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N° 2364

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mai 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)

sur l'innovation en France,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Michel Destot,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Entreprises

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM. Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, François Goulard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

INTRODUCTION 9

- L'innovation, moteur de la croissance et source d'emplois 9

- L'innovation, objet d'une attention récente mais soutenue 9

- La distinction entre recherche et innovation 11

- L'adéquation nécessaire entre l'offre d'innovations et les nouveaux besoins 12

CHAPITRE PREMIER : ÉTAT DES LIEUX DE L'INNOVATION EN FRANCE 15

I.- L'INNOVATION EN FRANCE EN QUELQUES CHIFFRES 15

A.- L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE DANS L'INDUSTRIE 15

1.- Une sortie de crise favorable à l'innovation de produit 15

2.- La progression des collaborations en matière d'innovation 16

3.- Des motivations variées 16

4.- La recherche : composante principale des dépenses pour innover 17

5.- Un effort d'innovation inégalement réparti entre PMI et grandes entreprises 18

6.- Des obstacles à l'innovation principalement économiques 18

B.- L'INNOVATION DANS LES SECTEURS LIÉS AUX TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION 19

1.- Le tableau de bord de l'innovation 19

2.- Le premier bilan d'avril 1999 20

3.- Les nouveaux résultats de l'automne 1999 23

C.- L'INNOVATION DANS LE DOMAINE DES BIOTECHNOLOGIES 24

II.- DES EXEMPLES ÉTRANGERS QUI METTENT EN LUMIÈRE LES RETARDS FRANÇAIS 26

A.- LES PAYS OÙ L'INNOVATION EST REINE 26

1.- Les États-Unis : le triomphe des entreprises innovantes 26

2.- Le Japon : l'innovation pour sortir de la crise 28

3.- Israël : le choix de l'innovation comme moteur du décollage économique 28

B.- LES EUROPÉENS QUI DONNENT L'EXEMPLE 29

1.- Le Royaume-Uni : des secteurs innovants très développés 30

2.- L'Allemagne : des résultats à la hauteur des capitaux consacrés à l'innovation 30

3.- Les Pays-Bas : premier pays d'Europe pour le capital-risque 32

III.- UNE CONTRADICTION PRÉOCCUPANTE 33

A.- UNE DÉPENSE SOUTENUE EN RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT 33

B.- UNE SÉRIE D'INDICATEURS DÉCEVANTS 37

C.- UNE COMPÉTITIVITÉ TECHNOLOGIQUE INSUFFISANTE 38

CHAPITRE II : POUR UNE POLITIQUE VOLONTAIRE EN FAVEUR DE L'INNOVATION 41

I.- LA NÉCESSITÉ D'UNE INTERVENTION PUBLIQUE EFFICACE ET ADAPTÉE 41

A.- L'INNOVATION COMME SOURCE DE CROISSANCE 41

B.- L'INNOVATION COMME SOURCE D'EMPLOIS 43

C.- LES VOIES DE L'INTERVENTION PUBLIQUE 48

II.- DES INITIATIVES LOCALES QUI MONTRENT LES VOIES DU SUCCÈS 50

A.- UN EXEMPLE D'INITIATIVE RÉGIONALE INTÉGRÉE EN RHÔNE-ALPES 50

B.- L'ARTICULATION DE TELLES INITIATIVES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE DOIT PERMETTRE L'ÉMERGENCE DE PÔLES TECHNOLOGIQUES INNOVANTS 51

III.- DES AIDES NATIONALES À LA RECHERCHE ET L'INNOVATION 52

A.- DES AIDES FINANCIÈRES NOMBREUSES ET COMPLEXES 53

1.- Les aides du ministère de l'Économie 55

2.- Les aides du ministère de la Recherche 58

3.- Les aides à l'innovation de l'ANVAR 59

a) La création de nouvelles entreprises innovantes de technologie et de services 60

b) Le renforcement des fonds propres des entreprises 61

c) L'accès aux sources d'innovation dans le monde de la recherche 62

d) Le partenariat européen 63

4.- Les dispositifs fiscaux en faveur de la recherche 63

a) Le crédit d'impôt recherche 63

b) Les autres dispositions fiscales incitatives 64

B.- DES AIDES EN COURS DE RÉORIENTATION EN FAVEUR DES PME ET DE LA CRÉATION D'EMPLOIS 67

1.- La réorientation des aides en faveur des PME 67

2.- L'accent est mis sur la création d'emploi 69

IV.- UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉCENTE MAIS PROMETTEUSE AU NIVEAU EUROPÉEN 71

A.- LE CHOIX DE L'INNOVATION AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ ET DU RENFORCEMENT DE LA COHÉSION 71

1.- Le constat du retard européen 71

2.- La promotion de la « culture de l'innovation » en Europe 73

B.- LA STIMULATION DE LA RECHERCHE, SOURCE DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE 76

1.- Des instruments nombreux et des moyens accrus 76

2.- Le premier plan d'action pour l'innovation en Europe 79

C.- L'APPUI À LA CRÉATION DE PME INNOVANTES 82

1.- L'assistance financière aux PME innovantes et créatrices d'emplois 82

2.- Des résultats encourageants 83

CHAPITRE III : DES AVANCÉES RÉCENTES D'UNE PORTÉE RÉELLE 86

I.- UN SOUTIEN PUBLIC À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES 86

A.- LES MÉCANISMES EXISTANTS AYANT FAIT L'OBJET D'AMÉNAGEMENTS RÉCENTS 86

1.- Les fonds communs de placement à risque 86

2.- La provision en franchise d'impôt pour soutien à l'essaimage 91

3.- Les mécanismes de garantie 91

4.- Le programme PME de la Caisse des dépôts et consignations 92

B.- LES MESURES PRISES AUTOUR DES ASSISES DE L'INNOVATION DE MAI 1998 93

1.- Les contrats d'assurance-vie investis en actions 93

2.- Le report d'imposition pour l'investissement dans les jeunes entreprises 95

3.- Le fonds public pour le capital-risque 96

4.- Les fonds d'amorçage 99

5.- L'incitation aux investissements de petite taille 100

6.- Les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise 100

II.- LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE 102

A.- DÉVELOPPER LES RELATIONS ENTRE LES PERSONNELS DE LA RECHERCHE ET LES ENTREPRISES 102

1.- Permettre aux chercheurs et aux enseignants de créer des entreprises 102

2.- Multiplier les contacts des chercheurs et des enseignants-chercheurs avec les entreprises 103

B.- DÉVELOPPER LA COLLABORATION ENTRE LA RECHERCHE PUBLIQUE ET LES ENTREPRISES 104

1.- La création d'incubateurs 104

2.- La simplification de la gestion des organismes de recherche 105

III.- UNE MISE EN _UVRE PRESQUE COMPLÈTE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT GUILLAUME 100

A.- DES PROPOSITIONS BIEN SUIVIES EN MATIÈRE DE SOUTIEN À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES ET DE MOBILITÉ DES CHERCHEURS 101

1.- Un travail législatif rapide et efficace 101

a) Favoriser la création d'entreprises innovantes et donner un nouvel essor au capital risque 101

b) Renforcer le couplage recherche-industrie 102

2.- Certaines orientations pourraient encore être mises en _uvre 103

a) Modifier la fiscalité en matière de capital-risque et recentrer les financements publics 103

b) Inciter plus fortement les chercheurs à la mobilité 104

B.- L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES PRÉCONISATIONS D'ORDRE INSTITUTIONNEL 105

1.- Les problèmes d'organisation et d'évaluation demeurent posés 105

2.- Un appel à une meilleure utilisation de l'argent public 106

a) Le développement des aides en faveur de l'emploi scientifique et technique 106

b) Le recentrage des financements publics nationaux à la recherche et au développement 106

c) Améliorer l'articulation des aides 107

CHAPITRE IV : DE NOUVELLES MESURES DE STIMULATION SONT NÉCESSAIRES 118

I.- ACCÈS AUX COMPÉTENCES 118

A.- COMPLÉTER LA FORMATION 118

B.- FACILITER LE RECRUTEMENT DES PERSONNELS FORMÉS 120

1.- Simplifier les aides à l'embauches de personnels qualifiés 120

2.- Réviser le régime fiscal des stock-options 121

C.- STIMULER L'ESPRIT D'ENTREPRISE 114

1.- Assurer une sécurité minimale au créateur d'entreprise 115

2.- Développer le «parrainage» » de start-up par des grands patrons 115

II.- ACCÈS AU FINANCEMENT 116

A.- RENDRE PLUS ATTRACTIVE LA PRISE DE RISQUE 126

1.- Aider les business angels 127

2.- Modifier la fiscalité pesant sur le capital-risque 127

B.- ADAPTER LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE 128

1.- Des ajustements au système du crédit d'impôt recherche 128

2.- Vers un crédit d'impôt innovation ? 129

III.- ACCÈS AU MARCHÉ 130

A.- METTRE EN ADÉQUATION LA RECHERCHE ET LES BESOINS DES ENTREPRISES 130

B.- MIEUX ORIENTER LES AIDES 130

1.- Des critères de sélection à revoir 131

2.- Des aides communautaires à réorienter vers les zones d'innovation 131

IV.- DES BLOCAGES INSTITUTIONNELS À RÉSOUDRE 132

A.- SIMPLIFIER ET RENDRE PLUS LISIBLE LE DISPOSITIF D'AIDE 132

1.- Réorganiser les structures publiques de transfert 132

2.- Coordonner les différents acteurs au niveau régional 133

B.- DÉVELOPPER LES RÉSEAUX 134

CONCLUSION 127

EXAMEN EN COMMISSION 133

ANNEXE : COMPTES RENDUS DES ENTRETIENS RÉALISÉS PAR VOTRE RAPPORTEUR 137

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INTRODUCTION

- L'innovation, moteur de la croissance et source d'emplois

Dans une économie de plus en plus ouverte et concurrentielle, marquée par le développement rapide du secteur des nouvelles technologies, l'innovation est devenue un facteur essentiel de la réussite économique. L'innovation tire en effet la croissance vers le haut, et agit par conséquent positivement sur le niveau général de l'emploi, même si le développement de technologies avancées peut conduire à la baisse partielle d'autres activités devenues difficilement rentables ou concurrentielles.

Encourager l'innovation, c'est donc aussi permettre l'émergence de nouveaux emplois, augmenter le niveau global de qualification, et répondre à ce qui demeure la principale priorité de la politique gouvernementale : la lutte contre le chômage.

Le tableau de bord de l'innovation mis en place en 1999 montre ainsi que dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le rythme des créations d'emplois est beaucoup plus fort que dans les autres secteurs (indicateur 10).

Aussi, dans l'action que le Gouvernement conduit depuis trois ans, l'innovation occupe-t-elle une place tout à fait particulière. L'innovation technologique est au c_ur de la nouvelle croissance dans laquelle nous entrons. C'est pourquoi, notre objectif est clair : transformer la science et la technologie en croissance et en emplois.

Soutenir l'innovation c'est, sur le plan économique, faire le choix de la croissance durable et, sur le plan géopolitique, faire le choix de la puissance industrielle pour notre pays et notre continent. Les deux vont de pair et forment l'ambition ultime de notre politique industrielle.

- L'innovation, objet d'une attention récente mais soutenue

L'innovation n'est plus aujourd'hui en France cantonnée au champ de la théorie économique. Depuis quelques années, celle-ci est en effet devenue une préoccupation centrale des acteurs économiques et des décideurs politiques. Aussi, les décisions annoncées au cours des Assises de l'Innovation en 1997, et qu'avait inspirées le rapport de mission sur la technologie et l'innovation de M. Henri Guillaume(1), publié en mars 1998, illustrent-elles cette prise de conscience et marque le point de départ de la mise en _uvre d'une série de mesures en faveur de l'innovation. Elles visent à créer un environnement cohérent et favorable à l'émergence de nouvelles technologies et de nouvelles activités avec de nouveaux capitaux et de nouveaux entrepreneurs.

Pour lever de nouveaux capitaux, plusieurs mesures ont été prises pour développer le capital risque en France. Les contrats d'assurance-vie investis principalement en actions, les « contrats DSK », ont permis de collecter des dizaines de milliards de francs qui ont ainsi été orientés en partie vers les fonds propres des entreprises innovantes. En moins de deux ans, le paysage du capital-risque en France a été profondément transformé, avec la création de fonds publics. Le chaînon manquant du financement en amont a été comblé par la création de fonds d'amorçage. Le recrutement des dirigeants et collaborateurs de haut niveau dans les PME innovantes à fort potentiel de croissance a été facilité par la création de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise. Enfin, la loi sur la recherche et l'innovation a encouragé la création d'entreprises par des chercheurs et favorisé la multiplication des contacts entre les personnels de recherche et le monde de l'entreprise.

Le récent rapport de Henri Guillaume a été suivi de nombreux autres travaux, parmi lesquels celui de Mme Edith Cresson, alors Commissaire européen, Innover ou subir (2), qui met l'accent sur la dimension européenne des enjeux de l'innovation.

La question de l'innovation a parallèlement été abordée indirectement à travers les travaux relatifs à la fiscalité de l'épargne dont l'allocation en faveur des entreprises innovantes constitue un enjeu majeur : les réflexions de Madame Nicole Bricq sur l'association des salariés et des cadres à la croissance de leur entreprise, au printemps 1999, celles de M. Michel Sapin, destinées à « encourager l'épargne salariale », le rapport au Premier ministre de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld et le rapport parlementaire d'Eric Besson Pour un plan d'urgence d'aide à la création de très petites entreprises ont nourri ce débat.

Cette prise de conscience est désormais générale et conduit parfois à une véritable « révolution culturelle », relativement discrète, mais bien réelle. Ainsi, la Chine elle-même, qui n'a pas toujours accordé suffisamment d'attention à la communauté scientifique et académique, place désormais cette dernière au centre de ses préoccupations. Alors que sa forte croissance économique est tirée par les investissements étrangers et que les dépenses en recherche et développement ne suivent pas un rythme suffisant, la Chine est dans l'obligation de combattre la fuite des cerveaux : cela passe, elle l'a compris, par la mise en place d'un système d'innovation technologique qui donne une marge d'initiative à tous ses acteurs. Aussi le Comité central du Parti communiste chinois a-t-il annoncé en août 1999 une série de décisions destinées à « vigoureusement promouvoir l'innovation technologique, le développement des hautes technologies et l'industrialisation du pays ».

- La distinction entre recherche et innovation

Si les enjeux liés à l'innovation sont désormais bien compris, et si de nombreuses mesures d'encouragement de celle-ci ont déjà été mises en _uvre, il reste encore cependant des progrès à accomplir.

Si le « modèle américain » en matière d'innovation est si souvent évoqué, c'est surtout à cause de la vigueur et de la durée de la croissance économique aux États-Unis et du succès spectaculaire de certaines firmes. L'augmentation du nombre d'emplois est remarquable, même si cette croissance n'est pas exempte de phénomènes connexes de précarité : 43 millions de créations d'emplois constatées aux États-Unis entre 1973 et 1997, alors que la France n'en compte qu'à peine un million. Cette situation économique favorable a été mise en relation avec l'effort réalisé en matière d'innovation. Il apparaît que, en plus de l'importance des fonds, publics et privés, qui lui sont consacrés, deux autres éléments expliquent que les résultats américains soient meilleurs dans ce domaine : les relations entre recherche publique et entreprises innovatrices y sont particulièrement denses et le secteur de la recherche publique joue un rôle d'impulsion en matière de diffusion de l'innovation. La référence à ce « modèle » est omniprésente dans tous les efforts récents de stimulation de l'innovation en Europe. Toutefois, en France, la distinction fondamentale entre recherche et innovation, bien perçue outre-Atlantique, demeure encore négligée.

L'activité de recherche et de développement expérimental a longtemps été considérée comme le déterminant premier du développement économique. Les données sur la recherche et le développement étaient, et restent d'ailleurs largement, les principaux indicateurs du niveau technologique d'une industrie ou d'un pays. Pourtant, innovation et recherche sont des notions différentes.

La recherche est d'abord l'affaire des scientifiques, l'innovation restant principalement celle des entrepreneurs. Cette distinction ne diminue en rien le rôle du chercheur dans la découverte fondamentale qui alimente le progrès des connaissances ni celui des pouvoirs publics pour faciliter l'initiative industrielle et l'innovation. Mais elle rappelle que l'innovation va au-delà de la recherche, qu'elle a ses lois et ses déterminants qui relèvent non seulement des laboratoires mais aussi des marchés. Elle montre aussi les limites des indicateurs tels le volume des dépenses de recherche et développement.

Les interventions des pouvoirs publics ont longtemps été centrées sur le seul effort de recherche et développement, ce qui revenait à nier la spécificité, et la complexité, du processus d'innovation. D'autres types de dépenses telles que l'acquisition de brevets, la conception de produits, la production expérimentale, la formation et la mise à niveau de l'équipement, les études de marchés, sont trop souvent mal prises en compte.

Toute politique en faveur de l'innovation doit donc prendre en compte ces multiples éléments, et en particulier toute la dimension que l'on peut qualifier « d'entrepreneuriale » sans laquelle l'innovation est impossible.

- L'adéquation nécessaire entre l'offre d'innovations et les nouveaux besoins

L'innovation, à la différence de la recherche, ne peut se développer avec succès que si elle répond et s'adapte aux besoins émergents. Il est en effet essentiel d'identifier quelles innovations sont porteuses d'avenir pour permettre aux encouragements d'avoir une efficacité maximum.

Cet objectif implique deux exigences : d'une part, les encouragements à l'innovation doivent être décentralisés pour s'inscrire au plus près des initiatives ; d'autre part, pour éviter un saupoudrage inutile des aides, il est essentiel d'identifier des environnements de taille critique qui permettent aux innovations de se développer rapidement.

Par ailleurs, s'il est nécessaire d'accompagner les zones en reconversion, il ne faut pas pour autant retirer tout notre soutien aux zones en fort développement, aux zones qui réussissent, aux zones qui créent les emplois d'aujourd'hui et de demain.

Enfin, l'innovation, pour être acceptée dans sa globalité, ne doit pas seulement être technologique, elle doit être aussi sociale.

L'innovation technologique implique un processus de destruction créatrice qui, s'il est globalement une chance pour la croissance et pour l'emploi, comporte un certain nombre de risques d'exclusion et doit par conséquent être accompagné d'une politique sociale de formation et d'insertion. Sans maîtrise, elle constitue de ce fait un nouveau risque de creusement des inégalités. Par nature, l'innovation a tendance à s'imposer sur le marché plutôt que de répondre aux besoins de la communauté. Le risque serait alors de faire naître une catégorie « d'exclus du progrès ».

Satisfaire les besoins sociétaux en matière de technologies de la communication, d'accès à l'information et de développement durable est une chose. Encore faudra-t-il répondre aux demandes de citoyenneté, de lutte contre les exclusions, comme aux besoins qui se feront inévitablement jour en matière de formation initiale et continue.

De nouvelles solidarités devront donc émerger face à l'apparition possible de nouvelles inégalités entre ceux qui maîtrisent et accèdent à la technologie et ceux qui l'ignorent.

Toute réflexion sur l'innovation en France doit commencer par un tableau de la situation nationale : cet état des lieux met en avant le dynamisme de l'innovation dans notre pays, mais aussi ses limites, notamment en comparaison avec la situation de certains de nos partenaires, et montre une réalité paradoxale dans laquelle les efforts considérables de recherche et développement ne se traduisent pas par des résultats économiques à leur mesure. A partir de ce constat, une intervention publique, justifiée par la théorie économique et par des études empiriques, apparaît incontournable, qu'elle soit conduite dans le cadre national ou au niveau communautaire. Cette politique en faveur de l'innovation connaît une série d'avancées depuis quelques années : elles révèlent une prise de conscience de la distinction entre recherche et innovation et se traduisent par un soutien public à la création d'entreprises innovantes et par un effort pour lever les blocages statutaires et institutionnels. Le bilan des actions menées jusqu'ici permet à votre Rapporteur de formuler des propositions destinées à renforcer cette inflexion récente et à ouvrir de nouvelles voies à l'intervention publique en matière d'innovation.

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CHAPITRE PREMIER

ÉTAT DES LIEUX DE L'INNOVATION EN FRANCE

I.- L'INNOVATION EN FRANCE EN QUELQUES CHIFFRES

A.- L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE DANS L'INDUSTRIE

L'innovation, processus complexe et de longue haleine, est difficile à mesurer. C'est l'innovation technologique dans l'industrie qui est la mieux connue, grâce en particulier aux travaux du secrétariat d'État à l'Industrie dont le service des statistiques industrielles (SESSI) publie régulièrement les « chiffres clés » de l'innovation technologique dans l'industrie (3). Ils permettent de se faire une idée précise de la situation française dans ce domaine.

1.- UNE SORTIE DE CRISE FAVORABLE À L'INNOVATION DE PRODUIT

Dans l'industrie manufacturière, 41 % des entreprises de plus de vingt personnes ont innové entre 1994 et 1996 : 34,3 % ont introduit sur le marché un produit technologiquement innovant et 29,4 % ont innové dans les procédés, 22,8 % ayant innové à la fois en produit et en procédé.

Les industriels ont ainsi plus innové pendant la période de relative reprise de 1994-1996 que pendant la période 1990-1992, qui s'inscrivait dans une phase de récession économique (41 % d'innovants, contre 38,7 %). Ils renouent avec les comportements observés dans la phase de croissance 1987-1989 (40,3 % d'innovants).

La mutation principale des comportements innovants de sortie de crise réside dans une réorientation, plus déterminée encore que par le passé, de l'innovation technologique en faveur des produits nouveaux, l'innovation de procédé progressant moins rapidement. Les entreprises semblent choisir de nouveau de répondre à la pression concurrentielle qui s'exerce sur elles par une innovation qui vise à prendre directement des parts de marché aux produits concurrents, en captant une clientèle sensible aux caractéristiques et performances nouvelles des produits, et non par une innovation visant à réduire les coûts de production et les prix. L'innovation de produit apparaît plus que jamais comme la voie de la compétitivité.

2.- LA PROGRESSION DES COLLABORATIONS EN MATIÈRE D'INNOVATION

42 % des entreprises innovantes en produit déclarent avoir innové, pour une part au moins, en collaboration avec d'autres entreprises ou organismes. Dans 8,2 % des cas, l'innovation a été principalement développée à l'extérieur. L'implication de partenaires extérieurs est encore plus manifeste pour ce qui concerne l'innovation de procédé. Dans ce domaine, plus de 55 % des firmes innovent en partenariat avec d'autres entreprises ou organismes, et, parmi elles, 17,1 % ont mis en _uvre une innovation principalement développée par d'autres.

L'innovation avec d'autres se concrétise parfois sous la forme d'accords explicites de coopération pour ce projet. C'est le cas pour un tiers des entreprises innovantes. Lorsque le partenaire est une autre entreprise, ces accords sont principalement noués avec les clients, les fournisseurs et les sociétés de conseil, très souvent également avec les filiales du même groupe, mais très rarement avec des concurrents.

Les coopérations avec les universités sont plus rares : elles sont fréquentes en revanche avec les organismes de recherche, publics ou privés, sans but lucratif, ce qui s'explique tout particulièrement par les coopérations avec les centres techniques professionnels.

L'observation des sources d'information à l'origine des innovations met en avant une prédilection pour les mêmes interlocuteurs. Plus de 70 % des entreprises déclarent avoir recours à des sources d'information externes. Ces dernières proviennent d'abord de leurs clients, puis des autres entreprises en contact avec l'entreprise innovante. Les sources les moins utilisées sont les sociétés de conseil et de recherche marchande, les universités et les instituts de propriétés industrielles.

Cette situation met clairement à jour la nécessité de favoriser la collaboration et les échanges entre entreprises, dans la mesure où ce type de coopération est à l'origine de nombreuses innovations, mais aussi entre monde de l'entreprise et monde de la recherche, puisque cette possibilité est encore peu développée.

3.- DES MOTIVATIONS VARIÉES

Le plus ou moins grand empressement des entreprises à innover dépend directement des raisons qui les poussent à le faire. L'enquête du secrétariat d'État à l'Industrie permet de s'en faire une idée.

Il apparaît que la principale motivation pour les entreprises est la volonté d'accroître leurs parts de marché. Cet objectif est ressenti comme prioritaire (de forte importance) par près de 60 % des firmes innovantes, juste devant l'élargissement de la gamme de produits et l'amélioration de la qualité (50 % pour ces deux objectifs). Au-delà, le remplacement de produits en fin de vie pousse très fortement à innover près du quart des entreprises innovantes tandis que les préoccupations environnementales ne motivent encore que très peu les entreprises (12 % en motivation forte).

