en 1996 par MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés, sur " Les fraudes et les pratiques abusives ".

Son objet ne concerne en effet que les seules fraudes et évasions fiscales afférentes aux impôts et taxes perçus, pour l'essentiel, par l'Etat et par les collectivités territoriales. Les questions relatives aux prélèvements sociaux et aux cotisations sociales ne seront pas abordées, même s'il faut convenir de ce que de nombreuses pratiques, telles que le travail non déclaré et l'activité professionnelle dissimulée, concernent de manière également significative la fraude fiscale et la fraude sociale.

Ce choix pourra paraître restrictif. Il est cependant justifié au regard de plusieurs impératifs, parmi lesquels les plus significatifs sont la nécessité de se limiter à un sujet déjà suffisamment vaste, l'autonomie de la matière fiscale, réglée par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, enfin la séparation organique entre, d'une part, les administrations chargées de l'établissement et du recouvrement des impôts et, d'autre part, celles chargées des prélèvements sociaux.

Naturellement, les propositions de votre Rapporteur ne sauraient apparaître que comme un complément aux initiatives prises par le Gouvernement en la matière. Il faut en effet saluer l'action de celui-ci, car a été mis en oeuvre en peu de temps, depuis le 1er octobre 1997, un plan d'action fondé sur le renforcement de la lutte contre les nouveaux risques de fraudes organisées, notamment en matière d'économie souterraine, de fraude fiscale internationale et de TVA intra-communautaire, sur le renforcement de la coopération entre les administrations concernées et sur l'amélioration du recouvrement des rappels d'impositions faisant suite à des contrôles fiscaux. Il convient en outre d'apprécier les mesures d'aménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de l'assurance vie, qui sont destinées à limiter l'évasion fiscale, dans le domaine de la fiscalité du patrimoine. Celles-ci ont été annoncées par le Gouvernement dès le 22 juillet dernier.

Sur le plan de la méthode, face à une tâche assez lourde, qui requiert un important travail d'investigation en dépit de la qualité de la collaboration des services compétents du ministère de l'économie des finances et de l'industrie, notamment du service de la législation fiscale, de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes et droits indirects, et compte tenu de la nécessité de suspendre ses travaux pendant l'automne en raison de l'encombrement du calendrier de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan pendant la période budgétaire, votre Rapporteur avait deux options : soit remettre un rapport définitif à l'issue de ses travaux, au cours de l'année 1999 ; soit remettre un rapport d'étape afin de tenir compte des premiers résultats de ses investigations dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 1999 ou du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Malgré la difficulté de l'exercice, puisqu'un rapport d'étape présente toujours le risque d'apparaître comme incomplet soit sur le plan des propositions, soit sur un plan plus politique, étant donné l'impossibilité d'avancer des propositions suffisamment solides et étayées pour l'ensemble des questions relevant d'un sujet extrêmement vaste, votre Rapporteur a retenu la seconde solution.

Il lui a, en effet, paru indispensable d'évoquer d'ores et déjà ses premières conclusions, qui reposent sur un constat et des observations largement partagés par les différents interlocuteurs qu'il a pu rencontrer, de mentionner un certain nombre de pistes de réflexion qui apparaissent comme potentiellement fructueuses, de recueillir sur l'ensemble du sujet les suggestions que pourraient lui faire ses collègues, ainsi que de présenter sans délai des propositions dont la mise en oeuvre pourrait intervenir rapidement.

S'agissant de la méthode et du contenu de ce rapport d'étape, on soulignera la discrétion à laquelle doit se tenir un tel travail. Le lecteur pourra parfois trouver un peu elliptique la manière dont sont évoquées certaines fraudes ou certains procédés, et sera sans doute quelquefois un peu déçu. Néanmoins, votre Rapporteur tient à préciser qu'il a préféré faire ce choix tant il serait incongru, et irresponsable, que, d'une manière aussi ténue soit-elle, un rapport parlementaire puisse donner des idées de procédés ou de montages juridiques sur la base desquelles des tentatives de fraude ou d'évasion seraient opérées.

Au bénéfice de ces observations et s'agissant d'un rapport d'étape, d'un travail dont la portée est nécessairement provisoire et modeste, c'est d'une manière très classique que votre Rapporteur s'en tiendra, d'une part, à indiquer que la fraude et l'évasion fiscales constituent des phénomènes d'autant plus difficiles à appréhender que leur définition et leur mesure précise s'avèrent des plus délicates et que de nombreuses évolutions économiques, financières et techniques récentes sont susceptibles de faciliter leur développement, d'autre part, à rappeler l'importance de l'effort consacré par l'Etat au contrôle fiscal, effort qui n'est pas sans résultat, et, enfin, à insister sur le fait que le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale n'exige qu'une amélioration progressive des conditions d'exercice du contrôle fiscal, dans le cadre de modifications législatives nécessairement ponctuelles et de portée limitée.

I.- LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES : DES PHÉNOMÈNES COMPLEXES EN PLEINE ÉVOLUTION

La fraude et l'évasion fiscales sont plus complexes à approcher qu'il n'y paraît. En effet, à la question la plus simple : " Quel en est le montant ? ", aucune réponse certaine ne peut raisonnablement être apportée.

Plusieurs facteurs à cela, car il faut compter non seulement avec les difficultés classiques de définition et le manque de précision des différentes techniques d'évaluation envisageables, mais également avec le constant renouvellement de la matière.

A. LES DIFFICULTÉS D'UNE APPROCHE RIGOUREUSE

1.- Des notions à plusieurs facettes

a) La difficulté d'approche de la fraude fiscale

La fraude fiscale ne peut être appréhendée avec certitude, ni d'un point de vue statistique, ni d'un point de vue juridique.

Cependant, les différentes techniques dont on dispose permettent de constater qu'elle représente un phénomène qui se mesure, et se compte, en dizaines de milliards de francs.

·  L'approche statistique de la fraude fiscale

En ce qui concerne le chiffrage de la fraude fiscale, la seule approche incontestable est donnée par les montants issus du résultat des contrôles fiscaux opérés chaque année pour chacune des impositions dues.

En 1996, le résultat des contrôles fiscaux s'est établi, pour l'ensemble des impôts d'Etat et des impôts locaux, à quelque 67,2 milliards de francs, à raison de 39, 9 milliards de francs pour les contrôles externes effectués soit dans le cadre des vérifications des comptabilités des entreprises, soit dans le cadre de la procédure de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle (ESFP), et de 27,3 milliards de francs pour les contrôles sur pièces. Il a connu une forte progression pendant la dernière décennie, comme l'indique le tableau suivant :

DROITS NETS RAPPELÉS À L'OCCASION

DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL

(en milliards de francs)

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôle sur pièces

8,4

11,4

12,9

14,1

11,8

14,9

15,9

16,9

18,1

19,6

19,6

27,3

Contrôle fiscal externe

16,1

18,7

18,7

19,4

19,7

19

22,5

26,7

29,6

34,8

36,1

39,9

Total

24,5

30,1

31,6

33,5

31,5

33,9

38,4

43,6

47,7

54,4

55,7

67,2

Source : Direction générale des impôts.

Ces éléments permettent d'établir que les droits éludés donnant lieu à redressements atteignent chaque année plusieurs dizaines de milliards de francs. On constate également que les redressements opérés ont représenté 3,03% des recettes fiscales nettes du budget général de l'Etat en 1987 (1.042,9 milliards de francs) et 4,94% en 1996 (1.359,6 milliards de francs).

Ces montants n'offrent cependant pas une image exacte de la fraude fiscale.

D'une part, ils sont loin de représenter l'ensemble du phénomène, puisqu'ils ne sont établis que sur un nombre d'opérations peu élevé eu égard au nombre des déclarations en cause. On observera en effet, qu'en 1997, l'impôt sur le revenu a fait l'objet de près de 30,82 millions de déclarations donnant lieu à 14,96 millions d'avis d'imposition et à 14,43 millions d'avis de non imposition, avec, en outre, 1,42 million de notifications de restitutions, et que le nombre d'entreprises imposables à la TVA était de 3,2 millions. Le nombre des vérifications de comptabilité s'est établi cette même année à 42.968 et le nombre des procédures d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) à 4.707. S'agissant du contrôle sur pièces, la direction générale des impôts ne fournit, pour des raisons pratiques évidentes tant leur élaboration serait lourde, aucune statistique, mais il est clair que toutes les déclarations ne font pas l'objet d'un contrôle approfondi, 2 millions de dossiers environ étant examinés chaque année.

D'autre part, les résultats des redressements opérés tendent, dans une certaine mesure, à surestimer l'importance de la fraude, car une fraction notable des contrôles sur pièces correspond à des rectifications d'erreurs ou d'omissions ne relevant pas de comportements de réduction volontaire et systématique de l'impôt, et une certaine partie des contrôles externes, notamment certains des contrôles effectués en entreprises, peuvent conduire à des rehaussements liés à des difficultés d'interprétation des textes.

·  L'approche juridique

Du point de vue du droit, l'approche de la fraude fiscale est également assez complexe, la question étant abordée par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales d'une manière plurielle. Le problème est de cerner convenablement l'ensemble des comportements de fraude qui, tendant à minorer l'impôt, reposent sur des sous-estimations de prix ou de recettes et des surestimations de charges déductibles, ainsi que sur des dissimulations totales ou partielles d'activités lucratives ou d'éléments du patrimoine.

Au sens strict, la fraude fiscale relève de l'infraction correctionnelle. C'est en effet un délit défini à l'article 1741 du code général des impôts, constitué lorsqu'il y soustraction ou tentative de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de tout ou partie de l'impôt. Sont notamment répertoriés comme cas de fraude fiscale l'omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, la dissimulation d'une partie des sommes sujettes à l'impôt, l'organisation de l'insolvabilité, les manoeuvres faisant obstacle au recouvrement de l'impôt. En outre, la référence aux agissements " de toute manière frauduleux " assure une conception extensive du délit. De manière classique en matière pénale, l'intention joue un rôle essentiel. Le caractère intentionnel de la fraude doit ainsi être prouvé par l'administration ou le parquet, lorsque des poursuites sont engagées. Celles-ci ne sont toutefois engagées que sur l'avis favorable d'une commission composée de magistrats du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, la Commission des infractions fiscales (CIF).

Si l'on s'en tient à cette définition, la fraude fiscale est assez réduite, le nombre des plaintes déposées chaque année, après l'avis de la CIF, étant inférieur à 1.000, bien qu'en augmentation régulière, comme l'indique le tableau suivant :

NOMBRE DES PLAINTES DÉPOSÉES

POUR FRAUDE FISCALE

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

662

718

740

749

758

782

815

827

846

Source : Direction générale des impôts.

Au sens large, on peut considérer que la fraude fiscale regroupe les pratiques susceptibles de donner lieu à l'application des sanctions fiscales à caractère purement pécuniaire et administratif prévues par les différentes dispositions du code général des impôts en cas d'insuffisances de déclaration, de défaut ou de retard dans la production des déclarations, de défaut ou de retard dans la production de documents utilisés pour le contrôle de l'impôt ou d'omissions ou d'inexactitudes dans les documents produits. On rappellera brièvement que ces sanctions, dont le dispositif est trop complexe pour être exposé en détail, reposent, pour l'essentiel, s'agissant des insuffisances affectant une base ou des éléments d'imposition et conduisant l'administration à effectuer des redressements, d'une part, sur l'application généralisée, au-delà de la tolérance légale d'un vingtième ou d'un dixième applicable à certains impôts, de l'intérêt de retard de 0,75 % par mois prévu à l'article 1727 du code général des impôts et qui s'applique indépendamment de toute sanction, d'autre part, sur différentes majorations de droits dont les plus connues sont les majorations de 40 % pour mauvaise foi et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses. De même, on rappellera la majoration de 10 % en cas de paiement tardif de certains impôts recouvrés par les comptables du Trésor, notamment l'impôt sur le revenu, ainsi que les amendes fiscales prévues sous forme de quantum en cas de défaut ou de retard dans la production de documents utilisés pour le contrôle de l'impôt ou d'omissions ou d'inexactitudes dans les documents produits.

Néanmoins, cette seconde approche serait, à l'opposé de la première, un peu restrictive, la preuve de l'absence de bonne foi devant être apportée par l'administration fiscale, la règle étant que la bonne foi se présume.

b) L'incertitude de la notion d'évasion fiscale

Plus encore que celle de fraude fiscale, la notion d'évasion fiscale est délicate à cerner, car elle ne relève pas, par nature, des notions abordées dans le cadre du code général des impôts. Il faut ainsi se référer avant tout à la doctrine. Votre Rapporteur ne pouvant, dans le cadre nécessairement étroit de ce rapport d'étape, recenser l'état de la doctrine et de l'opinion des juristes (1), on observera simplement, de manière un peu schématique, que, selon une conception étroite, l'évasion fiscale consiste en un comportement de minoration de l'imposition jouant sur la règle fiscale et son interprétation dans le cadre de ce que l'on appelle de manière assez synonyme la gestion fiscale ou l'optimisation fiscale ; selon une conception large, la notion recouvre l'ensemble des comportements de fuite face à l'impôt, y compris la fraude fiscale ; enfin, d'après la conception la plus ancienne, l'évasion fiscale est la forme internationale de la fraude fiscale et de l'arbitrage économique et fiscal entre les différents Etats.

La conception stricte, première évoquée, apparaît la plus pertinente.

En pratique, au-delà de ces considérations cependant, l'approche de l'évasion fiscale est assez délicate, étant donné que la distinction entre ce qui est légal et acceptable, d'une part, et ce qui relève de l'interprétation abusive des textes, d'autre part, interfère avec le principe de liberté et s'agissant des entreprises, avec le principe selon lequel un exploitant est juge de l'opportunité de sa gestion, principe qui s'applique clairement dans le cadre des décisions de gestion permettant à un contribuable d'opter en faveur d'une solution plutôt que d'une autre, et avec le principe de non-immixtion de l'administration dans la gestion des entreprises, qui interdit à celle-ci de se substituer à l'exploitant pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à l'entreprise.

Par ailleurs, on ne saurait trop insister sur le fait que l'évasion fiscale ne se résume pas à la seule exploitation des éventuelles failles de la loi fiscale : dans de nombreux cas, ce qui apparaît comme de l'évasion fiscale n'est que la contrepartie des avantages fiscaux en faveur de certains secteurs économiques ou de certaines consommations.

Un bon exemple est celui de la moindre taxation du carburant " diesel " par rapport à l'essence, d'abord instituée pour favoriser des secteurs professionnels comme le transport routier, puis justifiée par un souci d'économie d'énergie, qui a conduit à une modification sensible de la composition du parc de véhicules automobiles dans le cadre d'un comportement d'évasion tout à fait caractéristique. Selon les informations communiquées par Mme Nicole Bricq, députée, dans son rapport d'information n° 1.000, intitulé " Pour un développement durable : une fiscalité au service de l'environnement ", la part du diesel dans l'ensemble du parc automobile français est ainsi passée de 8,4 % en 1980 à 38,1 % en 1998. L'augmentation des recettes issues de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui est passée de 126,42 milliards de francs en 1993 à 150,75 milliards de francs en 1997, a ainsi été moindre que prévue puisque la structure de la consommation s'est modifiée au profit des produits les moins taxés, la part du gazole dans le volume des carburants mis à la consommation ayant progressé en quatre ans, de 51,7 % à 59,3 % du total, notamment.

Il n'en reste pas moins que les comportements d'évasion fiscale, lorsqu'ils relèvent de montages destinés à minorer de manière fictive l'imposition, doivent être sanctionnés, sur la base, soit de l'abus de droit, soit de l'acte anormal de gestion.

c) Le rôle des notions communes à la lutte contre la fraude et à la répression de l'évasion fiscale : l'abus de droit et l'acte anormal de gestion

Certaines des grandes notions utilisées en matière de contrôle fiscal telles que celle d'abus de droit et d'acte anormal de gestion, relèvent non seulement du domaine de la répression de la fraude fiscale, mais également de la lutte contre l'évasion fiscale, ce qui atténue quelque peu, en pratique, la portée de la distinction entre ces deux comportements.

Le régime de l'abus de droit est défini dans le cadre des articles L. 64, L. 64 A et L. 64 B du livre des procédures fiscales. Il permet à l'administration fiscale de procéder à la requalification de certains actes juridiques afin de " restituer " aux opérations en cause leur véritable caractère, sur la base du principe selon lequel ne peuvent être opposés à l'administration les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses destinées à la diminution de certains impôts (taxes sur le chiffres d'affaires, ISF, droits d'enregistrement ou taxe de publicité foncière) ou tendant à déguiser soit la réalisation, soit un transfert de revenus. Compte tenu de la complexité de la matière, la question peut être soumise soit sur demande d'un contribuable qui conteste le bien fondé d'un redressement opéré, soit par l'administration, au comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'intervention de ce comité modifie le régime de la charge de la preuve. Celle-ci incombe normalement à l'administration et reste à sa charge, si elle ne suit pas l'avis du comité. Elle est transférée sur le contribuable dans l'hypothèse inverse. La saisine du comité présente donc, pour les services des impôts, l'intérêt de pouvoir mettre la preuve à la charge du contribuable. Mais elle assure, le cas échéant, une protection pour le contribuable, puisque l'avis du comité est suivi, en pratique. Ce dispositif, qui trouve à s'appliquer dans le domaine de la fraude, concerne également le domaine de l'évasion, dès lors qu'il permet de viser les " montages " dont le seul but est de minorer ou d'éluder l'impôt, dans le cadre d'actes non fictifs mais tendant à ce seul but.

Selon la définition de la jurisprudence, la notion d'abus de droit permet ainsi de sanctionner soit l'acte présentant un caractère fictif, soit l'acte ne reposant sur aucun autre motif que d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales.

Une trentaine d'affaires par an est soumise au comité consultatif pour la répression des abus de droit, comme l'indique le tableau suivant.

NOMBRE DES AFFAIRES SOUMISES AU COMITÉ CONSULTATIF

POUR LA RÉPRESSION DES ABUS DE DROIT

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Affaires reçues

25

13

28

25

27

20

19

18

Affaires traitées

20

14

20

36

27

17

17

19

Avis favorables

16

11

19

31

25

17

16

14

Avis défavorables

3

3

1

5

2

-

1

5

Source : Comité consultatif pour la répression des abus de droit - rapports annuels.

La notion d'acte anormal de gestion est à l'origine une construction d'origine jurisprudentielle et qui trouve à s'appliquer, pour l'essentiel, en matière de fiscalité des entreprises et d'impôts sur les bénéfices ou le revenu. L'acte anormal de gestion est celui qui met à la charge de l'entreprise une dépense ou une perte, ou bien qui la prive d'une ressource, sans trouver de justification dans les intérêts de l'exploitation commerciale.

Parmi les exemples d'actes anormaux de gestion, on trouve, par exemple, les dépenses qui auraient bénéficié à un dirigeant d'entreprise ou à l'un des membres du personnel sans être la contrepartie de services rendus.

Là encore, la notion concerne tant la fraude que l'évasion fiscale.

d) Une approche précise de l'évasion fiscale internationale

S'agissant de l'évasion fiscale internationale, les dispositifs prévus par le code général des impôts offrent une approche assez complète de la notion. L'objectif est d'éviter la perte de matière imposable par transfert à l'étranger, qu'il s'agisse d'un transfert fictif d'activité à l'étranger, d'une majoration non justifiée des montants qui y sont versés ou d'une minoration des sommes qui en proviennent. Comme environ 50 % du commerce mondial provient de transactions conclues au sein d'entreprises multinationales, on mesure assez aisément les enjeux.

De manière détaillée, ce dispositif, à vocation nécessairement répressive, repose sur :

- la surveillance des prix de transferts et le contrôle des transferts de bénéfices vers l'étranger, soit entre entreprises dépendantes, soit entre entreprises localisées en France et entreprises domiciliées dans des paradis fiscaux (article 57 du code général des impôts). Les transactions doivent ainsi intervenir dans des conditions semblables à celles qui prévaudraient dans le cadre d'entreprises indépendantes. Outre les transactions commerciales, ce dispositif vise, notamment, les versements de redevances excessives ou sans contrepartie, l'attribution d'un avantage hors de proportion avec le service obtenu en échange, l'octroi de prêts sans intérêt ou à un taux réduit et les remises de dettes. Sa mise en oeuvre est contrôlé dans le cadre de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, qui renforce les moyens d'investigation de l'administration ;

- l'imposition en France des sommes versées à l'étranger au titre des services rendus en France (article 155 A du code général des impôts). L'objectif est de réprimer les pratiques, assez courantes dans les activités du sport et du spectacle, semble-t-il, consistant à se faire rémunérer pour des prestations rendues en France par l'intermédiaire de sociétés étrangères parfois établies dans des paradis fiscaux ;

- la non déductibilité de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des paiements effectués au profit des non-résidents soumis à un régime fiscal privilégié, sauf à prouver que ces dépenses correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ni exagéré (article 238 A du code général des impôts) ;

- la prise en compte, dans le cadre d'une imposition séparée, des résultats bénéficiaires réalisés dans le cadre des participations à des sociétés bénéficiant d'un régime fiscal privilégié, pour les seules entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés (article 209 B du code général des impôts) ;

- l'imposition à raison des produits des actifs transférés hors de France, sans contrepartie immédiate par les entreprises (article 238 bis OI du code général des impôts).

Enfin, pour être exhaustif, il convient de mentionner deux dispositions allant également dans le sens de la lutte contre l'évasion fiscale internationale.

D'une part, dans le domaine de la propriété immobilière, afin de dissuader l'acquisition de biens sous le couvert de personnes morales établies dans des paradis fiscaux, une taxation égale à 3 % de la valeur vénale des immeubles possédés par les personnes morales est établie, lorsque les personnes physiques qui détiennent les parts ne peuvent être connues. Cette taxe est prévue aux articles 990 D et suivants du code général des impôts.

D'autre part, l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales permet de proroger de deux ans le délai de reprise de l'administration fiscale lorsqu'une demande de renseignement a été adressée, dans le délai normal de reprise, à une autorité fiscale étrangère.

Du point de vue de la lutte contre la fraude fiscale, on notera l'intérêt des dispositions tendant à l'inversion de la charge de la preuve, certaines opérations étant a priori considérées comme suspectes et le contribuable devant apporter la preuve de leur caractère réel ou de leur justification économique.

2.- La difficulté de présenter une estimation incontestable

Dans le cadre d'articles de presse ou de divers ouvrages sur la fraude fiscale, des estimations sont souvent fournies.

Ainsi, en 1987, selon une étude de la direction générale des impôts, le montant de la fraude fiscale s'établissait à quelque 106 milliards de francs, en se fondant sur des taux de fraude de 14,7 % pour l'impôt sur le revenu, 27,8 % pour l'impôt sur les sociétés, 7,3 % pour la TVA et 5,1 % pour les autres impôts tels que les droits d'enregistrement.

En appliquant ces mêmes taux aux grandeurs actuelles, le Syndicat national des agents des impôts CGT estime le montant de la fraude fiscale à 225 milliards de francs au minimum, dont 40 milliards de francs au titre de la TVA intra-communautaire, 56,9 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu, 60 milliards de francs pour l'impôt sur les sociétés et 53,1 milliards de francs pour la TVA interne.

Le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) évalue, pour sa part, la fraude fiscale à environ 220 milliards de francs.

On peut également citer l'évaluation réalisée par le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) dans le cadre de l'ouvrage intitulé " Les coûts du crime en France - estimation monétaire des criminalités - données pour 1988 à 1991 ", rédigé par MM. Thierry Godefroy et Bernard Lafarge (1995 - n° 71) qui évalue à 164,23 milliards de francs les pertes de recettes liées à la fraude fiscale, à raison de 102,92 milliards de francs pour les impositions des revenus, 17,88 milliards de francs pour les patrimoines et 40,43 milliards de francs pour la taxation de la consommation.

Dans un cadre plus officiel, le rapport précité établi par MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés, en 1996, sur " Les fraudes et les pratiques abusives ", a estimé les pertes fiscales dues au travail illégal à un montant allant de 57 milliards de francs à 92 milliards de francs. Il a rappelé que " pour la TVA, l'INSEE estimait la fraude unilatérale, c'est-à-dire facturée au client sans reversement à l'administration fiscale, à 62 milliards de francs, soit 12% des recettes nettes de TVA en 1993. Le montant des droits rappelés après contrôle (13 milliards de francs en 1993, 16 milliards de francs en 1994) représenterait donc environ le quart de la fraude. Cependant, la part de la fraude connue et redressée étant estimée entre 3,7 milliards de francs et 5 milliards de francs, seule 6 à 8% de la fraude serait redressée. Si l'on retire l'incidence du travail illégal, la part de la fraude redressée serait de 12 à 15%. ". Ce rapport a également évalué à environ un milliard de francs par an la fraude en matière de redevance audiovisuelle.

Votre Rapporteur ne se risquera pas, pour sa part, à une quelconque estimation, à cette étape.

Pour des considérations de méthode qu'il convient de rappeler brièvement, et qui devront faire l'objet d'éléments supplémentaires dans le cadre du rapport définitif car elles ne pourront être communiquées qu'après des investigations approfondies, il est, en effet, impossible d'établir une estimation précise de la fraude fiscale.

En premier lieu, la méthode la plus intuitive, qui consiste à extrapoler le montant de la fraude fiscale à partir des résultats du contrôle fiscal, conduit à des surestimations, puisque redresser le produit de chaque impôt en fonction des résultats du contrôle fiscal ne vaudrait que si ces résultats correspondaient sur le plan statistique à des contrôles opérés de manière parfaitement aléatoire sur un grand nombre de contribuables. Tel n'est pas le cas, les contrôles fiscaux étant effectués sur la base d'une programmation précise que le souci d'efficacité conduit à orienter en direction de secteurs à bon rendement.

En deuxième lieu, les méthodes de recoupement avec les résultats de la comptabilité nationale ne permettent pas d'inférer des estimations fiables.

