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N° 1695

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1), préalable au débat d'orientation budgétaire pour 2000,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur général,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Finances publiques.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

SOMMAIRE

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Pages

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INTRODUCTION 7

I.- UNE CROISSANCE DES RECETTES VOLONTAIREMENT MOINS VIGOUREUSE QUE CELLE DE L'ÉCONOMIE, HISTORIQUEMENT FORTE, PERMETTANT DE STABILISER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES AFIN D'AMORCER LEUR DÉCRUE 11

A.- 1998 : L'ANNÉE HEUREUSE ? 11

1.- La France, « bon élève » de l'Europe, grâce à une demande interne vigoureuse 12

2.- Une consommation des ménages nourrie par l'amélioration de l'emploi et des revenus 15

3.- Un investissement des entreprises dynamique et assez indifférent aux signaux négatifs de l'environnement international 19

B.- DES RECETTES EN LIGNE AVEC LES PRÉVISIONS 23

1.- Le budget général 23

2.- Les comptes spéciaux du Trésor : un excédent particulièrement important 33

C.- LES PERSPECTIVES : UNE CROISSANCE FRANÇAISE CONSOLIDÉE DANS UN ENVIRONNEMENT MONDIAL OÙ TOUT ALÉA N'EST CEPENDANT PAS EXCLU 36

1.- Une croissance malmenée au tournant de l'hiver 1998-1999, mais  bientôt recalée sur une trajectoire plus dynamique et autonome 36

2.- Les premiers résultats en matière d'encaissements sont encourageants 50

3.- L'amorce de la décrue des prélèvements obligatoires 53

II.- POURSUIVRE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS 61

A.- LA RÉDUCTION DU BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES EN 1998 S'INSCRIT DANS UN MOUVEMENT DE LONGUE HALEINE 61

1.- L'impact de l'adoption du nouveau système européen de comptabilité SEC 1995 sur la mesure des déficits publics 61

2.- Un solde budgétaire et un besoin de financement des administrations  publiques pour 1998 en amélioration par rapport aux prévisions initiales 67

B.- LES PREMIERS RÉSULTATS ENCOURAGEANTS DE L'EXERCICE EN COURS S'INSCRIVENT FAVORABLEMENT DANS LE CADRE TRACÉ PAR LE PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES 70

1.- Le programme pluriannuel de finances publiques 70

2.- Les premiers résultats de l'exécution 1999 sont, dans l'ensemble,  favorables 73

III.- LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DANS LE RESPECT DE PRIORITÉS BIEN AFFIRMÉES, POINT DE PASSAGE OBLIGÉ DE L'ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE 79

A.- QUELLES MARGES DE MAN_UVRE ? 79

1.-  Malgré un soulagement bienvenu en 2000, la « spirale de la dette » de l'Etat ne serait pas encore définitivement brisée 81

2.- Les incidences budgétaires du programme économique et social du Gouvernement s'inscrivent dans la durée 86

B.- LA MAITRISE DES DÉPENSES REPOSE SUR UNE SÉLECTION RIGOUREUSE DES PRIORITÉS ET SUR UN EFFORT D'ENCADREMENT À MOYEN TERME 92

1.- Les priorités affirmées pour le budget 2000 92

2.-L'encadrement des dépenses à moyen terme 96

TRAVAUX DE LA COMMISSION 103

I.- TABLE RONDE EN VUE DU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE 103

II.- AUDITION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ET DU SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2000 115

III.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION 127

Mesdames, Messieurs,

Après les précédents de 1996 et de 1998, la tenue, à la fin du printemps, d'un débat d'orientation budgétaire, devient une pratique maintenant bien ancrée dans notre vie parlementaire.

A travers ce débat, il ne saurait être question de contester au Gouvernement les prérogatives qu'il tient de la Constitution et de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 s'agissant de la préparation des lois de finances, mais ce rendez-vous annuel représente un incontestable progrès, en ce qu'il peut permettre d'engager un véritable dialogue.

Il s'agit, rappelons-le, d'associer le Parlement à la préparation du budget en lui fournissant un cadre d'expression sur les grandes orientations budgétaires. Ce débat permet également aux membres de l'Assemblée d'être informés de façon précoce sur les principaux choix envisagés par le Gouvernement et de faire valoir, le cas échéant, ceux qui auraient leur préférence.

Selon la tradition qui s'établit, trois documents permettent aux parlementaires de disposer d'éléments nécessaires à la préparation de ce débat.

La Cour des comptes, tout d'abord, a trouvé là une occasion d'enrichir le contenu de sa mission constitutionnelle d'assistance au Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. Ainsi, la Cour a-t-elle transmis au Président de la Commission des finances et à votre Rapporteur général, dès le 17 mai 1999, son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1998. Au-delà de l'analyse de l'exécution budgétaire passée, ce document fournit des éléments de réflexion précieux pour l'avenir.

Pour sa part, le Gouvernement a présenté deux rapports.

Le premier, sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, s'inscrit dans le cadre de l'article 38 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, aux termes duquel le Gouvernement doit, en l'absence de loi de finances rectificative de printemps - ce qui est encore le cas cette année - adresser un tel document au Parlement, au plus tard le 1er juin.

Le second rapport déposé par le Gouvernement est celui plus spécifiquement préparé pour le débat d'orientation budgétaire. Il est, comme votre Rapporteur l'avait déjà souligné l'an passé, davantage conçu comme la présentation des objectifs du Gouvernement que comme un document de réflexion fournissant à la représentation nationale diverses hypothèses détaillées et chiffrées sur l'évolution des recettes et des dépenses.

En outre, on observera que la presse a déjà fait état, dès le 20 avril dernier, des « lettres de cadrage » adressées par le Premier ministre aux membres du Gouvernement et que la première phase des « conférences budgétaires », au cours desquelles chaque ministère « dépensier » confronte ses propositions à celles de la direction du budget, a été engagée il y a plusieurs semaines ; les premiers arbitrages étant en cours.

Il est vrai que l'exercice s'inscrit désormais dans le cadre d'obligations communautaires nouvelles : un programme pluriannuel a été transmis à la Commission européenne et à nos partenaires à la fin de 1998. Si, à l'occasion du premier programme, une information des commissions des finances des deux assemblées est intervenue, il reste que les modalités d'association de la représentation nationale à la phase de prospective budgétaire peuvent être encore grandement améliorées.

A cet égard, le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, mis en place en octobre 1998 à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, a présenté, en janvier dernier plusieurs propositions en vue de rénover l'exercice du pouvoir financier, notamment, outre l'amélioration de la lisibilité des documents budgétaires, en privilégiant la discussion des grandes orientations économiques et financières.

Le groupe de travail concluait en soulignant qu'il conviendrait :

- d'« examiner chaque année, en Commission des finances, avant transmission à Bruxelles, les perspectives triennales des finances publiques, incluant l'ensemble des dépenses publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) ; »

- d'« organiser chaque année, en séance publique, un débat d'orientation budgétaire, sur la base des rapports présentés par la Cour des comptes (exécution de la loi de finances précédente) et le Gouvernement (rapport sur les orientations budgétaires ; perspectives triennales des finances publiques). »

Le groupe de travail se demandait également s'il n'était pas possible d'« envisager que ce débat soit conclu par le vote d'une loi d'orientation triennale des finances publiques ».

La nouvelle configuration du calendrier communautaire - la présentation des projections pluriannuelles devant désormais intervenir à la fin du mois de mars de chaque année - devrait permettre de progresser dans cette direction et de prévoir une intervention parlementaire en mars, garantissant une meilleure possibilité d'anticipation par rapport aux choix du Gouvernement.

Dans l'immédiat, votre Commission des finances a souhaité apporter sa contribution au débat prévu en séance publique le 17 juin prochain, avec le présent rapport, nourri, notamment, par les réponses que le Gouvernement a apportées aux questions que votre Rapporteur général a posées afin d'être en mesure de présenter à l'ensemble des députés des éléments d'information aussi détaillés que possible.

A ce stade, votre Rapporteur général observera que les orientations présentées par le Gouvernement s'inscrivent dans le droit fil des arbitrages raisonnables et équilibrés que traduit la loi de finances pour 1999 entre trois impératifs :

- la volonté, après les avoir stabilisés, de réduire les prélèvements obligatoires, dont le poids est unanimement jugé excessif, même s'il ne faut pas oublier qu'ils sont la contrepartie de prestations collectives répondant aux attentes du corps social ; parallèlement, il convient de poursuivre les efforts déjà entrepris en vue d'un rééquilibrage entre les charges pesant sur le travail et celles pesant sur le capital et d'un allégement de la charge fiscale pesant sur les ménages les plus modestes ;

- la réduction du déficit, nécessaire pour enrayer le mécanisme dans lequel « la dette nourrit la dette » et dégager ainsi, en période de bonne conjoncture, les marges permettant d'aborder en meilleure posture un éventuel retournement de la conjoncture ;

- l'évolution maîtrisée de la dépense, qui participe de la volonté d'inscrire dans le moyen terme les priorités politiques de la majorité plurielle : agir rapidement et puissamment pour l'emploi et la solidarité, en poursuivant l'effort de soutien à la croissance engagé depuis deux ans.

*

* *

I.- UNE CROISSANCE DES RECETTES VOLONTAIREMENT MOINS VIGOUREUSE QUE CELLE DE L'ÉCONOMIE, HISTORIQUEMENT FORTE, PERMETTANT DE STABILISER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES AFIN D'AMORCER LEUR DÉCRUE

A.- 1998 : L'ANNÉE HEUREUSE ?

A l'automne 1997, la présentation du premier budget élaboré par le Gouvernement de M. Lionel Jospin suscitait, de la part d'un éminent représentant de l'opposition, les observations suivantes : « Je n'aperçois pas pour l'année prochaine les raisons d'une amélioration significative de la conjoncture et de la croissance. [...] La consommation ne paraît pas non plus devoir évoluer plus favorablement l'année prochaine. [...] Enfin, (la) reprise de l'investissement est devenue depuis plusieurs années l'Arlésienne de notre conjoncture économique [...] ; pourquoi en serait-il différemment en 1998 ? Pourquoi les investissements augmenteraient-ils de 4% et les investissements industriels de 7% ? Peut-on faire confiance à un tel pronostic ? ». (1)

Près d'un an et demi après ces sombres propos tenus à la tribune de l'Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, la réponse à la question posée par l'orateur est assurément « oui ».

Alors que les Cassandre stigmatisaient, à l'époque, la prévision de croissance de 3% arrêtée par le Gouvernement, les comptes nationaux publiés trimestre après trimestre par l'INSEE ont progressivement confirmé la validité, puis le caractère prudent, du cadrage macro-économique de la loi de finances initiale pour 1998.

L'économie française a connu l'an passé un taux de croissance de 3,2%, le plus élevé depuis 1988 (+ 4,45%) et 1989 (+ 4,05%) (2). Parmi les grands pays de la zone euro, notre pays fait ainsi à nouveau figure de pôle de croissance. Ce dynamisme est dû à la vigueur peu commune de la demande interne. De plus, la hausse des prix s'est encore réduite par rapport au niveau enregistré en 1997, déjà qualifié d'historiquement faible : 0,9% au lieu de 1,4% (3). Parallèlement, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) a diminué de 0,8 point entre décembre 1998 et décembre 1997, pour s'établir à 11,5% de la population active. Enfin, les échanges extérieurs sont restés fortement excédentaires, la balance des transactions courantes ayant dégagé un solde positif de 230,6 milliards de francs et la capacité de financement de la Nation - au sens de la comptabilité nationale - s'étant établie à 180,8 milliards de francs.

1.- La France, « bon élève » de l'Europe,
grâce à une demande interne vigoureuse

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la France accusait un retard de croissance sur ses principaux partenaires et notamment sur les pays groupés depuis le 1er janvier 1999 au sein de la zone euro. Si l'on fait abstraction, pour l'Allemagne, de la période 1991-1995, marquée par l'impact de la réunification, il apparaît que la croissance de la zone euro a été tirée par les huit « petits » pays (4). Leur faible poids relatif
- ils totalisent environ 28% du PIB de la zone - a cependant limité leur contribution à la croissance globale de la zone.

Inversement, l'Allemagne, la France et surtout l'Italie - qui totalisent environ 72% du PIB de la zone - ont été marqués par une certaine langueur. Cependant, la France se détache légèrement : sa performance en 1996 égale celle de la zone euro dans son ensemble et elle connaît, en 1997, la croissance la plus élevée parmi les trois pays considérés.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES TAUX DE CROISSANCE (5)

 

1991-1995 (a)

1996

1997

1998

Allemagne

2,0

1,3

2,2

2,8

France

1,1

1,6

2,3

3,2

Italie

1,1

0,7

1,5

1,4

Espagne

1,3

2,4

3,2

3,7

Zone euro

1,5

1,6

2,5

3,0

Royaume-Uni

1,6

2,6

3,5

2,3

Communauté européenne (à 15)

1,5

1,8

2,7

2,9

Etats-Unis

2,0

3,5

4,0

3,9

(a) Taux de croissance annuel moyen sur la période 1991-1995.

Source : Prévisions économiques de printemps, Commission européenne, mars 1999.

L'année 1998 traduit pleinement ces prémices d'une dynamique particulière. Le taux de croissance français (+ 3,2%) devient supérieur à la moyenne de la zone euro (+ 3%), à la moyenne européenne (+ 2,9%)
- influencée défavorablement par l'achèvement du cycle au Royaume-Uni - et à la moyenne des pays membres de l'OCDE. Dans la version préliminaire des Perspectives économiques de l'OCDE (mai 1999), le secrétariat de l'Organisation évalue en effet à 2,3% le taux de croissance des pays membres en 1998. Il est vrai que la récession au Japon (- 2,8%) ternit fortement la performance d'ensemble des autres États membres, parmi lesquels se détachent les Etats-Unis (+ 3,9%).

Les tendances de fond à l'_uvre dans l'économie française dès la deuxième moitié de 1997 se sont amplifiées au début de 1998.

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES COMPOSANTES DU PIB

(en % par rapport à l'année précédente, en prix 1995)

 

1995

1996

1997

1998

PIB

+ 1,67%

+ 1,10%

+ 1,97%

+ 3,16%

Dépenses de consommation des ménages

+ 1,22%

+ 1,28%

+ 0,19%

+ 3,42%

Consommation finale des APU

- 0,11%

+ 2,27%

+ 1,66%

+ 1,13%

FBCF totale

+ 2,04%

- 0,02%

+ 0,50%

+ 5,68%

Dont

       

· FBCF des sociétés non financières

+ 1,96%

- 0,77%

+ 1,27%

+ 6,67%

· FBCF des sociétés financières

+ 28,61%

+ 13,03%

+ 16,61%

+ 13,17%

· FBCF des ménages

+ 2,07%

+ 0,45%

+ 0,63%

+ 3,25%

· FBCF des APU

- 1,10%

- 0,30%

- 4,94%

+ 4,64%

Exportations

+ 7,67%

+ 3,48%

+ 10,72%

+ 6,23%

Importations

+ 7,97%

+ 1,60%

+ 6,20%

+ 8,70%

APU : administrations publiques ; FBCF : formation brute de capital fixe

Source : Comptes nationaux, INSEE, mai 1999.

Les deux composantes principales de la demande interne ont connu une forte accélération : la consommation finale totale s'est accrue de 2,7% en 1998 (au lieu de + 0,6% en 1997) et l'investissement total a augmenté de 5,7% (au lieu de + 0,5% en 1997) :

- les dépenses de consommation des ménages se sont accrues de 3,4% en 1998, après 0,2% seulement en 1997. Il s'agit de la meilleure performance depuis plus de dix ans, dont les déterminants seront analysés ci-après ; en revanche, la consommation finale des administrations voit son rythme d'évolution ralentir de + 1,7% en 1997 à + 1,1% en 1998 ;

- la vigueur de l'investissement se manifeste d'abord chez les « sociétés financières » : le taux de croissance de leur FBCF est supérieur à 10% depuis 1995, année où il a même atteint 28,6%. Cependant, cette composante de l'investissement représente moins de 4% de l'investissement total et elle est très fluctuante : elle avait ainsi diminué de 24,9% en 1994 et de 39,3% en 1992 ;

- la principale composante de l'investissement, la FBCF des sociétés non financières et des entrepreneurs individuels, s'est placée sur un rythme de glissement annuel d'environ 6% dès le premier trimestre 1998. L'investissement des administrations publiques n'a fait de même qu'à partir du second semestre 1998, ce qui explique une performance inférieure en moyenne sur l'année ;

- l'investissement des ménages a affiché un taux de progression de 3,2%, moins spectaculaire mais tout autant significatif, après une quasi-stagnation en 1995 et 1996.

Enfin, les exportations et importations ont continué d'augmenter à un rythme soutenu par rapport à l'année précédente. Cependant, elles ont suivi des chemins divergents : la croissance des importations s'est accélérée de + 6,2% en 1997 à + 8,7% en 1998 ; la croissance des exportations a, au contraire, ralenti de + 10,7% en 1997 à + 6,2% en 1998. Il s'agit là d'un effet classique lié au « déplacement » du différentiel de conjoncture entre la France et ses partenaires commerciaux : les importations sont plus soutenues du fait de la vigueur de la demande interne, les exportations marquent le pas à cause de la dégradation relative des débouchés.

In fine, la configuration des contributions apportées à la croissance du PIB par ses différentes composantes montre un complet renversement entre 1997 et 1998.

En 1997, les échanges extérieurs avaient fourni la plus importante contribution à la croissance, générant 1,15 point de croissance. Au contraire, en 1998, les échanges extérieurs fournissent une contribution négative de 0,4 point environ, qui vient atténuer les effets d'une forte impulsion de 3,5 points de croissance apportée par la demande interne.

La France retrouve ainsi une configuration similaire à celle de la moyenne des États membres de la zone euro. Le rapport pour 1998 de la Banque centrale européenne indique, en effet, que la demande interne a apporté environ 3,2 points de croissance dans la zone euro en 1998, alors que les échanges extérieurs ont pesé pour environ - 0,2 point, ramenant la croissance du PIB à 3% environ (6).

CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB

 

1995

1996

1997

1998

Demande interne

+ 1,63%

+ 0,66%

+ 0,82%

+ 3,53%

Dont

       

· Dépenses de consommation des ménages

+ 0,68%

+ 0,70%

+ 0,10%

+ 1,65%

· Consommation finale des APU

- 0,03%

+ 0,54%

+ 0,40%

+ 0,27%

· FBCF totale

+ 0,38%

0,00%

+ 0,09%

+ 1,04%

· Variations de stocks

+ 0,57%

- 0,62%

+ 0,22%

+ 0,36%

Échanges extérieurs

+ 0,04%

+ 0,44%

+ 1,15%

- 0,37%

Dont

       

· Exportations

+ 1,63%

+ 0,78%

+ 2,47%

+ 1,56%

· Importations

- 1,59%

- 0,34%

- 1,32%

- 1,92%

Total : PIB

+ 1,67%

+ 1,10%

+ 1,97%

+ 3,16%

Source : Comptes nationaux, INSEE, mai 1999.

L'économie française amplifie d'ailleurs la tendance moyenne qui se dégage au sein de la zone euro (voir graphique en page suivante) : la contribution négative des échanges extérieurs y est près de deux fois plus importante et se détériore plus fortement (7). Parallèlement, la contribution positive de la demande interne y est sensiblement plus élevée et s'améliore plus notablement (8).

Ce comportement singulier reflète, avant tout, la pertinence des choix de politique économique qui ont été effectués par la majorité et le Gouvernement issus des élections législatives de mai-juin 1997.

2.- Une consommation des ménages nourrie par l'amélioration de l'emploi et des revenus

Les premiers résultats relatifs aux comptes de la Nation en 1998 (9) font ressortir que toutes les composantes de la consommation ont contribué à sa progression. La consommation de produits manufacturés, traditionnellement plus réactive aux évolutions de la conjoncture, s'est accrue de près de 11% ; les achats d'automobiles ont été importants, après la chute observée au cours de l'année 1997, qui avait enregistré le contrecoup des achats anticipés de 1996 destinés à bénéficier des dernières « primes à la casse » instaurées par le précédent Gouvernement. Les ménages ont consacré une partie de leur consommation à l'équipement du foyer (téléphones mobiles, micro-ordinateurs, équipements audio et vidéo), mais n'ont pas négligé le secteur des services : télécommunications (+ 9,3%), transport aérien (+ 5,7%), transport ferroviaire (+ 5,5%), hôtellerie et restauration (+ 3,8%).

Contributions à la croissance : évolution 1997-1998

Demande interne Échanges extérieurs

graphique
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Source : Assemblée nationale, Commission des finances.

· En 1998, la consommation a été soutenue par une nouvelle accélération du revenu disponible. Après une augmentation de 2,1% en 1996 puis de 3,1% en 1997, le revenu disponible brut des ménages s'est accru de 3,4% en 1998. Le pouvoir d'achat de ce revenu disponible brut connaît une accélération plus importante du fait de l'ampleur et de la rapidité de la désinflation : + 2,5% après + 1,7% en 1997.

Les salaires et traitements nets des cotisations sociales à la charge des salariés représentent la moitié du revenu disponible brut des ménages. Leur augmentation de 8,5% tient essentiellement à la modification du mode de financement de la Sécurité sociale : le transfert des cotisations maladie des salariés (incluses dans les cotisations sociales défalquées des salaires bruts) vers la CSG (comptabilisée au sein des « impôts courants sur le revenu et le patrimoine » en comptabilité nationale) aboutit à un simple transfert entre ces deux catégories de charges au sein du compte de revenu des ménages. Il n'a donc pas d'influence en tant que tel sur le revenu disponible.

En revanche, les salaires et traitements bruts augmentent de 4% aux prix courants, après 2,6% en 1997 ; les gains de pouvoir d'achat connaissent une accélération supérieure, puisqu'ils passent de 1,2% en 1997 à 3,1% en 1998.

Le premier et principal facteur de ces performances remarquables est l'augmentation de l'emploi salarié : 300.600 emplois salariés ont été créés en 1998 (+ 2,2%). Ce résultat confirme la reprise de 1997, où le volume des créations d'emplois s'était établi à 196.500. L'essentiel de cette progression est le fait du secteur tertiaire, qui a créé près de 290.000 emplois (+ 3,4%), dont 140.000 pour les services aux entreprises (+ 5,8%). Pour la première fois depuis plusieurs années, l'industrie voit ses effectifs salariés augmenter (14.000 postes, soit + 0,3%), alors que le secteur de la construction parvient à un équilibre - assurément précaire - avec des pertes nettes limitées à 1.700 emplois (- 0,2%). L'ensemble des effectifs salariés s'établit à 13,8 millions de personnes au 31 décembre 1998 (10).

Parallèlement, le chômage a sensiblement diminué : le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE (catégories 1 + 6) est revenu à 3,4 millions en décembre 1998 (soit - 3,1% par rapport à décembre 1997). Le nombre de chômeurs au sens du BIT a diminué encore plus fortement, passant à 2,96 millions de personnes (- 6,2% par rapport à décembre 1997). Le taux de chômage au sens du BIT est revenu de 12,3% à 11,5% de la population active entre décembre 1997 et décembre 1998 (11). La volonté politique du Gouvernement et les bons résultats de son action économique montrent que le chômage reste un fléau, mais n'est plus une fatalité.

Le dynamisme du marché du travail a plus que compensé le tassement relatif des évolutions salariales nominales individuelles. Exprimée en glissement annuel, l'évolution de l'indice du « salaire horaire de base ouvrier » (SHBO) est revenue à + 2,1% au quatrième trimestre 1998, après + 2,6% environ en 1997. De même, le glissement annuel du « salaire mensuel de base » - hors primes et heures supplémentaires - (SMB) a atteint + 1,8% au quatrième trimestre 1998, après environ + 2% en 1997. Cependant, en termes réels, le bénéfice de la désinflation (12) a accru les gains de pouvoir d'achat de ces salaires de référence : + 1,8% en 1998 après + 1,5% en 1997 pour le SHBO et + 1,5% en 1998 après + 0,9% en 1997 pour le SMB (13).

La modération des évolutions salariales nominales a accompagné le développement de l'emploi. Toutefois, ce serait une erreur de transformer ce constat en un précepte de politique économique ou de politique salariale dans le secteur privé. La vigueur de la demande, principal moteur de l'activité, ne peut s'accommoder d'une compression de la principale source de revenu des consommateurs : les salaires. Bien au contraire, les résultats de l'année 1998 montrent l'impact bénéfique d'une augmentation du revenu réel des ménages.

· A côté du facteur salarial, les autres déterminants du revenu et de la consommation des ménages apparaissent plus accessoires. Les intérêts et dividendes nets reçus par les ménages conservent leur tendance dynamique (+ 4,1% en 1996, + 5,1% en 1997 et + 7,3% en 1998). Cependant, leur faible part dans le revenu total des ménages (moins de 10%) minimise leur contribution à la croissance de ce dernier. Les prestations sociales présentent une augmentation de 2,7%, identique à celle de 1997.

La diminution du taux d'épargne des ménages en 1998 est plus significative d'une réelle modification de leur comportement. Après être remonté de 15,2% à 16,4% du revenu disponible en 1997, le taux d'épargne des ménages est revenu à 15,6% en 1998.

Il faut, tout d'abord, y voir la marque de la confiance retrouvée, après les incertitudes engendrées par les approximations et erreurs de politique économique commises par les deux précédents gouvernements. L'arbitrage entre épargne et consommation reflète, en partie, l'appréciation portée par les agents sur leur environnement économique : craint-on pour l'avenir, pour son emploi, pour ses retraites ? L'épargne est une réserve de valeur mise de côté pour passer les jours mauvais. L'horizon s'éclaircit-il ? On peut consacrer une plus grande part de son revenu à profiter du présent. A cet égard, le changement de cap politique de 1997 a permis, enfin, de dégager les nuages qui obscurcissaient notre horizon économique depuis trop longtemps.

Trois facteurs purement techniques ont dû également contribuer à la diminution du taux d'épargne :

- la diminution des taux d'intérêt a limité l'attrait des placements financiers ;

- l'appétit nouveau des ménages pour l'investissement (14) (notamment en logement) a provoqué, de façon arithmétique, une diminution de leur taux d'épargne financière ;

- l'augmentation des crédits distribués aux particuliers, en particulier des crédits à la consommation, a amplifié l'augmentation du revenu disponible, sans pour autant que l'on retrouve la situation de surendettement apparue à la fin des années quatre-vingts, lorsque l'encours des crédits aux ménages rapporté au revenu disponible brut s'élevait à près de 54% (15).

En définitive, le choix du Gouvernement, affirmé dès juin 1997, consistant à rééquilibrer les prélèvements pesant sur les revenus du travail et ceux pesant sur les revenus du capital, se trouve validé par les performances de l'année 1998.

De ce point de vue, l'amélioration de la conjoncture et des perspectives de demande globale a offert aux entreprises un stimulus puissant. De là, l'embellie enfin constatée de l'investissement des entreprises, qui ont fait en partie abstraction des vents contraires en provenance des marchés extérieurs.

3.- Un investissement des entreprises dynamique et assez indifférent aux signaux négatifs de l'environnement international

Avec une croissance égale, en moyenne annuelle, à 6,7% en 1998 (+ 1,3% en 1997), l'investissement des sociétés non financières et des entrepreneurs individuels (SNF-EI) réalise sa meilleure performance depuis 1988 (+ 9,5%) et 1989 (+ 8,2%). Amorcée au milieu de l'année 1997, la reprise de l'investissement s'est placée pendant toute l'année 1998 sur un rythme de glissement annuel de 5,8 à 6,9% selon les trimestres.

Ainsi, le ralentissement de l'activité dans l'industrie, perceptible à partir du troisième trimestre 1998, n'a pas réellement pesé sur les investissements. Tout au plus a-t-il ralenti, sans la stopper, leur progression trimestrielle qui, après un rythme soutenu de + 1,4% au premier puis au deuxième trimestre, s'est accélérée à + 2,2% au troisième trimestre pour revenir à + 0,8% au dernier.

La performance de l'investissement effectivement réalisé s'est, en fait, calquée de façon « amortie » sur l'évolution des prévisions des chefs d'entreprise, mesurée par l'INSEE dans son enquête trimestrielle. Le tableau présenté ci-après permet de dégager plusieurs enseignements :

- après une attitude prudente en octobre 1997, les entreprises industrielles se sont montrées, en général, optimistes en janvier et avril 1998, avec des prévisions de croissance de l'investissement supérieures à 10% ;

TAUX DE VARIATION ANNUEL DE L'INVESTISSEMENT EN 1998

(en valeur, en %)

Date de la prévision

1998

 

Date de la prévision

1998

Ensemble de l'industrie

   

Biens intermédiaires

 

prévision en octobre 1997

3

 

prévision en octobre 1997

4

prévision en janvier 1998

9

 

prévision en janvier 1998

10

prévision en avril 1998

9

 

prévision en avril 1998

14

prévision en octobre 1998

7

 

prévision en octobre 1998

9

prévision en janvier 1999

6

 

prévision en janvier 1999

10

réalisation constatée en avril 1999

6

 

réalisation constatée en avril 1999

8

Industrie manufacturière

   

Biens d'équipement professionnels

 

prévision en octobre 1997

3

 

prévision en octobre 1997

1

prévision en janvier 1998

10

 

prévision en janvier 1998

8

prévision en avril 1998

11

 

prévision en avril 1998

13

prévision en octobre 1998

8

 

prévision en octobre 1998

20

prévision en janvier 1999

6

 

prévision en janvier 1999

17

réalisation constatée en avril 1999

5

 

réalisation constatée en avril 1999

16

Entreprises de moins de 100 salariés

   

Industrie automobile

 

prévision en octobre 1997

2

 

prévision en octobre 1997

- 2

prévision en janvier 1998

9

 

prévision en janvier 1998

4

prévision en avril 1998

12

 

prévision en avril 1998

- 7

prévision en octobre 1998

10

 

prévision en octobre 1998

- 4

prévision en janvier 1999

9

 

prévision en janvier 1999

- 15

réalisation constatée en avril 1999

5

 

réalisation constatée en avril 1999

- 20

Entreprises de 100 à 500 salariés

   

Biens de consommation

 

prévision en octobre 1997

8

 

prévision en octobre 1997

8

prévision en janvier 1998

11

 

prévision en janvier 1998

17

prévision en avril 1998

14

 

prévision en avril 1998

20

prévision en octobre 1998

4

 

prévision en octobre 1998

9

prévision en janvier 1999

7

 

prévision en janvier 1999

5

réalisation constatée en avril 1999

9

 

réalisation constatée en avril 1999

11

Entreprises de plus de 500 salariés

   

Industries agro-alimentaires

 

prévision en octobre 1997

1

 

prévision en octobre 1997

1

prévision en janvier 1998

8

 

prévision en janvier 1998

6

prévision en avril 1998

6

 

prévision en avril 1998

5

prévision en octobre 1998

7

 

prévision en octobre 1998

4

prévision en janvier 1999

4

 

prévision en janvier 1999

11

réalisation constatée en avril 1999

4

 

réalisation constatée en avril 1999

9

Source : INSEE, Enquête sur les investissements dans l'industrie,
in
Informations rapides, n° 147, 25 mai 1999.

- ces perspectives se sont ensuite légèrement dégradées à partir de l'enquête d'octobre 1998, en phase avec le profil conjoncturel d'activité industrielle ;

- le secteur des biens d'équipement professionnel fait exception : les prévisions d'octobre 1998 et janvier 1999, ainsi que la réalisation constatée en avril 1999 sont supérieures aux prévisions du premier semestre 1998 ;

- tout en suivant le profil général, le secteur de l'industrie automobile se distingue par son pessimisme croissant, les perspectives étant de plus en plus négatives de janvier 1998 à janvier 1999. Ces appréciations se sont trouvées vérifiées par la constatation, en avril 1999, d'une chute de 20% des investissements sur l'année 1998.

Le comportement d'investissement des secteurs des biens intermédiaires et des biens d'équipement professionnel, fortement exportateurs (16), peut surprendre. Ces deux secteurs ont subi le ralentissement de l'activité en Europe et, plus largement, le ralentissement de l'économie mondiale. Pourtant, ils ont investi à un rythme soutenu en 1998, contredisant ainsi le discours inquiétant et parfois alarmiste d'économistes peut-être abusivement impressionnés par les crises asiatique et russe.

Faut-il y voir les conséquences du repli prononcé du prix des intrants, qui constituent une part importante des coûts de production dans les deux secteurs concernés ? Il est vrai que le prix du pétrole, de 24 dollars le baril à la fin de 1996, a terminé l'année 1998 au niveau surprenant de 10 dollars le baril. Il a ainsi tiré vers le bas les prix de l'ensemble des produits énergétiques industriels (- 25% environ entre décembre 1998 et décembre 1997). De même, le prix en francs des matières premières industrielles importées a baissé de plus de 20% sur la même période. Enfin, la réduction des charges financières permise par le désendettement et la baisse des taux d'intérêt a contribué à la modération des coûts de production.

Deux autres phénomènes suggèrent des éléments d'explication pour la vigueur de l'investissement des entreprises :

- particulièrement réactives aux reprises conjoncturelles, les PME/PMI ont coutume d'investir plus que les grandes entreprises en période d'accélération de la croissance. Le tableau présenté ci-avant montre, à cet égard, le dynamisme plus grand des entreprises de 100 à 500 salariés. Selon une enquête réalisée par UFB-Locabail au début de 1999, 10% seulement des PME se déclarent dépendantes des perturbations internationales. En revanche, l'introduction de l'euro a vraisemblablement constitué, pour ces entreprises, un facteur de soutien à l'investissement, qui aurait motivé la mise aux normes de l'outil de production et un effort de renouvellement du matériel ;

- les investissements informatiques et bureautiques (+ 21%), les véhicules automobiles (+ 17%) et les logiciels (+ 18%) ont constitué des domaines privilégiés de l'investissement en biens d'équipement (+ 8% au total). La vigueur des dépenses informatiques a, bien entendu, été motivée par la préparation à l'euro et par les problèmes du « bogue de l'an 2000 ». Selon le cabinet spécialisé IDC, les entreprises françaises auraient consacré 73 milliards de francs en 1998 aux projets « euro » et « an 2000 ». Le montant total de leurs dépenses informatiques serait de 185 milliards de francs, soit 20% de la FBCF des sociétés financières et non financières et des entrepreneurs individuels.

