N° 2101

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 1821) modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives,

PAR Mme Catherine PICARD,

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Sports.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Martine Lignières-Cassou, présidente ; Mmes Muguette Jacquaint, Chantal Robin-Rodrigo, Yvette Roudy, Marie-Jo Zimermann, vice-présidentes ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Michel
Herbillon, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mmes Nicole Ameline, Martine
Aurillac, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Patrick Bloche, Mme Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mme Nicole Bricq, M. Jacques Brunhes, Mmes Odette
Casanova, Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Defontaine, Jean-Claude Etienne, Jacques Floch, Claude Goasguen, Patrick Herr, Mmes Anne-Marie Idrac, Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, M. Patrice Martin-Lalande, Mmes Hélène Mignon, Catherine Picard, MM. Bernard Roman, André Vallini,
Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I - L'AFFIRMATION D'UNE VOLONTÉ POLITIQUE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DU SPORT FÉMININ 4

A. L'INSUFFISANCE DES PRÉOCCUPATIONS JUSQU'ALORS MANIFESTÉES EN FAVEUR DE LA JUSTE PLACE DU SPORT FÉMININ 4

B. LA NÉCESSITÉ D'ÉRIGER UNE RÉELLE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU SEIN DES MILIEUX SPORTIFS 5

II - L'AGRÉMENT DES CLUBS SPORTIFS : UNE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE POUVANT SERVIR À LA MISE EN OEUVRE PROGRESSIVE DE CONDITIONS PROPICES À UN ÉGAL ACCÈS 6

A. LES DIFFICULTÉS DES SPORTIVES POUR L'OBTENTION DE LA RECONNAISSANCE DE LEURS DROITS 6

B. LA NÉCESSITÉ DE FIXER DES OBJECTIFS CONTRAIGNANTS ET EN RAPPORT AVEC L'ÉVOLUTION DU NOMBRE DES PRATIQUANTES 9

C. L'AGRÉMENT : UN INSTRUMENT SUSCEPTIBLE D'ÊTRE UTILISÉ POUR SANCTIONNER LES DÉRIVES LES PLUS MANIFESTES 10

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 15

MESDAMES, MESSIEURS,

Votre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie, sur sa demande, par la commission des affaires familiales, culturelles et sociales du projet de loi (n° 1821) modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Ce projet de loi fait suite à la récente loi, d'initiative parlementaire, n° 99-1124 du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l'organisation des activités physiques et sportives qui actualise et précise certaines dispositions essentielles dans le mode de fonctionnement du sport professionnel.

Le présent projet de loi a une portée plus générale et vise à prendre en compte l'évolution de l'environnement économique et social du monde sportif depuis l'entrée en vigueur de la loi du 16 juillet 1984 qui affirmait dans son article premier le droit « pour chacun » à la pratique des activités physiques et sportives.

Il poursuit un but de rénovation du cadre de fonctionnement des clubs et des fédérations qui constituent le socle du mouvement sportif, dans le sens d'une démocratisation plus affirmée et d'une plus large ouverture sur la vie locale. Ce projet de loi réaffirme ainsi une volonté politique de formation et de reconnaissance à l'égard des animateurs et dirigeants bénévoles qui assurent, au quotidien, une mission irremplaçable en faveur de la cohésion sociale et notamment d'un légitime accès aux loisirs comme à la compétition des jeunes en quête d'épanouissement personnel au moyen des contacts durablement noués au sein des clubs.

L'objectif du gouvernement est de renforcer l'unité du mouvement sportif qui doit être à même de réaliser des objectifs précis tant pour le sport de haut niveau que pour les pratiques individuelles et collectives du plus grand nombre.

I - l'affirmation d'une volonté politique en faveur du développement du sport féminin

A. L'insuffisance des préoccupations jusqu'alors manifestées en faveur de la juste place du sport féminin

Les résultats obtenus par les championnes et les équipes féminines françaises lors des compétitions internationales doivent trouver un prolongement pour le développement de la participation des femmes dans la vie sportive. Les succès des sportives françaises ont sans conteste été, pour partie, à l'origine de la croissance des effectifs féminins dans la quasi totalité des fédérations.