D'une part, la comptabilité nationale est elle-même largement établie sur la base des liasses fiscales des entreprises. Ces liasses font certes l'objet d'un redressement opéré de manière fine d'après les résultats du contrôle fiscal par secteur d'activité et taille d'entreprise, mais cela implique nécessairement de retrouver in fine une part de fraude fiscale imputable à ce traitement. La correction des comptes de la Nation d'une mesure de la fraude aboutit ainsi à prendre en compte environ 4% du PIB, sous-déclarés ou dissimulés. D'autre part, les corrections effectuées dans le cadre de l'équilibre des emplois et des ressources, ne présentent pas, malgré tout leur sérieux, de garantie totale. Enfin, les indicateurs tels que l'évolution de la consommation permettent d'estimer un écart de TVA, mais sans que là non plus la mesure présente quelque certitude.

Ces constatations ont d'ailleurs été largement développées par M. Jean-Pascal Beaufret, inspecteur général des finances (2), et Mme Hélène Pelosse, inspecteur des finances, dans le cadre de leur rapport d'enquête sur les méthodes de prévision et le rendement de la TVA (page 18), établi en juin 1997.

" La correction tient compte aussi de la TVA nette éludée, grâce à un calcul annuel comparant la TVA comptable à la TVA théorique en valeur absolue qui aurait dû être recouvrée, si les taux législatifs s'étaient appliqués à un modèle économique détaillé finement par branches et par produits.

Il en résulte un " écart TVA " annuel estimé à environ 80 milliards de francs.

" Toutefois, une analyse menée avec l'INSEE, la direction de la prévision et la direction générale des impôts, sur la méthode d'établissement annuel de "l'écart TVA", environ 80 milliards de francs, conduit à une conclusion très nuancée. En effet, cet agrégat ne peut à l'évidence ni représenter seulement de la fraude, ni représenter toute la fraude.

Il englobe des décalages comptables, des erreurs de déclarations ou des approximations sur les agrégats taxés. Par ailleurs, il peut surestimer les insuffisances de déclaration ou l'impact du travail au noir. Fondé sur les statistiques du contrôle fiscal, il repose sur des échantillons naturellement biaisés. A l'inverse, la méthodologie utilisée ne permet pas, au-delà des insuffisances de chiffres d'affaires, de cerner les autres formes d'infraction à la législation fiscale.

" Les administrations concernées ne peuvent donc se fonder sur cet indicateur pour tenter d'apprécier la fraude à la TVA, malgré la lourdeur de son élaboration.

Le seul indicateur fourni par ce calcul est l'évolution rapide de l'écart TVA qui a doublé entre 1988 et 1992, en augmentant d'environ 10 milliards de francs par an en moyenne pendant cette période. Depuis 1992, le niveau de l'écart s'est stabilisé ".

Ces conclusions sont éclairantes et conduisent à observer la plus grande prudence.

En troisième lieu, le principe d'une estimation des moins-values fiscales à partir du PIB souterrain pose également problème, dans la mesure où l'on ne peut établir le montant des droits qui serait imputable à ces activités non déclarées, faute de connaître les conditions économiques précises de leur exploitation et de pouvoir estimer les résultats économiques et fiscaux qu'elles produiraient dans un cadre légal. En outre, il faut tenir compte de la part des impôts qui semblent être moins susceptibles de fraudes que d'autres, tels que les impôts locaux, à l'exception de la taxe professionnelle. On ne peut donc considérer que la proportion des impôts qui serait prélevée serait la même que celle portant sur le reste du PIB.

Pour avoir cependant une idée de l'importance des montants en cause en matière de fraude fiscale, il suffit de rappeler qu'à raison d'un PIB de quelque 8.000 milliards de francs par an et d'un prélèvement égal au quart du PIB pour la seule fiscalité - d'Etat et locale - en moyenne, les recettes fiscales représentent environ 2.000 milliards de francs et chaque point (1%) supplémentaire équivaut à 20 milliards de francs.

S'agissant de la TVA, dont le produit net s'établit à environ 630 milliards de francs, tout point (1%) éludé qui ne fait pas l'objet d'un redressement concerne environ 6 milliards de francs. Les chiffres correspondants sont de 2,65 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu, de 2 milliards de francs pour l'impôt sur les sociétés, ainsi que de 340 millions de francs pour les droits de succession et 100 millions de francs pour l'ISF.

Il est bien clair que, dès lors que les rappels sont susceptibles de concerner plusieurs milliards de francs, une action énergique de recherche et de lutte contre la fraude fiscale apparaît justifiée sans qu'il soit nécessaire d'établir une estimation fiable des montants en cause.

Cette action est d'autant plus légitime que la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale abusive apparaît alors l'alternative à une augmentation des prélèvements existants, lorsque de nouvelles charges doivent être couvertes et cette opportunité offre d'indéniables avantages dans le contexte de rigueur budgétaire que nous imposent l'intégration européenne et le passage à la monnaie unique.

B.- UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRAUDE ET DE L'ÉVASION FISCALES

1.- Un contexte juridique favorable : la complexité croissante de la législation

Parmi le premier facteur de développement de la fraude et de l'évasion fiscales, il faut citer la complexité de la législation, ainsi que cela ressort clairement des différentes auditions auxquelles a pu procéder votre Rapporteur ; complexité que l'on constate par un simple examen du code général des impôts et de ses quatre annexes, aux dispositions desquels il faut ajouter celles du livre des procédures fiscales.

Certes, cette complexité apparaît comme le reflet d'une situation économique non moins complexe, que l'Etat doit s'efforcer d'appréhender en recourant à des mesures souvent ponctuelles. Néanmoins, elle rend plus difficile les modalités d'exercice du contrôle fiscal et contribue à développer des pratiques éminemment contestables au regard du principe d'égalité.

·  Une source de difficulté pour le contrôle fiscal

Pour l'exercice des missions du contrôle fiscal, la complexité de la législation constitue un facteur de moindre efficacité à plusieurs titres.

Sur un plan pratique, cette complexité se traduit par un manque d'accessibilité des instructions d'application de la loi fiscale, trop longues et trop difficiles à comprendre pour ceux qui ne sont pas spécialistes de la matière.

Sur le fond, ensuite, plusieurs éléments doivent être relevés.

D'une part, les fraudes sont plus difficiles à détecter, car elles exigent des vérifications plus importantes. Plusieurs exemples, pris un peu au hasard et ne prêtant pas à polémique, peuvent être évoqués.

Ainsi, en matière d'impôt sur le revenu, les contrôles des particuliers, qui s'exercent dans le cadre de demandes d'informations ou de demandes d'éclaircissement ou de justifications, apparaissent d'autant plus lourds que le nombre des déductions, abattements, réductions ou exonérations est élevé, la liste des différentes dépenses fiscales relatives à cet impôt communiquées à votre Rapporteur par le ministère de l'économie et des finances comprenant quelque 192 mesures. Même si certaines de ces dépenses correspondent à des règles dont la mise en oeuvre est assez simple, telles celles relatives au quotient familial et si, par nature, un grand nombre de contribuables n'utilisent que peu des facultés qui leur sont offertes, on conçoit aisément combien peut être délicat l'examen attentif de certains dossiers, dès lors qu'ils traduisent une utilisation systématique des possibilités de réduction de l'impôt dû.

S'agissant de l'ISF, on observera que la non prise en compte des biens professionnels conduit à des difficultés d'interprétation, dans la mesure où de nombreux contribuables tendent à accorder cette qualification à certains de leurs biens. Le rapport précité, établi par MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés, rappelait que cette exonération conduisait à un abondant contentieux, la notion de bien professionnel étant difficile à définir de manière claire et incontestable.

En matière de TVA, même si cette délicate question relève des règles européennes, on peut mentionner la différence entre le taux de la TVA applicable en matière de restauration, les ventes à emporter relevant du taux réduit de 5,5 % et les ventes à consommer sur place taxées au taux normal de 20,6 %. En toute rigueur, il est parfaitement impossible, pour un établissement opérant les deux types de restauration, de contrôler de manière fiable la part de ce qui relève du taux réduit et de ce qui est assujetti au taux normal.

Enfin, une dernière illustration est offerte par la taxe professionnelle, pour laquelle le second élément de la base est constitué, dans le cas général, d'un montant égal à 18 % de la masse salariale. Le principe de base est simple, puisque les sommes versées au titre des salaires et des rémunérations sont celles correspondant aux montants bruts des salaires versés. Néanmoins, plusieurs ajustements rendent immédiatement toute opération de vérification assez complexe :

- le salaire du conjoint est pris en compte à concurrence du montant admis en déduction de la base imposable ;

- les rémunérations versées aux dirigeants de sociétés visés à l'article 62 du code général des impôts, notamment les gérants majoritaires de SARL, sont retenues pour leurs montants bruts, y compris les remboursements forfaitaires de frais ;

- les salaires versés aux apprentis sous contrats sont déduits ;

- les salaires versés aux handicapés physiques sont également déduits.

On pourrait ainsi multiplier à l'envi les exemples, qu'il s'agisse de cas simples comme ceux que votre Rapporteur vient d'évoquer, ou de situations plus complexes, qui reposent sur des montages, plus ou moins connus, dont il ne revient pas au présent rapport d'assurer la diffusion. La conclusion serait la même : la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale passe par la simplification drastique de la législation fiscale, opérée d'ailleurs par certains grands pays tels que les Etats-Unis au cours des années 1980, et sur la voie de laquelle l'Italie s'est également engagée.

A cet égard, le projet de loi de finances pour 1999, qui prévoit la suppression progressive de la part représentative des salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle, apparaît comme un exemple à imiter.

·  Un facteur d'évasion fiscale au profit de certaines fractions des classes aisées

La complexité de la législation fiscale constitue également un facteur d'évasion fiscale d'autant moins admissible qu'il favorise de manière indubitable certaines fractions des catégories aisées. Soit leurs relations dans les professions juridiques les plus concernées par les questions fiscales (notaires, avocats), soit leur capital leur donnent en effet accès aux institutions financières, officines ou cabinets spécialisés dans la gestion de fortune, leur permettant ainsi de bénéficier de toutes les facilités et conseils judicieux possibles.

Dans ce domaine, votre Rapporteur s'en remet au constat, effectué par deux observateurs, M. Michel Pinçon et Mme Monique Pinçon-Charlot, chercheurs au CNRS, docteurs en sociologie, dans leur ouvrage intitulé " Grandes fortunes. Dynasties familiales et formes de richesses en France " (Payot-1996).

En page 46, les deux auteurs notent, comme un avant-goût, que " De la même manière que les familles modestes utilisent le numéro spécial de l'hebdomadaire de la CGT, La vie ouvrière, pour tenter d'exploiter au mieux les ressources de la réglementation fiscale, les assujettis à l'ISF disposent des conseils des guides édités par Le Figaro. " Toute règle fiscale a ses exceptions, peut-on y lire. Les modalités d'évaluation du patrimoine taxable par l'ISF comportent un certain nombre d'échappatoires ou de cas de réduction de l'impôt qu'il faut connaître. Vous pouvez organiser votre patrimoine afin d'en bénéficier ou de perdre le bénéfice de ces exonérations. " Mais les économies envisagées ne sont pas du même ordre que celles auxquelles peuvent rêver les lecteurs de La vie ouvrière. "

Plus loin, dans le cadre de la section consacrée à " La gestion collective des patrimoines ", sous l'intitulé savoureux " une clientèle sélectionnée ", ces mêmes auteurs notent, pages 53 et 54 : " Toutefois les détenteurs de portefeuilles n'ont pas seuls l'initiative du choix de leur interlocuteur. Les gestionnaires eux-mêmes, et particulièrement les banques, se réservent le droit de sélectionner leur clientèle. Cette sélection s'opère d'abord en fonction du volume du patrimoine à gérer. Du moins quand il s'agit d'admettre un client dans le cénacle restreint des centres de gestion de patrimoine des banques où les familles privilégiées bénéficient d'un traitement hors du commun. (...) La logique de ces banques dans la banque est celle d'une personnalisation d'autant plus poussée que la fortune à gérer est considérable. (...) On n'est jamais vraiment un inconnu, n'importe qui, lorsqu'on possède une fortune confortable. "

Et le constat le plus significatif est établi page 56 : " Parfois des montages plus complexes sont proposés à ceux d'entre eux qui sont les plus fortement imposés. Avec de tels produits d'investissement, on transforme le client en commerçant, ce qui permet de générer des déficits fiscaux imputables sur le revenu. Mais un risque existe car, comme commerçant, le client participe à l'exploitation.(...) La prudence dans le choix d'un tel investissement est essentielle et l'assistance de professionnels avertis est, dans ce cas, tout à fait indispensable. "

Nul besoin de commentaire supplémentaire pour sentir ce que ces pratiques de cabinets discrets et feutrés ont de contraire à notre tradition républicaine, dès lors qu'elles reposent sur l'exploitation de la complexité de la loi fiscale, en matière d'ISF ou en matière d'impôt sur le revenu, ainsi que sur des possibilités d'arbitrage entre différentes solutions plus ou moins bien éprouvées et vis à vis desquelles l'administration fiscale disposera, dans un premier temps tout au moins, d'une défense incertaine.

Ces interrogations sur l'équité de la loi fiscale, trop complexe, ont également fait l'objet d'observations plus officielles.

Dans son rapport remis le 31 mai 1996 au Premier ministre, le groupe de travail sur la réforme les prélèvements obligatoires, présidé par M. Dominique de la Martinière, inspecteur général des finances, considérait, s'agissant de l'impôt sur le revenu, qu'il convenait de " réduire les dépenses fiscales " et qu'" une baisse sensible des taux du barème doit rendre possible le nettoyage d'un maquis de dérogations qui portent atteinte à l'égalité des citoyens et à la neutralité fiscale ".

Abordant la question des " niches fiscales ", le groupe de travail avait exprimé " son accord total avec les propositions de suppression des déductions du revenu global faites par la commission d'étude des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages ".

Ce rapport La Martinière, dont votre Rapporteur ne partage certes pas toutes les analyses, présente au moins le mérite de poser la question de la légitimité, en termes d'équité, des différentes dispositions fiscales.

2.- Un contexte économique délicat : des mutations économiques, financières et commerciales importantes

Nombre de mutations économiques et sociales intervenues ces dernières années constituent chacune un important facteur de développement éventuel de la fraude et de l'évasion fiscales.

Cette situation exige ainsi une grande vigilance de la part de l'administration fiscale en rendant nécessaire, tant la stricte application de la loi, et le cas échéant, son adaptation, d'une part, qu'une surveillance de l'ensemble des mutations financières, économiques et commerciales susceptibles d'entraîner une minoration des bases fiscales, d'autre part.

a) La pérennisation de la crise économique et le poids des prélèvements obligatoires, facteurs de fraude et d'évasion fiscales

Notre pays est marqué de manière structurelle par une tendance à l'augmentation de l'avantage comparatif de la fraude et de l'évasion fiscales, en raison, tant de la pérennité d'une situation de crise économique, que du niveau des prélèvements obligatoires, qui de, manière mécanique, accroît les bénéfices éventuels retirés de ces pratiques.

·  La pérennisation de la crise économique

Le premier des facteurs de développement de la fraude et de l'évasion fiscales est certainement le plus difficile à appréhender dans ses conséquences chiffrées, même s'il est le plus certain dans ses effets. Il s'agit de la pérennisation de la crise économique, qui engendre une importante activité clandestine. Le chômage de masse fragilise, en effet, une importante partie de la population en âge de travailler et en fait la proie idéale pour les entrepreneurs d'activités souterraines. En outre, la défaillance de l'Etat et l'échec des politiques publiques de lutte contre le chômage ne peut que décrédibiliser les différentes mesures de lutte contre la fraude, en favorisant l'idée d'une plus grande efficacité des stratégies individuelles alors même qu'il y a échec des stratégies collectives.

Il est donc clair que la lutte contre la fraude fiscale passe par une obligation de croissance et de création d'emplois.

·  Le poids des prélèvements obligatoires

De manière mécanique le niveau des prélèvements obligatoires, avec 45 % du PIB, constitue un important facteur de fraude fiscale dans notre pays.

Plusieurs des interlocuteurs de votre Rapporteur ont insisté sur cet aspect, évident, mais qu'il convient ni de méconnaître, ni de sous-estimer : plus le gain de la fraude est élevé, plus le recours au procédé est fréquent. La réapparition, dans les pays d'Europe occidentale, de trafics dont on aurait pu croire qu'ils appartinssent au passé, comme ceux portant sur les produits du tabac et sur les alcools, en est une parfaite illustration. Les préoccupations de santé publique, ainsi que des considérations fiscales, ont conduit, pour ces produits, à des niveaux de prélèvements tels que les trafics sont redevenus rentables en dépit du coût des matériels modernes que leur réussite exige.

Cette observation ne saurait naturellement être considérée comme une mise en cause du niveau des prélèvements obligatoires, qui relève d'un débat étranger au présent rapport, mais plutôt comme le fondement d'un appel à une vigilance particulière.

b) Les incidences de la modernisation des techniques commerciales et financières

·  L'internationalisation accrue des économies présente encore des risques, malgré les réflexions en cours sur les limites à apporter à la concurrence fiscale dommageable

Le développement des relations économiques internationales, qu'il s'agisse des échanges de biens, des échanges de services ou des échanges purement financiers, constitue un facteur favorable au développement de la fraude et de l'évasion fiscales, puisque, de manière simple, il met en relation un contribuable français avec un étranger et donne des possibilités de recourir à des intermédiaires, commerciaux, financiers ou bancaires, qui ne relèvent pas de la juridiction de l'administration fiscale français et sur lesquels l'obtention de toute information exige, en cas de contrôle, le recours, aux procédures d'assistance administrative qui apparaissent comme passablement lourdes, dont la mise en oeuvre est assez longue et qui sont loin de couvrir tous les pays et tous les cas. Il suffit d'observer que le quart de notre PIB fait l'objet de transactions commerciales intraeuropéennes ou internationales pour mesurer les enjeux.

Ce phénomène a été amplifié par l'effet de l'intégration européenne qui s'est accompagnée, outre l'augmentation des échanges commerciaux, du bouleversement du cadre traditionnel du dispositif de lutte contre les risques de fraude internationale avec, d'une part, le démantèlement du contrôle des changes et, d'autre part, la réduction considérable des contrôles douaniers, lesquels concernent surtout les seuls échanges avec les pays extérieurs à l'Union européenne, les pays tiers.

Par ailleurs, il faut également rappeler le développement des paradis fiscaux, caractérisés par des impôts faibles et un secret bancaire et fiscal, auquel l'accès est d'autant plus aisé que les possibilités du transport des personnes et les capacités de télécommunication se sont développées. Leur attraction est forte en matière de gestion de patrimoine. Le risque d'évasion fiscale lié à l'exercice, à partir de ces territoires à régimes fiscaux privilégiés, d'activités " off shore " exercées en direction de l'extérieur, ou aux possibilités d'exercer sur un territoire non privilégié, une activité disposant d'une fiscalité privilégiée, a également été accru.

Ce phénomène est d'autant plus préoccupant qu'il s'est développé au sein même de l'Union européenne.

Outre les territoires fiscaux privilégiés que sont, à des degrés divers, en Europe, le Luxembourg, la Suisse, le Liechtenstein, il faut en effet compter avec le régime des quartiers généraux implantés en Belgique (Centres de coordination) aux Pays-Bas ou au Pays Basque espagnol, les dispositifs applicables en Irlande, avec la zone franche de Shannon ou le centre international des services financiers de Dublin (docks de Dublin), le centre financier " off shore " de Trieste, les zones franches de Caniçal à Madère et de l'Ile de Santa Maria aux Açores, le régime favorable aux activités " off shore " des Iles Madère et de cette même île des Açores, le projet de zone " off shore " aux Iles Canaries.

Une mention particulière concernera les Pays-Bas, une loi du 24 décembre 1996 ayant institué un nouveau dispositif fiscal destiné à favoriser l'implantation de sociétés de financement interne à des groupes, lesquelles peuvent opérer, pour les sociétés affiliées, des opérations de prêt, de placements financiers à court terme ou de crédit bail.

Ces sociétés ayant un régime fiscal privilégié, on mesure aisément l'incidence que peut avoir ce régime sur les transferts de matière imposable. La sous-capitalisation des filiales implantées dans des pays à fiscalité non privilégiée prend alors tout son sens, les intérêts comme les redevances de crédit bail étant versées en franchise d'impôt sur les sociétés dans l'Etat d'implantation de l'activité et les opérations correspondantes étant sans risque financier, car opérées au sein d'un même groupe. En outre, avec la mise en place de l'euro, il n'y aura plus ni risque ni frais de change.

Enfin, il faut également évoquer la financiarisation croissante de l'économie, favorisée, d'une part, par la dérégulation du secteur bancaire, laquelle s'est manifestée dans notre pays en 1983 dans le cadre de la loi bancaire, conduisant à un accroissement de la concurrence entre les réseaux et mettant un terme à la spécialisation et aux niches qui prévalaient par le passé, et, d'autre part, par le développement et l'internationalisation des instruments financiers de placement qui mettent à la portée des entreprises et des particuliers des instruments sophistiqués de placement, de spéculation, de couverture et d'optimisation fiscale.

Face à la multiplication de ces facteurs de risque, il convient de saluer les initiatives qui ont été engagées, pour mettre fin à la compétition fiscale dommageable, laquelle ne peut se traduire, à moyen terme, que par un nivellement par le bas de la fiscalité comme des prestations et équipements publics qui en sont la contrepartie, ce qu'aucun Etat ne saurait tolérer.

Sur le plan communautaire, le code de conduite communautaire adopté sous forme de résolution du Conseil et des représentants des Etats membres réunis au sein du Conseil ECOFIN, a pour objet d'identifier les régimes de compétition fiscale dommageable que les Etats membres s'engagent à ne plus introduire et à démanteler dans les meilleurs délais, et au plus tard à la fin de l'année 2003, pour ceux qui sont en place.

Le code identifie comme potentiellement dommageables les mesures qui, en matière de fiscalité des entreprises, " établissent un niveau d'imposition effective nettement inférieure à ceux qui s'appliquent normalement dans l'Etat membre concerné ".

S'agissant de l'OCDE, des " Sessions spéciales sur la compétition fiscale " ont été organisées au sein du comité des affaires fiscales. Elles ont conduit à la rédaction d'un rapport qui ne propose pas non plus de liste des régimes fiscaux visés, mais identifie une série de facteurs qui constituent un faisceau d'indices permettant aux Etats de détecter les régimes facteurs de concurrence fiscale dommageable. Cette notion recouvre non seulement les régimes fiscaux dommageables, mais également les paradis fiscaux.

Dans un cas comme dans l'autre, des mécanismes de suivi ont été prévus.

·  L'intégration européenne : les risques de fraude à la TVA intra-communautaire

S'agissant des possibilités de fraude liées à l'intégration européenne, il faut naturellement rappeler la question de la TVA intra-communautaire, le régime transitoire voulant que les livraisons d'un Etat membre à destination d'un autre Etat membre soient exonérées, la taxation intervenant, du fait de l'acheteur, dans le pays de destination.

En outre, les exportations vers les pays tiers sont exonérés de TVA, et il faut tenir compte des différentes fraudes possibles en matière de transit.

Ce dispositif présente des risques, dès lors que des biens sont détournés de la destination géographique prévue ou que les droits qui doivent être acquittés ne le sont pas, la durée de vie de l'entreprise redevable étant trop faible. En outre, des transactions fictives peuvent être opérées et conduire à des majorations de déductions pour les acquéreurs fictifs.

Le rapport précité d'enquête sur les méthodes de prévision et le rendement de la TVA, établi au début de l'année 1997, par M. Jean-Pascal Beaufret, inspecteur général des finances, et Mme Hélène Pelosse, inspecteur des finances, sur les méthodes de prévision et le rendement de la TVA, identifie principalement deux risques : d'une part, celui des livraisons intra-communautaires fictives ; d'autre part, un risque majeur de fraudes à l'acquisition de véhicules neufs, fraude due aux règle particulières qui veulent que contrairement à ce qui se passe pour les autres biens, un véhicule acquis par un consommateur ne soit pas assujetti à la TVA dans le pays dans lequel il est acquis, mais dans le pays d'immatriculation.

Par ailleurs, le rapport précité établi par MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés, en 1996, sur " Les fraudes et les pratiques abusives ", notait également les possibilités de fraude par l'intermédiaire des systèmes de vente par correspondance où les impositions sont dues dans l'Etat de destination lorsque le volume des ventes dépasse un certain montant. Comme il s'agit de ventes directes à des particuliers, aucun dispositif de contrôle fiable n'est possible.

·  La dématérialisation des procédures d'échange et des transactions

Le commerce électronique, effectué pour l'essentiel sur Internet, de même que la monnaie électronique sont également susceptibles de provoquer des modifications importantes.

S'agissant du premier, l'essentiel du développement de cette forme de commerce concernera, dans les prochaines années, essentiellement les échanges entre les entreprises et affectera peu, selon toute vraisemblance, les particuliers, et il faut relever plusieurs adaptations éventuellement nécessaires. D'une part, le développement d'installations telles que des serveurs télématiques affecte la notion d'établissement stable utilisée pour l'imposition des bénéfices des entreprises et déterminer l'Etat compétent au plan international, de même qu'il modifie les modalités de mise en jeu des dispositifs de contrôle des prix de transferts en permettant, entre autres, à des entreprises qui ne présentent pas les mêmes garanties comptables que les grandes entreprises pour l'évaluation des prix, d'accéder au marché international.

D'autre part, en matière de TVA, les développements du commerce électronique exigent également des aménagements, au-delà de la question conceptuelle de savoir ce qui relève de la catégorie des biens ou des biens dématérialisés et ce qui relève de la catégorie des services, pour l'ensemble de ce qui est susceptible d'être fourni par télématique.

Ce phénomène devrait, en effet, favoriser l'essor de transactions en exonération de TVA. Dès lors qu'il s'agit de services en provenance principalement des Etats-Unis, taxables en tant que tels au lieu d'établissement du prestataire, les Etats membres de l'Union européenne sont, pour l'instant, dépourvus de base légale pour assurer la taxation de telles prestations sur le territoire de la Communauté. Les pertes de recettes seraient donc la conséquence d'un vide juridique qui favoriserait l'évasion fiscale.