L'économie française pourrait-elle connaître, dans les prochaines années, un « miracle à l'américaine », la croissance aux États-Unis semblant être, pour une large part, tirée par l'effort d'investissement dans les technologies d'information et de communication ? Le développement accéléré des réseaux informatiques ne fait aucun doute, et le « phénomène Internet », sensible même au niveau des ménages, n'en représente qu'une part modeste.

Le retard français subsiste en matière de pénétration des technologies d'information et de communication dans l'entreprise. Votre Rapporteur général se réjouit des initiatives prises ces derniers mois par le Premier ministre et par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour favoriser la prise de conscience des chefs d'entreprise et des citoyens. La volonté politique, venue des plus hauts niveaux de l'État, constituera sans doute un adjuvant puissant aux nécessaires investissements matériels, logiciels et humains.

La généralisation des technologies d'information et de communication est, certainement, l'un des moyens qui permettront à notre pays de se placer durablement sur un sentier de croissance plus élevé, caractérisé par des gains de productivité - compatibles avec l'amélioration du niveau de l'emploi - qui permettront une élévation sensible du niveau et de la qualité de la vie.

L'État y trouvera son compte, par des rentrées fiscales plus importantes, plus stables et mieux prévisibles. Ainsi se trouvera confirmé le schéma constaté en 1998, où les recettes de l'État se sont révélées globalement en ligne avec les prévisions.

B.- DES RECETTES EN LIGNE AVEC LES PRÉVISIONS

En 1998, les recettes nettes totales du budget général se sont élevées à 1.420,5 milliards de francs, en croissance de 2,6% par rapport aux encaissements constatés au titre de l'exercice 1997. Cette progression doit être rapprochée de la croissance de 4% du PIB en valeur.

Dans l'ensemble, ces résultats sont proches des prévisions initiales et de celles associées à la loi de finances rectificative du 30 décembre 1997. Les recettes totales nettes, hors fonds de concours, sont en effet supérieures aux estimations initiales (+ 8,3 milliards de francs) mais inférieures à celles associées au collectif de fin d'année (- 12,8 milliards de francs). Ces écarts résultent, comme on le verra, de mouvements divergents selon les lignes de recettes et, tout particulièrement, des fortes variations enregistrées en matière de remboursements et dégrèvements.

1.- Le budget général

· Les recettes fiscales nettes augmentent elles aussi moins vite que le PIB, avec, par rapport aux résultats 1997, une progression de 2,5%, inférieure à celle de 4,2% observée entre 1997 et 1996. Il est vrai que ce dernier résultat reflétait aussi bien l'effet des mesures de redressement prises à l'automne 1997 que la faiblesse des recettes enregistrées en 1996.

Quoi qu'il en soit, les résultats de l'exercice 1998 sont légèrement supérieurs aux prévisions initiales, qui tablaient sur 2,2% de croissance du produit fiscal net, et un peu en deçà des prévisions révisées (+ 3%). On remarquera que les recettes fiscales brutes constatées, d'ailleurs très dynamiques (+ 5,2%), sont nettement plus proches des prévisions révisées. L'essentiel des écarts de fin d'exercice provient donc de mouvements affectant les remboursements et dégrèvements.

Leur niveau a, en effet, atteint au total 317,2 milliards de francs, soit 38 milliards de francs de plus que le montant inscrit en loi de finances initiale et 10,5 milliards de francs de plus que les prévisions révisées. Ainsi, le rythme de progression constaté au premier semestre ne s'est pas démenti sur l'ensemble de l'exercice, avec pour conséquence une augmentation particulièrement forte par rapport à 1997 (+ 19,3%).

EVOLUTION DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL DE 1997 A 1998

(en milliards de francs)

 

Prévisions 1998

Exécution

Ecarts/LFI

Rappel

Ecarts 98/97

97/96

 

LFI

LFR

1998

Mds F

%

exécution 1997

Mds F

%

%

Recettes fiscales brutes

1.727,41

1.765,82

1.769,28

41,87

2,4%

1.682,19

87,09

5,2%

3,8%

Remboursements et dégrèvements

- 279,24

- 306,71

- 317,24

- 38

13,5%

- 265,84

- 51,4

19,3%

2,0%

Produit fiscal net
dont :

- impôt sur le revenu
- impôt sur les sociétés (net)
- TIPP
- TVA (nette)
- divers

1.448,17

294,71
190,0
154,89
636,95
171,64

1.459,11

299,5
182,0
155,37
650,67
171,57

1.452,04

303,97
184,71
153,92
641,88
167,56

3,87

9,26
- 5,29
- 1,03
4,93
- 4,08

0,3%

3,2%
- 2,8%
- 0,6%
0,8%
- 2,2%

1.416,35

293,45
172,18
150,75
626,07
173,9

35,69

10,52
12,53
3,17
15,81
- 6,34

2,5%

3,6%
7,3%
2,1%
2,5%
- 3,6%

4,2%

- 6,6%
20,2%
1,6%
4,3%
14,1%

Recettes non fiscales (hors FSC)

155,0

163,8

157,74

2,74

1,7%

156,9

0,84

0,5%

- 1,1%

Prélèvements sur recettes

- 256,0

- 254,69

- 254,32

1,68

- 0,6%

- 252,77

- 1,55

0,6%

4,0%

- au profit des collectivités territoriales

- 164,49

- 163,19

- 162,82

1,67

- 1,0%

- 164,93

2,11

-1,3%

1,4%

- au profit de l'Union européenne

- 91,5

- 91,5

- 91,5

0

0%

- 87,84

- 3,66%

4,3%

9,2%

Total des recettes nettes

1.347,17

1.368,22

1.355,46

8,29

0,6%

1.320,48

34,98

2,6%

3,6%

Fonds de concours

-

-

65,0

n.s.

n.s.

64,48

0,48

0,8%

- 6,9%

Total des recettes du budget général

1.347,17

1.368,22

1.420,46

73,29

5,4%

1.384,96

34,5

2,6%

3,0%

Source : Cour des comptes et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les restitutions d'excédents de versements d'impôt sur les sociétés ont progressé de 38,6% par rapport à 1997, soit une augmentation de 9,3 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales. Concentré en début d'année, ce phénomène résulte largement des conditions de mise en _uvre de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, prévoyant l'application du taux normal de l'IS à certaines plus-values à long terme et instituant une cotisation exceptionnelle de 15%. En effet, une partie des encaissements opérés en décembre 1997 à ce titre ont dû être remboursés aux sociétés qui, bien que déficitaires fiscalement, ont versé l'acompte prévu par la loi précitée.

L'essentiel des écarts sur l'ensemble de l'année, et particulièrement de ceux constatés en fin d'exercice, concerne les remboursements de crédits de TVA. Ceux-ci ont progressé de 28,1% par rapport à 1997, soit une augmentation de 25,1 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale et de 8,6 milliards de francs par rapport à la loi de finances rectificative pour 1998. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes a relevé le caractère atypique d'une telle augmentation, surtout lorsqu'elle est comparée à celle constatée en 1997, qui était limitée à 2%. En réponse aux questions de votre Rapporteur général sur l'origine de ces évolutions, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a fourni les éléments reproduits dans l'encadré ci-après.

Enfin, l'évolution des autres remboursements et dégrèvements est d'une ampleur bien moindre (+ 3,3%, soit + 3,65 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale et + 1,65 milliard de francs par rapport au collectif de fin d'année). La principale augmentation concerne les remboursements et dégrèvements sur contributions directes des collectivités locales (+ 4,3%, soit + 2,4 milliards de francs), sous l'effet, en particulier, de ceux afférents à la taxe d'habitation (+ 14,8%).

Le dynamisme des remboursements de TVA reste cohérent avec l'évolution annuelle de la TVA nette.

- Différents facteurs économiques et administratifs expliquent les écarts d'évolution des remboursements et de TVA nette :

Pour l'année 1998, les remboursements de crédits de TVA s'établissent à 165,6 milliards de francs, soit une progression de + 28,1% par rapport à 1997. Ce dynamisme doit être rapproché, en premier lieu, du rythme soutenu de l'activité économique (consommation des ménages, investissements et exportations). Il convient également de tenir compte de plusieurs phénomènes exogènes, d'ordre législatif, administratif et juridique.

· L'environnement économique est favorable aux remboursements :

- l'activité économique soumise à la TVA, mesurée par l'indicateur des emplois taxables pondérés, progresse de + 3,7% en 1998, par rapport à l'année précédente ;

- la progression des exportations, soit + 6,3% en 1998 sur l'ensemble des biens et services (ce taux s'élève à + 7,9% pour les seuls produits manufacturés) ;

- le dynamisme des investissements en biens productifs de la part des entreprises, soit + 6% en 1998 après une année 1997 particulièrement atone.

· Des phénomènes exogènes qui accentuent l'augmentation des remboursements :

- les incidences budgétaires des mesures nouvelles en matière de TVA, essentiellement l'application du taux réduit de TVA aux livraisons à soi-même, ventes de logements locatifs sociaux neufs (LFI 1997, article 17) ainsi qu'aux travaux de réhabilitation de logements anciens (LFI 1998, article 14). Les remboursements ordonnancés à ce titre contribuent pour près de 4% à la progression globale des crédits de TVA ;

- la mise en place en décembre 1997 d'une nouvelle application informatique en matière d'ordonnancement des crédits de TVA a vraisemblablement reporté sur le début d'année 1998 une partie des dossiers traités usuellement en fin d'année 1997. Par ailleurs, les grèves dans les services informatiques de la DGI au cours du premier trimestre 1998 semblent avoir perturbé le rythme des ordonnancements, en décalant ces travaux sur la fin d'année 1998, notamment en décembre, de manière à concentrer les moyens humains et matériels de la DGI sur les missions essentielles de traitement des déclarations d'impôt sur le revenu. En effet, malgré le retard lié à cette grève, les émissions d'IR ont été effectuées selon le calendrier initial, sans préjudice pour les recettes fiscales ;

- l'accent porté en 1998 sur le contrôle fiscal de TVA en matière d'acquisitions intracommunautaires a permis, en premier lieu, d'encaisser des recettes supplémentaires et ensuite de procéder aux remboursements de ces sommes. En effet, la TVA payée sur les achats (sur des opérations internes ou des acquisitions intracommunautaires) constitue une déduction imputable sur la TVA brute ou remboursable si la TVA brute n'est pas suffisante ;

- la restructuration comptable opérée en fin d'année 1997 entre les sociétés SNCF et RFF a généré un surcroît de remboursements (soit environ 4,5% de l'augmentation annuelle), compensé par ailleurs par un surcroît de recettes de TVA brute. En effet, la SNCF acquitte désormais la TVA sur ses opérations commerciales alors que les déductions de TVA sont comptabilisées par RFF, qui ne génère aucune activité taxable. Dans ces conditions, les paiements sont effectués par la SNCF et les remboursements sont ordonnancés au profit de RFF alors que ces opérations étaient centralisées par la SNCF auparavant.

- La forte progression des remboursements en décembre 1998 doit être relativisée :

Les crédits de TVA ordonnancés au cours du quatrième trimestre 1998 se sont élevés à 45,5 milliards de francs pour 28,3 milliards de francs sur la même période de 1997. Le mois de décembre enregistre à lui seul 18,7 milliards de francs. Deux facteurs importants peuvent être avancés sans qu'aucune information quantitative ne soit disponible :

- comme indiqué précédemment, les grèves dans les services informatiques de la DGI au cours du premier trimestre 1998 semblent avoir perturbé le rythme des ordonnancements, en décalant ces travaux sur la fin d'année 1998, notamment en décembre. Sur la base d'un premier trimestre bloqué par la grève, les deuxième et troisième trimestres ont été consacrés à l'apurement des retards de traitement des déclarations d'impôt sur le revenu de manière à atteindre l'objectif des émissions au 30 septembre 1998. Les travaux de fin d'année sont alors concentrés sur les ordonnancements de crédits de TVA ;

- compte tenu de la reprise de l'activité économique, les entreprises ont pu attendre plusieurs mois avant de déposer les demandes de remboursements de crédits ;

- le mois de décembre 1997 a été relativement bas compte tenu de la mise en place de la nouvelle procédure d'ordonnancement des remboursements de TVA.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant des évolutions par grandes catégories de recettes nettes, on remarque que les encaissements au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) s'inscrivent en recul par rapport aux prévisions initiales, même s'ils progressent par rapport à 1997.

Les recettes de TIPP représentent en effet 153,9 milliards de francs, soit un léger recul au regard aussi bien de la loi de finances initiale que du collectif de fin d'année. Par rapport à 1997, elles croissent néanmoins de 2,1%

On notera que des mesures de normalisation des enregistrements comptables en matière de TIPP, mais aussi de droit de consommation sur les tabacs, en décembre 1998 biaisent les comparaisons avec 1997. En effet, à la fin de l'année 1998, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ont procédé à une normalisation des modes d'enregistrement comptable des encaissements de décembre pour ces deux recettes.

Selon les informations fournies à votre Rapporteur général en réponse à ses questions : « Depuis 1994, les recettes de TIPP du mois de décembre correspondent aux livraisons effectuées au cours de quatre décades (la dernière de novembre et les trois de décembre) alors que la dernière décade d'un mois est normalement comptabilisée au titre du mois suivant. Dans ces conditions, le mois de décembre intègre quatre décades et seulement deux décades abondent le mois de janvier. La normalisation mise en place permet de réajuster ce déséquilibre en répartissant les recettes entre décembre et janvier par groupe de trois décades, comme cela prévaut pour les autres mois de l'année (soit une incidence sur 1998 d'environ 3,6 milliards de francs dont environ 500 millions de francs correspondant à la TVA). »

Si l'on avait retenu l'ancien mode de comptabilisation, les recettes encaissées au titre de la TIPP auraient progressé de 4,1% en 1998, reflétant ainsi plus fidèlement l'orientation globalement à la hausse des consommations de carburant.

Comme la TIPP, l'impôt sur les sociétés net a été un peu moins dynamique que prévu, avec des encaissements inférieurs de 5,3 milliards de francs aux prévisions initiales. Cette évolution ne doit cependant pas masquer le fait que le rendement de cet impôt a progressé de 7,3% par rapport à 1997.

Ce dynamisme est manifeste s'agissant des recouvrements bruts d'impôt sur les sociétés, avec + 11,9% par rapport à 1997. Les mesures retenues en loi de finances initiale pour 1998 concernant la limitation de déductibilité des provisions pour renouvellement des concessions et pour licenciement, ainsi que la suppression du régime fiscal des quirats de navires, ont vraisemblablement contribué à ce dynamisme. En outre, les encaissements de 1998 ont profité pleinement des effets de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, avec le versement du solde de liquidation en avril et des acomptes en mars, juin, septembre et décembre alors que seul l'acompte de décembre avait été perçu en 1997.

Comme il a déjà été mentionné, le produit net a été cependant réduit du fait de l'importance des restitutions d'excédents de versement sur le premier semestre 1998, essentiellement du fait de l'acompte versé en décembre 1997, au titre des dispositions de la loi précitée par des sociétés qui se sont avérées déficitaires ou faiblement bénéficiaires fiscalement. La modification du régime de taxation des plus-values nettes à long terme a conduit les entreprises à verser un acompte exceptionnel en décembre 1997. Cet acompte était assis sur le total de ces plus-values réalisées en 1996, sans possibilités pour les entreprises d'ajuster le versement en fonction du résultat prévisible en la matière sur 1997. Dans ces conditions, certains acomptes ont été remboursés en début d'année 1998.

Les principales recettes du budget général que sont l'impôt sur le revenu et la TVA ont plus que confirmé le dynamisme anticipé de la loi de finances initiale.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, les encaissements constatés représentent près de 304 milliards de francs, supérieurs aussi bien aux prévisions initiales (+ 9,3 milliards de francs) qu'aux estimations révisées (+ 4,5 milliards de francs). Au total, la croissance du produit de l'impôt sur le revenu s'établit à 3,6% par rapport à 1997.

Ces bons résultats ont été constatés en fin d'année 1998, lors de la centralisation comptable des versements au titre du solde. Ils s'expliquent tout d'abord par une forte progression des émissions, après une année 1997 marquée par les effets de la réforme du barème de l'impôt. La progression moyenne des revenus perçus en 1997 et imposés en 1998 est, en effet, d'environ 5%, pour seulement + 2,3% l'année précédente.

Par ailleurs, une nouvelle accélération du rythme de traitement des déclarations fiscales lors de l'émission et des envois d'avis de mise en recouvrement a contribué à ces bons résultats.

Enfin, les recettes de TVA ont atteint au total 641,88 milliards de francs, soit un montant plus proche des évaluations initiales (+ 4,9 milliards de francs) que de celles associées au collectif de fin d'année (- 8,8 milliards de francs). Ce résultat représente une croissance de 2,5% par rapport à 1997. Les évolutions respectives de la TVA brute (+ 6,9%) et des remboursements et dégrèvements (+ 28,1%) sont, comme on l'a vu, très différentes, mais, au bout du compte, n'ont pas affecté trop significativement les résultats en termes de recettes nettes.

· Les recettes non fiscales et les prélèvements sur recettes ont connu des évolutions moins heurtées et se stabilisent.

Les recettes non fiscales, hors fonds de stabilisation des changes, s'élèvent à 157,7 milliards de francs, soit une progression de 0,5% par rapport à 1997. Une fois encore, ce résultat se situe dans la « fourchette » constituée par les prévisions initiales et révisées, tout en étant plus proche des premières. La moins-value par rapport au montant attendu en loi de finances rectificative tient à plusieurs facteurs.

En 1998, les recettes non fiscales s'élèvent à 135,5 milliards de francs, hors recettes d'ordre (22,2 milliards de francs - ligne 411 et 806) et hors recettes en atténuation de trésorerie du fonds de stabilisation des changes (1,3 milliard de francs - ligne 817). La moins-value par rapport au montant attendu en loi de finances rectificative est de 7,3 milliards de francs.

Parmi les facteurs d'explication, on notera tout d'abord que les prélèvements sur la Coface sont restés limités, à hauteur du milliard et demi de francs encaissé en début d'année, ce qui représente une moins-value de 2,5 milliards de francs par rapport aux 4 milliards de francs prévus en collectif de fin d'année. Cet arrêt des prélèvements résulte de la montée des risques entraînée par l'aggravation, en fin d'année dernière, de la crise financière survenue en Asie.

Ensuite, on peut constater l'absence de versement d'acompte sur dividendes au titre de l'exercice 1998 pour EDF et GDF, soit une moins-value de 2,1 milliards de francs par rapport au montant prévu en loi de finances rectificative sur la ligne 116. Le versement de ces dividendes n'est intervenu qu'au printemps 1999, une fois les résultats définitifs de ces entreprises connus, rapprochant ainsi le secteur public énergétique des procédures de droit commun en usage pour les autres entreprises.

Enfin, les encaissements au titre des intérêts sur les prêts du Trésor (ligne 409) se sont révélés inférieurs d'un peu plus de 800 millions de francs aux prévisions.

Les prélèvements sur recettes représentent 254,3 milliards de francs, soit un montant presque identique aux prévisions inscrites dans la loi de finances rectificative du 30 décembre 1997 et inférieur aux prévisions initiales. Au total, ces prélèvements ne progressent que de 0,6%, alors que leur croissance avait atteint 4% en 1997.

Les prélèvements au profit des Communautés européennes s'élèvent à 91,5 milliards de francs, soit le même montant qu'en loi de finances initiale et rectificative. Cette stabilité est le résultat de mouvements divergents en cours d'exercice, conduisant à des réajustements, mais qui se sont finalement neutralisés.

Initialement, le niveau du prélèvement était évalué à 94,7 milliards de francs, corrigé d'un ajustement de 3,2 milliards de francs au titre du report du solde excédentaire de 1997 et de l'absence d'appel des réserves. La contribution inscrite en loi de finances était donc de 91,5 milliards de francs.

En cours d'exécution, l'ajustement a été ramené à 2,8 milliards de francs. En effet, le budget rectificatif et supplémentaire (BRS) 1/98 n'a pu être adopté à temps pour diminuer le prélèvement dans les proportions escomptées. Seuls ont donc été pris en compte le report de solde TVA/PNB de 1,8 milliard de francs pour 1997 et un non-appel des réserves de 1,1 milliard de francs, partiellement compensés par un accroissement de la contribution de 120 millions de francs au titre d'un contentieux sur la TVA et du dernier appel du fonds de garantie pour 1997. Par ailleurs, le recouvrement des ressources propres enregistre un retrait de 400 millions de francs par rapport aux prévisions, alourdissant d'autant le poids de la contribution française.

La diminution des prélèvements sur recettes par rapport aux prévisions initiales et, dans une moindre mesure, par rapport aux prévisions révisées, est donc entièrement imputable aux évolutions constatées pour les prélèvements au profit des collectivités locales. En exécution, ces derniers s'élèvent à 162,82 milliards de francs, ce résultat s'expliquant par une révision à la baisse de 1,3 milliard de francs lors du collectif de fin d'année et par une réduction supplémentaire de 370 millions de francs constatée lors de l'arrêté des écritures au titre de l'année 1998.

La première révision résulte de mouvements divergents. Parmi les principaux, on notera tout d'abord une réduction de 350 millions de francs sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) au titre de la réduction pour embauche ou investissement (REI).

En loi de finances initiale pour 1998, la REI au sein de la DCTP était estimée à 3,35 milliards de francs. Après centralisation par les services de la DGI des crédits nécessaires à la couverture de la REI en 1998, il est apparu que le coût pour 1998 était, en fait, limité à 2,9 milliards de francs. Afin de faire face à d'éventuels ajustements, il a cependant été proposé de maintenir un crédit de 3 milliards de francs.

Surtout, il a été procédé à une réduction de 990 millions de francs au titre de la prévision du montant nécessaire au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour l'exercice 1998. En effet, compte tenu de la dépense définitive pour 1997 au titre du FCTVA (soit 20,25 milliards de francs) et de l'évolution négative des investissements directs de 1996 éligibles au FCTVA (- 6% par rapport à 1995 selon les données enregistrées par la direction générale de la comptabilité publique), la dotation prévue a pu être réduite en collectif de fin d'année.

Quant à la réduction supplémentaire de 370 millions de francs constatée lors de l'arrêté des comptes de 1998, elle résulte de concours versés aux collectivités locales et dont le montant définitif n'est connu qu'après centralisation des dépenses de l'année.

Tout d'abord, la DCTP a fait apparaître une réduction supplémentaire de 274 millions de francs.

Le FCTVA a également fait apparaître une réduction supplémentaire de 351 millions de francs, qui s'explique par la diminution importante des investissements des collectivités locales de 1996, éligibles au FCTVA pour 1998.

Enfin, la ligne correspondant à la compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale a, quant à elle, présenté une dépense supplémentaire de 255 millions de francs par rapport au montant anticipé.

Selon les informations fournies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en réponse aux questions de votre Rapporteur général, « cette ligne, compensant des exonérations diverses de fiscalité locale, ne fait pas l'objet de chiffres détaillés selon les taxes concernées dans le compte de la direction générale de la comptabilité publique. Cette dépense supplémentaire peut correspondre à des ajustements effectués localement après que les centralisations ont été réalisées en juillet ou à des ajustements au titre du solde de la compensation de la réduction de 35% des droits de mutation à titre onéreux ».

2.- Les comptes spéciaux du Trésor :
un excédent particulièrement important

Si, depuis 1996, les comptes spéciaux du Trésor ont dégagé un excédent des ressources sur leurs dépenses (3,71 milliards de francs en 1996 et 1,75 milliard de francs en 1998), celui enregistré en 1998 est particulièrement important. En effet, il s'élève au total à 8,89 milliards de francs. Si l'on raisonne hors FMI et hors Fonds de stabilisation des changes, cet excédent s'élève à 4,8 milliards de francs. Ce résultat contraste fortement avec les prévisions initiales, qui faisaient état d'un quasi-équilibre au titre des opérations à caractère définitif et d'une charge nette de 4,56 milliards de francs s'agissant des opérations temporaires. Au total, l'excédent des comptes spéciaux explique l'essentiel de l'amélioration du solde d'exécution du budget de 1998 par rapport à la loi de finances initiale.

· Les opérations à caractère définitif des comptes d'affectation spéciale, dont la charge nette initialement prévue était de 39 millions de francs, ont connu un excédent extrêmement important, à hauteur de 3,64 milliards de francs.

Pour l'essentiel, ce résultat s'explique par l'excédent, à hauteur de 1,21 milliard de francs du compte n° 902-31 « Indemnisation au titre des créances françaises sur la Russie » du fait de l'absence de dépenses enregistrées, le processus de détermination des futurs bénéficiaires des indemnisations et des modalités de répartition des sommes versées par la Russie n'étant pas achevé. Par ailleurs, le compte n° 902-26 « Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables » et le compte n° 902-22 « Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France » ont dégagé respectivement un excédent de 1,065 milliard de francs et de 331 millions de francs.

Enfin, le compte n° 902-24 « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés », qui constitue le principal compte d'affectation spéciale, a dégagé un excédent de 271 millions de francs. On notera que les opérations enregistrées sur ce compte ont largement dépassé les prévisions initiales, qui étaient de 28 milliards de francs en recettes et en dépenses.

En effet, les encaissements ont atteint 53,82 milliards de francs. Parmi les principales recettes, on remarquera :

- l'ouverture du capital de France Télécom (38,9 milliards de francs) ;

- l'ouverture du capital de la Caisse nationale de prévoyance (7,1 milliards de francs) ;

- la cession de titres Péchiney (2,37 milliards de francs), Total (0,83 milliard de francs) et SEITA (0,75 milliard de francs) ;

- 1,3 milliard de francs de remboursement par la SFP au titre d'un trop versé;

- la cession de titres AGF, notamment par voie d'OPA et au titre de la troisième tranche réservée aux salariés, pour un montant total de 810 millions de francs ;

- la cession de titres AXA-UAP (518 millions de francs).

Les dépenses ont représenté 53,55 milliards de francs, dont 44,59 milliards de francs pour les dotations en capital aux entreprises publiques, 7,5 milliards de francs pour l'achat de titres (dont 4,47 milliards de francs pour l'offre publique de rachat de titres GAN et 3 milliards de francs pour le rachat de titres Dassault Aviation) et 1,45 milliard de francs de frais de privatisation.

Parmi les principales dotations en capital, on peut relever :

- 15 milliards de francs pour Réseau ferré de France (RFF), dont 5 milliards de francs correspondant à des besoins de dotations pour 1999, financés durant la période complémentaire grâce aux bons encaissements réalisés en 1998 ;

- 12,5 milliards de francs pour l'Etablissement public de financement et de restructuration (dont 5,3 milliards de francs financés de façon anticipée, comme pour RFF) ;

- 5,7 milliards de francs pour GIAT-Industries ;

- 3,5 milliards de francs pour Charbonnages de France (dont un milliard de francs financés de façon anticipée, comme pour RFF) ;

- 2,9 milliards de francs pour la Société marseillaise de crédit avant sa privatisation ;

- 2,15 milliards de francs pour la Société française de production ;

- 1,4 milliard de francs pour l'Etablissement public de réalisation de défaisance.

· La charge des opérations à caractère temporaire a connu des évolutions encore plus spectaculaires. Alors que la loi de finances initiale prévoyait une charge nette de 4,56 milliards de francs, les opérations temporaires ont finalement dégagé un excédent de 5,25 milliards de francs.

Si l'on raisonne hors FMI et hors FSC, cet excédent est cependant ramené à 850 millions de francs, traduisant malgré tout une amélioration considérable, presqu'entièrement imputable au compte d'avances sur le montant des impositions locales (n° 903-54). Le tableau ci-après récapitule l'évolution de prévisions de recettes, dépenses et charge nette de ce compte.

COMPTE D'AVANCES SUR LE MONTANT DES IMPOSITIONS LOCALES (1)

(en millions de francs)

 
 

1995

1996

1997

LFI 1998

Révisé 1998

Exécution 1998

Emissions d'impôts directs locaux (dépenses)

303.498

324.951

340.566

353.960

354.820

354.715

Recouvrements d'impôts locaux (recettes)

288.190

326.888

340.718

351.260

352.200

355.271

Charge nette

15.308

(-)1.937

(-)152

2.700

2.620

(-)556

Charge nette / recettes (en %)

5,3

(-)0,6

(-)0,04

0,8

0,7

(-)0,16

(1) Le signe (-) s'agissant de la charge nette représente un excédent des ressources sur les dépenses.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

 

Replacé dans le contexte des résultats constatés en 1996 et 1997, l'excédent dégagé en exécution en 1998 n'est cependant pas atypique.

Les recouvrements d'impôts directs locaux ont progressé de 4,3%, tandis que les émissions de ceux-ci (qui constituent les dépenses du compte) ont progressé de 4,1%. Ces résultats s'expliquent notamment par l'accélération du traitement des déclarations et des avis d'imposition.

C.- LES PERSPECTIVES : UNE CROISSANCE FRANÇAISE CONSOLIDÉE DANS UN ENVIRONNEMENT MONDIAL OÙ TOUT ALÉA N'EST CEPENDANT PAS EXCLU

1.- Une croissance malmenée au tournant de l'hiver 1998-1999, mais bientôt recalée sur une trajectoire plus dynamique et autonome

· L'élaboration du budget de l'État doit, comme chaque année, s'inscrire dans un faisceau d'hypothèses relatives à l'environnement économique national et international. Le scénario développé par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour déterminer le cadrage macro-économique du budget pour 2000 repose sur un retour à une croissance soutenue à partir du second semestre de 1999.

En moyenne annuelle, le rythme de croissance s'établirait en 1999 entre 2,2% et 2,5%. Cette fourchette recouvrirait, en fait, une performance très moyenne au premier semestre (moins de 2% en rythme annualisé), suivie d'une amélioration significative au second semestre : l'économie française reviendrait alors sur un sentier de croissance de 3% par an.

Le moteur principal de l'activité serait, en 1999 comme en 2000, la demande interne, et plus précisément la demande des ménages. La consommation de ceux-ci reviendrait, après une légère inflexion en 1999, sur un rythme de croissance de 3% environ en 2000, en ligne avec l'évolution prévue du revenu disponible, le taux d'épargne ne devant connaître qu'un relèvement minime (+ 0,1%). Enfin, les ménages montreraient en 1999, puis 2000, la même propension pour l'investissement, notamment en logement : l'agrégat de comptabilité nationale (« formation brute de capital fixe des ménages ») croîtrait de 5% chaque année, selon la modélisation de la direction de la prévision.

L'investissement des entreprises serait soutenu par le même faisceau de facteurs favorables qu'en 1998 : bonne situation financière des entreprises, niveau modéré des taux d'intérêt - même si l'ampleur de la désinflation en 1998 a limité, en termes réels, l'effet de la baisse des taux nominaux - et, surtout, amélioration des perspectives de demande, tant interne qu'externe. Ces meilleures perspectives mettraient fin au report des projets d'investissement, décelable depuis la deuxième moitié de 1998, et à l'attentisme des entrepreneurs. Ainsi, l'investissement des entreprises progresserait de 3,5% en 1999 et de 5% en 2000.

La progression de l'emploi resterait soutenue. L'économie française semble se situer désormais sur un sentier de croissance plus « riche en emplois ». En tendance, la performance de 1998 se réitérerait en 1999 et 2000, sous réserve des effets collatéraux, au premier semestre 1999, du ralentissement conjoncturel enregistré à la fin de l'année 1998. Les gains de productivité apparente du travail dans le secteur marchand s'établiraient à 1,3% en 1999 après 1,5% en 1998 ; ils s'infléchiraient encore à 0,9% en 2000. L'économie française créerait ainsi environ 270.000 emplois en 1999 et 380.000 emplois en 2000, en moyenne annuelle. L'année 2000 verrait, en particulier, un effet notablement positif de la réduction du temps de travail sur l'évolution des effectifs salariés : le nombre d'emplois créés du fait de la réduction du temps de travail serait de 135.000 (effectifs cumulés, en moyenne annuelle).

Malgré l'augmentation de l'emploi et la baisse du chômage, la hausse des prix resterait modérée sur la période de projection. Faut-il d'ailleurs encore parler d'« inflation » lorsque la hausse des prix est d'environ 1% par an, plusieurs années de suite ? Selon les Comptes prévisionnels de la Nation et principales hypothèses économiques pour 2000, établis par la direction de la prévision à l'occasion de la réunion de la Commission des comptes de la Nation, le 8 avril dernier, « en 1999, l'inflation sous-jacente devrait diminuer. Celle-ci bénéficierait en effet de la diffusion de la faiblesse du cours des matières premières sur les coûts unitaires variables et d'un nouveau resserrement des marges de production en liaison avec le ralentissement industriel. En 2000, l'inflation sous-jacente accélérerait marginalement, en liaison avec la reprise de l'activité. Au total, avec la dissipation des effets de la forte baisse des prix des matières premières importées sur l'inflation effective, le glissement annuel des prix s'élèverait à 0,7% à la fin de 1999 et à 0,9% à la fin de 2000. »

Le scénario présenté par le Gouvernement s'appuie donc sur trois postulats fondamentaux :

- le maintien de l'enchaînement vertueux confiance-consommation-production-amélioration de l'emploi-revenu, observé pour les ménages depuis la seconde moitié de l'année 1997 ;

- un rapprochement entre les anticipations des ménages et celles des industriels, qui proviendrait d'une amélioration des secondes et non d'une détérioration des premières.

- un environnement mondial favorable.

Ces postulats, comme les résultats d'ensemble de la projection gouvernementale, sont globalement en accord avec les prévisions publiées par la plupart des instituts de conjoncture ou institutions financières dont votre Rapporteur général a pu avoir connaissance.

_ L'OFCE évoque, au-delà du « hoquet industriel » (17) enregistré au tournant de l'hiver 1998-1999, des perspectives de croissance similaires à celles du Gouvernement en 1999 (+ 2,6% pour l'institut au lieu de + 2,2% à + 2,5% pour la direction de la prévision) et plus optimistes en 2000 : les conjoncturistes de l'OFCE évaluent la croissance du PIB en volume à 3,2%. « Lors de nos dernières prévisions, nous faisions de la France le précurseur d'un cycle de croissance européen. [...] Cette analyse est renforcée maintenant que l'on aborde avec un peu plus de recul la crise asiatique et ses conséquences ».