LES OBJECTIFS POUR INNOVER

(en pourcentage des entreprises innovantes)

Importance de l'objectif

Nulle

Faible

Moyenne

Forte

Remplacer des produits obsolètes

34,1

18,1

24,2

23,5

Améliorer la qualité des produits

11,2

7,6

30,9

50,2

Élargir la gamme de produits

12,1

10,1

28,1

49,7

Conquérir de nouveaux marchés ou accroître la part de marché

10,2

6,4

25,7

57,8

Réduire les atteintes à l'environnement

44,0

23,7

20,5

11,8

Satisfaire aux législations, réglementations, normes, standards

32,2

17,9

27,3

22,5

Conférer davantage de souplesse à la production

28,6

20,7

30,4

20,3

Réduire ses coûts salariaux par unité produite

29,8

19,9

27,6

22,7

Réduire ses consommations de matière

33,1

24,8

24,5

17,6

Source : SESSI, L'innovation technologique dans l'industrie (1998).

Les préoccupations de réduction du coût du travail, de consommation de matière et de flexibilité de l'appareil de production ne sont citées comme une impulsion forte à innover que par une entreprise sur cinq. Cela renvoie au relatif effacement de l'innovation de procédé devant l'innovation de produit.

Le succès des stratégies d'innovation est de nature à conduire à un enchaînement vertueux d'innovations. Or il ne fait pas de doute : les entreprises réalisent 10 % de leur chiffre d'affaires en produits innovants et 13,1 % en produits technologiquement améliorés.

4.- LA RECHERCHE : COMPOSANTE PRINCIPALE DES DÉPENSES POUR INNOVER

En 1996, les entreprises innovantes ont consacré à l'innovation près de 6 % de leur chiffre d'affaires, soit plus de 141 milliards de francs, quand la part des dépenses d'investissement dans le chiffre d'affaires est en moyenne un peu supérieur à 3 %. Ces dépenses se font à hauteur des deux tiers dans le domaine de la recherche : 93 milliards de francs de dépenses de recherche réalisées directement par les entreprises et 14 milliards de francs de recherche confiés à d'autres entreprises ou organismes.

La seconde grande catégorie de dépenses porte, plus particulièrement, sur la mise en production des innovations : 41 % des entreprises consacrent 15,7 milliards de francs à l'acquisition de machines et équipements et 24 % dépensent 9,7 milliards de francs à la conception industrielle et autres préparatifs de la production. Les trois autres dépenses d'innovation sont de moindre importance : acquisition de technologies à l'extérieur, actions de formation, mises en _uvre de stratégies commerciales spécifiques.

5.- UN EFFORT D'INNOVATION INÉGALEMENT RÉPARTI ENTRE PMI ET GRANDES ENTREPRISES

Les grandes entreprises innovantes consacrent plus de ressources à l'innovation que les PMI innovantes : respectivement 6,9 % et 4,3 % du chiffre d'affaires. Néanmoins, la part des dépenses d'innovation hors recherche dans le chiffre d'affaires des entreprises innovantes est de 1,6 % pour les PMI et de 1,4 % dans les grandes entreprises. Il apparaît donc que si les PMI dans leur ensemble investissent moins, en proportion, que les grandes entreprises, celles qui innovent font un effort plus marqué. Les grandes entreprises réalisent 75 % des dépenses liées à l'innovation, dont 80 % des dépenses internes de recherche et développement et 81 % des dépenses de conception industrielle nécessaires à la production.

6.- DES OBSTACLES À L'INNOVATION PRINCIPALEMENT ÉCONOMIQUES

Les entreprises françaises rencontrent des difficultés sur la voie de l'innovation : près de 60 % des entreprises innovantes ont été amenées à retarder certains projets, près d'une sur trois en a abandonné, et plus d'une sur quatre a renoncé devant les difficultés.

LES OBSTACLES À L'INNOVATION

(en pourcentage des entreprises innovantes)

 

Projet retardé

Projet abandonné

Projet non démarré

Risque économique perçu comme excessif

19,6

13,3

10,7

Coûts d'innovation trop élevés

18,7

12,4

9,2

Absence de source appropriée de financement

13,4

5,9

7,1

Rigidités organisationnelles

13,5

2,8

4,5

Manque de personnel qualifié

19,1

3,1

6,0

Manque d'information sur la technologie

(y compris trop grande complexité technologique)

13,9

4,3

5,2

Manque d'information sur les marchés

13,7

3,8

5,2

Législation, réglementation, normes, standards

13,4

3,3

4,0

Manque de réactivité du client aux nouveaux produits

15,3

7,4

5,9

Échec de coopération

4

5,8

4,5

Ensemble

58,4

32,4

27,1

Source : SESSI, L'innovation technologique dans l'industrie (1998).

Face à l'exigence d'innovation, les entreprises ne semblent pas d'abord se heurter à des difficultés proprement technologiques ni même organisationnelles. Elles soulignent en revanche qu'elles ont renoncé à démarrer certains projets au motif des risques économiques encourus (disparition, perte de contrôle) et des coûts de l'innovation envisagée, obstacles auxquels peut en outre se rattacher l'absence de sources de financement.

Dans la mesure où seul 1,2 % des entreprises innovantes a connu uniquement l'échec de ses projets, ce n'est pas cette proportion qui peut expliquer le fait que plus de la moitié des entreprises n'aient pas innové. Les conditions de la prise de risque ne semblent pas remplies, qu'elles renvoient à l'environnement technique, économique ou financier de l'innovation et au déficit d'esprit d'entreprise.

Si ce dernier, d'origine culturelle, ne peut être résolu par la seule voie législative, le problème des risques économiques et celui du financement peuvent en revanche retenir l'attention du législateur.

B.- L'INNOVATION DANS LES SECTEURS LIÉS AUX TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

1.- LE TABLEAU DE BORD DE L'INNOVATION

Les données publiées et analysées par le SESSI ne concernent que l'industrie et paraissent avec un certain retard par rapport à la situation qu'elles décrivent. Aussi la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DiGITIP) a-t-elle réalisée, en collaboration notamment avec l'Institut national d'études statistiques, un tableau de bord de l'innovation en France, qui sera publié tous les six mois, au printemps et à l'automne, afin de présenter régulièrement des chiffres récents. Le premier tableau de bord met l'accent sur les secteurs liés aux technologies de l'information et des communications (TIC). Son champ sera appelé à s'élargir pour fournir une image plus complète de l'innovation.

Dix-huit indicateurs ont été définis, répartis en quatre rubriques : à chacune d'entre elles correspond un indicateur clé, le chiffre d'affaires des secteurs liés aux TIC en constituant un cinquième. En effet, il rend compte d'une dynamique industrielle et commerciale alimentée en amont par la mobilité de nouveaux capitaux, la naissance de nouveaux entrepreneurs et l'émergence de nouvelles technologies, et traduite, en aval, par le développement de nouveaux usages. Chacun de ces points renvoie à une rubrique et à un indicateur :

· Nouveaux capitaux : les fonds levés sur le Nouveau marché traduisent les besoins de financement substantiels auxquels font face les entreprises à forte intensité technologique qui, ayant passé avec succès les premières étapes de la création, entrent dans une phase de croissance soutenue, manifestation de leur réussite technologique et commerciale ;

· Nouveaux entrepreneurs et nouveaux emplois : les créations d'entreprises dans les secteurs liés aux TIC illustrent l'émergence de nouvelles activités industrielles et de services qui accompagnent le développement de la société de l'information ;

· Nouvelles technologies : les dépôts de brevets par des entreprises françaises en Europe reflètent le développement de nouvelles technologies présentant un potentiel industriel et commercial pour le marché européen qui est aujourd'hui le marché de référence pour les entrepreneurs nationaux ;

· Nouveaux usages : la progression du nombre d'internautes en France constitue une illustration emblématique du développement de nouveaux usages liés aux technologies de l'information et de la communication.

Ces indicateurs ont été mis en _uvre pour la première fois au printemps 1999 mais, afin de disposer d'une base sur les quatre derniers semestres, les séries historiques relatives à chacun des indicateurs ont été reconstituées et commentées.

2.- LE PREMIER BILAN D'AVRIL 1999

Les cinq indicateurs clés font apparaître, pour les quatre derniers semestres, la dynamique de l'innovation technologique en France. Les indices de chiffre d'affaires des secteurs liés aux TIC révèlent des taux de croissance, en valeur, allant de + 30 % à + 70 %. Ils fournissent une évaluation a minima de leur croissance réelle, en volume, en raison des baisses de prix constatées, parfois considérables. Cette croissance s'accompagne d'une forte mobilisation de nouveaux capitaux (multiplication par quatre des fonds levés sur le Nouveau marché), de la naissance de nouveaux entrepreneurs (près de 15.000 créations d'entreprises), de l'émergence de nouvelles technologies (près de 8.400 brevets déposés par des entreprises françaises en Europe) ou encore du développement des nouveaux usages (multiplication par quatre du nombre d'internautes).

· Nouveaux capitaux : Entre 1996 et 1998, les fonds investis dans le domaine du capital-risque ont connu un quasi-doublement. Le nombre de gestionnaires de fonds de capital-risque de plus de 15 millions d'euros (98,39 millions de francs) est passé de 13 à 20 : cela indique tout à la fois une augmentation du potentiel de fonds propres mobilisables par les entreprises et un développement de cette forme spécifique d'entrepreneuriat en France.

· Nouveaux entrepreneurs et nouveaux emplois : Ne sont comptabilisées ici que les «  créations pures », ex nihilo, dans la mesure où ce concept est le plus pertinent par rapport à la problématique de l'innovation. Les créations dans le secteur des TIC représentent 5 % des créations totales et connaissent une dynamique plus soutenue que dans l'ensemble de l'économie. Cette croissance bénéficie particulièrement aux services informatiques, qui constituent les deux tiers du total, et où les créations s'accroissent de 20 %, probablement sous l'effet d'une conjoncture favorable, du passage à l'an 2000 et à l'euro, et du développement de l'utilisation de l'informatique. Si le périmètre couvert par l'indicateur des effectifs salariés est un peu plus large, il fournit néanmoins une image relativement fiable de la progression des effectifs salariés intéressant les secteurs liés aux TIC. Les effectifs des activités des services informatiques connaissent depuis fin 1995 une croissance en accélération continue : + 2,1 % au premier semestre 1997, + 3,3 % au second semestre 1998. Les activités de contenu utilisant les TIC, comme les services audiovisuels ou les bibliothèques, connaissent également une progression significative de leur emploi salarié.

· Nouvelles technologies : Les entreprises préfèrent de plus en plus obtenir une couverture internationale ce qui se traduit par une forte croissance du nombre des dépôts de brevet mondial (+ 19,8 % au premier semestre 1998, + 16,9 % au second semestre 1998) au détriment des dépôts de brevet européen (respectivement + 11,4 % et + 5,7 %), eux-mêmes concurrents des dépôts en France (respectivement + 3,9 % et + 0,7 %).

· Nouveaux usages : Le taux de croissance annuel du nombre d'internautes est supérieur à 100 %. Le taux de diffusion du téléphone mobile a doublé depuis le second semestre 1997, passant de 10 % à 19,2 %. Les ventes de micro-ordinateurs augmentent d'environ 20 % par an depuis trois ans.

3.- LES NOUVEAUX RÉSULTATS DE L'AUTOMNE 1999

Le deuxième tableau de bord de l'innovation est paru à la mi-octobre 1999. Il décrit l'évolution des indicateurs au premier semestre de 1999.

· Nouveaux capitaux : Les fonds levés sur le Nouveau marché ont poursuivi leur progression au premier semestre 1999, pour atteindre 1,7 milliard de francs au 30 juin 1999. Cette croissance est allée de pair avec celle du nombre d'entreprises technologiques optant pour leur introduction sur ce marché. La moyenne de capitaux levés par société est en hausse (80 millions de francs en 1999, contre 40 millions de francs en 1998) et les sociétés nouvellement cotées affichent généralement un chiffre d'affaires plus élevé que celles introduites en 1998. Au premier semestre 1999, la France comptait 34 fonds spécialisés dans le capital-risque : leur augmentation apparaît sur le graphique ci-dessous. Le fonds public pour le capital-risque a contribué à ce développement en investissant 600 millions de francs dans 18 fonds.

NOMBRE D'OPÉRATEURS DE FONDS DE CAPITAL-RISQUE

graphique
Source : Commission des opérations de bourse, ANVAR, SOFARIS, Fonds public pour le capital-risque.

· Nouveaux entrepreneurs et nouveaux emplois : Les créations d'entreprises ex nihilo dans les secteurs technologiquement innovants atteignent pour la première fois le seuil des 4.000 unités au premier semestre 1999 : 4,6 % des entreprises ont été créées dans ce secteur, contre 3,9 % au premier semestre 1998. Les effectifs salariés croissent en conséquence : + 1 % au premier semestre 1999, à 1,486 millions d'emplois, pour les technologies de l'information et de la communication et les secteurs liées aux matériaux et aux biotechnologies.

· Nouvelles technologies : Les dépôts de brevets par des personnes françaises atteignent, pour les six premiers mois de l'année, 5.060 pour les brevets français, 2.191 pour les brevets européens et 1.574 pour les brevets internationaux. L'indice de chiffres d'affaires des secteurs technologiquement innovants connaît un taux de croissance annualisé en valeur de 9 % au premier semestre 1999, qui poursuit les rythmes atteints depuis l'accélération observée au second semestre 1997.

· Nouveaux usages : Le seuil des cinq millions d'utilisateurs réguliers d'Internet a été franchi. Malgré une légère accélération, moins d'un Français sur dix est concerné par Internet, contre un tiers des Américains.

C.- L'INNOVATION DANS LE DOMAINE DES BIOTECHNOLOGIES

Le « tableau de bord de l'innovation » est aujourd'hui centré sur les technologies de l'information et de la communication, même si la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes annonce l'intégration prochaine d'indicateurs relatifs aux biotechnologies. Ce domaine, dans lequel la France a longtemps été distancée par les États-Unis, est aujourd'hui en plein développement, mais, faute d'enquête détaillée, les informations précises le concernant sont encore rares.

En 1998, la France comptait 143 entreprises de biotechnologie, ce qui la plaçait au troisième rang européen, après la Grande-Bretagne, qui en possède 269, et l'Allemagne (222), mais avant Israël (95), la Suède (92) et la Suisse (69).

Les entreprises françaises sont de taille très contrastée : vingt-deux sont des start-up, quatre-vingt douze sont en démarrage, vingt-six sont de taille moyenne et trois sont de grande taille. Si l'existence de plusieurs entreprises en démarrage est encourageante, elle n'a rien d'exceptionnel. Leur nombre est même relativement plus faible qu'en Grande-Bretagne, où elles sont cinquante-cinq sur un total de 269, et surtout qu'en Allemagne, où on compte quatre-vingt-une start-up sur 222 entreprises dans le secteur.

L'Europe abrite 1.178 entreprises de biotechnologie, employant 45.823 personnes, en progression de 17 % par rapport à 1997. Le contraste avec les États-Unis se situe moins au niveau du nombre d'entreprises, qu'en termes d'effectifs - les 1.283 entreprises américaines emploient 153.000 salariés - et surtout de revenus générés. Ces derniers s'élèvent à 3.709 millions d'euros (23,3 milliards de francs) en Europe, à comparer aux 15.777 millions d'euros (103,49 milliards de francs) générés aux États-Unis.

En revanche, les créations d'entreprises sont plus nombreuses en Europe, où leur nombre a crû de 14 % entre 1997 et 1998 tandis qu'il est quasiment stable outre-atlantique (+ 1%). Ce domaine présente un fort potentiel de croissance en termes de chiffre d'affaires, d'investissements et surtout d'emplois, dans la mesure où 80 % des chefs d'entreprises européennes de biotechnologies déclarent avoir l'intention de procéder à de nombreuses embauches dans les prochaines années.

Les indicateurs concernant les brevets et les publications sont relatifs à un domaine plus large, celui des Sciences du Vivant, et remontent à 1996. Dans ce domaine, la France contribuait à environ 5 % des publications scientifiques mondiales et à 17 % de celles de l'Union européenne. La part française dans la production technologique dans le secteur des biotechnologies, mesurée en terme de dépôts de brevets, représentait 6,6 % de la part mondiale (elle est de 8,2 % pour la Grande-Bretagne, de 6,4 % pour l'Allemagne) et 21,8 % dans le système européen (27,4 % pour la Grande-Bretagne, 21,6 % pour l'Allemagne).

La France occupe ainsi dans ce domaine une position intéressante, résultat d'un dynamisme relativement récent, que plusieurs mesures incitatives prises en 1999 visent à conforter, afin de renforcer sa place au niveau international et de favoriser la création d'entreprises, et d'emplois, dans ce secteur innovant.

II.- DES EXEMPLES ÉTRANGERS QUI METTENT
EN LUMIÈRE LES RETARDS FRANÇAIS

Aucun jugement ne peut valablement être porté sur la situation de l'innovation en France si elle n'est pas comparée à celle de ses principaux partenaires. C'est évidemment à ceux qui présentent les meilleurs résultats qu'il convient de s'intéresser.

La comparaison directe est cependant rendue difficile par l'hétérogénéité des données disponibles pour les différents pays. C'est ce que soulignent les services du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie chargés de réaliser la réactualisation du tableau de bord de l'innovation en octobre 1999. Pour la première fois, ce dernier est suivi d'une partie décrivant le « contexte international » en matière d'innovation, composée d'une série de monographies. Nous en reprenons ici certains éléments.

A.- LES PAYS OÙ L'INNOVATION EST REINE

Si la France semble souffrir d'un manque d'esprit d'entreprise et d'une certaine frilosité face à l'innovation, cette dernière occupe une place de premier plan dans les économies des « grandes puissances » que sont les États-Unis et le Japon, et elle contribue largement à maintenir, voire à renforcer, leur primauté. Si ces résultats sont plus modestes, le modèle israélien est aussi riche d'enseignements car son succès repose sur l'utilisation d'instruments dont la France pourrait s'inspirer.

1.- LES ÉTATS-UNIS : LE TRIOMPHE DES ENTREPRISES INNOVANTES

Selon le récent rapport du Département of Commerce, entre 1995 et 1998, le secteur des technologies de l'information a représenté 8 % du PIB américain et a contribué à hauteur de 35 % à la croissance totale de l'économie. Durant la même période, la baisse de prix des produits informatiques a conduit à réviser le taux d'inflation américain de 0,7 % à la baisse en moyenne. Entre 1995 et fin 1998, le secteur des technologies de l'information aurait créé plus de 5 millions d'emplois aux États-Unis. En 2006, près de la moitié des emplois salariés aux États-Unis serait fournie par des industries productrices ou fortement utilisatrices de matériels et de services liés aux technologies de l'information.

En matière de nouveaux capitaux mobilisés, afin de financer les entreprises à fort degré d'innovation technologique, les évolutions récentes se présentent comme suit :

· 12,5 milliards de dollars ont été levés en 1998 sous forme de capital-risque, soit une augmentation de 24 % (2,8 milliards de dollars) par rapport à 1997. Pour le seul premier semestre 1999, le montant des fonds investis en capital-risque aurait déjà atteint 11,2 milliards de dollars, dont 80 % dans le secteur des technologies de l'information contre une proportion de 60 % en 1998 ;

· 3,21 milliards de dollars ont été investis dans des sociétés étant au stade de « l'amorçage » (start-up/seed), ce qui représente 40 % des fonds totaux investis en capital-risque durant la période : le montant moyen de l'investissement a atteint 10 millions de dollars par entreprise créée, soit un quasi-doublement par rapport au trimestre précédent. À ces financements s'ajoutent ceux, difficiles à évaluer, provenant d'investisseurs privés (business angels) ;

· sur le Nasdaq, qui constitue un équivalent approprié du Nouveau Marché, le volume d'actions émises en 1998 a atteint 202 milliards de dollars, soit une augmentation de 23 % par rapport à 1997, dont au moins 10 milliards de dollars dans le cadre de près de 200 IPO. La capitalisation boursière totale sur le Nasdaq s'est, quant à elle, élevée à 2.600 milliards de dollars en 1998, soit une augmentation de 44 % par rapport à la fin 1997.

Sur les trois dernières années, on estime qu'ont été créées aux États-Unis environ un million de nouvelles entreprises, par an (tous types et tous secteurs confondus), selon une croissance tendancielle de l'ordre de 3 % par an.

En ce qui concerne l'essor des nouveaux usages associés au développement de l'innovation technologique, les États-Unis présentent les résultats suivants :

· 36 millions de PC ont été vendus aux États-Unis en 1998, portant le nombre de PC utilisés fin 1998 à 129 millions ;

· 50,3 % des foyers américains étaient équipés en PC fin 1998, pour la majeure partie connectés à l'Internet, contre 43 % en 1997. 3,9 millions de ménages ont acquis un PC entre janvier et août 1998 ;

· le développement du commerce électronique est en phase avec celui de l'équipement en PC et de l'utilisation d'Internet par les entreprises et les ménages : le volume du commerce électronique de détail (business to consumer) aurait déjà dépassé les 10 milliards de dollars en 1998 et pourrait atteindre 80 milliards de dollars dès 2002, de son côté, le commerce électronique interentreprise (business-to-business) continue son explosion, étant estimé à environ 80 milliards de dollars en 1998 avec des estimations prévoyant qu'il dépassera les 1.000 milliards de dollars dès 2002.

2.- LE JAPON : L'INNOVATION POUR SORTIR DE LA CRISE

Une conjoncture économique japonaise difficile a contraint, depuis le second semestre 1998, les entreprises japonaises à se lancer dans des plans de restructuration, parfois à grande échelle, afin de retrouver la productivité et la rentabilité qu'elles connaissaient au début des années 90. Dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les plans de restructuration de grands groupes comme NEC, Sony, Fujitsu, ont mis l'accent sur le développement des services, notamment les services informatiques. Il s'agit d'une évolution importante dans un pays où la conception « produits » a été à l'origine du développement économique depuis la fin de la guerre. Dès l'année fiscale 1998 (1er avril 1998 - 31 mars 1999), le secteur des services informatiques a connu une progression importante comme le montrent les chiffres publiés par le ministère du Commerce et de l'industrie (MITI) japonais.

Parallèlement, on assiste à une progression constante de demandes de brevets au Japon ces dernières années. En ce qui concerne le financement des petites et moyennes entreprises innovantes, le Japon devrait bientôt combler son retard. S'il n'existe pas encore de « Nouveau marché », il y a actuellement deux projets, celui du Tokyo Stock Exchange, qui prévoit de créer un marché pour les PME innovantes au premier semestre 2000, et celui de Softbank, qui s'est allié au Nasdaq américain pour créer un marché à la fin de l'an 2000. Ces projets sont encore en attente de l'accord du gouvernement japonais. Les premières enquêtes font apparaître un potentiel de 87 sociétés innovantes qui entreraient en Bourse en 2000. Par ailleurs, depuis le 4 août dernier, une première entreprise japonaise, Internet Initiative Japan Inc., est cotée sur le Nasdaq américain.

3.- ISRAËL : LE CHOIX DE L'INNOVATION COMME MOTEUR DU DÉCOLLAGE ÉCONOMIQUE

Les industries de haute technologie sont à l'origine du décollage, au début des années 90, de l'économie israélienne, qui a permis le développement d'exportations de produits à forte valeur ajoutée mettant en _uvre des technologies sophistiquées. En retenant une définition restrictive des industries de haute technologie (électronique, logiciels, biotechnologies), il apparaît que les exportations dans ce domaine ont représenté, en 1998, 40 % des exportations israéliennes et 53 % des exportations industrielles (hors diamants).

Le développement rapide de ce secteur s'explique par plusieurs facteurs et, en premier lieu, une main d'_uvre hautement qualifiée et dynamique. Israël possède en effet la proportion d'ingénieurs la plus élevée au monde (135 pour 10.000 employés) devant les États-Unis et le Japon. Ce record est la conséquence de deux facteurs : l'orientation croissante des étudiants vers les sciences (32 % des inscrits de l'université de Tel Aviv ont étudié une matière scientifique en 1997-1998) et l'afflux d'immigrants qualifiés (800.000 personnes se sont installées en Israël depuis 1990, 55 % étant titulaires d'un diplôme scientifique ou technique).