Pour autant, ils n'ont pas eu d'effet sur les responsabilités occupées par les femmes dans les clubs, les ligues et les fédérations. S'il n'existe pas de relevé statistique exhaustif des fonctions dirigeantes actuellement assumées par des femmes, il convient toutefois de rappeler qu'en 1999, deux fédérations seulement (Équitation et Sport adapté) sur cent deux fédérations agréées comptaient une présidente à leur tête.

En outre, trois femmes exercent la fonction de directrice technique nationale (D.T.N.) sur cinquante deux postes recensés. Pour ce qui concerne les clubs, l'absence d'éléments statistiques a amené le ministère à demander aux directions régionales de la jeunesse et des sports de réaliser, dans un premier temps, une approche évaluative en interrogeant sur ce point les ligues départementales et régionales des principales disciplines. Sans préjuger des données qui seront ainsi collectées, il paraît d'ores et déjà évident que le pourcentage des femmes ayant accédé à des fonctions dirigeantes ou d'encadrement demeure sans rapport avec l'évolution du nombre des pratiquantes : en 1968, on estimait que 9 % des femmes étaient concernées par une pratique sportive régulière ; ce pourcentage passant à 32,5 % en 1997.

Constatant que le sport féminin reste encore trop souvent ignoré des média de même que l'insuffisance de la présence des femmes à des niveaux de responsabilité, le gouvernement a engagé une réflexion sur le thème des femmes et du sport qui s'est traduite par la nomination au sein du cabinet de Mme la Ministre de la Jeunesse et des Sports, d'une conseillère technique spécifiquement chargée de ce dossier.

La mise en place d'une structure opérationnelle au niveau de la Direction des sports et la désignation, en tant que relais du dispositif national, d'un réseau régional de correspondants « Femmes et sports » témoignent de ce réel changement.

Des Assises nationales se sont également tenues sur ce thème, à Paris, les 29 et 30 mai 1999. A cette occasion, la politique présentée a réaffirmé, au rang des objectifs prioritaires, la mise en _uvre d'une féminisation de l'encadrement sportif.

B. lA NÉCESSITÉ D'ériger une réelle démocratie participative au sein des milieux sportifs

Une démocratisation des instances et du mode de fonctionnement des fédérations et des clubs suppose la prise en compte des contraintes particulières aux femmes, liées à la répartition traditionnelle des rôles sociaux et familiaux, dans l'organisation de leur formation comme dans leur accès aux activités sportives.

A cet égard, une préoccupation permanente doit se manifester en faveur d'une présence plus marquée des athlètes féminines pour l'organisation des compétitions, des stages, des entraînements, de la détection puis des sélections des sportives de haut niveau, mais également des conditions du transport et d'hébergement encore trop fréquemment négligées.

La France sera, par la réalisation d'un programme de cette nature, mieux à même de soutenir sa candidature pour l'organisation prévue en 2004 de la Conférence européenne sur les Femmes et le Sport.

Pour la composition des organes de gestion du mouvement sportif, la parité hommes-femmes doit être retenue à tous les niveaux, y compris dans les structures nationales : commission nationale du sport de haut niveau, groupes spécialisés, Fonds national de développement du Sport (FNDS) et le Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS) dont la composition est précisée par l'article 25 du présent projet de loi.

Aux échelons des fédérations, de leurs ligues et des clubs qui leur sont affiliés, des révisions statutaires doivent tendre à un rééquilibrage de la représentativité dans les instances dirigeantes et dans l'encadrement. Le but est de rompre avec un système trop général de cooptation qui conduit souvent à la reconduction d'organes dirigeants composés de façon quasi exclusive par des hommes.

L'article 5 du projet de loi ayant retenu l'attention de votre Délégation vise précisément à engager un tel mouvement de révision de leurs statuts par les clubs.

Cette disposition, au demeurant technique, peut avoir une réelle portée en faveur de la réalisation, à ce niveau, d'un principe essentiel d'équité : l'égalité des droits et devoirs des femmes et des hommes dans notre société, quels que soient les cadres d'activité et les sujets concernés.

II - L'AGRÉMENT DES CLUBS SPORTIFS : UNE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE POUVANT SERVIR À LA MISE EN OEUVRE PROGRESSIVE DE CONDITIONS PROPICES À UN ÉGAL ACCÈS

a. lES DIFFICULTÉS DES SPORTIVES POUR L'OBTENTION DE LA RECONNAISSANCE DE LEURS DROITS

L'article 5 du projet de loi modifie la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 en soulignant la nécessité de prendre en compte l'existence de dispositions statutaires de nature à améliorer les conditions de fonctionnement de chaque groupement sportif tout en permettant notamment un égal accès entre les femmes et les hommes au niveau des organes de direction des clubs.