L'OFCE souligne que, malgré le caractère exceptionnel de ce rythme de croissance au regard des performances récentes de l'économie française, celle-ci, « et son cas n'est pas très éloigné de la moyenne européenne, est très en-dessous de son potentiel, comme l'atteste le niveau du chômage ». Ainsi, dans le cadre d'une évolution dynamique du commerce mondial, l'arrêt de la chute du prix des matières premières devrait mettre fin au comportement de déstockage observé jusqu'alors (18). L'investissement des entreprises retrouverait en 2000 le rythme de croissance enregistré en 1998, après un léger ralentissement en 1999. L'OFCE souligne le « niveau exceptionnellement bas, au regard notamment des taux d'autofinancement, du taux d'investissement ».

Malgré une décélération des gains de pouvoir d'achat du revenu des ménages (+ 2,2% en 2000 après + 3% en 1999 et + 3,3% en 1998), le rythme de croissance de leur consommation resterait soutenu (3% en 2000), sous l'effet d'une diminution du taux d'épargne motivée par la confiance des ménages dans leur environnement économique. Il est vrai que, dans la projection effectuée par l'OFCE, les marges de man_uvre de la politique budgétaire resteraient centrées sur le soutien à l'emploi et que plus de 300.000 emplois seraient créés en 2000 dans le secteur marchand.

_ Les résultats de la prévision à l'horizon 2000 effectuée par Rexecode semblent, quant à eux, se détacher nettement des perspectives présentées par le Gouvernement ou par l'OFCE. Cet institut, réputé proche du patronat, estime que la croissance du PIB « se situe pour 1999 dans une zone de 2,1 à 2,3% et pour 2000 dans une zone de 2,0 à 2,5% » (19). L'analyse du scénario présenté par Rexecode montre, cependant, des similarités importantes avec les deux précédents.

Le rôle moteur de la consommation des ménages n'est pas contesté : « la consommation devrait rester dynamique en 1999 et 2000, augmentant à un taux supérieur à sa tendance de long terme (2,3%). En effet, la croissance du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages resterait soutenue : d'une part la hausse des prix serait modérée et d'autre part l'emploi continuerait de s'accroître. L'amélioration du marché du travail soutiendrait la confiance des ménages qui a atteint un niveau historiquement élevé, amenant les ménages à réduire leur épargne de précaution. La baisse du taux d'épargne, amorcée au second semestre 1998, pourrait donc se poursuivre, ce qui stimulerait la consommation ». En définitive, le chiffrage retenu par Rexecode table sur une croissance de la « consommation privée » en décélération sensible entre 1998 (+ 3,8%), 1999 (+ 2,8%) et 2000 (+ 2,5%).

Malgré une stabilisation de la situation financière des entreprises, la progression de l'investissement productif est estimée à 4% par an environ en 1999 comme en 2000. Le raffermissement du commerce mondial profiterait à la France, mais dans une mesure moindre que dans la projection effectuée par la direction de la prévision : Rexecode prévoit que la demande mondiale adressée à la France progresserait de 3% en 1999 et de 4,5% en 2000. En revanche, la direction de la prévision estime cette progression respectivement à 3,9% et 5,4%.

_ Tout en soulignant le risque de voir la confiance des consommateurs se détériorer dans les prochains mois, sous l'effet supposé d'une augmentation temporaire du chômage (20), les économistes de Morgan Stanley Dean Witter ne voient pas de raison de s'inquiéter des perspectives de consommation des ménages : « Même si la confiance des ménages devait décliner au-delà [de la légère baisse enregistrée dans l'enquête INSEE du mois d'avril] l'impulsion initiale est probablement suffisamment forte pour que les dépenses de consommation continuent de s'accroître, fût-ce à un rythme moins élevé » (21). Les dépenses totales des ménages (consommation et investissement) devraient augmenter de 2,7% en 1999 et de 2,8% en 2000. La formation brute de capital fixe croîtrait de 4% en 2000 après 3% en 1999. Au sein de celle-ci, l'investissement productif connaîtrait une accélération nettement supérieure : il augmenterait de 4,8% en 2000, après 2,7% seulement en 1999.

In fine, la demande interne contribuerait à hauteur de 2,5 points à la croissance du PIB en 1999 et à hauteur de 2,8 points en 2000. La contribution des échanges extérieurs serait négative (- 0,2 point) en 1999 et nulle en 2000. Les stocks apporteraient une contribution légèrement négative en 1999 (- 0,1 point) et plus sensiblement positive en 2000 (+ 0,2 point). Au total, la croissance du PIB s'établirait à 2,1% en 1999 et à 3% en 2000. Construits sur les mêmes bases analytiques, les résultats numériques du scénario développé par Morgan Stanley Dean Witter sont donc plus contrastés ceux du scénario gouvernemental.

_ Les perspectives dressées par la Deutsche Bank sur l'économie française, sont en phase avec celles du Gouvernement, puisque la banque allemande évalue à 2,3% en 1999 et 2,7% en 2000 le taux de croissance du PIB en volume (22). La consommation des ménages et la consommation des administrations suivraient des chemins opposés : la première ralentirait sensiblement entre 1998 (+ 3,4%), 1999 (+ 2,8%) et 2000 (+ 2,6%), tandis que la seconde accélérerait légèrement, son rythme de croissance passant de + 1,1% en 1998 à + 1,5% en 1999, puis + 1,8% en 2000. L'année 2000 verrait une forte reprise des exportations (+ 6%) après une année 1999 médiocre (+ 1,9%). L'accélération de la croissance du PIB se traduirait par un sursaut des importations (+ 5,9%) après une relative modération en 1999 (+ 3%). L'investissement global conserverait un rythme soutenu, après une année 1998 solide (+ 5,6%), et ne déclinerait que de façon marginale entre 1999 (+ 4,8%) et 2000 (+ 4,2%).

D'autres organismes ont publié des prévisions de croissance à l'horizon 2000. Dans un récent numéro de sa revue mensuelle Conjoncture, la banque Paribas présente une prévision proche de celle du Gouvernement : + 2,3% en 1999 et + 2,6% en 2000 ; cette prévision de croissance est assortie d'une évaluation un peu plus pessimiste en matière d'inflation, puisque la hausse des prix s'établirait à 0,6% en 1999 puis 1,2% en 2000. La Société générale prévoit, de son côté, une croissance du PIB égale à 2,2% en 1999 et 2,7% en 2000. Cependant, les éléments qui sous-tendent ces projections (23) ne sont pas suffisamment explicités pour que votre Rapporteur général puisse porter sur eux une appréciation utile.

· En tout état de cause, la bonne convergence des différents scénarios évoqués ci-avant montre clairement aujourd'hui que le « trou d'air » industriel de l'hiver 1998-1999 n'a pas cassé les ressorts du dynamisme de l'économie française.

Frappée au second semestre de 1997 par une violente crise financière, l'Asie émergente a été plongée au cours de l'année 1998 dans une forte récession : - 1% aux Philippines, - 6% en Corée, - 6% en Malaisie, - 8% en Thaïlande et - 15% en Indonésie. La diffusion de cette crise vers l'économie française a emprunté le canal privilégié des échanges extérieurs :

- la forte contraction de la demande intérieure des pays en crise a provoqué un net repli de leurs achats auprès de leurs partenaires commerciaux, dont la France. Bien que 5% seulement des exportations françaises fussent dirigées vers l'Asie du Sud-est (avant la crise), l'impact global sur la demande adressée à la France doit être considéré comme supérieur, compte tenu de l'exposition plus importante de nos principaux partenaires commerciaux (Allemagne et Italie : 6% ; États-Unis : 14% ; Japon : 22%) et de l'effet de « bouclage international » qui en résulte ;

- aggravées par le glissement du dollar en 1998 vis-à-vis des monnaies européennes, les dévaluations monétaires dans les pays asiatiques ont entraîné une perte de compétitivité des produits français, bien que les exportateurs asiatiques n'aient pas répercuté intégralement dans leurs prix de vente la dépréciation de leur monnaie nationale. Les importations françaises en provenance d'Asie ont pu être stimulées, tandis que, parallèlement, la demande étrangère adressée aux produits français a pu se trouver déplacée vers des produits asiatiques.

Une évaluation effectuée par l'INSEE à l'aide du modèle macro-économique multi-national nigem a conduit à évaluer l'impact négatif de la crise asiatique à 0,6 point de croissance en 1998, du fait des seuls échanges extérieurs. Un bouclage macro-économique plus complet a ramené l'évaluation du « prélèvement » asiatique à 0,5 point de croissance environ (24). La contribution des échanges extérieurs à la croissance est devenue négative dès le premier trimestre de 1998.

Dans ce contexte troublé, il était inévitable que les perspectives de production des industriels subissent une dégradation progressive. De plus, cette dégradation a dépassé le stade des anticipations et s'est inscrite dans les performances de l'économie réelle : l'affaiblissement des échanges extérieurs a provoqué dans la zone euro, dès le début de 1998, un ralentissement des échanges interindustriels, dont a particulièrement pâti la branche des biens intermédiaires. L'extension de la crise à la Russie et à l'Amérique latine, au cours de l'été 1998, ainsi que des perspectives de prix très déprimées, ont à nouveau rafraîchi l'opinion des entrepreneurs européens et pesé sur les comportements de stockage et d'investissement.

La France a été touchée moins fortement et plus tardivement que ses partenaires européens, vraisemblablement grâce aux caractéristiques de sa spécialisation à l'exportation - moins centrée que l'Italie, par exemple, sur des produits où la compétitivité accrue des produits asiatiques s'est faite sentir - et grâce à son ouverture commerciale moins importante que celle de l'Allemagne et l'Italie aux pays extra-européens.

Pour autant, les tendances observées dans les deux autres grandes économies de la zone euro se sont étendues à notre pays à partir du second semestre de 1998. La production industrielle, qui avait franchi à la hausse l'indice 100 au début de 1997 (25), puis progressé régulièrement tout au long de cette année, s'est trouvée stoppée à partir de juin 1998 aux alentours de l'indice 109. Un bref sursaut en octobre et novembre 1998 a préludé à une érosion continue jusqu'en février 1999, tempérée par un rebond de 0,9 point en mars 1999 (26). Pour leur part, les « perspectives générales » ou « personnelles » dans l'industrie manufacturière, telles que définies et mesurées par l'INSEE dans son enquête trimestrielle, se sont fortement détériorées à partir du second semestre de 1998.

graphique

Au premier trimestre de 1999 et à l'instar des autres pays européens, l'économie française se trouvait ainsi placée à un point critique. Le pessimisme et la stagnation dans l'industrie allaient-ils dérégler la dynamique prometteuse de la confiance et de la consommation des ménages ? Au contraire, la vigueur persistante de celles-ci, malgré l'apparition de quelques signaux inquiétants en provenance de l'industrie, allait-elle renverser les anticipations du secteur productif et épargner à l'économie française un ralentissement plus général et plus marqué ?

graphique

Au vu des derniers indicateurs conjoncturels, le basculement semble devoir s'effectuer du « bon côté de la barrière ». Les perspectives personnelles de production se sont améliorées en avril 1999 ; la nouvelle dégradation des perspectives générales ne devrait pas être considérée, dès lors, comme une nuance significative, voire comme un signe inquiétant. L'expérience montre que les renversements de conjoncture dans l'industrie sont d'abord mieux perçus au plan des perspectives personnelles qu'à celui des perspectives générales, qui ne s'ajustent à la hausse qu'avec retard.

Par ailleurs, la diminution de l'indicateur de confiance des ménages en avril 1999 ne semble pas devoir susciter de craintes excessives. Le niveau absolu de cet indicateur reste historiquement élevé et l'impact éventuel de la baisse minime enregistrée en avril n'est pas, jusqu'ici, entré dans le domaine du quantifiable au regard de l'évolution prévisible des dépenses effectives de consommation.

Enfin, l'amélioration de la situation économique mondiale devrait apporter sa contribution au soulagement des contraintes pesant sur le secteur productif. Les perspectives de l'économie mondiale se sont singulièrement éclaircies depuis le début de l'année 1999. Les économies anglo-saxonnes restent très dynamiques (États-Unis) ou semblent devoir redémarrer (Royaume-Uni et Canada). Des signes encourageants se font jour sur une possible rémission, voire une franche reprise, dans la plupart des pays émergents, comme le suggère le retour de certains d'entre eux sur le marché international des capitaux et la diminution de leurs écarts de taux avec les emprunts de référence américains.

L'accélération de la croissance paraît sérieusement amorcée au sein même de la zone euro. La plupart des indices de confiance (pour les ménages ou les entreprises) se stabilisent ou évoluent favorablement. Indépendamment de certains facteurs non reconductibles (27), les dernières informations relatives à la croissance en Europe suscitent l'optimisme. Ainsi, les évaluations provisoires de la croissance du PIB dans la Communauté européenne montrent une légère accélération entre le dernier trimestre de 1998 (+ 0,3%) et le premier trimestre de 1999 (+ 0,4%) (28). L'Allemagne, longtemps à la traîne de la croissance, a réalisé des performances supérieures aux prévisions au premier trimestre 1999 : le PIB s'y est accru de 1,8% en rythme annualisé ; les échanges extérieurs ont été neutres, alors qu'ils pesaient auparavant sur la croissance ; les commandes à l'industrie manufacturière ont enregistré un fort rebond, de même que la production industrielle ; la consommation et l'investissement se sont montrés beaucoup plus dynamiques que prévu. Seule, la dégradation de la situation de l'emploi en mai, pour le deuxième mois consécutif, apporte un bémol à ce tableau flatteur. La plupart des observateurs s'accordent pourtant à penser que l'amélioration du climat dans l'industrie devrait rapidement stopper l'augmentation du chômage.

· Quels pourraient être les facteurs susceptibles de remettre en question les grandes lignes des évolutions prévues pour la France à court terme et à l'horizon 2000 ?

La dynamique interne de l'économie française paraît à votre Rapporteur général établie sur des bases solides. Le cercle vertueux confiance-consommation-emploi évoqué dans le Rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, déposé le 3 juin dernier par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale, repose sur une mécanique pour l'heure bien huilée. Une détérioration de la confiance et/ou du revenu des ménages pourrait, éventuellement, gripper cette mécanique. Force est de reconnaître que ceci devrait rester une pure hypothèse d'école :

- assurément, les perspectives actuelles d'inflation devraient marquer la fin des gains non anticipés de pouvoir d'achat que l'on a pu observer en 1998. A elles seules, pourtant, elles ne menacent pas l'amélioration prévisible du revenu des ménages mesurée en termes réels ;

- le dynamisme de l'emploi reste vif, comme en témoignent les 77.000 postes créés au premier trimestre dans le secteur marchand non agricole. Il est souvent relevé que près de la moitié de ces créations sont des missions d'intérim. Même si, pour la majorité, cette précarisation de l'emploi ne peut être considérée comme moralement acceptable, elle s'impose comme une caractéristique factuelle du marché du travail contemporain. Dans ces conditions, il faut s'attendre à des fluctuations de l'emploi plus marquées qu'il y a quelques années, car influencées plus rapidement par le cycle conjoncturel. Au-delà de ces fluctuations, reste une tendance du chômage incontestablement baissière ;

- le débat sur les retraites, rouvert par le Premier ministre, ne paraît pas devoir peser sur les anticipations des ménages dans un proche avenir, et en tout cas à l'horizon 2000. Les nécessaires décisions doivent intervenir après une large concertation, ce qui est a priori un gage de bonne acceptation par la population, à l'inverse de la méthode employée par le précédent Gouvernement.

Il convient d'observer que les réactions affichées par le monde patronal vis-à-vis de la deuxième loi relative aux « 35 heures » sont plus préoccupantes. Nombre d'analystes - appartenant généralement à des banques d'affaires ou grandes institutions financières - en font un facteur d'incertitude (au mieux) ou de pessimisme (au pire) susceptible de peser à la fois sur les projets d'investissement et sur la politique salariale des entreprises. Seraient ainsi menacées, sur ce dernier plan, les perspectives d'augmentation salariales nominales, donc les gains de pouvoir d'achat du revenu des ménages, voire les perspectives d'embauche.

Votre Rapporteur général se montre plus confiant. En effet, il convient de prendre en compte l'impact des 35 heures sur l'emploi et la confiance des ménages, d'une part, sur les possibilités de réorganisation et de rationalisation des processus productifs, d'autre part.

Par ailleurs, sans faire aucune concession sur le fond, les contours de la deuxième loi qui se dessinent peu à peu suggèrent que les préoccupations de l'ensemble des partenaires seraient prises en considération, à des degrés divers, que ce soit sur le SMIC, les heures supplémentaires, le travail des cadres ou le calendrier de mise en _uvre du dispositif (29). Il n'est point de meilleure méthode pour éviter les réactions de rejet, les tentatives de contournement et l'apparition - pas nécessairement « involontaire » - d'effets néfastes pour l'économie française.

Les risques relatifs à l'environnement international sont, par nature, plus divers que les risques purement nationaux.

La stabilisation probable des prix du pétrole comme la remontée du prix des matières premières - en phase avec le « frémissement » positif de l'économie mondiale - devraient épargner à celle-ci les affres d'une rechute des pays émergents. A cet égard, le niveau actuel des prix du pétrole représente incontestablement une bouffée d'oxygène pour l'économie russe et certains pays comme le Venezuela.

En revanche, l'évolution économique des États-Unis à l'horizon 2000 suscite des commentaires divers. Les Comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et principales hypothèses économiques pour 2000 estiment que « l'activité commencerait à s'affaiblir », sous l'influence d'un freinage de la demande intérieure, avant un retour à un rythme de croissance proche du potentiel en 2000. Selon les comptables nationaux, « plusieurs facteurs contribueraient à cette décélération : l'épuisement des effets de richesse financière, la dégradation du marché du travail entamée depuis l'été 1998 ainsi que la fin de la désinflation conduiraient les ménages à renverser le mouvement continu de baisse du taux d'épargne ; la croissance de l'investissement reviendrait, pour sa part, à un niveau plus soutenable. L'activité ralentirait donc progressivement à partir du second trimestre de 1999. La croissance s'établirait encore à 2,8% en moyenne annuelle pour l'année 1999, bénéficiant de l'effet acquis du dynamisme de la fin de l'année 1998, pour revenir ensuite à 1,5% en 2000 ».

Ce scénario d'un « atterrissage en douceur », évoqué à de nombreuses reprises depuis plusieurs semestres, est partagé dans ses grandes lignes - et au-delà des inévitables divergences de chiffrage - par des institutions aussi diverses que l'OFCE, Rexecode, la Société générale, Morgan Stanley, J.P. Morgan, etc. La Deutsche Bank se montre même plus optimiste, en estimant que l'économie américaine se trouve au début d'un nouveau cycle de croissance, après les trois cycles courts observés au cours de la décennie quatre-vingt-dix (30).

L'ensemble des analyses dont votre Rapporteur général a pu avoir connaissance souligne cependant deux éléments importants dans l'appréciation de la situation économique américaine :

- le caractère difficilement soutenable à moyen terme d'une croissance inscrite depuis plusieurs trimestres sur un rythme avoisinant les 4% l'an ;

- les risques d'apparition d'une « bulle financière » due à une valorisation excessive des actifs financiers (actions) ou immobiliers, dans un contexte marqué par une forte croissance de l'endettement des agents privés.

Le premier point oppose, dans le débat théorique et factuel, les partisans d'une « nouvelle économie », qui assurent que le rythme de croissance s'inscrit désormais sur une tendance durablement plus élevée, aux tenants d'une approche plus traditionnelle, qui rappellent qu'un dynamisme trop marqué de l'économie réelle finit toujours par déboucher sur l'inflation puis sur la récession. Le Rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques présenté par le Gouvernement donne une présentation claire et synthétique des arguments en présence.

Le second point n'est pas totalement indépendant du premier, puisqu'une rupture du sentier potentiel de croissance pourrait logiquement impliquer une rupture équivalente dans les perspectives de profit des entreprises, donc dans les déterminants de leur valorisation boursière. L'essentiel n'est pas là : si bulle financière il y a, celle-ci peut-elle se conclure par un krach boursier ou bien par un simple ajustement progressif des niveaux de valorisation des actions à Wall Street ?

Les institutions évoquées ci-avant penchent plutôt pour la thèse de l'ajustement en douceur. La plupart d'entre elles estiment même que le relèvement des taux directeurs de la Réserve fédérale - inéluctable pour normaliser les conditions de financement de l'économie américaine après l'allégement de 75 points de base décidé en octobre 1998 en réponse à l'aggravation soudaine de la crise financière - n'aura pas de conséquences dommageables sur les marchés financiers. En guise de variante, la BNP estime que la Réserve fédérale devrait laisser ses taux directeurs inchangés au cours des prochains mois en raison de l'absence de pressions inflationnistes, du niveau élevé déjà atteint par les taux longs et des risques qu'une telle action ferait courir aux marchés émergents (31).

Il est vrai que le resserrement des conditions monétaires a déjà commencé : sous l'effet d'une réapparition des craintes inflationnistes, le niveau des taux longs de marché est orienté à la hausse depuis la fin de l'automne 1998 (32) ; le mouvement de baisse du dollar observé en 1998 s'est inversé depuis janvier 1999, comme en témoigne notamment l'évolution de sa parité avec l'euro, mais aussi avec d'autres monnaies. Après avoir superbement ignoré ces signaux pendant plusieurs mois, la bourse américaine est revenue désormais en-deçà de ses cours les plus hauts, enregistrés au cours de la première quinzaine de mai 1999.

L'évolution des taux du marché suffira-t-elle à elle-seule pour assurer un rééquilibrage de la croissance américaine ? C'est le pari de la Réserve fédérale, qui a annoncé lors de la dernière réunion de son Comité de politique monétaire qu'elle adoptait désormais un « biais restrictif » sans pour autant procéder d'ores et déjà à un relèvement de ses taux directeurs. La politique du doute et de l'incertitude, la pédagogie du verbe et la crédibilité d'une institution passée maître dans l'art de contrôler finement les évolutions de l'inflation sont les leviers essentiels que la Réserve fédérale entend utiliser pour l'heure. Il est clair que la réussite de cette stratégie dépend, avant tout, de la persistance de conditions inflationnistes favorables dans les prochains mois : celles-ci devraient-elles se détériorer peu à peu, la position de la Réserve fédérale deviendrait vite intenable et l'obligerait à relever effectivement ses taux, fragilisant alors des marchés financiers encore plus sensibles.

Ce n'est pourtant pas un facteur interne qui menace le plus les marchés financiers américains, selon les économistes de la Caisse des dépôts et consignations et de Paribas. Dans un article au titre et au ton volontairement provocateurs (33), M. P. Blanqué évoque la « bulle » à Wall Street, le taux d'épargne négatif des ménages américains, le surinvestissement et les déséquilibres extérieurs, « symptômes d'une orgie de crédit et d'empilement de dette, qui sont la maladie honteuse de la "nouvelle économie" ». Il stigmatise les « excès du crédit » en rappelant que les États-Unis jouissent du privilège de pouvoir se financer à crédit auprès du reste du monde dans leur propre monnaie, captant ainsi aisément l'épargne étrangère sans que le taux d'intérêt puisse jouer son rôle classique d'ajustement entre l'épargne et l'investissement. « La situation actuelle comporterait donc un risque de déflation plus que d'inflation car l'explosion éventuelle d'une telle bulle menace de détruire de la liquidité et de la richesse ». Paribas ne croit pas à un ajustement autonome de la croissance américaine (« le cycle ne meurt pas de vieillesse ») mais plutôt à un ajustement contraint par les créanciers extérieurs : une accélération de la croissance mondiale précipiterait une réévaluation du risque américain et justifierait une réorientation des flux financiers internationaux vers d'autres destinations. Les conséquences en seraient une dépréciation du dollar, une contrainte de financement accrue par des taux d'intérêt plus élevés et un ajustement complémentaire des comptes courants américains par le biais d'une diminution de la demande interne. En définitive, « l'économie américaine pourrait bien connaître le sort dévolu aux économies émergentes, dont elle partage quelques déséquilibres et modes de financement typiques ».

Le service de la recherche de la Caisse des Dépôts et consignations partage des vues similaires (34). Il estime notamment qu'« il n'est pas possible d'imaginer qu'une trajectoire durable de croissance soit caractérisée par une valorisation boursière incompatible avec l'évolution des profits, par une augmentation continue des taux d'endettement, par la destruction du capital ». Pour autant, force est de constater que les chocs externes, même importants, comme les crises financières et économiques en Asie et en Amérique latine, n'ont pas suffi à déstabiliser l'économie américaine. Alors, sous le bénéfice de l'hypothèse selon laquelle « le retour de l'inflation salariale ou importée est exclu », la correction monétaire et boursière ne devrait pas provenir d'une intervention - réelle ou anticipée - de la Réserve fédérale. L'éventualité d'une correction endogène, liée à une révision des anticipations de résultats des entreprises cotées, est également écartée au regard du taux de rendement global (dividendes et plus-values) des actions sur la période récente, et ce, bien que les perspectives de résultats qui valident les cours actuels soient incohérentes avec les perspectives de croissance du PIB (35).

Reste alors l'hypothèse d'une correction exogène liée aux politiques monétaires et au regain de croissance à l'extérieur des États-Unis. Une partie du financement de l'économie américaine provient de la transformation, par les banques implantées aux États-Unis, de ressources à court terme et à taux réduit provenant des autres pays industrialisés, en crédit intérieur au bénéfice des agents économiques américains. Alors se dessine clairement le risque financier qui découlerait d'une reprise au Japon et en Europe : elle conduirait dans ces pays à une remontée des taux courts et à une restriction de la liquidité. « Tous les emprunteurs de yens ou d'euros à court terme verraient leurs coûts de portage augmenter, certains d'entre eux deviendraient insolvables, d'autres voudraient réduire le levier, d'où des ventes d'actifs qui pourraient déclencher la correction boursière et la récession réelle [...]. C'est ce type de scénario qui a eu lieu au Japon à la fin des années 1980 : la remontée des taux courts américains a entraîné celle des taux courts japonais à partir du début de 1989, d'où une correction boursière (et des prix de l'immobilier) et une chute de la demande privée ».

Faut-il envisager sérieusement la réalisation de ce scénario catastrophe ? Pour Paribas comme pour la Caisse des dépôts, la condition de réalisation d'un ajustement par assèchement du crédit étranger aux États-Unis suppose l'absence ou l'inefficacité des mécanismes correcteurs purement internes. Seule l'expérience dira si les évolutions récentes constatées sur les marchés financiers américains ont pu engager un rééquilibrage progressif de la croissance et éviter ainsi un décrochage brutal dommageable pour l'économie mondiale.

2.- Les premiers résultats en matière d'encaissements sont encourageants

L'examen des premiers résultats d'exécution, particulièrement lorsqu'ils portent sur un tiers seulement de l'exercice, doit toujours être abordé avec prudence, tant les évolutions d'un mois sur l'autre peuvent être importantes. Toutefois, la dernière situation disponible du budget de l'Etat, arrêtée au 30 avril dernier, indique un dynamisme certain des recettes du budget général.

En effet, les recettes nettes de ce dernier, hors fonds de concours, progressent de 11,4% par rapport aux résultats enregistrés fin avril 1998. Ce rythme est donc sensiblement plus rapide que celui anticipé par la loi de finances initiale pour 1999, évalué à 6,7%, comme en témoigne le tableau ci-après. Au total, les recettes nettes du budget général sont supérieures de 49,5 milliards de francs à leur niveau enregistré il y a un an.

LES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards de francs)

 

1998

Situation à fin avril 1998

LFI 1999

Situation à fin avril 1999

LFI 1999
Année 1998

Avril 1999
Avril 1998

Recettes fiscales nettes

1.452,3

480,1

1.534,9

526,0

5,7%

9,6%

· Impôt sur le revenu

304,0

96,5

322,8

103,6

6,2%

7,4%

· Impôt sur les sociétés net

184,7

59,3

199,3

81,6

7,9%

37,6%

· TIPP

153,9

47,1

160,1

52,2

4,0%

10,8%

· Taxe sur la valeur ajoutée nette

641,9

225,6

673,1

233,4

4,9%

3,5%

· Divers

167,8

51,6

179,6

55,2

7,0%

7,0%

Recettes non fiscales (hors FSC)

157,7

46,2

183,3

47,6

16,2%

3,0%

Prélèvements au profit des collec-tivités locales et des communautés européennes



-254,4



-92,9



-271,3



-90,7



6,6%



-2,4%

Recettes du budget général (hors fonds de concours)


1.355,6


433,4


1.446,9


482,9


6,7%


11,4%

Recettes de fonds de concours

65,0

17,2

-

11,6

-

-32,6%

Recettes du budget général (y compris fonds de concours)


1.420,6


450,6


-


494,5


-


9,7%

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce résultat s'explique principalement par le dynamisme des recettes fiscales nettes. Celles-ci progressent de 9,6% si l'on prend pour base de comparaison avril 1998, alors que la tendance prévue par la loi de finances pour 1999 s'établit à 5,7%.

Ce dynamisme n'est pourtant pas général, puisque les encaissements au titre de la TVA nette sont légèrement inférieurs au rythme annuel prévu par la loi de finances (3,5% contre 4,9%). Ces données, encore partielles, semblent confirmer un léger tassement de la consommation durant le premier trimestre 1999.

Dans l'ensemble toutefois, les résultats sont encourageants. Ainsi, la croissance de l'impôt sur le revenu semble un peu plus vive que prévu (7,4%, contre 6,2% prévus), tandis que l'écart est sensiblement plus fort pour la TIPP, avec + 10,8% (+ 4% selon les prévisions initiales).

Toutefois, l'essentiel de l'écart observé résulte de l'impôt sur les sociétés net, qui enregistre une croissance très significative de 37,6% par rapport à avril dernier. On rappellera que les prévisions pour 1999 font état d'une progression, déjà importante de 7,9%. Ce sont donc 22,3 milliards de francs de plus qui ont été encaissés par rapport aux résultats à la même date l'an dernier.

Deux facteurs principaux expliquent ces évolutions. Comme on l'a vu précédemment, le début de l'exercice 1998 avait été marqué par l'importance des remboursements d'excédents de versements, résultant des modalités de mise en _uvre de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. A cet « effet de base », s'ajoutent bien évidemment les conséquences des bons résultats enregistrés en 1998 par les entreprises.

S'agissant des comptes spéciaux du Trésor, les résultats sur une si brève période sont peu significatifs. Votre Rapporteur général souhaite toutefois apporter quelques éléments d'information en ce qui concerne les opérations enregistrées par le compte n° 902-24 « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés ».

Pour 1999, les recettes prévues pour ce compte d'affectation spéciale s'élèvent à 17,5 milliards de francs dont :

- 9,5 milliards de francs au titre de la privatisation du GAN ;

- 5,5 milliards de francs de cessions de participations minoritaires ;

- 2,5 milliards de francs au titre de solde des opérations de France Télécom.

De même, ce sont 17 milliards de francs qui sont prévus au titre des dotations en capital.

En réponse à une question de votre Rapporteur général sur les besoins en capital des entreprises publiques d'ores et déjà identifiés, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait apporté les précisions suivantes à l'occasion du projet de loi de finances pour 1999 :

« Les besoins en capital des entreprises publiques sont estimés à 64 milliards de francs sur les deux années 1998 et 1999. Ils concernent principalement le secteur financier (près de 30 milliards de francs), les transports (23 milliards de francs) et le secteur minier (5 milliards de francs). Ces apports devraient être principalement financés par le produit de l'opération France Télécom devant ramener la part de l'Etat à 62%, la cession de la part de l'Etat dans la CNP, l'ouverture du capital d'Air France et par la récupération des disponibilités de GAN-SC (via une réduction de capital) consécutives à la cession du CIC et de GAN-SA et ne constituant pas le gage de garanties. D'autres opérations, d'importance plus modeste, sont également envisagées, en particulier dans le cadre de la restructuration en cours de l'industrie de défense (Aérospatiale) ».

Comme cela a déjà été mentionné, les recettes encaissées sur ce compte en 1998 ont été particulièrement abondantes (53,82 milliards de francs), ce qui a permis de financer, au cours de la période complémentaire, 11,3 milliards de francs de dotations en capital correspondant à des besoins anticipés pour 1999. Ces dotations se répartissent à hauteur de 5,3 milliards de francs pour l'Etablissement public de financement et de restructuration, de 5 milliards de francs pour RFF et d'un milliard de francs pour Charbonnages de France.

Au 13 avril 1999, les recettes du compte représentent 4,9 milliards de francs, dont 3,78 milliards de francs au titre de l'ouverture du capital d'Air France et 1,09 milliard de francs résultant de la cession de titres France Télécom aux salariés de cette entreprise.

Les dépenses restent très limitées, avec 360 millions de francs, dont 150 millions de francs d'apport à la Caisse des dépôts et consignations pour le fonds public de capital risque, tandis que l'essentiel du solde concerne des dépenses afférentes aux ventes de titres.

Enfin, on notera que les recettes tirées de la privatisation actuellement en cours du Crédit lyonnais, seront directement affectées à l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), auquel les titres du Crédit lyonnais détenus par l'Etat ont été apportés. On rappellera que ce sont environ 80% du capital de la banque publique qui vont être recédés, cette dernière étant évaluée entre 41 et 48 milliards de francs.

3.- L'amorce de la décrue des prélèvements obligatoires

·  L'adoption par l'INSEE du nouveau Système européen de comptabilité SEC 1995 a entraîné de nombreuses modifications s'agissant des prélèvements obligatoires, affectant leurs niveaux annuels mais ne remettant pas en cause la tendance générale de leur évolution.

Les modifications ne sont pas négligeables, comme l'indique le tableau ci-après, qui détaille l'impact de la nouvelle méthode utilisée sur les prélèvements obligatoires en 1995.

LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (APU)
ET DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES EN 1995

(en milliards de francs)

 


Base 80

Base 80, corrigée des prises en charge de cotisations sociales


Base 95

Impôts nets de transferts en capital

dont impôts reçus par les APU

1.934,0

1.870,3

1.934,0

1.870,3

1.946,8

1.881,9

Cotisations sociales effectives

1.479,5

1.447,3

1.434,4

Total

3.413,5

3.381,3

3.381,2

PIB

7.662,4

7.662,4

7.752,4

Taux de prélèvements obligatoires (en % du PIB)


44,5


44,1


43,6

Source : INSEE, Présentation des nouveaux comptes nationaux.

Parmi les principaux changements de méthodologie, on relèvera une nouvelle approche de la comptabilisation des cotisations sociales effectives.

Auparavant, dans les cotisations sociales effectives, versées par les employeurs aux organismes de sécurité sociale, étaient comprises les cotisations sociales prises en charge par l'Etat et les régimes de sécurité sociale. Ainsi, il était considéré que les entreprises versaient la totalité des cotisations sociales et recevaient une subvention pour la partie des cotisations prise en charge. Cette conception de la comptabilité nationale sur le circuit des prises en charge s'expliquait, à l'époque, en raison du caractère particulier à certaines branches de ces mesures. Le système pouvait alors s'interpréter comme une subvention à une branche particulière. La généralisation des exonérations a conduit à un changement de perspective. Dans le nouveau système, les cotisations sociales correspondent au montant effectivement perçu à ce titre par les organismes de sécurité sociale, la partie prise en charge constituant un transfert entre l'Etat et les administrations de sécurité sociale. Ainsi, plus de 40 milliards de francs sont décomptés des cotisations sociales, du fait de ce nouveau traitement, qui permet une analyse plus réaliste du coût réel du travail, que ce soit pour son évolution ou pour effectuer des comparaisons internationales.

Le texte du SEC 95 a, par ailleurs, conduit à modifier les classements du précédent système s'agissant des versements que perçoivent, sous différentes formes, les administrations publiques. La taxe sur les ordures ménagères perçue par les administrations locales ou les droits de timbre sont désormais classés en paiement par les ménages d'un service produit par les administrations publiques et non plus en impôt, pour un montant de 19 milliards de francs.

Une fois neutralisés les changements de concepts introduits pour faciliter les comparaisons entre les comptes des différents pays européens, le taux de prélèvements obligatoires de l'année 1995 s'établit à 43,6% en base 1995, soit 0,5 point de moins qu'en base 80. Cette correction du taux est d'ailleurs largement due à la nouvelle évaluation du PIB lui-même. Celui-ci est, en effet, rehaussé par l'incorporation des DOM dans le territoire économique et par une inclusion des logiciels au sein de la FBCF, majorant celle-ci, alors que les prélèvements obligatoires qu'elle subit sont faibles.

L'ampleur des modifications opérées dans les séries statistiques à la suite de changements de méthodologie incite, si besoin était, à considérer avec prudence les comparaisons en matière de prélèvements obligatoires, tant cette notion est conventionnelle.

Quoi qu'il en soit, si leurs niveaux ont pu connaître d'importantes corrections, l'augmentation vigoureuse des prélèvements obligatoires ces dernières années n'est pas démentie, loin s'en faut. A cet égard, l'exercice 1998 marque une rupture attendue et nécessaire, avec une stabilisation à 44,9% des prélèvements. Il est vrai que les prévisions en la matière permettaient d'espérer une légère diminution, entre un et deux dixièmes de point de PIB.

Pour mieux apprécier les facteurs ayant conduit à cette légère réévaluation par rapport aux estimations initiales, il est préférable de considérer les résultats obtenus avec l'ancienne méthode de comptabilisation de l'INSEE, utilisée dans le Rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 1999. Comme l'indique le tableau ci-après, le taux de prélèvements obligatoires a été révisé à la hausse de 0,2 point de PIB par rapport aux estimations retenues à l'automne dernier.

TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 1998 EN % DE PIB :
COMPARAISON ENTRE LES HYPOTHÈSES ASSOCIÉES AU PLF 1999 ET LE COMPTE PROVISOIRE 1998
(BASE 80)

 

PO 1998
(Chiffres PLF 1999)

PO 1998
(estimation définitive en ancienne base)


Ecart

Etat

15,4

15,5

+ 0,1

Organismes divers d'administration centrale


0,6


0,6


0

Administrations de sécurité sociale

21,7

21,9

+ 0,2

Administrations publiques locales

7,1

7,0

- 0,1

Union européenne

1,1

1,1

0

Total

45,9

46,1

0,2

Source : Direction de la Prévision ; les chiffres du PLF 1999 sont ceux du Rapport économique, social et financier de septembre dernier ; les chiffres révisés en ancienne base sont homogènes aux comptes des administrations publiques notifiés à la Commission européenne le 1er septembre dernier.

Selon les informations fournies à votre Rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « cette révision est principalement due à la correction du PIB en valeur (sa progression a été révisée à la baisse de 0,3% du fait d'une moindre inflation). Cette correction rehausse mécaniquement l'évolution du taux de P.O. en 1998 de près de 0,14 point de PIB.

De surcroît, le niveau des prélèvements a été revu légèrement à la hausse, en particulier pour les administrations de sécurité sociale. Cette correction recouvre en particulier :

· une révision de la base 1997, puisqu'à l'été les estimations étaient fondées sur le compte provisoire 1997 de l'INSEE, alors que le compte 1997 semi-définitif est désormais disponible ;

· une amélioration du taux de recouvrement, en particulier sur le régime général ;

· une réévaluation par l'UNEDIC de recettes techniques (notamment des reports d'encaissements de 1997 sur 1998), et une réestimation par l'Association pour la structure financière du rendement en année pleine de l'élargissement de l'assiette 1997. ».

La stabilisation ainsi constatée doit être appréciée au regard de l'évolution des prélèvements obligatoires au cours des années précédentes. On rappellera, en effet, que, de 1993 à 1995, les prélèvements obligatoires avaient progressé de 0,6 point de PIB, tandis que cette augmentation a atteint 1,2 point de PIB entre 1995 et 1996, sous l'effet notamment de la majoration du taux normal de TVA, porté à 20,6%.

Dans le même temps, la part du surplus de richesse affectée aux administrations publiques, calculée en rapportant l'augmentation des prélèvements à celle du PIB, a représenté 46,9% en 1994, 57,7% en 1995 et jusqu'à 86,9% en 1996. Ce niveau a ensuite été ramené à 57,6% en 1997 puis à 45% en 1998.

Le tableau ci-après présente l'évolution des prélèvements obligatoires depuis 1995, calculés selon la nouvelle méthode SEC 1995. On rappellera que les agrégats de recettes tirés de l'état A annexé à la loi de finances ne sont pas directement utilisables pour appréhender la masse de ces prélèvements. L'INSEE opère en effet de nombreux retraitements afin d'assurer le passage de la nomenclature de la comptabilité publique à celle de la comptabilité nationale.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
ET DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

(en milliards de francs et en % du PIB)

 

1995

1996

1997

1998

Impôts après transferts (1)

Administrations publiques centrales

dont Etat

Administrations publiques locales

Administrations de sécurité sociale

Institutions de l'Union européenne

1.940,4

1.296,7

1.262,5

424,6

154,2

64,8

2.069,4

1.401,7

1.341,6

449,8

162,6

55,3

2.200,9

1.454,2

1.389,1

471,7

218,1

56,9

2.450,6

1.504,5

1.436,2

492,8

400,9

52,3

Cotisations sociales effectives (2)

Etat

Administrations de sécurité sociale

1.443,8

24,4

1.419,4

1.489,1

24,5

1.464,5

1.491,1

33,7

1.457,5

1.397,4

35,1

1.362,3

Prélèvements obligatoires effectifs

3.384,2

3.558,5

3.692,1

3.848,0

Impôts après transferts (1)

Administrations publiques centrales

dont Etat

Administration publiques locales

Administrations de sécurité sociale

Institutions de l'Union européenne

25,0

16,7

16,3

5,5

2,0

0,8

26,0

17,6

16,9

5,7

2,0

0,7

26,8

17,7

16,9

5,7

2,7

0,7

28,6

17,6

16,8

5,8

4,7

0,6

Cotisations sociales effectives (2)

Etat

Administrations de sécurité sociale

18,6

0,3

18,3

18,7

0,3

18,4

18,1

0,4

17,7

16,3

0,4

15,9

Prélèvements obligatoires effectifs

43,7

44,8

44,9

44,9

Pour mémoire, ancienne base 80

- Total

- Total net des allégements de cotisa-tions sociales

44,5


44,1

45,7


45,0

46,1


45,3

45,9


45,2

(1) Les impôts sont comptabilisés après transferts de recettes fiscales et nets des impôts dus non recouvrables.

(2) Nettes des cotisations dues non recouvrables.

Source : INSEE, Les comptes de la Nation 1998, Informations rapides, n° 137,
et Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Replacée dans la perspective de la croissance ininterrompue des prélèvements obligatoires ces dernières années, la stabilisation opérée constitue une première étape bienvenue devant conduire à une décrue. Cette dernière est d'ailleurs prévue par le programme pluriannuel de finances publiques, notifié à la Commission européenne en janvier dernier. Selon ce document, le taux de prélèvements obligatoires, calculé selon l'ancienne méthode de l'INSEE, devrait être ramené de 45,7% du PIB en 1999 à 44,9% en 2002 (hypothèse favorable) ou à 45,2% (hypothèse prudente). Compte tenu des changements méthodologiques opérés, ces niveaux sont d'ores et déjà atteints en 1998. Ce qu'il convient donc de retenir, c'est l'objectif d'une diminution comprise entre 0,5 et 0,8 point de PIB. Si l'on ne peut que souscrire à cette vision, on ne saurait cependant faire abstraction de l'importance des modalités de répartition de l'allégement de la charge entre les différents acteurs économiques.

·  L'augmentation des prélèvements obligatoires de 1993 à 1997, outre son ampleur, présente la caractéristique d'avoir accentué le poids des prélèvements sur les ménages et, tout particulièrement, de la fiscalité indirecte pesant sur ces derniers. Cette évolution résulte de la baisse limitée de l'impôt sur le revenu et, surtout, de la forte hausse de la TVA.

Le Gouvernement et sa majorité ont clairement affirmé que la réduction des prélèvements obligatoires, mais aussi leur rééquilibrage au profit des ménages, étaient indispensables, afin de soutenir la consommation et, par voie de conséquence, la croissance.

Votre Rapporteur général rappellera tout d'abord que ces orientations ont déjà connu leur traduction, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999.

A cette occasion, l'effet net des mesures fiscales prévues (y compris l'effet des mesures déjà adoptées en loi de finances pour 1998) sur les prélèvements obligatoires a été évalué à - 16,1 milliards de francs.

S'agissant des entreprises, la réduction de la charge est d'environ 10,7 milliards de francs au titre des mesures en faveur de l'emploi. La mesure la plus significative réside dans la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, dont l'effet, net de la mesure d'unification du régime d'imposition des cessions de locaux professionnels, est évalué à 7,2 milliards de francs. Au total, les allégements consentis aux entreprises sont cependant limités à 8,3 milliards de francs, compte tenu notamment de la majoration de la TIPP et de la limitation de l'avoir fiscal pour les placements financiers des entreprises.

Les ménages bénéficient aussi des mesures adoptées, avec un allégement global des charges de 10,3 milliards de francs, tout particulièrement en raison de l'application du taux réduit de TVA sur certains produits résultant de la politique de baisses « ciblées » engagée dès la loi de finances pour 1998. Ces mesures compensent un alourdissement de 2,5 milliards de francs de la pression fiscale, dont 2 milliards de francs au titre des mesures visant à accroître le rendement de l'impôt sur la fortune et à limiter l'évasion fiscale. Les mesures concernant les ménages sont donc guidées par le souci d'une plus grande justice fiscale.

Le cap doit être maintenu dans ce sens. Cette remarque n'est pas exclusive du respect des engagements précédents. Ainsi, votre Rapporteur général s'est déjà prononcé en faveur du maintien des dispositions en vigueur prévoyant la suppression, en 2000, de la surtaxe temporaire d'impôt sur les sociétés établie par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 97-1026 du 10 novembre 1997). Toujours s'agissant des entreprises, on notera qu'elles continueront à bénéficier de la poursuite de la suppression progressive de la part salaire de la taxe professionnelle. Enfin, le Gouvernement a fait part de ses premières réflexions sur le plan d'allégement de charges sur les bas salaires pour les entreprises ayant effectué le passage aux 35 heures. Les chantiers engagés sont donc poursuivis et d'autres, nouveaux, ouverts.

Toutefois, des allégements plus conséquents doivent être consentis au profit des ménages.

L'effort entrepris en matière de droits de mutation dans la loi de finances pour 1999 pourrait être poursuivi.

Il conviendrait également d'alléger, pour les contribuables les plus modestes, la CSG et les prélèvements associés affectant les revenus du patrimoine et les produits de placement.

Par ailleurs, le choix de la réduction de la TVA est à privilégier. Cet impôt indirect étant dégressif, c'est un choix d'équité, mais aussi d'efficacité, les gains de pouvoir d'achat étant de nature à soutenir l'activité. Enfin, techniquement, une fenêtre d'opportunité s'est ouverte avec la proposition de directive du 17 février 1999 sur les services à forte intensité de main d'_uvre (36). C'est dans cette perspective qu'une proposition de résolution (n° 1526) sur ce document a été déposée par votre Rapporteur général, ainsi que par MM. Augustin Bonrepaux, Alain Barrau, Jean-Louis Idiart et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Votre Rapporteur général renverra à son rapport (n° 1585) sur cette proposition de résolution pour plus de détails techniques, tout en soulignant le caractère prioritaire des travaux dans l'habitat. Une telle mesure est susceptible d'avoir les effets les plus significatifs sur l'activité et sur l'emploi. Par ailleurs, elle présente l'avantage d'avoir un coût budgétaire qui, s'il est significatif (entre 21 et 13 milliards de francs selon que la mesure serait accompagnée ou non d'une suppression corrélative de certains avantages existants en matière d'impôt sur le revenu), reste susceptible d'être mis en regard des marges du man_uvre budgétaires, certes difficiles à évaluer à ce stade, dont notre pays disposera à l'automne. En tout état de cause, le coût d'une telle mesure est sensiblement inférieur à celui d'une baisse d'un point du taux normal de la TVA, dont l'effet pour les ménages resterait à préciser.

II.- POURSUIVRE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS

L'examen du processus de rétablissement des finances publiques impose une remise en perspective sur plusieurs exercices. En effet, si l'impact d'une réduction importante du rythme de la croissance économique ou d'une récession est presque instantané et brutal, la correction des déficits est nécessairement progressive, compte tenu notamment de la grande rigidité des dépenses publiques.

Afin de se conformer aux prescriptions du Système européen de comptabilité (SEC 95), l'INSEE a très récemment modifié ses conventions de comptabilité nationale. Les comparaisons à partir de séries statistiques longues en sont d'autant plus intéressantes. Il en résulte des changements non négligeables des niveaux du besoin de financement des administrations publiques. Par ailleurs, les objectifs de réduction de ce dernier pour 1999 et au-delà, tels que décrits par le programme pluriannuel de finances publiques, ne peuvent révéler leur ambition qu'au regard du chemin déjà parcouru.

A.- LA RÉDUCTION DU BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES EN 1998 S'INSCRIT DANS UN MOUVEMENT DE LONGUE HALEINE

1.- L'impact de l'adoption du système européen de comptabilité
SEC 1995 sur la mesure des déficits publics

· Afin de permettre de comparer la situation des finances publiques des différents Etats membres, le traité de Maastricht fait référence au besoin de financement des administrations publiques, calculé selon une norme commune, le Système européen de comptabilité nationale (SEC édition 1979). Si le Système élargi de comptabilité nationale (SECN) français est très proche du système européen, un certain nombre de corrections significatives doivent toutefois être apportées pour passer du premier au second.

D'une part, le PIB n'est pas mesuré de manière strictement identique.

Ainsi, le territoire économique de référence de la base actuelle des comptes nationaux français se limite à la France métropolitaine et doit être étendu aux départements d'outre-mer en vertu du SEC 79. Les différences de convention portent également sur le traitement du crédit-bail, la mesure des services d'assurance, l'amortissement des voies et réseaux, le traitement des frais de contrôle et le classement des versements des administrations publiques aux sociétés de transport au titre de la compensation de la tarification de la carte orange.

D'autre part, s'agissant des déficits et de la dette publics, les différences de convention portent sur le traitement des recettes de coupons courus, des opérations de crédit-bail, des obligations linéaires (ou obligations assimilables), des transferts de la Banque de France aux administrations publiques liés à des réévaluations d'or et de devises, des revenus des organismes de placement collectif (OPCVM), ainsi que du classement des opérations d'assurance-crédit à l'exportation.

C'est donc à l'issue des retraitements nécessaires des comptes nationaux que sont effectuées les notifications périodiques auprès de la Commission européenne. Le tableau ci-après présente le cheminement des déficits publics depuis 1993, sur la base de la comptabilité nationale (ou « base 80 ») retraitée en fonction des normes comptables communautaires.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AU SENS DU TRAITÉ DE MAASTRICHT

(en milliards de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

- Etat

- 326

- 357,1

- 312,7

- 292,3

- 265,3

- 253,2

- ODAC (1)

- 22,1

4,9

8,7

9,8

52,7

11,4

- Administrations publiques locales

- 13,7

- 15

- 17,2

3,4

17,4

13,1

- Administrations de sécurité sociale

- 83,9

- 56,3

- 51

- 44,2

- 47,8

- 16,5

Total

- 401,5

- 423,6

- 372,2

- 323,4

- 243

- 245,2

En % du PIB

- 5,7

- 5,75

- 4,9

- 4,1

- 3

- 2,9

(1) ODAC : organismes divers d'administration centrale auxquels l'Etat a confié une compétence spécialisée au niveau national et dont les ressources principales sont des subventions de l'Etat ou des contributions obligatoires (Universités, CADES, CNRS, CNES...)

Source : Notification à la Commission européenne (1er mars 1999), citée par la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1998.

Le rythme de réduction du besoin de financement des administrations publiques, mesuré en points de PIB, s'établit donc à
- 0,85% en 1995, - 0,8% en 1996, - 1,1% en 1997 et - 0,1% en 1998. Il y aurait donc, en apparence, un ralentissement de ce rythme en fin de période, illustrant ce que d'aucuns ont pu qualifier de « fatigue de l'ajustement budgétaire » (37).

Toutefois, l'exercice 1997 a été caractérisé par une opération exceptionnelle, avec le versement d'une soulte de 37,5 milliards de francs par France Télécom. Cette dernière représente environ 0,45% du PIB de 1997 et a permis d'augmenter considérablement la capacité de financement des organismes divers d'administration centrale (ODAC).

Si l'on fait abstraction des effets de cette opération, la réduction du besoin de financement des administrations publiques est ramenée à 0,65% du PIB en 1997, tandis qu'en 1998 l'effort a été en réalité de 0,55%. Le rythme de l'ajustement se ralentit donc, mais dans des proportions somme toute modérées. De plus, s'agissant de l'exercice 1997, on rappellera que les résultats finalement obtenus sont d'autant plus remarquables qu'en milieu d'exercice, l'exécution n'était pas maîtrisée. L'« audit » des finances publiques réalisé par deux magistrats de la Cour des comptes, MM. Bonnet et Nasse, avait, en effet, mis en évidence la possibilité d'une dérive des déficits publics avec un déficit compris entre 3,5 et 3,7% du PIB, ainsi que l'avait reconnu l'ancien Premier ministre. On mesure dès lors pleinement l'ampleur du changement de cap et du redressement opéré, grâce notamment à la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

· Les deux tableaux ci-après, d'une part, décrivent l'évolution des déficits publics selon le nouveau Système européen de comptabilité 1995 (SEC 95) et, d'autre part, résument les principaux écarts entre ancienne et nouvelle base.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AU SENS DU TRAITÉ DE MAASTRICHT

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1998

En % du PIB

Etat

- 328,3

- 296

- 287,4

- 259,2

- 3

Organismes divers d'administration centrale


-
 40,5


2


58,3


8,7


0,1

Administrations publiques locales

- 13,8

4,6

22,7

28

0,3

Administrations de Sécurité sociale

- 52,4

- 40,7

- 40,6

- 9,7

- 0,1

Administrations publiques (SEC 95)

- 434,9

- 330,1

- 247,1

- 232,2

- 2,7

En points de PIB

- 5,6

- 4,2

- 3

- 2,7

 

Source : Les comptes des administrations publiques, INSEE-Première, n° 646, mai 1999.

 

EFFETS DU CHANGEMENT DE BASE SUR LES COMPTES PUBLICS

 

1995

1996

1997

1998

Déficit public en milliards de francs
Nouvelle base SEC 95


434,9


330,1


247,1


232,2

Ancienne base SEC 79

       

(Chiffres associés à la notification du 1er mars 1999)

372,2

323,4

243

245,2

Déficit public en points de PIB

       

Nouvelle base SEC 95

5,6

4,2

3

2,7

Ancienne base SEC 79

       

(Chiffres associés à la notification du 1er mars 1999)

4,9

4,1

3

2,9

PIB en milliards de francs

       

Nouvelle base SEC 95

7.752,4

7.951,4

8.224,9

8.564,7

Ancienne base SEC 79

       

(Chiffres associés à la notification du 1er mars 1999)

7.618,7

7.824,5

8.082,3

8.402,5

Source : Les comptes des administrations publiques, INSEE-Première, n° 646, mai 1999.

La notification à la Commission européenne des déficits publics et des dettes publiques opérée en mars dernier a été réalisée au moyen de l'ancien système. Ce n'est qu'à compter de mars 2000 que l'ensemble des Etats membres utilisera directement le SEC 1995 pour procéder aux notifications. Durant l'exercice 1999, deux systèmes comptables « cohabitent » donc, en quelque sorte, d'où la nécessité d'une prudence encore plus grande s'agissant des comparaisons.

L'examen du cheminement des déficits publics, tel que recalculé par l'INSEE en application du SEC 95, confirme la régularité de l'effort consenti afin de réduire les déficits publics.

En première analyse, cette diminution a représenté, en points de PIB, - 1,4% en 1996, - 1,2% en 1997 et - 0,3% en 1998. Là encore, la prise en compte de l'impact de la soulte versée par France Télécom sur le besoin de financement des administrations publiques offre une vision sensiblement différente, puisque la baisse de ce dernier s'établit à 0,75% du PIB aussi bien en 1997 qu'en 1998. On ne saurait donc parler de relâchement.

S'agissant de la forte réduction des déficits publics observée en 1996, elle résulte très largement de la réévaluation très importante du niveau des déficits de 1995 du fait de l'adoption de la nouvelle base.

Le tableau ci-après décrit l'impact de ces modifications, pour chacun des sous-secteurs des administrations publiques, sur les résultats de l'exercice 1995.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS
PUBLIQUES EN 1995

(en milliards de francs)

 

Base 80 rapprochée de la base 95 (comptabilité européenne)


Base 95

Etat

- 312,7

- 328,3

Organismes divers d'administration centrale

+ 8,7

- 40,5 (a)

Administrations publiques locales

- 17,5

- 13,8

Administrations de sécurité sociale

- 51

- 61,8

Total administrations publiques

- 372,2

- 444,3

PIB

7.618,7

7.752,4

Déficit public/PIB (en %)

4,9

5,7 (a)

(a) Y compris, pour la base 95, le transfert Crédit Lyonnais. Hors ce transfert, le ratio est de 5,1%.

Source : INSEE, présentation des nouveaux comptes nationaux.

La différence entre les résultats des deux modes de calcul s'élève à 0,8 point de PIB, ce qui est considérable.

La principale origine de cet écart, à hauteur de 0,6 point de PIB, résulte de l'intégration au sein des administrations publiques des structures de défaisance du Crédit Lyonnais. C'est en effet en 1995, lors de la mise en place effective de la structure, que l'on affecte en comptabilité nationale les « transferts en capital » reflétant une partie des pertes constatées. Cette différence sera nettement moindre les autres années, puisque seul le déficit courant de la structure de défaisance, soit moins de 0,1% du PIB, aura alors un impact sur le calcul du déficit des administrations publiques.

En revanche, d'autres facteurs jouent dans des proportions variables au cours des différentes années. Ainsi, le passage aux intérêts en droits constatés dégrade le déficit de l'Etat. Par contre, les nouvelles évaluations des comptes des administrations publiques locales vont dans le sens d'une amélioration du solde. Enfin, la révision du PIB joue légèrement dans le sens d'une baisse du ratio. Si l'on ne tenait compte que de ces facteurs, le ratio de déficit public serait de 5,1% en base 1995 au lieu de 4,9% en base 1980.

Ces derniers éléments conduisent à apporter quelques précisions sur les modifications apportées aux comptes nationaux. Votre Rapporteur général s'en tiendra aux principaux changements, sans entrer dans les détails d'un dossier éminemment technique (38).

L'adoption du nouveau Système européen de comptabilité SEC 95 va permettre une harmonisation très poussée des comptes des Etats membres de l'Union européenne. Si ce système ne constitue pas un bouleversement complet, il n'en reste pas moins qu'il apporte des corrections portant sur des sommes élevées.

Parmi les principaux changements, on notera tout d'abord l'enregistrement des flux monétaires (achat d'un bien de consommation, versement d'un salaire...) non plus au moment du versement effectif mais à la date de génération de l'événement économique. C'est ce qui est désigné sous le nom de comptabilité des flux sur la base des droits constatés.

Dans le cas de la France, le territoire économique s'est de surcroît agrandi avec l'intégration des départements d'outre-mer, opération qui a pour effet de majorer le PIB, tout en réduisant sensiblement le solde extérieur.

A titre d'exemple, pour l'exercice 1992, la nouvelle évaluation du PIB est de 7.126 milliards de francs, soit un montant supérieur de 127 milliards de francs à l'évaluation de la base précédente (+1,8%). Sur ce total, l'intégration des DOM contribue à hauteur d'environ 80 milliards de francs à la croissance du PIB. En sens inverse, l'excédent extérieur est ramené de 94 milliards de francs à 41 milliards de francs, essentiellement en raison de la diminution des exportations.

Enfin, la nouvelle évaluation de la formation brute de capital fixe (FBCF) représente une majoration de 55 milliards de francs. L'intégration, au sein de la FBCF, des logiciels y contribue à hauteur de 32 milliards de francs pour les sociétés non financières et les entreprises individuelles et pour les administrations publiques. S'agissant de ces dernières, la forte hausse de leur FBCF s'explique par le fait qu'une partie des dépenses militaires y est désormais incorporée. Il s'agit des dépenses pouvant être reconverties à des usages civils, tels que les bâtiments, les routes, les aérodromes, les camions de transport de troupes...

2.- Un solde budgétaire et un besoin de financement des administrations publiques pour 1998 en amélioration par rapport aux prévisions initiales

· La loi de finances initiale avait prévu un solde du budget général, hors FMI et hors FSC, de - 257,9 milliards de francs. Ce montant avait été ramené à - 254,6 milliards de francs par la loi de finances rectificative du 30 décembre 1998. Au total, en exécution, le solde général représente - 247,5 milliards de francs, soit une amélioration de 10,4 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales.

Ce bon résultat s'explique tout d'abord par la maîtrise des dépenses, qui progressent de 1,1% par rapport à 1997 (hors fonds de concours). Les recettes nettes du budget général ont, quant à elles, progressé de 2,5%. Enfin, alors que les prévisions initiales pour 1998 anticipaient une charge nette des comptes spéciaux du Trésor de 4,6 milliards de francs, ces derniers ont, en définitive, dégagé un excédent de 4,8 milliards de francs, principalement en raison des évolutions enregistrées par le compte d'avances sur le montant des impositions locales (n° 903-54) (39).

Par rapport à 1997, la réduction du solde budgétaire représente 20,2 milliards de francs, contre 27,7 milliards de francs en 1997 par rapport à 1996.

La notion de déficit budgétaire est distincte de celle de besoin de financement. Le tableau ci-après décrit les retraitements habituels.

PASSAGE DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE À LA CAPACITÉ DU FINANCEMENT DE L'ETAT ET DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

(en milliards de francs)

 
   

1997

1998

 

Déficit budgétaire de l'Etat

- 267,7

- 247,5

 

· Solde des comptes de prêts

+ 1,2

+ 0,5

 

· Recettes de privatisation

- 57,1

- 51,1

 

· Dotations en capital

+ 58,3

+ 52,1

 

· Désendettement de l'Etat

0

0

 

· Solde des autres opérations financières

- 0,3

- 6,1

 

· Solde des opérations non financières non budgétaires

- 0,4

- 1,1

 

= Capacité de financement de l'Etat

- 265,7

- 253,2

 

+ Capacité de financement des organismes divers d'administration centrale (ODAC)

+ 52,7

+ 11,4

 

= Capacité de financement des administrations publiques centrales

- 212,6

- 241,8

 

(en % du PIB)

(2,6%)

(2,9%)

 

Source : Notification de la Commission européenne (27 février 1998), citée par la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1998.

 

L'amélioration du besoin de financement de l'Etat contribue à ramener à 2,9% l'ensemble des déficits publics, alors que, comme l'indique le tableau ci-après, les prévisions associées à la loi de finances initiale faisaient état d'un niveau de 3%.

DÉFICIT PUBLIC POUR 1998

(en % du PIB)

 

Prévision associée au PLF 1998
(septembre 1997)

Prévision associée au PLF 1999
(septembre 1998)

Estimation notifiée
(1er mars 1999)

·  Etat

- 3,1

- 3,05

- 3

·  Administrations de Sécurité sociale


- 0,1


- 0,15


- 0,2

·  Autres administrations

     

- Organismes divers d'administration centrale


+ 0,15


+ 0,15


+ 0,15

- Administrations publiques locales

+ 0,05

+ 0,15

+ 0,15

Total des administrations publiques

- 3

- 2,9

- 2,9

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

 

· L'adoption du SEC 95 par l'INSEE modifie les résultats obtenus avec l'utilisation de la base 80. Ainsi, les déficits publics s'élèveraient en fait à 2,7% en 1998, et non à 2,9% comme il résultait des données fournies à l'occasion de la notification de mars dernier à la Commission européenne. Pour 1997, le niveau du besoin de financement des administrations publiques reste fixé à 3%.

Le besoin de financement de l'Etat en 1998 reste inchangé quelle que soit la méthode utilisée, avec - 3%. Il en est pratiquement de même pour les organismes divers d'administrations centrales (+ 0,1% avec le SEC 95 contre + 0,15% notifiés).

L'origine des écarts observés réside donc, pour une part, dans les comptes des administrations de sécurité sociale et, surtout, des administrations publiques locales.

S'agissant des administrations de sécurité sociale, leur besoin de financement pour 1998 est ramené de 0,2% à 0,1% du PIB. Ce dernier niveau représente 9,7 milliards de francs, à comparer aux 40,6 milliards de francs enregistrés en 1997 (0,5% du PIB). L'amélioration est donc particulièrement significative. Globalement, les recettes des administrations de sécurité sociale ont augmenté de près de 5% en 1998, tandis que les prestations ont seulement progressé d'à peine plus de 3%.

Alors qu'en 1997 l'excédent dégagé par les administrations publiques locales avait déjà été important (22,7 milliards de francs), il s'est de nouveau accru en 1998, atteignant 28 milliards de francs, soit 0,3 point de PIB. Ce bon résultat s'explique par une croissance soutenue des recettes (+ 4,1%), qui a plus que compensé l'augmentation des dépenses (+ 3,6%).

S'agissant des recettes, le dynamisme observé résulte tout d'abord de la vive croissance de la fiscalité indirecte, notamment des droits de mutation à titre onéreux (+ 12,9% par rapport à 1997). Cette évolution reflète largement la reprise du marché immobilier. Quant à la fiscalité directe, sa progression s'établit à 4,1%, davantage du fait de la croissance des assiettes que de la progression des taux votés, somme toute modeste (1% environ). Enfin, les transferts provenant d'autres administrations publiques, particulièrement de l'Etat, ont crû de 3,7%.

Les dépenses ont connu une reprise certaine, passant de + 1% en 1997 à + 3,6% en 1998. Les dépenses d'investissement croissent en effet de 6%, après deux années consécutives de baisse, tandis que les rémunérations augmentent de 4,6% en raison de l'accord salarial de la fonction publique de février 1998 et de la montée en puissance du dispositif des emplois jeunes. Inversement, les charges d'intérêt ont de nouveau baissé (- 9,4%) en raison de la baisse des taux d'intérêt et d'une gestion active de la dette.

B.- LES PREMIERS RÉSULTATS ENCOURAGEANTS DE L'EXERCICE EN COURS S'INSCRIVENT FAVORABLEMENT DANS LE CADRE TRACÉ PAR LE PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES

1.- Le programme pluriannuel de finances publiques

· Le programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2002 constitue un exercice nouveau, prévu par le pacte européen de stabilité et de croissance. Les Etats membres sont, en effet, désormais tenus de notifier périodiquement à la Commission européenne des programmes à moyen terme. Ce nouvel instrument est destiné à jouer un rôle important dans la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro et dans le dialogue avec la Banque centrale européenne (BCE).

Ce type d'exercice présente l'avantage d'imposer une conception à moyen terme de l'action à mener en matière de finances publiques et donc de dépasser le strict cadre de l'annualité budgétaire. Son caractère non contraignant en fait un instrument de référence, sans pour autant enfermer les débats parlementaires ultérieurs dans un corset trop étroit.

Le premier programme de ce type a été notifié par la France à la Commission européenne début janvier 1999. Il a fait l'objet d'une présentation devant la Commission des finances, de l'économie générale et du plan par MM. Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter le 23 décembre 1998 (40). Compte tenu des débats qui ont déjà suivi cette présentation, votre Rapporteur général s'en tiendra à un rappel des principaux objectifs et hypothèses contenus dans ce programme, ces derniers formant désormais le cadre de référence s'agissant de l'évaluation des résultats en matière de déficit et de dette publics.

Le tableau ci-après résume l'ensemble des hypothèses et prévisions retenues.