En 1998, Israël consacrait 2,6 % de son PIB à la recherche-développement civile, se plaçant ainsi au quatrième rang mondial en matière d'investissement dans ce domaine. Ce dynamisme se traduit par le dépôt de plus de 2.000 brevets par an.

De nombreux investisseurs étrangers s'intéressent aux entreprises locales de hautes technologies. Les fonds levés sur les nouveaux marchés à l'étranger s'élèvent en 1998 à 628 millions de dollars, avec 121 entreprises israéliennes de hautes technologies cotées sur les marchés financiers étrangers. Le capital-risque local est également une source importante de financement : fin 1998, il existait en Israël 101 fonds communs de placements à risque (FCPR) et 86 gestionnaires de fonds de capital-risque disposant de plus de 15 millions d'euros.

Ce dynamisme a été favorisé par l'État qui a toujours su montrer aux investisseurs quelle était la voie à suivre : à la fin des années 1980, en créant un fonds d'investissement de 100 millions de dollars pour amorcer une industrie de capital-risque et attirer les capitaux internationaux ; en 1991, en lançant ses incubateurs technologiques qui ont donné naissance à près de 480 entreprises innovantes, dont environ la moitié a survécu à ce jour.

B.- LES EUROPÉENS QUI DONNENT L'EXEMPLE

Si votre Rapporteur n'a donné ici que trois exemples de pays où l'innovation connaît un contexte particulièrement favorable à son développement, force est de constater qu'ils concernent, et ce n'est certainement pas un hasard, des pays « jeunes » où l'esprit d'entreprise s'impose presque naturellement. Pourtant, la « vieille Europe » n'est pas en reste, comme les exemples suivants l'illustrent clairement.

1.- LE ROYAUME-UNI : DES SECTEURS INNOVANTS TRÈS DÉVELOPPÉS

Au Royaume-Uni, l'innovation et les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont clairement perçues comme essentielles pour leur contribution à la croissance et l'emploi. Ceci se traduit par l'avènement de l'Open University et de la 24-Hour Society, tandis que la Silicon Fen, autour de Cambridge, constitue la première technopole pour les TIC.

Alors que Londres est la principale place boursière européenne, le London Stock Exchange (LSE) était paradoxalement dénué, jusqu'à présent, d'un marché spécifique réservé aux valeurs technologiques à même de rivaliser avec le Neuer Markt, l'Easdaq ou l'Euro-NM. L'Alternative Investment Market (AIM), malgré 328 sociétés cotées et une capitalisation boursière de 10,11 milliards d'euros, jouait improprement ce rôle. Les autorités boursières londoniennes viennent de lancer, en conséquence, un nouveau marché spécialisé : le Techmark, opérationnel depuis fin octobre.

En 1998, un nouveau record a été atteint pour les montants investis en capital-risque qui se sont élevés à 405 millions d'euros, soit un quasi doublement en un an. A la fin du 1er semestre 1999, on dénombrait 245 fonds communs de placement à risque, soit une hausse de 22 % sur six mois. Au cours des trois dernières années, 80.000 entreprises ont été créées dans les secteurs liés aux TIC, dont 32.000, soit 40 % du total, en 1998. Dans neuf cas sur dix, il s'agit de sociétés de services. Le nombre de salariés dans les TIC s'accroît d'environ 7 % par an depuis 1997, notamment grâce au dynamisme des services informatiques (+ 12 %) et audiovisuels (+ 7,5 %).

L'explosion du nombre d'internautes (au nombre de 12,5 millions fin juin 1999, soit + 66 % en un an) s'accompagne d'une croissance soutenue des ventes de PC avec 3,6 millions d'unités en 1998, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 1997. Fin 1998, le taux d'équipement des ménages s'élevait à 30,1 %.

2.- L'ALLEMAGNE : DES RÉSULTATS À LA HAUTEUR DES CAPITAUX CONSACRÉS À L'INNOVATION

La montée en puissance du nouveau marché allemand illustre le dynamisme de la mobilisation de capitaux en faveur de l'innovation technologique :

· 1.628 millions d'euros ont été levés en 1998 sur ce marché, soit une augmentation de 50 % par rapport à 1997 (839,3 millions d'euros) ;

· pour les neuf premiers mois de l'année 1999, le montant des fonds investis sur ce marché s'est élevé à 4.530 millions d'euros.

Dans le domaine des biotechnologies, une étude de Ernst & Young évalue le nombre d'entreprises exclusivement consacrées à la biotechnologie à 222 en 1998, employant un total de 5.200 personnes et réalisant un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros. À cela s'ajoutent des PME avec d'autres activités (269 en 1997, avec un chiffre d'affaires pour les biotechnologies de 450 millions d'euros) et les grands groupes (23 en 1997, avec un chiffre d'affaires pour les biotechnologies de 1.500 millions d'euros).

L'impact des technologies de l'information et de la communication sur l'emploi se révèle plus délicat à mesurer en Allemagne. Une étude d'Arthur D. Little prévoit la perte de 760.000 emplois jusqu'en 2000, puis de 150.000 postes de 2000 à 2010 dans les branches utilisant les nouvelles technologies de l'information (banques, assurances, commerce). Pour les fournisseurs de matériel et de service, elle prévoit la création de 24.000 emplois jusqu'en 2000, puis de 129.000 emplois supplémentaires entre 2000 et 2010 auxquels s'ajoutent 57.000 emplois induits. L'étude précise que l'impact principal en terme d'emplois sera le maintien de 1,2 million d'emplois qui, sinon, disparaîtraient.

L'essor de nouveaux usages liés au développement de l'innovation technologique en Allemagne se traduit par les chiffres qui suivent :

· 6,4millions de PC ont été vendus en 1998, portant le taux d'équipement à 42 % pour l'ensemble de l'Allemagne et 48 % pour l'Allemagne de l'ouest ;

· le nombre d'utilisateurs d'Internet est estimé entre 10 et 11 millions en août 1999, soit 11 % à 12,5 % de la population. L'Allemagne accuse un net retard par rapport aux autres pays développés, mais le comble à grande vitesse avec un taux de croissance, selon une étude de EITO, plus élevé que la moyenne européenne (plus de 40 % entre 1996 et 2001) ;

· le commerce électronique accuse un retard encore plus important dû à la réticence du public face aux moyens de paiement électroniques. Le volume du commerce électronique de détail s'est élevé à 176 millions d'euros en 1998 et concerne principalement des achats de livres, de matériels informatiques et de logiciels. Le commerce électronique interentreprises est également peu développé, avec 150 millions d'euros en 1998. L'Allemagne connaît un taux de croissance du commerce électronique en rapport avec celui de l'Internet et le volume total des transactions par Internet devrait atteindre 1,745 milliard d'euros en 1999 et 5,2 milliards d'euros en 2000.

3.- LES PAYS-BAS : PREMIER PAYS D'EUROPE POUR LE CAPITAL-RISQUE

Les consommateurs et les entreprises néerlandais accordent une grande importance au secteur des technologies de l'information. En 1998, le chiffre d'affaires généré par l'achat par Internet s'est élevé à 725 millions de florins, soit 290 florins par internaute. Pour 1999, ce montant devrait atteindre 2,4 milliards de florins. De nombreux facteurs expliquent cette croissance et en particulier, la croissance du nombre d'ordinateurs connectés à Internet (+ 50 % par rapport à 1998) et du nombre d'internautes (+ 52 % par rapport à 1998). Avec un taux de câblage de 98 %, les Pays-Bas font partie des pays les mieux équipés du monde, offrant de bonnes perspectives de développement aux opérateurs du câble, au-delà des services traditionnels de télédiffusion. Les initiatives des entreprises sont tournées vers le développement de relations plus étroites avec les clients finaux, afin de conserver la gestion logistique qui fonde une partie de la prospérité néerlandaise, à l'image du marché aux fleurs au cadran d'Aalsmeer auprès duquel les fleuristes de toute l'Europe peuvent désormais s'approvisionner sans utiliser les services des grossistes nationaux.

Selon le ministère des Affaires économiques, les sociétés de participation néerlandaises ont investi ces dernières années massivement dans les entreprises nouvellement créées. Les Pays-Bas se classeraient au premier rang en Europe, tant pour les sommes investies en capital-risque exprimées en part du PNB (0,17 %) que pour le nombre d'entreprises bénéficiaires. L'association professionnelle des sociétés de participation (NVP) estime que ces dernières auraient investi, en 1998, 170 millions d'euros (+ 12 % par rapport à l'année antérieure) dans des sociétés nouvelles liées à ces technologies.

L'AEX, gestionnaire de la Bourse d'Amsterdam, estime que le nouveau marché (NMAX) spécialisé dans les start-up à risque semble se développer moins favorablement que prévu. Si l'on s'attendait lors de sa création en 1997 à une cotation de dix entreprises par an, huit entreprises supplémentaires seulement ont été cotées sur ce marché, soit trois de plus que l'année précédente. Néanmoins, les fonds levés sont en augmentation sensible, atteignant 532,3 millions d'euros en 1998 contre 131,1 millions d'euros en 1997.

De ces exemples peuvent être tirées plusieurs leçons pour notre pays. Les États-Unis et l'Allemagne donnent une preuve éclatante du fait que l'innovation crée beaucoup plus d'emplois qu'elle n'en détruit et stimule fortement la croissance : la peur « ancestrale » de l'innovation source de chômage doit céder la place au soutien à l'innovation comme instrument efficace de lutte contre le chômage. Le Japon témoigne de l'association réussie entre innovations de produits et innovations de services. Les conséquences très positives du développement du capital-risque sont démontrées par les succès britannique et néerlandais, tandis que l'Allemagne prouve que le soutien à l'innovation passe par celui de la création de PME. Enfin, Israël constitue un modèle en matière d'intervention de l'État comme stimulant de l'initiative privée.

Le tableau de la page suivante témoigne quant à lui de la diversité des pratiques en matière d'aide à la recherche industrielle en Europe.

III.- UNE CONTRADICTION PRÉOCCUPANTE

L'évolution des chiffres de l'innovation technologique en France montre un intérêt croissant de la part des entreprises, mais son effet en terme de positionnement international n'est guère sensible. C'est à travers l'analyse de quelques indicateurs de notre compétitivité technologique par rapport à nos partenaires qu'apparaît une contradiction bien française : alors que les dépenses dans le domaine de la recherche et du développement sont conséquentes, elles ne se traduisent pas par des résultats économiques à la hauteur de ces investissements (4).

A.- UNE DÉPENSE SOUTENUE EN RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

La France, depuis 1990, a globalement accru sa part de dépenses d'exécution de recherche et développement industriels par rapport à l'OCDE, passant de 6,7 % à 7,2 % ; cette part a également augmenté par rapport à l'Union européenne.

AIDES PUBLIQUES À LA RECHERCHE INDUSTRIELLE SELON LES PAYS EUROPÉENS

Pays

Provenance de l'aide

Type d'aide, part de l'aide dans le coût total des projets et, éventuellement, budget alloué

Commentaires

Allemagne

BMBF (Ministère fédéral de l'éducation, de la science, de la recherche et de la technologie),
Länder

Subventions du BMBF : industriels (50 % pour la recherche, 25 % pour le développement), universités (100 % des coûts additionnels (1)). En outre, les Länder accordent jusqu'à 50 % de subventions aux industriels.
Budget annuel total : 260 millions d'euros de 1997 à 2001.

Le BMBF a récemment déclaré ne plus vouloir soutenir que les PME. Les résultats de recherche appartiennent aux contractants avec droits d'exclusivité pendant deux ans.

Autriche

Ministère chargé de la recherche industrielle

Prêts à taux préférentiel et subventions pour les industriels (50 %), subventions du fonds d'innovation technologique (100 % des coûts additionnels) pour les universités.

 

Belgique

Flandres : IWT (Institut pour la promotion de la technologie et de la recherche industrielle)

Wallonie : DGTRE (Direction générale de la technologie, de la recherche et de l'énergie)

IWT : subventions (50 %) pour la recherche amont, subventions (25 %) ou avances remboursables (75 %) pour la réalisation de prototypes ; DGITRE : subventions (37 % pour des projets mixtes associant recherche précompétitive et réalisation de prototype), (60 % pour la recherche amont et 35 % pour les prototypes pour les projets associants universités et PME).
Budget en 1998 : 12,2 millions d'euros pour l'industrie, 5,7 millions d'euros pour la réalisation de prototypes,
20,7 millions d'euros pour les projets mixtes, 4  millions d'euros pour Eurêka (dont 1,7  million d'euros pour Medea).

Pour les projets Eurêka : subventions (60 % pour la recherche amont et 35 % pour les prototypes).

Danemark

Agence pour le commerce et l'industrie (organisme du type ANVAR)

Subventions pour la recherche amont avec un maximum de 47.000 euros, avances sans intérêt (35 % à 50 % du coût du projet) remboursables en cas de succès pour les autres projets.

Plus particulièrement orientée vers la recherche industrielle et le développement précompétitif.

Finlande

Tekes (organisme du type ANVAR)

Régime mixte de subventions (50 % pour les groupes, 60 % pour les PME) et de prêts.

Plus particulièrement orientée vers la recherche appliquée.

France

Secrétariat d'État à l'industrie,
Ministère chargé de la recherche,
ANVAR

Subventions et avances remboursables (ce dernier mode de financement étant de plus en plus répandu), couvrant 30 %
à 40 % du coût total des projets.
Budget du Secrétariat d'État à l'industrie en 1999 : 260 millions d'euros.

Plus particulièrement orientée vers la recherche précompétitive. Le programme Eurêka Itea (logiciels) bénéficie d'un régime particulier mixant subventions et paiement de redevances en cas de succès.

Hollande

Ministère des affaires économiques

Subventions (37,5 % avec un maximum de 113.000 euros pour les études et de 1,4 million d'euros pour la R&D).
Pour les grands projets Eurêka, les subventions peuvent atteindre jusqu'à 50 %.

Plus particulièrement orientée vers la recherche industrielle et le développement précompétitif.

Italie

Ministère des universités et de la recherche

Subventions (jusqu'à 50 % du coût des projets).

Plus particulièrement orientée vers la recherche industrielle et le développement précompétitif.

Norvège

NRF (Ministère de l'industrie)

Régime mixte de subventions et de prêts (jusqu'à 35 % du coût des projets pour les PME, 25 % pour les grandes entreprises, 50 % pour les instituts de recherche de type Leti, 100 % des coûts additionnels pour les universités).

 

Royaume-Uni

DTI (Département du commerce et de l'industrie)

Subventions : jusqu'à 50 % pour les PME, jusqu'à 25 % pour les grandes entreprises si des PME sont impliquées
dans le projet.

Régime particulier pour les programmes Eurêka : 50 % pour la faisabilité technique (conseil), 45 % pour la recherche appliquée, 35 % pour le développement.

Suisse

CTI (Commission pour la technologie et l'innovation), émanation du département d'économie politique

100 % des coûts additionnels pour les universités et les centres de recherches, aucune aide pour les industriels (sauf lorsque l'industrie suisse ne trouve pas de laboratoire suisse capable de faire la recherche et qu'il s'engage à la
réaliser en interne).

Propriété industrielle revendue aux entreprises (cédée gratuitement aux industriels ayant participé aux projets). Pour les consortia nationaux ou transnationaux comprenant au moins un industriel et un laboratoire de recherche suisses, le financement de la partie suisse ne peut excéder 50 % du coût total.

Union européenne

Commission européenne

Subventions : 50 % pour les industriels, 100 % des coûts additionnels pour les universités.
Budget du 5e PCRD : 13,7 milliards d'euros sur la période 1998-2002.

Critères d'évaluation scientifiques et
socio-économiques.

(1) Coût strictement alloué au projet de recherche, ne couvrant pas les coûts salariaux ni l'utilisation des équipements en dehors du cadre du dudit projet. 1 euro : 6,56 francs.

NB : La recherche précompétitive est souvent l'objet d'aides remboursables ou de prêts à taux réduits.

Source : Electronique International Hebdo, 3 février 2000.

PARTS DE LA FRANCE
EN RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT INDUSTRIELS PAR SECTEUR INDUSTRIEL
AU SEIN DE L'OCDE ET DE L'UNION EUROPÉENNE
(1990 ET 1994)

 

Recherche et développement industriels

 
 

Part OCDE
(en %)

Part Union européenne
(en %)

 

Secteurs industriels

1990

1994

1990

1994

 

Aérospatial

9,4

10,4

35,9

36,1

 

Électronique

7,1

8,6

25,7

26,8

 

Pharmacie

6,9

6,3

17,5

17,8

 

Biens d'équipement

3,7

4,3

12,3

14,9

 

Transports terrestres

6,5

7,3

19,7

20,7

 

Chimie

7,4

7,0

20,9

22,5

 

Intensifs en ressources naturelles

5,5

6,5

23,0

27,7

 

Intensifs en main-d'_uvre

4,3

6,4

12,9

20,1

 

Ensemble

6,7

7,2

21,9

23,0

 

Source : Données OCDE (STAN) traitements OST. Rapport OST (1998).

 

En 1994, dans le domaine de l'aérospatial, la France réalise 10,4 % du total de l'OCDE ; elle se situe à 8,6 % en électronique (technologies de l'information), ces deux secteurs ayant vu la part des dépenses de recherche et développement industriels de la France croître sensiblement.

La croissance relative des dépenses de recherche et développement industriels de la France, qui, depuis 1990, est en moyenne supérieure de 1,3 % par an à celle des pays de l'OCDE dans leur ensemble, témoigne de la bonne tenue de l'investissement immatériel des entreprises, en particulier de recherche et développement, dans un contexte de faiblesse, plus accentué qu'ailleurs, de l'investissement matériel.

Ceci peut en partie s'expliquer par le maintien des incitations, notamment fiscales, à la recherche et développement, ainsi que par la décroissance, plus lente que dans d'autres pays, des contrats publics liés aux grands programmes civils et militaires dont bénéficient les entreprises.

Cette bonne position française est pourtant considérablement nuancée lorsque d'autres indicateurs sont pris en compte, qui décrivent les traductions des efforts de recherche et développement dans l'élaboration de nouvelles technologies et dans la production et le positionnement des entreprises françaises.

B.- UNE SÉRIE D'INDICATEURS DÉCEVANTS

Les parts mondiales et européennes de dépôts de brevet, les parts dans les technologies-clés et les parts de marché international en exportation dans les secteurs de haute technologie sont de bons indicateurs des résultats du processus d'innovation. Ils mettent à jour le caractère préoccupant de la situation française.

Les positions technologiques de la France, mesurées par les parts mondiales de dépôts de brevet en moyenne dans les systèmes européen et américain, ont chuté, depuis 1987, de 20 %. Plus grave encore, le rythme de cette contraction de la part mondiale de la France a tendance à s'accroître, pour atteindre - 3 % par an depuis 1993 : elle est désormais supérieure à la moyenne des pays de l'Union européenne, ce qui n'était pas le cas auparavant. La position de la France est aujourd'hui en recul au sein même de l'Union.

ÉVOLUTION DES POSITIONS DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE BREVETS (1987-1996)

 

1987

Variation annuelle entre 1987 et 1990

(en %)

1990

Variation annuelle entre 1990 et 1993

(en %)

1993

Variation annuelle entre 1993 et 1996

(en %)

1996

France dans le monde

100

- 1

97

- 2

91

- 3

83

Union européenne dans le monde

100

- 2

94

- 3

85

- 2

79

France dans l'Union européenne

100

+ 1

100

+ 1

106

- 1,5

101

NB : Les variations sont indiquées en valeur annuelle moyenne. Les chiffres correspondent à la moyenne des parts mondiales de la France sur le brevet européen et américain. Les calculs sont effectués pour toute la période considérée sur les 15 pays membres de l'Union européenne. Des effets d'arrondis expliquent les non-concordances dans le tableau.

Source : Conseil d'analyse économique, Innovation et croissance (1998).

La France est à l'origine de 7,2 % de l'ensemble des brevets relatifs aux technologies-clés, ce qui représente 20,2 % de ceux inventés par les pays de l'Union européenne. Comme la part de la France dans le monde était de 8,4 % en 1990, la diminution a été de 2,5 % par an, alors qu'elle était de 1 % pour la part de la France dans les brevets européens.

La position française sur les technologies-clés est forte dans les domaines de l'environnement et des transports, avec une évolution favorable dans ce dernier domaine, mais la force de l'Allemagne dans ces champs technologiques ne permet pas une position européenne de la France meilleure qu'ailleurs. La position de la France est faible dans les domaines de l'électronique, des télécommunications et de l'informatique, domaines dans lesquels l'Europe occupe une place très modeste.

La position de la France s'améliore dans les biotechnologies mais elle se détériore fortement tant en part mondiale qu'européenne dans les technologies-clés du bâtiment et des travaux publics, en instrumentation et en composants électriques et électroniques.

PARTS FRANÇAISES AUX NIVEAUX MONDIAL ET EUROPÉEN
DANS LES TECHNOLOGIES-CLÉS PAR DOMAINE
(1990 ET 1996)

(en pourcentage)

 

1990

1996

Domaines technologies-clés

Part/Monde

Part/UE

Part/Monde

Part/UE

Composants électriques et électroniques

7,2

25,4

5,0

17,4

Audiovisuel. télécommunications

6,7

16,6

5,3

20,0

Informatique

5,3

25,4

4,9

28,9

Instrumentation

10,9

22,7

7,2

18,3

Produits pharmaceutiques, médicaments

7,4

26,2

6,6

25,8

Biotechnologies

5,3

17,5

6,4

21,8

Matériaux

8,3

21,6

7,8

18,0

Procédés industriels

6,5

17,6

6,5

14,6

Environnement

12,3

19,5

12,1

19,4

Transports

10,6

18,3

12,1

22,2

OTP

11,0

20,7

5,8

16,9

Ensemble technologies-clés

8,4

21,6

7,2

20,2

NB : Sur les 136 technologies-clés identifiées par le ministère de l'Industrie, 99 ont pu faire l'objet d'un repérage par le brevet dans le système européen, grâce à une collaboration entre l'OST, l'INPI (Institut français de la propriété industrielle) et l'OEB (Office européen de brevets). Le poids mondial de la France, a été calculé pour chacune d'elles, mais pour 88 d'entre elles seulement, le nombre de brevets a été jugé suffisant pour constituer un indicateur d'activité technologique significatif (supérieur à 50 brevets sur la période 1980-1996). Ces technologies ont ensuite été regroupées en onze domaines de technologies-clés ; pour chacun d'eux, la position française est la moyenne arithmétique des positions sur les secteurs qui constituent le domaine technologies-clés.

Source : Données INPI et OCB traitements OST. Rapport OST (1998).

C.- UNE COMPÉTITIVITÉ TECHNOLOGIQUE INSUFFISANTE

La France exécute 7,2 % de la recherche et développement industriels des pays de l'OCDE, elle dépose 7 % des brevets dans le système européen et 3,1 % dans le système américain et elle représente 6,3 % des parts de marché mondial à l'export de produits industriels.

L'industrie française au sens large a vu sa dépense relative de recherche et développement au sein de l'ensemble OCDE augmenter de 8 % entre 1990 et 1994, sa part dans les brevets européen et américain chuter de 18 % et 19 %, respectivement, entre 1990 et 1996 et sa part de marché international diminuer de 2 %.

POSITIONS FRANÇAISES DANS L'OCDE EN RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT, AU NIVEAU MONDIAL EN BREVETS EUROPÉENS ET AMÉRICAINS ET SUR LE MARCHÉ INTERNATIONAL,
PAR SECTEUR INDUSTRIEL

(1990 et 1994)

(en pourcentage)

     

Part/Monde en brevet

   
 

Part/OCDE en recherche et développement

Européen

Américain

Part de marché international

Secteurs industriels

1990

1994

1990

1996

1990

1996

1989

1994

Aérospatial

9,4

10,4

18,9

16,0

8,8

10,4

12,6

17,0

Électronique

7,1

8,6

7,0

4,6

3,2

2,1

3,9

3,3

Pharmacie

6,9

6,3

7,0

6,6

4,8

5,1

10,2

9,7

Biens d'équipement

3,7

4,3

8,7

7,1

3,5

3,0

5,8

5,7

Transports terrestres

6,5

7,3

13,0

11,4

4,1

3,0

6,9

7,2

Chimie

7,4

7,0

5,6

5,2

3,5

3,4

7,2

7,7

Intensifs en ressources naturelles

5,5

6,5

9,2

7,2

4,0

3,2

7,6

7,5

Intensifs en main-d'_uvre

4,3

6,4

11,0

8,3

4,3

3,2

5,1

4,6

Ensemble

6,7

7,2

8,5

7,0

3,7

3,1

6,4

6,3

Source : Données OCDE (STAN), INPI, OEB, USPTO et source Chelem CEPII, traitements OST. Rapport OST (1998).