S'agissant plus particulièrement du commerce dit " on line ", correspondant aux livraisons d'articles dématérialisés, pour lequel les enjeux fiscaux sont les plus importants, la solution pourrait consister à modifier les règles de taxation.

Des réflexions sur l'adéquation des règles fiscales aux nouvelles formes de transactions sont menées au niveau international comme au niveau communautaire.

Elles sont opérées :

- au sein de l'OCDE, par l'intermédiaire du Comité sur les affaires fiscales et des groupes de travail informels : des travaux ont été engagés depuis juin 1996 sur les conséquences fiscales du développement du commerce électronique. Leur enjeu principal consiste à définir des conditions pour que les impôts existants puissent s'appliquer aux transactions effectuées sur Internet, afin d'éviter des distorsions de concurrence par rapport à d'autres formes de commerce ;

- au sein de la Commission européenne : des groupes de travail ont été créés afin d'étudier les problèmes posés par le commerce " off-line " (livraisons de biens matériels commandés électroniquement), le commerce " on-line " (biens dématérialisés) et les stratégies que les administrations devraient adopter pour assurer la taxation de ces opérations.

Les travaux en cours ont été présentés lors de la Conférence de Turku des 19-21 novembre 1997.

En vue de la prochaine Conférence ministérielle d'Ottawa des 7, 8 et 9 octobre 1998, les groupes de travail de l'OCDE travaillent à l'élaboration de principes généraux pour assurer une sécurité juridique et garantir la neutralité. De même, la Commission européenne devait remettre, dans le courant de l'été, un document final tirant les conclusions des études de faisabilité qui vont s'engager et sur la base desquelles elle devrait faire des propositions.

Vis-à-vis de ces questions, la position de la France est la suivante.

Dans le cadre de la mission confiée à M. Francis Lorentz, une stratégie globale dans le domaine du commerce électronique a été définie en termes de priorités, d'objectifs et de méthodes de travail, afin de fixer des lignes d'action des différents services. Dans le prolongement du rapport remis à l'issue de cette mission au début de l'année, un mémorandum reflétant les réflexions interministérielles françaises sur le commerce électronique et l'élaboration du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information a été présenté aux autres Etats membres dans le but de donner l'impulsion à une approche communautaire partagée du commerce électronique pour l'Europe.

Les principes directeurs mis en valeur dans le mémorandum visent à garantir la clarté et la neutralité de l'environnement douanier et fiscal :

- en matière douanière, le principe doit être réaffirmé qu'aucun droit de douane supplémentaire ne sera appliqué lorsqu'un bien est commandé par voie électronique ;

- en matière fiscale, la certitude juridique (clarté, transparence et prévisibilité des obligations fiscales) et la neutralité des régimes fiscaux (absence de charge supplémentaire sur les nouvelles formes de commerce par rapport aux activités traditionnelles) sont indispensables au développement du commerce électronique.

De même, il convient de garder à l'esprit que les nouveaux développements de la monnaie électronique, sous forme de cartes rechargeables ou de porte-monnaie électroniques, peuvent provoquer d'importants phénomènes de fraude s'ils ne s'accompagnent pas d'une certaine traçabilité des paiements, et notamment, s'il n'est pas possible de déceler l'origine du chargement. Il faut cependant tenir compte du fait que, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, dans un premier temps, les montants chargés sur ces cartes ou porte-monnaie devraient être limités à des montants de l'ordre de 5.000 francs.

II.- LE CONTRÔLE FISCAL : DES MOYENS IMPORTANTS JUSTIFIÉS PAR LA CONSISTANCE DES DROITS RAPPELÉS

Le contrôle fiscal est la nécessaire contrepartie d'un dispositif moderne dans le cadre duquel l'assiette des impôts est établie non pas sur une base purement forfaitaire ou sur des indices physiques assez grossiers, mais sur une appréciation de la capacité contributive des redevables en ce qui concerne chacune des quatre grandes matières imposables : le revenu ; la propriété, le patrimoine et l'épargne ; la production ; la dépense (la consommation, notamment). Et cette appréciation ne peut intervenir que sur une base déclarative, fournie par le contribuable.

Nécessité technique, le contrôle fiscal constitue en outre, dans notre pays, une importante obligation citoyenne.

D'abord, dans ses objectifs, le contrôle fiscal n'a pas pour seul but de mettre en recouvrement des droits et des impositions qui n'ont pas été acquittés, mais également de dissuader, autant que faire se peut, toute velléité de fraude, ainsi que de fournir un certain nombre de cas dont le caractère d'exemple montre la volonté de sanction de la part de l'Etat.

En outre, et dans la mesure où il fait l'objet d'une application modulée, ce qui est largement le cas dans notre pays, le contrôle fiscal offre la possibilité d'atteindre ce qui doit être son premier objectif, c'est à dire la lutte contre la grande fraude et la fraude organisée.

La réalisation de cet objectif est d'autant plus nécessaire que, comme l'ont indiqué à votre Rapporteur nombre de ses interlocuteurs, la fraude fiscale apparaît, dans de nombreuses situations, liée à d'autres formes de délinquance.

Dans les cas les plus courants, lorsqu'il y a lien entre la fraude fiscale et d'autres infractions pénales, la fraude fiscale apparaît comme un facteur de délinquance, en ce qu'elle implique la création de faux de différents types, tels que les faux en écritures ou la présentation de documents comptables falsifiés. Dans les cas les plus extrêmes tels que ceux de la fraude en matière de droits sur les tabacs et les alcools, elle n'en est qu'un sous-produit.

L'étroitesse de ce lien apparaît très clairement dans les rapports annuels de la Commission européenne sur la lutte contre la fraude. Leur lecture révèle l'importance des montants fraudés, qui peuvent même s'établir à plusieurs milliards d'écus, selon les informations communiquées à votre Rapporteur. Les fraudes au budget communautaire ont atteint, en 1997, 1,7 milliard d'écus pour les ressources propres, 77 millions d'écus pour les actions structurelles et 317 millions d'écus pour le FEOGA, section garantie.

L'éventuelle perméabilité entre la fraude fiscale et la délinquance exige ainsi une grande vigilance de la part de l'administration fiscale, ainsi qu'un discernement de tous les instants pour bien distinguer la fraude de l'erreur, et la fraude purement fiscale de celle qui dépend d'autres types d'infractions relevant exclusivement du droit pénal.

A cet égard, l'importance des moyens apparaît tout à fait justifiée par la forte progression des résultats du contrôle fiscal.

La difficulté majeure tient cependant à l'interprétation de cette progression, qui est assez délicate, dans la mesure où il est impossible de savoir, en définitive, si c'est la fraude qui se développe ou sa recherche qui devient plus efficace.

A.- LES MOYENS DES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES EN MATIÈRE DE CONTRÔLE FISCAL

L'accomplissement des missions relatives au contrôle des impôts relève des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour l'essentiel, il s'agit de services rattachés à la direction générale des impôts. Mais il s'agit également de services dépendant de la direction générale des douanes et droits indirects, cette dernière intervenant dans la perception de la TVA sur les échanges internationaux, en matière de contributions indirectes (droits sur les tabacs et les alcools principalement) ainsi qu'en matière de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Les droits de douanes au sens propre sont également perçus par la direction générale des douanes et droits indirects, mais pour le compte de l'Union européenne. Par ailleurs, par l'exercice de contrôles (contrôle de la facturation, contrôle de déclaration d'échanges de biens, contrôle à la circulation), la douane participe à l'action de la DGI en matière de fiscalité. Enfin, son rôle essentiel dans le domaine du contrôle des obligations déclaratives de sommes, titres et valeurs pour des montants supérieurs à 50.000 francs concourt également à la lutte contre la fraude fiscale.

1.- Des moyens budgétaires en augmentation

a) Au sein de la direction générale des impôts

Les effectifs de la direction générale des impôts participant à l'exercice des missions de contrôle fiscal ont connu une évolution significative de 1988 à 1997, selon les informations communiquées à votre Rapporteur (cf. tableau en annexe 1).

L'effectif total a augmenté de quelque 3.000 emplois, passant de 24.444 à 27.539 agents en neuf ans.

Cette évolution a partiellement bénéficié aux fonctionnaires de catégorie A, le nombre des inspecteurs étant passé de 7.774 à 7.970, avec, en outre, la création des postes d'inspecteurs divisionnaires (54 en 1997). Mais elle s'est surtout traduite par une forte augmentation du nombre des contrôleurs (catégorie B) qui est passé de 7.566 à 9.255, ainsi que des agents du cadre C, avec un effectif de 9.104 postes en début de période et de 10.260 postes en fin de période.

En ce qui concerne les moyens budgétaires, on note également une augmentation significative, la dépense constatée étant passée de 2,01 milliards de francs en 1986 à 3,32 milliards de francs en 1996.

Cette évolution positive, de 65,12 %, entre 1986 et 1996, et de 28,48 % entre 1990 et 1996 traduit l'intérêt de l'Etat pour les opérations de contrôle fiscal.

Le tableau suivant récapitule sur dix ans l'évolution précise de cette donnée :

MOYENS ADMINISTRATIFS AFFECTÉS AU CONTRÔLE FISCAL

(en milliards de francs)

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Dépenses constatées (GP 22)

2,01

2,08

2,10

2,16

2,33

2,43

2,63

2,59

2,78

3,05

3,32

Note : le coût financier des activités liées au contrôle fiscal est déterminé à partir du budget de programmes de la Direction générale des impôts. Ce coût est calculé au prorata des effectifs par activités tels qu'ils apparaissent au vu des renseignements annuels collectés auprès des directions territoriales. Le coût comprend les dépenses de personnel (hors pensions civiles versées par l'Etat et la part patronale de la sécurité sociale) et les dépenses de fonctionnement.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

b) Au sein de la direction générale des douanes et droits indirects

La contribution de la douane à la lutte contre la fraude fiscale s'exerçant dans le cadre de ses propres missions, notamment de ses missions économiques de contrôle de la régularité et de la loyauté des échanges commerciaux, cette administration doit faire l'objet d'un traitement particulier, puisqu'il n'existe pas véritablement de structures de lutte contre la fraude fiscale individualisée en son sein.

Les effectifs budgétaires de la direction générale des douanes et droits indirects s'élèvent pour 1998 à 20.090 emplois.

Les effectifs implantés (3) s'élèvent, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, à quelque 19.327 emplois, ce total se décomposant de la manière suivante :

- 396 emplois à la direction générale ;

- 1.822 emplois dans les directions et services nationaux ;

- 16.839 emplois dans les services déconcentrés de métropole et des DOM ;

- 140 emplois dans les TOM ;

- 130 emplois dans les laboratoires.

S'agissant des moyens budgétaires, il est également impossible d'effectuer une séparation entre les différentes fonctions de la direction générale des douanes et des droits indirects. On rappellera seulement que les crédits de la direction générale des douanes et droits indirects s'élèvent pour 1998 à 4,09 milliards de francs en dépenses ordinaires. Les autorisations de programme, de même que les crédits de paiement, représentent 90 millions de francs.

2.- L'organisation : les structures spécialisées

De manière assez classique, s'agissant de structures destinées à garantir l'application de la loi, l'organisation des administrations chargées du contrôle fiscal repose sur la séparation entre l'évaluation du risque, de manière générale, et la recherche de ce risque et le contrôle.

En outre, les modalités de notre organisation administrative conduisent à traiter à part ce qui relève de la direction générale des douanes et droits indirects.

a) Les comités d'évaluation des risques de fraude

Outre les structures de lutte contre la fraude fiscale proprement dites, il existe au sein de la direction générale des impôts, auprès du directeur général, un comité d'évaluation des risques de fraude (CERF), instance de réflexion constituée des responsables du contrôle fiscal et du contentieux ainsi que, selon les questions abordées, de certains directeurs de directions nationales ou de directions régionales. Le service de la législation fiscale participe également à cette instance.

Au niveau régional, les comités d'évaluation des risques de fraudes régionaux (CERFR) ont un rôle plus opérationnel et interviennent dans le domaine des axes de contrôle.

b) Les structures de la Direction générale des impôts exerçant les missions de recherche et de renseignement

En matière de fiscalité, la fonction de recherche et de renseignement est de plus en plus essentielle, compte tenu de la complexité croissante des échanges économiques et financiers, et donc des procédés de fraude, et de la nécessité de disposer d'informations préalables fiables pour effectuer une bonne programmation des contrôles.

Cette mission est dévolue à quelque 1.300 agents spécialisés, répartis dans les structures nationales, régionales et départementales.

Son exercice repose sur la mise en oeuvre des différentes procédures permettant une information de l'administration fiscale, notamment le droit de communication, qui permet de recueillir des informations auprès des tiers.

·  La direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF)

La DNEF, dont les locaux sont situés dans le département de la Seine-Saint-Denis, est la direction de niveau national spécialisée dans la recherche et " l'apport méthodologique " aux services en charge du contrôle fiscal. Elle a pour mission la collecte et la centralisation du renseignement fiscal, le traitement de ce renseignement par des procédures opérationnelles et la transmission d'éléments aux services de vérification soit sous forme d'éléments documentaires et d'aides méthodologiques, soit sous forme de propositions de contrôle. La DNEF est également en charge de l'anticipation des nouveaux détournements frauduleux de la loi fiscale.

Les onze brigades d'interventions interrégionales (BII) sont chacune constituées, sous l'autorité d'un chef de brigade, de quelque 5 inspecteurs et 5 contrôleurs. Elles sont investies d'une mission de lutte contre les activités clandestines et les montages frauduleux dans le cadre de procédures spécifiques. Elles sont notamment chargées d'opérations effectuées dans le cadre du droit de visite et de saisie prévu par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et d'opérations de mise en oeuvre de procédures de contrôle du respect des règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA, procédures prévues à l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales.

Les huit sections de documentation et de recherches (SDR) sont constituées d'un effectif voisin, un chef de section encadrant quelque 6 inspecteurs ainsi que 4 fonctionnaires du cadre B. Elles sont chargées, par grands secteurs socio-professionnels, de la conduite d'axes de recherches, de la collecte, de l'enrichissement et de la fourniture de renseignements ainsi que de l'élaboration et de la diffusion d'une documentation pour l'ensemble des services. Elles sont également chargées de la mise en oeuvre du droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales ainsi que du droit d'enquête relatif au respect des règles de facturation prévu aux articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales.

En outre, la brigade de recherches systématiques procède à des enquêtes et recherches auprès de certains établissements financiers et exerce le droit de communication de l'administration fiscale auprès des tribunaux de Paris, notamment le tribunal de commerce, et la brigade d'enquêtes et de recoupements, chargée d'enquêtes d'environnement ou de recherches thématiques, intervient également en appui aux autres structures de la DNEF ou aux directions d'Ile-de-France. Chacune de ces deux brigades dispose d'un effectif de quelque 25 agents.

Par ailleurs, il faut rappeler la création récente, en début d'année, du pôle " vérifications " de la DNEF, dans le cadre de la IVe division, également compétente en matière informatique.

Il faut de plus mentionner les brigades d'intervention rapide et la brigade de vérifications générales, chargée du contrôle de contribuables ou d'entreprises dans des circonstances particulières.

La DNEF comprend quelque 420 agents dont les trois-quarts sont basés à Paris.

·  Les brigades d'études et de programmation

Au niveau régional, les brigades d'études et de programmation participent à la mise en oeuvre et à la coordination de la politique régionale de recherche, en liaison avec la DNEF.

·  Les brigades de contrôle et de recherche (BCR)

Au niveau de chaque département, les brigades de contrôle et de recherche sont chargées de l'exploitation des éléments fournis par les services gestionnaires ou les structures de contrôle, ainsi que de l'analyse des renseignements qu'elles collectent par elles-mêmes.

c) Les services de la Direction générale des impôts en charge des opérations de contrôle fiscal

Dans l'ensemble, les missions de contrôle fiscal relèvent de quelque 6.600 inspecteurs des impôts.

Cet effectif est ventilé entre plusieurs échelons territoriaux.

·  Les directions nationales

Au niveau national, les structures chargées du contrôle fiscal sont organisées autour de deux directions :

- la Direction nationale des vérifications nationales et internationales (DVNI), pour la fiscalité des entreprises ;

- la Direction nationale de vérification de situations fiscales (DNVSF), pour la fiscalité des personnes.

Il est important de noter que la programmation de leur contrôle est effectuée, ainsi que cela a été précisé à votre Rapporteur, de manière autonome.

Outre une mission spécifique de contrôle des chambres de commerce et d'industrie, des ports automnes et des SICOMI, la DVNI exerce les missions de contrôle externe des grandes entreprises, dont le chiffre d'affaires est supérieur à 400 millions de francs pour le commerce et l'industrie et à 230 millions de francs pour les prestataires de services. Sa compétence s'étend également aux filiales à 50 % au moins de ces mêmes entreprises. Sont ainsi concernées 28.000 entreprises dont 5.000 très grandes entreprises. Les quartiers généraux des groupes relèvent également de la juridiction de cette direction.

La DVNI comprend 492 agents, dont 278 vérificateurs, 42 inspecteurs principaux et 85 agents en direction. Cet effectif a été accru de dix-neuf personnes dans le cadre du plan d'action du gouvernement de lutte contre la fraude, dont sept en matière informatique. La DVNI est organisée en trente brigades de vérification générale (BVG) et neuf brigades de vérification informatisée (BVCI). Une BVG est constituée de sept vérificateurs assistés d'un contrôleur et de deux agents de constatation et encadrés par un chef de brigade. Les BVCI sont organisées selon le même schéma, mais certaines ont un effectif de dix personnes. Les actions des BVCI reposent sur la présence de soixante-dix vérificateurs qui ont une compétence d'analystes en informatique et assistent tant les brigades générales que les autres services du contrôle fiscal. Les BVG sont réparties en secteurs socio-professionnels. Dans le cadre d'une adaptation de l'organisation, des emplois de " consultants " internes spécialisés (vérificateurs expérimentés) sont créés sur des points particuliers tels que la fiscalité internationale ou le secteur de la finance pour faire face à la complexité croissante de différents métiers. Ils viennent en appui à l'ensemble des brigades.

Le nombre annuel des opérations de contrôle externe s'établit à 1.200 vérifications de comptabilité environ. Il faut également mentionner les 1.800 opérations déléguées aux 20 directions régionales de province ou aux 2 directions de vérification de la région d'Ile-de-France, à titre dérogatoire. L'importance des filiales et la nécessité d'avoir une vision d'ensemble des groupes conduit également à une coopération étroite avec les services déconcentrés.

Les redressements opérés par la DVNI se sont considérablement accrus ces dernières années et ont presque triplé de 1990 à 1997, passant de 10 milliards de francs en 1990 à 26 milliards de francs en 1997 en droits bruts (4), et de 4,7 milliards de francs à 15 milliards de francs en droits nets (1) pour les mêmes années. Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, en effet, les redressements se sont établis aux valeurs suivantes :

REDRESSEMENTS OPÉRÉS PAR LA DVNI

(en milliards de francs)

 

1990

1993

1997

Droits bruts

10

13

26

Droits nets

4,7

9,9

15

Les dossiers donnant lieu à propositions de poursuites correctionnelles pour délit de fraude fiscale, dans le cadre de l'article 1741 du code général des impôts, sont assez peu nombreux. Ils concernent certains dirigeants d'entreprises, essentiellement pour des défauts de déclarations de plus-values.

On observera que les redressements opérés ne concernent pas seulement des impôts d'Etat, puisqu'ils se sont élevés, s'agissant de la taxe professionnelle, à 1 milliard de francs en 1996 et à 750 millions de francs en 1997.

Les liens, déjà évoqués, entre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la délinquance financière apparaissent clairement. Quelques cas d'infractions correctionnelles non fiscales sont transmis chaque année aux procureurs de la République, dans le cadre du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, qui dispose que toute autorité constituée, tout officier public ou tout fonctionnaire qui acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit dans l'exercice de ses fonctions est tenu d'en informer le parquet.

La DNVSF exerce les missions du contrôle fiscal externe pour les contribuables qui disposent des revenus ou des patrimoines assujettis à l'ISF les plus élevés, ou qui relèvent de situations complexes.

Sa compétence s'étend en effet, d'une part, aux contribuables qui relèvent de la dernière tranche de l'ISF, soit une valeur de patrimoine taxable supérieure à 45,58 millions de francs en 1998 et, d'autre part, aux foyers dont les revenus sont supérieurs à 5 millions de francs par an ou, s'agissant des professions libérales, dont le chiffre d'affaires est supérieur à ce seuil. Un total de 8.000 contribuables environ relève de sa compétence.

En outre, les dirigeants d'entreprises entrant dans les compétences de la DVNI, les personnes dont la situation relève d'au moins deux conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions, les personnes se prétendant domiciliées en dehors de notre pays et dont la résidence en France reste à établir et les questions présentant une certaine complexité du point de vue des investigations relèvent également de la DNVSF.

La DNVSF comprend seize brigades, dont une brigade de programmation et d'appui technique. Son effectif est de quelque 240 personnes.

Les quinze brigades de vérification, composées de six vérificateurs assistés de deux contrôleurs et encadrés par un chef de brigade, réalisent environ 600 contrôles par an. Trois grands types de fraudes sont relevés au niveau de la DNVSF : la fraude internationale, la fraude liée à l'économie souterraine et aux activités occultes, les fraudes opérées par des intermédiaires.

·  Les directions régionales

Au niveau régional, en métropole, interviennent les brigades de vérification des vingt directions régionales de province et des deux directions des vérifications d'Ile-de-France.

Les directions régionales se consacrent principalement aux vérifications des entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 10 millions de francs environ et 400 millions de francs.

·  Les directions départementales

Depuis la réforme engagée en 1992 tendant à augmenter la séparation entre les missions de gestion et de vérification, chacune des 107 directions des services fiscaux, à raison de plusieurs directions des services fiscaux à Paris et dans les Hauts-de-Seine et d'une direction départementale des services fiscaux par département, comprend des inspections de gestion, installées dans les 859 centres des impôts (CDI) répartis sur l'ensemble du territoire, et une ou plusieurs brigades de vérification.

Les inspections de gestion effectuent le contrôle sur pièces et les contrôles externes les moins complexes.

Les brigades de vérifications comptent de 7 à 10 inspecteurs encadrés par un inspecteur principal. Ces inspecteurs effectuent chacun en moyenne une douzaine de vérifications par an (entreprises ou particuliers).

d) Les services relevant de la direction générale des douanes et droits indirects

L'organisation du dispositif de lutte contre la fraude au sein de la direction générale des douanes et droits indirects a fait l'objet d'une adaptation arrêtée le 8 avril 1997. Ce nouveau dispositif s'inscrit, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, dans le cadre des orientations générales retenues par le programme " Douane 2000 " de la Commission européenne et tendant à harmoniser les méthodes de travail des administrations communautaires, notamment par un recours systématique aux techniques de l'analyse du risque et de l'audit.

Cette adaptation n'est cependant pas liée au seul problème de la fraude fiscale, puisque les missions de la douane en matière de fraude vont bien au-delà et concernent notamment la fraude douanière proprement dite tendant à éluder les droits de douanes ou droits équivalents (régimes préférentiels, droits antidumping), l'application de la politique commerciale, la lutte contre la fraude en matière de politique agricole commune, les contrefaçons ainsi que les trafics de stupéfiants et substances illicites, d'espèces animales protégées ou de véhicules volés.

Si l'ensemble des services douaniers participe à la lutte contre la fraude, certains d'entre eux se consacrent spécifiquement à ces tâches, sans qu'il soit toutefois possible d'identifier précisément la part consacrée aux contrôles de nature fiscale.

·  La direction générale des douanes et droits indirects : le Bureau de la politique des contrôles et de la lutte contre la fraude

Au sein de la directive générale des douanes et droits indirects, la lutte contre la fraude relève du bureau de la politique des contrôles et de la lutte contre la fraude.

·  La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)

La DNRED est une direction fonctionnelle à compétence nationale, chargées de l'action anti-fraude, notamment du démantèlement des réseaux et organisations de fraudes élaborées. La DNRED représente 663 emplois budgétaires.

·  Les services déconcentrés de traitement du renseignement

Au chapitre des services déconcentrés, il faut d'abord mentionner, au niveau de chacune des dix directions interrégionales, les centrales interrégionales du renseignement (CIR) et, à l'échelon des quarante directions régionales, les centres du renseignement, d'orientation et de contrôle (CERDOC). Les CIR représentent 38 emplois et l'effectif des CERDOC est de 365 personnes.

·  Les services déconcentrés de contrôle

On rappellera l'importance du rôle des services déconcentrés de contrôle douanier dans la lutte contre la fraude, sur le terrain.

e) L'importance accrue de l'assistance internationale et européenne

La coopération internationale en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale internationale connaît un développement important, comme en témoigne le bilan communiqué à votre Rapporteur. Les services en charge du contrôle fiscal peuvent en effet obtenir des renseignements sur les contribuables par le biais des conventions fiscales bilatérales comportant une clause d'assistance administrative en vue de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Ces clauses sont différentes des clauses visant à l'échange de renseignements dans le cadre soit de l'application des conventions, soit de l'aide au recouvrement des créances fiscales.

La France a conclu quelque quatre-vingt-deux conventions comportant une clause d'assistance en vue de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. L'assistance concerne les impôts visés par la convention prévoyant l'assistance en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale : impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés dans tous les cas ; droits d'enregistrement et de timbre, impôts locaux ou impôts sur la fortune pour certaines conventions.

Il faut également noter les accords administratifs en vue de transmettre automatiquement des renseignements, conclus avec certains Etats.

Actuellement, dix-sept pays ont signé des accords d'échange d'office avec la France. Il s'agit de l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, le Gabon, le Burkina Faso, le Maroc, Monaco, le Niger, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Sénégal et la Suède ; s'y ajoute le territoire de Polynésie française.