HYPOTHÈSES ET PRINCIPAUX RÉSULTATS DU PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

Hypothèse prudente

Hypothèse favorable

Croissance annuelle du PIB (2000-2002)

2,5

3

Croissance cumulée des dépenses en volume, 2000-2002

 

Administrations publiques

3

Etat

1

Administrations sociales

4,6

Assurance maladie

3,5

Retraites

6

 


1998


1999

2002
Hypothèse prudente

2002
Hypothèse favorable

Déficit public

2,9

2,3

1,2

0,8

Dette publique

58,2

58,7

57,6 (a)

55,6 (a)

Dépenses publiques

54,3

53,5

51,5

50,6

Taux de prélèvement obligatoire

45,9

45,7

45,2

44,9

(a) Dette nette des dotations au Fonds de réserve des retraites provenant des excédents des régimes sociaux. La dette brute en pourcentage du PIB serait respectivement de 58,4% (hypothèse prudente) et 57,2% (hypothèse favorable).

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

En matière de croissance, deux hypothèses ont été retenues. La première est la plus favorable, avec une progression du PIB de 3% par an de 2000 à 2002. Comme l'indique le programme, « un tel scénario constitue l'objectif de notre politique économique ».

La deuxième hypothèse suppose que le déficit d'activité accumulé durant la première moitié de la présente décennie se résorberait moins rapidement, ramenant la croissance à 2,5% par an en moyenne sur la période 2000-2002.

Les objectifs du programme pluriannuel reprennent ceux suivis par le Gouvernement depuis juin 1997. Ils méritent d'être cités de nouveau :

« - assurer le financement des priorités du Gouvernement en fixant, en francs constants, le niveau des dépenses publiques souhaitable pour l'ensemble des administrations ;

« - poursuivre la réduction des prélèvements obligatoires pour favoriser l'emploi ;

« - assurer, en fonction du rythme de croissance de l'économie, une baisse graduelle du besoin de financement des administrations pour reconstituer nos marges de man_uvre et inverser la spirale de la dette. »

S'agissant des dépenses des administrations publiques, le programme présenté table sur une progression cumulée de 1% en volume sur la période considérée. L'effet de la baisse des taux d'intérêt et la stabilisation puis la décrue du ratio dette/PIB permettront des économies substantielles sur la charge de la dette. Ces économies rendront possible la mise en place et la montée en charge des grands chantiers de la législature que sont les emplois jeunes, la lutte contre les exclusions et la réduction du temps de travail. L'exécution du plan prévu suppose que soit maîtrisée l'évolution des dépenses de sécurité sociale, et tout particulièrement des dépenses d'assurance maladie, afin de dégager des marges de man_uvre suffisantes en vue de faire face aux conséquences du choc démographique des années 2005-2010 sur les régimes de retraite. Enfin, selon les projections du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les administrations publiques locales devraient conserver une capacité de financement comprise entre 0,2 et 0,3 point de PIB entre 1999 et 2002.

En matière de déficits publics, l'objectif affiché est de passer des 2,3% du PIB prévus pour 1999 à un niveau compris entre 1,2% (hypothèse prudente) et 0,8% du PIB (hypothèse favorable) en 2002. Cette réduction progressive bien en deçà du niveau maximum de déficits publics autorisés (3%) est indispensable pour disposer des marges des man_uvre nécessaires en cas de dégradation de la conjoncture.

Par ailleurs, la réduction des déficits est une condition nécessaire de la baisse du poids de la dette publique. Elle doit s'inscrire, en outre, dans le cadre de la diminution des prélèvements obligatoires.

La dette publique devrait être ramenée à 57,6% ou 55,6% du PIB, selon les hypothèses retenues, soit un niveau inférieur au ratio de 60% dette publique/PIB prévu par le traité de Maastricht. On rappellera que, si ces dernières années, ce ratio a toujours été respecté, il n'en reste pas moins que la dette a progressé de façon significative de 1993 à 1997. Les objectifs du programme pluriannuel marquent donc une véritable rupture.

Enfin, le taux des prélèvements obligatoires, calculé selon l'ancien mode de calcul de l'INSEE (« base 80 ») devrait être réduit, passant de 45,7% en 1999 à 44,9% selon l'hypothèse favorable. Comme il a déjà été exposé, le nouveau Système européen de compte SEC 95 permet d'ores et déjà d'atteindre des niveaux équivalents à cet objectif, avec 44,9% du PIB en 1997 et 1998. La validité du programme pluriannuel n'est cependant pas remise en cause, l'important consistant dans la prévision même d'une diminution des prélèvements obligatoires. On ne saurait en effet se satisfaire d'une baisse résultant seulement de conventions comptables : l'effort qui a permis la stabilisation des prélèvements obligatoires en 1998 doit être poursuivi et amplifié.

2.- Les premiers résultats de l'exécution 1999 sont, dans l'ensemble, favorables

·   La loi de finances pour 1999 a fixé à - 236,6 milliards de francs le solde général, soit une réduction de près de 11 milliards de francs par rapport au solde d'exécution constaté en 1998. Cet objectif permettrait de ramener à 2,7% le besoin de financement de l'Etat, confortant ainsi l'objectif concernant le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques, fixé à 2,3% du PIB.

Les estimations associées à la loi de finances faisaient par ailleurs état du maintien d'une capacité de financement des organismes divers d'administration centrale (0,1% du PIB) et des administrations publiques locales (0,15% du PIB). Les administrations de sécurité sociale devaient, selon ces prévisions, dégager une capacité de financement de 0,15% du PIB, alors que pour 1998 leur besoin de financement était évalué précisément à un montant de cet ordre.

S'agissant de l'exécution du budget de l'Etat, les derniers résultats disponibles, décrivant la situation au 30 avril dernier, sont encourageants. Ils doivent toutefois être abordés avec la prudence qui s'impose, s'agissant de données portant sur quatre mois seulement et sachant que ni le profil mensuel des dépenses, ni celui des recettes, ne présentent une régularité parfaite, loin s'en faut.

Quoi qu'il en soit, le solde général d'exécution s'établit à
- 169,8 milliards de francs, soit une diminution du déficit de l'ordre de 27,2 milliards de francs par rapport aux résultats observés au 30 avril 1998. Le rythme d'amélioration semble donc plus rapide que celui anticipé par la loi de finances initiale. Cette amélioration est presque intégralement imputable au budget général, dont les dépenses augmentent de 2,6% par rapport au niveau enregistré en mars 1998, tandis que les recettes progressent de 9,7%. Ce dernier résultat est largement dû aux encaissements réalisés au titre de l'impôt net sur les sociétés, qui augmentent de 37,6% par rapport aux résultats de l'année précédente.

S'agissant des autres sous-secteurs des administrations publiques, les seuls résultats partiels disponibles concernent les administrations de sécurité sociale. Lors de sa dernière réunion, le 31 mai 1999, la Commission des comptes de la sécurité sociale a modifié les prévisions initiales, notamment en ce qui concerne le régime général. Alors que le retour à l'équilibre de ce dernier était anticipé pour 1999, son déficit s'établirait, selon les dernières estimations, à 5,2 milliards de francs. Cette correction résulte pour partie de la prise en compte d'erreurs comptables ayant conduit à sous-estimer les déficits antérieurs. De plus, les recettes du régime général ont moins progressé que ce qui avait été prévu en septembre dernier, du fait de la révision à la baisse de la croissance de la masse salariale, passée de + 4,3% à + 3,8% à la suite de la révision de la prévision générale de croissance économique.

S'agissant des dépenses, le principal écart concerne la branche maladie. La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) devrait rester déficitaire à hauteur de 12,3 milliards de francs. Si ces évolutions appellent à l'évidence des mesures correctrices, afin notamment de respecter l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, leur impact sur le déficit public ne doit pas être surestimé. L'écart de 5,2 milliards de francs représente, en effet, 0,05% du PIB estimé pour 1999 selon les anciennes méthodes de comptabilité nationale.

Surtout, cet écart par rapport aux prévisions pour 1999 doit être remis en perspective avec les niveaux de déficit de la sécurité sociale atteints de 1995 à 1997 et compte tenu de l'ampleur du redressement opéré en 1998, comme l'atteste le tableau ci-dessous.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS
DE SÉCURITÉ SOCIALE

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

Régime général

- 65,3

- 46,1

- 28,5

- 13,7

Régime d'indemnisation du chômage

+ 22,2

+ 17,0

- 3,3

- 3,3

Fonds spéciaux

+ 1,1

- 0,6

+ 1,4

+ 1,4

Régimes complémentaires

- 6,5

- 9,0

- 3,4

+ 5,8

Autres régimes (1)

- 3,7

- 1,0

- 5,2

- 1,7

Ensemble des régimes d'assurance sociale

- 52,1

- 39,8

- 39,0

- 8,0

Organismes dépendant des assurances sociales

- 0,2

- 1,0

- 1,6

- 1,7

Administrations de sécurité sociale

- 52,4

- 40,7

- 40,6

- 9,7

(1) Les autres régimes regroupent les régimes particuliers de salariés, les régimes de non salariés et les régimes agricoles.

Source : Les comptes des administrations publiques en 1998, INSEE-Première, n° 646, mai 1999.

Comme on peut le constater, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale a été ramené de 40,6 milliards de francs en 1997 à 9,7 milliards de francs en 1998, l'amélioration du besoin de financement du régime général ayant, pour sa part, représenté près de 15 milliards de francs.

Dans l'ensemble, les recettes des administrations de sécurité sociale ont augmenté d'environ 5%, tandis que les prestations ont vu leur croissance limitée à 3%.

En ce qui concerne le régime général, l'évolution favorable s'explique tout d'abord par la croissance de la masse salariale et du taux de recouvrement et, ensuite, par les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1998.

Cette dernière a notamment poursuivi la substitution de la CSG aux cotisations salariales maladie, après une première étape de transfert intervenue en 1997. Ainsi, ce sont 4,1 points de CSG qui ont été substitués à 4,75 points de cotisations, ce qui a donné un supplément de pouvoir d'achat aux salariés. Toutefois, l'assiette plus large de la CSG, qui touche notamment les revenus du capital, et l'alignement sur cette assiette des prélèvements de 1% affectés à la CNAF et à la CNAV, ont permis de dégager un surplus de recettes pour le régime général. La branche maladie du régime général a par ailleurs bénéficié de mesures diverses sur les recettes pour un montant de 3 milliards de francs.

En matière de dépenses, la LFSS pour 1998 a transitoirement mis les allocations familiales sous conditions de ressources, pour une économie de l'ordre de 4 milliards de francs. Par ailleurs, la reprise de dette par la CADES, intervenue en début d'année 1998, a soulagé le régime général d'environ 2 milliards de francs de charges d'intérêt. On remarquera cependant que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été dépassé d'environ 9 milliards de francs.

S'agissant du besoin de financement des régimes d'assurance chômage, son apparente stabilité masque en réalité une détérioration du compte de l'UNEDIC, du fait d'une augmentation limitée du chômage indemnisable et du taux moyen d'indemnisation, et une amélioration du compte de l'Association pour la structure financière (ASF), à la suite de l'extinction du dispositif de garanties de ressources.

Quant aux régimes complémentaires de sécurité sociale, ils sont devenus excédentaires de près de 6 milliards de francs sous l'effet de la forte croissance des cotisations, les accords d'avril 1996 s'étant traduits notamment par l'augmentation de leur taux.

Enfin, parmi les autres régimes, ceux des travailleurs indépendants sont presque à l'équilibre après un déficit de 2,3 milliards de francs en 1997. Il convient cependant de ne pas exagérer la portée de cette amélioration, puisqu'en 1997 la CANAM avait dû verser exceptionnellement 1,4 milliard de francs à la CNAM, au titre du rattachement temporaire à la CANAM des médecins du secteur II en 1996.

· Les résultats et prévisions en matière de déficit et de dette publics ne peuvent être considérés isolément. Compte tenu de l'interdépendance économique de plus en plus étroite entre les différents Etats membres, les performances réalisées par la France doivent être replacées dans le contexte européen.

Les deux tableaux ci-dessous, extraits des prévisions économiques du printemps 1999 publiées par la Commission européenne, permettent d'apprécier les positions relatives des différents partenaires au sein de l'Union européenne.

BESOIN (-) OU CAPACITÉ (+) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1996

1997

Estimations 1998

Prévisions
1999

Scénario politiques inchangées 2000

Belgique

- 3,1

- 1,9

- 1,3

- 0,9

- 0,6

Danemark

- 0,9

0,4

0,8

2,8

2,9

Allemagne (1)

- 3,4

- 2,7

- 2,1

- 2,2

- 2,1

Grèce

- 7,5

- 3,9

- 2,4

- 2,1

- 1,9

Espagne

- 4,5

- 2,6

- 1,8

- 1,6

- 1,3

France

- 4,1

- 3,0

- 2,9

- 2,4

- 2,0

Irlande

- 0,3

1,1

2,3

2,5

3,1

Italie

- 6,6

- 2,7

- 2,7

- 2,3

- 2,1

Luxembourg

2,8

2,9

2,1

1,5

1,4

Pays-Bas

- 2,0

- 0,9

- 0,9

- 1,6

- 1,3

Autriche

- 3,7

- 1,9

- 2,1

- 2,0

- 1,9

Portugal

- 3,3

- 2,5

- 2,3

- 2,0

- 1,7

Finlande

- 3,1

- 1,2

1,0

2,5

2,7

Suède

- 3,5

- 0,7

2,0

0,3

1,8

Royaume-Uni

- 4,4

- 1,9

0,6

- 0,1

- 0,1

CE

- 4,1

- 2,3

- 1,5

- 1,5

- 1,3

Eur-11

- 4,1

- 2,5

- 2,1

- 1,9

- 1,7

(1) Hors reprises de dettes et d'actifs liés à l'unification par le Gouvernement fédéral en 1995 (Treuhand, sociétés immobilières est-allemandes et Deutsche Kreditbank), représentant un total de 27,5 milliards de DM.

Source : Commission des Communautés européennes.

DETTE BRUTE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1994

1995

1996

1997

Estimations 1998

Prévisions 1999

Scénario politiques inchangées 2000

Belgique

135,1

132,2

128,0

123,4

117,3

113,4

109,7

Danemark

76,5

72,1

67,4

63,6

58,1

54,7

50,4

Allemagne

49,9

58,3

60,8

61,5

61,0

61,2

61,2

Grèce

109,3

110,1

112,2

109,4

106,5

105,4

103,8

Espagne

61,3

64,2

68,6

67,5

65,6

64,7

62,4

France

48,6

52,8

55,7

58,1

58,5

59,3

59,2

Irlande

86,5

78,9

69,4

61,3

52,1

42,6

34,5

Italie

125,7

125,3

124,6

122,4

118,7

116,0

112,6

Luxembourg

5,5

5,8

6,3

6,4

6,7

7,6

8,1

Pays-Bas

77,8

79,0

77,0

71,2

67,7

67,0

65,4

Autriche

65,6

69,4

69,8

64,3

63,1

62,7

62,0

Portugal

63,8

65,9

64,9

61,7

57,8

55,8

54,2

Finlande

59,6

58,1

57,8

54,9

49,6

46,2

43,1

Suède

79,3

78,0

77,2

76,9

75,2

69,7

65,2

Royaume-Uni

50,6

53,0

53,6

52,1

49,4

47,7

45,7

CE

67,8

70,9

72,8

71,7

69,7

68,6

67,0

Eur-11

69,5

72,9

75,3

75,1

73,4

72,6

71,2

Source : Commission des Communautés européennes

La Commission européenne note que d'importants progrès ont été accomplis ces dernières années en matière d'assainissement budgétaire, puisqu'après avoir culminé à 6,1% du PIB en 1993, le déficit public dans l'Union européenne est tombé à 2,3% en 1997 et 1,5% en 1998. Selon elle, l'essentiel des progrès enregistrés l'an dernier sont imputables à une croissance plus forte que prévu et à la baisse des paiements d'intérêts. Le déficit moyen de la zone euro est plus important (2,1% du PIB en 1998) et il a diminué plus lentement l'année dernière.

En ce qui concerne les prévisions pour 1999, la Commission européenne relève une croissance plus lente et des efforts d'ajustement budgétaire relativement modestes qui devraient se solder, au niveau de l'Union, par le maintien du déficit moyen à 1,5% du PIB. On notera toutefois que la plupart des pays n'ont pas encore présenté de mesures budgétaires détaillées pour l'an 2000, celles-ci étant encore en cours d'élaboration. Les données présentées selon le scénario dit des « politiques inchangées » doivent donc être considérées comme largement indicatives. Selon cette hypothèse, il est possible d'escompter une contraction du déficit moyen, aussi bien dans l'Union européenne (à 1,3% du PIB) que dans la zone euro (à 1,7% du PIB). Le solde budgétaire devrait rester excédentaire dans cinq Etats membres (Danemark, Irlande, Luxembourg, Finlande, Suède) et proche de zéro au Royaume-Uni.

On remarquera que le rythme d'assainissement prévu pour la France en 1999 et 2000 est nettement plus rapide que la moyenne communautaire ou de la zone euro, même si le déficit public français reste à un niveau moyen relativement plus élevé.

S'agissant de la dette publique, le ratio dette publique/PIB dans l'Union européenne, qui a culminé à 72,8% du PIB en 1996, devrait continuer à décliner pour s'établir à 67% en 2000. En 1998, sept Etats membres, dont la France, présentaient un ratio de dette inférieur à la valeur de référence de 60% du PIB. L'évolution de la dette publique française présente néanmoins certaines particularités. Si elle a toujours été contenue en-dessous des 60% du PIB, sa croissance n'en a pas moins été considérable ces dernières années. De 1994 à 1997, elle est, en effet, passée de 48,6% à 58,1% du PIB. Cette très forte croissance est désormais nettement ralentie, avec un niveau estimé à 58,5% en 1998. Le niveau de la dette devrait atteindre un point haut en 1999, même s'il résulte d'une croissance de l'endettement beaucoup plus faible qu'auparavant (+ 0,8 point de PIB contre + 4,2 points de PIB en 1995, par exemple), puis décroître légèrement en 2000, traduisant le retour à la maîtrise de la dette publique, après les dérapages préoccupants observés précédemment.

III.- LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DANS LE RESPECT DE PRIORITÉS BIEN AFFIRMÉES, POINT DE PASSAGE OBLIGÉ DE L'ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE

La « maîtrise des finances publiques » et la « maîtrise des dépenses publiques » constituent, depuis quelques années, l'une des figures imposées du discours politique. Pourtant, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres et, dans un passé pas si lointain, les performances effectives se sont souvent éloignées des intentions affichées. Le Gouvernement actuel a su éviter cet écueil et a affirmé, dès son entrée en fonction, sa volonté de conjuguer le financement des actions prioritaires visant à renforcer la croissance solidaire et la nécessaire rigueur dans la gestion des comptes de l'État et des autres administrations publiques.

Depuis lors, et avec ténacité, le Gouvernement de M. Lionel Jospin s'est attaché à faire entrer dans les faits les règles nouvelles qui doivent désormais guider la gestion des ressources publiques.

A cet égard, votre Rapporteur général se réjouit du glissement sémantique dont a fait l'objet depuis deux ans l'expression « maîtrise des dépenses ». Trop longtemps entendue comme le prétexte d'une approche déflationniste de la dépense publique - aux conséquences redoutables pour l'économie nationale - elle recouvre aujourd'hui une réalité fort différente : la définition d'une (ou plusieurs) norme(s) d'évolution des dépenses destinée à « garantir la continuité des efforts » budgétaires, selon l'heureuse formulation employée dans le programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne en janvier dernier (41).

Dans cette perspective, la maîtrise des dépenses de l'État n'est pas un slogan creux aux conséquences impalpables, ni, au contraire, un dogme inflexible qui conduirait à des difficultés économiques. Elle s'appuie sur la définition de priorités claires et suppose la constitution de marges de man_uvre susceptibles de faciliter le redéploiement de l'action de l'État.

A.- QUELLES MARGES DE MAN_UVRE ?

La détermination des marges de man_uvre budgétaires est un exercice techniquement difficile et politiquement délicat. Il faut faire le départ entre les charges sur lesquelles il est possible d'enregistrer, passivement, des économies de pure constatation, celles sur lesquelles les hypothèses économiques et financières permettent d'escompter un allégement de la dépense, enfin les charges pour lesquelles un abattement volontaire des moyens disponibles peut être décidé.

La charge de la dette publique appartient, sans ambiguïté, à la première catégorie. Dans une conjoncture économique porteuse comme celle que connaît notre pays depuis la seconde moitié de l'année 1997, les dépenses relatives à l'emploi et, éventuellement, à certaines formes d'intervention sociale peuvent s'infléchir naturellement à la baisse et relèvent donc de la deuxième catégorie. Les contours de la troisième sont à la discrétion des autorités gouvernementales qui proposent leurs choix à l'approbation du Parlement : c'est le domaine par essence de la décision politique.

Cependant, la recherche de marges de man_uvre se heurte bien vite à la rigidité de la dépense publique. Phénomène maintes fois souligné par la Cour des comptes, dernièrement encore dans son Rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la rigidité de la dépense publique est incontestablement une contrainte : elle limite les possibilités de redéploiement et, à l'extrême, heurte quelque peu le principe même de l'autorisation parlementaire annuelle, dans la mesure où elle conduit à une sorte de « carte forcée ».

Il faut pourtant bien voir que la rigidité de la dépense publique ne fait que traduire, au plan budgétaire, l'insertion de l'action de l'État dans un faisceau de relations de nature quasi contractuelle, qui n'est autre que la traduction d'une certaine modernité de l'action publique. L'État, qui ne peut ni ne doit désormais décider tout seul, se « lie les mains » pour mieux parvenir à ses fins.

En ce sens, les marges de man_uvre budgétaires entretiennent une dialectique complexe avec les engagements politiques - et leurs conséquences financières - des gouvernements successifs. On pourrait presque dire de ces engagements qu'ils ne limitent pas les marges de man_uvre, mais qu'ils occupent facilement l'espace laissé par elles.

L'action du Gouvernement actuel n'échappe pas à ce paradoxe apparent. L'allégement prévu des charges de la dette assouplit le cadre général de définition du budget 2000, tandis que les grands projets de la législature, qui montent en puissance, pèsent d'un poids nécessaire, mais accru.

1.- Malgré un soulagement bienvenu en 2000, la « spirale de la dette » de l'État ne serait pas encore définitivement brisée

Comme le souligne fort justement le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans sa réponse à une question posée par votre Rapporteur général, « les premières perspectives d'évolution de la charge de la dette en 2000 sont à ce stade difficiles à déterminer compte tenu de l'incertitude qui prévaut actuellement en matière d'évolution des taux d'intérêt à long terme ».

Pour autant, quelques éléments montrent que l'horizon s'éclaircit. En première approximation, l'évolution de la charge de la dette est constituée de deux composantes :

- un « effet volume », qui désigne le coût, en 2000, de l'accroissement de la dette de l'État en 1999. En toute rigueur, celui-ci résulte du déficit en gestion des lois de finances exécutées en 1999 (année calendaire) et non du déficit en exercice des lois de finances pour 1999, d'une part, et du flux net de dettes enregistré dans les comptes de l'État, d'autre part. Pour effectuer des évaluations prospectives, il est d'usage de retenir le chiffre du déficit en exercice prévu dans la loi de finances initiale et de tenir pour nuls les flux nets de dettes (42) ;

- un « effet coût », qui traduit le renchérissement ou les économies constatées du fait de l'évolution des taux d'intérêt portant sur l'encours de dette en début d'année. L'effet coût provient du refinancement, aux conditions de taux actuelles, de titres émis antérieurement qui arrivent à échéance.

Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « cet effet volume engendre [en 2000] une progression tendancielle des charges de la dette de 8,2 milliards de francs, dans la mesure où le besoin de financement est couvert pour partie par des OAT (43) (taux moyen constaté de 4% depuis le début de l'année) et par des BTAN (44) (taux moyen de 3%) ».

Compte tenu d'un déficit (prévisionnel) en exercice égal à 236,6 milliards de francs en 1999, ce chiffrage implique qu'en 1999, le volume des émissions d'OAT destinées au seul financement du déficit s'élève à 110 milliards de francs et celui des BTAN à 126,6 milliards de francs.

Au regard de l'effet prix, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indique que « le refinancement aux conditions actuelles du marché de 55 milliards de francs d'OAT "anciennes" à un taux moyen de 8,4% et de 179 milliards de francs de BTAN à 5,5% dégage une économie de 6,9 milliards de francs. Enfin, la baisse des taux courts de 100 points de base sur un encours moyen de BTF (45) de 350 milliards de francs en année pleine dégage tendanciellement une économie de 3,5 milliards de francs. L'effet prix est favorable au total de 10,4 milliards de francs ».

Le montant des titres échus en 1999 (OAT et BTAN) indiqué dans la réponse peut surprendre. En effet, l'examen de la composition de la dette de l'État au 1er janvier 1999 (46) montrait que trois lignes d'OAT arrivent à échéance en 1999 : la TMB 25 janvier 1999 (23,9 milliards de francs), l'emprunt d'État 11% 21 février 1999 (6,1 milliards de francs) et l'OAT 8,125% 25 mai 1999 (48,8 milliards de francs), soit un total de 78,8 milliards de francs. Un arrêté du 14 janvier 1999 a fixé à 3,46833% la valeur du coupon à échéance du 25 janvier 1999 pour les OAT à taux variable TMB de même échéance. Ainsi, le taux moyen des titres longs échus en 1999 s'établit à 6,9% et le gain de refinancement peut être évalué à 2,3 milliards de francs (47).

De même, trois lignes de BTAN arrivent à échéance en 1999 : le BTAN 5% 16 mars 1999 (15 milliards de francs), le BTAN 4,75% 12 avril 1999 (120,7 milliards de francs) et le BTAN 7% 12 novembre 1999 (58,7 milliards de francs), soit un total de 194,3 milliards de francs de titres échus. Le taux moyen de ces titres s'établit à 5,4% et le gain de refinancement peut être évalué à 4,8 milliards de francs.

En définitive, l'effet prix sur les titres à moyen et long terme ressort à 7 milliards de francs.

Votre Rapporteur général remarque que les informations communiquées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans le cadre de la réponse à ses questions, supposent une modification profonde du tableau de financement de l'État tel qu'il a été officiellement présenté aux investisseurs au début de l'année 1999.

En effet, le financement de l'État serait assuré, selon la réponse du ministère, par 110 + 79 milliards de francs d'OAT et par 126,6 + 194,3 milliards de francs de BTAN, soit respectivement 189 milliards de francs d'OAT et 321 milliards de francs de BTAN, pour un besoin de financement total égal à 510 milliards de francs. Or, si le tableau de financement publié en janvier 1999 est bien fondé sur un besoin de financement de 510 milliards de francs (48), il fait apparaître des ressources de financement à moyen et long terme qui se répartissent entre les OAT et les BTAN à hauteur respectivement de 285 et 230 milliards de francs (49).

TABLEAUX PRÉVISIONNELS DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT EN 1999 (a)

(en milliards de francs)

 

Tableau publié en janvier 1999

Tableau déduit de la réponse au questionnaire

Déficit budgétaire

236,6

236,6

Amortissement de la dette à long terme

78,8

78,8

Amortissement de la dette à moyen terme

194,5

194,5

Besoin de financement

510,0

510,0

Émissions d'OAT

285,0

189,0

Émissions de BTAN

230,0

321,0

Capacité de financement à moyen et long terme

515,0

510,0

Variation nette des BTF

+25,0

+30,0

Variation des dépôts des correspondants

- 30,0

- 30,0

Capacité de financement

510,0

510,0

(a) Une fois exclus l'amortissement des engagements de l'État ou repris par l'État (10 milliards de francs) et un volume de 10 milliards de francs d'OAT destiné à couvrir cet amortissement.

Cette divergence pourrait apparaître surprenante : l'État évite généralement de modifier les conditions de ses appels au marché. En fait, les évaluations fournies à votre Rapporteur général ont été effectuées à partir d'un modèle d'évaluation à moyen terme de la charge de la dette, dont les résultats ramenés à l'horizon de l'année en cours diffèrent quasi nécessairement du programme de financement arrêté en début d'année par la direction du Trésor. Seul ce programme doit être considéré comme l'engagement de l'État vis-à-vis des marchés.

Si l'on prend pour base d'évaluation les montants des émissions d'OAT et de BTAN inscrits dans le tableau originel, l'effet volume apparaît légèrement plus favorable dans le chiffrage associé au débat d'orientation budgétaire, puisqu'il s'établit à 8,2 milliards de francs selon la réponse ministérielle, au lieu de 205 × 4% soit 8,2 milliards de francs pour les OAT et 35 × 3% soit 1,1 milliard de francs pour les BTAN, donc 9,3 milliards de francs au total à l'origine.

En tout état de cause, la charge de la dette devrait diminuer entre 1999 et 2000 d'un ou deux milliard de francs. Cette performance confère à l'année 2000 un caractère exceptionnel puisqu'elle confirme l'inflexion tendancielle de la charge de la dette amorcée en 1997. Votre Rapporteur général ne peut manquer de rappeler que la charge nette de la dette avait progressé de 26,1 milliards de francs en 1994, de 20,2 milliards de francs en 1995 et encore de 13,7 milliards de francs en 1996.

L'étau de la dette se desserre légèrement : les charges d'intérêt, qui représentaient 19,6% des recettes fiscales en 1996 n'en absorberaient plus que 18,8% en 1999 et un pourcentage encore moindre en 2000.

Cependant, la dynamique autonome de la dette de l'État n'est pas encore rompue. Le taux apparent de la dette restant supérieur au taux de croissance nominale du PIB, le ratio d'endettement de l'État ne pourrait être stabilisé que par le maintien d'un excédent primaire ad hoc.

ENCOURS DE LA DETTE DE L'ÉTAT AU 31 DÉCEMBRE (a)

(en milliards de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

I. Dette négociable

2.133,59

2.480,36

2.829,33

3.112,14

3.377,60

3.674,97

Part dans la dette totale

86,7

85,4

86,9

87,9

89,1

91,4

A. Dette à long terme

1.352,56

1.559,96

1.774,27

2.022,23

2.170,37

2.384,59

dont OAT

1.216,06

1.429,95

1.652,44

1.900,28

2.160,99

2.375,26

(pour mémoire :OAT émises au profit du FSR)

(11,62)

(10,82)

(12,24)

(19,69)

(2,65)

(4,61)

B. Bons du Trésor

781,04

920,40

1.055,06

1.089,91

1.207,23

1.290,38

- BTF

188,88

238,73

294,63

270,66

270,48

309,57

(pour mémoire : BTF émis au profit du FSR)

(0,00)

(1,00)

(0,00)

(0,00)

(0,00)

(0,00)

- BTAN

592,16

681,67

760,42

819,25

936,75

980,81

(pour mémoire : BTAN émis au profit du FSR)

(0,99)

(4,92)

(5,97)

(1,30)

(1,65)

(1,31)

II. Dette non négociable

328,16

424,15

425,01

430,12

412,68

346,28

Engagements de l'Etat

77,60

74,89

68,45

54,70

37,24

28,21

Bons sur formule

15,19

12,61

10,19

9,64

14,03

15,15

Bons des organismes internationaux

57,87

62,62

58,95

57,08

56,36

49,83

Dépôts des correspondants du Trésor

324,84

362,66

382,59

395,31

414,37

451,24

Dette nette du Trésor envers la Banque de France

- 161,73

- 101,48

- 44,48

- 4,32

- 26,69

- 75,16

Créances nettes (-) des opérations de pension

   

- 64,01

- 96,00

- 96,86

- 137,64

Monnaies métalliques

14,38

12,86

13,31

13,73

14,23

14,65

TOTAL Dette de l'État

2.461,75

2.904,52

3.254,34

3.542,26

3.790,27

4.021,25

(a) Hors titres émis au profit du Fonds de soutien des rentes (FSR).

Source : Situation résumée des opérations du Trésor au 31 décembre de chaque année

Si l'on considère le montant de la dette tel que retracé dans le tableau ci-avant, au 31 décembre 1998, et la charge de la dette prévue en 1999, le taux apparent de la dette de l'État en 1999 s'élève à 237,2 / 4.021,2, soit 5,9%. En 2000, ce taux apparent diminuerait légèrement, puisqu'une charge d'intérêt de 235 milliards de francs s'appliquerait à un encours en début de période égal à 4.255 milliards de francs environ : il s'établirait ainsi à 5,5%.

Or, en 2000, sur la base des hypothèses présentées par le Gouvernement, le taux de croissance nominale du PIB serait, en première approximation, égal à la somme du taux de croissance du PIB en volume (2,75%, qui représente le milieu de la fourchette officielle de projection) et du taux d'inflation (0,9%), soit 3,8% environ. Le solde primaire stabilisant est égal approximativement au produit de l'encours de dette par le différentiel de taux, soit 4.255 × 1,7% = + 75 milliards de francs.

Il existe donc un décalage de 55 milliards de francs entre le solde primaire stabilisant et le solde primaire effectif prévu pour l'exercice 2000, qui est égal à + 20 milliards de francs. Des efforts sont encore nécessaires pour que l'État sorte définitivement de la spirale de l'endettement. L'effort déjà accompli doit être souligné, car la simple baisse des taux d'intérêt n'aurait pu permettre de parvenir aussi vite à ce résultat. Il aura fallu le retour d'une croissance vigoureuse, grâce à une réorientation judicieuse de la politique économique, pour que l'État puisse enfin commencer à se dégager du piège de la dette.

En dernier lieu, votre Rapporteur général tient à ajouter une précision destinée à éviter toute confusion : les développements antérieurs ne valent que pour le ratio d'endettement de l'État traité en comptabilité budgétaire. En considérant l'ensemble du périmètre des administrations publiques, les estimations de la direction de la prévision montrent que la stabilisation du ratio d'endettement public au sens des critères de Maastricht serait acquise dès l'exercice 2000, puis serait suivie d'une diminution du ratio d'endettement jusqu'à l'horizon 2002.

La maîtrise de la dette et des charges d'intérêt qu'elle génère nécessite une action soutenue et constante pendant plusieurs exercices. En ce sens, l'allégement prévu de la charge nette de la dette en 2000 est la conséquence financière d'une option résolue de politique économique.