La divergence entre les évolutions des dépenses de recherche et développement industriels, d'une part, et celle des brevets et de la compétitivité à l'exportation, d'autre part, observée en particulier pour les secteurs stratégiques et de haute technologie que sont l'électronique et les biens d'équipement, pose problème. Elle signifie en effet que dans ces secteurs, la France est moins efficace que les autres pays pour traduire ses efforts de recherche et développement en positions technologiques affichées et valorisées sur les marchés mondiaux.

La France fait donc plus de recherche qu'elle n'innove. Ce constat ne peut laisser la puissance publique indifférente dans la mesure où, d'une part, elle finance largement la recherche, et ne saurait le faire à fonds perdus, et où, d'autre part, l'innovation apparaît aujourd'hui comme la principale source de croissance et de création d'emplois, deux objectifs qui sont au c_ur des préoccupations politiques dans notre pays.

LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMÉROTATION.

CHAPITRE II

POUR UNE POLITIQUE VOLONTAIRE
EN FAVEUR DE L'INNOVATION

I.- LA NÉCESSITÉ D'UNE INTERVENTION PUBLIQUE
EFFICACE ET ADAPTÉE

Processus complexe, l'innovation met en jeu l'ensemble des comportements de l'entreprise. La manière dont l'analyse économique en rend compte a évolué en même temps que les réalités économiques. Du « modèle linéaire » au « modèle interactif », et de la croissance exogène à la croissance endogène une nouvelle façon de concevoir le système d'innovation d'une nation s'est progressivement imposée, système dans lequel les entreprises en concurrence sur les marchés, mais aussi l'État, entrent en interaction.

A.- L'INNOVATION COMME SOURCE DE CROISSANCE

La croissance de l'après seconde guerre mondiale s'est alimentée d'un double processus. D'un côté, un petit nombre de pays, au premier rang desquels les États-Unis, se situaient à la frontière technologique et comptaient sur les avancées des connaissances fondamentales et de la recherche appliquée pour découvrir de nouveaux procédés et processus. D'un autre côté, la plupart des pays étaient engagés dans un processus de rattrapage des normes de la production de masse, à travers l'achat de biens d'équipement et l'importation des méthodes modernes de gestion. Pour ces derniers, il n'était donc pas nécessaire de mener une politique active d'innovation, si ce n'est pour des programmes publics souvent liés à la Défense. Ainsi se combinaient un modèle linéaire qui voit se succéder avancées technologiques, innovations et performances économiques, et un processus de rattrapage peu coûteux en terme de recherche et développement. Cette configuration est aujourd'hui totalement transformée (5).

L'apparition de surcapacités dans les industries traditionnelles et la diversification de la demande ont entraîné le passage d'un marché de vendeurs à un marché d'acheteurs, ces derniers étant très sensibles à la nouveauté et à la qualité des produits. En outre, la concurrence s'exerce désormais au niveau mondial. L'ensemble de ces transformations se traduit par le passage du modèle linéaire à un modèle interactif mettant en _uvre de fortes interdépendances entre innovation, analyse du marché et polyvalence et adaptabilité de la main-d'_uvre.

Ces évolutions ont privé de pertinence les analyses des années soixante et suscité un regain de recherche sur les déterminants de la croissance, qui conduit au milieu des années quatre-vingts à la publication d'une série d'articles (6), qui font de l'innovation le c_ur de la croissance.

Pour l'essentiel, l'innovation devient endogène au sens où les entreprises évaluent sa rentabilité attendue par rapport à une production traditionnelle et arbitrent entre, d'une part, l'embauche d'opérateurs chargés de la production courante, et, d'autre part, celle de scientifiques et ingénieurs, afin qu'ils élaborent de nouveaux procédés et/ou de nouveaux produits. Ce choix dépend, entre autres facteurs, du taux d'intérêt, de la plus ou moins grande probabilité d'obtention d'innovations, de la taille de la population, et donc du marché potentiel.

Les innovations aboutissent en outre à des connaissances nouvelles qui favorisent à leur tour l'obtention d'autres procédés et produits. La croissance dérive précisément des externalités qui sont nées de l'interaction entre processus d'innovation décentralisés. Contrairement à la science dont les résultats sont des biens publics purs, les bénéfices de l'innovation sont partiellement appropriables par le biais des brevets, mais sont d'autant plus grands qu'ils se diffusent par un processus d'adoption et d'imitation. Les politiques publiques doivent dès lors avoir pour objet de concilier ces deux impératifs : créer des incitations à l'innovation mais aussi permettre ensuite leur diffusion. Cela peut prendre la forme de la législation des brevets, de subventions à la recherche et au développement ou encore à la création d'instituts de recherche.

Le graphique suivant atteste de la croissance importante et régulière du chiffre d'affaires des secteurs technologiquement innovants.

CHIFFRE D'AFFAIRES DES SECTEURS TECHNOLOGIQUEMENT INNOVANTS

(base 100 en 1989)

graphique
Source : INSEE

B.- L'INNOVATION COMME SOURCE D'EMPLOIS

Les conséquences de l'innovation sur l'emploi sont complexes et difficiles à évaluer. Elle s'avère en effet tout autant créatrice que destructrice d'emplois. Certaines innovations détruisent l'intérêt d'anciens procédés et lignes de production, ce qui affecte la compétence des salariés. Mais, en tant que sources de croissance, elles stimulent aussi l'emploi. Le chômage peut donc résulter soit d'une incapacité à innover, qui induit un déclin de l'emploi, soit d'un emballement de l'innovation, qui détruit plus de compétences anciennes qu'elle n'ouvre d'emplois nouveaux. Il existerait donc un rythme d'innovation optimal du point de vue de l'emploi et les interventions de la puissance publique pourraient viser à l'obtenir grâce à des actions en matière de fiscalité et de subventions, ou encore par l'organisation des relations entre recherche fondamentale, appliquée et activité économique.

D'un strict point de vue théorique, il est impossible de répondre à la question du résultat des rapports entre innovation, croissance et emploi. L'innovation a des effets complexes et de signes opposés selon qu'elle porte sur l'amélioration d'un procédé ou la livraison d'un nouveau produit ou encore la copie d'une innovation déjà réalisée par un concurrent. De la même façon, lorsque l'on passe du niveau de la firme à celui du secteur, l'évolution peut être bien différente selon que l'innovation est progressive ou qu'elle est radicale et ouvre de nouvelles perspectives de développement à un ensemble de firmes imitatrices. La configuration vertueuse « innovation-productivité-croissance-emploi », privilégiée par la théorie économique, n'est donc pas la seule possible.

Pourtant, des études menées sur le terrain tendent à confirmer nettement cet enchaînement. Aux États-Unis par exemple, une enquête fondée sur des données d'entreprises révèle que, au cours de la période 1977-1987, les entreprises manufacturières qui ont vu leur productivité croître le plus fortement sont aussi celles qui ont le plus contribué à la croissance de l'emploi. D'autres études ont porté sur le Canada, l'Italie, etc. Les résultats empiriques montrent pratiquement toujours que la corrélation innovation-productivité-emploi est positive au niveau des firmes.

Ces résultats se retrouvent en France. Les entreprises innovantes enregistrent une croissance plus rapide de leur chiffre d'affaires de l'ordre de 1,5 %. L'effet est d'autant plus marqué que l'innovation est poursuivie avec persévérance : celles des entreprises qui ont répondu avoir innové aussi bien dans l'enquête de 1990 que dans celle de 1997 enregistrent des gains de chiffre d'affaires de l'ordre de 2,3 %. Comme une partie de l'innovation vise à l'obtention de gains de productivité, il n'est pas surprenant que les gains en matière d'emplois soient plus modérés. Néanmoins, une politique dynamique d'innovation permet d'obtenir un emploi supérieur d'environ 1,2 %. Le tableau suivant montre l'impact positif de l'innovation sur la croissance et l'emploi, tel qu'il apparaît à travers une série d'enquêtes menées en France.

MESURE DE L'IMPACT POSITIF DE L'INNOVATION SUR LA CROISSANCE ET L'EMPLOI

PMI pérennes pures (1)

CAHT (2)

Taux de croissance annuel moyen
(en %)

Effectifs

Taux de croissance annuel moyen
(en %)

PMI en 1990

90/95

90/93

93/95

90/95

90/93

93/95

INNOV 90 (3)

           

Innovantes produits ou procédés

2,69

0,02

6,83

- 0,57

- 1,30

0,55

Innovantes produits

2,78

0,18

6,81

- 0,60

- 1,30

0,46

Innovantes procédés

2,62

- 0,04

6,73

- 0,52

- 1,27

0,62

Innovantes produits pour le marché

3,18

1,08

6,43

- 0,35

- 0,91

0,51

Non innovantes

1,55

- 0,86

5,27

- 1,18

- 1,68

- 0,43

INNOV 93

           

Innovantes produits ou procédés

3,36

1,09

6,85

- 0,36

- 0,69

0,13

Innovantes produits

3,30

1,00

6,86

- 0,39

- 0,60

- 0,08

Innovantes procédés

3,75

1,41

7,37

- 0,15

- 0,64

0,59

Non innovantes

2,03

- 0,77

6,38

- 1,20

- 1,76

- 0,36

INNOV 97

           

Innovantes produits ou procédés

4,87

2,29

8,86

0,53

0,13

1,12

Innovantes produits

5,02

2,44

9,00

0,54

0,19

1,06

Innovantes procédés

5,55

2,84

9,75

1,01

0,50

1,78

Innovantes produits pour le marché

5,39

3,34

8,54

0,77

0,39

1,34

Non innovantes

2,48

0,10

6,17

- 0,59

- 1,13

0,23

INNOV 90 et INNOV 93

           

Innovantes produits ou procédés

3,70

1,40

7,23

- 0,17

- 0,37

0,13

Non innovantes

1,57

- 0,38

4,57

- 1,39

- 1,52

- 1,18

INNOV 90 et INNOV 97

           

Innovantes produits ou procédés

4,40

1,71

8,58

0,36

0,00

0,91

Non innovantes

1,94

- 0,83

6,24

- 0,81

- 1,18

- 0,25

(1) PMI pérennes pures : sans modification de structure sur la période.

(2) CAHT : chiffre d'affaires hors taxe.

(3) INNOV 90,93,97 : enquêtes successives (en 1990, 1993 et 1997) relatives à l'innovation dans les entreprises.

Source : Jean-Pierre François, Innovation, croissance et emploi des entreprises industrielles, ronéotypé direction générale des stratégies industrielles (mars 1998).

Le tableau de bord de l'innovation du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie d'octobre 1999 montre la croissance régulière du nombre d'emplois dans les secteurs liés aux technologies de l'information et de la communication en particulier, et aux secteurs technologiquement innovants en général. Le graphique ci-après résume cette progression.

EFFECTIFS SALARIÉS DANS LES SECTEURS LIÉS AUX TIC
ET LES SECTEURS TECHNOLOGIQUEMENT INNOVANTS
(1)

(en milliers)

graphique
(1)  Les effectifs salariés dans les secteurs technologiquement innovants correspondent aux effectifs salariés dans les secteurs liés aux TIC, plus ceux relatifs aux secteurs liés aux matériaux et aux biotechnologies.

Source : INSEE

L'innovation est ainsi une source de créations d'emplois aujourd'hui incontestée. Parallèlement, il faut absolument prendre garde - ce n'est pas l'objet de ce rapport, mais cette problématique doit être signalée - à ne pas générer des inégalités nouvelles entre ceux qui maîtrisent la technologie et ceux qui l'ignorent.

La nouvelle économie, les nouvelles technologies créent des richesses, elles peuvent aussi être à l'origine de nouvelles exclusions. L'action publique, nationale et décentralisée, devra donc veiller à ce que l'excellence technologique ne se développe pas au détriment d'une partie de la population. Par nature, l'innovation a tendance à s'imposer sur le marché plutôt que de répondre aux besoins de la communauté : le risque serait alors de faire naître une catégorie « d'exclus du progrès ».

Dans cette société à deux vitesses, la violence urbaine se manifesterait tôt ou tard. Satisfaire les besoins sociétaux en matière de technologies de la communication, d'accès à l'information et de développement durable est une chose. Encore faudra-t-il répondre aux demandes de citoyenneté, de lutte contre les exclusions, comme aux besoins qui se feront inévitablement jour en matière de formation initiale et continue.

Il faut donc réfléchir à des voies complémentaires de promotion de l'innovation, sur le plan technologique mais aussi social, et mettre au jour de nouvelles solidarités.

En effet, l'économie des réseaux et de la connaissance peut être à l'origine de nouvelles solidarités. Tout ce qui est indispensable à l'innovation, la densité des réseaux d'infrastructure, l'ouverture à l'international - les marchés concernés par les nouvelles technologies sont le plus souvent à l'échelle de la planète -, la qualité de l'appareil de formation, la créativité des laboratoires, la définition de nouvelles organisations du travail avec des règles sociales à réinventer, engendre une plus-value remarquable, notamment en termes de productivité, pour les salariés des pays qui auront su investir dans l'innovation en associant développement économique, innovation et solidarité.

Par ailleurs, la création d'entreprises innovantes n'est pas l'apanage d'une élite technologique. L'action en faveur du microcrédit, par exemple, commence à porter ses fruits dans plusieurs pays. Elle prouve que la création d'entreprises par des chômeurs ou des exclus, dans le domaine des nouveaux services notamment, peut non seulement faciliter leur réinsertion, mais aussi créer des entreprises viables, réconciliant ainsi des catégories sociales diversifiées avec les valeurs d'entreprise, de progrès, de risque et d'innovation.

Il faudra également s'interroger sur les conséquences sociales et éthiques des innovations, notamment dans le domaine des technologies de l'information (accès aux réseaux les plus confidentiels, protection du net, limites de la réalité virtuelle...) et les biotechnologies (clonage, organismes génétiquement modifiés...). En privilégiant ou en refusant tel ou tel type d'innovation, c'est bien un choix de société que l'on est amené à faire. Sommes-nous prêts, par exemple, à accepter une société où enfants et adultes vivant en milieu urbain et tentés par le jardinage surveilleraient quotidiennement sur leur ordinateur la croissance de leurs plantes virtuelles grâce à un logiciel adapté ; où l'on pourrait, plus grave encore, programmer son futur enfant selon un schéma idéal grâce à des manipulations génétiques ?

Ces deux thèmes : innovation et nouvelles solidarités, innovation et choix de société pourraient faire l'objet d'études complémentaires, avec une double approche, technologique et sociale.

C.- LES VOIES DE L'INTERVENTION PUBLIQUE

Dans la mesure où l'innovation est source de croissance et s'avère créatrice d'emploi - et apparaît donc très souhaitable -, et qu'elle consiste en un processus interactif, une question centrale se pose : la conjonction d'une série de stratégies d'innovations conduit-elle toujours au meilleur résultat possible pour l'économie et la société considérées dans leur ensemble ? Les recherches contemporaines livrent quelques principes généraux qui justifient très largement l'intervention de l'État mais conduisent à s'interroger sur ses modalités.

L'innovation est à l'origine d'externalités généralement positives : d'une part, le dépôt d'un brevet dévoile aux concurrents la découverte de la firme et leur permet d'utiliser les acquis correspondants pour développer leur propre politique d'innovation ; d'autre part, la mise sur le marché d'une innovation radicale ouvre ce nouveau marché à toutes les firmes imitatrices qui vont décliner cette innovation dans leurs produits. Baisse des prix, croissance du marché, de la productivité et de l'emploi s'enchaînent pour définir un cercle vertueux de l'innovation, ce que toutes les études économétriques confirment.

Le rendement social de l'innovation s'avère ainsi plus élevé que son rendement privé, ce qui est une première justification de l'intervention publique. Le fait que toutes les firmes n'aient pas également accès au financement de l'innovation - les grandes étant favorisées par rapport aux PME - est une autre raison de l'action de l'État dans ce domaine : lui seul peut en effet stimuler l'émergence de nouveaux instruments financiers, tels l'encouragement au capital-risque. Une troisième raison encore plus fondamentale réside dans l'aversion au risque des agents privés, qui est préjudiciable au dynamisme de l'innovation et doit être compensée par la collectivité publique afin d'assurer une meilleure décision pour l'ensemble de l'économie.

De fait, dans la quasi-totalité des pays, les pouvoirs publics mènent des politiques d'encouragement à la recherche et à l'innovation. Depuis une décennie, elles auraient même tendance à se renforcer, alors que l'État se désengage dans de nombreux domaines.

Plusieurs approches peuvent a priori contribuer à réconcilier rendement social et rendement privé de la recherche.

· Une première pourrait consister à réunir la recherche fondamentale comme appliquée dans un secteur public dont la mission serait non seulement de déboucher sur un flux suffisant d'innovation mais aussi de diffuser au mieux les résultats obtenus à toutes les unités économiques concernées. Ce secteur public aurait pour tâche d'optimiser l'innovation du point de vue de la société. Le système soviétique reposait sur ce modèle et s'est traduit par beaucoup de recherche mais peu d'application dans le domaine économique.

· Une deuxième solution consiste à subventionner la recherche au prorata des externalités. C'est le principe vers lequel ont convergé la plupart des interventions publiques, dans la mesure où il est plus souple que le précédent, concerne potentiellement tous les secteurs et permet de révéler aux entreprises la hiérarchie de la rentabilité des projets. Le crédit d'impôt recherche français relève de cette logique.

· Une troisième configuration émerge actuellement. Elle s'efforce d'internaliser les externalités issues de l'innovation par la constitution de réseaux regroupant les entreprises dotées de diverses compétences, les utilisateurs comme des fournisseurs et bien sûr les centres de recherche publics ou privés concernés. L'aide publique est toujours indispensable dans la mesure où les coûts d'établissement et les problèmes de coordination qui concernent tout réseau peuvent empêcher leur émergence.

· Enfin, il peut exister une solution largement privée consistant à intégrer la recherche appliquée, voire la recherche fondamentale, au sein d'un grand groupe congloméral qui peut trouver dans les différentes entreprises qui le composent des sources d'application aux innovations et technologies nouvelles. Même dans ce cas, les externalités demeurent et l'action publique s'avère nécessaire et doit emprunter l'une des deux voies précédentes.

Aucune de ces approches n'est parfaite à elle seule, tant le processus d'innovation est complexe, son succès dépendant d'un équilibre entre impératifs contradictoires. La France a longtemps mis en _uvre exclusivement la deuxième solution, sous la forme d'aides financières diverses à l'efficacité variable, sinon relative. L'inflexion des mécanismes en faveur de la création de réseaux est le résultat d'une évolution encore très récente.

II.- DES INITIATIVES LOCALES QUI MONTRENT
LES VOIES DU SUCCÈS

A.- UN EXEMPLE D'INITIATIVE RÉGIONALE INTÉGRÉE EN RHÔNE-ALPES

Les initiatives locales en faveur de l'innovation financées pour tout ou partie par des fonds publics sont à encourager, à condition qu'elles débouchent effectivement sur des créations d'emplois nouveaux et qu'elles aient un caractère fédérateur.

A titre d'exemple, le réseau des villes de la Région Rhône-Alpes, qui regroupe Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Chambéry, Annecy, Roanne, Valence et Bourg-en-Bresse, a engagé depuis deux ans une politique de développement de l'innovation et de transferts de technologies dans deux secteurs clés, le numérique et les biotechnologies, avec la volonté de mobiliser sur cinq ans des moyens importants (300 millions de francs annoncés en 1997).

Lyon, capitale française de l'industrie pharmaceutique du biomédical et de la chimie, qui accueille notamment les groupes Bio-Mérieux et Aventis, a été choisie comme leader pour les bio-industries et Grenoble s'est vue confier le numérique, c'est à dire les micro et nanotechnologies, les technologies de l'information, les télécommunications, l'industrie du logiciel, du fait de la concentration exceptionnelle et de la forte présence internationale de la recherche et de l'industrie dans ce domaine : la région Rhône-Alpes compte 52.000 professionnels du numérique, dont 23.000 dans l'agglomération grenobloise.

La démarche initiée par le réseau des villes de Rhône-Alpes, soutenue par le Conseil Régional, les villes et l'État, est donc fondée sur la valorisation des atouts spécifiques de Grenoble et Lyon dans deux secteurs innovants et porteurs sur le marché régional, national, européen et international. Après deux années de préfiguration, ces deux pôles ont donné naissance à deux agences régionales de développement technologique et économique, présidées par un industriel du domaine concerné.

Cette approche locale, qui repose sur la prise en compte des dimensions régionales et internationales, ne peut se déployer qu'en concertation et en complémentarité avec les actions de l'État et de l'Union européenne.

Elle se construit sur plusieurs axes :

· les effets de pôle, la mise en réseau des acteurs de la recherche et de l'industrie et les synergies entre le numérique et les biotechnologies ;

· la concentration des moyens sur des projets technologiques précompétitifs (plates-formes technologiques...) ;

· le renforcement de la notoriété et de l'attractivité du site autour de ses avantages compétitifs ;

· la valorisation et le développement des atouts technologiques existants ;

· le développement d'une veille technologique partagée, de coopérations internationales, applications pilotes, partenariats, expérimentations,

Ainsi, depuis deux ans, une cinquantaine de projets fédérateurs sont nés des groupes de travail thématiques mis en place au sein du pôle numérique, avec plus de 300 participants des milieux de la recherche publique et privée et de l'industrie, grands groupes et PMI-PME.

Ces initiatives fédératrices s'intègrent à un dispositif régional d'aide à l'innovation tout à fait complémentaire, comprenant notamment deux incubateurs communs aux organismes de recherche publique, l'un à Lyon, l'autre à Grenoble, un fonds d'amorçage national, Emertec, à Grenoble pour toutes les technologies « hardware », les nanotechnologies, les matériaux, et un autre, I-Source, aussi à Grenoble, pour les projets de logiciels, ainsi qu'un fonds d'amorçage national, en cours de constitution à Lyon, pour les bio-industries.

B.- L'ARTICULATION DE TELLES INITIATIVES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE DOIT PERMETTRE L'ÉMERGENCE DE PÔLES TECHNOLOGIQUES INNOVANTS

Par ailleurs, ce projet régional bénéficie d'un programme européen en faveur de la création d'entreprises innovantes. Sur l'initiative de la direction générale compétente, une action d'identification et de mise en réseaux des pôles technologiques innovants en Europe a été lancée et le binôme Lyon-Grenoble, avec le soutien de la Région, a été retenu, en partenariat avec les technopoles de Karlsruhe en Allemagne et d'Oxford en Angleterre et la région Emilie-Romagne en Italie.

De telles initiatives européennes sont à encourager car elles permettent l'échange de bonnes pratiques en matière d'accès aux compétences, au financement et au marché pour les créateurs d'entreprises innovantes et peuvent être à l'origine d'initiatives européennes permettant à la Commission d'harmoniser et de simplifier les incitations à l'innovation : mise en place d'un brevet européen, simplifié et unique, généralisation de bonnes pratiques comme l'incitation à la mise en place de réseaux européens de business angels, amélioration des procédures de transfert technologique et de valorisation de la recherche, mise en place d'un second marché européen...

Quatre projets de cette nature sont en cours de financement par la Commission européenne et il sera très intéressant d'en suivre le développement et les conclusions.

Cela devrait, à terme, inciter la Commission européenne à mettre en place une véritable politique de création d'emplois, fondée sur l'innovation, à l'image des États-Unis ou du Japon et de réorienter les fonds structurels en ce sens. Car c'est bien dans les régions les plus favorisées, au sein des pôles technologiques, là où chercheurs, universitaires, industriels, grands groupes comme PMI-PME se côtoient et mènent des projets en partenariat, que vont se créer les emplois de demain. La richesse ainsi produite sera ensuite redistribuée à l'ensemble des territoires moins favorisés. L'Europe ne maintiendra son niveau de vie qu'en restant à l'avant-garde de la productivité et de l'innovation.