Le dispositif d'assistance est certes utile, mais il fait l'objet de trois critiques majeures :

- d'une part, la longueur, et la variabilité, des délais d'obtention des réponses, dans de nombreux cas ;

- d'autre part, le caractère inexploitable de certaines des réponses données ;

- enfin, les difficultés rencontrées auprès de centaines Etats, sur certains dossiers ou types de dossiers.

On mentionnera le cas des échanges avec les Pays-Bas, pour lesquels les délais moyens de réponse sont de deux mois et demi de la part de la France et de quinze mois de la part des autorités néerlandaises. En outre, il faut rappeler que, selon le bilan de l'assistance administrative internationale en 1997 établi par la sous-direction du contrôle fiscal de la direction générale des impôts (page 11), " les contraintes de la procédure néerlandaise prévoyant l'obligation de notifier au contribuable la réponse qui sera adressée à l'administration française continuent de peser sur les délais de réponse mais ne doivent en aucun cas être dissuasives pour les services demandeurs dans la mesure où les réponses fournies par les services néerlandais sont de qualité ".

Sur le plan communautaire, en outre, on rappellera la directive CEE n° 77-799 du 19 décembre 1977 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, étendue par la directive CEE n° 79-1010 du 6 novembre 1979 à la TVA.

Avec certains Etats, le régime de l'assistance administrative fonctionne de manière plus aisée grâce à la présence, au sein du personnel de notre ambassade, d'un attaché fiscal.

Six attachés fiscaux représentant la direction générale des impôts sont en poste à Londres, Bonn, Bruxelles, Rome, Madrid et Washington pour, respectivement, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne, les Etats-Unis et le Canada.

Le bilan de l'assistance administrative permet de tirer les enseignements suivants.

L'assistance sur demande a connu en 1997 de la part des services français une forte augmentation, avec 1.235 demandes, soit une progression de 49 % en un an, même si cette procédure demeure encore le fait d'un nombre limité de directions. Le délai de traitement des demandes s'est en moyenne réduit, avec 5 mois contre 6 pour les demandes traitées par la France et 6 mois contre 7 pour les demandes traitées par nos partenaires. Les pays où sont implantés les attachés fiscaux représentent 75% du total, ce qui témoigne de l'efficacité de la formule.

L'assistance automatique a également connu en 1997 un fort développement, avec une progression de 50 % des envois français et de 16% des envois étrangers. Au total, plus de 1,1 million de bulletins ont été échangés.

Un dispositif équivalent est en place à la direction générale des douanes et droits indirects. Près d'une trentaine d'accords d'assistance administrative bilatérale sont en vigueur. Ceux-ci offrent un fondement juridique stable, notamment pour l'échange d'information sur la fraude.

Par ailleurs, au sein de la Communauté européenne, un mécanisme élaboré d'assistance administrative mutuelle internationale est en place entre les Etats membres et la Commission en matière douanière et en ce qui concerne les contributions indirectes.

Enfin, le développement des task forces européennes (cigarettes, alcools, par exemple) permet le renforcement de l'efficacité de la lutte contre la fraude.

f) Le dispositif de coopération contre la fraude à la TVA intra-communautaire

Afin de déceler les fraudes en matière de TVA intra-communautaire, les Etats membres de l'Union européenne ont mis en place un système d'échange d'informations sur leurs transactions commerciales, fondé sur deux bases informatiques :

- la base informatique européenne des assujettis à la TVA, qui regroupe l'ensemble des opérateurs concernés et mentionne le numéro de chaque assujetti. Cette base est accessible tant aux entreprises qu'à l'administration fiscale ;

- le système informatisé de recoupement des acquisitions communautaires (système VIES, de VAT information exchange system).

Le système VIES donne accès à la base BREM, base de recoupement des Etats membres, qui regroupe les données fournies par les Etats membres, chaque Etat étant responsable de l'enregistrement informatique des livraisons intra-communautaires de ses opérateurs à destination des assujettis des autres Etats membres. Ces fichiers font l'objet d'échanges chaque trimestre.

Ce système est exploité aux deux premiers niveaux du dispositif d'assistance, qui en comprend trois :

- au niveau 1, l'administration fiscale d'un Etat peut connaître le montant des ventes déclarées par la totalité des fournisseurs étrangers à l'une des entreprises relevant de sa compétence ;

- au niveau 2, l'administration peut rapprocher les données du système informatique de recoupement et le montant des acquisitions déclarées par l'un de ses opérateurs nationaux et identifier les discordances éventuelles. En cas d'anomalies, il est prévu que ces informations puissent être détaillées, fournisseur par fournisseur, afin de faciliter l'identification de l'origine des écarts ;

- au niveau 3, une assistance administrative est prévue, dans la cadre d'une coopération élargie, avec des délais de réponse très stricts de trois mois. L'objectif de cette assistance est d'obtenir des informations dites de recoupement, ce qui implique le plus souvent que l'administration fiscale demande également directement à son opérateur des renseignements ou réalise des investigations ciblées sur place.

En outre, un comité permanent de la coopération administrative, composé de représentants des Etats-membres et présidé par un représentant de la Commission, est chargé de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'assistance.

Au niveau de chaque Etat, un bureau central de liaison (BCL) a été créé, seul chargé des contacts avec les autres Etats membres en matière de coopération administrative. En ce qui concerne la France, le BCL travaille en étroite coopération avec les attachés fiscaux dans les pays où ceux-ci sont implantés.

g) La coopération entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects en matière de TVA intra-communautaire

La lutte contre la fraude en matière de TVA intra-communautaire fait l'objet d'une coopération qui repose sur deux éléments.

D'une part, un service commun aux deux directions a été créé, le service de surveillance des échanges intra-communautaires (SSEI), qui comprend une cellule d'assistance administrative, rattachée au bureau en charge des affaires internationales du contrôle fiscal de la direction générale des impôts, et qui constitue le bureau central de liaison français dans le domaine de la coopération avec nos partenaires de l'Union européenne. En outre, une plate-forme informatique commune d'accès au système VIES et un observatoire des échanges intra-communautaire ont été institués.

D'autre part, un plan d'action commun entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects a été mis en place le 27 février 1997. Il définit 27 actions prioritaires en matière d'échanges d'informations, de créations de nouveaux instruments et d'amélioration du fonctionnement de l'observatoire des échanges intra-communautaires. Il a été renforcé, dans le cadre du programme de lutte contre la fraude, en octobre 1997.

Les objectifs de ce plan sont :

- le renforcement des moyens de contrôle des livraisons intra-communautaires par la mise à la disposition des services de nouveaux outils informatiques permettant de mieux exploiter les données disponibles ;

- l'intensification des échanges d'informations entre les deux directions ;

- la rationalisation de l'activité du service commun (observatoire des échanges intra-communautaires et cellule d'assistance administrative), créé en 1993, afin d'accroître son efficacité.

Par ailleurs, il convient de signaler la rénovation du protocole relatif à l'échange d'information entre la douane et la direction générale des impôts (protocole du 21 février 1997).

h) Les structures communautaires de lutte contre la fraude

·  Le rôle de l'UCLAF en matière de lutte contre la fraude

La Commission européenne a constitué en 1987 l'unité de coordination de la lutte anti-fraude (UCLAF) en charge de la lutte contre la fraude dans le domaine de la politique communautaire. Dans le domaine de la taxation indirecte (TVA et accises), comme dans les domaines douanier et agricole, l'UCLAF est chargée de toute activité opérationnelle de lutte anti-fraude en étroite coopération avec la DG XXI (politique douanière et fiscalité indirecte) et les services des Etats membres.

En raison de l'importance de la fraude organisée au niveau international dans les domaines des cigarettes et de l'alcool, la Commission a institué la pratique des groupes de projet (task-groups) chargés de coordonner les enquêtes et d'organiser une coopération opérationnelle entre la Commission et les Etats membres. Cette pratique a permis d'obtenir de réels succès dans des affaires complexes de dimension transnationale, notamment en matière de lutte contre la contrebande de cigarettes. Un groupe de travail spécifique au secteur de l'alcool a été créé au sein de l'UCLAF en 1997.

Par ailleurs, préoccupée par le développement de la fraude à la TVA, la Commission a constitué au sein de l'UCLAF, en 1995, une équipe TVA chargée de la lutte opérationnelle contre la fraude dans ce secteur. Cette cellule poursuit ses activités notamment en multipliant les contacts et la recherche d'informations avec les Etats membres. En 1997, elle a participé à 18 cas d'enquêtes mettant en jeu un montant de taxes supérieur à 300 millions d'écus.

·  Les autres intervenants

La directive n° 92/12 CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises, a institué un comité des accises composé de représentants des Etats membres de la Commission européenne et chargé, entre autres, d'examiner et d'évaluer l'application des dispositions communautaires en matière de droits d'accises.

Par ailleurs, la décision FISCALIS, adoptée par le Parlement et le Conseil le 30 mars 1998, poursuit un objectif général de protection des intérêts financiers des Etats membres et de la Communauté en luttant contre la fraude et l'évasion fiscales.

Ce programme, qui couvre la période 1998-2002, prévoit notamment une amélioration des échanges d'informations entre les Etats membres et avec la Commission, des initiatives en matière d'organisation de séminaires et d'échanges de fonctionnaires ainsi que la mise en oeuvre de contrôles multilatéraux. Il vise à engager un processus d'harmonisation des politiques et réglementations des Etats membres dans les domaines des accises.

In fine, le Conseil ECOFIN, lors de sa session du 19 mai 1998, a examiné le rapport final du groupe à haut niveau sur la fraude dans les secteurs du tabac et des alcools. En effet, face à l'ampleur du développement alarmant de la fraude sur le tabac et les alcools, la Commission a mis en place, fin mars 1997, en application d'une décision des directeurs généraux des douanes et de la fiscalité indirecte de l'Union européenne, un groupe à haut niveau mandaté pour recenser les failles réglementaires et les défauts d'harmonisation de ces secteurs.

Les travaux du groupe ont donné lieu à l'établissement d'un rapport portant des recommandations, notamment d'ordre général et technique, sur l'introduction des biens dans la Communauté, la production et l'entreposage des produits, la circulation intra-communautaire et l'exportation.

Les mesures à mettre en oeuvre sont notamment les suivantes : renforcement de la coopération administrative, amélioration de la collecte de l'information, développement de l'analyse de risque, mise en place d'un code de bonne conduite pour les opérateurs, renforcement des contrôles physiques, mise en oeuvre d'un système informatisé de contrôle des échanges, introduction d'un système de garanties pour les transporteurs, adoption d'un cachet unique dans la Communauté pour l'apurement des documents ...

B.-  LES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL :
UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE, MAIS D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT

1.- L'augmentation significative des résultats du contrôle fiscal

a) Les résultats des contrôles opérés par la direction générale des impôts

Sur une période de onze années, de 1985 à 1996, les résultats des contrôles fiscaux opérés par la direction générale des impôts ont connu une forte progression.

Les taux de rappel sont cependant assez faibles pour les trois grands impôts d'Etat : l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA.

·  Les résultats d'ensemble

Sur les années récentes, l'augmentation des résultats du contrôle fiscal opéré par la direction générale des impôts est importante, les résultats ayant progressé de 24,5 milliards de francs en 1985 à 67,2 milliards de francs en 1996 s'agissant des droits rappelés.

DROITS NETS RAPPELÉS À L'OCCASION DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL

(en milliards de francs)

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôle sur pièces

8,4

11,4

12,9

14,1

11,8

14,9

15,9

16,9

18,1

19,6

19,6

27,3

Contrôle fiscal externe

16,1

18,7

18,7

19,4

19,7

19

22,5

26,7

29,6

34,8

36,1

39,9

Total

24,5

30,1

31,6

33,5

31,5

33,9

38,4

43,6

47,7

54,4

55,7

67,2

Source : Direction générale des impôts.

Ainsi que l'indique le tableau suivant, plus détaillé, mais portant sur une période plus courte de cinq ans seulement, cette évolution positive concerne tous les impôts et l'ensemble des procédures de contrôle : contrôles sur pièces et contrôles sur place.

RÉSULTATS DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE (DROITS NETS)

(nombres en unités et montants en millions de francs)

 


1992


1993


1994


1995


1996

Evolution 1996/1995
(%)

I.- Contrôle sur place

A.- Vérification de comptabilité

1. Droits simples rappelés

           

Impôts directs :

- Impôt sur les sociétés (2)
- Impôt sur le revenu (2)
- Autres impôts

10.575
3.379
1.245 (3)

12.176
3.787
959

13.711
3.970
1.091

13.543
3.851
1.005

14.002
4.059
1.657

3,4
5,4
64,9

Taxes sur le chiffre d'affaires

7.016

7.997

10.383

11.292

13.051

15,6

Impôts locaux

1.262

1.407

1.799

2.604

2.900

11,4

Droits d'enregistrement

742

634

872

673

759

12,8

Total des droits simples

24.219

26.960

31.826

32.698

36.428

10,5

2. Pénalités appliquées (tous impôts)

8.797

9.395

10.802

10.348

10.510

1,6

B.- Examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle (ESPF)

           

1. Droits simples rappelés

2.517

2.621

2.962

3.139

3.499

11,5

2. Pénalités appliquées (tous impôts)

1.383

1.426

1.601

1.569

1.702

8,5

Récapitulation des résultats du contrôle sur place :
- Droits simples rappelés
- Pénalités


26.736
10.180


29.581
10.821


34.788
12.403


36.107
11.917


39.927
12.212


10,6
2,5

II.- Contrôle sur pièces (droits simples)
I. Impôt sur les sociétés


1.847


1.975


2.091


2.687


3.130


16,5

II. Impôt sur le revenu

6.353

7.340

8.208

7.879

8.256

4,8

III. Taxes sur le chiffre d'affaires

5.317

5.340

5.687

5.522

12.089 (4)

118,9

IV. Droits d'enregistrement

3.105

3.094

3.312

3.165

3.477

9,9

V. Impôts divers (5)

55

81

104

83

66

- 20,2

VI. Impôt de solidarité sur la fortune

192

228

241

239

288

20,5

Récapitulation des résultats du contrôle sur pièces

16.869

18.058

19.643

19.575

27.306

39,5

Récapitulation des résultats du contrôle sur place et sur pièces (droits simples)


43.605


47.639


54.431


55.682


67.233


20,7

Indice d'évolution en francs constants (base 100 en 1992)


100


107,3


121,0


121,7


144,2


118,5

(1) Calcul fondé sur la constatation pratique que deux vérifications simples, deux vérifications ponctuelles ou deux vérifications diagnostics arrêtées correspondent sensiblement en terme de résultats et de charge pour les services à une vérification générale.

(2) Les chiffres indiqués sont nets des réductions de déficits pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu.

(3) Ce montant s'explique par la réalisation en 1992, de deux opérations à caractère exceptionnel.

(4) Les résultats de l'année 1996 comprennent à concurrence de 5.398 millions de francs le montant des rejets des demandes de remboursement de TVA.

(5) Contrôle sur pièces de TVA immobilière et prélèvement sur les profits immobiliers.

Source : Projet de loi de finances pour 1998 - Evaluation des voies et moyens.

Plusieurs indices permettent de constater les progrès du rendement du contrôle fiscal.

En premier lieu, le montant des droits rappelés a progressé plus vite que les recettes fiscales de l'Etat : ils ont représenté, en effet, 4,94% du montant des recettes fiscales nettes du budget général de l'Etat en 1996, contre 3,03% en 1987. On constate la même évolution par comparaison avec les recettes fiscales brutes : 2,72% en 1987 et 4,15% en 1996.

RAPPORT DES RÉSULTATS DE CONTRÔLE FISCAL (DROITS SIMPLES)
PAR RAPPORT AUX RECETTES FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards de francs)

 

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Résultats contrôle fiscal droits simples (1)

31,6

33,5

31,5

33,9

38,4

43,6

47,7

54,4

55,7

67,2

Recettes fiscales brutes de l'Etat (budget général) (2)

1.162

1.238,2

1.321,4

1.395

1.452,8

1.453,7

1.429,6

1.455,2

1.523,8

1.620,1

Rapport (1) / (2)

2,72%

2,71%

2,38%

2,43%

2,64%

3%

3,34%

3,74%

3,66%

4,15%

Recettes fiscales nettes de l'Etat (budget général) (3)

1.042,9

1.099,8

1.167,1

1.205,6

1.228,3

1.215,6

1.209,1

1.254,4

1.301,7

1.359,6

Rapport (1) / (3)

3,03%

3,05%

2,70%

2,81%

3,13%

3,59%

3,95%

4,34%

4,28%

4,94%

En second lieu, le rapport entre le montant des droits nets rappelés et le nombre des agents participant aux missions de contrôle fiscal est passé de 1,38 million de francs en 1988 (33,5 milliards de francs pour 24.444 agents) à 2,44 millions de francs en 1996 (67,2 milliards de francs pour 27.330 agents au 31 décembre 1996), soit une progression de 76,8 %.

En troisième lieu, on constate qu'en 1996, le rapport entre les moyens affectés au contrôle fiscal, qui se sont élevé à 3,23 milliards de francs, a été de 1 à 20,8, à raison des 67,2 milliards de francs de droits nets rappelés.

L'interprétation de cette progression dans l'efficacité est délicate dès lors qu'il est impossible de savoir laquelle des deux causes possibles, une augmentation de la fraude fiscale ou bien une amélioration des contrôles, est prépondérante.

La conclusion à tirer de ces éléments est cependant claire. Le contrôle fiscal reste, eu égard aux rémunérations versées aux fonctionnaires qui l'exercent et aux moyens matériels engagés, une opération financièrement intéressante pour l'Etat.

·  Les résultats des contrôles externes

Les résultats des contrôles externes, opérés dans le cadre des vérifications de comptabilité ou des procédures d'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle, ont fortement progressé, les droits nets rappelés s'étant établis à 39,9 milliards de francs en 1996, contre 16,1 milliards de francs en 1985.

DROITS NETS RAPPELÉS À L'OCCASION

DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL EXTERNE

(en milliards de francs)

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôles externes

16,1

18,7

19,4

19,7

19

22,5

26,7

26,7

29,6

34,8

36,1

39,9

Source : Direction générale des impôts.

Il est remarquable que cette progression soit intervenue dans le cadre d'un nombre d'opérations sensiblement stable à moyen terme, malgré quelques évolutions.

Le nombre des opérations d'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle (ESFP) est resté limité, avec de fortes variations autour de cinq mille opérations par an.

Le nombre des vérifications de comptabilité, plus important, a fluctué entre trente sept mille et cinquante mille interventions par an.

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL EXTERNE

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Vérification de comptabilité

41.169

46.147

49.508

49.741

42.858

40.234

37.649

38.858

39.413

41.488

43.874

46.101

Examen contradictoire de l'en-semble de la situation fiscale per-sonnelle (1)

6.504

5.782

3.966

3.250

3.066

3.406

3.355

3.501

3623

3968

4.429

4.666

Total

47.673

51.929

53.474

52.991

45.924

43.640

41.004

42.59

43.036

45.456

48.303

50.767

(1) Vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble (VASFE) avant l'entrée en vigueur de la loi n° 87-508 du 8 juillet 1987.

Source : Direction générale des impôts.

Ainsi, l'efficacité des contrôles a progressé. Le montant moyen des droits rappelés à l'issue d'une opération de contrôle externe s'est fortement accru, étant passé de 337.000 francs de droits rappelés par opération à 786.495 francs de 1985 à 1996, soit une augmentation de 133 %.

·  Les résultats des contrôles sur pièces

Les opérations de contrôle sur pièces ont également gagné en rendement, les droits rappelés ayant progressé, tous impôts confondus, en onze ans, de 8.438 millions de francs en 1985 à 19.575 millions de francs en 1995, soit une progression de 132% sur dix ans, ainsi que l'indique le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES RÉSULTATS DU CONTRÔLE SUR PIÈCES DE 1985 À 1996 (DROITS NETS)

(en millions de francs)

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Impôt sur les sociétés

924

1.255

1.336

1.673

1.533

1.804

1.961

1.847

1.975

2.087

2.867

3.130

Impôt sur le revenu

3.647

4.486

4.996

5.569

4.311

5.806

5.901

6.353

7.340

8.196

7.879

8.256

Taxes sur le chiffre d'affaires

1.003

2.084

2.990

3.315

3.326

4.305

5.014

5.317

5.340

5.687

5.522

12.089 *

Droits d'enregistrement

2.097

3.298

3.451

3.430

2.578

2.882

2.905

3.105

3.094

3.312

3.165

3.477

Impôts divers (1)

17

20

32

47

26

37

42

55

81

104

83

66

Impôt sur les grandes fortunes/
Impôt de solidarité sur la fortune


150


214


149


79


9


25


122


192


228


241


239


288

TOTAL

8.438

11.357

12.954

14.113

11.783

14.859

15.945

16.869

18.058

19.627

19.575

27.306

(1) TVA immobilière et prélèvement sur les profits immobiliers.

* Le chiffre de 1996 n'est pas totalement significatif puisqu'il comprend les rejets de demandes de remboursement de TVA, non inclus pour les années antérieures.

Source : Direction générale des impôts.

Cette évolution concerne tous les impôts, mais l'évolution la plus importante est celle des rappels de taxes sur le chiffre d'affaires (TVA), avec une multiplication par 5,5 de 1985 à 1995, de 1 milliard de francs à 5,5 milliards de francs.

Les autres évolutions remarquables concernent l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, avec un peu plus qu'un doublement pour le premier et un triplement pour le second.

·  Les résultats relatifs aux principaux impôts

un taux de rappel en progression, mais d'un niveau assez modéré pour l'impôt sur le revenu

Pour l'année 1996, le taux de rappel ne s'est élevé qu'à 6,34 % pour l'impôt sur le revenu, ce qui n'est guère très élevé, puisque le calcul tient compte non seulement des droits simples émis, mais également des pénalités.

Il est cependant en forte progression, car il ne s'établissait qu'à 4,84 % en 1992.

IMPOSITIONS ÉMISES À LA SUITE D'UN CONTRÔLE FISCAL

IMPÔT SUR LE REVENU

(DROITS SIMPLES ET PÉNALITÉS)

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôles sur place

7,429

8,427

8,007

9,393

10,906

Contrôle sur pièces

7,430

8,502

9,540

9,239

9,715

Total (1)

14,859

16,929

17,547

18,632

19,921

Rendement de l'impôt sur le revenu (2)

307,138

309,770

295,268

297,069

314,136

Rapport (1) / (2)

4,84 %

5,47 %

5,94 %

6,27 %

6,34 %

Ces résultats appellent plusieurs observations.

S'agissant des contrôles sur pièces, on observera que les redressements sur déclarations se sont élevés à 911.311, et que 59.417 procédures de taxation d'office ont été opérées en 1996. Les impositions faisant suite à une relance se sont établies à 21.373 unités cette même année.

Avec 7,278 milliards de francs de droits rappelés, les cotisations mises en recouvrement dans le cadre des redressements sur déclarations s'élèvent donc à 7.986 francs en moyenne.

En ce qui concerne la taxation d'office, le rappel est en moyenne de 32.667 francs, pénalités comprises, ce qui montre l'efficience de la procédure. Pour les impositions faisant suite à une relance, le montant est de 23.206 francs par opération.

S'agissant des contrôles externes, on observe une forte concentration sur les interventions lourdes justifiant pleinement le recours à cette procédure. Les montants par opération sont assez importants. Ils se sont établis en moyenne, en 1996, à 190.872 francs. Les articles supérieurs à 500.000 francs ont représenté 5,7% du nombre et 69,1% du montant des rappels. De plus, 74,8% du rappel global a été émis à l'encontre de contribuables disposant de revenus supérieurs à 800.000 francs.

un taux de rappel assez élevé pour l'impôt sur les sociétés, de près de 11%

Ainsi que l'indique le tableau suivant, les redressements opérés en matière d'impôt sur les sociétés, droits simples et pénalités, représentent près de 11% du produit.

L'importance du taux de rappel, toujours supérieur à 10 % et oscillant entre ce plancher et un taux de 13 %, est une donnée structurelle caractéristique de ce prélèvement.

IMPOSITIONS ÉMISES À LA SUITE D'UN CONTRÔLE FISCAL

IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (DROITS SIMPLES ET PÉNALITÉS)

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôles sur place

11,624

13,652

15,032

14,804

15,164

Contrôle sur pièces

2,238

2,289

2,396

3,024

3,534

Total (1)

13,862

15,941

17,488

17,828

18,698

Rendement de l'impôt sur les sociétés (2)

135,843

127,229

134,410

150,856

171,700

Rapport (1) / (2)

10,20 %

12,53 %

13,01 %

11,82 %

10,88 %

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces données.

Les contrôles sur pièces ne représentent que de faibles montants, ce qui atteste de la bonne qualité de la tenue des documents à vocation fiscale par les entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés, qui sont surtout les grandes et moyennes entreprises.

S'agissant des résultats des contrôles sur place, les cotisations se sont élevées (droits simples et pénalités), en moyenne, à 428.700 francs par vérification de comptabilité, à raison de 15,164 milliards de francs pour 35.372 opérations, mais on observe également une forte concentration sur un nombre de rappels peu élevé, les articles supérieurs à 1 million de francs représentant 5,2% du nombre, mais 78,2% des sommes réclamées.

un taux de rappel très peu élevé pour les taxes sur le chiffre d'affaires (TVA), de moins de 3 %

Ainsi que l'indique le tableau suivant, les rappels de TVA qui se sont élevés à 17,458 milliards de francs en 1996, n'ont représenté que 2,40 % des recettes brutes de TVA et 2,91 % des recettes nettes.

Il s'agit d'une constante, les rappels de TVA restant assez peu élevés par rapport à la recette. On mesure, malgré l'effort opéré dans ce domaine depuis 1985, en matière de contrôle sur pièces, l'efficacité qu'il convient de gagner encore.