Le programme du Gouvernement ne se limite pas à ces considérations comptables. De grands chantiers ont été engagés se développant sur la durée de la législature, qui commencent à porter leurs fruits et utilisent une partie des marges de man_uvre dégagées chaque année au profit des orientations prioritaires.

2.- Les incidences budgétaires du programme économique et social du Gouvernement s'inscrivent dans la durée

· L'un des premiers gestes du Gouvernement de M. Lionel Jospin a été de renouer le dialogue social avec les fonctionnaires, injustement mis à l'index par la précédente majorité. Le fruit de ce dialogue s'est concrétisé dans un accord salarial généreux mais juste, qui doit permettre un accroissement du pouvoir d'achat des fonctionnaires en 1998, 1999 et 2000, d'ailleurs renforcé pour les salaires les moins élevés, compte tenu de la nature des mesures adoptées.

Votre Rapporteur général rappelle qu'un effort particulier a été accompli en faveur des rémunérations les plus faibles : une attribution différenciée, selon l'indice, de points d'indice majorés qui intervient en deux temps (juillet 1998 et juillet 1999) ; l'amélioration des cinq échelles de traitement de la catégorie C, afin notamment qu'aucun salaire brut dans la fonction publique ne soit inférieur au SMIC ; enfin, une amélioration programmée des perspectives de carrière des fonctionnaires appartenant aux corps ou cadres d'emploi de la catégorie C, qui passe par un repyramidage du « nouvel espace indiciaire » (NEI) et de deux échelles de traitement.

Le coût de l'accord salarial n'a pas été réévalué depuis la précédente communication faite à ce sujet par votre Rapporteur général (50). Il a entraîné une dépense supplémentaire de 5,3 milliards de francs en 1998 par rapport à une base 1998 sans accord salarial. En 1999, le coût supplémentaire a atteint 14,8 milliards de francs en valeur cumulée par rapport à la base 1998 hors accord salarial ou 9,5 milliards de francs par rapport aux dotations effectives de l'exercice 1998. En 2000, le surcoût total par rapport à la base 1998 hors accord salarial devrait être de 23,3 milliards de francs, soit une progression de 8,5 milliards de francs par rapport aux dotations effectives de l'exercice 1999.

Cette présentation, naturellement axée sur les coûts budgétaires directs, ne doit pas conduire à occulter l'impact positif de l'accord salarial en termes économiques. Votre Rapporteur général pense notamment aux effets induits de l'augmentation des revenus des plus modestes, qui concerne des personnes ayant une plus grande propension à consommer que la moyenne nationale et apporte donc une contribution plus forte à la consommation des ménages. Pareillement, l'accord salarial a pu contribuer à soutenir la confiance des ménages. L'évaluation des « retours » en termes de recettes fiscales supplémentaires est peut-être un exercice difficile au plan technique, voire un peu vain au plan conceptuel, mais les développements précédents montrent que la notion de « retour » ne doit pas, en l'espèce, être entendue dans un sens trop comptable.

Parallèlement à l'effort entrepris pour les bas salaires dans le cadre de l'accord salarial de février 1998, le Gouvernement a arrêté un certain nombre d'orientations en faveur de l'encadrement supérieur de l'État, touchant tant à l'amélioration de la gestion des emplois, des compétences et des carrières qu'à l'adaptation des statuts ou l'harmonisation des régimes indemnitaires.

Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ces orientations touchent au développement de la formation continue, à l'amélioration des procédures d'évaluation des compétences et des performances, à la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs, à la mise en _uvre d'outils de gestion des parcours professionnels, à la réforme des modalités d'accès aux emplois de direction d'administration centrale, à l'harmonisation des carrières et des conditions d'accès aux emplois de direction de service déconcentré, à la revalorisation des inspections générales, au renforcement des capacités d'expertise et de conduite de projet, à l'harmonisation des régimes indemnitaires et la mise en place d'une nouvelle bonification indiciaire, à une revalorisation de la carrière des administrateurs civils et sous-préfets.

« A ce stade, seules des orientations générales ont été posées. Les modalités précises de mise en _uvre restent à définir ». Il n'est donc pas surprenant qu'aucun chiffrage ne soit associé à ce panel de mesures, dont certaines auront indubitablement un coût, mais aussi des effets positifs sur le service rendu au public.

· La loi du 16 octobre 1997 relative à l'emploi des jeunes a très tôt revêtu le caractère emblématique de la nouvelle politique développée par le Gouvernement, plus proche des aspirations des citoyens et plus directement tournée vers leurs besoins. D'ailleurs, la montée en charge du dispositif a été rapide, surtout à partir du second semestre de 1998. Près de 160.000 emplois ont été créés au 31 décembre 1998, associés à 120.000 embauches effectives. Il subsiste en effet, nécessairement, un décalage entre la signature de la convention entre l'État et l'employeur, qui marque l'instant de la création des emplois concernés, et les embauches afférentes à ces emplois.

Le caractère attractif du dispositif ne s'est pas démenti en 1999 : les embauches cumulées enregistrées entre janvier et avril 1999 (51) s'élèveraient à près de 38.000, ce qui correspond à un rythme annualisé de plus de 110.000 créations de postes. Il faut cependant noter que la performance des quatre premiers mois de 1999 est légèrement inférieure à celle des quatre premiers mois de 1998 : 41.000 postes avaient alors été créés sur la période.

Les associations sont les employeurs les plus dynamiques. Au 31 décembre 1998, elles avaient assuré près de 42% des embauches cumulées, coiffant d'une courte tête les collectivités locales (environ 40%). Les établissements publics assurent, pour leur part, environ 15% des embauches.

Votre Rapporteur général est particulièrement sensible aux données statistiques relatives à l'origine des jeunes qui entrent dans le dispositif. Selon un premier bilan dressé par le ministère de l'emploi et de la solidarité, plus de sept jeunes sur dix étaient à la recherche d'un emploi au moment de leur recrutement (52). Parmi ceux-ci, 80,7% étaient inscrits à l'ANPE et 22,4% étaient des chômeurs de longue durée ; 8,2% étaient bénéficiaires du RMI. A cet égard, les emplois-jeunes ont parfaitement rempli leur mission : redonner un travail socialement utile et valorisant à des jeunes privés de perspectives.

Autre signe encourageant, les embauches s'effectuent pour près de la moitié à des niveaux de salaires compris entre une fois et 1,2 fois le SMIC.

La dotation inscrite dans la loi de finances initiale pour 1998 s'élevait à 8.050 millions de francs. 2.733 millions de francs ont été versés au CNASEA pour le paiement des aides aux employeurs et 3.943 millions de francs ont été répartis du budget de l'Emploi vers les budgets de l'Éducation nationale et de l'Intérieur. Ces mouvements correspondent à la prise en charge budgétaire de près de 73.000 postes, pour un coût moyen d'environ 92.920 francs par bénéficiaire. Compte tenu du report de 1.127 millions de francs en provenance de l'exercice 1997 et intervenu en juin 1998, le solde des crédits non utilisés sur le chapitre 44-01 du budget de l'Emploi s'élevait à 2.461 millions de francs à la fin de l'exercice 1998.

Ce montant sera vraisemblablement reporté vers l'exercice 1999. Il viendrait ainsi abonder la dotation de 13.920 millions de francs prévue par la loi de finances pour 1999 (dont 125 millions de francs au titre des mesures d'accompagnement prévues par la loi du 16 octobre 1997).

Il est difficile de dresser pour l'heure quelques perspectives d'exécution budgétaire pour l'exercice en cours. En effet, un stock initial de 120 000 personnes engendre - si l'on ne tient pas compte de la revalorisation légale du SMIC qui devrait intervenir au 1er juillet prochain - une dépense de 11,3 milliards de francs en année pleine. Le report probable de 2,5 milliards de francs à partir de l'exercice 1998 viendrait porter les crédits disponibles après financement de ces 120.000 emplois à 5,1 milliards de francs environ. Ce montant de crédits est suffisant pour permettre la création de 100.000 emplois supplémentaires en 1999, étant entendu que ceux-ci seraient équivalents à 50.000 emplois en année pleine (53), générant une dépense tendancielle de 4,7 milliards de francs. Ces évaluations ne tiennent pas compte, cependant, des effets calendaires liés à l'entrée effective des jeunes embauchés dans les circuits de la dépense budgétaire. On peut en attendre une réduction de la dépense effective.

Dans ce contexte, les perspectives budgétaires pour l'exercice 2000 sont encore plus difficiles à cerner. Votre Rapporteur général n'a d'ailleurs reçu aucun élément d'appréciation sur ce point, en réponse à son questionnaire. Il est trop tôt pour déterminer si le niveau de consommation effectif des crédits permettra d'ajuster à la baisse la dotation initiale afférente à ce programme phare de l'action gouvernementale.

· La réduction du temps de travail est un autre axe important de l'action du Gouvernement et de sa majorité en direction des personnes démunies d'emploi. Sous l'impulsion de la loi du 13 juin 1998 (« première loi »), la négociation collective a pu s'engager sur la question des 35 heures et de la réorganisation des processus de production. Selon le ministère de l'emploi et de la solidarité, 1.610 accords de réduction du temps de travail avaient été signés à la fin du mois de mars 1999 (dont 1.271 en 1998).

Compte tenu des incertitudes qui entourent la définition des grandes lignes de la « deuxième loi », votre Rapporteur général se contentera ici de rappeler les termes du débat :

- au plan juridique, les questions qui doivent être tranchées par la deuxième loi concernent, pour l'essentiel, l'opportunité d'instaurer ou non une période transitoire au-delà du 1er janvier 2000, la taxation éventuelle des heures supplémentaires, la détermination du contingent des heures supplémentaires, le traitement du SMIC, la question du temps de travail des cadres ;

- au plan budgétaire, le financement de l'aide structurelle doit faire l'objet d'une répartition entre les différents acteurs. Il apparaît légitime de tenir compte des « retours » dont pourront bénéficier ces acteurs : augmentation des cotisations sociales, économies dues à l'arrêt de l'indemnisation des personnes initialement sans emploi, recettes d'origine fiscale. Les termes de l'analyse sont présentés de façon détaillée dans le Rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire (juin 1999).

· Sur la couverture maladie universelle, projet encore en cours de discussion, votre Rapporteur général a reçu du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie les éléments d'information suivants.

Question : Présenter de façon détaillée les répercussions financières de la couverture maladie universelle sur les comptes de l'État et des administrations de sécurité sociale en 1999 et 2000.

Réponse :

Le projet de loi relatif à la couverture maladie universelle contient deux innovations majeures :

1) l'institution d'un régime d'affiliation, sur critère de résidence stable et régulière, ouvert à toute personne n'ayant droit à aucun titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance-maladie-maternité.

Les conséquences financières de cette opération pour les administrations publiques sont les suivantes :

a) Pour la branche maladie du régime général, la conséquence principale de l'introduction de la CMU est la suppression du régime de l'assurance-personnelle à compter du ler janvier 2000.

Toutefois, l'impact financier de cette suppression sera réduit. En effet, l'essentiel des cotisations au régime de l'assurance-personnelle (7.047 MF sur un total de 7.487 MF en 1997) fait aujourd'hui l'objet d'une prise en charge (par les départements, la branche famille, le Fonds de Solidarité Vieillesse et l'État), la part effectivement acquittée par les assurés se réduisant à 440 MF. Or le projet de loi relatif à la couverture maladie universelle prévoit un recyclage intégral au profit de la branche maladie du régime général, des financements affectés à cette prise en charge.

Par ailleurs, au-delà d'un plafond de ressources à fixer par décret, les personnes affiliées sur critère de résidence seront redevables d'une cotisation.

Enfin, l'extension du champ des personnes couvertes au titre de l'extension de la couverture de base se traduira pour la CNAMTS par un surcoût estimé à 600 MF.

Au total, la charge nette de ces différentes opérations pour le régime général devrait être proche de 1 MdF.

b) Pour les autres administrations publiques (départements, État, FSV), l'impact de l'institution d'un régime d'affiliation sur critère de résidence au titre de la couverture de base est neutre en termes financiers puisque le schéma de financement retenu consiste à opérer un recyclage des économies nettes réalisées du fait de la suppression des prises en charge des cotisations à l'assurance-personnelle.

 

2) La création d'une couverture complémentaire, sous condition de ressources, financée par un établissement public, le « fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ».

Ce fonds aura pour mission :

- d'assurer le remboursement aux régimes de base d'assurance-maladie des dépenses qu'ils auront consacrées au financement de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU ;

- de rembourser sur une base forfaitaire, les dépenses encourues au titre de cette même « couverture complémentaire CMU » par les organismes de protection complémentaire.

Les recettes de ce fonds seront alimentées par le produit d'une contribution des organismes de protection complémentaire et pour le solde, par une contribution de l'État, financée notamment grâce aux économies réalisées sur les crédits consacrés aujourd'hui par l'État et les départements à la prise en charge de la part complémentaire des remboursements de soins des publics bénéficiaires de l'aide médicale.

Compte tenu de la date de promulgation de la loi, celle-ci ne devrait pas avoir d'impact majeur sur les finances publiques en 1999. Les conséquences financières exactes sur 2000 seront fixées dans le PLF et le PLFSS. En particulier, l'abattement à réaliser sur le DGD et les concours de l'État au « fonds CMU » seront fixés d'ici l'été.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

· S'agissant de la lutte contre les exclusions, qui a également donné lieu à une « loi cadre » (loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions), votre Rapporteur général rappellera que près de 7,7 milliards de francs y sont consacré en 1999, dont 5,4 milliards de francs de mesures nouvelles. Les principaux axes de financements touchent à :

- la mise en _uvre du programme Trace (Trajectoire d'accès à l'emploi) appuyé par la création de 30 missions locales et de 300 emplois co-financés par les collectivités territoriales ;

- le développement de la formation en alternance, avec des dotations correspondant au financement de 30 000 emplois supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 ;

- la création d'un dispositif expérimental de contrat de qualification à destination des adultes, qui mobilise près de 350 millions de francs ;

- diverses mesures relatives au droit au logement, qui représentent une inscription budgétaire de 240 millions de francs environ ;

- l'extension au-delà de seize ans du système des bourses des collèges, qui représente une dépense prévisible de plus de 400 millions de francs en 1999.

Les engagements budgétaires dus aux orientations politiques de l'actuelle majorité sont donc nombreux et variés. Ils traduisent l'exigence de croissance solidaire exprimée par le suffrage universel en 1997.

Si l'on additionne le coût supplémentaire en 2000 de l'accord salarial dans la fonction publique (8,5 milliards de francs), l'effet du « glissement vieillesse-technicité » (GVT) dans la fonction publique (3,7 milliards de francs (54)) et le financement éventuel d'un nouveau contingent de 100 000 emplois-jeunes supplémentaires en 2000 (4,7 milliards de francs), il apparaît que le volant de crédits supplémentaires susceptibles d'être ouverts au budget de l'État par la loi de finances initiale pour 2000, du fait de l'application de la règle définie par le Premier ministre (55), est d'ores et déjà quasiment couvert par les dépenses résultant de deux engagements politiques majeurs et, de façon plus limitée et plus traditionnelle, à ce phénomène purement mécanique qu'est le GVT.

La définition de priorités pour l'action publique et l'encadrement des dépenses à moyen terme en deviennent des objectifs encore plus impérieux.

B.- LA MAÎTRISE DES DÉPENSES REPOSE SUR UNE SÉLECTION RIGOUREUSE DES PRIORITÉS ET SUR UN EFFORT D'ENCADREMENT À MOYEN TERME

1.- Les priorités affirmées pour le budget 2000

Le Premier ministre a défini dans les lettres de cadrage du 19 avril 1999 la stratégie budgétaire du Gouvernement pour l'année 2000. L'objectif est de ramener le déficit de l'État entre 2,3% et 2,5% du PIB, soit une baisse d'une vingtaine de milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1999. Dans cette optique, le déficit devrait s'inscrire à 215 milliards de francs environ, la fourchette retenue pour son rapport au PIB résultant en fait de l'incertitude affichée aujourd'hui sur la mesure de la croissance du PIB.

Le respect de cet objectif, ainsi que l'étroitesse des marges de man_uvre soulignée dans les développements précédents, suppose de redéployer les moyens de l'État au profit des priorités du Gouvernement. Votre Rapporteur général se réjouit de constater que ces priorités sont identiques à celles déterminées depuis l'été 1997. Cette politique, clairement explicitée au cours du débat électoral de 1997, choisie par les Français sur la base de cette confrontation d'idées, déclinée ensuite dans la définition précise d'actions politiques fortes, se trouve ainsi confortée et pérennisée comme l'un des liens fondamentaux entre les citoyens et les responsables des affaires de la France.

Ainsi, l'emploi, la lutte contre l'exclusion, l'éducation, la justice, l'environnement, la culture et la sécurité seront à nouveau placés en 2000 au c_ur des interventions de l'État. La priorité accordée à ces budgets a été soulignée dans les lettres de cadrage.

Le calibrage des dispositifs de la politique de l'emploi sera ajusté en fonction de l'amélioration attendue du marché du travail en 1999 et 2000. En matière de réduction du temps de travail, les aides publiques seront financées grâce au recyclage des recettes supplémentaires liées aux effets de la baisse de la durée du travail. Les évaluations de la direction de la prévision, qui chiffrent à 2 milliards de francs en 1999 et 20 milliards de francs en 2000 les « retours » positifs des 35 heures en direction des finances publiques, fixent ainsi une borne supérieure au montant des aides susceptibles d'être accordées sur la période.

La priorité accordée par le Gouvernement aux missions de sécurité accomplies par les différents services de l'État sera maintenue. Elle se traduira dans le projet de loi de finances pour 2000 par l'aboutissement du programme de recrutement de 20 000 adjoints de sécurité et par la mise en _uvre des décisions arrêtées lors du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, en particulier celles concernant la police de proximité.

MESURES DÉCIDÉES AU CONSEIL DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE
DU 27 JANVIER 1999

1 - Assurer une présence effective dans les quartiers et les lieux sensibles :

- Affectation de 7.000 agents supplémentaires (policiers et gendarmes) sur trois ans dans les 26 départements les plus touchés par la délinquance, dont 1.900 dès cette année.

- Création de 30 nouvelles maisons de justice et du droit en 1999, en plus des 29 fonctionnant déjà dans les zones sensibles.

- Ouverture en 1999 de neuf nouveaux postes de police dans les gares d'Ile-de-France, en plus des trois installés en 1998.

- Développement de la police de proximité par la création de "commissariats territorialisés" dans 30 départements, et renforcement des effectifs consacrés à l'îlotage.

2 - Améliorer l'efficacité de la réponse aux actes de délinquance :

- Doublement du nombre des délégués du procureur, qui passera de 200 actuellement à 400 d'ici fin décembre 1999.

- Création de 50 "centres de placement immédiat et strictement contrôlés" d'ici "à 2001, dont 15 dès cette année" pour éloigner "les mineurs délinquants les plus difficiles dans l'attente d'être jugés". Ces centres, qui dépendront du ministère de la Justice, permettront une "prise en charge éducative renforcée jour et nuit".

- Accélération du programme de développement des centres éducatifs renforcés afin de disposer d'un total de 100 unités à la fin de l'année 2000, soit 77 centres supplémentaires par rapport à la programmation initiale.

- Création de 1.000 emplois d'éducateurs d'ici 2001 - dès 1999 un concours exceptionnel sera organisé - de 50 postes de juges pour enfants, de 25 substituts des mineurs et de 80 greffiers spécialisés. Recrutement de 2.500 emplois jeunes pour l'encadrement dans les centres et les foyers.

- Circulaire aux procureurs pour demander un recours plus fréquent à la circonstance aggravante de "bande organisée".

3 - Préserver l'école de la violence et de la délinquance et amplifier les actions en faveur de la jeunesse :

- Amplification du plan de lutte contre la violence à l'école : élargissement des zones géographiques prioritaires et recrutement de 10.000 aides-éducateurs supplémentaires.

- Programme de partition des collèges.

- Le nombre de classes-relais passera de 130 en juin 1999 à 250 au cours de l'année scolaire 1999-2000. Création d'ici fin 1999 d'une trentaine d'internats pour les élèves des classes-relais.

- Circulaire demandant aux procureurs de requérir plus systématiquement des peines aggravées pour les actes commis à l'encontre des enseignants.

- Action en faveur de l'intégration des jeunes les plus défavorisés par les armées et amélioration de la part des "jeunes des quartiers" dans les recrutements emplois-jeunes.

Source : Agence France Presse

La préparation du budget 2000 de l'Éducation nationale devrait intégrer les réformes décidées dernièrement par le Gouvernement. La priorité accordée par le Gouvernement à la rénovation de la justice sera poursuivie en 2000. La réforme des tribunaux de commerce et les décisions des derniers conseils de sécurité intérieure seront mises en _uvre. Le Gouvernement prévoit également de poursuivre le plan de réforme de la justice.

S'agissant du budget de la Culture, le budget 2000 permettra de poursuivre la progression vers l'objectif de 1% des dépenses de l'État. Les décisions prises en matière de réforme du secteur audiovisuel donneront lieu aux financements publics nécessaires.

Enfin, après la forte progression de ses moyens décidée pour l'exercice 1999 - indépendamment même des effets comptables résultant de la création de la taxe générale sur les activités polluantes et de son intégration au budget de l'État - le budget de l'Environnement resterait une priorité en 2000.

« Afin de financer ces priorités, les crédits des autres ministères feront l'objet d'économies dans des conditions comparables aux années 1998 et 1999 durant lesquelles, en moyenne, 30 MdF avaient été redéployés. Enfin, le Premier ministre reconduit l'objectif de stabilisation des emplois civils de l'État. »

« Ainsi que l'indiquent les lettres de cadrage du Premier ministre, les dépenses de l'État progresseront au total au même rythme que l'inflation (+ 0,9%) et seront donc stabilisées en volume. Hors le service de la dette, les dépenses progresseront de 0,3% en volume. »

Ces indications correspondent à une progression des crédits totaux du budget général de 15,2 milliards de francs environ, alors que les crédits du budget général hors crédits correspondant à la charge nette de la dette (56) augmenteront de 17,4 milliards de francs.

Cette règle à double formulation est claire. Toutefois, il convient de s'interroger sur les conséquences d'une éventuelle révision des charges de la dette entre le débat d'orientation budgétaire et le bouclage du projet de loi de finances pour 2000. Quelle déclinaison de la norme sera retenue pour déterminer l'évolution des crédits du budget général ? Si le Gouvernement retient la formulation qui fait référence aux crédits globaux du budget général, toute aggravation de la prévision de charge de la dette réduira à due concurrence les crédits alloués aux autres actions de l'État. Si, au contraire, le Gouvernement accorde sa préférence à la formulation qui fait référence aux crédits nets des charges de la dette, leur évolution devient indifférente aux éventuelles révisions de cette charge de la dette, mais c'est l'évolution globale des crédits du budget général qui s'éloigne alors du principe de stabilisation en volume.

Pour autant, il convient de ne pas accorder une importance excessive à un phénomène d'ampleur tout à fait marginale au regard du volume total des crédits du budget général. Plus essentielle est l'insertion des dépenses de l'État dans un système de normes destinées à encadrer leur évolution à moyen terme.

C'est ainsi que les finances publiques pourront acquérir la visibilité qui leur fait parfois encore défaut.

2.- L'encadrement des dépenses à moyen terme

Poussée par les exigences européennes, la programmation financière à moyen terme de l'État devient peu à peu une tendance lourde de la gestion publique. Le programme annuel de stabilité que la France doit désormais déposer auprès de la Commission européenne confère une certaine solennité - ainsi qu'une portée juridique dont on n'a peut-être pas mesuré toute la portée - à un exercice que ses qualités intrinsèques auraient fini par imposer tôt ou tard.

La programmation pluriannuelle a été érigée au rang de « principe de politique budgétaire », dans le programme de stabilité élaboré en janvier 1999. Après la réaffirmation du rôle particulier de la politique budgétaire dans l'absorption des à-coups conjoncturels, la programmation constitue le second pilier de la nouvelle orthodoxie budgétaire française : « Fixer une trajectoire pluriannuelle d'évolution des dépenses publiques et limiter autant que possible les écarts par rapport à cet objectif de dépenses. Fixer un objectif de moyen terme en volume, finançant les priorités du Gouvernement, permet de conduire, dans la durée, l'action publique. Utiliser les dépenses publiques comme instrument de régulation à court terme a souvent nui à l'efficacité de la gestion de l'État et de la Sécurité sociale. Cet objectif, fixé en termes réels, conduit à retenir un mécanisme de correction au cas où l'inflation effective différerait de l'inflation prévue ».

Votre Rapporteur général a déjà évoqué la déclinaison de ce principe budgétaire général au cas particulier de la période 1999-2002 couverte par le programme de stabilité, au regard de la norme d'évolution des différentes catégories de dépenses. Il n'est pas utile d'y revenir ici.

Le second élément du principe budgétaire n'est pas moins intéressant. Le Gouvernement envisage de mettre en _uvre un mécanisme visant à ajuster la dépense de l'État aux fluctuations de la conjoncture économique. L'année 1999 fournit un bon exemple de la nécessité de procéder à un ajustement afin de respecter la norme d'évolution structurant l'équilibre de la loi de finances.

Pour 1999, celle-ci avait été calibrée en vertu d'une norme de croissance de 1% en volume des dépenses du budget général. Cet objectif était articulé à une prévision d'inflation de 1,3%, amenant ainsi les crédits totaux du budget général à croître de 2,3% par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. La prévision actuelle d'une inflation plus modérée (+ 0,5%) a conduit le Gouvernement à prendre des mesures sous la forme de contrats de gestion entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et les ministères gestionnaires de crédits.

Dans sa réponse au questionnaire élaboré par votre Rapporteur général pour la préparation du débat d'orientation budgétaire, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a présenté les éléments d'information suivants : « L'objectif des contrats de gestion est d'arrêter de manière conjointe avec les ministères les principes et les modalités pratiques d'exécution des crédits de manière à respecter l'objectif de pilotage en termes réels des dépenses de l'État. Les contrats prévoient concrètement la constitution d'une réserve de crédits dont l'utilisation d'ici à la fin de l'année dépendra de l'évolution des hypothèses d'inflation et des perspectives de dépense. Cette réserve de crédits est constituée pour une part des crédits de la LFI 1999 et pour une autre part des crédits de la gestion 1998 reportés sur 1999. L'ensemble des sections budgétaires est concerné par cet exercice, sauf cas particuliers comme, par exemple, le ministère des affaires étrangères qui finance une partie de l'aide d'urgence liée à la crise des Balkans ».

La réflexion et les premières mesures prises à propos de l'instrument le plus rustique du pilotage à vue des comptes de l'État, à savoir la régulation budgétaire, doit être poursuivie. Des prolongements législatifs doivent être envisagés. Au-delà de l'effacement relatif des prérogatives du Parlement en matière financière, la régulation budgétaire telle qu'elle a été classiquement administrée ces dernières années provoque des perturbations sérieuses dans la gestion des crédits. Ces perturbations sont régulièrement examinées par la Cour des comptes dans les développements nourris qu'elle consacre à la régulation dans ses rapports successifs sur l'exécution des lois de finances pour un exercice donné. Parmi ces perturbations, on peut citer :

- l'interdiction, parfois formulée, d'engager plus de la moitié des crédits avant la fin du premier semestre (régulation de 1996), qui va à l'encontre de la politique de déconcentration et de responsabilisation affichée avec constance depuis 1990 ;

- l'assèchement des moyens disponibles, qui a parfois amené l'État à ne pas respecter des engagements de nature contractuelle - sans préjudice des privilèges et sujétions spéciales attachées au caractère administratif de certains contrats ;

- le ralentissement des opérations d'investissement, qui a pu provoquer des reports de charges sur l'exercice suivant ;

- l'incertitude, parfois, sur la réelle disponibilité des crédits ouverts, qui a souvent altéré les conditions de bonne exécution de la dépense.

Comment s'étonner, dès lors, du sort réservé aux dépenses en capital de l'État, qui restent l'une des seules variables d'ajustement disponible en cas de tension budgétaire ? A l'occasion du débat d'orientation budgétaire de juin 1998, votre Rapporteur général avait mis en exergue la détérioration sensible, en termes relatifs mais aussi absolus, des dépenses en capital inscrites au budget général.

En apparence, l'année 1998 n'a pas donné lieu à une franche rupture de tendance. Cependant, le Gouvernement a engagé, cette année-là, un effort de rééquilibrage des dépenses d'investissement de l'État qui s'est traduit par l'augmentation des dotations de nombreux comptes d'affectation spéciale sans avoir son pendant sur le budget général.

ÉVOLUTION DU TITRE V DES DÉPENSES CIVILES

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

Routes

11,4

12,6

12,5

11,2

Charges communes - Dotations en capital

0,0

3,7

2,2

2,7

Justice - Équipement

1,2

1,3

1,3

1,1

Culture - Patrimoine monumental

1,4

1,5

1,4

1,3

Intérieur - Équipement

1,3

1,5

1,1

1,3

Transports aériens - Études et développement

1,6

1,5

0,9

1,3

Enseignement supérieur - Investissements

1,6

1,5

1,0

0,8

Services financiers - Équipement des services

1,0

1,0

0,9

0,8

Autres Titre V

5,4

4,3

4,0

4,1

Titre V hors dotations en capital

24,9

25,2

23,1

21,9

Total Titre V

24,9

29,0

25,4

24,6

Le tableau ci-avant permet de distinguer nettement les deux facteurs principaux de la variabilité des dépenses civiles en capital (titre V) : les dotations en capital, financées à partir du chapitre 54-90 du budget des Charges communes, introduisent des fluctuations par nature aléatoires. Le rythme et le niveau d'exécution de la dépense pour les routes peuvent également varier de façon significative - parfois de plus d'un milliard de francs.

Avec le mécanisme des « contrats de gestion », le Gouvernement tente de mettre en place un dispositif permettant un pilotage fin de la dépense de l'État, calé sur l'évolution de certaines grandeurs macro-économiques - comme l'inflation - ou sur la dynamique autonome de la dépense.

Il faut maintenant aller plus loin et construire les outils qui permettront de décliner, au niveau de chaque département ministériel, les grandes options d'encadrement pluriannuel des dépenses incluses dans le programme de stabilité.

Votre Rapporteur général estime que le support idéal de cette déclinaison réside dans les programmes de modernisation des administrations prévus par la circulaire du 3 juin 1998 « relative à la préparation des programmes pluriannuels de modernisation des administrations ». Cette circulaire, signée du Premier ministre, précise que le programme, dont la mise en _uvre pourra s'étendre sur une période de trois à cinq ans, « aura une double fonction d'outil d'impulsion et de conduite du changement. Il aura pour objet de déterminer les orientations stratégiques du ministère, de formaliser une volonté collective d'assurer avec efficacité les missions entrant dans ses attributions. Il présentera les évolutions à moyen terme envisagées, tant pour les services du ministère que pour les établissements publics placés sous sa tutelle. Il détaillera les résultats attendus, avec les indicateurs qui y sont associés. Il sera rendu public. »

Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les programmes pluriannuels de modernisation ont maintenant été remis par la quasi-totalité des ministères. Ils couvrent l'ensemble des sujets que la circulaire du Premier ministre demandait de traiter : missions de l'État, procédures de travail, gestion des ressources humaines, outils et méthodes de la gestion publique, développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ils font apparaître de nombreux points positifs :

- « la volonté de rationaliser les structures, notamment celles de l'administration centrale : recentrage sur les missions de prospective, de conception, de pilotage, développement des fonctions juridique et internationale, spécialisation des directions et mise en place de structures de coordination ;

- « un effort de perfectionnement de la gestion des ressources humaines dans le sens d'une valorisation des compétences et de la professionnalisation des agents, avec une attention particulière portée à l'encadrement supérieur et à la formation ;

- « l'amélioration du pilotage des services déconcentrés et de l'exercice de la tutelle sur les établissements publics par la mise en place de processus spécifiques et par le développement de la responsabilisation des gestionnaires (sur la base de lettres de mission, par exemple) ;

- « l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) pour la rénovation des outils et méthodes de travail en interne et l'ouverture plus large vers le public ;

- « une relance du dialogue social, avec la consultation systématique des instances paritaires. »

La circulaire du Premier ministre prévoyait la possibilité de contractualiser avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour la période 2000-2002, les effectifs et les crédits de fonctionnement, dans le cadre des évolutions fixées par ailleurs par le Gouvernement.

En fait, aucun projet de contractualisation des dotations de l'ensemble d'un ministère en crédits de fonctionnement et en effectifs n'a été proposé lors de la remise des plans pluriannuels de modernisation. Cependant, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie précise que « des démarches de contractualisation ont été poursuivies au niveau d'ensembles plus réduits. Ainsi, le ministère de l'Intérieur a proposé une programmation des effectifs et des moyens de fonctionnement pour la période 2000-2002 ainsi qu'une expérimentation de gestion globalisée des crédits de personnel et de fonctionnement portant sur quatre préfectures (Doubs, Isère, Seine-Maritime et Finistère). Par ailleurs, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, poursuivant la réforme d'ensemble engagée en 1997, expertise actuellement plusieurs pistes de contractualisation avec des directions disposant d'une large autonomie de gestion et d'outils de gestion à l'appui de cette autonomie ».

Votre Rapporteur général est conscient qu'une telle réforme est porteuse de bien des bouleversements potentiels. Son introduction ne peut être que progressive et il est sage, assurément, de tester les méthodes nouvelles dans des cas d'espèce bien identifiés avant de s'engager dans une démarche d'ensemble.

Au terme de ce panorama, nécessairement sommaire, on mesure toute l'ampleur des changements qui ont été engagés par la majorité sortie des urnes en mai-juin 1997. La réorientation de la politique économique en direction des ménages et du soutien à la demande interne a provoqué un redressement salutaire de la croissance. Celle-ci facilite aujourd'hui la mise en place de réformes plus ambitieuses, qui touchent aux mécanismes mêmes de la dépense publique, au caractère prétendument inéluctable de la hausse des prélèvements obligatoires, à la consolidation des finances publiques par la maîtrise de la dette et le contrôle des déficits publics.

Le succès de cette politique ne doit pas pour autant empêcher le débat et les initiatives de se développer. L'exercice du débat d'orientation budgétaire serait vain s'il se bornait à générer un consensus atone.