III.- DES AIDES NATIONALES
À LA RECHERCHE ET L'INNOVATION

Aujourd'hui en France, les aides publiques, qui prennent la forme de subventions ou d'avances remboursables, à l'exception du crédit d'impôt-recherche, visent moins à soutenir l'innovation à proprement parler que la recherche et le développement. La distinction entre les deux est pourtant fondamentale, comme l'a souligné M. Jean-Claude Lehmann, directeur de la recherche à Saint-Gobain, au cours de son entretien avec votre Rapporteur. Il a expliqué que la recherche n'était, pour les entreprises, qu'un moyen de développer de la technologie, alors que l'innovation était un processus liant recherche et mise en _uvre des technologies qui présentait un caractère culturel essentiel. C'est cet aspect culturel, impalpable mais fondamental, qui rend aléatoires les résultats de toute action de l'État en faveur de l'innovation.

L'innovation est le point de rencontre entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise. La stimulation des efforts de recherche et développement relève donc autant du ministère de l'Économie que de celui de la Recherche : c'est la raison pour laquelle les dispositifs d'aides dépendent tantôt de l'un tantôt de l'autre, alors qu'ils répondent à des logiques très voisines. Cette compétence conjointe est directement illustrée par l'existence de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), qui est placée sous la double tutelle du ministère de l'Économie et du ministère de la Recherche.

A.- DES AIDES FINANCIÈRES NOMBREUSES ET COMPLEXES

Ces dispositifs d'aides sont nombreux, alors que leurs objectifs finaux sont assez semblables : seuls les moyens qu'ils invitent à choisir varient. Les critères d'attribution apparaissent en revanche d'une grande complexité : il est rare de trouver deux dispositifs d'aide susceptibles de bénéficier aux entreprises présentant les mêmes caractéristiques. Le tableau ci-dessous présente les principales aides à la recherche et au développement qui s'adressent aux entreprises.

Seuls les financements nationaux figurent dans ce tableau ; ils sont en fait complétés par de nombreux cofinancements, émanant du fonds européen de développement régional (FEDER) et des collectivités locales. Dans son rapport (7), M. Henri Guillaume évalue à environ 1,5 milliard de francs le montant du budget des régions en recherche et développement pour 1996, mais ce chiffre inclut, outre le financement des structures d'appui technologique aux entreprises, l'appui à des laboratoires publics de recherche et les bourses technologiques accordées aux étudiants. Il estime que 10 % de ces budgets annuels sont consacrés à la technologie, soit 150 millions de francs, mais avoue son incapacité à rendre compte des aides à la recherche et la technologie provenant des conseils généraux et des communes.

LES AIDES DE L'ÉTAT A LA RECHERCHE ET AU DÉVELOPPEMENT

Sources de

Financement

Forme de l'aide

Intitulé

Objectifs

Bénéficiaires potentiels

Coût pour l'État

(en millions de francs) (1)

Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

Ch.64-92, art.20

+FEDER

(gestion DRIRE)

Subventions et avances

 Procédure ATOUT

Favoriser la diffusion des techniques

 Entreprises industrielles saines de moins de 2000 salariés

212

Ch.64-92, art.11

+ FEDER

+ régions

(gestion DRIRE)

Subvention

directe

Fonds régional d'aide au conseil (FRAC) et

Aide au recrutement des cadres (ARC)

Favoriser le développement des PMI

Certaines entreprises de moins de 500 salariés, non contrôlées par un groupe de plus de 500 personnes.

83,63

Ch.64-92, art.11

+ collectivités locales

+ FEDER

Subvention

directe

Fonds de développement des PMI

(FD-PMI)

Élévation du niveau technologique et de la qualité des produits

Certaines PMI (plusieurs secteurs sont exclus), selon la définition communautaire

282,47

Ch.66-01

+ FEDER

Subventions et avances remboursables

Grands projets innovants (GPI) :

- Appel à projet « technologies-

clés »

- Eurêka

Soutien aux projets de R&D d'un montant important

Toutes les

entreprises

400

Ch.66-01

+ FEDER

Subventions et avances remboursables

Aide en faveur de la filière électronique :

- Appel à projet «  Société de l'information »

- Eurêka

- Réseaux et terminaux

Développement de la filière électronique

Entreprises et laboratoires

opérant dans ce secteur

1.200

Ministère de la Recherche

Ch.66-04, art.10

Subvention

Fonds de la Recherche et de la Technologie (FRT)

Recherche fondamentale et de base

Entreprises

privées et organismes publics

630

Ch. 43-80,

Art. 30

(gestion ANVAR)

+ régions

Subvention plafonnée

Convention de recherche pour les techniciens supérieurs (CORTECHS)

Inciter les PME-PMI à embaucher un jeune technicien

PME-PMI de droit français, comptant moins de 500 personnes

45

Ch. 43-80, art.50

(gestion ANRT)(2)

Subvention annuelle forfaitaire

Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE)

Renforcer les capacités technologiques d'une entreprise par l'embauche d'un doctorant

Entreprise de droit français, confiant au jeune doctorant un projet de recherche et impliquant un laboratoire extérieur

183,7

           

Ch.43-80, art.50

+ fonds structurels

(gestion ANVAR)

Subvention plafonnée

Conventions pour les diplômes de recherche technologique (DRT)

Favoriser le recrutement d'ingénieurs formés à la recherche

PME-PMI indépendante, de droit français, de moins de 500 personnes

9

Ch.43-80, art.60

Subvention annuelle forfaitaire

Accueil des post-doctorants dans les PME-PMI

Favoriser l'intégration professionnelle des jeunes docteurs

PME-PMI à caractère industriel, employant moins de 2000 personnes

50

Ch.43-01, art.10

+ régions

+ FEDER

Financement des activités de conseil

Aides des Centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT)

Aider les PME dans leur démarche d'innovation

Essentiellement les PME, mais il n'y a pas de seuil maximal

44,9

TUTELLE CONJOINTE DES DEUX MINISTÈRES

ANVAR

Avance remboursable et subventions

Régimes ANVAR

Aides à l'innovation

Entreprises de moins de 2000 salariés et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 milliards de francs

795

BUDGET DES CHARGES COMMUNES

Mesure fiscale n°200302

Crédit d'impôt

Crédit d'impôt recherche (CIR)

Développement d'activités de recherche

Toutes les

entreprises

2,8 milliards de francs

(1) En dépenses ordinaires ou crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 1999, sauf mention contraire.

(2) Association nationale pour la recherche technologique.

Source : d'après Daniel Paul, Face aux grands groupes : quelle politique pour l'emploi et les territoires ? Assemblée nationale, onzième législature, document n° 1667, 2 juin 1999.

1.- LES AIDES DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE

Dans le budget du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, plusieurs lignes budgétaires sont consacrées directement aux financements d'aides aux entreprises. Le chapitre 64-92 a vocation à financer des «  actions de développement industriel régional en faveur des PMI »; le «  développement de la recherche industrielle et innovation » relève du chapitre 66-01. Le chapitre 66-02 finance l'ANVAR à hauteur de 673,5 millions de francs. Il faut ajouter à ces dépenses en capital des dépenses ordinaires de 277,7 millions de francs en loi de finances pour 1999, parmi lesquelles la presque totalité des sommes (257,7 millions de francs) revient à l'ANVAR (chapitre 44-04), les 20 millions restant constituant l'accompagnement de la procédure ATOUT (ch.44-81, art. 20).

Le titre des deux chapitres laisse supposer que l'un est utilisé pour des aides destinées à des PME tandis que le bénéfice de l'autre serait réservé à des entreprises plus grandes. La distinction n'est en fait pas celle-ci. Les procédures ATOUT, le fonds régional d'aide au conseil (FRAC) et l'aide au recrutement des cadres (ARC) sont gérés au niveau déconcentré par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Les aides relevant du chapitre 66-01 sont au contraire accordées au niveau national : les crédits étaient répartis en deux articles (article 70 : grands programmes innovants et technologies-clés, hors électronique et article 80 : recherche industrielle et innovation) jusqu'à la loi de finances pour 1999. Il n'y en a désormais plus qu'un seul mais les sommes consacrées aux grands projets innovants (GPI) d'une part, aux aides à la filière électronique d'autre part, demeurent quasiment stables.

La séparation des deux chapitres budgétaires ne reflète pas en revanche une opposition entre les bénéficiaires potentiels des aides. Les dispositifs du chapitre 64-92 ne bénéficient pas aux seules PME, tandis ceux du chapitre 66-01 peuvent également les concerner.

La loi française ne donne aucune définition de la notion de PME : la seule disponible est communautaire. La Commission de Bruxelles considère comme «  petite » une entreprise qui emploie moins de 50 salariés et a un chiffre d'affaires inférieur à 7 millions d'euros (47,9 millions de francs) ou un bilan annuel inférieur à 5 millions d'euros (32,79 millions de francs). Une entreprise «  moyenne » compte moins de 250 personnes tandis que son chiffre d'affaires ne dépasse pas 40 millions d'euros (262,29 millions de francs) ou son bilan annuel 27 millions d'euros (177,05 millions de francs). Toutes les deux doivent être indépendantes, c'est-à-dire ne pas être détenues à plus de 25 % du capital ou des droits de vote par une grande entreprise.

Les conditions d'attribution des aides du ministère de l'Économie ne respectent pas ces définitions. Comme le tableau ci-dessus le montre, seules les aides provenant du Fonds de développement des PMI (FD-PMI) se réfèrent à la définition communautaire, et encore excluent-elles de leur champ les PMI de plusieurs secteurs. Les autres reposent sur des critères de taille variable.

Cette complexité est regrettable à plusieurs titres. Elle ne favorise pas la lisibilité des dispositifs : ces derniers ne sont pas ciblés chacun sur un type d'entreprises alors que leurs objectifs sont eux-mêmes peu différenciés. Le positionnement des aides les unes par rapport aux autres apparaît incertain étant donné le recoupement des catégories d'entreprises. M. Henri Guillaume cite dans son rapport une lettre du Premier Président de la Cour des comptes au Ministre de l'Industrie en date du 26 janvier 1994 dans laquelle est soulignée « la confusion dans l'esprit des bénéficiaires tant sur la nature de l'aide que sur les critères de décision ».

Les aides ne sont pas spécifiquement conçues pour répondre aux besoins de telle ou telle catégorie d'entreprise, alors qu'il est évident qu'une petite entreprise innovante n'a pas les mêmes besoins en matière de recherche qu'un grand groupe multinational. Dans son rapport consacré aux entreprises de haute technologie(8), Dominique de Lapparent distingue même comme « très différentes » les entreprises innovantes en général des entreprises technologiques - qui peuvent être de haute technologie - et des start-up.

Le fait que les aides disposant des crédits les plus élevés, ceux du chapitre 66-01, soient ouvertes aux entreprises quelle que soit leur taille se traduit par une surreprésentation des grandes entreprises et des groupes parmi les attributaires des financements publics, comme le notait M. Henri Guillaume (9). Le tableau ci-dessous, qui prend en compte l'ensemble du financement public de la recherche à destination des entreprises et pas seulement ceux provenant du ministère de l'Économie, le montre clairement.

RÉPARTITION DU FINANCEMENT PUBLIC PAR TAILLE D'ENTREPRISE, EN 1995

 

Dépenses de recherche

(en milliards de francs)

Financement public

(en milliards de francs)

Taux d'aide moyen estimé

(en %)

Grandes entreprises :

(>2000)

dont filiales groupes

Autres

64,2

61,6

2,6

11,8

11,8

0,02

18,4

19,1

0,6

Entreprises moyennes :

(200-2000)

dont filiales groupes

Autres

32,5

24,3

8,2

2,5

2,0

0,5

7,7

8,4

5,5

Petites entreprises :

(<200)

dont filiales groupes

Autres

12,6

4,5

8,1

1,1

0,5

0,6

8,8

10,1

8,1

Total :

Dont filiales groupes

Autres

109,2

90,4

18,8

15,4

14,3

1,1

14,1

15,8

6

Source : Henri Guillaume, Rapport de mission sur la technologie et l'innovation (mars 1998).

Les mêmes travers se retrouvent dans les aides du ministère de la Recherche, même si elles prennent des formes différentes.

2.- LES AIDES DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

Les mesures d'aide aux entreprises du ministère de la Recherche ne consistent jamais en avances remboursables, mais en subventions, généralement plafonnées ou forfaitaires. Elles peuvent être regroupées en deux catégories : les aides globales à la recherche ou à l'innovation : aides du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) et aides des Centres régionaux d'innovation et de transferts de technologie (CRITT), d'une part ; subventions destinées à favoriser le recrutement de chercheurs par les entreprises, d'autre part.

Les aides de la première catégorie sont ouvertes à toutes les entreprises, et aux organismes publics en ce qui concerne le FRT. Si les CRITT travaillent surtout pour les PME, c'est parce que celles-ci ont des besoins en conseil alors que les grandes entreprises disposent de collaborateurs spécialisés dans le transfert de technologie ou s'adressent spontanément à des consultants extérieurs.

Les aides à l'embauche de techniciens, ingénieurs ou chercheurs sont en revanche, à l'exception des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui représentent, il est vrai, la dotation budgétaire de loin la plus élevée, réservées aux PME-PMI qui ont des faibles effectifs et peu de moyens pour embaucher du personnel très qualifié. Le ministère de la Recherche soutient ainsi à la fois la capacité technologique des entreprises et l'emploi des jeunes hautement qualifiés.

Le FRT soutient moins l'innovation que la recherche, en particulier fondamentale, quoique la présence du mot « technologie » dans son titre suggère le contraire. Comme l'essentiel de la recherche fondamentale privée a lieu dans les grandes entreprises, ces dernières sont de loin les principales bénéficiaires de ce fonds, comme l'illustre la ventilation des dotations du FRT par type de bénéficiaires entre 1990 et 1996.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS DU FRT (Chapitre 66-04), PAR TYPE DE BÉNÉFICIAIRE

(en millions de francs)

Type de bénéficiaires :

1994

1995

1996

Total 1990-96

Entreprises de plus de 2000 personnes

230

188

265

2.558

Entreprises de 200 à 2000 personnes

25

8

18

91

Entreprises de moins de 200 personnes

11

92

110

1.265

Source : Henri Guillaume, Rapport de mission sur la technologie et l'innovation (mars 1998).

Le ministère de la Recherche propose quatre dispositifs destinés à favoriser l'embauche de chercheurs (CORTECHS, CIFRE, DRT, accueil des post-doctorants), présentant des critères d'éligibilité et des organismes de gestion différents. S'y ajoutait, jusqu'en 1998, l'aide au recrutement pour l'innovation de l'Agence nationale de revalorisation de la recherche (ANVAR). Cette diversité constitue une source réelle de difficultés pour les jeunes chercheurs comme pour les entreprises, aussi votre Rapporteur est-il favorable au regroupement de ces différentes procédures afin de les rendre plus lisibles pour les industriels, et de renforcer l'emploi scientifique et technique.

3.- LES AIDES À L'INNOVATION DE L'ANVAR

Depuis quelques années, l'ANVAR a modernisé son système d'aides qui s'était diversifié au fil des ans pour répondre à l'élargissement de ses missions. Elle propose désormais un soutien unique, l'aide à l'innovation, qui lui permet d'accompagner les PME, les laboratoires et les créateurs d'entreprises innovantes de façon globale, à toutes les étapes de leur démarche (création, transfert, études, recherches de partenaires, préparation du lancement industriel, etc.), en distinguant seulement la phase de faisabilité et la phase de développement. Cette simplification répond à l'une des critiques formulées dans le rapport Guillaume qui appelait à une simplification de l'aide à l'innovation.

Au premier semestre 1999, avec un budget d'intervention total de 1.400 millions de francs pour l'année entière, l'Agence est intervenue pour un montant total de 748,7 millions de francs, au travers de 1.739 aides à l'innovation, qui se répartissent comme le tableau suivant l'indique :

MOYENS MOBILISÉS EN FAVEUR DE L'INNOVATION AU PREMIER SEMESTRE 1999

 

Nombre d'aides

Montants

(en millions de francs)

Faisabilité et développement de projets

693

611,3

Recrutements ingénieurs-chercheurs

426

67,9

Total des aides aux PME-PMI

1.119

679,2

Émetteurs de technologie

23

12,5

Sociétés de recherche sous contrat

7

13,4

Contrats PTR

20

30,8

Projets jeunes

534

10,8

Inventeurs indépendants

36

1,9

Procédures spécifiques

620

69,4

Total

1.739

748,6

Source : secrétariat d'État à l'Industrie.

Ces moyens sont destinés à poursuivre le soutien aux entreprises innovantes, intervention principale de l'Agence, qui doit, par ailleurs, répondre à quatre priorités fortes définies par le Gouvernement.

a) La création de nouvelles entreprises innovantes de technologie et de services

Cette priorité s'inscrit dans la continuité de la politique, menée avec succès par l'Agence, depuis de nombreuses années : le taux de vitalité des entreprises qu'elle a soutenu s'établit en effet à 40 %, soit un taux supérieur à la moyenne nationale (7 entreprises créées avec le soutien de l'Agence sont toujours en activité au bout de 10 ans, contre moins de 5 en moyenne).

Plus d'un quart du budget d'intervention de l'ANVAR a été consacré, en 1999, aux entreprises de moins de trois ans, ce qui devrait accroître l'impact de ses interventions, déjà conséquent, sur cette cible. En 1998, ces entreprises représentaient, en effet, 26 % des soutiens de l'Agence aux entreprises et absorbaient 23,3 % du montant total alloué aux entreprises, soit 280,2 millions de francs sur 1.197,3 millions de francs.

Par ailleurs, la priorité accordée à l'embauche de personnels scientifiques, facteur déterminant pour la réussite des jeunes entreprises, est poursuivie. A cet égard, votre Rapporteur souligne qu'en 1998, l'Agence a permis le recrutement de 1.055 chercheurs ou ingénieurs pour un montant de 159,9 millions de francs, soit une hausse de 65 % en nombre et en montant par rapport à 1997, conformément à l'objectif fixé par son conseil d'administration. Les profils les plus recherchés par les PME sont les ingénieurs (57,7 %), les docteurs es sciences (23 %) et les universitaires de niveau bac + 5 (14,3 %).

De plus, en 1997, le ministère de l'Éducation nationale a confié à l'ANVAR la gestion et l'animation des CORTECHS et des DRT avec les partenaires régionaux : conseil régional, délégué régional à la recherche et à la technologie (DRRT), DRIRE, délégué régional à l'emploi et à la formation professionnelle (DREFP). Les soutiens au recrutement proposés par l'Agence ou gérés par elle forment ainsi un véritable continuum : des travaux de fin d'étude à l'embauche de techniciens supérieurs, d'ingénieurs ou de docteurs, ces aides sont en mesure de couvrir tous les besoins des entreprises innovantes.

L'ANVAR soutient aussi les jeunes de 15 à 25 ans, notamment les étudiants et les élèves ingénieurs, qui élaborent des projets en partenariat avec des entreprises et laboratoires de recherche, parfois dans le cadre d'un diplôme et lors de stage en entreprise.

Les résultats de l'action de l'ANVAR en matière de recrutement sont donc prometteurs mais votre Rapporteur estime qu'il est possible et souhaitable d'aller plus loin dans cette direction : l'ANVAR pourrait étendre son action en offrant une aide au recrutement de managers afin d'accompagner efficacement le développement des fonds d'amorçage.

Enfin, il convient de rappeler que l'ANVAR apporte son soutien à des études préalables (études de marché, de faisabilité, aides à la définition de plans d'affaires, etc.). Cette subvention, plafonnée à 200.000 francs, couvre 70 % des dépenses engagées. En 1998, 56 créateurs ont bénéficié de cette aide. Yves Dupin(10) reconnaît l'utilité de ce dispositif : « Cette aide répond bien dans son principe au besoin » mais il déplore que la subvention ne puisse pas bénéficier à une personne physique, que son plafond soit aussi bas et que son montant soit lié à celui des fonds propres de l'entreprise. Il suggère que les régions apportent un soutien supplémentaire, au-delà du plafond, lorsque le projet le nécessite.

b) Le renforcement des fonds propres des entreprises

Soucieuse d'accentuer son action en direction du monde financier, l'ANVAR poursuit sa politique de conclusion de conventions de coopération (apport réciproque de dossiers, participation à l'évaluation, etc.) avec des intervenants financiers. Elle propose aux investisseurs des opportunités de participations à des entreprises de croissance désirant ouvrir leur capital, quel que soit leur secteur d'activité.

Dans cet esprit, l'Agence poursuivra la promotion des entreprises innovantes auprès des Fonds de placement dans l'innovation (FCPI). Signalons, à cet égard, que l'ANVAR siège au comité d'engagement et d'orientation du Fonds public pour le capital-risque, créé en 1998 et présidé par M. Henri Guillaume, et a engagé une politique de contractualisation de ses relations avec les fonds d'amorçage et de capital-risque dans le but de mobiliser les fonds propres nécessaires à l'émergence et au développement des PME innovantes. Dans ce cadre, elle a mis en place, en 1996, un dispositif spécifique pour l'introduction des PME sur les nouveaux marchés boursiers pour valeurs de croissance dont 22 entreprises ont bénéficié en 1998, pour un montant d'intervention de 14,7 millions de francs.

c) L'accès aux sources d'innovation dans le monde de la recherche

L'année 1999 a été marquée par l'engagement de l'ANVAR dans les nouveaux réseaux de recherche technologique, dont l'objectif est de permettre une plus grande fluidité des échanges entre la recherche, source de compétences, et les entreprises.

Dans cette perspective, la politique en matière de transferts de technologie est accentuée. Cette politique concerne aussi bien les PME qui souhaitent acquérir ou céder une technologie, les laboratoires publics ou privés qui désirent trouver des partenaires industriels pour développer leurs travaux et les structures intermédiaires (entreprises ou laboratoires privés) qui procèdent à des travaux lourds sur les technologies afin de revendre des résultats plus élaborés. En 1998, l'Agence a ainsi accordé 82 aides au transfert de technologie pour un montant de 82,3 millions de francs. En 2000, elle proposera de nouveaux services et approches, tant aux PME voulant contracter avec des laboratoires qu'aux cellules de valorisation, incubateurs et fonds d'amorçage, actuellement en constitution.

Votre Rapporteur ajoute que l'action engagée en faveur du recrutement de personnels scientifiques consolide cette politique en créant, de fait, un réseau permanent favorable aux transferts de technologies.

Enfin, l'Agence continuera à aider des projets conduits par de jeunes élèves, ingénieurs ou universitaires, action qui a concerné, en 1998, 666 projets, pour un montant de 12,9 millions de francs. Il s'avère, en effet, que ces jeunes intègrent les entreprises avec leurs compétences et maintiennent des relations étroites avec leur laboratoire d'origine ou leur école.

d) Le partenariat européen

L'aide à l'innovation de l'Agence facilite l'accès des PME tant aux projets Eurêka qu'aux programmes communautaires. En 1998, 21 projets Eurêka, impliquant 23 PME, ont bénéficié du soutien de l'Agence, pour un montant d'intervention de 47,8 millions de francs et des projets ont été orientés, avec succès, vers le programme civil de recherche et développement. Fin 1998, l'ANVAR a d'ailleurs été désignée comme point de contact national du programme « innovation et PME » du 5ème programme.

Dans le cadre de cette action, l'Agence poursuivra la mise au point de la cotation technico-économique des entreprises et projets innovants. Cet outil, élaboré par l'Agence et cinq de ses homologues européens, avec le soutien de la Commission européenne, définit une échelle de risque compréhensible par tout investisseur ou partenaire potentiel. Finalisé sur le plan méthodologique, cet outil sera testé en 1999, simplifié, puis mis à la disposition des entreprises et des investisseurs.

Par ailleurs, la relance de l'initiative Eurêka ayant été annoncée par le Premier ministre lors des Assises de l'innovation, l'ANVAR cherchera à conforter la place, déjà non négligeable, des PME dans cette procédure en intensifiant le travail de terrain afin de stimuler l'émergence de projets des secteurs de haute technologie mais également les projets compétitifs dans tous les secteurs industriels.

4.- LES DISPOSITIFS FISCAUX EN FAVEUR DE LA RECHERCHE

a) Le crédit d'impôt recherche

Le dispositif du crédit d'impôt recherche (CIR) constitue une composante essentielle de l'aide publique en faveur de la recherche. Prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, il est attribué, sur option, à toute entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou agricole, quelle que soit sa forme juridique.

Le CIR est calculé sur l'accroissement des dépenses de recherche exposées par l'entreprise. Il est égal à 50 % de l'excédent des dépenses de l'année par rapport à la moyenne de celles exposées au cours des deux années précédentes. Plafonné à 40 millions de francs par an et par entreprise, le CIR est imputé sur l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu. Le crédit n'est immédiatement restituable que pour les entreprises nouvelles implantées dans certaines zones du territoire et qui sont exonérées d'impôt pendant deux ans.