IMPOSITIONS ÉMISES À LA SUITE D'UN CONTRÔLE FISCAL

TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES (TVA) (DROITS SIMPLES)

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

Contrôles sur place

6,214

7,191

8,578

9,712

10,767

Contrôle sur pièces

5,317

5,340

5,687

5,522

6,691

Total (1)

11,531

12,531

14,265

15,234

17,458

Rendement (TVA brute) (2)

654,3

622,3

645,5

669,2

728,2

Rapport (1) / (2)

1,76%

2,01%

2,21%

2,28%

2,40%

Rendement (TVA nette) (3)

519,7

505,1

540,6

563,6

600,5

Rapport (1) / (3)

2,22%

2,48%

2,64%

2,70%

2,91%

Cette constatation conduit peut-être, mais il reviendra au rapport définitif de tenter de faire la lumière sur ce phénomène, à l'hypothèse d'une fraude extrêmement diffuse dans le circuit économique à côté de quelques cas de fraudes organisées. Les rappels de TVA supérieurs à 1 million de francs représentent quand même, en effet, 56,4% des montants redressés en 1996.

·  La progression des résultats du contrôle fiscal en matière internationale

Les résultats du contrôle fiscal externe opéré en 1997 en matière internationale méritent un commentaire particulier, tant ils portent sur des montants en progression et révèlent l'importance accrue de la lutte contre cette fraude organisée ou cette évasion calculée.

En effet, en matière d'impôts directs, d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, les résultats ont considérablement augmenté, passant de 8,411 milliards de francs en 1996 à 14,026 milliards de francs en 1997, soit une progression de 66,75 %.

Les résultats bruts du contrôle fiscal international se sont ainsi élevés à 11,9 % du montant des bases redressées en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés. Toutefois, si l'on excepte deux affaires exceptionnelles, le taux est de 8,5 %, peu différent de celui de 1996 (8,4 %), mais beaucoup plus élevé qu'en 1991 (3,2 %).

L'analyse des résultats par type de redressement et l'augmentation sensible du nombre des rappels confirment un renforcement du rôle des dispositifs contre l'évasion fiscale internationale, évoqués en première partie, ce dont chacun ne saurait que se féliciter.

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, il convient d'observer, en 1997 :

- avec 802 millions de francs, une progression de 8 % des redressements opérés sur la base de l'article 4 B du code général des impôts relatif aux règles de domiciliation des personnes physiques ;

- avec 5,049 milliards de francs, une progression plus modeste de la répression des infractions aux règles de la territorialité prévue par les articles 39.1 (détermination du bénéfice), 57 (prix de transfert) et 209.I (principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés) du même code, dans le domaine de la fiscalité des entreprises ;

- avec 1,285 milliard de francs, une très forte progression, de 68 %, des redressements opérés sur la base de l'article 209 B du code général des impôts précédemment évoqué dans la première partie du présent rapport, sur l'imposition des résultats des participations significatives détenues dans des entreprises implantées dans des territoires à fiscalité privilégiée ou bénéficiant seulement d'un régime privilégié.

Des résultats notables sont également obtenus, dans le cadre d'opérations de contrôle externe, s'agissant de la taxe de 3 % assise sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, prévue aux articles 990 D et suivants du code général des impôts. Les rappels passent de 8 millions de francs en 1996 à 192 millions de francs en 1997, mais cette évolution est principalement liée à une affaire très importante.

Le dernier élément significatif concerne la TVA, les droits rappelés augmentant de 3,22 milliards de francs en 1996 à 6,399 milliards en 1997.

·  Les rappels en matière de TVA intra-communautaire

Les rappels de TVA intracommunautaire dans le cadre du contrôle externe concernent notamment :

- le contrôle des acquisitions intracommunautaires : même s'il ne s'agit généralement pas d'une ressource définitive pour le budget de l'Etat, il permet de garantir l'efficacité du dispositif de recoupement intracommunautaire. Il s'est traduit par des rappels de droits de 3,6 milliards de francs en 1997 (contre 1,15 milliard en 1996) ;

- le contrôle des livraisons intracommunautaires : la détection de livraisons intracommunautaires fictives a pour conséquence un rappel de TVA. La remise en cause de livraisons exonérées à tort a donné lieu en 1997 à des rappels de droits de 530 millions de francs (contre 137 millions de francs en 1996). Il s'agit dans la plupart des cas de véritables agissements frauduleux.

L'évolution de ce dernier chiffre donne la mesure des risques précédemment évoqués par votre Rapporteur, dans le cadre de la première partie, et de l'importance des structures nationales et communautaires de contrôle mentionnées au A de la présente partie.

b) Les résultats des contrôles opérés par la direction générale des douanes

En ce qui concerne la direction générale des douanes, on observe également une progression des résultats des contrôles, sur les années récentes.

-  la TVA

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, les contrôles de la direction générale des douanes et droits indirects ont permis, en matière de TVA, un certain nombre de redressements dont les montants sont loin d'être négligeables, puisqu'ils s'établissent à plusieurs centaines de millions de francs.

MONTANTS DES DROITS COMPROMIS (5)

(en millions de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

308,1

420,6

416

380,8

359,9

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

- la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)

Les fraudes en matière de TIPP sont assez rares, et les montants des droits compromis (1) extrêmement faibles.

Cette situation s'explique par plusieurs éléments. La perception de la taxe intervient le plus en amont possible de la filière, c'est à dire à la sortie des raffineries et des entrepôts placés sous surveillance douanière, ce qui offre des garanties élevées. Par ailleurs, les produits pétroliers sont soumis à des formalités strictes quant à leur utilisation, afin d'éviter les utilisations illicites telles que celle du fioul domestique comme carburant.

Cependant, les risques de fraude ne sont pas totalement exclus, comme le montrent les redressements opérés ces dernières années.

MONTANTS DES DROITS COMPROMIS (TIPP) (1)

(en millions de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

111,3

29,3

61,1

28,7

49

Source : Direction générale des douanes et droits indirects

Ces chiffres sont, il est vrai, modestes, eu égard aux recettes qui se sont élevées à respectivement 126,4 milliards de francs et 150,75 milliards de francs en 1993 et 1997.

Leur existence rappelle néanmoins qu'il convient d'être vigilant et d'éviter toute mesure susceptible d'entretenir un développement de la fraude en matière de produits pétroliers. A cet égard, l'hypothèse parfois envisagée d'une moindre taxation du carburant gazole destiné à l'usage professionnel ne semble pas présenter, a priori, toutes les garanties nécessaires.

- les contributions indirectes

Pour un esprit peu au fait de la réalité frauduleuse, les fraudes portant atteinte à la perception des contributions indirectes, qui concernent essentiellement les trafics en matière d'alcools et de tabacs, apparaissent comme des délinquances assez désuètes, marquées par l'image quelque peu folklorique du contrebandier " à dos de mulet ".

Il n'en est pourtant rien, et il s'agit même d'un secteur en pleine expansion, ce qui a suscité une importante réaction au niveau communautaire, avec la création du groupe à haut niveau précédemment évoqué.

On mesure alors aisément grâce à une référence historique somme toute récente, ce que ces phénomènes peuvent receler d'inquiétant.

- l'augmentation de la fraude et la contrebande organisée sur les alcools

Entre 1994 et 1997, le montant des droits fraudés ayant fait l'objet de constatations de la part de l'administration des douanes dans le secteur des alcools a fortement augmenté, s'agissant notamment des infractions aux règles sur la circulation et le commerce des alcools.

Comme l'indique le tableau suivant, les droits fraudés se sont établis à 101,4 millions de francs en 1997 contre 13 millions de francs en 1994, soit une multiplication par plus de 7 en quatre ans :

MONTANTS FRAUDÉS DES TAXES SUR LES ALCOOLS

(en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

13

24,3

55,6

101,4

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

En ce qui concerne l'interprétation de cette évolution, on relèvera d'abord que l'action douanière s'est affinée grâce à des orientations de contrôles accordant une part plus importante aux marchands en gros et entrepositaires agréés ainsi qu'aux échanges intra-communautaires. De même, le secteur des contributions indirectes, qui dépendait de la direction générale des impôts avant 1993, a été renforcé.

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, la fraude concerne principalement l'exportation vers les pays tiers, extérieurs à l'Union européenne, ainsi que l'expédition intra-communautaire en direction des pays d'Europe du Nord.

- la fraude et la contrebande organisées des produits du tabac

Depuis quatre ans, les saisies annuelles en matière de produits du tabac concernent des volumes significatifs, toujours supérieurs à 100 tonnes, selon la direction générale des douanes et droits indirects. Elles portent essentiellement sur des cigarettes blondes d'origines étrangères.

SAISIES DE PRODUITS DU TABAC

(en tonnes)

1993

1994

1995

1996

1997

59,7

185,9

117

144

181,7

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

Cette augmentation se traduit également dans l'évolution du montant des droits fraudés, qui, tout en restant modeste, connaît une progression importante, comme l'indique le tableau suivant :

MONTANTS FRAUDÉS DES DROITS DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS DU TABAC

(en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

2,9

3,1

1,6

4,4

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

S'il est en augmentation, ce phénomène, de même que la fraude sur les produits alcooliques, concerne cependant moins la France que ses partenaires européens.

Cette situation s'explique, selon la direction générale des douanes et droits indirects, par l'existence d'un monopole de vente au détail exercé dans le cadre très structuré du réseau des débitants de tabacs qui présente, en outre, l'avantage d'être présent sur l'ensemble du territoire.

Ainsi, c'est en raison de sa situation géographique que la France, qui apparaît de plus en plus comme un pays de transit pour la grande fraude internationale opérant depuis les grands ports de l'Europe du Nord à destination notamment des marchés parallèles des Etats du Sud (Espagne, Portugal, Italie), est concernée. Cette contrebande sur les tabacs s'opère de plus en plus par voie maritime, ce qui change les modalités d'intervention des services douaniers.

Notre pays n'est toutefois pas à l'abri de ce risque et apparaît d'ailleurs de plus en plus concerné par un trafic qui prend son origine dans les Pyrénées (Andorre) et emprunte la voie routière, à destination non seulement de son territoire, mais également d'autres pays européens.

Pour des raisons évidentes le trafic des produits du tabac est souvent lié à celui des alcools.

- le contrôle aux frontières des transferts de sommes, titres ou valeurs 

En contrepartie de la libéralisation complète des mouvements de capitaux entre la France et les pays étrangers, intervenue le 1er janvier 1990, les transferts de capitaux font l'objet de plusieurs formalités :

- certaines personnes morales et les personnes physiques qui détiennent un compte à l'étranger sont tenues de déclarer à l'administration fiscale, en même temps que leurs déclarations de revenus ou de résultats, les références des comptes financiers ouverts, utilisés ou clos à l'étranger, en application de l'article 1649 A du code général des impôts ;

- les transferts effectués par les personnes physiques, sans passer par l'intermédiaire d'un organisme financier (banque), doivent être déclarés auprès de l'administration des douanes, lorsque leur montant est d'au moins 50.000 francs (article 1649 quater A du code général des impôts et articles 464 et 465 du code des douanes). Les sanctions prévues en cas d'infraction, mentionnées à l'article 465 du code des douanes, sont la confiscation du corps du délit ou d'une somme équivalente, ainsi qu'une amende pouvant aller jusqu'à 100 % de cette somme avec un minimum de 25 %.

De plus, les fonds transférés en contravention de l'une ou l'autre de ces obligations de déclarations fiscales et douanières constituant des revenus imposables, une majoration de 40 % des droits rappelés est prévue, outre l'intérêt de retard. Cette majoration n'est cependant pas mise en oeuvre lorsque la confiscation et l'amende précédemment évoquées sont appliquées.

Cette procédure relève non seulement de la lutte contre la fraude douanière, mais également de la lutte contre la fraude fiscale, comme l'indique le nombre des dossiers transmis à la direction générale des impôts par la direction générale des douanes, qui représentent une proportion importante du nombre des manquements constatés, à raison de 45 % des 938 infractions constatées en 1996.

INFRACTIONS CONSTATÉES À L'OBLIGATION DE DÉCLARATION EN DOUANE DES TRANSFERTS DE FONDS

 

1995

1996

1997

Nombre de manquements constatés

963

938

1200

Sommes saisies (en millions de francs)

710

324

744

Nombre des affaires transmises

368

421

n. d.

Proportion des affaires transmises

38 %

45 %

n. d.

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

Ce dispositif a également permis de démanteler des réseaux organisés de fraude fiscale. Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, la douane a mis au jour en 1997 plusieurs affaires de " défiscalisation " de bons anonymes émis par des compagnies d'assurance françaises ou de bons de caisse émis par des banques. L'objectif était de bénéficier du régime, plus favorable, de la fiscalité applicable aux non résidents.

2.- Le rôle important de la juridiction gracieuse

En matière fiscale, la juridiction gracieuse tient un rôle non négligeable, qui se traduit par un nombre important de transactions, remises ou modérations.

Il en est de même en matière de contrôle fiscal, mais compte tenu de l'absence de statistiques sur le rôle du gracieux dans ce domaine, votre Rapporteur rappellera les principaux éléments sur le rôle de cette juridiction. C'est donc, sous cette réserve, que l'on appréciera la portée des observations auxquelles il est procédé. Il a, en effet, semblé que ne pas rappeler l'importance du gracieux dans les relations entre l'administration fiscale et le contribuable reviendrait à méconnaître un aspect essentiel de la relation entre le citoyen, le paiement de l'impôt et la sanction du non respect des obligations fiscales.

S'agissant des impositions relevant de la direction générale des impôts, cette juridiction est exercée selon les modalités suivantes, conformément à l'article L. 247 du livre des procédures fiscales.

L'administration fiscale peut accorder :

- en matière d'impôts directs régulièrement établis, des remises totales ou partielles, sur les droits en principal, lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence. Toute remise sur le principal, même partielle, est interdite, en revanche, en matière de droits d'enregistrement ou de taxes sur le chiffre d'affaires ;

- des remises totales ou partielles sur les amendes fiscales ou majorations d'impôts, lorsque ces pénalités sont devenues définitives ;

- par voie de transaction, une atténuation des amendes fiscales ou des majorations d'impôts, pour tout type d'imposition, avant que ces amendes ou majorations et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles se rapportent n'aient acquis leur caractère définitif.

Les différentes autorités compétentes interviennent en fonction de règles simples, mais dont l'articulation est complexe :

- plus le montant des sommes faisant l'objet de la demande est important, plus l'autorité administrative compétente est hiérarchiquement élevée. Les décisions de premier rang relèvent du directeur des services fiscaux compétent. Les décisions portant sur des droits dont les montants sont plus importants relèvent du directeur régional ou du directeur des services fiscaux chargé d'une direction spécialisée - direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) ; direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ; direction nationale de vérification de situations fiscales (DNVSF) ; l'une des deux directions de vérification d'Ile-de-France. Les décisions les plus importantes sont de la compétence, soit du directeur général des impôts, soit du ministre chargé des finances. Des seuils précis sont fixés pour régler ces compétences ;

- les seuils et les compétences sont différentes pour les contributions indirectes, la taxe professionnelle et les taxes additionnelles à cet impôt, d'une part, et les autres impôts, d'autre part ;

- l'avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, comité consultatif composé de douze magistrats, quatre membres du Conseil d'Etat, dont le président, quatre membres de la Cour des comptes et quatre membres des juridictions judiciaires, est requis avant toute décision du directeur général des impôts ou du ministre ;

- le seuil s'apprécie par cote, exercice ou affaire, selon la nature de l'impôt.

C'est cette dernière règle qui exige, lorsque les décisions relatives à un seul contribuable et à un même contrôle relèvent de différentes autorités, une coordination entre elles, ce qui rend les choses plus complexes.

La notion de cote concerne en effet les seuls impôts recouvrés par le Trésor, impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés, et comprend le principal des droits et les majorations, pour un article d'un impôt. Celle d'exercice vise les taxes sur les chiffres d'affaires, la retenue à la source sur le revenu des capitaux mobiliers et les taxes recouvrées selon les mêmes modalités. La notion d'affaire concerne les droits d'enregistrement, de publicité foncière, l'ISF et les droits de timbre.

En pratique, cette règle ne conduit pas à un fractionnement des dossiers relatifs à plusieurs impositions, car l'ensemble des éléments est soumis au niveau hiérarchique dont relève la cote, l'affaire ou l'exercice dont le montant est le plus élevé.

En matière de taxe professionnelle et de taxes additionnelles à cet impôt, le directeur des services fiscaux chargé d'une direction départementale est compétent jusqu'à 1,5 millions de francs par cote, le directeur général des impôts intervient, au-delà, jusqu'à 2,4 millions de francs, et le ministre ensuite.

Pour les autres impôts, le directeur des services fiscaux intervient jusqu'à 750.000 francs par cote, exercice ou affaire, selon la nature de l'impôt, le directeur régional ou le directeur chargé d'une direction spécialisée, de ce même seuil à 1,1 million de francs, le directeur général des impôts jusqu'à 1,75 million de francs et le ministre au-delà.

Selon les informations publiées dans le cadre du rapport annuel du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, le nombre des demandes de remise d'impôts directs, de droits d'enregistrement et de taxes sur le chiffre d'affaires a très fortement progressé, de 1989 à 1996. Il est passé de 549.283 à 991.565, et s'est même établi à 1,043 million en 1997.

Cette augmentation a essentiellement concerné les impôts directs, notamment les impôts directs locaux, pour lesquels le nombre des demandes a atteint 675.330 en 1996 contre 352.256 en 1989, et, dans une moindre mesure, les taxes sur le chiffre d'affaires, avec respectivement 268.255 et 147.062 dossiers. Le nombre des affaires relatives aux droits d'enregistrement est resté globalement stable, autour de 50.000 dossiers.

Pour l'essentiel, ce sont les impôts locaux qui font l'objet de demandes gracieuses les plus nombreuses, avec 586.093 dossiers en 1996.

Trois éléments donnent la mesure de la manière dont la juridiction gracieuse interfère avec la perception de l'impôt et du contrôle fiscal par le contribuable :

- le nombre élevé de remises et modérations accordées, qui s'est élevé à 731.396 en 1996, soit un pourcentage de 72,6 % dans l'ensemble ;

- un taux de remises et modérations beaucoup plus élevé pour les droits d'enregistrement (82,6 %) et les taxes sur le chiffres d'affaires (90,1 %), alors même qu'il s'agit d'impôts pour lesquels seules les pénalités sont concernées, conformément à ce qui a été précédemment indiqué ;

- une proportion faible, mais non négligeable, de transactions, de 2,4 % et de 1,3 % respectivement, s'agissant de ces deux mêmes impositions.

Il faut se garder de tout jugement hâtif au vu de ces éléments quantitatifs : les dégrèvements de pénalités en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et de droits d'enregistrement n'atteignent pas, en effet, des montants exorbitants, à raison de 353 millions de francs et 1,051 milliard de francs respectivement en 1996. Par ailleurs, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, une forte proportion des pénalités concernées relève du non respect des délais de déclaration, et non des suites données à une opération de contrôle fiscal, en conséquence.

Les dossiers soumis au comité du contentieux fiscal, douanier et des changes sont peu nombreux (124 en 1997), mais ils portent néanmoins sur des montants importants, avec 2,39 milliards de francs pour les droits et 570 millions de francs pour les pénalités.

On regrettera que les statistiques sur les suites données aux avis du comité ne soient pas fournies dans le rapport du comité, celui-ci n'étant pas informé sur l'influence qu'il exerce, comme le bon sens le voudrait, semble-t-il.

3.- Des poursuites pénales assez peu nombreuses,
mais concentrées sur les fraudes graves

Les cas de fraude fiscale au sens strict, donnant lieu à poursuites pénales sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, sont assez bien connus, puisqu'aucune poursuite pénale ne peut être engagée devant les juridictions si elle n'a été préalablement autorisée par la commission des infractions fiscales.

Mise en place en 1978, dans le cadre de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, la commission des infractions fiscales (CIF), composée de douze magistrats, six conseillers d'Etat, dont son président, et six conseillers maîtres à la Cour des comptes, se prononce sur l'opportunité de porter plainte contre un contribuable pour fraude fiscale. Cet avis n'est pas motivé et s'impose obligatoirement au ministre des finances.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une juridiction, mais d'une instance indépendante, la CIF peut recueillir du contribuable les éventuelles observations sur les griefs pesant sur lui.

Lorsque l'avis est favorable au contribuable, ce dernier est informé de la décision par le secrétariat de la CIF. En revanche, en cas d'avis concluant à l'opportunité des poursuites, l'administration informe le contribuable des suites données à son affaire.

Cette procédure, que l'on a parfois pu qualifier de " filtre ", fait l'objet de nombreuses critiques. On ne saurait toutefois correctement apprécier la portée de celles-ci sans se référer au contexte tendu du milieu des années 1970, où les poursuites intentées à titre d'exemple contre plusieurs personnalités du monde du spectacle avaient conduit à des critiques non moins vives sur " l'arbitraire " des ministres des finances. On observera néanmoins l'originalité (6) de cette procédure, qui constitue l'un des cas où le ministère public ne peut agir d'office, mais uniquement sur plainte préalable de l'administration.

Il convient de relever en outre, qu'en amont, la saisine de la CIF intervient sur l'initiative du ministre de l'économie et des finances.

Le nombre des dossiers transmis à la CIF, et conduisant au dépôt de plaintes, est extrêmement modeste, même si l'on constate une augmentation sensible depuis la création de cette instance en 1978, puisque le nombre des avis est passé, en année pleine, de 288 en 1979 à 916 en 1997.

En 1997, 864 autorisations de poursuites ont été données. Un petit nombre de dossiers fait par ailleurs chaque année l'objet d'un avis défavorable : 51 en 1997.

Le tableau suivant fournit un bilan de la CIF depuis sa création.

AFFAIRES TRAITÉES PAR LA COMMISSION DES INFRACTIONS FISCALES

Année

Avis rendus

Avis favorables

Avis défavorables

Action publique éteinte (décès)

1978

96

78

12

-

1979

288

266

22

-

1980

435

393

42

-

1981

440

417

23

-

1982

553

508

44

1

1983

551

518

32

-

1984

574

527

47

-

1985

587

553

34

-

1986

604

581

23

-

1987

643

621

22

-

1988

691

665

24

2

1989

765

719

46

-

1990

788

742

45

1

1991

800

753

47

2

1992

806

759

47

-

1993

838

785

52

1

1994

869

818

51

-1

1995

903

830

70

3

1996

914

848

64

2

1997

916

864 (1)

51 (2)

1

(1) Dont : direction générale des impôts : 862
direction de la comptabilité publique: 2

(2) Dont : direction générale des impôts : 51
direction de la comptabilité publique: -

Source : Commission des infractions fiscales.

Au-delà de la lecture de ces données, plusieurs éléments sont caractéristiques d'une très faible pénalisation de la fraude fiscale.

En premier lieu, la proportion des redressements donnant lieu à poursuite est faible : 1,66 % en 1996, à raison de 864 plaintes déposées pour 50.767 opérations de contrôles externes, dont 46.101 opérations de vérification de comptabilité. Cette faiblesse s'explique, il est vrai, en grande partie par le fait que de nombreux redressements ne relèvent pas des cas de mauvaise foi.

En deuxième lieu, le nombre des dossiers examinés par la CIF n'évolue pas tout à fait comme le nombre des contrôles externes opérés, notamment si l'on prend comme référence l'année 1991, année au cours de laquelle les contrôles externes ont été assez peu nombreux.

La proportion des dossiers transmis à la CIF tend à diminuer : elle n'a été que de 1,89 % en 1996, contre 2,02 % en 1994.

ÉVOLUTION COMPARÉE DU NOMBRE DES CONTRÔLES FISCAUX EXTERNES ET DU NOMBRE DES SAISINES DE LA CIF

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Nombre d'affaires transmises à la CIF

800

806

838

869

903

914

Nombre de contrôles externes effectués l'année précédente

43.640

41.004

42.359

43.036

45.456

48.303

Rapport

1,83%

1,97%

1,98%

2,02%

1,98%

1,89%

En troisième lieu, le nombre des avis émis en 1996, qui s'est établi à 914, a augmenté de 1% seulement, ce qui constitue, selon la circulaire du Garde des sceaux, ministre de la justice, sur les actions pénales en matière de fraude fiscale - bilan détaillé de l'année 1996, en date du 23 octobre 1997 et adressée aux magistrats du parquet, l'un des plus faibles taux de croissance enregistré depuis 1978, mais il faut relever que le nombre des dossiers déposés à augmenter de 1,9% cette année là.

En dernier lieu, le montant moyen des droits fraudés dans le cadre des dossiers soumis à l'appréciation de la CIF, déjà fort élevé en moyenne, est en nette progression, puisqu'il est passé de 1,689 million de francs en 1991 à 3,255 millions de francs en 1997, soit une augmentation de 92 %, comme l'indique le tableau suivant. A titre de comparaison, en 1997, le montant moyen des droits nets rappelés à l'issue des opérations de contrôle externe s'est élevé à 796.495 francs. Il faut d'abord voir dans cette évolution une augmentation de la sélectivité et de la qualité des dossiers. En outre, on observera que quelques affaires aux montants fort élevés peuvent faire sensiblement augmenter la moyenne.

ÉVOLUTION DU MONTANT MOYEN DES DROITS FRAUDÉS POUR LES AFFAIRES SOUMISES À LA CIF (1)

(en francs)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1.688.965

1.579.219

1.630.921

2.154.516

2.417.344

2.359.069

3.254.543

(1) Il n'est pas tenu compte des dossiers émanant de la Direction de la comptabilité publique.

Source : Commission des infractions fiscales.

Cette forte augmentation est intervenue en deux phases successives : d'une part, entre 1993 et 1994 ; d'autre part, entre 1996 et 1997.

L'interprétation de ces éléments apparaît sans difficulté dès lors que l'on garde à l'esprit qu'une grande partie de la répression en matière de fraude fiscale relève de la nécessité de procéder à des exemples afin de dissuader par la menace, même lointaine, d'une peine infamante les éventuels fraudeurs, et que l'on constate, d'après le montant moyen des affaires soumises, par impôt, très élevé, que seules des infractions graves font l'objet de poursuites pénales.

Ainsi que l'indique le tableau suivant, les affaires représentent en moyenne 1,6 million de francs pour la TVA, 3,1 millions de francs pour l'impôt sur le revenu et 2,28 millions de francs pour l'impôt sur les sociétés.