La préoccupation de promouvoir des représentantes des licenciées de sections féminines s'est manifestée, il y a maintenant plus de trente cinq ans, au niveau des fédérations sportives. En effet, un arrêté du 4 avril 1963 relatif à l'administration des fédérations sportives et de leurs ligues et comités fixait un principe de réservation de sièges dans les comités directeurs à des représentantes des sportives, sur la base d'un siège par tranche de 10 % des licenciées féminines au sein de l'effectif global de chaque fédération.

Ce dispositif a d'ailleurs été repris dans une rédaction quasiment identique par le décret n° 95-1159 du 27 octobre 1995 modifiant le décret n° 85-236 du 13 février 1985 relatif aux statuts types des fédérations sportives.

S'agissant des groupements sportifs, ils ne peuvent en tout état de cause prétendre à l'obtention de l'agrément prévu à l'article 8 de la loi du 16 juillet 1984 qu'à la condition de satisfaire à certains principes généraux d'organisation et de fonctionnement définis au 1° de l'article 1er du décret n° 85-237 du 13 février 1985 précisant les conditions d'octroi ou de retrait par les préfets de l'agrément sollicité par les groupements sportifs. A l'obligation de respecter en leur sein la liberté d'opinion comme les droits de la défense en matière disciplinaire, ce texte a judicieusement ajouté l'interdiction de toute discrimination illégale.

Ces dispositions de nature réglementaire sont ainsi entrées en vigueur depuis plusieurs années. Alors que le monde sportif ne compte pas a priori parmi les milieux les plus fermés à toute idée de promotion des femmes, force est de constater que les résultats ne présentent pas, en ce domaine, un caractère véritablement spectaculaire. En raison de leur histoire et de l'évolution du sport qu'elles animent, certaines fédérations sont demeurées moins réceptives que d'autres à la réalisation d'un tel objectif. A cet égard, un bref rappel historique est révélateur.

Dès la parution de l'arrêté de 1963, trois fédérations, appuyées par le Comité olympique de l'époque formèrent un recours à son encontre sur le fondement du défaut de consultation préalable du Haut comité des sports, en arguant que le gouvernement ne pouvait ainsi imposer de nouvelles règles statutaires non prévues par la loi et notamment méconnaître le principe d'égalité des sexes. Par un arrêt rendu sur cette affaire, le 5 novembre 1965, la Haute juridiction administrative a rejeté ces considérations.

Depuis ce premier contentieux relatif à un principe qui aurait pu préfigurer une « affirmative action » à la française (de portée au demeurant modeste), le Conseil d'État a sanctionné des attitudes manifestement défavorables aux sportives tant aux niveaux des fédérations que des clubs. Le Conseil d'État a, par exemple, invoqué le principe du droit à la pratique sportive posé par l'article 1er de la loi du 16 juillet 1984 pour annuler , en 1986, le règlement d'une fédération interdisant toute compétition féminine officielle au seul motif de l'impossibilité pratique d'organiser un championnat de France en raison du petit nombre d'équipes féminines dans la discipline. Cette décision paraît tout à fait logique au regard de la disposition législative précitée qui garantit explicitement le droit de chacun à l'accès au sport et aux activités physiques « quel que soit son sexe, son âge, ses capacités ou sa condition sociale ». Puis, dans une affaire « Ragueneau », le Conseil d'État a considéré, en 1994, qu'une fédération ne saurait repousser a priori toute possibilité d'homologation d'un record national féminin en justifiant sa position au motif d'une absence de reconnaissance de tels records par l'organisation sportive compétente au niveau international.

Pour leur part, les juridictions judiciaires semblent également manifester une vigilance particulière à l'égard de faits délibérément ségrégationnistes. Ainsi, la Cour d'appel de Versailles a-t-elle condamné par un arrêt du 15 septembre 1998, le refus sans motifs probants d'un président de club de football de laisser accéder une équipe féminine à une division supérieure.