Plus de 7.000 entreprises, dont 6.300 PME ont souscrit une déclaration de CIR au titre de 1997. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors des Assises de l'innovation en mai 1998 et afin de poursuivre et amplifier la politique de soutien aux entreprises, le dispositif a été reconduit pour la période 1999-2003 par l'article 91 de la loi de finances pour 1999.

Peuvent en bénéficier au cours de cette période :

· les entreprises qui ont fait application du crédit d'impôt en 1998 ;

· les entreprises qui n'ont encore jamais bénéficié du crédit d'impôt ;

· les entreprises qui, après avoir bénéficié du dispositif avant 1993, n'ont pas renouvelé leur option après cette date.

L'option au titre de la période 1999-2003 est irrévocable.

Les entreprises désireuses de bénéficier du CIR peuvent s'assurer auprès de l'administration que leur projet de recherche y ouvre droit. En l'absence de réponse de l'administration dans les six mois, elles bénéficient d'un accord tacite.

Les entreprises qui réintègrent le dispositif après l'avoir quitté en 1993 doivent calculer leur crédit d'impôt en tenant compte des crédits d'impôt théoriques qu'elles auraient dégagés au titre des années 1993 à 1998 si elles étaient demeurées dans le système. Le montant des crédits négatifs viendra donc en diminution des crédits de la nouvelle période.

Après avoir soutenu la reconduction du CIR, votre Rapporteur suggère qu'il soit ciblé sur les PME-PMI, qui consacrent également un effort important en faveur de la recherche et du développement, sans bénéficier autant que les grandes structures des aides mises en place.

Le crédit d'impôt recherche peut se cumuler avec les autres mesures prévues en faveur de la recherche : possibilité de déduction immédiate des dépenses de recherche, déduction des dons aux organismes de recherche agréés, amortissement exceptionnel des logiciels acquis.

b) Les autres dispositions fiscales incitatives

· Le régime fiscal des dépenses de recherche scientifique ou technique

Conformément aux dispositions de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984, les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l'entreprise, être immobilisées ou immédiatement déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles ont été exposées (art. 236-I du code général des impôts).

Lorsque l'immobilisation des frais de recherche est décidée pour un projet, l'inscription à l'actif porte nécessairement sur toutes les dépenses autres que les frais financiers qui se rapportent au projet considéré. L'amortissement des frais immobilisés est pratiqué selon le mode linéaire dans un délai maximal de cinq ans, ou exceptionnellement sur une période plus longue n'excédant pas la durée d'utilisation de l'actif en cause, conformément à un plan d'immobilisation préétabli qui doit débuter dès l'exercice au cours duquel les dépenses ont été inscrites à l'actif du bilan. Le déficit provenant des amortissements ainsi pratiqués est reportable sans limitation de durée.

Depuis la loi n° 90-1169 de 29 décembre 1990, les subventions allouées aux entreprises par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics spécialisés dans l'aide à la recherche scientifique et technique et affectées au financement des dépenses de recherche que l'entreprise choisit d'immobiliser sont rattachées aux résultats imposables, à concurrence des amortissements pratiqués sur le montant de ces dépenses à la clôture de chaque exercice (art. 236-I bis du code général des impôts).

· Les dons aux organismes de recherche

Les entreprises sont autorisées à déduire de leurs bénéfices les dons aux _uvres d'intérêt général et à certains autres organismes agréés : les dons aux sociétés ou organismes publics ou privés de recherche préalablement agréés sont de ceux-là.

Selon l'article 236 bis A du code général des impôts, qui repose sur la loi n° 86-1317 de 30 décembre 1986, la limite de déduction pour cette catégorie est fixée à 2,25 pour mille du chiffre d'affaires de l'exercice. Le chiffre d'affaires pris en compte pour l'appréciation des limites est retenu hors taxes. Lorsque les limites de déduction sont dépassées au cours d'un exercice, l'excédent peut être déduit des bénéfices des cinq exercices suivants, après imputation des versements propres à ces exercices et dans le respect des limites prévues pour chaque exercice. Il en va de même pour les versements effectués en période déficitaire.

· L'amortissement exceptionnel des logiciels acquis

Si les frais de conception des logiciels sont soumis à un régime fiscal identique à celui des dépenses de recherche, les logiciels acquis bénéficient d'un amortissement exceptionnel depuis la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984.

L'article 236-II du code général des impôts permet à une entreprise qui acquiert un logiciel de procéder à l'amortissement intégral de celui-ci sur douze mois, réparti « prorata temporis » sur l'exercice d'acquisition et sur l'exercice suivant. Par exemple, un logiciel acquis le 20 mai 1999 par une entreprise dont l'exercice coïncide avec l'année civile peut être amorti à hauteur de 8/12 sur l'exercice 1999 et de 4/12 sur l'exercice 2000. En cas d'acquisition simultanée de matériels informatiques, seuls les logiciels peuvent bénéficier de cet amortissement exceptionnel.

· La réduction des droits de mutation

L'article 697 du code général des impôts disposait que le droit de mutation pouvait être réduit à 2 % pour les acquisitions d'immeubles ou de fonds de commerce et de clientèle réalisées par les entreprises exploitantes dans le cadre des opérations susceptibles de bénéficier de l'exonération temporaire de taxe professionnelle et destinées au développement de la recherche scientifique et technique - il s'agit des activités mentionnées à l'article 1465 du code -. Cet article a été abrogé par l'article 39-I-4 de la loi de finances pour 1999.

L'article 39-I-6 de cette même loi modifie l'article 721 du code général des impôts qui complétait le précédent. Celui-ci prévoit la même réduction des droits de mutation à 2 %, mais dans le cadre d'opérations énumérées à l'article 1465 du code. Ce dernier permet aux collectivités locales, dans les zones d'aménagement du territoire, d'exonérer de taxe professionnelle, en totalité ou en partie, les entreprises qui « procèdent sur leur territoire, soit à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'étude, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissement en difficultés exerçant le même type d'activités ». Les entreprises répondant à ces critères peuvent donc aussi bénéficier de la réduction des droits de mutation à 2 % pour les immeubles destinés au développement de la recherche.

B.- DES AIDES EN COURS DE RÉORIENTATION EN FAVEUR DES PME ET DE LA CRÉATION D'EMPLOIS

1.- LA RÉORIENTATION DES AIDES EN FAVEUR DES PME

Dès 1989, l'ANVAR, qui accordait jusque là des aides aux entreprises de toute taille, centre son dispositif sur les PME en mettant en place plusieurs seuils de taille, décrits dans le tableau suivant.

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ À L'AIDE À L'INNOVATION DE L'ANVAR

 

Faisabilité

Développement

Créateurs personnes physiques (hors inventeurs indépendants)

Subvention 70%

(1)

-

Création d'entreprises (moins de 3 ans)

Subvention (1) et/ou avance remboursable en cas de succès (70%)

Avance remboursable
en cas de succès

Entreprises de + 3 ans

Effectifs <2000 personnes et n'appartenant pas à un groupe de + de 2000 personnes

Subvention (1) et/ou avance remboursable en cas de succès

Avance remboursable
en cas de succès

Entreprises de + 2000 personnes ou filiales d'un groupe de + 2000 personnes (hors grands groupes)

Avance remboursable en cas de succès (Avis siège)

Avance remboursable
en cas de succès
(Avis siège)

Filiales de grands groupes et grands groupes

-

-

Laboratoires et intermédiaires du transfert public ou privé

Subvention (1) et/ou avance remboursable en cas de succès

-

NB : Sauf cas particulier, le taux maximum de l'aide à l'innovation est de 50%.

(1) Le montant maximum de la subvention est de 200.000 francs.

Source : ANVAR.

À côté de l'effort spécifique centré sur l'innovation technologique, et confié en premier lieu à l'ANVAR, le rapport Guillaume a souligné la nécessité de mener une action plus large sur l'ensemble des PMI afin d'exploiter au maximum tout leur potentiel de développement et de création d'emplois. Qu'il s'agisse de conquérir de nouveaux marchés, de renouveler leur offre, d'augmenter la qualité ou la réactivité de leur fonctionnement, beaucoup de PMI sont susceptibles de se développer à condition d'être accompagnées, de la conception à la réalisation de leurs projets.

A la différence des entreprises technologiquement innovantes, qui sont situées dans leur très grande majorité aux alentours des technopoles régionales, à proximité des activités de recherche, les PMI qui présentent des potentiels de développement sont réparties sur l'ensemble du territoire. La présence des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) dans chaque département permet d'accompagner au plus près l'ensemble de ces entreprises.

Comme l'ANVAR, les DRIRE simplifient leur dispositif d'aides.

· Le programme ATOUT, qui comprenait auparavant quatre volets (PUMA, PUCE, LOGIC et DROP), comporte désormais une procédure unique, qui sera à la fois plus simple et mieux à même de répondre à la diversité des projets mis en _uvre par les PMI pour lesquelles l'existence de quatre volets est parfois inadaptée.

La procédure ATOUT reconfigurée a vocation à accompagner les projets de développement des entreprises, à partir du moment où ils conjuguent une évolution forte de leur stratégie et l'acquisition d'une technologie nouvelle, même si elle est déjà éprouvée par ailleurs. Ces projets concerneront des domaines aussi divers que la mise en place de nouveaux process ou de nouvelles organisations, l'appropriation de technologies immatérielles, l'amélioration de la gamme des produits ou le développement du commerce par Internet.

· Des contrats de développement seront signés avec les PMI pour définir les conditions du soutien public à leurs projets dans leurs composantes industrielles, commerciales, productives, stratégiques... Ces contrats uniques regrouperont les différentes procédures d'aides que les DRIRE géraient auparavant.

Parallèlement, laboratoires publics, grands groupes et PME-PMI sont encouragés à travailler ensemble. Les projets coopératifs associant notamment des PME-PMI sont désormais prioritaires, l'objectif étant de parvenir à terme à ce que les PME-PMI bénéficient en moyenne directement ou indirectement de 25 % des aides distribuées.

2.- L'ACCENT EST MIS SUR LA CRÉATION D'EMPLOI

Plusieurs études ont mesuré l'impact des aides sur l'emploi. Certaines d'entre elles ont été réalisées au niveau national, d'autres dans certaines régions, notamment en Rhône-Alpes, dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Auvergne, la Bourgogne, la région Centre. L'ensemble des types d'aides a été examiné. Toutes ces études montrent que les entreprises aidées créent des emplois.

Le tableau ci-dessous donne les résultats de plusieurs évaluations qui arrivent à la conclusion selon laquelle les PMI aidées voient leurs effectifs augmenter de 4 à 12 %, sur des périodes allant de un à dix ans.

AUGMENTATIONS D'EFFECTIFS DES ENTREPRISES AIDÉES

Type d'aides

Augmentation d'effectifs dans les PMI aidées

Aides à l'investissement matériel

+ 6,7 % à + 12,4 % selon les régions, sur des périodes de un à dix an

Aide au Recrutement des Cadres

+ 3,7 % à + 12 % selon les régions, sur des périodes de un à sept ans

Procédure ATOUT de diffusion des techniques

Au niveau national :

+ 4 % pour PUMA (matériaux)

+ 4,3 % pour PUCE (composants électroniques)

+ 4,4 % pour LOGIC (intégration informatique)

Source : secrétariat d'État à l'Industrie.

Sur ces bases, ont peut évaluer les emplois créés grâce aux aides accordées aux PMI. Les études donnent un chiffre de l'ordre de dix emplois créés en moyenne pour un million de francs d'aide.

NOMBRE D'EMPLOIS CRÉÉS GRÂCE AUX AIDES AUX PMI

Types d'aides

Nombre d'emplois créés pour un million de francs d'aide (en moyenne)

Aides à l'investissement matériel

9,4 à 13,7 selon les régions

Aide au Recrutement des Cadres

10,2 à 22 selon les régions

Procédure ATOUT de diffusion des techniques

Au niveau national :

7,7 pour PUMA (matériaux)

8,9 pour PUCE (composants électroniques)

10,6 pour LOGIC (intégration informatique)

Source : secrétariat d'État à l'Industrie.

Les emplois créés s'avérant durables, on peut estimer à 10.000 ou 13.000 les emplois créés à la suite des aides accordées en 1997 qui s'élèvent à 1.300 millions de francs d'interventions individuelles.

Les aides financières à la recherche et au développement sont donc perfectibles mais n'en ont pas moins une efficacité réelle en terme de stimulation des dépenses de recherche comme en terme de créations d'emplois. La Commission européenne juge presque toujours favorablement ces mesures d'aide qui ne lui semblent pas être des sources de distorsion de concurrence. Elle-même met en place des dispositifs en faveur de l'innovation qui se justifient, tout comme au niveau national, par les externalités positives du processus innovant. Ils devraient être d'autant plus efficace qu'ils facilitent la collaboration entre entreprises de différentes nationalités, ce qui permet de tirer profit de leur complémentarité. Le fait que chaque entreprise dispose de son propre marché national, et que les partenaires soient donc en concurrence de façon plus indirecte que des concurrents de même nationalité, doit aussi favoriser les échanges et la coopération.

IV.- UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉCENTE MAIS PROMETTEUSE AU NIVEAU EUROPÉEN

A.- LE CHOIX DE L'INNOVATION AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ ET DU RENFORCEMENT DE LA COHÉSION

1.- LE CONSTAT DU RETARD EUROPÉEN

Les pays membres de l'Union européenne dépensent nettement moins en matière de recherche et développement que leurs concurrents principaux, le Japon et les États-Unis. Relativement stables depuis la fin des années 1980, les dépenses se situent en 1995 autour de 3 % du PIB au Japon, de 2,5 % aux États-Unis et de 1,9 % dans l'Europe des Quinze, selon Eurostat et l'OCDE.

Certes, la tendance est croissante en Europe depuis près de trente ans, alors qu'elle est plus fluctuante outre-atlantique, mais le niveau européen demeure nettement inférieur. En 1995, 123,6 milliards d'euros (soit 810,76 milliards de francs) ont été consacrés à la recherche et développement dans l'Union européenne. Sur les trois cents plus grandes entreprises mondiales en termes de recherche, les entreprises américaines ont accru de 17 % leurs dépenses de recherche et développement entre 1996 et 1997, contre seulement 10 % en Allemagne, 7 % en France ou 3 % en Italie (11). Cet écart est d'autant plus préoccupant qu'il vient renforcer une situation où les entreprises européennes investissent déjà moins en recherche que leurs concurrentes.

Cet investissement relativement moins élevé en Europe que chez ses principaux concurrents est d'autant plus pénalisant qu'il est établi que la productivité est plus élevée dans les pays où les dépenses de recherche et développement par salarié sont les plus fortes (12). C'est d'ailleurs dans les secteurs qui ont le plus augmenté leurs dépenses de recherche et développement, comme la pharmacie, l'aéronautique ou l'agro-alimentaire, que l'emploi a le plus crû en Europe. Le nombre total de chercheurs et ingénieurs de recherche et développement par millier d'actifs était en 1993 de 4,7 dans l'Union européenne contre 7,4 et 8 respectivement aux États-Unis et au Japon.

Ce sous-effectif de chercheurs est particulièrement net dans les entreprises européennes comparées à leurs homologues américaines et japonaises. Selon les chiffres publiés par la Commission à partir de données d'Eurostat et de l'OCDE, on compte 2 chercheurs en entreprise par millier d'actifs en Europe contre 6 aux États-Unis et au Japon. L'ampleur de ce désavantage compétitif est préoccupante puisque, pour combler ce retard, les entreprises européennes devraient créer 625.000 emplois de chercheurs, alors qu'elles n'en possèdent aujourd'hui que 379.000.

Les résultats en termes de performances technologiques, qui peuvent être mesurés par la part des brevets accordés dans le monde, sont en rapport avec les chiffres précédents puisque, à l'exception du domaine aérospatial, le déclin de la part de l'Europe apparaît clairement dans tous les domaines technologiques et plus particulièrement dans les technologies de l'information et de la communication et dans l'électronique grand public. Si elle produit 38 % du total des publications scientifiques, elle ne dépose que 13 % des brevets. Il n'est pas alors surprenant que l'Union européenne enregistre depuis 1993 un déficit permanent dans les échanges de produits de haute technologie avec les États-Unis et le Japon, de 10 et 15 milliards d'euros (soit 65,59 à 98,39 milliards de francs) par an : si elle représente 46 % du marché des technologies de la communication, elle ne propose que 16 % des produits correspondants.

Au-delà des chiffres, la valorisation des résultats de la recherche est très inégale selon les continents. En effet, non seulement l'Europe prend du retard dans les investissements publics et privés en matière de recherche, mais, en plus, elle transfère moins que les autres ses connaissances au tissu économique.

Dans son récent ouvrage Les Enjeux du millénaire (13), Jacques Vallée cite de nombreux exemples illustrant le contraste qui existe entre les situations européenne et américaine en matière de valorisation de la recherche. Il rappelle que la micro-informatique, aujourd'hui dominée sans partage par les géants américains que sont Apple, Microsoft ou Intel, est d'origine française et que, si son fondateur n'a pas connu le succès des autres grands de l'informatique mondiale, c'est parce qu'il n'a pas été « soutenu par des équipes financières dynamiques, capables de partager sa vision ».

Mme Édith Cresson, ancien Commissaire européen à l'éducation et la recherche, fait le même constat dans son livre Innover ou subir : « L'Europe est en face d'un paradoxe douloureux : nos performances scientifiques, rapportées à nos investissements en la matière, sont excellentes, alors que nos performances commerciales dans les domaines des produits de haute technologie sont faibles et se dégradent depuis dix ans ». Elle aussi déplore que « des produits inventés en Europe, notamment en France, [soient] fabriqués et vendus par des compagnies asiatiques, parce que la France n'a pas su apporter, même avec l'aide européenne, le financement nécessaire à leur fabrication, ni le réseau de distribution mondial ».

Consciente de ces difficultés, qui sont pour l'essentiel les mêmes, au niveau européen et au niveau français, la Commission européenne a engagé plusieurs actions visant à stimuler l'innovation. Elle poursuit ainsi une série d'objectifs au c_ur de ses préoccupations : la création d'emplois, le renforcement de la compétitivité et celui de la cohésion.

2.- LA PROMOTION DE LA « CULTURE DE L'INNOVATION » EN EUROPE

Mme Édith Cresson souligne le fait que «  la capacité novatrice de l'Europe constitue un tout, du système éducatif à " l'esprit d'entreprise " ». C'est dans cette perspective, que la Commission a souhaité, dès 1996, promouvoir la « culture de l'innovation » par une série de mesures touchant à toutes les étapes du processus d'innovation : en agissant sur l'éducation, en favorisant la mobilité des chercheurs européens, en diffusant auprès des entreprises les meilleures méthodes de gestion et d'organisation, elle espère susciter cette disposition d'esprit qui semble souvent faire défaut dans la « vieille Europe » même si certains pays sont mieux placés que d'autres (14). Elle tire ainsi les enseignements du débat qui a suivi la publication du Livre vert sur l'innovation en décembre 1995.

En novembre 1996, la Commission propose un plan d'action pour stimuler l'innovation qui comporte trois orientations principales :

· Desserrer les carcans financiers et réglementaires 

Pour un million d'euros dépensés en recherche et développement, l'industrie japonaise dépose deux fois plus de brevets que l'industrie européenne à cause notamment de la complexité du système européen de brevets où coexistent des niveaux national, européen et communautaire, ce dernier ne fonctionnant pas, faute d'avoir été ratifié par tous les États membres. Un Livre vert sur les brevets européens a été lancé en 1997.

Pour faciliter la création d'entreprises et soutenir l'innovation, la Commission recommande aux États membres de se fixer des objectifs quantifiés et un calendrier pour réduire les formalités.

Pour stimuler le financement de l'innovation, elle instaure une coopération renforcée entre la Banque européenne d'investissement (BEI) et les fonds structurels, afin de soutenir les entreprises des régions défavorisées. La Commission soutient les interventions du Fonds européen d'investissement (FEI) en faveur de l'innovation.

· Promouvoir une culture de l'innovation 

Afin d'agir sur l'éducation et la formation, est mis en place un forum permanent sur le thème « formation et innovation » pour l'échange d'expériences et de bonnes pratiques dans ce domaine. Afin de faciliter la mobilité des chercheurs et ingénieurs vers les petites et moyennes entreprises, la Commission souhaite que le 5ème programme-cadre de recherche et développement accroisse le placement de jeunes chercheurs et ingénieurs dans les entreprises d'autres pays.

Comme la culture d'entreprise joue un rôle essentiel dans la croissance des entreprises innovantes, elle met en place un système d'étalonnage des performances à l'échelle européenne, en commençant par le domaine de la qualité.

· Mieux articuler recherche et innovation

La Commission décide de mobiliser ses instruments pour l'innovation :

- dans le 5ème programme-cadre, elle propose de prendre en compte les spécificités des PME, leur permettant d'accéder plus facilement aux travaux de recherche ;

- elle entend mettre à profit l'expérience positive des task forces « recherche/industrie » pour mieux coordonner les efforts de recherche dans un certain nombre de domaines prioritaires pour la compétitivité industrielle, l'emploi et la qualité de vie ;

- l'orientation des Fonds structurels en faveur de l'innovation est poursuivie ;

- la coopération internationale est renforcée, notamment au travers du soutien d'une interaction entre programme-cadre et programmes de coopération scientifique et technique (COST) et Eurêka.

Ces orientations ont été reprises et complétées au printemps 1998 dans une communication de la Commission intitulée Renforcer la cohésion et la compétitivité par la recherche, le développement technologique et l'innovation. La politique en faveur de l'innovation est renforcée par la reconnaissance de son rôle dans un développement plus harmonieux des territoires communautaires. Trois priorités sont ainsi dégagées.

· Promouvoir l'innovation

Les efforts de recherche et développement sont recentrés vers l'activité économique : les stratégies en faveur de l'innovation doivent reposer sur des actions axées sur la demande, de manière à rendre les agents économiques plus sensibles à la technologie et à améliorer la gestion de l'innovation. Une politique de gestion de la qualité est promue, aux niveaux régional et local. De nouveaux mécanismes de financement et de gestion, adaptés aux caractéristiques des structures économiques des régions les moins favorisées, doivent être élaborés. L'innovation a besoin d'être appuyée par la promotion de la mobilité professionnelle, la coopération entre instituts de recherche et PME, notamment.

· Améliorer les réseaux et la coopération industrielle

Afin de répondre aux contraintes croissantes du marché, qui résultent notamment de la mondialisation, de la déréglementation, de l'évolution de la demande et de l'apparition de nouveaux besoins, conjuguées avec l'évolution scientifique et technique, les PME, qui ne disposent pas de la structure des grandes entreprises, doivent travailler en réseau, ce qui doit être encouragé en particulier par le développement de canaux d'information et d'acquisition des technologies, par le recensement des écarts existants entre les PME et l'infrastructure d'offre technologique.

· Développer les ressources humaines

Les ressources humaines étant au c_ur de la compétitivité et du développement, il convient de prendre en compte leur formation, la mise en place de partenariats entre secteur privé et universités, la mobilité des chercheurs.

Cet ensemble de préconisations poursuit un double objectif : le développement de l'innovation d'une manière générale et son utilisation au service du rattrapage des disparités de cohésion. Les ressources nécessaires à leur financement relèvent à la fois du programme-cadre de recherche et des fonds structurels.

De tels programmes illustrent bien la complexité du processus d'innovation, qui repose sur la qualité de la recherche, sur son adéquation aux besoins et sur les conditions de création et de développement des entreprises. L'Union dispose d'instruments susceptibles d'agir sur ces différents éléments : en matière de recherche, ils sont anciens, mais de plus en plus orientés vers l'innovation ; ils sont récents pour ce qui concerne l'appui aux PME innovantes.

B.- LA STIMULATION DE LA RECHERCHE, SOURCE DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE

1.- DES INSTRUMENTS NOMBREUX ET DES MOYENS ACCRUS

En une quinzaine d'années, la politique de recherche et de développement technologique est devenue une politique majeure de l'Union européenne : le 5ème programme-cadre de recherche et de développement technologique (PCRD), qui couvre la période 1999-2002, renforce les liens entre la recherche, l'innovation et les besoins industriels ou les attentes sociales.