ÉLÉMENTS RELATIFS AUX AFFAIRES AYANT DONNÉ LIEU
À UN AVIS FAVORABLE

 

Droits rappelés (1)
(en francs)

Nombre d'affaires
en cause

Moyenne par dossier
(en francs)

Bases rappelées

_________________

Bases imposables

TVA

1.054.043.055

657

1.604.327

72%

Impôt sur les sociétés

531.630.119

233

2.281.674

94%

Impôt sur le revenu

1.211.882.495

387

3.131.479

93%

Taxes et impôts divers

7.860.723

4

1.965.180

45%

(1) Ensemble des fraudes commises durant la période fiscalement non prescrite.

Source : Commission des infractions fiscales.

Il est par ailleurs clair que toute évolution de la politique relative aux poursuites pénales en matière de fraude fiscale exigerait soit un renforcement très significatif des moyens de la CIF, le soin avec lequel il convient de traiter des dossiers aux conséquences extrêmement lourdes ne pouvant souffrir aucune défaillance, soit une révision complète du dispositif.

Une fois que la CIF a émis un avis favorable et qu'une plainte a été déposée, la phase pénale de la répression des infractions fiscales intervient.

En ce qui concerne les motifs des poursuites, on observe une tendance à l'accroissement des poursuites pour dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et une régression de celles intentées pour défaut de déclaration et exercice d'activités occultes. Sur les 846 plaintes déposées en 1996, les secondes ne représentent plus que 54 % des plaintes contre 74 % en 1990, alors que la proportion des premières est passée de 24 % à 44 %.

La répartition par catégories socioprofessionnelles fait apparaître sans surprise que la fraude suffisamment importante pour faire l'objet de poursuites pénales concerne les professions non salariées. La répartition entre les professions évolue cependant, puisque le secteur des services marchands, selon la Chancellerie, s'affirme de plus en plus comme le principal gisement de fraude.

En ce qui concerne les suites données aux plaintes déposées, il est significatif de noter que le nombre des personnes condamnées tend à augmenter, passant de 973 en 1992 à 1.155 en 1996, cette évolution affectant notamment les condamnations définitives, qui ont fortement augmenté, de 530 en 1992 à 618 en 1996.

4.- Un recouvrement difficile des droits rappelés

La principale difficulté, en aval des opérations de contrôle fiscal, tient au recouvrement des droits rappelés.

Les droits effectivement mis en recouvrement sont, en proportion des droits rappelés, assez faibles, même s'il faut convenir de ce qu'il apparaît impossible d'atteindre un taux de 100 %, puisque des contrôles et des redressements fiscaux sont opérés auprès d'entreprises défaillantes. Il importe d'effectuer quand même ces redressements, malgré l'absence de perspective de recettes fiscales supplémentaires, ne serait-ce que pour montrer la volonté de sanction de l'administration fiscale et conserver au contrôle fiscal sa fonction pédagogique, qui repose sur l'existence d'un certain nombre d'exemples significatifs.

De manière générale, le tableau suivant, communiqué par la direction générale des impôts à votre Rapporteur, permet de constater un écart important entre les montants mis en recouvrement, d'une part, et les montants effectivement encaissés ces dernières années, d'autre part.

COMPARAISON DES MONTANTS ÉMIS ET DES MONTANTS ENCAISSÉS

(en millions de francs)

Nature des données

Réseau comptable concerné

Type de contrôle et type d'impôt

1992

1993

1994

1995

1996

Montants mis en recouvrement ou émis

             
 

Impôts recouvrés par la Direction générale des impôts

           
   

Contrôle sur pièces des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

5.317

1.267

6.584

5.340

1.044

6.384

5.687

1.026

6.713

5.522

1.101

6.623

6.691

1.420

8.111

   

Contrôle sur pièces des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

2.034

567

2.631

2.418

804

3.222

2.465

796

3.261

2.483

862

3.345

3.325

970

4.295

   

Contrôle fiscal externe des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

6.214

1.853

8.067

7.191

1.880

9.071

8.578

2.168

10.746

9.712

2.819

12.531

10.767

2.802

13.569

   

Contrôle fiscal externe des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

1.285

411

1.696

878

471

1.349

1.112

466

1.578

973

561

1.534

1.116

534

1.650

 

Impôts recouvrés par la Direction de la comptabilité publique

           
   

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur les sociétés (1)

- total

11.624

13.652

15.092

15.031

15.376

   

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur le revenu (2)

- total

7.429

8.427

8.007

9.344

9.994

Montants encaissés

             
 

Impôts recouvrés par la Direction générale des impôts

           
   

Contrôle sur pièces des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

1.741

201

1.942

1.805

217

2.022

2.109

251

2.360

2.071

257

2.328

3.260

294

3.554

   

Contrôle sur pièces des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

1.354

278

1.632

1.541

319

1.860

1.701

356

2.057

1.716

360

2.076

1.895

428

2.323

   

Contrôle fiscal externe des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

3.471

384

3.855

3.995

395

4.390

4.963

494

5.457

5.314

525

5.839

6.588

634

7.222

   

Contrôle fiscal externe des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

980

228

1.208

413

123

536

457

143

600

455

163

618

419

128

547

 

Impôts recouvrés par la Direction de la Comptabilité publique

           
   

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur les sociétés (1) (3)

- total

5.698

5.771

5.665

8.776

6.048

   

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur le revenu (2) (3)

- total

2.864

2.511

2.663

2.216

2.454

(1) TVA, y compris les taxes sur les salaires, droits et amendes divers pour 1995 et 1996.

(2) Y compris les taxes sur les salaires, droits et amendes divers pour 1992, 1993 et 1994. Les montants incluent les cotisations sociales pour 1995 et 1996.

(3) A compter du fascicule budgétaire des Voies et moyens du projet de loi de finances pour 1996, seul le recouvrement des 5 dernières années d'émission est suivi.

Source : Direction générale des impôts.

Ainsi que le montre le tableau suivant, les encaissements ne représentent qu'une proportion assez faible des montants mis en recouvrement. On observera en outre que les taux de recouvrement sont inférieurs pour les pénalités à ce qu'ils sont pour le principal.

DIFFÉRENCE ENTRE LES MONTANTS MIS EN RECOUVREMENT OU ÉMIS ET LES MONTANTS ENCAISSÉS

Réseau comptable concerné

Type de contrôle et type d'impôt

Pourcentage des encaissements

   

1992

1993

1994

1995

1996

Impôts recouvrés par la Direction générale des impôts

           
 

Contrôle sur pièces des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

32,74

15,86

29,50

33,80

20,79

31,67

37,08

24,46

35,16

37,50

23,34

35,15

48,72

20,70

43,82

 

Contrôle sur pièces des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

66,57

46,57

62,03

63,73

39,68

57,73

69,01

44,72

19,14

69,11

41,76

62,06

56,99

44,12

54,09

 

Contrôle fiscal externe des taxes sur le chiffre d'affaires

- droits simples

- pénalités

- total

55,86

20,72

47,79

55,56

21,01

48,40

54,71

22,79

50,78

54,72

18,62

46,60

61,19

22,63

53,22

 

Contrôle fiscal externe des autres impôts

- droits simples

- pénalités

- total

76,26

55,47

71,23

47,04

26,11

39,73

41,10

30,69

38,02

46,76

29,06

40,29

37,54

23,97

33,15

Impôts recouvrés par la Direction de la comptabilité publique

           
 

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur les sociétés

- total

49,02

42,27

37,54

58,39

39,33

 

Contrôle fiscal externe de l'impôt sur le revenu

- total

38,55

29,80

33,26

23,72

24,55

·  Les impôts dont le recouvrement est assuré par la direction de la comptabilité publique : impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

La difficulté du recouvrement des cotes, en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, apparaît clairement à la lecture des échéanciers donnant sur cinq ans la proportion des droits rappelés effectivement recouvrés.

Sur la base des émissions relatives aux années 1992 à 1996, on constate un taux de recouvrement de seulement 58,02 % en moyenne, à raison de 63,76 % pour l'impôt sur les sociétés et de 49,19 % pour l'impôt sur le revenu.

Le taux brut de recouvrement n'est, en moyenne, que de 19,25 % seulement la première année (émission de l'année 1996 et situation au 31 décembre de cette même année), à raison de 23,65 % pour l'impôt sur les sociétés et de 12,81 % pour l'impôt sur le revenu.

Le tableau suivant récapitule l'ensemble de ces éléments :

TAUX BRUTS DE RECOUVREMENT OBTENUS SUR LES ÉMISSIONS DE CONTRÔLE FISCAL À LA FIN DE CHAQUE ANNÉE PAR CATÉGORIE D'IMPÔTS (IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS)
POUR L'ENSEMBLE DES ÉMISSIONS

 

Recouvrement

1992

1993

1994

1995

1996

1.- Impôt sur le revenu

1ère année

13,25

13,19

13,90

12,91

12,81

2ème année

26,92

30,75

29,93

29,77

 

3ème année

34,51

38,21

39,43

   

4ème année

40,05

47,65

     

5ème année

49,19

       

II.- Impôt sur les sociétés

1ère année

24,77

17,22

18,67

30,20

23,65

2ème année

45,82

39,34

48,97

51,44

 

3ème année

52,16

45,34

55,00

   

4ème année

57,23

51,03

     

5ème année

63,76

       

III.- Total

1ère année

20,25

15,70

17,02

23,65

19,25

2ème année

38,38

36,10

42,48

43,17

 

3ème année

45,21

42,64

49,68

   

4ème année

50,46

49,75

     

5ème année

58,02

       

Source : Projet de loi de finances pour 1998 - Evaluation des voies et moyens.

Encore ces données sont-elles optimistes dans la mesure où sont comptabilisés comme recouvrements non seulement les paiements effectifs, mais également les dégrèvements et les admissions en non-valeur, lesquels ne sont pas totalement négligeables.

Si l'on examine non plus les montants, mais le nombre des cotes émises, on constate que les résultats obtenus sont beaucoup plus satisfaisants, avec une proportion de cotes soldées dans l'année de 35 % pour l'impôt sur le revenu et de 38 %, et de 83,23 % et 82,94 %, respectivement, à l'issue d'une période de cinq ans, ainsi que l'indique le tableau suivant :

PROPORTION EN NOMBRE DES IMPOSITIONS ENTIÈREMENT SOLDÉES
(EN POURCENTAGE DES ARTICLES ÉMIS À LA FIN DE CHAQUE ANNÉE, PAR CATÉGORIE D'IMPÔT
(IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS)

 

Recouvrement

1992

1993

1994

1995

1996

1.- Impôt sur le revenu

1ère année

31,25

31,50

29,83

34,79

35,00

2ème année

66,81

63,18

60,68

60,15

 

3ème année

70,00

72,01

69,14

   

4ème année

78,52

76,87

     

5ème année

83,23

       

II.- Impôt sur les sociétés

1ère année

39,61

44,18

25,47

37,57

38,00

2ème année

66,36

45,97

55,39

60,86

 

3ème année

73,26

70,63

66,89

   

4ème année

77,52

75,81

     

5ème année

82,94

       

Source : Projet de loi de finances pour 1998 - Evaluation des voies et moyens.

En ce qui concerne les facteurs explicatifs de l'importance des restes à recouvrer, il faut donc observer plusieurs éléments, notamment sur la base de la situation au 31 décembre 1996 des émissions des années 1992 à 1994 :

- le recouvrement est, dans l'ensemble, moins difficile pour les petits redressements que pour les gros redressements, les cotes entièrement soldées représentant 76,66 % du nombre des émissions et 45,41 % des montants ;

- les poursuites et délais en cours et les réclamations suspensives qui représentent l'essentiel des cas de non recouvrement des cotes, avec respectivement 42,14 % et 28,42 % des cas ;

- les suspensions relatives aux redressements et liquidations judiciaires ne représentent que 16,83 % des cas ;

- enfin, les montants les plus importants relèvent des réclamations suspensives, avec 28,42 % des cotes restant à solder, mais 43,57 % des montants.

SITUATION DES RESTES À RECOUVRER SUR LES ÉMISSIONS DE 1992 À 1994
AU 31 DÉCEMBRE 1996

 

Impôt sur le revenu

Impôt sur les sociétés

Total

 

%
articles

%
montant

%
articles

%
montant

%
articles

%
montant

A. Cotes émises

100

100

100

100

100

100

B. Cotes entièrement soldées

76,66

45,41

75,68

56,08

76,37

52,09

C. Cotes restant à solder

23,34

54,59

24,32

43,92

23,63

47,91

Réclamations suspensives

28,42

43,57

28,16

58,36

28,33

52,12

Productions aux redressements et liquidations judiciaires


16,83


15,59


42,37


24,29


25,66


20,62

Admissions en non-valeurs

11,71

15,41

10,24

9,88

11,20

12,21

Dégrèvements en instance

0,60

0,36

0,33

0,10

0,51

0,21

Moratoires imposés

0,30

0,16

0,27

0,43

0,29

0,31

Poursuites et délais en cours

42,14

26,96

18,63

6,57

34,01

15,17

Source : Projet de loi de finances 1998 - Evaluation des voies et moyens.

·  Les impôts dont le recouvrement est assuré par la direction générale des impôts

Le problème du recouvrement des droits rappelés se pose, pour les taxes sur le chiffre d'affaires, dont le recouvrement est assuré par la direction générale des impôts, avec les mêmes difficultés que pour les impôts directs, mais dans une moindre mesure. Les taux de recouvrement sont plus élevés après deux années.

En effet, selon les informations figurant dans le fascicule sur l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 1998 :

- à la fin de 1996, les sommes prises en charge au cours de cette même année étaient recouvrées à hauteur de 46,1%, seulement, même si ce taux était nettement supérieur à celui constaté en 1995 (40,2%) ;

- une proportion de 56,9% des rappels de 1995 était recouvrée au 31 décembre 1996. Ce taux diminuait par rapport au taux correspondant de l'année précédente (57,2% pour les rappels de 1994) mais progressait par rapport au taux de 1993 (54,4% pour les rappels de 1993) ;

- les créances plus anciennes étaient, au 31 décembre 1996, recouvrées à concurrence de 71,9% pour les prises en charge de 1992, 65,2% pour celles de 1993 et 62,8% pour celles de 1994 ;

- sur les 20.235 millions de francs restant à recouvrer à la fin de l'année 1996, 11,704 millions de francs, soit 57,8%, étaient dus par des entreprises en cessation de paiements.

- la part des restes à recouvrer due par les entreprises en cessation de paiement augmentait avec l'ancienneté des créances et atteignait 73,5% pour les prises en charge antérieures à 1992.

Si l'on tenait également compte des créances suspendues par une réclamation contentieuse (3,307 milliards de francs toutes années de mise en recouvrement confondues), l'action en recouvrement ne pouvait s'exercer réellement que sur 26% des restes à recouvrer.

Ainsi, toute étude d'ensemble des résultats du contrôle fiscal ne peut que conduire à mettre l'accent sur la discordance entre la progression des droits rappelés et la difficulté du recouvrement des émissions, problème délicat auquel une solution doit être trouvée, à terme.

On ne saurait cependant conclure sur une note trop pessimiste car, même s'il ne se traduit pas par des recettes publiques supplémentaires, le contrôle fiscal conduisant à des émissions de droits non recouvrés est susceptible, en manifestant la présence de l'administration fiscale, d'exercer un effet dissuasif non négligeable vis-à-vis des personnes et des catégories susceptibles de se laisser tenter par la fraude.

III.- LES PREMIÈRES PROPOSITIONS : AMÉNAGER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU CONTRÔLE FISCAL, MIEUX GARANTIR LES DROITS DES CONTRIBUABLES ET DÉVELOPPER L'INFORMATION SUR L'IMPÔT ET LE CONTRÔLE FISCAL

La progression des résultats du contrôle fiscal, même si, comme on l'a vu, le risque de fraude connaît un développement non négligeable, apparaît assez rassurante à deux égards au moins : l'action de l'Etat dans ce domaine n'est pas dénuée d'efficacité ; le dispositif législatif peut être considéré comme relativement complet.

L'administration fiscale dispose ainsi assez largement des moyens de faire respecter la loi fiscale. Il ne paraît donc pas nécessaire de proposer de procéder à une révision d'ensemble de la procédure de contrôle fiscal et des dispositions de lutte contre la fraude.

Cependant, sur la base des auditions auxquelles il a pu procéder, votre Rapporteur a pu établir trois constats.

D'abord, certains dispositifs existants peuvent être améliorés à relativement bref délai, de manière tant à renforcer l'efficacité du contrôle fiscal, qu'à aménager les garanties offertes aux contribuables, lesquelles ont beaucoup évolué, depuis 1986, dans un sens favorable qu'il convient de ne pas remettre en cause. L'examen des mesures correspondantes peut donc être envisagé dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 ou du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Ensuite, d'autres éléments peuvent servir de base à des orientations, pour élaborer, dans un futur proche, des dispositifs, qui ne pourront être précisés qu'après discussion et concertation.

Enfin, les principaux cas de fraude ou d'évasion concernant les grands impôts d'Etat (IR, IS, TVA et ISF) mettent en jeu des mécanismes précis qui ne peuvent faire l'objet de mesures de rectification que si on les démonte de façon détaillée. Votre Rapporteur n'ayant pu obtenir communication, dans le délai de rédaction du présent rapport d'étape, de la liste des fiches relatives à la typologie des fraudes, et n'ayant donc pas été en mesure de demander communication des plus significatives d'entre elles, il convient de renvoyer au rapport définitif l'ensemble des propositions détaillées afférentes à ces impôts.

A.- RENFORCER L'EFFICACITÉ DES INTERVENTIONS DE L'ADMINISTRATION FISCALE

1. Renforcer les interventions et les moyens de l'administration fiscale

a) Accroître la fréquence des contrôles fiscaux

Pour des raisons de protection du secret, compte tenu de la nécessité de ne pas diffuser de chiffres qui pourraient donner à croire que certaines professions sont plus suivies que d'autres et que certaines activités relevant de toutes petites entreprises s'exercent dans un cadre au moins aussi alléchant que celui d'un paradis fiscal, puisque faisant l'objet d'un contrôle fiscal externe moins d'une fois par siècle (7), l'administration n'a pas souhaité communiquer à votre Rapporteur les éléments d'information qu'il avait demandés sur la fréquence du contrôle fiscal. Si les motifs invoqués ne sont pas dénués de fondement, il reste qu'il sera très difficile de procéder à des observations très précises et étayées sur des éléments chiffrés.

Cependant, il est clairement apparu, à la lecture des données communiquées dans le cadre de la plaquette sur le contrôle fiscal éditée annuellement par la direction générale des impôts, que les services de cette direction examinent chaque année environ 6 % des dossiers des particuliers, soit 12 % des personnes imposables, et 15 % des dossiers des entreprises. En outre, il a été précisé dans ce même document que les grandes entreprises relevant de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) faisaient l'objet d'une vérification de comptabilité tous les six à huit ans en moyenne, que 45.000 entreprises font chaque année l'objet d'une vérification sur place, que plus de deux millions de dossiers font l'objet d'un contrôle sur pièce chaque année, et que 12.000 déclarations d'ISF font l'objet d'une vérification sur un total de 174.000 déclarations.

Même incomplètes, ces données permettent de conclure que le contrôle fiscal reste dans notre pays assez peu fréquent et constitue, hormis pour les grandes entreprises, un événement quelque peu exceptionnel, ayant une connotation dramatique et qui est ressenti quasiment comme une sanction, car sa mise en _uvre est indéniablement associée à l'idée de soupçon.

Il importe donc, mais la voie est certainement difficile, de procéder à un accroissement régulier de la fréquence des procédures de contrôles.

Le contexte paraît, en outre, favorable dans notre pays à un tel accroissement, car la faible pénalisation fait que la fraude fiscale n'est que fort rarement sanctionnée par une peine délictuelle, au caractère, il faut le reconnaître, passablement infamant. De plus, il faut rappeler l'importance du rôle de la juridiction gracieuse. Il convient donc de mettre cette opportunité à profit.

Naturellement, l'objectif n'est pas de procéder chaque année au contrôle de chaque contribuable, mais d'assurer seulement une plus grande présence de l'administration fiscale.

b) Augmenter les effectifs affectés aux opérations de contrôle fiscal

L'augmentation des effectifs des fonctionnaires chargés de procéder aux opérations d'établissement de l'assiette des impôts et de contrôle fiscal apparaît justifiée à un triple point de vue.

D'abord, le renforcement des effectifs des corps chargés de procéder au contrôle fiscal est la conséquence logique de la nécessité, précédemment évoquée, d'un renforcement de la fréquence des contrôles fiscaux.

Ensuite, il s'agit, sans pousser le raisonnement jusqu'à son paroxysme et souhaiter une augmentation démesurée des effectifs conduisant à un encadrement fiscal insupportable, de tirer parti du fait que les procédures de contrôle sur pièces et sur place sont encore dans des zones où leur exercice est rentable pour l'Etat. Il n'est donc pas illogique de créer des emplois qui " rapportent ".

Enfin, il s'agit de prévenir, plus encore que cela n'est fait actuellement, le développement des opportunités de fraudes, dont les évolutions économiques peuvent être porteuses, ainsi que l'a déjà évoqué votre Rapporteur en première partie.

A cet égard, un renforcement des effectifs chargés de l'assiette et de la gestion de l'impôt devrait intervenir car, et cela a été confirmé à votre Rapporteur par ses interlocuteurs du Syndicat national unifié des impôts et de la CGT, une bonne connaissance de la matière fiscale et une bonne compréhension de l'application concrète de la loi fiscale facilitent l'identification des risques de fraude.

c) Poursuivre la modernisation des méthodes du contrôle fiscal

L'évolution des méthodes de travail des services chargés du contrôle fiscal traduit une indéniable modernisation.

Par exemple, la sélection des dossiers vérifiés repose sur l'utilisation d'outils informatiques permettant de traiter d'importants volumes d'informations et de détecter des anomalies, tel le système d'aide au contrôle sur pièces des entreprises (OSIRIS).

Cette modernisation doit être poursuivie, dans deux directions.

·  Développer les moyens informatiques

Le développement des moyens informatiques, notamment de ceux mis à la disposition des vérificateurs, n'appelle pas d'observation particulière tant sa nécessité est évidente.

·  Augmenter la capacité d'expertise

Un autre volet de la modernisation des méthodes de l'administration fiscale se situe dans la droite ligne de la spécialisation à laquelle il a été procédé au sein de la DVNI, pour quelques postes.

La complexité croissante des conditions d'exercice de certaines activités, notamment en matière financière et bancaire, voire de certains métiers au sein de ces activités, métiers dont le degré de sophistication a atteint un point tel que l'on parle " d'ingénierie ", exige de procéder à des spécialisations similaires du côté de l'administration fiscale, afin que les inspecteurs chargés du contrôle puissent disposer, sans délais, auprès de certains de leurs collègues des éléments nécessaires à la bonne compréhension de l'environnement économique dans lequel ils se trouvent plongés. Il y va de l'efficacité et de la qualité du contrôle fiscal.

Naturellement, ces évolutions doivent se faire dans des conditions compatibles avec les règles de la fonction publique et exigent un effort de formation particulièrement important des personnels concernés.

d) Aménager les règles relatives à certains impôts

Avant même que des investigations précises ne soient opérées, il est apparu que l'aménagement des règles relatives au contrôle de certains impôts était nécessaire.

·  Impôts locaux - taxe professionnelle

Les impôts locaux ne font pas l'objet de redressements contradictoires comme les autres impositions, mais de procédures particulières. L'article L. 174 du livre des procédures fiscales précise que les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle peuvent être réparées par l'administration pendant un délai de trois ans. L'article L. 175 mentionne, concernant la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties, la réparation des omissions ou insuffisance d'imposition qui résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations afférentes aux propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts (constations annuelles des changements de consistance), réparation qui peut être effectuée à toute époque.

Il est apparu que les rectifications opérées à ce titre étaient peu élevées.

Selon le fascicule relatif à l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 1998, les rappels opérés, dans le cadre des opérations de vérification de comptabilité, se sont élevés à 2,9 milliards de francs en 1996, pour les impôts locaux.

Ce chiffre est en forte augmentation par rapport aux années précédentes, et on constate un peu plus qu'un doublement par rapport à 1992, où les rappels s'établissaient à 1,3 milliard de francs seulement, comme l'indique le tableau suivant :

REDRESSEMENTS OPÉRÉS SUR LES IMPÔTS LOCAUX À L'OCCASION DES OPÉRATIONS DE VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ (droits simples)

(en milliards de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1,3

1,4

1,8

2,6

2,9

(Source : PLF 1998 -  évaluation des voies et moyens)

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, ces rappels concernent, pour l'essentiel, la taxe professionnelle.

En termes de produit, le résultat n'est pas si faible. Néanmoins, il résulte clairement des entretiens auxquels a procédé votre Rapporteur que le rehaussement des impositions locales n'apparaît pas suffisamment prioritaire lors des opérations de contrôle fiscal. Il importe donc que la même ardeur soit déployée dans la lutte contre la fraude aux impôts locaux que pour les impositions d'Etat. L'identité dans l'efficacité du contrôle fiscal reste un objectif à atteindre.

C'est pourquoi, il suggère d'insérer dans les articles L. 174 et L. 175 du livre des procédures fiscales des dispositions prévoyant explicitement que l'administration est tenue de réparer les erreurs ou omissions, en ce qui concerne la taxe professionnelle, et les omissions ou insuffisances, s'agissant de la taxe d'habitation ou de la taxe sur les propriétés bâties, sur la base des constatations effectuées à l'occasion des procédures de contrôle externe ou de contrôle sur pièces auxquelles elle procède pour l'ensemble des autres impositions. De même, il importe de prévoir que les éléments sur l'amélioration de l'habitat, communiqués par les contribuables dans le cadre de leur déclaration annuelle de revenus, soient systématiquement exploités.

Cette amélioration du texte de loi n'aura guère, c'est vrai de portée juridique, mais elle aura une portée hautement symbolique, en ce qui concerne les impôts versés aux collectivités territoriales.