Dans cette dernière affaire, les requérantes invoquèrent avec succès la violation de la Convention des Nations Unies du 1er mars 1980 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

B. La nécessité de fixer des objectifs contraignants et en RAPPORT avec l'évolution du nombre des pratiquantes

Le mouvement sportif a lui-même évolué de manière positive, sans doute sous l'influence d'une partie de l'opinion appelant de ses v_ux une plus grande transparence de ses méthodes de fonctionnement, c'est-à-dire une démocratisation.

En décembre 1995, le Comité international olympique (CIO) a créé un groupe de travail sur la femme et le sport. Une année plus tard, il a appelé tous les comités olympiques nationaux (CNO), les fédérations internationales et, plus généralement, les organisations relevant du mouvement olympique à réserver aux femmes, d'ici à l'an 2000, au moins 10 % des postes dans toutes les structures ayant un pouvoir de décision. Ce pourcentage devrait être porté à 20 % à l'horizon 2005.

La mesure proposée par l'article 5 du projet de loi s'inscrit directement dans cette perspective. Elle pourrait même contribuer à faire rapidement dépasser par la France, au niveau des clubs, les objectifs globaux du CIO.

Le rythme de ce mouvement mériterait en effet de s'intensifier. Pour ce faire, les textes réglementaires ne devraient pas simplement se limiter à établir des minima en fonction du nombre des licenciées féminines mais prendre en considération la progression constatée de la pratique des activités physiques et sportives des femmes, au-delà de la seule affiliation à un club ou à toute autre structure organisée.

Dès 1988, l'enquête sur les loisirs effectuée par l'INSEE montrait que 42,5 % des femmes déclaraient avoir pratiqué au moins un sport, au cours de la période 1987-1988 (hors milieu scolaire ou universitaire) contre 28, 9 %, vingt années auparavant. Sur la même période, la pratique sportive des hommes concernait 53,4 % de la population adulte masculine et n'avait progressé que de moins de 3 % par rapport à 1967. Ces chiffres sont supérieurs à ceux des licenciés dont les femmes représentent, à présent, environ un tiers des effectifs globaux de cette partie de la population qui s'adonne à une pratique sportive régulière.

Quoi qu'il en soit, l'accélération de la mise en _uvre d'une meilleure représentativité dans les organes de direction des clubs, reste toujours subordonnée à une réelle évolution des mentalités, seule à même de garantir le renouvellement régulier et, à terme, la pérennité du nombre des dirigeants bénévoles sans lesquels le monde sportif associatif ne saurait durablement assurer son développement.

Les femmes doivent aussi bénéficier d'un plus large accès aux actions de formation aux fonctions liées à l'encadrement sportif, dans ses dimensions administrative comme technique. Cette féminisation des effectifs de dirigeants bénévoles doit s'accompagner d'un même mouvement concernant les métiers du sport. Alors que les sections universitaires d'activités physiques et sportives (STAPS) ont connu, au cours des dernières années, une affluence dépassant toute prévision, une étude de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) révélait qu'en 1996, les hommes représentaient 81 % des candidats au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) de cette filière.

C. L'agrément : un instrument susceptible d'être utilisé pour sanctionner les dérives les plus manifestes

Au sein des clubs sportifs, les actes délibérés de discrimination à l'égard de leurs adhérents de sexe féminin constituent un problème préoccupant mais certainement pas généralisé. Ils traduisent le plus souvent un contexte plus général de dégradation des relations au sein même du groupe dirigeant d'un club ou entre les dirigeants et les membres. En revanche, une discrimination plus pernicieuse s'enracine de fait au sein des groupements sportifs qui traditionnellement ne comptent pas ou très peu de responsables féminins et n'ont jamais véritablement cherché à s'ouvrir plus largement à des sections féminines ou à en créer.

Au-delà des formes de discrimination explicite que les tribunaux sanctionnent désormais de façon quasi systématique lorsqu'ils ont à en connaître, l'article 5 peut utilement concourir à la disparition d'autres attitudes résultant plus fréquemment de la passivité ou du conservatisme, en permettant aux femmes d'accéder en plus grand nombre à des responsabilités dans les organes qui décident de la politique générale comme des actes de gestion des clubs.

Il convient toutefois de s'interroger sur la portée pratique et immédiate de la mesure prévue par cet article. L'agrément délivré aux clubs sportifs conditionne certes leur possibilité d'obtention d'aides de l'État mais ne donne lieu qu'à des contrôles préalables de nature formelle. A cette occasion, l'administration ne peut que vérifier d'abord l'objet social du groupement puis la conformité générale de son activité et de son fonctionnement à la réglementation associative et éventuellement financière et fiscale.