Si l'action de l'Union est destinée à compléter et renforcer les efforts nationaux, et non à s'y substituer, les sommes élevées qui lui sont consacrées (près de 15 milliards d'euros pour le 5ème programme-cadre, soit 98,39 milliards de francs), lui confèrent un rôle considérable. Son impact est d'autant plus important que les crédits sont presque intégralement consacrés au financement de projets, contrairement aux crédits nationaux, largement utilisés pour le financement du fonctionnement de base des laboratoires. Il est renforcé du fait de l'obligation de mobiliser des moyens nationaux ou privés à une hauteur équivalente à celle des moyens fournis par l'Union.

Le programme-cadre est structuré en programmes spécifiques d'un nombre délibérément limité. Il compte cinq programmes « thématiques » et trois programmes « horizontaux ».

· Les programmes « thématiques » sont :

- « Qualité de la vie et gestion des ressources du vivant » ;

- « Sociétés de l'information conviviale » ;

- « Croissance compétitive et durable » ;

- « Énergie, environnement et développement durable » ;

- actions menées dans le cadre du traité Euratom.

· S'y ajoutent des programmes « horizontaux » :

- « Affirmer le rôle international de la recherche communautaire », ce qui recouvre des actions en direction des pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion, mais également des actions de coopération scientifique et technologique avec le reste du monde ;

- « Promouvoir l'innovation et encourager la participation des PME », en améliorant la diffusion et la valorisation des résultats de la recherche et le transfert de technologie en direction des PME et en les aidant à accéder directement à certains programmes ;

- « Améliorer le potentiel humain de recherche et la base de connaissances socio-économiques », en particulier par l'aide à la formation et à la mobilité des chercheurs.

Le montant élevé des fonds mis à la disposition du 5ème programme-cadre est la conséquence de la communication de la Commission Agenda 2000, adoptée en juillet 1997 : elle s'y prononce en effet, en vue de l'adoption du nouveau cadre financier de l'Union européenne pour la période 2000-2006, en faveur d'une progression de l'enveloppe consacrée à la recherche plus rapide que celle du PNB. L'Union européenne dispose désormais de 14,96 milliards d'euros (98,13 milliards de francs) pour la mise en _uvre du programme-cadre, ce qui constitue une augmentation de 4,6 % par rapport au précédent PCRD.

Le recentrage des crédits européens de la recherche en faveur des PME constitue une évolution récente, souhaitée et défendue par Mme Édith Cresson : elle a obtenu qu'au moins 10 % des crédits soient désormais consacrés aux PME tandis que, entre 1995 et 1996, 3 600 PME participaient au 4ème programme-cadre, soit 30 % de plus que pendant tout le 3ème programme-cadre.

Parallèlement au PCRD, l'Union européenne est associée aux efforts d'autres organisations de coopération européenne en matière de recherche.

· les initiatives de coopération scientifique et technologique européennes, menées au niveau intergouvernemental

- l'Union européenne a été ou est actuellement associée à 36 projets dans le cadre de l'initiative Eurêka, qui implique 25 pays européens dans le domaine de la recherche et développement technologique pré-commerciale : parmi ceux en cours figurent les projets « microsystèmes électroniques », « composants », « l'usine du futur », « technologies maritimes ». Le rapport annuel 1997-1998 du secrétariat français Eurêka indique que 654 projets Eurêka étaient achevés en Europe en 1998, tandis que 681 étaient en cours. Les participants aux nouveaux projets se partagent entre grands groupes (23 % des participants), instituts de recherche (29 %) et PME (46 %).

- Elle est aussi associée à la structure de coopération scientifique et technique (COST) qui compte 28 membres et gère aujourd'hui 165 « actions concertées ».

· la collaboration avec d'autres organisations européennes intergouvernementales

L'Union entretient des liens avec l'Agence spatiale européenne, la fondation européenne de la science, le Laboratoire européen de biologie moléculaire, la Centre européen pour la recherche nucléaire...

2.- LE PREMIER PLAN D'ACTION POUR L'INNOVATION EN EUROPE

Dans le premier plan pour l'innovation en Europe, la Commission propose d'associer plusieurs instruments communautaires, au premier rang desquels le programme-cadre et les fonds structurels, afin de stimuler l'innovation. Le Conseil européen sur l'emploi de Luxembourg a élargi cette mobilisation en apportant son appui au plan d'action de la Banque européenne d'investissement en faveur des PME, des nouvelles technologies, des nouveaux secteurs et des réseaux transeuropéens. Le Parlement et le Conseil ont également atteint un accord sur la création d'une nouvelle ligne budgétaire (450 millions d'euros, soit 2,95 milliards de francs, sur trois ans) destinée notamment à aider les PME à créer des emplois durables, prioritairement par l'investissement dans l'innovation et l'utilisation des nouvelles technologies.

Ce plan présente six volets :

· la protection de la propriété intellectuelle ;

· le financement de l'innovation ;

· le cadre réglementaire et la simplification administrative ;

· l'éducation et la formation ;

· l'orientation de la recherche vers l'innovation ;

· une coordination d'ensemble renforcée.

Les questions de financement et d'orientation de la recherche vers l'innovation paraissent essentielles.

Alors que les insuffisances du financement de l'innovation sont reconnues comme étant l'une des principales faiblesses de l'Europe, les actions du Plan visent à stimuler l'orientation des capitaux privés (marchés financiers, capitaux à risques) vers les entreprises à forte croissance et les projets innovants en phase de démarrage.

Fin 1996, des initiatives privées ont conduit au lancement de nouveaux marchés de capitaux européens pour les entreprises innovantes à forte croissance (Euro-Nouveau marché, Easdaq). En 1997, la Commission a défini les conditions et les cadres juridiques et fiscaux propres au développement de ces marchés.

Au sein du Programme Innovation - l'un des dix-huit programmes du 4ème PCRD -, le projet pilote I-TEC (Innovation and Equity Capital) lancé en juillet 1997, en collaboration avec le Fonds européen d'investissement (FEI), vise à orienter les capitaux à risque privés vers les phases précoces des projets innovants de haute technologie. I-TEC aide les gestionnaires de fonds de capital-risque à acquérir une capacité durable d'évaluation et de gestion de ce type de projet.

Mise à l'étude dans le cadre du même Programme Innovation, l'action LIFT (Links to Innovation Financing for Technology) a pour objet de rapprocher les investisseurs et les porteurs de projets technologiques, en particulier ceux issus de la recherche communautaire.

Pour compléter ces actions, la Commission organise l'échange des expériences et la diffusion des meilleures pratiques, sous la forme de séminaires sectoriels ou à caractère général. Elle a également entrepris dans le cadre de son action en faveur de l'étalonnage des performances dans l'Union, un exercice pilote dans le domaine du financement de l'innovation.

Si l'innovation ne peut se développer qu'en présence de financements adaptés, elle se bâtit aussi sur la recherche et le développement technologique. Or, l'Europe est caractérisée par quatre handicaps : un investissement trop limité dans la recherche, une dispersion des efforts, un déficit dans l'identification des besoins de la société et des marchés émergents, et une articulation insuffisante entre la recherche et ses applications.

C'est la raison pour laquelle la Commission s'est attachée à définir, dans les propositions pour le 5ème PCRD, des actions concentrées, répondant à des objectifs et des besoins clairement identifiés.

Le Programme horizontal « Promouvoir l'innovation et encourager la participation des PME » vise à assurer la cohérence des mesures et des méthodes des programmes thématiques en faveur de l'innovation. La participation des PME est encouragée par la mise en place de mécanismes incitatifs tels le « guichet unique PME », les primes exploratoires pour faciliter la préparation des candidatures et les projets de recherche coopérative exécutés par des tiers. Le programme analysera, évaluera et expérimentera les bonnes pratiques en matière d'innovation ou de transfert de technologie et favorisera la mise en réseau des actions nationales ou locales.

Des actions clés vont être conduites afin de résoudre des problèmes explicitement formulés : elles mobiliseront, dans le cadre d'une approche globale, les ressources des différentes disciplines, technologies et savoir-faire concernés, ainsi que les compétences pertinentes d'origines variées.

Les travaux de normalisation menés dans le domaine des technologies de l'information et de la communication sont complétés par des efforts de normalisation dans les programmes de recherche afin de permettre une diffusion et une acceptation plus rapides des innovations.

Le Plan d'action aborde ainsi les principaux obstacles à l'innovation en Europe dans le cadre des interventions financières et des compétences réglementaires de l'Union. Ces orientations générales ont été récemment complétées par des mesures portant sur le financement de l'innovation dans les PME.

C.- L'APPUI À LA CRÉATION DE PME INNOVANTES

1.- L'ASSISTANCE FINANCIÈRE AUX PME INNOVANTES ET CRÉATRICES D'EMPLOIS

Les entreprises innovantes qui tendent de se créer en Europe se heurtent à un manque de fonds disponibles car l'un des moteurs de la création d'entreprise dans les secteurs innovantes, le capital-risque, y fait largement défaut. Tel est le constat que fait Jacques Vallée dans son livre Les enjeux du millénaire (15). Il souligne que si, en Europe, la masse financière disponible pour le capital-risque semble globalement « équivalente » à celle dépensée aux États-Unis, en réalité, elle est utilisée pour des placements dans des entreprises qui ont déjà « décollé » dans des secteurs « classiques » plus que dans les nouvelles technologies.

C'est pour résoudre ce problème lourd de conséquences pour le dynamisme de l'innovation dans l'Union, que le Conseil a adopté le 29 mai 1998 la décision 98/347/CE concernant des mesures d'assistance financière aux petites et moyennes entreprises innovantes et créatrices d'emploi. La Commission a conclu le 24 juillet 1998 des accords de coopération avec le FEI relatifs à la mise en _uvre de ces nouvelles dispositions.

En plus de concours financiers soutenant des PME désireuses de constituer de nouvelles entreprises conjointes transnationales à l'intérieur de l'Union, et qui n'intéressent pas directement notre sujet, la décision du Conseil crée un guichet « aide au démarrage » dans le cadre du Mécanisme européen pour les technologies et un mécanisme de garantie PME.

· Le guichet « aide au démarrage »

Il constitue un mécanisme, financé par l'Union européenne, destiné à stimuler la création d'emplois en facilitant la constitution et le développement de PME innovantes par un meilleur accès au capital-risque dans tous les pays membres. Les ressources allouées à ce guichet devraient atteindre entre 150 et 190 millions d'euros (entre 984 et 1.246 millions de francs) et être engagés avant le 31 décembre 2002.

Ces ressources seront investies dans des fonds de capital-risque spécialisés, créés spécifiquement pour procurer des fonds propres ou d'autres formes de capital-risque aux PME, et non pour financer des opérations de rachat ou pour fournir du capital de remplacement. Ces fonds devront avoir pour cibles principales des PME à fort potentiel de croissance et des PME innovantes.

· Le mécanisme de garantie PME

Il a aussi pour objectif le soutien à l'investissement des PME innovantes mais intervient, pour sa part, en facilitant les financements sous forme de prêts. Il est géré par le Fonds européen d'investissement (FEI) et dispose des mêmes sommes, pour la même période, que le guichet. Il s'adresse avant tout aux systèmes de garantie en vigueur dans les États membres, secteurs public et privé confondus. Dans les États où il n'enexisterait pas, le FEI a la possibilité de conclure des accords avec des intermédiaires financiers afin de garantir directement les portefeuilles de prêts.

Si la mise en place de ces dispositifs est trop récente pour qu'un premier bilan de leur utilisation puisse être tiré, il ne fait guère de doute qu'ils vont dans le bon sens et apparaissent adaptés aux besoins.

2.- DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

Les premiers résultats du programme pilote I-TEC, qui fonctionne depuis juillet 1997, peuvent en revanche être analysés. Lancé par la direction générale 13 (DG 13) en charge de la valorisation de la recherche, il a pour objectif de soutenir financièrement les fonds d'investissement qui s'engagent à accompagner les PME innovantes en matière de haute technologie (technologies de l'information, télécommunications, biotechnologies...) lors de leur création et pendant les premières années de leur existence. 50% des frais de gestion engagés par le fonds (frais de personnel, de prospection, loyers...) sont pris en charge, dans la limite de 500.000 euros (3,28 millions de francs), le montant des frais remboursés ne pouvant dépasser 5 % des investissements effectivement réalisés.

Au moment de sa création, I-TEC a reçu 7,5 millions d'euros (49,1 millions de francs) pour soutenir seize fonds d'investissement ; en février 1999, lui ont été confiés 3,5 millions d'euros supplémentaires (23 millions de francs), ce qui lui permet d'aider douze fonds de plus. Les investisseurs bénéficiaires sont mis en réseau, afin d'échanger leurs expériences et de partager des opportunités.

Les vingt-huit fonds aidés par I-TEC, originaires de douze pays de l'Union et d'Israël, représentent au total une masse de capital de 1,3 milliard d'euros (8,53 milliards de francs), dont 500.000 euros (3,28 millions de francs) seront consacrés dans les trois ans à venir à de jeunes PME innovantes spécialisées dans les activités de haute technologie. Sur ces vingt-huit fonds, les huit qui sont véritablement opérationnels ont investi 10 millions d'euros (65,6 millions de francs) dans trente-cinq entreprises dont la moitié est née en 1998, contribuant ainsi à la création de 150 emplois.

Ce programme, dont les résultats sont prometteurs, assure un soutien au capital-risque de nature à favoriser le financement des créations d'entreprises innovantes à un coût relativement faible pour l'Union grâce à un fort effet de levier. Le nombre d'emplois créés peut apparaître faible mais les entreprises sont encore très récentes et promises à un large développement ultérieur : de nouvelles créations d'emplois sont donc à attendre à moyen terme.

Cet exemple constitue un modèle intéressant : la DG 23, chargée de la politique d'entreprise, a initié les CREA qui fonctionnent de la même manière. La Commission a également décidé de financer jusqu'à 50 % les projets permettant de mettre en contact créateurs d'entreprises et business angels (des particuliers investissant directement dans des entreprises nouvelles, en expansion et non cotées) dans le cadre du programme European Business Angel Network (EBAN) dont les candidatures seront closes le 30 septembre 1999.

Depuis le lancement à l'automne 1997 du programme d'action spéciale pour Amsterdam (PASA), le capital-risque est aussi au c_ur des préoccupations de la Banque européenne d'investissement (BEI) : à ce jour, elle a investi, seule ou en coopération avec d'autres banques, 450 millions d'euros (2,9 milliards de francs) dans une vingtaine de fonds d'investissement situés dans treize pays. Elle a chargé le FEI d'investir 125 millions d'euros (820 millions de francs) dans un fonds orienté vers les PME innovantes en matière de nouvelles technologies, dans le cadre du programme European Technology Facility (ETF), lancé en novembre 1997.

D'autre part, le FEI a utilisé depuis 1996 78 millions d'euros (511,65 millions de francs) de ses fonds propres pour investir dans des fonds de capital-risque. Si on y ajoute les 150 millions d'euros (984 millions de francs) que la Commission lui a demandé de débloquer dans le cadre du guichet « aide au démarrage » et le programme « ETF Start-up » qui s'inscrit dans le cadre de l'initiative Croissance et Emploi, le FEI dispose d'une enveloppe globale de 350 millions d'euros (2,29 milliards de francs) dont 130 millions (852,7 millions de francs) ont déjà été investis dans vingt-quatre fonds répartis sur neuf pays de l'Union.

Tout n'a pas encore été fait au niveau européen pour favoriser la création de PME innovantes : M. Jacques Vallée évoque un problème d'ordre juridique qui nécessiterait d'harmoniser la fiscalité sur les gains en capital et de réformer le statut des entreprises. Il prône aussi une simplification des procédures et la création d'un véritable système de stock-options. Mais, si leur utilisation est encore complexe à cause de la pluralité des programmes, les nouveaux mécanismes vont clairement dans la bonne direction et pourraient être repris dans chacun des États membres.

CHAPITRE III

DES AVANCÉES RÉCENTES D'UNE PORTÉE RÉELLE

Les mesures d'aides financières existent dans tous les pays développés mais présentent des limites évidentes. Malgré leur grand nombre et l'importance des moyens budgétaires qui leur sont consacrés en France, notre pays connaît, en matière d'innovation, un indéniable retard.

Depuis plusieurs années, mais de manière de plus en plus marquée, apparaît la nécessité d'avoir recours à d'autres instruments dont l'objectif commun est de faire le lien entre recherche et entreprise en favorisant, directement ou indirectement, les transferts de technologie. La prise de conscience communautaire se place au moins en partie dans cette logique ; on ne peut pas dire pour autant que l'Union européenne montre la voie aux États membres. Elle s'inspire d'expériences nationales tout comme les États reprennent des idées appliquées au niveau communautaire.

On assiste ainsi à un « foisonnement » de mesures, pour reprendre l'expression utilisée par M. Alain Bravo, directeur de la recherche chez Alcatel, lors de son entretien avec votre Rapporteur. S'il a remarqué que ce foisonnement rend plus difficile l'appréhension de l'ensemble des dispositifs, il n'en a pas moins estimé que, dans la mesure où le processus de mutation technologique ne pouvait appeler une solution unique, il pouvait être créateur d'une dynamique.

I.- UN SOUTIEN PUBLIC
À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES

A.- LES MÉCANISMES EXISTANTS AYANT FAIT L'OBJET D'AMÉNAGEMENTS RÉCENTS

1.- LES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUE

Le fonds commun de placement à risque (FCPR) s'apparente par son principe au limited partnership utilisé couramment aux États-Unis ou au Royaume Uni. Il consiste à la mise en copropriété de valeurs mobilières et de sommes placées à court terme ou à vue, dont les actifs doivent être constitués de façon constante et pour 50 % (ou 40 %) au moins, de parts, d'actions, d'obligations convertibles ou de titres participatifs de sociétés non cotées. Contrairement au FCP, il est cessible. Très apprécié par les investisseurs français et étrangers, le fonds est géré par une société de gestion dont l'activité est contrôlée par la Commission des opérations de bourse (COB).

Deux aménagements ont été récemment apportés au régime des FCPR :

· la publicité et le démarchage ont été autorisés pour certains FCPR, sous certaines conditions d'agrément, afin de pleinement garantir la transparence et l'information des épargnants. Il existe deux types de FCPR, les FCPR « ouverts », qui font l'objet de publicité et de démarchage et nécessitent un agrément de la Commission des opérations de bourse (COB), et les FCPR « fermés », qui lèvent des fonds auprès d'institutionnels ou de personnes physiques averties, et pour lesquels une déclaration à la COB est suffisante ;

· depuis décembre 1998, un FCPR peut détenir des parts d'autres FCPR. Ceci permet de créer des « fonds de fonds », qui réduisent le risque pour l'investisseur en créant une plus grande mutualisation, et améliorent la liquidité du capital-risque, car ces « fonds de fonds » sont susceptibles de racheter des parts de FCPR existants, offrant une porte de sortie aux porteurs de parts initiaux.

Les FCPR ont un régime de taxation spécifique, qui leur assure notamment la transparence fiscale, une exonération des plus-values pour les personnes physiques et un assujettissement au taux des plus-values à long terme pour les personnes morales, lorsque les titres sont conservés plus de cinq ans.

Les articles 163 quinquies B et 92 G du code général des impôts établissent un régime spécial d'exonération des produits et des plus-values bénéficiant aux personnes physiques qui souscrivent des parts de fonds commun de placement à risques. Les personnes physiques qui prennent l'engagement de conserver pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription des parts de FCPR sont exonérées de l'impôt sur le revenu à raison des sommes ou valeurs auxquelles ces parts donnent droit au titre de cette même période. Les conditions portent d'abord sur la composition du fonds, avec des règles différentes selon la date de souscription des parts, les actifs des FPCR pouvant également, dans certains cas, être représentés par des actions de sociétés cotées sur le nouveau marché. Les sommes ou valeurs réparties doivent être immédiatement réinvesties dans le fonds et demeurer disponibles pendant la période de cinq ans. Le porteur, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas détenir - ou avoir détenu pendant les cinq dernières années - ensemble, directement ou indirectement plus de 25 % des droits dans les bénéfices des sociétés dont les titres figurent à l'actif du fonds.

Les plus-values réalisées par les porteurs de parts à l'occasion de la cession ou du rachat de ces parts ne sont pas soumises à l'imposition des plus-values sur les valeurs mobilières et sur certains droits sociaux prévue par les articles 92 B et 92 J du code général des impôts si l'opération est effectuée après les cinq années d'indisponibilité et si le fonds remplit alors toujours les conditions susmentionnées. Les cessions de parts de FCPR sont exonérées de tout droit d'enregistrement (art. 730 quater du code général des impôts).

Quant aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui détiennent dans leur portefeuille des parts de FCPR, elles profitent du régime du long terme : comme les parts de sociétés de capital-risque détenues depuis au moins cinq ans, les parts de FCPR répondant aux conditions énumérées ci-dessus sont soumises au taux des plus-values à long terme.

Ce dispositif s'est traduit par une augmentation du nombre de fonds communs de placement à risques.

NOMBRE DE FONDS COMMUNS DE PLACEMENT A RISQUES
(en fin d'année)

graphique
graphique
NB : Les chiffres pour 1999 ne sont pas disponibles car la source est annuelle.

Source : Commission des opérations de bourse.

Les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) sont une catégorie particulière de FCPR orientés vers l'investissement dans les PME innovantes. Depuis 1997, c'est l'ANVAR qui est habilitée à décerner la qualification d'entreprise innovante aux PME désireuses de trouver des fonds propres via un FCPI. Les versements effectués entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 par des personnes physiques pour la souscription de parts de tels fonds ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des versements effectués au cours de l'année d'imposition, dans le respect d'une limite annuelle. Pour en bénéficier, le contribuable doit s'engager à conserver ses parts de FCPI pendant au moins cinq ans à compter de leur souscription et il ne doit détenir, personnellement et avec son conjoint ou ses ascendants et descendants, ni plus de 10 % des parts du fonds, ni plus de 25 % des droits dans les bénéfices des sociétés dont les titres figurent à l'actif du fonds (art. 199 terdecies-0 A VI du code général des impôts).

Le montant des fonds levés dans le capital-investissement a ainsi connu une progression très forte entre 1997 et 1998, comme le montre le graphique suivant :

MONTANT DES FONDS LEVÉS DANS LE CAPITAL-INVESTISSEMENT

(en millions de francs)

graphique
NB : Les chiffres pour 1999 ne sont pas disponibles car la source est annuelle.

Source : Commission des opérations de bourse.

2.- LA PROVISION EN FRANCHISE D'IMPÔT POUR SOUTIEN À L'ESSAIMAGE

Afin de soutenir l'essaimage, source précieuse de créations d'entreprises, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies, les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou relevant de l'impôt sur le revenu selon un régime réel qui consentent des prêts à taux privilégié ou souscrivent au capital d'une entreprise créée par leurs salariés peuvent déduire une provision en franchise d'impôt à partir de 1996 (art. 39 quinquies H du code général des impôts, modifié par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996).

La provision peut être constituée par l'entreprise qui employait le créateur ainsi que les sociétés qui sont mères, filiales ou s_urs de celle-ci, lorsque les liens de participation directs ou indirects entre ces sociétés sont tous supérieurs à 50 %. Le créateur doit avoir été salarié de l'une de ces entreprises depuis un an au moins, mettre fin à ces fonctions dès la création de l'entreprise nouvelle et ne doit pas exercer ou avoir exercé des fonctions de dirigeant de droit ou de fait dans l'entreprise qui l'employait, ni être conjoint, descendant ou allié en ligne directe de personnes ayant exercé de telles fonctions. Il doit assurer la direction effective de l'entreprise aidée.

La provision concerne les prêts accordés aux salariés créateurs d'entreprise dont le taux n'excède pas deux tiers de la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations pour des sociétés privées, d'une part, et les souscriptions au capital initial des sociétés créées par les anciens salariés, à l'exception de toute augmentation de capital ultérieure, d'autre part. Elle est égale à 50 % des sommes versées au titre du prêt et à 75 % du montant effectivement souscrit en capital. Le plafond de déduction de la provision est de 300.000 francs par salarié et s'applique à l'ensemble des prêts et souscriptions au capital effectués à son profit.

3.- LES MÉCANISMES DE GARANTIE

Les professionnels du capital-risque ont la possibilité de demander auprès de la société française de garantie des financements des PME (SOFARIS), qui est un organisme de place filiale de la Banque du développement des PME (BDPME), moyennant le paiement d'une commission fixe et d'un intéressement aux plus-values, une garantie leur permettant une indemnisation partielle des pertes subies. Deux fonds de garantie sont ainsi gérés par la SOFARIS : « développement technologique », doté par l'État et la Banque européenne d'investissement (BEI), et « garantie Capital PME », doté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 125 millions de francs en 1998.