·  Impôt sur le revenu

Afin de lutter contre la grande et moyenne délinquance qui se manifeste à notre époque, dans les banlieues le plus souvent, par des signes extérieurs de richesse - voitures et motos - moins somptuaires que ceux de la liste mentionnée à l'article 168 du code général des impôts, qui entre les chevaux, les bateaux de plaisance, les précepteurs et domestiques, clubs de golf et droits de chasse, relèvent d'une conception extrêmement " bourgeoise " du train de vie et parfaitement inadaptée en l'espèce, votre Rapporteur propose de réduire de 306.030 francs à 200.000 francs, le seuil permettant à l'administration fiscale d'opérer une imposition d'après le train de vie du contribuable, en cas de disproportion marquée avec les revenus déclarés, et de maintenir ce seuil pendant quelques années tout au moins, sans le faire évoluer comme la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

L'objectif est de faire cesser, y compris par des moyens fiscaux, le sentiment d'impunité des trafiquants et des délinquants.

·  Imposition des groupes d'entreprises

Actuellement les déclarations relatives à des entreprises relevant d'un même groupe ne sont pas centralisées.

Il en résulte des difficultés importantes pour l'exercice du contrôle fiscal, et l'impossibilité d'avoir une vision d'ensemble du groupe et de sa stratégie fiscale, alors que les services financiers et comptables qui répondent aux administrations lors des différents contrôles, disposent, eux, de cette vision d'ensemble.

Il apparaît donc nécessaire de prévoir une centralisation des déclarations sur un même site et de rétablir ainsi les conditions d'un dialogue équilibré entre l'administration et des entreprises concernées.

e) Renforcer la lutte contre la fraude des entreprises -  déceler les sociétés dites " éphémères "

L'ensemble des interlocuteurs de votre Rapporteur a soutenu l'idée d'un renforcement de la lutte contre les sociétés dites " éphémères ", créées dans le cadre d'un objectif principalement frauduleux, pour une durée de vie très limitée, suffisamment faible pour ne pas pouvoir faire l'objet de redressements fiscaux.

Ces sociétés sont un facteur important de fraude à la TVA, notamment la TVA intra-communautaire, et, par voie de conséquence, d'autres impositions. Elles jouent en outre un rôle important dans l'alimentation en argent liquide de circuits économiques et financiers clandestins, sous la forme de sociétés dites " taxis "

Il convient donc de prévoir la constitution d'un fichier des associés, dirigeants et gérants de sociétés, qui recenserait les activités présentes et passées de ceux-ci, afin de permettre, d'une part, une identification de ceux qui présentent le plus de risque, et, le cas échéant, lors de la constitution de sociétés nouvelles, un système de cautionnement fiscal en cas de participation de ceux d'entre eux ayant démontré qu'ils avaient une conception peu rigoureuse de leurs obligations fiscales.

f) Renforcer la coordination entre l'administration fiscale et les administrations sociales

Actuellement, l'article L. 99 du livre des procédures fiscales prévoit que les organismes ou caisses de sécurité sociale ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole doivent communiquer à l'administration des impôts les infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs aux impôts et taxes en vigueur.

Cette rédaction implique la transmission systématique des infractions constatées de tous ordres.

Il ne semble pas inutile cependant de prévoir un aménagement de ce texte, de manière à préciser que les résultats des opérations de contrôle relatifs aux versements des cotisations sociales par les entreprises soient systématiquement communiquées à l'administration fiscale, quelles que soient leur conclusion, afin de permettre à l'administration fiscale de mieux opérer ses choix et, le cas échéant, d'agir plus vite.

g) Améliorer le recouvrement des droits rappelés

S'agissant de l'amélioration du recouvrement des droits rappelés à l'occasion du contrôle fiscal, qui constitue l'un des objectifs du Gouvernement, il a été précisé à votre Rapporteur qu'à l'étonnement, parfois, des contribuables concernés, les effets, sommes, valeurs ou titres ne peuvent être saisis par l'administration fiscale, même à titre conservatoire, lors de l'exercice du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

Ce n'est que lorsque des impositions antérieurement établies sont restées impayées que des saisies sont, le cas échéant, effectuées sur la base de la mise en oeuvre des procédures de droit commun, qui relève de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

La difficulté d'aller au-delà et de prévoir un élargissement des possibilités de saisies, tient à ce que, d'un point de vue général, toute procédure de saisie doit respecter le principe de la certitude de la créance. Il n'est donc guère possible de prévoir une saisie lorsque la créance n'est pas certaine et d'autoriser l'administration fiscale à opérer ou faire opérer des saisies dans tous les cas, sans restriction.

Par contre, prévoir, à titre conservatoire, de telles saisies lors des opérations mettant au jour des activités occultes ou non déclarées apparaît tout à fait envisageable.

h) Renforcer les obligations de paiement par chèque ou carte bancaire

Actuellement, les dispositions relatives à l'obligation de paiement par chèque, carte bancaire, virement ou carte de crédit relèvent de deux législations différentes.

D'une part, la loi du 22 octobre 1940, non applicable aux particuliers non commerçants pour des règlements directs à d'autres particuliers, à des commerçants ou à des artisans, prévoit une obligation de paiement par l'un des quatre moyens précédemment mentionnés au-delà de 5.000 francs, s'agissant des loyers, transports, services, fournitures et travaux, acquisition d'immeubles ou d'objet mobiliers, paiement des produits de titres nominatifs, transactions sur les animaux vivants ou les produits d'abattage. Une amende fiscale égale à 5% des sommes concernées est prévue en cas d'infraction.

D'autre part, l'article 1649 quater B du code général des impôts précise que les particuliers non commerçants sont tenus d'effectuer par l'un des moyens de paiement précédemment mentionnés les règlements d'un montant supérieur à 150.000 francs. Une amende d'un maximum de 100.000 francs est prévue en cas d'infraction, à l'article 1749 du code général des impôts.

Une exception est prévue pour les non résidents, qui peuvent régler par chèques de voyage ou espèces, après relevé de leur identité, sans limites.

Les transactions portant sur des montants situés au-delà de ce seuil de 150.000 francs sont extrêmement rares.

Il convient donc d'abaisser le seuil relatif à l'obligation de paiement par chèque ou carte bancaire, pour les particuliers, et de prévoir également un seuil pour l'acquisition, par une même personne, d'objets mobiliers à l'occasion d'une vente aux enchères, afin de limiter le risque de recyclage de capitaux frauduleux dans ce cadre.

La somme de 10.000 francs peut être retenue pour les deux cas. Elle correspond au seuil établi en 1981 sur la première obligation, compte tenu de l'érosion monétaire.

i) Prévoir une déclaration, par les contribuables eux-mêmes, des mouvements en espèces et des mouvements avec l'étranger affectant leurs comptes bancaires

Actuellement, les contribuables ne doivent pas déclarer les mouvements en espèces affectant leurs comptes.

Il en est de même des mouvements avec des comptes situés à l'étranger. Chaque compte détenu doit seulement être déclaré à l'administration fiscale, en application de l'article 1649 quater A du code général des impôts.

S'agissant des intermédiaires financiers, il faut préciser l'existence de deux dispositifs.

Le premier relève de l'article L. 96 A du livre des procédures fiscales et prévoit que les établissements relevant de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, notamment, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les transferts à l'étranger opérés par les personnes physiques, les sociétés et les associations.

Le second est d'une toute autre nature, car il n'est pas à vocation fiscale. Il relève de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Il repose sur une déclaration de soupçon, effectuée auprès de la cellule Tracfin, en cas de suspicion de blanchiment de fonds provenant d'infractions pénales.

Le dispositif que propose votre Rapporteur n'est pas destiné à interférer de quelque manière que ce soit avec cette dernière procédure, dont le fonctionnement dans notre pays est tout à fait efficace. Il tend au contraire à distinguer le contribuable de bonne foi en lui demandant de déclarer spontanément à l'administration fiscale les mouvements vers l'étranger ou des mouvements importants en argent liquide, dépôt ou retrait, qui affectent ses comptes bancaires ou postaux, et, afin d'éviter toute difficulté ultérieure, d'en préciser l'origine ou la destination ainsi que l'objet. Le seuil de 50.000 francs, d'un montant égal à celui retenu par l'article 1649 quater A du code général des impôts pour la déclaration aux douanes des transferts en espèce, peut être retenu, dans un souci d'harmonisation.

j) Renforcer la mise en oeuvre de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale

Enfin, la question du renforcement de l'efficacité de l'intervention de l'administration fiscale, conduit à évoquer l'article 40 du code de procédure pénale, qui prévoit qu'un fonctionnaire informe le parquet des infractions qu'il constate dans l'exercice de ses fonctions.

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, cette procédure intervient dans un certain nombre de cas, qui serait en augmentation.

Aussi, sans entrer dans le débat sur l'importance des sanctions à prendre en matière de fraude ou d'évasion fiscales, ultérieurement évoqué, convient-il de rappeler que les liens entre la fraude fiscale et d'autres formes de délinquance imposent une grande vigilance et conduisent à attirer l'attention de l'administration fiscale sur la nécessité de retenir une conception assez extensive de l'obligation résultant de cet article du code de procédure pénale.

2. Soutenir des initiatives juridiques au plan communautaire

a) Prévoir un document d'accompagnement des marchandises pour lutter contre la fraude en matière de TVA intra-communautaire

Dans le domaine de la lutte contre la fraude en matière de TVA intra-communautaire, deux adaptations apparaissent nécessaires.

D'une part, un renforcement de la fiabilité du dispositif de coopération, déjà évoqué, et qui exige un renforcement de la qualité des bases informatiques sur lesquelles il repose, lesquelles doivent être mises à jour de manière fiable dans les délais les meilleurs possibles.

D'autre part, il apparaît indispensable de prévoir, comme l'ont indiqué à votre Rapporteur tant le directeur général des douanes et droits indirects, que certains autres interlocuteurs, notamment syndicaux, un document d'accompagnement des marchandises.

Actuellement, aucun document n'est exigible, puisque même la présence de facture n'est pas obligatoire lors des transports intra-communautaires.

Ainsi, lorsqu'ils opèrent un contrôle des moyens de transport et des chargements, dans le cadre de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales, pour prévenir les manquements aux règles de facturation afférentes aux acquisitions et livraisons intra-communautaires entrant dans le champ de la TVA, les agents des douanes ne peuvent que recenser les documents éventuellement présentés ou découverts lors du contrôle.

En l'absence de document d'accompagnement, il est donc difficile de connaître la nature des marchandises transportées et, en outre, de distinguer celles qui sont soumises à des restrictions, voire des prohibitions, de celles qui peuvent circuler librement.

L'argument avancé pour justifier cette absence de document d'accompagnement est celui des impératifs de la libre circulation des biens et des personnes au sein du marché intérieur. On ne saurait retenir cet argument. Dès lors que ce document concerne tous les transports, sans discrimination d'origine et qu'il est lié au respect d'obligations fiscales, il ne peut en effet présenter un quelconque risque de discrimination.

Il convient donc de recommander au Gouvernement de continuer à promouvoir la proposition déposée auprès de la Commission européenne et visant à instaurer un document d'accompagnement obligatoire dans les relations intra-communautaires pour les marchandises transportées par des personnes autres que les voyageurs.

En complément, le législateur ne peut, au niveau national, dans le cadre d'un geste d'une portée assez faible, mais hautement significative, que prévoir une modification de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales de manière à permettre, le cas échéant, aux agents des douanes de procéder à des copies des documents qui leur sont présentés.

b) Améliorer la fiscalité de l'épargne

La fiscalité de l'épargne fait en effet l'objet d'une difficulté, au plan européen.

La règle de base veut que la plupart des Etats taxent les intérêts perçus par leurs résidents et, corrélativement, exonèrent ou taxent faiblement ceux perçus par des non-résidents. Cette règle est généralement reprise par les conventions fiscales. Cependant, lorsque l'Etat de la résidence n'a pas la possibilité de connaître les intérêts perçus par ses résidents dans un autre Etat, ces derniers sont incités, pour des raisons purement fiscales, à réaliser leurs placements dans cet autre Etat. Il en résulte des pertes de recettes et une rupture d'égalité devant l'impôt : selon la nature des revenus perçus et, surtout, selon le lieu d'où ces revenus proviennent.

En réponse à cette difficulté, dans le cadre du Groupe de politique fiscale, institué à la suite du Conseil ECOFIN de Vérone (12 et 13 avril 1996) et animé par M. Mario Monti, commissaire européen, la discussion du régime de la fiscalité de l'épargne a été relancée. Il a été convenu que cette question serait évoquée dans le cadre du " paquet fiscal " sur les mesures tendant à prévenir la compétition fiscale, adopté par le Conseil ECOFIN du 1er décembre 1997.

Conformément aux principes arrêtés à cette occasion, la Commission a été invitée à élaborer une directive relative au régime des intérêts perçus par les particuliers résidents d'un Etat membre dans un autre Etat membre.

La proposition de directive, actuellement soumise au Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution (document E 1105), est fondée sur le principe dit de la " coexistence ", qui permet à chaque Etat membre de choisir, soit le système d'une retenue à source minimum, soit le système de la communication de renseignements sur les revenus de l'épargne aux Etats membres.

En l'état actuel de la proposition de directive, une retenue à la source non libératoire est prévue au taux de 20 %.

Même si ce texte ne répond pas en totalité aux objectifs de la France, qui avait demandé un taux au moins égal à 25 %, il convient de souhaiter que cette initiative aboutisse de manière à atténuer fortement au moins l'une des causes de l'évasion fiscale liée aux mouvements de capitaux entre les différents Etats membres de l'Union européenne.

Il importe donc de faire en sorte que cette procédure, qui repose sur une initiative dont l'intérêt est essentiel, aboutisse rapidement.

3. Envisager une modification des règles régissant l'abus de droit

Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur en première partie, la notion d'abus de droit, dont les règles sont fixées aux articles L. 64, L. 64 A et L. 64 B du livre des procédures fiscales, est difficile à mettre en oeuvre.

Pourtant, c'est grâce au dispositif de répression des abus de droit que l'administration peut déjouer les fraudes ou les manoeuvres qui tendent à éluder l'impôt en masquant la situation réelle par un acte juridique apparemment régulier mais non sincère. L'administration doit alors démontrer pourquoi l'acte juridique n'est pas sincère et rétablir la situation réelle, afin de pouvoir substituer celle-ci à celle découlant de l'acte incriminé. La procédure de répression des abus de droit constitue donc un mécanisme exceptionnel, qui repose sur la contestation de la sincérité d'un acte juridique et la possibilité pour l'administration de " restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ", selon les termes de l'article L. 64 précité, c'est à dire de requalifier les opérations.

En l'absence d'une telle contestation, s'il n'y a pas d'acte juridique spécifique ou si l'administration ne met pas en cause la sincérité d'un acte et lorsque la difficulté tient à l'interprétation des textes fiscaux ou à une simple question de fait, la procédure d'abus de droit ne peut être mise en oeuvre.

Selon la jurisprudence, l'abus de droit est constitué, soit en cas d'acte fictif, soit lorsque les actes mis en oeuvre par le contribuable ont pour seul but d'éluder tout ou partie de l'impôt.

On sent bien, sur le plan purement intuitif, que cette interprétation est restrictive. Il existe, en effet, des dispositifs ou des montages qui sont extrêmement proches dans leurs modalités, de l'abus de droit, mais qui n'en relèvent pas : dès lors qu'un acte a un objet essentiellement et principalement, mais non exclusivement, fiscal, il constitue un écran derrière lequel peut s'abriter le contribuable.

Néanmoins, la solution à ce problème est éminemment difficile, dès lors qu'il convient d'éviter tout risque d'arbitraire dans l'utilisation de cette procédure et dans l'usage des facilités de requalification des opérations effectuées par les entreprises ou les particuliers.

B.- AUTORISER L'ADMINISTRATION FISCALE À UTILISER LE NUMÉRO D'IDENTIFICATION AU RÉPERTOIRE DES PERSONNES (NIR)

Dans l'exercice des missions du contrôle fiscal, la recherche de l'affectation des bulletins " orphelins ", c'est-à-dire des documents communiqués à l'administration fiscale sans demande préalable de sa part et qui ne trouvent pas aisément d'affectation dans un dossier de contribuable, soit en raison de mentions erronées, soit en raison de changements d'adresse, soit pour tout autre motif, constitue un problème important.

La recherche est actuellement effectuée sur une base nominative, ce qui pose le problème des homonymies, ou sur d'autres données, moins caractéristiques d'une personne, telles que l'adresse et la date de naissance. En outre, l'absence de fiabilité de saisie des informations multiplie souvent les difficultés. Cette situation peut conduire à des méprises importantes de la part de l'administration fiscale et entraîner des actions contre des contribuables à la suite d'erreurs sur la personne. Ce risque interdit de pousser trop avant les investigations et conduit à une situation dans laquelle le nombre de bulletins de recoupement inutilisables est élevé.

Il convient donc, dans un souci de simplification, d'utiliser pour chaque contribuable un identifiant unique et stable, qui le suive tout au long de son cursus.

A cet égard, l'utilisation par l'administration fiscale du NIR, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP), numéro individuel attribué à chacun en fonction de sa commune de naissance et de son enregistrement à l'état-civil, déjà utilisé par les organismes de sécurité sociale, présenterait d'indéniables avantages, comme l'ont déjà souligné, en 1996, dans leur rapport précité sur " Les fraudes et les pratiques abusives ", MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés. Le NIR remplacerait alors le système d'identification dit " SPI " (Simplification des procédures d'imposition) mis au point par la direction générale des impôts à usage interne seulement. Ce système de simplification des procédures n'offre en outre que la possibilité d'identifier un contribuable en fonction des impôts qu'il paie à différentes adresses.

Votre Rapporteur n'ignore pas que cette solution se heurte à de fortes réticences, dans la mesure où elle permettrait à l'administration fiscale de disposer d'un instrument puissant de recoupement informatique, et où elle s'est heurtée aux réticences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Néanmoins, si l'on va au-delà de la simple question de principe, qui a trait à l'importance des pouvoirs que l'on entend concéder à l'administration fiscale, force est de constater que la principale difficulté tient à la nécessité d'interdire l'utilisation du NIR pour des éléments permettant de procéder à la constitution de fichiers fondés sur des critères religieux, politiques ou syndicaux. Il suffit, pour la contourner, en l'espèce, de ne pas autoriser l'usage du NIR pour les documents transmis à l'administration fiscale et ayant trait aux diverses déductions en faveur des organismes correspondants (partis politiques, syndicats, oeuvres ou associations confessionnelles, etc.).

En ce qui concerne la procédure, si l'article 18 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite " Informatique et libertés ", prévoit que " l'utilisation du répertoire national d'identification des personnes physiques en vue d'effectuer des traitements nominatifs est autorisée par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission ", une intervention directe du législateur est nécessaire, dans un domaine aussi sensible, ainsi que l'a indiqué implicitement M. Guy Braibant, dans son récent rapport intitulé " Données personnelles et société de l'information. Transposition en droit français de la directive n° 95/46 ", et remis au Premier ministre.

C.- RENFORCER LES GARANTIES OFFERTES AU CONTRIBUABLE

Dans le domaine des relations entre l'administration fiscale et les contribuables, beaucoup a été fait depuis les réformes législatives issues des travaux de la commission présidée par M. Maurice Aicardi en 1986. Il ne convient donc pas de mettre en cause l'équilibre qui a été trouvé, qui fait l'objet d'un consensus.

Cet équilibre repose sur une information du contribuable préalablement à l'engagement de tout contrôle, sur le principe du débat contradictoire et sur la limitation de la durée de contrôle, lequel ne peut être repris ultérieurement, ainsi que sur l'information obligatoire sur les résultats du contrôle et sur la personnalisation des voies de recours externe.

Quelques aménagements sont cependant envisageables. Certains d'entre eux peuvent trouver assez rapidement leur traduction concrète ; d'autres méritent une réflexion approfondie ainsi qu'un débat, et ne peuvent, à ce stade, qu'être suggérés.

1.- Les propositions

·  Renforcer les modalités d'intervention du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes

S'agissant des impositions relevant de la direction générale des impôts, le rôle du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes en matière de juridiction gracieuse apparaît assez réduit, compte tenu du nombre des dossiers qui lui sont transmis : 124 sur plus d'un million. Les principales caractéristiques de la juridiction gracieuse dans notre pays et le rôle du comité ont été évoqués dans le cadre de la deuxième partie, à laquelle on pourra se reporter.

Afin de mieux connaître les conditions dans lesquelles cette juridiction est exercée, un renforcement du rôle du comité apparaît souhaitable, à deux points de vue :

- d'une part, il importe de réaffirmer la vocation d'arbitrage de cette instance consultative, constituée de magistrats, quatre membres du Conseil d'Etat, dont le président, quatre magistrats de la Cour des Comptes et quatre magistrats de l'ordre judiciaire ; il conviendrait de prévoir que l'administration, le ministre ou le directeur général des impôts, informe le comité, lorsqu'elle ne suit pas son avis, ce qui n'est pas actuellement le cas ;

- d'autre part, il apparaît indispensable d'étendre la compétence du comité, en prévoyant que les plus gosses cotes ou affaires ne relevant pas du ministre ou du directeur général des impôts mais des directeurs régionaux, voire départementaux, lui soient soumises.

·  Assurer le développement des procédures de " rescrit "

Lors des auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur a clairement perçu l'intérêt des entreprises pour la stabilité, et donc pour la sécurité, dans l'interprétation de la loi fiscale. Cette revendication est naturellement justifiée, la stabilité de l'ordre juridique en matière fiscale faisant de toute évidence partie des garanties qui doivent être offertes aux contribuables.

Cette stabilité dans l'interprétation de la loi est assurée dans le cadre de la procédure dite des " rescrits " (8). On mentionnera en premier lieu l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui prévoit qu'aucun redressement d'imposition ne peut être opéré s'il est en contradiction avec la doctrine administrative en vigueur au moment où il en a été fait application, soit par l'administration, en mettant en recouvrement l'imposition primitive, soit par le contribuable, en souscrivant une déclaration ou en liquidant l'impôt. La doctrine concernée est celle qui s'exprime soit dans des documents de portée générale, soit dans des décisions individuelles.

En second lieu, le contribuable peut faire valider par l'administration fiscale, dans le cadre des " rescrits ", les solutions qu'il adopte.

D'une part, l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales prévoit que la garantie prévue à l'article L. 80 A est également applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal ou lorsque l'administration n'a pas répondu, dans le délai de trois mois, à un contribuable de bonne foi, en matière d'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, en matière d'amortissements exceptionnels ou dans le domaine du crédit d'impôt-recherche.

D'autre part, l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales prévoit que la procédure de répression des abus de droit, précédemment évoquée, n'est pas applicable lorsque le contribuable a, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois, ce silence valant donc approbation.

A contrario, l'affaire dite des " fonds turbo " (9), où l'administration fiscale, à propos de la loi ° 79-594 du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement précisée dans le cadre de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 n'a pas été autorisée par le juge à mettre en _uvre la procédure de répression des abus de droit pour faire échec aux pratiques de certaines entreprises qui revendiquaient une " application littérale " de l'instruction fiscale, (avis du Conseil d'Etat du 8 avril 1998, n° 189179, Sté Gras Savoye, et avis n° 192539, Sté de distribution de chaleur de Meudon et Orléans), montre les dangers de ces interprétations a priori. On comprend donc une certaine réticence de l'administration fiscale à se prêter à de telles procédures, outre la charge de travail qui en résulte.

Cependant, sans aller jusqu'à la formule des " rulings " en vigueur dans certains pays étrangers, notamment les Pays-Bas, lesquels reposent sur une négociation avec l'administration fiscale et la conclusion d'un accord, ces exemples étrangers montrent que ce besoin de stabilité est tel pour les contribuables, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers, qu'il convient d'y répondre.

Deux voies de développement des " rescrits " peuvent être envisagées, dans le respect du secret fiscal, naturellement.

D'une part, il semble intéressant qu'une publicité soit accordée aux positions prises par l'administration sur des cas individuels, dans le cadre de l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales comme dans celui de l'article L. 80 B, sous une forme anonyme.

D'autre part, et cette proposition ne peut, à ce stade, faire l'objet d'une formalisation, faute d'avoir fait l'objet d'une concertation suffisante, il semblerait également intéressant de prévoir la possibilité pour les principales organisations professionnelles d'obtenir des rescrits de l'administration fiscale sur des solutions concernant leurs adhérents, toujours avec une certaine publicité, naturellement, au-delà des consultations auxquelles elles peuvent procéder, actuellement.

2. Les orientations possibles, pour le futur

·  Le renforcement du rôle des commissaires aux comptes

Parmi les différentes pistes dont il a été fait part à votre Rapporteur, à l'occasion des auditions auxquelles il a pu procéder, il faut relever plus particulièrement celle, qui mérite discussion, tendant à autoriser, sous certaines conditions et selon certaines modalités restant à définir, notamment en matière de rémunération, les commissaires aux comptes à opérer une " validation ", voire une certification fiscale.

Sur le plan des principes, cette idée part du constat selon lequel la certification des comptes et la vérification d'une comptabilité par l'administration fiscale reposent sur une base commune très large.

En principe, la comptabilité a une valeur probante en matière fiscale, le vérificateur n'opérant que les rectifications qu'il croit devoir apporter. Elle ne peut ainsi être rejetée que dans deux cas, soit lorsque la comptabilité est irrégulière (erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, absence de pièces justificatives, non présentation de comptabilité ou des documents comptables), soit lorsque, la comptabilité étant apparemment régulière, le vérificateur a néanmoins des raisons sérieuses d'en contester la sincérité.

Les règles comptables et les règles fiscales sont légèrement différentes, mais tendent toutes deux à un même objectif, qui est celui de la sincérité et de la régularité des comptes, c'est-à-dire de leur conformité à la règle. La certification comptable tend également à assurer le respect de la règle selon laquelle les comptes donnent une image fidèle de la situation de l'entreprise. Dans un cas, il s'agit de protéger les intérêt de l'actionnaire, dans l'autre, l'objectif est de garantir les droits de l'administration fiscale. Les principales divergences portent sur l'application du principe de prudence, selon lequel le comptable sera plus soucieux de constituer des provisions que celui qui est en charge de l'impôt, de les admettre.