Aux termes de l'instruction ministérielle n° 87-155 JS du 23 septembre 1987 sur l'agrément des groupements sportifs, cette procédure est tout autant « un label de qualité, une caution que le Secrétariat d'État apporte à une association » qu'une attribution qualitative de portée strictement juridique.

Si l'agrément n'apparaît pas probant en tant qu'instrument d'un contrôle préalable autre que formel, il conserve néanmoins un intérêt évident pour fonder l'intervention de l'administration dans des situations manifestement anormales.

En effet, le pouvoir conféré à l'administration conformément à l'article 4 du décret n° 85-237 du 13 février 1985, de retirer son agrément à toute association sportive manquant à ses obligations réglementaires est un instrument précieux dont l'exercice serait susceptible d'avoir des conséquences financières en matière d'aides de l'État pour les clubs qui persévéraient dans leur défaillance à l'égard de la promotion des femmes.

Le retrait d'agrément dont les conséquences apparaissent exclusivement financières, pourrait être encore plus dissuasif si l'avantage ouvert par l'agrément ne portait pas exclusivement sur les aides éventuellement dévolues par l'État mais également sur celles des collectivités territoriales et de leurs groupements qui, en l'état actuel de la législation, peuvent librement subventionner des clubs sportifs non agréés.

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Lors de l'examen du présent rapport par la Délégation au cours de sa réunion du 18 janvier 2000, la rapporteure a présenté les grandes lignes du projet de loi en précisant notamment qu'il traduisait une volonté politique d'actualiser la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dans le sens d'une démocratisation plus affirmée et d'une plus large ouverture des fédérations et des clubs sur la vie locale. Elle a insisté sur l'importance de la réforme de l'agrément des clubs sportifs prévue par l'article 5 du projet de loi qui permettra de faire évoluer certaines attitudes dans le monde sportif, d'ailleurs plus liées à la passivité ou au conservatisme qu'à des actes délibérés de discrimination à l'égard des sportives.

Après l'exposé de la rapporteure, plusieurs membres de la Délégation sont intervenus.

Mme Danielle Bousquet a considéré que la rédaction de l'article 5 du projet de loi témoignait d'une démarche intéressante qui pourrait permettre aux femmes d'accéder à des fonctions de dirigeants, actuellement essentiellement occupées par des hommes. Elle s'est ensuite interrogée sur la portée de la sixième recommandation proposée à la Délégation par la rapporteure, en estimant que le principe d'attribution d'aides financières de l'Etat plus favorable aux fédérations ayant accompli des efforts pour la pratique féminine du sport et pour la représentation des femmes dans leurs instances, lui paraissait insuffisamment précise.

Soulignant également la pertinence de la disposition de l'article 5 du projet de loi, Mme Marie-Françoise Clergeau a ensuite observé qu'il conviendrait de donner une place plus importante aux filles dans les actions d'animation sportive proposées notamment dans les quartiers en difficulté. Après avoir insisté sur la fonction sociale de la pratique sportive pour les femmes, elle a émis le souhait que la Délégation souligne ces points dans une recommandation.

Mme Odette Casanova a souligné l'existence d'une moins forte disparité entre les femmes et les hommes dans les fonctions d'enseignement d'éducation physique et sportive (EPS) que pour les fonctions d'animation qui participaient, notamment dans les quartiers en difficulté, à des actions visant à canaliser certaines formes de violence et s'adressaient principalement à un public d'adolescents. Elle a également évoqué la disparité des rémunérations entre les femmes et les hommes dans le sport professionnel de haut niveau. S'agissant de la filière STAPS, elle s'est inquiétée de l'afflux des étudiants en souhaitant une diversification des débouchés.

Mme Hélène Mignon a précisé que Mme la Ministre de la jeunesse et des sports avait conscience des problèmes de la filière STAPS et projetait d'ouvrir plus largement certaines activités aux étudiants ayant suivi cette formation.