A cet égard, les réflexions du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire peuvent guider une démarche de la représentation nationale permettant de surmonter la caricature et d'associer les parlementaires à un effort de rationalisation de la dépense publique. Le « dépenser mieux pour dépenser moins » n'est pas l'apanage du Gouvernement et de ses administrations. Une expérience comme celle de la Mission d'évaluation et de contrôle, créée en son sein, en février dernier, par la Commission des finances sous la responsabilité partagée d'élus de la majorité et de l'opposition, peut apporter, dans cette perspective, une contribution à un indispensable effort ayant pour objectif de réduire le poids des prélèvements obligatoires pour favoriser l'emploi et d'assurer le financement de priorités nécessaires au développement d'une croissance solidaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- TABLE RONDE EN VUE DU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE

La Commission a procédé, le mardi 16 juin 1999, à l'audition de MM. Philippe Bouyoux, sous-directeur des synthèses macro-économiques à la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Michel Didier, directeur de Rexecode et André Gauron, membre du Conseil d'analyse économique.

Le Président Augustin Bonrepaux, après avoir évoqué le relatif optimisme qui caractérise l'appréciation portée sur les finances publiques, a affirmé retirer du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, remis par le Gouvernement, trois conclusions principales :

- un rythme de croissance prévisionnel de 2,5 % à 3 % ;

- une situation de l'emploi qui montre des perspectives encourageantes, puisque 270.000 emplois devraient être créés en 1999 ;

- un déficit budgétaire contenu grâce à la maîtrise des dépenses de l'État.

Il a posé trois séries de questions aux intervenants : sur l'évolution de la conjoncture de l'économie française et européenne dans les mois à venir, sur les répercussions de cette évolution conjoncturelle sur les grands équilibres des finances publiques et sur les marges de man_uvres que ces évolutions confèrent aux pouvoirs publics en ce qui concerne la réduction des déficits publics, le développement de la politique de l'emploi et la diminution du poids de la fiscalité.

M. Philippe Bouyoux, sous-directeur des synthèses macro-économiques à la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, a tout d'abord expliqué que si le relatif optimisme évoqué par le Président Augustin Bonrepaux s'appliquait au dynamisme actuel de la conjoncture, il fallait revenir sur un début d'année moins favorable : en effet, après un taux de croissance faible de 0,3 % au premier trimestre de l'année, suivant les comptes trimestriels de l'INSEE, les prévisions pour 1999 laissent apparaître un ralentissement du taux de croissance annuel qui pourrait conduire à réviser à la baisse le chiffre initialement retenu lors de l'élaboration de la loi de finances pour 1999.

Il a ensuite décrit les causes et les conséquences du ralentissement économique observé au premier trimestre, dû à la crise subie par les pays émergents et provoquant un choc sur les secteurs exposés à la concurrence internationale, et en particulier l'industrie. Il a indiqué que ce « trou d'air » avait pourtant eu des effets limités dans le temps - grâce à l'amélioration de la situation économique des pays émergents et des États-Unis comme le prouvent les dernières enquêtes de conjoncture réalisées par la Banque de France et par l'INSEE - comme dans l'ampleur de la crise, puisque le poids des secteurs abrités dans l'économie française, le maintien à un haut niveau de la confiance des ménages grâce aux résultats favorables du marché du travail, ainsi que la réaction adéquate de la Banque centrale européenne, ont limité l'impact du ralentissement économique.

M. Philippe Bouyoux a rappelé que les comptes trimestriels de l'INSEE montraient qu'après une certaine déprime de l'investissement des entreprises en octobre dernier, cet indicateur avait retrouvé un bon niveau, malgré un ajustement effectué sur les stocks, réaction cohérente avec la nature transitoire du choc. Il a ensuite souligné que les enquêtes de l'INSEE montraient une amélioration particulière des perspectives de production industrielle. Il a attribué la sortie du « trou d'air » à l'amélioration de l'environnement économique mondial et à la bonne coordination, dans la zone euro, entre la politique budgétaire, marquée par une baisse des charges d'intérêt contribuant à améliorer les soldes budgétaires structurels sans impact restrictif, et une politique monétaire aboutissant à des niveaux favorables des taux de change et d'intérêt réels.

Il a précisé qu'un scénario consensuel fixait le niveau de la croissance pour l'année 1999 à un chiffre compris entre 2,2 et 2,5 % en moyenne annuelle, et que l'accélération observée au deuxième semestre porterait le taux de croissance pour 2000 à un chiffre compris entre 2,5 et 3 %. Il a expliqué que le socle de cette croissance était une demande intérieure soutenue, alimentée par la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. En ce qui concerne les créations d'emplois, après une année 1998 particulièrement favorable, le nombre de créations d'emplois pour 1999 se situerait à 270.000 et à 400.000 en 2000. Il a souligné que les modèles utilisés, dont les paramètres se fondent sur les données passées, n'arrivaient cependant pas à expliquer le niveau actuel des créations d'emplois.

Il a conclu en soulignant que la croissance française avait comparativement mieux résisté au « trou d'air » que ses partenaires européens, grâce à la situation favorable du marché du travail.

M. Michel Didier, directeur de Rexecode, a évoqué les opportunités existant actuellement dans l'économie européenne mais il a insisté sur les dix-huit mois de ralentissement qu'elle traversait, le taux de croissance ayant chuté de 4 % au deuxième trimestre 1997 à 2 % au premier trimestre 1999, ce qui constitue une performance très modeste par rapport à la situation observée outre-atlantique. Parce que des freins ralentissent la croissance européenne, il convient de s'interroger sur son évolution future.

Il a posé la question d'une éventuelle fin du phénomène de « trou d'air » que connaît l'économie française depuis plusieurs mois, alors que les années 1997-1998 avaient été marquées par une situation internationale exceptionnelle, à l'origine d'une forte croissance des exportations. M. Michel Didier a indiqué que les données les plus récentes montraient effectivement la fin de la dégradation de la conjoncture, comme l'atteste la situation dans différents secteurs : la construction est située à son plus haut niveau depuis dix ans, même si un reflux est prévu en 2000 ; la fin de la dégradation dans l'industrie est probable, quoique les stocks demeurent élevés, que les effectifs régressent toujours et que les prix n'augmentent pas. Dans les services, la croissance est positive et fait l'objet d'anticipations favorables, malgré un taux modéré au premier trimestre 1999. Ces données ne semblent pourtant pas de nature à signaler une nouvelle accélération de la croissance : alors que la loi de finances initiale misait sur un taux de 2,7 %, les prévisions de Rexecode étaient de 2,1 à 2,3 %, chiffre qui se confirme.

Afin d'évaluer la tendance qui va succéder au « trou d'air », M. Michel Didier a analysé l'environnement économique actuel. Il a d'abord mis l'accent sur les risques relatifs aux pays émergents : si la croissance doit repartir, ce sera à un niveau inférieur à celui qui était atteint avant la crise asiatique, puisque celle-ci avait pour origine des flux de capitaux dont le retour ne peut être que progressif et parce que le prix des matières premières ne devrait pas connaître de fort rebond. Il s'est, de plus, inquiété de la tenue du yuan chinois et de la situation en Amérique latine, en particulier en Argentine et au Brésil.

Il s'est ensuite intéressé à l'exceptionnelle croissance américaine et à ses perspectives. Il a présenté deux possibilités : un ralentissement spontané jusqu'à 2 % de croissance, sans inflation, qui entraînerait une baisse des taux d'intérêt, ou la persistance d'une croissance haute qui provoquerait une hausse des taux d'intérêt, une chute de la valeur des titres, voire une récession. Le premier scénario apparaît à la fois plus probable et plus souhaitable, dans la mesure où il conduirait à une baisse des taux et du dollar.

Il a souligné le fait que la croissance des années 1997-1998 en Europe avait été impulsée par la demande mondiale et la diminution des taux d'intérêt, mais qu'elle ne lui semblait pas durable : il est préférable de parler d'un retour à une tendance longue de croissance qui se situe autour de 2 % par an.

Pour ce qui est de la France, M. Michel Didier a rappelé que le taux de croissance moyenne annuelle a été de 1,4 % dans les années 1990, et de 2,2 % pour les vingt-cinq dernières années. Il a jugé que la croissance des années 1990 avait été perturbée par les fluctuations monétaires et par la croissance américaine. Sauf changement structurel peu probable, la croissance tendancielle devrait s'établir à environ 2,2 %, taux prévisible pour 2000. Néanmoins, il n'a pas exclu la possibilité de mouvements conjoncturels et s'est inquiété des conséquences du passage aux trente-cinq heures qui constituera un « choc de coût », lequel sera plus ou moins amorti selon le partage qui sera établi entre gains de productivité, modération salariale et pressions sur la production. Dans un scénario optimiste, on peut s'attendre à un choc atténué et étalé dans le temps ; dans le cas contraire, il a craint une chute de la production et de l'emploi. Si ses prévisions reposent sur le premier scénario, il a déclaré attendre de connaître le contenu de la nouvelle loi pour pouvoir se prononcer plus sûrement et a mis l'accent sur le fait que seule la négociation pourrait empêcher qu'un cercle vicieux ne s'enclenche.

M. André Gauron, membre du Conseil d'analyse économique, a tout d'abord décrit l'évolution récente des finances publiques : le déficit public a diminué de 20 milliards de francs par rapport à celui de 1997 et de 10 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale. Mais il a noté que le solde primaire demeure négatif, même s'il diminue. Il a attribué cette amélioration de la situation au dynamisme des recettes totales et fiscales, et à une augmentation de la dépense publique plus lente que la croissance du PIB en valeur, tout en déplorant que ce ralentissement se soit opéré au détriment des dépenses en capital. Il en a conclu que l'amélioration était fragile et plutôt due à la conjoncture économique qu'à une politique volontariste.

Il a estimé que la crise asiatique avait moins influencé la conjoncture française en 1999 que ne l'avait fait le ralentissement conjoncturel en Allemagne et en Italie, ralentissement lié à la crise asiatique, mais aussi à des facteurs internes. Il a donc mis en avant la nécessité de la définition d'une réelle politique économique européenne dans la zone euro, qui prenne en compte l'ensemble du continent.

M. André Gauron a insisté sur la nécessité d'utiliser les marges de man_uvre de l'économie française pour renforcer sa politique de l'offre. Si nos économies ne sont peut-être pas entrées dans une nouvelle ère économique, elles sont néanmoins confrontées à un important changement structurel, notamment en raison de l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui ont d'importantes conséquences sur les structures de l'offre et de la demande. Il a fait observer que l'Europe était à cet égard dans une situation particulière car, contrairement aux États-Unis, elle produisait trop peu de ces nouvelles technologies. Dès lors, elle risque de cumuler les contraintes issues de l'adaptation de son appareil productif et des suppressions d'emplois qui en découlent, sans pour autant bénéficier de créations d'emplois dans ces secteurs. Il a donc plaidé pour que les mesures visant à soutenir ces secteurs deviennent un axe central de la politique économique de notre pays.

Observant que la plupart des scénarios macro-économiques pour l'horizon 1999-2000 prévoyaient une amélioration globale de l'économie mondiale, un regain de croissance dans la zone euro et un « atterrissage en douceur » des États-Unis, votre Rapporteur général, s'est interrogé sur les risques qui pèsent sur un tel scénario et sur les conséquences qu'aurait un éventuel éclatement de la bulle financière aux États-Unis. Il s'est également inquiété des répercussions sur les perspectives de croissance en France et des faibles performances économiques de l'Italie et de l'Allemagne. Il a demandé aux économistes s'ils jugent fondés les reproches formulés par plusieurs organismes, dont l'OCDE, sur la rigidité et la segmentation du marché du travail français et sur les risques que l'absence de réformes structurelles profondes ferait peser sur la croissance à long terme. Il s'est enfin interrogé sur les facteurs qui pourraient compromettre, à l'horizon 2000, la mécanique vertueuse de la confiance, de la consommation et du revenu observée pour les ménages depuis plusieurs trimestres, ainsi que sur la pérennité de l'actuel système de « policy mix ».

M. Philippe Bouyoux a rappelé que l'économie française enregistrait, dans les années 90, un rythme de croissance compris entre 1 et 1,5 %. Si l'on prend en considération les 25 dernières années, ce rythme s'élevait alors à environ 2,2 % l'an. Il a considéré que certains éléments pouvaient laisser penser que ce rythme pourrait atteindre à l'avenir 2,5 ou 3 %. Dès lors, l'hypothèse d'une croissance potentielle de 2,2 % est une hypothèse prudente. Il a insisté sur le fait qu'il fallait distinguer entre la croissance potentielle et la croissance possible : en effet, si l'économie française a connu une croissance inférieure à son potentiel pendant plusieurs années, elle a en quelque sorte accumulé un déficit de croissance autorisant un rattrapage et donc une croissance plus rapide, sans que les équilibres macro-économiques soient, de ce fait, menacés.

S'agissant de l'équilibre budgétaire, il a indiqué que le solde primaire serait presque nul en 1999 et qu'un excédent devrait apparaître en l'an 2000.

Il a confirmé que l'Allemagne et l'Italie avaient connu une croissance plus faible que celle de l'économie française et que tout laissait à penser que cette situation perdurerait au moins jusqu'à la fin de cette année. Selon lui, cet écart s'explique d'abord par la spécialisation différente du commerce extérieur de ces deux pays, tant géographique - l'Allemagne étant plus engagée vis-à-vis de la Russie et des pays de l'Est - que sectorielle, l'Italie étant spécialisée sur des secteurs où la concurrence des pays émergents est forte. Dès lors, si la croissance des pays émergents se résout, on peut s'attendre à un rebond de la croissance allemande ou italienne. En second lieu, il faut observer que l'évolution de la demande a été, en Allemagne et en Italie, deux fois plus faible que celle observée en France au cours des deux dernières années, l'augmentation constatée dans notre pays s'expliquant par la forte croissance des revenus d'activité, et, donc, par une meilleure tenue du marché du travail. Enfin, il a attiré l'attention sur le fait que le « policy mix » a été très différent en Italie, puisque ce pays a mené un ajustement budgétaire à marche forcée pour intégrer la zone euro.

M. Michel Didier a estimé que la notion de déficit de croissance devait être maniée avec prudence car il n'est pas exclu, comme cela a d'ailleurs été le cas dans les années 70, que la croissance ait changé de pente et qu'il n'y aurait donc, dès lors, plus de rattrapage possible.

S'interrogeant sur la possibilité de parler effectivement de bulle financière aux États-Unis, il a reconnu que la valeur des actifs financiers nets détenus par les ménages américains avait fortement augmenté au cours des dernières années : alors qu'elle représentait trois ans de revenus disponibles jusqu'en 1994, elle en représente aujourd'hui quatre. Il s'agit là d'un gain considérable. S'agissant des perspectives d'évolution, il a indiqué qu'il ne fallait pas surestimer la bulle financière constituée par les valeurs liées à l'Internet. Celle-ci ne représente en effet qu'une faible partie de la capitalisation boursière totale : le NASDAQ ne représente qu'une capitalisation de 2.000 milliards de dollars sur un total de 12.000 milliards de dollars et la part des valeurs informatiques n'y est que de 35 %. Ainsi, si les valeurs liées à l'Internet diminuaient de 20 %, la capitalisation boursière américaine globale ne diminuerait que de 2 %. Même s'il existe une surestimation générale des valeurs boursières, un reflux de 20 % laisserait néanmoins de considérables plus-values constituant un important élément amortisseur. Il a également relativisé les conséquences qu'un tel reflux aurait sur l'Europe, estimant qu'à moyen terme on observerait une déconnexion assez rapide des marchés boursiers de part et d'autre de l'Atlantique.

Abordant la question de la situation conjoncturelle de l'Allemagne et de l'Italie, il a jugé que celle-ci s'expliquait par des causes temporelles et circonstancielles, même s'il est vrai que l'Allemagne est confrontée au problème plus durable de la baisse de sa productivité moyenne.

S'agissant des éléments qui constituent des rigidités économiques, il faut souligner que la France est toujours un peu hors norme par rapport à ses voisins. En la matière, il n'y a pas que les rigidités du marché du travail et l'on peut évoquer aussi la part du secteur géré selon des normes publiques, sur lequel un certain nombre de stimulants économiques demeurent sans effet.

En ce qui concerne le développement des nouvelles technologies, il a insisté sur le fait que l'Europe affichait un important retard par rapport aux États-Unis. Si le PIB de la zone euro représente 75 % du PIB américain, la production de logiciels en Europe ne représente plus que la moitié de la production américaine et la production de nouvelles technologies de l'information et de la communication seulement 40 % de la production américaine. Dès lors, il a estimé que si l'Europe ne se constituait pas une offre dans ces secteurs, alors que les investissements dans ces technologies sont indispensables, elle contribuera à accélérer la croissance aux États-Unis et non pas dans son champ géographique.

Rappelant que la confiance des ménages constitue un indicateur peu prédictif, il a jugé qu'elle devrait reculer très lentement car les ménages n'ont pas encore intégré le ralentissement de l'économie ; toutefois cela a peu d'importance à court terme, car ce degré de confiance est très élevé aujourd'hui.

Il a fait observer que la pérennité actuelle du « policy mix » ne dépendait pas des économistes mais des choix politiques des différents États européens. Il a fait observer que la réduction progressive des déficits publics était indispensable pour permettre à la Banque centrale européenne de maintenir de faibles taux d'intérêt.

Évoquant la situation aux États-Unis, M. André Gauron a souligné que l'économie de ce pays était en réalité soutenue par les économies du monde entier, en particulier grâce à la demande de nouvelles technologies de l'information et de la communication et, surtout, en raison du financement de son déficit par le système monétaire international. Il a ajouté que cette année se caractérisant par une échéance électorale, la situation n'était sans doute pas susceptible d'évoluer.

Il a ensuite abordé la question de l'euro en insistant sur l'attention qui devait être portée à la situation en Allemagne à la suite notamment des derniers résultats électoraux qui y ont parfois été interprétés comme un signe de mécontentement à l'égard de la faiblesse de l'euro par rapport au mark. Dans ces conditions, il a estimé qu'un durcissement de la politique monétaire et a fortiori qu'une absence de baisse des taux d'intérêt en Europe au cours des douze prochains mois étaient prévisibles.

S'agissant enfin de la situation de la France, il a considéré que l'incertitude liée aux modalités d'application du passage aux 35 heures pourrait avoir des effets négatifs. Il a notamment insisté sur la nécessité de déterminer, dans les meilleurs délais, le niveau du SMIC, élément crucial pour les entreprises embauchant des personnes à bas salaires, et de régler le problème des heures supplémentaires, afin de permettre ainsi les embauches attendues.

M. Gérard Saumade a appelé l'attention sur la difficulté d'avoir des prévisions fiables. Il a insisté sur la tension existant actuellement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, soulignant qu'il était désormais rare qu'une procédure d'appel d'offres ne soit pas déclarée infructueuse et conduise à recourir à des marchés négociés, ce qui est à l'origine d'une hausse des prix préoccupante. Au regard de ces éléments, il s'est interrogé sur le risque d'une extension de cette augmentation à d'autres secteurs de l'économie. Il s'est par ailleurs demandé si cette situation ne rendait pas nécessaire une importation de main d'oeuvre, afin de disposer d'emplois adaptés aux besoins de l'économie.

Il s'est, en outre, déclaré préoccupé par l'avenir prévisible de l'Union européenne en soulignant que la France allait progressivement évoluer d'une position de « receveur » dans le cas de la politique agricole commune ou des fonds structurels, par exemple, à une position de fournisseur de capitaux. Dans un tel contexte, il s'est interrogé sur la possibilité d'articuler ces facteurs d'évolution avec les perspectives que ne manquerait pas d'ouvrir l'effort de reconstruction en ex-Yougoslavie.

Déplorant l'absence de diffusion des comptes de la Nation pour l'année 1998 alors même que leurs bases de référence ont été modifiées, M. Philippe Auberger a souhaité que ces documents soient adressés dans les meilleurs délais à la représentation nationale, qui doit en être le destinataire prioritaire.

Évoquant une déclaration du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se félicitant d'un taux de croissance en France plus élevé que celui de ses trois principaux voisins, il a estimé qu'il convenait davantage de se référer au taux de croissance moyen de l'ensemble des pays européens qui se situait, d'après les prévisions de la Commission européenne, à environ 2,2 %, ce qui plaçait la France exactement dans cette moyenne. Il a considéré qu'il importait en effet de situer l'économie française au sein de l'ensemble de la zone euro plutôt que par rapport à celle de ses trois voisins et, ce, d'autant que l'Allemagne était confrontée à des problèmes particuliers en raison de ses liens privilégiés avec la Russie, et que l'Italie avait cherché à entrer à marche forcée dans la zone euro, orientation ayant eu des effets restrictifs sur son économie.

S'agissant de la situation de l'emploi en France, il a relevé que l'économie connaissait certes un rythme de croissance des emplois, mais que les créations correspondantes bénéficiaient inégalement aux différentes tranches d'âge de la population, un allongement de la durée du chômage pouvant être observé chez les plus de 50 ans, ainsi qu'un moindre bénéfice de cette croissance pour les jeunes de moins de 25 ans. Il a en outre insisté sur le fait que ces embauches se faisaient le plus souvent par contrat à durée déterminée ou par interim, ce qui a d'ailleurs incité le ministre de l'Emploi et de la Solidarité à envisager une limitation du recours à ces formes d'embauche.

Enfin, il s'est interrogé sur les effets des « contrats de meilleure gestion » prévus dans les ministères qui constituaient en réalité, selon lui, de véritables gels de crédits. Estimant que ces gels avaient porté sur environ 15 milliards de francs de dépenses budgétaires, il a demandé quelles pouvaient être leurs conséquences sur la croissance et comment on avait pu parvenir à un tel montant alors même qu'une augmentation de 1 % des dépenses en volume avait été décidée.

M. Pierre Méhaignerie s'est inquiété des conséquences de la mise en place des 35 heures sur la situation de l'emploi, alors même que des goulots d'étranglement existent non seulement dans le secteur du BTP mais également dans de nombreux autres secteurs d'activité, comme l'agro-alimentaire ou la restauration.

Se référant à un article de presse, il a indiqué que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait déclaré que la différence entre les économies des pays européens se jouait à plus ou moins un demi point de croissance. Il a souhaité connaître les raisons pour lesquelles l'économie française avait connu une croissance supérieure d'un demi point par rapport à celle de ses voisins, durant la période 60-70, puis une croissance inférieure du même taux au cours des années 80-90, soit un écart sur la période d'un point de croissance. S'agissant de la mise en place des 35 heures, il s'est interrogé sur les conséquences de l'application de ce dispositif dans le secteur public, caractérisé, selon lui, par de faibles marges de productivité et a souhaité recueillir l'avis de différents experts sur l'impact prévisible de cette mesure dans ce secteur.

M. Gérard Fuchs a tout d'abord souligné que la comparaison de la situation économique française avec celle de ses trois principaux voisins se justifiait par le niveau comparable de leur développement. Il a ensuite mis l'accent sur la priorité accordée par le Gouvernement à l'emploi des jeunes notamment à travers le dispositif des emplois jeunes. Enfin, s'il a admis que la mise en place de la loi sur les 35 heures pouvait provoquer un choc des coûts, il a estimé qu'elle ne manquerait pas, dans le même temps, de susciter d'importantes réorganisations permettant aux entreprises d'embaucher.

Puis il a posé deux questions portant, l'une sur la « surveillance mutuelle » entre les États membres, prévue par le traité sur l'Union européenne, en vue de parvenir à une croissance plus forte, qui pourrait être dépassée au profit d'une véritable coopération économique dont l'objectif serait une relance de la croissance et sur la possibilité de faire jouer au budget communautaire un rôle plus dynamique en prévoyant un transfert de certaines compétences actuellement dévolues aux États par exemple, dans le domaine des réseaux de télécommunications ou des biotechnologies, afin de permettre non plus une simple adaptation aux évolutions du marché, mais une production autonome, génératrice d'emplois.

S'inquiétant de la détérioration du déficit primaire, M. Gilles Carrez a souhaité savoir si cette tendance n'était pas liée à une rigidité des dépenses, susceptible d'être accrue en 2000 en raison de l'effet, en année pleine, de la revalorisation des traitements dans la fonction publique, ainsi que de la mise en place des 35 heures et du dispositif des emplois jeunes.

M. Edmond Hervé a tenu à souligner que la Cour des comptes, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1998, avait souligné l'existence d'une baisse de 14 % des dépenses en capital consacrées aux interventions publiques. Il a, par ailleurs, jugé que le niveau quasi nul de l'inflation, l'excellence de la profitabilité des entreprises et de leur capacité d'investissement n'étaient pas assez présents dans les débats actuels sur la croissance. Enfin, il a estimé que les ménages n'avaient que très peu profité du partage de la valeur ajoutée ces dernières années.

En réponse, M. André Gauron a fait observer que, pour réduire les dépenses, il convenait de peser non seulement sur les dépenses de personnel qui représentaient environ 40 % du budget, mais surtout sur les dépenses d'intervention et la charge de la dette. Il a précisé qu'à ce titre, une gestion plus active de la dette, à l'exemple de ce qui se pratiquait aux États-Unis, et une réduction des exonérations fiscales qui constituaient, en fait, des dépenses déguisées, accompagneraient utilement des négociations globales avec les organisations syndicales sur la question des effectifs, de la durée du travail et des retraites. Il a constaté que l'affaiblissement de la contrainte extérieure par le biais de la contrainte monétaire, imposée par des politiques plus restrictives au début des années quatre-vingts, constituait sans doute l'un des événements majeurs de l'histoire économique récente. Il a ajouté que la nouvelle donne monétaire, marquée par le passage du système de Bretton-Woods à un mécanisme de changes flottants généralisé, avait été à l'origine d'une révolution dans le pilotage de l'économie mondiale, grâce à laquelle les États-Unis s'étaient défait de la contrainte extérieure.

Il a ensuite fait remarquer qu'une croissance moindre dans des pays partenaires tels que l'Allemagne et l'Italie aurait, à terme, des conséquences négatives sur la croissance de l'économie française, ce qui justifiait le passage de la simple coordination des politiques économiques des États membres de l'Union à une véritable coopération. Il a noté que cette politique pouvait buter, notamment, sur l'innovation, qui constituait pour les pays européens moins une question budgétaire qu'une question d'accès au financement, souvent difficile.

Enfin, il a fait observer que la flexibilité économique, dans les pays européens, se faisait moins par les prix que par le développement d'une organisation du travail fondée sur la multiplication des contrats à durée déterminée et le développement du travail à temps partiel, tous deux sources de précarité.

M. Philippe Bouyoux a indiqué que les hypothèses de croissance de l'économie américaine tendent à montrer que celle-ci bénéficie de ressorts internes, indépendants de l'évolution, plus timide, de l'économie européenne.

Puis, après avoir souligné qu'il n'existait pas de tensions inflationnistes dans l'économie en général, il a indiqué qu'il convenait de ne pas anticiper les risques de surchauffe et d'inflation liés à l'amélioration forte que connaissait le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui était due à la fois à des raisons durables, telles que la baisse des taux d'intérêt, et à des causes plus temporaires, telles que des dispositions fiscales.

Il a précisé que les chiffres de l'INSEE, fondés sur le nouveau système européen de comptes, avaient d'ores et déjà été publiés, avant de rappeler que la croissance pour 1998 serait inchangée par rapport aux prévisions, et que le besoin de financement des administrations publiques s'établirait à 2,8 % du PIB. Il a fait savoir que le Rapport sur les comptes de la Nation devrait être rendu public le 18 juin.

Par ailleurs, il a expliqué que la croissance française, fixée à 2,1 % pour 1999, se situerait dans la moyenne de la zone euro, et serait plus forte que celle de l'Italie et de l'Allemagne, mais plus faible que la croissance tendancielle de l'Espagne ou de l'Irlande.

Enfin, il a justifié la signature de contrats de gestion entre le ministère chargé du budget et les ministères dits « gestionnaires » par la nécessité que soient prises en compte le fait que les objectifs contenus dans le programme pluriannuel étaient fixés en volume, ce qui impliquait de prendre en compte les différences entre les prévisions d'inflation, établies à 1,3 % dans le projet de loi de finances, et les révisions à 0,5 %, effectuées en avril.

Après avoir rappelé qu'il avait proposé de déconnecter les prévisions budgétaires proprement dites des objectifs de croissance fixés par le Gouvernement, M. Michel Didier a jugé nécessaire de modifier, en conséquence, la procédure d'élaboration du budget. Il a fait observer que la France se situe dans la moyenne de croissance économique de la zone euro depuis longtemps et qu'il conviendrait de mettre en place de grands programmes de moyen terme, au-delà du développement des seules nouvelles technologies de l'information et de la communication, domaines dans lequel l'Europe a déjà accumulé un retard important.

Enfin, il a tenu à faire état de l'ensemble des hypothèses qui sous-tendent les prévisions de Rexecode sur le passage aux trente-cinq heures. Ainsi, il a considéré que l'étape que représente l'an 2000 devait être passée avec le minimum de contraintes, ce qui suppose un contingent d'heures supplémentaires beaucoup plus fort qu'il ne l'est actuellement, un abaissement des majorations pour heures complémentaires, une stabilisation en valeur de la dépense publique durable qui permettrait d'assurer une certaine souplesse dans le partage du revenu national, comme l'a montré l'exemple des Pays-Bas, et enfin la mise en _uvre d'une transition longue, sous peine de voir certains secteurs, tels que l'industrie ou le bâtiment, éprouver des difficultés à trouver les effectifs adaptés à la demande. Il a conclu qu'un resserrement de la main-d'_uvre pourrait entraîner des pertes de production, et in fine un risque de décrochage de la croissance française par rapport à la tendance européenne.

II.- AUDITION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ET DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2000

La Commission a procédé, le mercredi 16 juin 1999, à l'audition de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur les orientations budgétaires pour 2000.

Après avoir remercié les ministres d'avoir répondu à l'invitation de la Commission, le Président Augustin Bonrepaux a rappelé l'importance de ce débat d'orientation, qui permettra au Parlement de mieux connaître les perspectives dans lesquelles s'inscrira le projet de loi de finances présenté à l'automne, de mesurer l'incidence des divers scénarios possibles et d'être associé en amont aux décisions.

S'agissant des perspectives budgétaires, il a constaté que la politique économique du Gouvernement se traduisait par des données plutôt favorables, en termes de réduction des déficits publics, de diminution du poids de la dette et de stabilisation des dépenses. Il a observé qu'au-delà, un débat de fond s'esquisse sur les enjeux de cette politique économique et sur l'affection des marges de man_uvre susceptibles d'être dégagées. Il a souhaité que la Commission soit informée de la façon dont le Gouvernement entend les utiliser, et en particulier des baisses de prélèvements obligatoires envisagées.

Votre Rapporteur général, observant que la plupart des prévisions macro-économiques anticipaient une amélioration générale de la situation de l'économie mondiale, a interrogé les ministres sur les incertitudes qui continuaient de peser sur ce scénario, notamment du fait de la médiocrité des performances allemande et italienne et du risque d'éclatement de la bulle financière aux Etats-Unis.

Constatant que des plus-values de rentrées fiscales étaient probables par rapport aux prévisions initiales pour 1999, il a demandé quelle pourrait être leur ampleur et quelles seraient les catégories de recettes susceptibles d'être concernées au premier chef. Il a également souhaité savoir, compte tenu des résultats prévisibles en matière de recettes et de maîtrise des dépenses, si une réduction supplémentaire du besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques, initialement évalué à 2,3% du PIB pour 1999, était envisageable.

Saluant le fait que le Gouvernement actuel avait toujours eu le souci d'informer la Commission des finances des inflexions apportées, le cas échéant, à l'exécution budgétaire, il a souhaité savoir si le Gouvernement allait préciser à la représentation nationale les contours de la « mise en réserve de crédits » envisagée et, au cas où cette méthode devrait acquérir un caractère pérenne, s'il entendait matérialiser dès la loi de finances initiale le périmètre et le montant potentiel des crédits susceptibles d'être concernés.

Abordant la question de l'exécution des lois de finances et se fondant sur les travaux de la Cour des comptes, il s'est demandé s'il était justifié que l'effort de modération des dépenses de l'Etat porte prioritairement sur les dépenses d'équipement, observant, à ce sujet, que les efforts de réorientation entrepris par le Gouvernement ne paraissaient guère avoir eu de résultats sensibles en 1998. A cet égard, il a jugé insuffisantes les dotations consacrées aux prochains contrats de plan.

Il a ensuite demandé des précisions sur les conditions d'alimentation du fonds de réserve pour les retraites.

Enfin, se situant dans l'hypothèse favorable où l'économie française se placerait sur un sentier de croissance « à l'américaine », il s'est enquis de la façon dont les marges budgétaires supplémentaires ainsi dégagées pourraient être réparties, rappelant, à cet égard, que la majorité de la Commission des finances souhaitait une diminution des prélèvements obligatoires et, plus particulièrement, des baisses ciblées de la TVA.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a abordé, en premier lieu, les perspectives macro-économiques de l'économie mondiale.

Il a considéré que la situation américaine était bonne, et que, si l'hypothèse de son ralentissement demeurait d'actualité, celui-ci avait tellement été annoncé dans le passé sans se réaliser qu'il convenait d'être très prudent. Il a admis qu'il existait effectivement un risque d'éclatement de la bulle financière, mais qu'aucun signe avant-coureur ne s'était manifesté. Il a observé que, si ce risque devait se réaliser, ses conséquences seraient très différentes selon son ampleur, un ajustement limité ne lui paraissant pas de nature à remettre en cause les effets de patrimoine et la confiance des consommateurs américains.