Les sociétés tenues de nommer au moins un commissaire aux comptes sont les plus importantes, puisqu'il s'agit, d'une part, de l'ensemble des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées et des sociétés en commandite par actions, et, d'autre part, des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL), des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL), des sociétés en commandite simple et des sociétés en nom collectif (SNC), qui ont une taille significative, car remplissant, à la clôture de l'exercice social, deux des trois conditions suivantes : un total du bilan supérieur à 10 millions de francs ; un chiffre d'affaires hors taxes dépassant 20 millions de francs ; un effectif moyen supérieur à cinquante salariés.

La certification comptable est par ailleurs d'autant plus précise que les impositions à la charge de l'entreprise sont calculées avec exactitude. L'image de sa situation financière est alors exacte.

Les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées dans le cadre d'une indépendance relative, grâce à un mandat d'une durée de six ans et à une nomination soit par l'assemblée constitutive (ou dans les statuts, pour les sociétés ne faisant pas publiquement appel à l'épargne), soit par l'assemblée générale ordinaire. L'exercice n'est pas sans responsabilité ni obligation, avec une responsabilité pénale en cas de rapport général incomplet ou de non révélation des faits délictueux au procureur de la République, entre autres.

A ces arguments, on peut ajouter que les centres de gestion agréés prévus par les articles 1649 quater C et suivants du code général des impôts assurent aux petites et moyennes entreprises des secteurs de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et de l'agriculture, une aide technique en matière fiscale, outre l'appui qu'elles fournissent en matière de gestion, de tenue de comptabilité et de formation. Les centres établissent en effet les déclarations fiscales de leurs adhérents qui en font la demande. S'agissant des professions libérales, les associations agréées prévues aux articles 1649 quater F et suivants du livre des procédures fiscales jouent un rôle similaire.

La question de la certification fiscale ne saurait être tranchée aisément dans la mesure où elle implique une modification des règles régissant le commissariat aux comptes, et où elle est susceptible de provoquer une mise en responsabilité en cas de redressement opéré sur des comptes ayant fait l'objet d'une procédure de validation, ou de certification, fiscale. Par ailleurs, il convient de ne pas nuire au développement des centres et associations de gestion agréés qui remplissent des tâches essentielles, les redressements opérés auprès de leurs adhérents étant, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, inférieurs à ceux des non adhérents, pour les mêmes professions.

Néanmoins, elle mérite d'être approfondie.

·  La nécessité de réformer le régime des sanctions fiscales

Actuellement, le régime des sanctions applicables en cas de redressement fiscal est si complexe qu'il est particulièrement ardu de le maîtriser. Une présentation claire et synthétique ne peut faire l'objet d'un tableau de moins de six pages de grand format.

On rappellera que ce régime repose, de manière très schématique, sur l'articulation de six principes :

- la tolérance légale, d'un vingtième, soit 5 %, pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et les taxes accessoires autres que la taxe d'apprentissage, et d'un dixième, soit 10%, en matière d'ISF, de droits d'enregistrement ou de taxe sur la publicité foncière, en cas d'insuffisance des montants déclarés, en application de l'article 1733 du code général des impôts ;

- l'application du seul intérêt de 0,75% par mois de retard pour les contribuables de bonne foi, au delà de cette tolérance ;

- l'application de cet intérêt indépendamment de toute sanction, dans les autres cas ;

- des majorations de droits proportionnelles, dans de nombreux cas, notamment en cas de mauvaise foi avec une majoration de 40 %, et en cas de manoeuvre frauduleuse, avec un taux de 80 % ;

- des amendes fiscales, par exemple en cas de défaut ou de retard de production d'un document utilisé pour le contrôle de l'impôt, avec un quantum qui est de 100 francs en règle générale, et qui peut être porté à 1.000 francs lorsqu'il n'a pas été répondu dans les trente jours à une première mise en demeure ;

- des amendes fiscales proportionnelles ou fixes, dans certains cas.

Cette situation complexe appelle une révision complète du régime des pénalités applicables aux infractions fiscales, à plusieurs points de vue.

D'abord, il n'est pas admissible que la loi ne soit pas claire et aisément accessible, dans un domaine aussi sensible, alors que nul n'est censé l'ignorer.

D'autre part, dans la mesure où c'est la certitude de la peine qui dissuade de commettre la faute, selon la grande tradition pénaliste, la sanction est, en l'espèce, inefficace, car parfaitement ignorée et incomprise.

En outre, il conviendrait d'avoir une vision claire de la situation et de pouvoir vérifier que l'échelle des sanctions est bien adaptée à celle de la gravité des fautes.

Enfin, il convient de tenir compte de la nécessité, éventuellement, de pouvoir procéder à une certaine adaptation de la peine posée, l'arrêt de la Cour de cassation du 29 avril 1997 (Cass. Com. 29 avril 1997, n° 1068, Ferreira) à propos de la vignette automobile. La Cour de cassation a estimé que le respect de la Convention européenne des Droits de l'Homme impliquait que le juge saisi du litige ait la possibilité non seulement, comme traditionnellement, de vérifier si les conditions légales d'application de la sanction étaient remplies, mais encore de faire varier le montant fixé par le législateur en fonction des circonstances de l'affaire. Le Conseil d'Etat, dont relèvent les impôts directs et la TVA, ne partage pas cette interprétation de la Convention précitée.

Il revient donc au Gouvernement d'engager, dans des délais assez brefs, une procédure tendant à une révision d'ensemble du dispositif des sanctions fiscales.

De manière incidente, la nécessaire réduction du taux de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts, qui est actuellement de 0,75 % par mois, pourrait être réglée de manière favorable dans le cadre de cette révision générale. Actuellement, par comparaison avec un taux d'inflation de 1,2 %, ce taux d'intérêt, à raison de 9 % par an, paraît disproportionné. On observera en outre que cet intérêt s'applique indépendamment de toute sanction. Une réduction s'impose, et la solution d'un taux plus proche du préjudice subi par l'Etat, qui doit emprunter un montant équivalent aux recettes dont la perception est différée, sous réserve d'une marge interdisant aux entreprises ou aux particuliers la tentation de bénéficier de conditions financières plus favorables que celles offertes par le marché, apparaît de bon sens. Et cela d'autant plus qu'il convient d'éviter l'effet pénalisant pour les entreprises et les particuliers de bonne foi du montant des intérêts à verser, qui s'avère très élevé, lorsque le contrôle fiscal intervient tard et qu'il n'a pas été envisagé ni la charge provisionnée.

Cependant, en soulignant que l'intérêt ne s'applique qu'au-delà de la tolérance légale, qu'il constitue le seul élément pénalisant pour les contribuables dont la mauvaise foi n'est pas avérée et qu'il correspond, à raison de 9 % par an, à un taux auquel se financent encore certaines entreprises pour leurs besoins de trésorerie à court terme, les adversaires de cette réduction ne manquent pas d'arguments.

Il est ainsi très clair que la solution à cette question exige une réflexion de fond sur l'ensemble des sanctions fiscales.

D.- DÉVELOPPER L'INFORMATION SUR L'IMPÔT ET SUR LES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL

1. Aménager l'information des citoyens sur l'impôt payé par les autres contribuables

Le 1 de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales prévoit qu'une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés est dressée dans chaque commune, en distinguant les deux impôts.

Cette liste est tenue par la direction des services fiscaux à la disposition des contribuables qui relèvent de son ressort. L'administration peut en prescrire l'affichage. En outre, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le dernier alinéa du 1 de ce même article L. 111-1 prévoit que la liste mentionne, pour chaque contribuable, le nombre de parts retenu pour l'application du quotient familial, le revenu imposable, le montant de l'impôt mis à sa charge et l'avoir fiscal.

Afin d'éviter toute dérive cependant, la publication ou la diffusion, par tout autre moyen, des listes ou de toute indication s'y rapportant sont interdites. Une peine stricte est prévue, toute infraction étant passible d'une amende fiscale égale au montant des impôts divulgués, en application de l'article 1768 ter du code général des impôts.

Il apparaît nécessaire, en application des mêmes principes, de prévoir, ce qui n'a pas été fait, une extension à l'ISF de la publicité du paiement de l'impôt.

Par précaution cependant, de manière à prévenir tout comportement malveillant, compte tenu de la sensibilité de la question, il importe que la loi précise également que l'administration fiscale sera tenue d'établir la liste des personnes ayant demandé à bénéficier de cette nouvelle disposition sur la publicité de l'ISF.

2. Renforcer l'information du Parlement sur les résultats du contrôle fiscal

Au chapitre du renforcement de l'information du Parlement sur le contrôle fiscal, on ne mentionnera qu'une seule proposition.

Elle est l'écho des préoccupations exprimées par MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, députés, dans le cadre de leur rapport précité sur " Les fraudes et les pratiques abusives ", sur les différences géographiques constatées dans les modalités de l'exercice du contrôle fiscal, alors que l'homogénéité dans l'application et la mise en oeuvre effective de la loi fiscale constitue pourtant un élément essentiel de la légitimité de l'impôt.

Il importe donc de prévoir, dans le cadre du fascicule relatif à l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances de l'année, la mention des résultats du contrôle fiscal et du recouvrement des droits simples rappelés, ainsi que des pénalités, par direction des services fiscaux. Le nombre des contribuables et les bases d'impositions, de même que leur répartition professionnelle, devraient également être communiqués. Les conditions d'exercice de la juridiction gracieuse devraient l'être aussi.

Il est, en effet, essentiel que le sentiment d'arbitraire, parfois ressenti par les particuliers comme par les entreprises lors de l'exercice des contrôles fiscaux, ne puisse plus trouver aucun fondement en développant l'exemplarité de la pratique de l'administration fiscale.

E.- RENFORCER LA LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE INTERNATIONALE

En matière de fiscalité personnelle, l'évasion fiscale internationale est le fait de quelques personnes qui délocalisent à l'étranger soit leur foyer fiscal, soit tout ou partie de leur patrimoine, soit les deux éléments.

S'agissant de la délocalisation des foyers fiscaux, la lutte contre cette forme d'évasion est assez difficile à entreprendre dès lors que le départ vers un pays étranger est effectif et que les Etats présentant une fiscalité favorable aux personnes titulaires de revenus importants ou de grandes fortunes sont désireux d'accueillir les partants. Comme il n'est pas possible d'envisager de faire obstacle à la liberté d'installation, qui relève in fine, de la liberté d'aller et venir, une solution envisageable consiste à prévoir et à exercer un " droit de suite " pour conserver en France, pendant un certain délai tout au moins, l'imposition des éléments qui relèvent normalement du pays de résidence tels que les plus-values mobilières ou pour reporter l'accession au régime d'imposition des non résidents, plus favorable, en matière de revenus mobiliers, par exemple. Naturellement, la validité de ces dispositifs doit être appréciée au regard des engagements européens et internationaux de notre pays.

Plusieurs des orientations annoncées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, répondent à ce souci. Il faut se féliciter de cette initiative.

Un autre problème est celui de la constitution de patrimoines dans les paradis fiscaux.

Lors des auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur avait envisagé la création, pour les personnes physiques et les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, notamment les sociétés de personnes, d'un dispositif similaire à celui de l'article 209 B du code général des impôts, lequel permet d'assujettir en France, à l'impôt sur les sociétés, sous la forme d'une imposition séparée, les bénéfices réalisés dans le cadre des participations directes ou indirectes, d'une taille significative, détenues dans des sociétés établies dans des paradis fiscaux. Ce dispositif concerne les seules entreprises relevant en France de l'impôt sur les sociétés. Il fait l'objet d'une application effective, comme cela a été vu en deuxième partie.

Il avait été fait observer à votre Rapporteur que la mise en oeuvre d'un tel dispositif pouvait se heurter à des difficultés techniques.

Votre Rapporteur se félicite donc de ce que le Gouvernement ait pris une initiative allant dans le sens de celle qu'il avait envisagée, dans le cadre de l'article 70 du projet de loi de finances pour 1999. Selon le dossier intitulé " 1999 : les grandes orientations pour les finances publiques " et remis à la presse le 22 juillet 1998 : seront " soumises à l'impôt en France les personnes physiques résidentes de France qui seules ou avec des personnes apparentées possèdent 10% au moins des droits aux bénéfices dans des sociétés ou autres personnes morales établies dans des pays à fiscalité privilégiée et qui se livrent de manière prépondérante à une activité financière (gestion de patrimoine). Les contribuables concernés seront imposés sur la valeur des revenus distribuables auxquels ils ont droit même si ceux-ci ne leur ont pas été effectivement distribués. Ce dispositif, qui existe dans de nombreux Etats partenaires de la France et est recommandé par l'OCDE, permettrait d'éviter que certaines personnes échappent à toute imposition en France en faisant apport de leurs actifs à une structure étrangère ".

Le dispositif proposé, qui ne concerne que les sociétés établies dans des pays à fiscalité privilégiée se livrant de manière prépondérante à une activité financière (gestion de patrimoine), vecteur essentiel de la gestion défiscalisée de la très grande fortune privée, va en effet dans le sens d'une limitation des possibilités de délocalisation des patrimoines dans les paradis fiscaux.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé, au cours de sa première réunion du mardi 6 octobre 1998, à l'examen du présent rapport d'information.

Après l'exposé de votre Rapporteur, plusieurs orateurs sont intervenus.

M. Jean-Jacques Jégou a fait valoir qu'il existait différentes modalités de fraude fiscale, qu'il s'agisse du travail au noir ou des fraudes opérées par le " citoyen lambda " lorsqu'il prive l'Etat de recettes fiscales ou de cotisations sociales. Rappelant que la mission d'information ayant conduit au rapport présenté par M. Guy Bêche, député, en 1989, avait obtenu des résultats quelque peu décevants sur ces points, il a souhaité savoir si votre Rapporteur comptait, dans son rapport final, évoquer ces différents types de fraudes et évaluer globalement l'ampleur de l'évasion fiscale.

Après avoir relevé que votre Rapporteur reprenait à son compte des propositions qu'il avait lui-même présentées quelques années auparavant, M. Charles de Courson l'a interrogé sur trois points. S'agissant de l'abus de droit, que votre Rapporteur évoque, selon lui, avec une extrême prudence, il a souhaité savoir si celui-ci entendait présenter des propositions à caractère législatif dans le futur. Évoquant le NIR, dont il a souligné l'intérêt pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale, il a interrogé votre Rapporteur sur le fait de savoir si celui-ci était favorable à son utilisation par l'administration fiscale. Abordant, enfin, le travail au noir, il s'est enquis de la possibilité d'approfondir le dispositif de lutte d'ores et déjà en vigueur.

M. Pierre Hériaud a souligné la complexité de la législation fiscale en cause et fait observer l'importance des montants concernés : malgré l'incertitude qui entoure toute évaluation relative à la fraude fiscale, celle-ci pourrait être équivalente au montant de notre déficit budgétaire. Relevant que les mécanismes de fraude ne feraient l'objet d'une étude approfondie que dans le cadre du rapport final, il a souhaité savoir si votre Rapporteur aurait la volonté et les moyens d'obtenir les informations nécessaires.

Revenant sur la proposition de votre Rapporteur tendant à renforcer l'obligation de paiement par chèque ou par carte bancaire pour les particuliers pour tout achat supérieur à 10.000 francs, M. Jean-Jacques Jégou a fait observer qu'une telle mesure serait certainement efficace pour lutter contre la fraude d'une certaine importance, mais risquait de se révéler inefficace pour les petites transactions, inférieures au montant précité.

En réponse aux intervenants, votre Rapporteur a d'abord souligné que l'objet de ses investigations était avant tout d'améliorer substantiellement la transparence et les modalités de perception de l'impôt, tout en le simplifiant, et ce, pour en accroître la légitimité aux yeux de nos concitoyens, un impôt mieux accepté devant, selon lui, donner lieu à moins de fraude. Il a fait valoir que cet objectif appelait la définition de mesures de lutte contre la fraude fiscale, mais également l'évaluation de leur impact, afin de pouvoir ajuster les dispositifs en fonction des résultats et de l'évolution de la fraude.

En ce qui concerne la description des mécanismes de lutte contre la fraude fiscale, il a précisé que ses investigations s'étaient heurtées à un double obstacle : d'une part, la mise à jour publique de tels mécanismes imposait de disposer des parades nécessaires, afin de ne pas favoriser les fraudes et, d'autre part, les personnalités entendues avaient souhaité que leurs propos fassent l'objet d'une certaine confidentialité, quand ils n'avaient pas pratiqué une certaine rétention d'information.

Il a fait observer que ses travaux avaient eu pour objet de définir des mesures consensuelles, rappelant que l'appareil d'Etat fait en général preuve d'une certaine inertie dans l'application des mesures définies par le législateur, lorsque celles-ci ne recueillent pas son adhésion.

Faisant valoir que l'objet de son rapport portait essentiellement sur la fraude fiscale, il a jugé que la réduction substantielle du travail au noir appelait, non pas de simples mesures à caractère fiscal, mais toute une palette d'instruments, tels que le recours accru aux inspections du travail. Il a souligné que ses propositions participaient largement de la lutte contre le travail au noir, citant notamment celles tendant à renforcer l'obligation de paiement par chèque ou par carte pour les transactions supérieures à 10.000 francs ou la taxation indiciaire à l'impôt sur le revenu, afin de mieux prendre en compte le train de vie et les signes extérieurs de richesse des délinquants. Compte tenu de la sensibilité de ce sujet, il a précisé qu'il comptait approfondir ce thème lors de son rapport final.

Évoquant la question de l'abus de droit, procédure dont il a rappelé la complexité et la difficulté, il a estimé qu'une éventuelle modification de la législation permettrait, certes, de sanctionner des comportements tendant à éluder l'impôt, mais pourrait se traduire par une moindre fiabilité du dispositif de lutte contre l'évasion fiscale, si l'administration, parfois accusée d'arbitraire, n'était pas tenue au respect scrupuleux des droits des personnes concernées.

En ce qui concerne le NIR, il a marqué son accord avec M. Charles de Courson, faisant valoir que le recours à cet instrument par l'administration fiscale lui paraissait indispensable. Il a toutefois fait valoir qu'une telle évolution nécessiterait l'adoption d'une mesure législative.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur la pertinence des propositions tendant à limiter les possibilités de paiement en liquide, observant que cette idée, a priori de bon sens, pourrait finalement se révéler inefficace. Il a estimé que l'un des moyens les plus efficaces de lutter contre la fraude fiscale résidait certainement dans l'élaboration de " mécanismes automatiques antifraudes ". Il a, en effet, fait valoir que plus la législation fiscale était complexe et unilatérale, plus elle était susceptible de susciter une fraude importante, d'où la nécessité, selon lui, de réformer la législation en vigueur, afin de la simplifier et de faire en sorte que le prélèvement fiscal soit facilité par la divergence des intérêts des opérateurs. Il a estimé que cette approche serait d'autant plus intéressante qu'elle sera, non plus répressive, mais incitative. Il a souhaité enfin savoir, d'une part, si votre Rapporteur entendait, dans son rapport final, présenter des propositions de lutte contre la fraude fiscale au niveau international et, d'autre part, si les conventions internationales de coopération fiscale fonctionnaient correctement.

Faisant observer que les risques d'évasion fiscale internationale étaient aujourd'hui particulièrement aigus, M. Edmond Hervé a jugé que cette situation appelait à une complémentarité accrue des législations fiscales des Etats membres au niveau communautaire.

Votre Rapporteur a marqué son accord avec cette dernière remarque, observant que l'évasion fiscale réalisée par certains grands groupes nationaux, par le biais d'une délocalisation, en dehors de nos frontières constituait aujourd'hui un problème crucial, qui nécessiterait, au niveau communautaire, une harmonisation des législations fiscales en cause. Il a souligné, toutefois, la complexité d'une telle démarche, qui ne manquerait pas de remettre en cause, notamment aux Pays-Bas, un certain nombre de spécificités purement nationales.

Il a fait part, cependant, de sa volonté d'aboutir, lors de la présentation du rapport final, à des propositions concrètes en matière de lutte contre l'évasion fiscale au plan communautaire, objectif qui lui semble appeler, non seulement une harmonisation plus poussée des législations fiscales de chaque Etat membre, mais également un meilleur suivi des transactions et des livraisons transfrontalières.

En réponse à M. Charles de Courson, votre Rapporteur a indiqué que les conventions internationales actuellement en vigueur semblaient fonctionner correctement, notamment celles signées avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information, après que votre Rapporteur eut fait valoir l'intérêt de cette démarche au regard de l'amélioration de la coopération avec l'administration fiscale.

ANNEXE 1

EMPLOIS PARTICIPANT À LA MISSION DE CONTRÔLE FISCAL
(CFE - CSP - Recherche)
Situation au 31 décembre 1988 et au 31 décembre 1997

Services

Situation au 31 décembre 1988

Situation au 31 décembre 1997

 

INSP

CONTR

AGENTS C

TOTAL

INSP DIV

INSP

CONTR

AGENTS C

TOTAL

1.- Secteurs d'assiette des impôts directs (1)

 

2.728

7.827

10.555

   

2.859

9.216

12.075

2.- Inspections spécialisées FE/FP/IFP

                 

- Inspections fiscalité personnelle

1.068

462

1

1.531

 

237

260

 

497

- Inspections fiscalité des entreprises

1.995

3.160

7

5.162

 

632

1.233

18

1.883

- Inspections fiscalité professionnelle

         

1.334

3.355

61

4.750

TOTAL

3.063

3.622

8

6.693

 

2.203

4.848

79

7.130

3.- Fiscalité immobilière

                 

- Inspections fiscalité immobilière

799

258

660

1.717

 

691

502

502

1.695

- Brigades départementales de contrôle

         

174

1

2

177

- Fiscalité immobilière

                 

TOTAL

799

258

660

1.717

 

865

503

504

1.872

4.- Contrôle fiscal externe

                 

- FE vérification et mobiles contrôle fiscal

1.786

 

1

1.787

         

- Brigades départementales de vérifications

         

2.659

20

15

2.694

- Brigades régionales et nationales (brigades de vérifications générales, brigades régionales de vérification, brigades contrôle des revenus)

1.813

236

320

2.369

 

1.845

252

285

2.382

TOTAL

3.599

236

321

4.156

 

4.504

272

300

5.076

5.- Recherche - Appui

                 

- Brigades de contrôle et de recherches (2)

105

532

198

835

48

130

579

85

842

- Brigades d'études et de programmation

22

78

22

122

2

31

85

13

131

- Brigades de recherches et d'appui tactique (Brat, Bpat)


5


34


4


43


3


5


23


3


34

- Brigades d'intervention inter-régionale

48

37

10

95

 

58

43

11

112

- Brigade nationale d'enquêtes économiques

47

1

2

50

 

47

1

2

50

- Brigades de vérification des comptabilités informatisées


28


4


4


36

 


70


4


10


84

- Brigades de recherches systématiques

2

4

32

38

1

1

6

21

29

- Section de documentation et de recherches

56

32

16

104

 

56

32

16

104

TOTAL

313

722

288

1.323

54

398

773

161

1.386

TOTAL GÉNÉRAL

7.774

7.566

9.104

24.444

54

7.970

9.255

10.260

27.539

(1) L'évolution observée entre 1988 et 1997 intègre l'augmentation des emplois C liée au passage de CDI en formule 2.

(2) La situation au 31 décembre 1988 comprend 42 emplois (20 B, 22 C) transférés en 1993 à la DGDCI au titre des missions C.I.

INSP DIV : inspecteurs divisionnaires.

INSP : inspecteurs.

CONTR : contrôleurs.

AGENTS C : agents du cadre C.

CDI : Centre des impôts.

DGDCI : Direction générale des douanes et contributions indirectes.

CI : contributions indirectes

ANNEXE 2

TABLE DES SIGLES

CESDIP Centre de recherches sociologiques sur le droit et les instructions pénales

CIF Commission des informations fiscales

DNEF Direction nationale d'enquêtes fiscales

DNVSF Direction nationale de vérification de situations fiscales

DVNI Direction des vérifications nationales et internationales

ESFP Examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

IR Impôt sur le revenu

IS Impôt sur les sociétés

ISF Impôt de solidarité sur la fortune

NIR Numéro d'identification au répertoire des personnes

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

PIB Produit intérieur brut

TIPP Taxe intérieure sur les produits pétroliers

TVA Taxe sur la valeur ajoutée

UCLAF Unité de coordination de la lutte anti-fraude

VASFE Vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble

______________

N° 1105.- Rapport d'information de M. Jean-Pierre Brard, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, sur la fraude et l'évasion fiscales.

1 ) Une approche très complète est présentée par M. Charles Robbez Masson dans " La notion d'évasion fiscale en droit français ", Paris, LGDJ, 1990.

2 ) M. Jean-Pascal Beaufret est actuellement directeur général des impôts.

3 ) Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, la différence entre les emplois budgétaires et les emplois implantés provient, pour l'essentiel, des mises à disposition auprès de certains organismes, notamment des chambres régionales des comptes ou de diverses _uvres sociales.

4 ) La différence essentielle entre droits bruts et droits nets provient du redressement sur déficit, toute réduction d'un déficit reportable ayant des incidence sur le futur. Les droits bruts représentent un impôt théorique calculé en application du taux de l'impôt sur les bénéfices au montant de la réduction du déficit opérée.

5 ) Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, on appelle " droits compromis " en matière douanière les droits rappelés à l'occasion d'opérations de contrôle.

6 ) Le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée. "

7 ) Ces entreprises font cependant l'objet de contrôles sur pièces.

8 ) En droit romain, les rescrits (rescripta) étaient les réponses de l'Empereur aux questions juridiques posées par les gouverneurs, magistrats, etc.

9 ) En l'occurrence, des fonds communs de placement (FCP) avaient été créés dans le but d'attacher à leurs clients des crédits d'impôt fictifs, car ne correspondant pas à un impôt payé en amont, dans le cadre d'opérations très massives d'achats la veille de la distribution du revenu par le FCP, suivies de reventes quasi immédiates.