Mme Martine Lignières-Cassou, Présidente, a rappelé la nécessité, déjà exprimée sur d'autres textes par la Délégation, de disposer d'éléments statistiques et s'est félicitée, à cet égard, que la cinquième recommandation proposée par la rapporteure vise à la publication annuelle, en annexe au projet de loi de finances, d'indicateurs permettant d'apprécier l'évolution de la participation des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations, des ligues et des clubs qui leur sont affiliés. Elle s'est interrogée sur les conséquences de la mixité dans la pratique sportive et a souhaité qu'une recommandation supplémentaire traduise la préoccupation de la Délégation sur la dimension sociale du sport et sur l'amélioration des conditions d'accès à la pratique sportive, plus particulièrement dans les quartiers.

En réponse aux différentes intervenantes, la rapporteure a d'abord rappelé que le projet de loi visait à préciser les liens entre l'Etat et le mouvement sportif, en soulignant les enjeux de cette question sur la formation des animateurs comme sur l'éducation des jeunes au niveau local. En approuvant pleinement le principe tendant à conditionner l'agrément des clubs sportifs à l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, elle a déclaré partager les préoccupations concernant la disponibilité des équipements de proximité pour les femmes, au regard de contraintes de la vie quotidienne. Rappelant que les Assises nationales sur les Femmes et le Sport avaient opportunément mis l'accent sur ces questions, elle a approuvé la réflexion engagée sur la filière STAPS en évoquant une éventuelle spécialisation d'instituteurs en EPS, afin de réellement développer les activités sportives dès l'école élémentaire, et en insistant sur la nécessaire qualification de l'encadrement sportif des jeunes, pour laquelle un diplôme d'Etat offrait une irremplaçable garantie de qualité. Après avoir évoqué les conséquences de la mixité dans la pratique sportive, la rapporteure a souhaité que les associations d'éducation populaire aient la possibilité d'organiser des compétitions de jeunes en adaptant certaines règles édictées par les fédérations et a conclu en rappelant que le projet de loi féminise un grand nombre de termes et d'expressions de genre jusqu'alors exclusivement masculin dans les textes.

Après l'intervention de Mme Lignières-Cassou, Présidente, qui a souhaité que le rapport et les recommandations de la Délégation puissent être largement diffusés, notamment auprès des participants aux Assises nationales sur les Femmes et le Sport, des principales fédérations et de la presse sportive, la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION

1. Afin de conférer une réelle pertinence à l'objectif de parité, il conviendrait de subordonner expressément l'attribution d'un agrément des clubs sportifs à l'existence de dispositions statutaires favorables à leur démocratisation et donc à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions dirigeantes et d'encadrement.

2. Des modifications devront être apportées aux conditions relatives à l'agrément des groupements sportifs afin de préciser les justifications que l'autorité administrative pourra être en droit de leur demander pour démontrer qu'ils satisfont aux prescriptions de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1984 tel que modifié par l'article 5 du projet de loi.

3. Une date limite devrait être fixée (31 décembre 2000 ou 30 juin 2001) pour imposer aux groupements sportifs existants, et ayant obtenu un agrément, de mettre en conformité leurs statuts avec les nouvelles prescriptions de la loi du 16 juillet 1984 modifiée.

4. Le principe de parité femmes-hommes devra également présider à la composition du Conseil national des activités physiques et sportives dont la mise en place est prévue par l'article 25 du projet de loi en tant qu'instance représentative de l'ensemble des composantes du mouvement sportif.

5. Chaque année à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances, le gouvernement devra publier en annexe à ce projet, une série d'indicateurs statistiques permettant d'apprécier l'évolution de la participation des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations, de leurs ligues régionales et départementales et des clubs sportifs qui leur sont affiliés.

6. L'État veillera à allouer prioritairement aux fédérations les dotations budgétaires relevant de sa compétence en fonction de l'importance de la pratique sportive féminine et de l'accès des femmes à leurs instances de direction et aux postes d'encadrement.

7. Etant donné l'importance des fonctions sociales et culturelles du sport, il est nécessaire de respecter une juste représentation des femmes et des hommes, tant en ce qui concerne les responsabilités d'encadrement exercées au titre des actions d'animation sportive engagées par l'Etat et les collectivités territoriales, notamment dans les quartiers en difficulté, que les activités et pratiques proposées dans ce cadre. Il s'avère également indispensable au développement des activités physiques et sportives des femmes de mettre en _uvre une politique de proximité et de disponibilité des équipements sportifs, y compris dans le milieu rural.