Il a jugé que les prévisions étaient cependant plus fiables en ce qui concerne la situation de nos principaux partenaires de l'Union européenne. Il a estimé que les performances du Royaume-Uni étaient peu satisfaisantes, mais qu'elles n'étaient pas inquiétantes pour autant, surtout pour un pays connaissant, à la différence des autres Etats membres, une situation de bas de cycle. S'agissant de l'Italie, il a relevé la conjonction de plusieurs facteurs négatifs expliquant la médiocrité de la situation d'ensemble de ce pays : l'effondrement de la demande interne des pays d'Asie en crise, qui a réduit ses exportations, l'appréciation de sa monnaie avant l'entrée dans l'euro, qui a accru les pressions à l'importation, la guerre du Kosovo et la baisse des taux d'intérêt, qui a eu un impact plus fort qu'ailleurs sur le revenu des ménages, compte tenu de l'importance des titres de la dette publique dans le patrimoine financier des ménages italiens. Il a estimé la situation de l'Allemagne plus difficile, compte tenu du vieillissement de son économie, de son décalage par rapport aux marchés en forte croissance et du manque persistant de confiance des ménages, contribuant à entretenir un climat négatif. Le ministre a considéré que l'environnement européen de la France n'était donc pas très satisfaisant, mais que certains pays, comme l'Espagne, réalisaient tout de même des performances intéressantes et, surtout, que la croissance de notre pays, d'abord fondée sur la demande interne, restait vigoureuse.

Il a ainsi noté que les décalages observés en 1998 perduraient en 1999, avec une croissance française supérieure de 0,6 à 0,7 point de PIB à celle enregistrée par nos voisins, rompant ainsi avec les tendances caractérisant la première moitié des années 1990.

Abordant la question des recettes fiscales, il a précisé que leur forte croissance observée en début d'année résultait, pour une large part, de la croissance économique plus forte que prévu en 1998, se traduisant par un plus grand dynamisme des recettes assises sur cet exercice et notamment de l'impôt sur les sociétés. Il a remarqué que, si les recettes brutes de TVA restaient en ligne avec les prévisions initiales, malgré la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 1999, les recettes nettes de TVA étaient légèrement affectées par une augmentation des remboursements et dégrèvements dont l'origine n'était pas encore clairement identifiée.

Il a jugé qu'à ce stade, il était très difficile de savoir quels pourraient être les excédents de recettes par rapport aux prévisions et le niveau du besoin de financement en fin d'année. Il a fait valoir que des dépenses exceptionnelles liées au conflit dans les Balkans n'avaient pas été prévues en loi de finances initiale, indiquant que, si le coût des opérations militaires passées était d'ores et déjà connu, celui du stationnement des troupes françaises au Kosovo et des aides à la reconstruction serait sans doute élevé. Il a précisé que la question de la reconstruction serait abordée par le Président de la République lors de la prochaine réunion du G7 devant se tenir à Cologne. Il a réaffirmé qu'en tout état de cause, face à ces dépenses et à d'éventuels excédents de recettes, l'objectif d'un besoin de financement des administrations publiques ramené à 2,3% du PIB ne serait pas remis en question.

Faisant référence aux évolutions du sentier de croissance américain, il a fait part de sa conviction que l'économie française pourrait connaître une croissance plus forte pendant quelques années, au sein d'un environnement européen qui retrouverait toute sa vigueur. Il a noté que, si jusqu'en 1994, les modèles économiques classiques expliquaient de façon satisfaisante la relation entre croissance et emploi, les évolutions récentes conduisaient à observer un décalage croissant entre leurs prévisions et les résultats effectifs, traduisant une modification de la composition de la croissance française au profit des services et des nouvelles technologies. Il a indiqué que, le Gouvernement ayant d'ores et déjà fixé une norme de progression des dépenses, les éventuels excédents de recettes liés à cette croissance pourraient être utilisés pour réduire les déficits ou les prélèvements obligatoires. Après avoir expliqué qu'il avait bien noté la priorité accordée par la majorité parlementaire à une réduction du poids de la TVA, il a jugé que cette question se poserait sans doute lors des prochains exercices, rappelant que les marges de man_uvre pour 2000 resteraient étroites.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a relevé que la situation en 1999 était inédite, puisque la hausse des prix, initialement estimée à 1,3%, serait sans doute, en fait, sensiblement plus basse. Il a jugé nécessaire, dans un souci de bonne gestion des dépenses et de maintien de l'articulation de la politique budgétaire et monétaire, de respecter un objectif clair d'évolution de la dépense en volume, ce qui justifiait la procédure inédite des contrats de gestion. Il a souligné que cette dernière ne pouvait être assimilée à une régulation budgétaire, puisqu'elle se développait dans le cadre d'une négociation avec les différents ministères, et non pas de façon brutale et unilatérale.

Evoquant les travaux de la Cour des comptes sur l'évolution des investissements de l'Etat, il a précisé que ces études ne tenaient pas compte des financements transitant par les comptes spéciaux du Trésor. Il a précisé que, tous modes de financement confondus, les autorisations de programme civiles avaient crû de 10% de 1997 à 1999.

S'agissant des contrats de plan pour la période 2000-2006, il a indiqué que les 90 milliards de francs prévus par le Gouvernement correspondaient à la reconduction sur sept ans de l'effort consenti lors de la période précédente et qu'une réserve de 15 milliards de francs était en outre prévue.

M. Dominique Strauss-Kahn a exposé que le fonds de réserve en faveur des retraites, initialement doté de 2 milliards de francs, serait alimenté par les recettes exceptionnelles tirées notamment de la cession de parts coopératives de caisses d'épargne pour un montant d'environ 18 milliards de francs. Il a jugé qu'afin de surmonter le choc démographique à venir, l'effort devrait être prolongé au moyen du versement des excédents des comptes sociaux attendus à partir de 2000. Il a estimé que la démarche réussie par l'Etat en matière de réduction de son besoin de financement devait pouvoir également être menée à bien s'agissant des comptes sociaux et qu'un appui significatif pourrait être ainsi apporté au financement des retraites.

Le Président Augustin Bonrepaux a relevé que, s'agissant des contrats de plan, la programmation budgétaire présentée par le Gouvernement semblait consister en une reconduction sur sept ans des dépenses précédemment étalées sur une période six ans, ce qui constituait un ralentissement significatif de l'effort, étant donné qu'en outre, les dotations précédentes avaient été initialement calculées sur une base de cinq ans.

M. Christian Sautter a fait observer que les 90 milliards de francs prévus correspondaient au maintien de l'annuité effectivement dépensée sur la période antérieure et qu'il ne convenait donc pas de parler de diminution de l'effort budgétaire.

Le Président Augustin Bonrepaux a insisté sur le fait que la dotation précédente avait initialement été prévue pour cinq ans, avant d'être étalée sur six ans par le précédent Gouvernement.

M. Philippe Auberger, après s'être félicité de la remise par le Gouvernement de deux rapports complets, a déploré que la publication des comptes de la Nation calculés à partir de la nouvelle base n'intervienne que le 18 juin, c'est-à-dire au lendemain même du débat d'orientation budgétaire.

Il s'est étonné de la présentation, par le Gouvernement, d'une évolution de la croissance française supérieure à la moyenne de l'Union européenne. Faisant état de la dernière note de conjoncture internationale publié par la direction de la prévision, il a remarqué que, pour 1999, la croissance pondérée de l'Allemagne, de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Italie et de la Belgique s'élevait à 2,3% et que la situation de la France n'avait donc rien d'exceptionnel par rapport à cette moyenne. Il a jugé nécessaire d'effectuer des comparaisons plus homogènes, notamment avec les pays de la zone euro.

Abordant la situation des comptes des administrations sociales, il a observé que les prévisions pour 1998 et 1999 retenues par le Gouvernement n'avaient pas été actualisées, alors que la Commission des comptes de la sécurité sociale avait annoncé fin mai la persistance d'un déficit. Il a estimé que ce dernier rendait aléatoire la prévision d'un besoin de financement des administrations publiques de 2,3% du PIB.

Après s'être réjoui de la création annoncée de 500.000 emplois depuis le 1er juillet 1997, il a relevé que la dernière note de conjoncture de l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) précisait que le travail temporaire avait connu une croissance de 14% durant les douze derniers mois et enregistré la création de 250.000 emplois depuis juillet 1997. Il a jugé que, si ces calculs étaient exacts, la moitié des emplois créés relevait du travail temporaire, ce qui minorait singulièrement la portée des résultats obtenus.

Evoquant la présentation faite par le Gouvernement du projet de réforme des cotisations patronales, il a noté qu'il était question de 43 milliards de francs d'allégement au titre de l'actuelle ristourne des cotisations patronales sur les bas salaires et de 25 milliards de francs financés par des impôts supplémentaires. Il a fait observer que ces allégements n'atteignaient donc pas les 110 milliards de francs précédemment annoncés

Il a considéré que les effets de l'actuelle suppression de la surtaxe de 10% au titre de l'IS en 1999, dont le produit est de 12 milliards de francs, seraient, en fait, annulés par un nouveau dispositif et qu'en conséquence, la promesse de l'allégement de l'impôt sur les sociétés ne serait pas vraiment tenue. Evoquant un possible décalage entre les recettes tirées de ces réformes et les dépenses devant suivre le rythme des accords passés au sein des entreprises sur les 35 heures, il s'est demandé si les entreprises bénéficieraient vraiment, en 2000, des 68 milliards de francs d'allégements annoncés.

Enfin, il a souhaité connaître le coût budgétaire exact de la deuxième étape de l'allégement de la taxe professionnelle, notant que la presse avait récemment évoqué un chiffre de deux milliards de francs, relativisant très sensiblement la portée de la réforme.

Après s'être félicité des résultats de la politique menée par le Gouvernement, soutenue par sa majorité et comprise par les électeurs, M. Jean-Louis Idiart a insisté sur l'attachement du groupe socialiste à maintenir la lutte pour l'emploi comme objectif primordial et fait part de sa vigilance en vue d'obtenir une diminution de la TVA, dans un avenir qui ne saurait qu'être très proche. Soulignant la nécessité de soutenir l'investissement, il a estimé nettement insuffisantes les propositions esquissées en matière de contrats de plan, craignant que l'Etat ne soit trop enclin à oublier que les collectivités locales ont dû pallier ses défaillances pour permettre l'exécution des contrats en cours. Il a demandé qu'une discussion s'ouvre, dès cette année, sur un renforcement de l'effort d'investissement nécessaire au développement de l'activité économique. Abordant la modernisation de l'Etat, M. Jean-Louis Idiart a souhaité que sa mise en _uvre soit l'occasion d'une démarche innovante permettant de mieux associer à la conception des réformes ceux qui sont chargés de les appliquer. Après avoir demandé que la création de l'écotaxe soit mieux située dans une perspective environnementale, il a souhaité obtenir des précisions sur la situation future des agences de l'eau au regard de la taxe générale sur les activités polluantes et sur les dotations aux collectivités locales.

M. Gilbert Gantier a observé que les affirmations gouvernementales d'un solde primaire à l'équilibre en 1999 et excédentaire en 2000 contredisaient les indications fournies par M. André Gauron, membre du Conseil d'analyse économique, devant la Commission, distinguant un déficit public en diminution et un solde primaire encore négatif. Il a souhaité savoir où en était l'engagement de maintenir le ratio de la dette rapportée au PIB sous le plafond de 60% fixé par le traité sur l'Union européenne, compte tenu des conséquences mécaniques d'une inflation faible sur le montant du PIB, observant qu'un pourcentage de 62% était parfois avancé. Il a enfin demandé quelles conséquences le Gouvernement entendait tirer des décisions du Conseil d'Etat écartant les validations législatives prises en méconnaissance de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'enjeu étant de trois milliards de francs pour les redevances versées par les compagnies aériennes.

M. Pierre Méhaignerie a d'abord souligné que le fort dynamisme des recettes fiscales, en 1998 et 1999, allait encore alimenter la dépense publique, choix critiqué par l'OCDE, la Cour des comptes et le Gouverneur de la Banque de France, au lieu d'être utilisé pour baisser la TVA et les charges sociales, ou du moins, compenser la hausse du coût du travail résultant de la généralisation des 35 heures. Il a craint qu'on ne se retrouve, en cas de retournement brutal de la conjoncture, dans une situation analogue à celle de 1992-1993. Après avoir demandé des précisions sur l'utilisation des recettes de privatisation, dont la Cour des comptes critique le fait qu'elles financent des dépenses de fonctionnement renouvelables, il s'est interrogé sur l'existence de considérables freins structurels pour accéder, malgré la bonne conjoncture, à un sentier de croissance forte. Il a enfin souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en _uvre des préconisations de la Mission d'évaluation et de contrôle, constituée par la Commission des finances, et de la Cour des comptes et obtenir une estimation du coût de l'application des 35 heures dans les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière.

En réponse à M. Philippe Auberger, M. Dominique Strauss-Kahn a indiqué que les comptes nationaux pour 1998 avaient déjà été publiés selon le nouveau système de comptabilité nationale, leur commentaire devant l'être, lui, dès la fin de la semaine. Il a fait observer que le terme de comparaison le plus significatif, s'agissant de l'analyse de la croissance, était soit la moyenne des Etats membres de l'Union européenne, soit la moyenne des quatre plus grands pays de l'Union ayant une structure économique comparable, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, la France obtenant bien, dans les deux cas, un résultat supérieur à la moyenne.

Le ministre a rappelé que la prévision de résultats des comptes sociaux pour 1999 demeurait bien celle d'un excédent pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale, même compte tenu d'un déficit prévisionnel, récemment annoncé, de 5 milliards pour le régime général.

Il a ensuite fait valoir qu'il n'apparaissait pas possible de rapprocher un chiffre de créations nettes d'emplois et un chiffre de créations brutes d'emplois temporaires, l'interrogation pertinente, au-delà du constat qu'en période de reprise économique, l'emploi temporaire se développe plus rapidement que l'emploi durable, étant de savoir si, en phase longue de croissance, le rapport du premier au second va se stabiliser.

Reconnaissant que des clarifications étaient nécessaires s'agissant de la réforme des cotisations sociales, il a précisé qu'il fallait distinguer la part correspondant à la ristourne dégressive actuelle, l'allégement supplémentaire correspondant à l'abattement accordé jusqu'à 1,8 SMIC, et l'aide « structurelle » accompagnant la réduction du temps de travail. Il a ajouté que l'allégement supplémentaire, estimé, à terme, à 25 milliards de francs, était financé pour moitié par l'écotaxe et pour moitié par la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Par ailleurs, ce qu'il est convenu d'appeler le « recyclage » concerne, pour une estimation de 40 milliards de francs, les conséquences positives sur les ressources de l'Etat, de l'UNEDIC et de la sécurité sociale, des engagements en termes d'emplois résultant du passage aux 35 heures.

Il a précisé que la majoration temporaire de l'impôt sur les sociétés instituée en 1997 disparaîtra effectivement, l'assimilation de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés à la surtaxe temporaire ne pouvant être faite qu'en méconnaissance du caractère progressif de la montée en charge de la première et par ignorance de son affectation franc pour franc à des baisses de charges.

M. Dominique Strauss-Kahn a fait observer que l'allégement global réel résultant de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle serait bien de l'ordre de 20 à 25 milliards de francs, mais qu'il fallait distinguer l'allégement brut et l'allégement net, compte tenu notamment des conséquences de cette suppression sur le montant de l'impôt sur les sociétés. Il a précisé que cet effet aboutit, pour la deuxième année, après un allégement net de charge fiscale de 7 milliards de francs en 1999, à un allégement net de l'ordre de 2 milliards de francs en 2000.

Répondant à M. Jean-Louis Idiart, M. Dominique Strauss-Kahn a affirmé que le Gouvernement n'était pas opposé à l'utilisation d'une partie des éventuelles marges de man_uvre fiscales pour une baisse limitée de TVA. Il a cependant rappelé qu'il convenait, de façon générale, de s'interroger sur l'utilisation de ces marges la plus favorable à l'emploi, dont le développement est l'objectif principal de la politique économique.

Il a ensuite fait part de son doute sur le caractère prétendument insuffisant des 105 milliards de francs de dotations budgétaires annoncées par le Gouvernement pour sa participation à la prochaine génération de contrats de plan Etat-régions. Il a estimé que le montant de ces dotations marquait une augmentation sensible par rapport à la situation antérieure, que l'examen des projets transmis jusqu'ici par les régions laissait supposer un calibrage correct de la dotation, enfin que le Gouvernement s'engageait à ne pas allonger la durée des contrats, contrairement à ce qui avait été fait auparavant.

Il a rappelé le caractère inéluctable de l'introduction d'une écotaxe dans la fiscalité française, compte tenu de décisions communautaires attendues. Il a souligné la portée économique de l'affectation du produit de cette taxe à la réduction des cotisations sociales, maximisant ainsi son effet sur l'emploi.

Répondant à M. Gilbert Gantier, il a confirmé le fait que le solde primaire de l'Etat serait quasi nul en 1999 avant d'être positif en 2000. Il a reconnu que la modification du système de comptabilité nationale entraînerait probablement une augmentation du ratio d'endettement public, qui pourrait s'établir aux alentours de 61% à 62% du PIB. Il a souligné que cette dégradation, due pour l'essentiel à l'inclusion dans la dette publique de montants qui en étaient auparavant exclus, représentait un simple recalage de l'ensemble des ratios passés sur une nouvelle base et non pas une inflexion des tendances. Il en a déduit que la prévision gouvernementale d'une stabilisation du ratio d'endettement public en 2000, suivie d'une baisse les années ultérieures, n'en était aucunement affectée.

En réponse à M. Pierre Méhaignerie, il a regretté que certaines critiques se soient attachées à une analyse de l'évolution des recettes publiques en valeur absolue, alors que la variable réellement significative, au plan économique, est le ratio des recettes rapportées au PIB. Il a souligné que la décroissance, amorcée en 1997, du ratio des dépenses publiques rapportées au PIB libérait des espaces d'initiatives pour la sphère privée. De même, il a estimé que l'interprétation des évolutions du solde budgétaire pouvait être utilement complétée par la notion de « solde structurel », malgré le caractère non uniforme des définitions et modes de calcul de cet indicateur. Il a souligné que la France était le pays du G 7 qui connaîtrait, en 1999, la plus forte diminution de son solde structurel, soit 0,5 point de PIB. Il a fait valoir que les recettes de privatisation ne servaient pas à financer des dépenses courantes de l'Etat.

M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite fait part de l'intérêt qu'il attachait aux activités de la Mission d'évaluation et de contrôle, créée à l'initiative du Président de l'Assemblée nationale, du Président de la Commission des finances et de son Rapporteur général. Il a considéré que l'implantation prochaine d'une antenne de l'INSEE à l'Assemblée nationale était une première étape dans le renforcement nécessaire des moyens d'expertise du Parlement. Il a réaffirmé sa volonté de mieux prendre en compte les travaux réalisés par les parlementaires, rapports d'information ou missions, qui apportent des éclairages intéressants pour la décision publique. Il a rappelé que les discussions sur l'introduction des 35 heures dans les fonctions publiques étaient conduites par M. Émile Zucarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, et qu'il serait normal que la Commission des finances soit informée des conclusions de ces négociations dès lors qu'elles seraient achevées.

Evoquant les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, M. Christian Sautter a mis en avant le contraste entre les conséquences du « pacte de stabilité » décidé par le précédent Gouvernement et les perspectives ouvertes par le « pacte de croissance et de solidarité » négocié par l'actuel Gouvernement. Il a rappelé que ce dernier pacte avait cadré l'évolution de l'enveloppe normée sur l'évolution des prix plus un quart du taux de croissance du PIB.

S'agissant de l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat pour les redevances versées par les compagnies aériennes, il a rappelé la validation récemment intervenue.

Il a également souligné l'intérêt de la démarche engagée par la Mission d'évaluation et de contrôle, relevant que la dépense publique devait être évaluée de façon plus approfondie.

M. Thierry Carcenac s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer les modes de gestion de la dette de l'Etat et d'accroître la part de dette émise à taux variable. Il a estimé que, face au « choc démographique » annoncé à l'échéance des toutes prochaines années, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne pouvait pas faire l'économie d'une réforme de ses services, dont les rapports Lépine, Baert et Champsaur pouvaient tracer les linéaments. Revenant sur le décalage entre les encaissements de TVA brute et de TVA nette, il a fait part de ses inquiétudes sur le développement de la fraude à la TVA intracommunautaire et sur certaines conséquences du développement rapide du commerce électronique.

Faisant usage de la faculté qui lui est reconnue par l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Hervé Morin a suggéré d'isoler les ressources et les charges du régime de retraite des agents de l'Etat au sein d'un budget annexe, afin d'améliorer la lisibilité des comptes publics. Il a estimé que les orientations générales retenues par le Gouvernement en matière de réduction du temps de travail étaient peu compatibles avec les pistes ouvertes par M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, dans son rapport sur l'avenir des retraites remis récemment au Premier ministre. Face au développement important des accords de réduction du temps de travail mis en avant ces jours derniers par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, il a fait part de ses craintes concernant d'éventuelles insuffisances des crédits afférents au financement de l'aide de l'Etat. Il a souhaité que le Gouvernement clarifie ses intentions sur la contribution possible de l'UNEDIC au financement des aides accordées pour le passage aux 35 heures. Il s'est réjoui de ce que les éléments d'information apportés ce jour par les ministres confirment, à son sens, la déconnexion entre le processus d'allégement des charges sociales sur les bas salaires, d'une part, et la politique d'incitation à la réduction de la durée du travail d'autre part. Relevant que le taux d'imposition sur les sociétés était, en France, supérieur à celui applicable chez nos principaux partenaires européens, il a souhaité connaître l'ampleur des phénomènes de délocalisation des bénéfices par les groupes multinationaux.

M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé que l'Etat ne pouvait pas « faire de pari » sur l'évolution et la structure des taux d'intérêt et que, dans ces conditions, le financement de la dette devrait faire place à une certaine répartition des risques. Il s'est déclaré disposé à venir présenter devant la Commission des finances les plus récentes évolutions en matière de politique de gestion de la dette.

Après que M. Pierre Méhaignerie eut souligné le paradoxe que constituait la coexistence d'un taux de chômage élevé et de difficultés, pour les entreprises, à recruter du personnel, particulièrement dans des secteurs comme le BTP, M. Dominique Strauss-Kahn a affirmé de nouveau que, parmi les trois grands dispositifs d'allégement des charges sociales sur les bas salaires qui prévaudraient en 2000, celui dénommé « recyclage » était un corollaire direct des mécanismes légaux de réduction du temps de travail, mais qu'en revanche, la « ristourne supplémentaire » n'était pas conçue pour compenser le passage aux 35 heures. Il a souligné qu'au demeurant, la volonté du Gouvernement de maximiser les effets sur l'emploi des allégements de charges sociales l'avait conduit à décider de limiter l'octroi de la « ristourne supplémentaire » aux seules entreprises engagées dans un processus de réduction de la durée du travail.

S'appuyant sur l'importance des investissements étrangers à destination de la France, il a estimé que le taux de l'impôt sur les sociétés, certes élevé, mais s'appliquant à une base étroite, ne pouvait pas constituer un facteur incitatif aux comportements de délocalisation des bénéfices ou des entreprises.

M. Christian Sautter a indiqué que le départ prévu en retraite de 40% des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à l'horizon 2004 offrait une véritable opportunité de redéployer les effectifs en fonction des priorités. Il a souligné, cependant, les dimensions multiples et la complexité d'une telle réforme.

Il a fait part de sa détermination à lutter contre le développement de la fraude à la TVA intracommunautaire, mais a souhaité relativiser les risques encourus du fait du développement du commerce électronique. Il a mis en avant que les biens échangés dans ce cadre finissaient, un jour ou l'autre, par franchir une frontière, et donc entraient dans le champ normal d'action des services douaniers. Cependant, il a reconnu que le développement du commerce électronique des services soulevait des questions délicates.

Il a rappelé que le Gouvernement s'était engagé à améliorer l'information du Parlement en matière de retraites et avait décidé de compléter le document traditionnellement annexé au projet de loi de finances, relatif aux rémunérations des fonctionnaires, par un fascicule « jaune », relatif aux pensions de retraite dans la fonction publique.

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III.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

La Commission a examiné le présent rapport d'information le mercredi 16 juin 1999, sur le rapport de votre Rapporteur général.

Après avoir précisé que, sous réserve de la décision de la Commission, son rapport pourrait être disponible avant le débat d'orientation budgétaire prévu pour le jeudi 17 juin 1999, votre Rapporteur général a évoqué les perspectives de croissance pour l'année en cours.

Il a fait valoir que ces perspectives permettraient au Gouvernement de respecter les engagements souscrits dans le cadre de la loi de finances pour 1999, à savoir la stabilisation puis la réduction des prélèvements obligatoires, la réduction du déficit, et, enfin, une évolution maîtrisée de la dépense, au service de l'emploi et de la solidarité.

S'agissant du niveau des prélèvements obligatoires, il s'est réjoui de leur stabilisation, rappelant qu'ils avaient augmenté, de 1993 à 1995, de 0,6 point de PIB, puis, de 1995 à 1996, de 1,2 point de PIB. Il a estimé que les perspectives de croissance ouvraient la voie à une réduction de certains prélèvements obligatoires, rappelant que les membres du groupe socialiste et la Commission des finances s'étaient exprimés en faveur de réductions ciblées du taux de la TVA.

Abordant la question du déficit public, il a souligné que celui-ci s'élevait, pour 1998, à 2,9% du PIB. Il s'est réjoui de son évolution, faisant valoir que la politique de réduction du déficit public mise en _uvre depuis 1997 n'avait pas, loin s'en faut, nuit à la croissance.

Evoquant enfin le programme pluriannuel de finances publiques, votre Rapporteur général a souligné qu'il s'agissait en l'espèce d'un exercice nouveau, introduit à l'échelon communautaire par le Pacte européen de stabilité et de croissance. Il a souligné que, quelles que soient les hypothèses de croissance retenues pour la période 2000-2002, la France devrait connaître un assainissement accru de ses finances publiques.

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La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

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N° 1695.- Rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, préalable au débat d'orientation budgétaire pour 2000.

() Intervention de M. Philippe Auberger, Journal officiel. Assemblée nationale - Débats parlementaires, 14 octobre 1997, p. 3952.

() Ces pourcentages d'évolution se rapportent à l'agrégat PIB dans le nouveau système de comptabilité nationale SEC 95.

() L'indicateur retenu ici pour illustrer la hausse des prix est l' « indice des prix de la consommation des ménages », légèrement différent de l' « indice des prix à la consommation ».

() Espagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Finlande, Portugal, Irlande, Luxembourg ; classés par PIB décroissant (en milliards d'écus, aux prix de 1990).

() Les taux de croissance pris en compte dans les prévisions économiques du printemps 1999 sont encore exprimés dans les systèmes de comptabilité nationale antérieurs à l'entrée en vigueur du SEC 95. Ainsi, le taux de croissance du PIB en Allemagne est ici égal à 2,8% en 1998, alors que la nouvelle base comptable l'a ramené à 2,3% seulement.

() Banque centrale européenne, Rapport annuel 1998, tableau 2, p. 25.

() Les échanges extérieurs contribuaient à la croissance du PIB en 1997 à hauteur de + 0,7 point dans la zone euro et à hauteur de + 1,1 point en France.

() La demande intérieure contribuait à la croissance du PIB en 1997 à hauteur de + 1,8 point dans la zone euro et à hauteur de + 0,8 point en France.

() A. Gouëzel-Jobert, Maryvonne Lemaire, Les comptes de la nation en 1998, INSEE Première, n° 645, mai 1999.

() Source : DARES, « Évolution de l'emploi salarié au quatrième trimestre 1998 », in Premières informations, 99.03 - n° 11.2

() Source : DARES, « Le marché du travail en décembre 1998 », in Premières informations, 99.02 - n° 05.1

() Mesuré par l'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) : + 1,1% en 1997 et + 0,3% en 1998 (glissement de décembre à décembre).

() Source : DARES, « Résultats de l'enquête trimestrielle sur l'activité et les conditions d'emploi de la main d'_uvre au 4ème trimestre 1998 », in Premières informations, 99.04 - n° 14.1

() Le regain des dépenses d'investissement des ménages peut d'ailleurs s'expliquer en partie par la diminution du coût du crédit ces dernières années.

() En 1998, le taux d'endettement des ménages s'établirait à 47% environ, selon le Centre d'observation économique de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Il convient de comparer ce taux à celui des ménages allemands (55,5% en 1997) et, a fortiori, à celui des ménages américains (plus de 90%).

() L'INSEE estime que la part de leur chiffre d'affaires à l'exportation s'élève respectivement à 30% et 40%.

() Voir La Lettre de l'OFCE, n° 184, 7 avril 1999.

() Les variations de stocks apporteraient 0,3 point de croissance.

() Rexecode, « Perspectives de l'économie française », in Revue de Rexecode, n° 63, 2ème trimestre 1999.

() Cette augmentation serait due, en particulier, au non renouvellement de contrats de travail « précaires » (durée déterminée, intérim, etc.)

() Morgan Stanley Dean Witter, « The Euro Economy », in European Investment Research, mai-juin 1999.

() Deutsche Bank, Economic & Financial Outlook, 24 mai 1999.

() Naturellement, cette remarque vaut plus pour l'horizon 2000 que pour l'horizon 1999.

() Source : INSEE, Note de conjoncture, mars 1999. Les effets positifs induits (ou renforcés) par la crise asiatique sont la chute des prix des matières premières et la baisse des taux longs provoquée par la réallocation des portefeuilles d'actifs internationaux vers les pays industrialisés (phénomène de « fuite vers la qualité »).

() Indice base 100 en 1990 (données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables).

() Source : INSEE, Informations rapides, n° 146, 21 mai 1999.

() Par exemple, les conditions météorologiques auraient favorisé le secteur de la construction en Allemagne au premier trimestre, de même que les perspectives d'ajustements fiscaux, qui pourraient avoir motivé des achats anticipés de la part des ménages.

() Eurostat, communiqué de presse n° 52/99, 14 juin 1999.

() Voir par exemple les éditions de La Tribune ou Les Échos datées du 14 juin 1999.

() Voir Economic & Financial Outlook, mai 1999.

() Source : BNP, Conjoncture - Taux - Change, mai 1999.

() Le taux de marché des emprunts d'État à 30 ans, qui se situait à 5% environ en novembre 1998, est progressivement monté à 6,15% au milieu du mois de juin 1999.

() P. Blanqué, « US Credit Bubble.com », in Conjoncture, Paribas, avril 1999.

() Voir notamment plusieurs livraisons de la revue Flash : « Comment se déclenche une correction boursière aux États-Unis ? » (n° 99-29, 19 février 1999), « États-Unis : les deux risques » (n° 99-68, 5 mai 1999), « Quelle configuration pour une correction boursière aux États-Unis ? » (n° 99-72, 11 mai 1999) et surtout « Quel sera le déclic qui déclenchera à la fois la chute de la Bourse et la récession aux États-Unis ? » (n° 99-84, 1er juin 1999).

() Il faudrait, pour qu'il y ait correction, que se produise un mouvement global de retrait des fonds hors du marché des actions, au profit d'investissements sur d'autres marchés, par exemple celui des obligations. Or le taux de rendement des obligations est nettement inférieur (6% en termes de coupon brut) et les perspectives de valorisation en capital sont limitées.

() Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main d'_uvre (COM [99] 62 final / n° E 1236).

() Interview de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, Les Echos, 24 février 1999.

() Pour plus de précisions, on se reportera utilement à l'article de M. Daniel Temam, Vingt ans après, la comptabilité nationale s'adapte, Economie et statistiques, n° 318, 1998-8.

() Voir ci-dessus I-B, page 35.

() Bulletin des Commissions, 1998, n° 31, page 4194.

() Voir plus précisément l'annexe « Cinq principes de politique budgétaire ».

() Cette dernière approximation est valable à une dizaine de milliards de francs près chaque année, dans un sens ou dans l'autre, à l'exception des années marquées par des opérations exceptionnelles comme la reprise de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale en 1994 (110 milliards de francs) ou la suppression du décalage d'un mois de la TVA en 1993 (57,4 milliards de francs en 1993, 24,2 milliards de francs en 1994 puis un montant de prises en charge inférieur au milliard de francs les années suivantes).

() OAT : obligations assimilables du Trésor (titres à long terme : 7 à 30 ans).

() BTAN : bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel (titres à moyen terme : 2 à 5 ans).

() BTF : bons du Trésor à taux fixe et intérêt précompté (titres à court terme : 4 semaines à 1 an).

() Voir par exemple le bulletin mensuel Valeurs du Trésor, janvier 1999.

() A l'encours total de titres échus (78,8 milliards de francs), on applique la différence entre le taux moyen des titres échus (6,9%) et le taux moyen de refinancement (4%), soit au total 2,9%.

() Il est fait ici abstraction de 10 milliards de francs dus à l'amortissement d'engagements de l'État ou repris par l'État.

() Le tableau originel portant 295 milliards de francs d'OAT, il est ici supposé que les 10 milliards de francs d'amortissement évoqués à la note précédente sont financés par l'émission de 10 milliards de francs d'OAT. Restent donc 285 milliards de francs d'OAT pour contribuer à couvrir le solde du besoin de financement.

() Voir le rapport en vue du débat d'orientation budgétaire pour 1999 (n° 963, 4 juin 1998, p. 55) et le rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1111, 8 octobre 1998, tome I - volume 2, p. 139).

() A l'exclusion des embauches réalisées par le ministère de l'éducation nationale et par le ministère de l'intérieur.

() Source : DARES, « Premier bilan d'une année de programme "nouveaux services - emplois jeunes" », in Premières synthèses, 99.03 - n° 09.1.

() Si l'on retient l'hypothèse raisonnable d'un profil d'embauche régulier sur tous les mois de l'année.

() Cette estimation numérique peut être trouvée dans le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, p. 52.

() Un accroissement de 0,9% en valeur des dépenses du budget général se traduirait par une augmentation de 15,2 milliards de francs des crédits de ce même budget. Par ailleurs, une augmentation de 0,3% en termes réels des dépenses du budget général hors charges de la dette (c'est-à-dire 1.450 milliards de francs environ) se traduirait par une augmentation de ces crédits de 17,4 milliards de francs. Les deux normes sont cohérentes, au regard de la prévision d'une diminution de la charge nette de la dette équivalente à 2 milliards de francs environ.

() La notion de « charge nette » faisant intervenir une compensation entre recettes et dépenses, son emploi est, en toute rigueur, difficile dans cette phrase : il n'existe pas de « crédits pour charge nette de la dette ».