Le fonds de garantie capital PME apporte des fonds propres pour accompagner la création, le développement ou la transmission d'entreprise. Sa vocation est essentiellement de garantir des investissements dans des entreprises en développement, mais il peut aussi, dans la limite de 20 % de son montant, garantir des investissements dans des entreprises de moins de trois ans. La participation détenue par l'organisme de fonds propres, qui doit être agréé conjointement par la SOFARIS et par la CDC, ne peut dépasser 49 % du capital.

La SOFARIS apporte sa garantie à hauteur de 50 % maximum sauf en cas de création où elle est de 70 %. Depuis 1997, les entreprises soutenues par l'ANVAR ont accès à ce mécanisme de garantie de crédit à un taux majoré de 60 % au maximum au lieu de 50 %.

Les garanties ont couvert près de 1,2 milliard de francs d'interventions en 1997, à comparer avec une activité totale en France de 3,6 milliards de francs sur le segment des entreprises de moins de 500 salariés.

4.- LE PROGRAMME PME DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

La CDC a en outre mis en place un programme PME en 1994. Parallèlement au soutien financier à SOFARIS, celui-ci s'est traduit par la création du fonds CDC Innovation, doté de 400 millions de francs, et par un renforcement des moyens des investisseurs régionaux : la CDC est présente au capital d'une trentaine d'instituts régionaux. CDC PME a pris des participations dans de nouveaux fonds régionaux répondant à des critères d'interventions (Siparex Provinces de France, Rhônes-Alpes PME) et a collaboré à la constitution de nouvelles structures dédiées à la création d'entreprises innovantes (Aquitaine Création Innovation, Poitou-Charentes Innovation, Alsace Création). Elle leur a apporté 310 millions de francs entre 1994 et 1996.

Ce programme, désormais désigné sous le nom de « PME Emploi », a été étendu et renforcé en 1998 : il est doté de 700 millions de francs par an, entièrement consacrés à des investissements ou à des interventions ayant pour but la création d'emplois dans le secteur marchand, par la création et le développement d'entreprises de moins de 500 millions de francs de chiffre d'affaires.

Il est mis en _uvre par la direction du programme « PME Emploi » de la CDC et par l'entremise de CDC PME, filiale à 100 % de la Caisse des dépôts dans le domaine du capital investissement et du capital-risque. C'est aussi dans le cadre de ce programme qu'ont été réalisées, en mai et juillet 1999, les deux études regroupées sous le titre La création d'entreprises technologiques(16).

B.- LES MESURES PRISES AUTOUR DES ASSISES DE L'INNOVATION DE MAI 1998

1.- LES CONTRATS D'ASSURANCE-VIE INVESTIS EN ACTIONS

Pour favoriser le financement en fonds propres des entreprises françaises, notamment des plus petites d'entre elles, la loi de finances pour 1998 (article 21, duquel est issu l'article 125-0 A du code général des impôts) exonère d'imposition les produits des contrats d'assurance-vie de plus de huit ans investis principalement en actions. La loi prévoit également des possibilités de transferts d'anciens contrats vers ces nouveaux contrats.

Cette exonération spécifique se place dans le cadre du régime fiscal des bons ou contrats d'une durée égale ou supérieure à huit ans qui bénéficient d'une taxation atténuée à l'impôt sur le revenu. L'exonération d'impôt sur le revenu (mais pas des prélèvements sociaux) s'applique aux produits attachés aux bons ou contrats en unités de compte, d'une durée d'au moins huit ans, principalement investis en actions.

A l'origine, les contrats doivent comporter une ou plusieurs unités de compte, cette dernière se définissant comme une part ou une action d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (FCP ou SICAV). L'actif de référence de ce dernier doit être constitué pour 50 % au moins d'actions françaises cotées ou de titres assimilés, et pour 5 % au moins d'investissements à risques (parts de FCPR, actions de SCR). Ces quotas doivent être respectés pendant les huit années suivant la souscription du bon ou du contrat.

Jusqu'au 30 juin 1999, les contrats existants ont pu être transformés par avenant en contrats-actions, sans taxation.

Le bilan de ce type de contrats, dits « contrats DSK », témoigne de la résistance persistante des Français face à la prise de risque. Ils représentent en juin 1999, à quelques jours de la date limite pour les transferts, moins de 40 milliards de francs sur les 3.500 milliards de francs déjà injectés en assurance-vie. Même si on observe un sensible revirement en faveur des contrats multisupports depuis trois ans, c'est essentiellement au bénéfice des nouvelles souscriptions. L'assurance-vie reste un placement sécuritaire et la majorité des épargnants sont peu enclins à prendre des risques : passer d'un support à taux de rendement garanti (4,5 % pour les plus anciens, environ 3 % pour les contrats plus récents) et dont la rentabilité moyenne s'avère la meilleure des produits sans risques, à un investissement présentant un aléa en capital constitue un changement de cap dans la gestion de patrimoine.

De plus, la gestion « commerciale » d'un contrat d'assurance-vie investi en actions françaises est délicate : l'épargnant s'inquiète des fluctuations boursières, en particulier à la baisse, de la moins-value latente... Enfin, les sommes capitalisées sur les anciens contrats jusqu'à fin 1997 restent exonérées, tout comme ces contrats, du prélèvement libératoire de 7,5 %.

Mais, au printemps 1999, l'encours de 40 milliards de francs des « contrats DSK » avait permis de diriger environ 2 milliards de francs vers le financement de l'innovation, dont près de 800 millions sur le nouveau marché.

De plus, la restriction réservant l'avantage fiscal au nouveau marché est sur le point d'être levée. En effet, suite à une plainte de l'Easdaq, le marché de croissance installé à Bruxelles, la Commission européenne a demandé au Gouvernement français d'étendre le quota d'investissement de 5 % en titres « à risques » à l'ensemble des marchés européens de valeurs de croissance. L'article de la loi de finances rectificative pour 1999 dispose qu'il est désormais possible d'investir au moins 50 % des sommes en actions européennes, et non plus uniquement françaises, et que le quota d'au moins 5 % investis en actions de valeurs de croissance peut être investi sur tous les marchés européens de valeurs de croissance (art. 14 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999).

Au 30 juin 1999, ce sont plus de 55 milliards de francs qui ont été collectés sur les contrats d'assurance-vie principalement investis en actions. Ce montant devait se stabiliser puisque les transferts autorisés sont arrêtés depuis le 31 août 1999. Il atteint pourtant 67 milliards de francs à la mi-novembre, ce qui représente 15 % de l'encours des contrats « unités de compte », c'est-à-dire pouvant être investis en actions, ce que le Gouvernement estime être un bon résultat « compte tenu de la nouveauté du produit ».

COLLECTE DE FONDS DANS LE CADRE DES CONTRATS D'ASSURANCE-VIE
INVESTIS PRINCIPALEMENT EN ACTIONS

(en millions de francs)

graphique
Source : Commission des opérations de bourse.

2.- LE REPORT D'IMPOSITION POUR L'INVESTISSEMENT DANS LES JEUNES ENTREPRISES

Prévu à l'article 92 D decies du code général des impôts, issu de l'article 79 de la loi de finances pour 1998, le report d'imposition des plus-values réinvesties dans des PME nouvelles est complémentaire des nouveaux contrats d'assurance-vie, puisqu'il permet à des entreprises d'attirer des personnes physiques à leur capital, et donc de bénéficier à la fois d'un apport de fonds propres et d'un apport de compétences, à un moment de la vie de l'entreprise (la phase d'amorçage) où le capital-risque n'intervient pas encore, ou seulement de manière marginale.

Les entrepreneurs ayant déjà créé avec succès une entreprise dans le passé peuvent en effet apporter une aide précieuse à d'autres entrepreneurs n'ayant pas cette expérience, sous forme de conseils et d'apports de fonds propres. Afin d'encourager le développement d'une population qui soit l'équivalent des business angels américains, les entrepreneurs qui cèdent tout ou partie de leur participation sont désormais incités à mettre leur capacité d'investissement et leur expérience entrepreneuriale au service d'entreprises nouvelles non cotées. Les salariés et dirigeants d'une entreprise peuvent ainsi reporter l'imposition des plus-values de cession des droits sociaux qu'ils détiennent dans cette entreprise, lorsque le produit de la vente est réinvesti dans la souscription au capital initial ou dans une augmentation de capital en numéraire d'une société nouvelle.

Sur demande expresse du contribuable, l'imposition des plus-values de cession de droits sociaux réalisées du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 peut, si le produit est réinvesti avant le 31 décembre de l'année qui suit celle de la cession dans la souscription en numéraire au capital de sociétés non cotées passibles de l'impôt sur les sociétés, être reportée au moment où s'opérera la transmission, le rachat ou l'annulation des titres reçus en contrepartie de cet apport.

Ce régime est soumis à conditions. Le contribuable doit, au cours des cinq années précédant la cession, avoir été salarié ou dirigeant de la société dont les titres sont cédés et, à la date de la cession, détenir avec les membres de son foyer fiscal, plus de 10 % des droits de cette société. Outre des conditions relatives à son domaine d'activités et au contexte de sa création, la société bénéficiaire de l'apport doit remplir des critères d'âge et être détenue à 75 % au moins, directement ou indirectement, par des personnes physiques. Enfin, le contribuable ne doit ni être associé à la société bénéficiaire de l'apport ni y exercer de fonction de direction.

L'article 5 de la loi de finances pour 1999 étend le dispositif, initialement réservé aux entreprises de moins de sept ans, à toutes celles qui ont moins de quinze ans.

L'article de la loi de finances pour 2000 pérennise le dispositif de report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux et rend éligibles, en pratique, les cessions réalisées à partir du 1er janvier 2000.

3.- LE FONDS PUBLIC POUR LE CAPITAL-RISQUE

A l'automne 1997, le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie a décidé de créer un fonds public pour le capital-risque, doté de 600 millions de francs à partir des recettes provenant de l'ouverture du capital de France Télécom. Celui-ci a commencé son activité en juillet 1998, et avait investi plus de 234 millions de francs à la fin de 1998. Il s'agit d'un « fonds de fonds », géré par la CDC, destiné aux fonds de capital-risque investissant majoritairement dans les PME innovantes de moins de sept ans, et levant des capitaux majoritairement auprès de personnes de droit privé. Les investissements unitaires sont plafonnés à 20 % de chaque fonds de capital-risque privé et à 60 millions de francs.

Ce « fonds de fonds » vise à augmenter la part du capital-investissement qui se portera sur les entreprises innovantes de moins de sept ans. Cela se fera bien sûr par effet de volume, mais surtout d'entraînement, la présence de fonds publics parmi les premiers souscripteurs facilitant la levée de fonds. Ce fonds vise également à avoir un effet structurant sur la profession, en permettant l'augmentation à terme du nombre d'équipes de qualité.

La CDC ne prend pas de responsabilité dans le choix des entreprises dans lesquelles investiront les fonds de capital-risque. Il appartient aux opérateurs privés de prendre leurs responsabilités dans l'analyse des perspectives industrielles, financières et commerciales de chaque entreprise.

Le fonds public pour le capital-risque investira dans des fonds ayant pour cible principale les entreprises françaises - dont le siège social ou la majorité des emplois est en France - innovantes de moins de sept ans. Ces fonds doivent être nouvellement créés et disposer du savoir-faire nécessaire. Ils doivent remplir des conditions de forme (FCPR à durée de vie limitée) et de taille, et être détenus majoritairement par des personnes privées. L'investissement du Fonds public vise à générer un effet de levier en attirant des capitaux privés sur un secteur où ils sont encore insuffisamment présents.

Il s'agit donc d'une mesure d'incitation permettant de donner le coup de pouce transitoire nécessaire pour que le capital-risque français puisse rapidement changer de dimension, tout en maintenant et en améliorant la qualité des équipes.

Le fonds public pour le capital-risque a investi 167,2 millions de francs en 1997, 259,6 millions de francs en 1998 et 475 millions de francs, investis dans douze fonds, pour le seul premier semestre 1999, et 600 millions de francs dans dix-huit fonds début 2000, ce qui témoigne d'une montée en puissance du dispositif. Celui-ci a eu un rôle certain dans la croissance remarquable des fonds investis dans le capital-risque, dont l'évolution récente est retracée dans le graphique suivant.

MONTANT DES FONDS INVESTIS DANS LE CAPITAL-RISQUE

(en millions de francs)

graphique
NB : Les chiffres pour 1999 ne sont pas disponibles car la source est annuelle.

Source : Commission des opérations de bourse.

4.- LES FONDS D'AMORÇAGE

L'amorçage constitue encore un chaînon manquant dans la chaîne du financement. Comme le montre l'exemple américain, l'amorçage doit, pour des raisons structurelles, être avant tout financé par des business angels. Cependant, le nombre encore faible de ces angels a conduit à mettre en place des fonds d'amorçage.

L'État a ainsi décidé de débloquer une somme de 100 millions de francs, prélevée sur les recettes de la mise sur le marché de France Télécom, pour aider les universités et organismes de recherche à participer de façon minoritaire au tour de table de fonds d'amorçage. Un appel à proposition a été lancé le 24 mars 1999 auprès des principaux pôles universitaires français, incluant la mise en place de sociétés de transfert, d'incubateurs et de fonds d'amorçage. Les fonds seront clairement ciblés sur l'amorçage, et devront être gérés par des professionnels du capital-risque et organisés sous forme de FCPR. Le tour de table devra être diversifié.

C'est encore la CDC PME qui s'est engagée, en collaboration avec de grands organismes publics de recherche, dans la constitution de ces fonds d'amorçage. Les trois principaux, qui doivent être opérationnels en 1999, sont nationaux. Un fonds centré sur les technologies de l'information est d'ores et déjà constitué autour de l'Institut national de recherche en informatique et automatique, qui compte, parmi les sociétés créées à partir de ses laboratoires, une société (ILOG) cotée au Nasdaq. Deux autres fonds, centrés respectivement sur les biotechnologies et les sciences des matériaux, sont en bonne voie.

La CDC PME favorise également le montage de fonds d'amorçage régionaux et a ainsi participé au lancement de SECANT, en partenariat avec les universités de Compiègne et d'Amiens, et à la création de Nord Innovation. Elle étudie la création de Midi-Pyrénées Amorçage.

Le choix des entreprises dont le financement sera soutenu s'effectue au sein d'un comité de sélection des projets et d'un comité d'investissement, auquel participe l'ANVAR. Cette dernière finance dans le cadre de ses aides les études de validation du projet et du plan d'entreprise.

5.- L'INCITATION AUX INVESTISSEMENTS DE PETITE TAILLE

Les sociétés de capital-risque tendent naturellement à se désintéresser des « petits » dossiers, insuffisamment rentables car ne pouvant pas, à cause de leur taille, générer des plus-values suffisantes pour couvrir les frais d'analyse et de suivi des dossiers, qui sont relativement indépendants de la taille de l'investissement.

Une action pilote a été lancée, consistant à verser à des sociétés de capital-risque sélectionnées à l'issue d'un appel à propositions une aide forfaitaire pour chaque dossier d'investissement compris entre 200.000 et 500.000 francs.

6.- LES BONS DE SOUSCRIPTION DE PARTS DE CRÉATEURS D'ENTREPRISE

Les petites et moyennes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance ont besoin de dirigeants et de collaborateurs de haut niveau. Elles éprouvent toutefois des difficultés à les recruter dès lors qu'elles ne peuvent généralement pas leur offrir une rémunération correspondante à la valeur des intéressés sur le marché du travail ou au risque de carrière qu'ils acceptent de courir en rejoignant une petite structure.

Ces entreprises peuvent désormais attirer et fidéliser des cadres, chercheurs ou ingénieurs, en leur proposant des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE), qui confèrent aux bénéficiaires le droit d'obtenir une part du capital de leur entreprise à un prix définitivement fixé lors de l'attribution. Les intéressés se voient ainsi offrir la perspective de réaliser un gain, dans des conditions fiscales et sociales favorables, qui sera la contrepartie de la part active qu'ils auront personnellement prise dans la valorisation des titres de leur entreprise. Dans l'article 5 de la loi de finances pour 1999, ce dispositif, limité auparavant aux entreprises de moins de sept ans, a été ouvert aux entreprises de moins de quinze ans.

La société émettrice ne doit pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration ou d'une extension d'activités préexistantes ou encore pour reprendre de telles activités, excepté toutefois en cas d'essaimage ; son capital doit être détenu directement et de manière continue à 75 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques.

Les gains de cession des titres attachés à ces bons sont soumis à l'impôt sur le revenu selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux au taux de 16 % (30 % si le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans), auquel s'ajoutent les prélèvements additionnels. Ils sont exonérés de cotisations sociales.

Ces mesures récentes consistent en dispositions fiscales ou créations de fonds qui ne visent pas à assurer directement une part de financement public, contrairement aux aides traditionnelles, mais à faciliter les initiatives privées en faveur de l'innovation. Elles traduisent donc la mise en _uvre d'une logique nouvelle, qui apparaît aussi au niveau communautaire.

La toute récente loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur la recherche et l'innovation s'attache pour sa part à supprimer des blocages statutaires et institutionnels.

II.- LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA LOI
SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE

A la suite des Assises de l'innovation, et des conclusions du rapport Guillaume et du rapport Lombard(17), le ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie a présenté un projet de loi relatif à l'innovation et à la recherche dont il a clairement résumé les objectifs principaux dans sa présentation du projet devant votre Assemblée, le 3 juin 1999 : « Il s'agit de favoriser le transfert de technologie de la recherche publique vers les entreprises. Il s'agit de la diffusion des résultats de cette recherche dans le monde économique. Il s'agit tout simplement de l'accroissement de la capacité d'innovation et de création de richesse de notre pays grâce à la recherche publique »(18)

Le projet, qui a été adopté par le Parlement, constitue désormais la loi du 12 juillet 1999 : les dispositions qu'elle comporte peuvent d'ores et déjà être mises en _uvre. Son intérêt ne fait aucun doute : elle doit permettre de supprimer certains blocages et impulser une nouvelle dynamique.

A.- DÉVELOPPER LES RELATIONS ENTRE LES PERSONNELS DE LA RECHERCHE ET LES ENTREPRISES

1.- PERMETTRE AUX CHERCHEURS ET AUX ENSEIGNANTS DE CRÉER DES ENTREPRISES

Les entreprises créées sur l'initiative des chercheurs ont un taux de réussite relativement haut (5 cas sur 6) et sont très créatrices d'emplois, avec un effectif moyen de onze salariés quelques années après leur création. Elles sont pourtant très rares : une entreprise créée par an pour 1.000 chercheurs, cinquante entreprises créées par des chercheurs de grands organismes depuis dix ans.

Cette situation était due à la législation qui ne permettait pas à un chercheur ou à un enseignant-chercheur de créer une entreprise, de participer à son capital ou encore de la diriger, tout en conservant son statut de fonctionnaire. Il devait être mis en disponibilité et il lui était interdit d'entretenir des relations avec son laboratoire d'origine, et de conclure certains contrats de recherche avec lui. Ces contraintes imposaient une rupture brutale avec l'organisme de recherche, ce qui constituait une prise de risque dissuasive et empêchait une collaboration souvent indispensable au succès de l'entreprise innovante.

La loi vise donc à permettre aux chercheurs de s'engager dans la création d'une entreprise. Ils sont autorisés, sans courir le moindre risque, à participer en tant qu'associé, administrateur ou dirigeant à cette entreprise nouvelle, pendant une période à l'issue de laquelle ils pourront opter entre le retour dans le service public ou l'appartenance à l'entreprise. Durant cette période, et pour une durée maximale de six ans, ils sont détachés ou mis à disposition et conservent par conséquent leur statut de fonctionnaire.

L'entreprise nouvellement créée peut entretenir des liens contractuels avec le laboratoire d'origine du chercheur, ce qui facilitera le transfert de technologie. Le chercheur ne sera ainsi pas obligé d'opérer une rupture brutale avec son laboratoire d'origine.

Le champ d'application de cette loi n'est pas limité aux personnels des établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) et des universités : il s'étend à tous les agents des services publics ayant une mission de recherche. Les agents non titulaires peuvent également, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, être autorisés à participer à la valorisation de leurs travaux de recherche. Cette disposition vise notamment les doctorants, les allocataires de recherche, les attachés temporaires d'enseignement et de recherche et les praticiens hospitaliers. L'autorisation pour un fonctionnaire de collaborer avec une entreprise est délivrée par l'autorité dont il relève, après avis d'une commission de déontologie.

2.- MULTIPLIER LES CONTACTS DES CHERCHEURS ET DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS AVEC LES ENTREPRISES

Au-delà de la création d'entreprises, les personnels de recherche doivent pouvoir apporter leur concours scientifique à une société valorisant leurs travaux, participer à son conseil d'administration ou encore à son capital social en qualité d'agent public. Cette relation chercheur-entreprise constitue une garantie pour les investisseurs et permet à une équipe, ou un laboratoire, de soutenir un projet issu de leurs travaux. C'est à travers le développement de tels liens que la diffusion de leurs résultats scientifiques peut être valorisée, mais ils sont peu développés : ils ne touchent que quelques centaines de personnes par an sur 25.000 chercheurs.

La loi favorise donc la multiplication de ces contacts en aidant tous les chercheurs qui souhaitent apporter leur expertise à une entreprise tout en conservant leur statut de chercheur. Les personnels de recherche ont le droit d'apporter leur concours scientifique à une entreprise en restant dans le service public et de participer à son capital, dans la limite de 15 %. Possibilité leur est donnée de devenir membres du conseil d'administration d'une entreprise à condition de respecter certaines règles de déontologie.

B.- DÉVELOPPER LA COLLABORATION ENTRE LA RECHERCHE PUBLIQUE ET LES ENTREPRISES

Cette collaboration doit permettre la création de structures de valorisation de la recherche.

1.- LA CRÉATION D'INCUBATEURS

Un incubateur d'entreprises innovantes est une structure d'accueil et d'accompagnement de porteurs de projets de création d'entreprises innovantes : il leur offre un appui en matière de formation, de conseil et de financement, et les héberge jusqu'à ce qu'ils trouvent leur place dans une pépinière d'entreprises ou des locaux industriels. La spécificité des incubateurs créés par la nouvelle loi tient au fait qu'ils sont situés à proximité immédiate d'un site scientifique, afin de maintenir des relations étroites avec les laboratoires de recherche dont les porteurs de projets (chercheurs, enseignants-chercheurs, jeunes docteurs) sont le plus souvent issus, et de bénéficier ainsi des ressources scientifiques et technologiques et des contacts accessibles sur le site.

La loi prévoit la possibilité pour les établissements d'enseignement supérieur et de recherche (EPSCP et EPST) de créer des incubateurs, soit sous forme de service interne avec les services d'activités industrielles et commerciales (SAIC), soit sous forme de filiale de l'établissement, soit sous forme de sociétés créées par plusieurs établissements. Ces incubateurs peuvent mettre à la disposition de jeunes entreprises technologiques, moyennant rémunération et pour une période de temps limitée, des locaux, des équipements et des matériels.

Cette mesure favorise la création d'emplois de haute technologie, notamment avec l'aide des personnels de recherche et des étudiants, et devrait être très favorable à l'emploi. En effet, selon un rapport de la mission scientifique et technique de l'Ambassade de France aux Étas-Unis, le nombre moyen d'entreprises créées par incubateur est de plus de cinquante au bout de dix ans, ce qui correspond à mille emplois environ. Les mêmes chiffres ont pu être relevés dans les universités européennes qui ont effectué des expériences identiques.

Le programme de création d'incubateurs suscite beaucoup de demandes : toutes les régions sont concernées, vingt-deux projets sont déjà déposés, une quinzaine est à venir avec des regroupements inédits entre tous les établissements d'un même pôle universitaire, voire de toute une région. Les collectivités sont enthousiastes et l'État aura des difficultés à résister à la pression déjà sensible en faveur de leur contractualisation dans les plans État-régions. Les 100 millions de francs prévus apparaissent insuffisants, puisque la demande est déjà de 165 millions de francs de subventions pour la création de sept cents entreprises en trois ans ; une rallonge budgétaire sera nécessaire en 2000.

En complément de cette mesure en faveur des incubateurs, le cadre juridique des conventions conclues entre les lycées technologiques et professionnels et les entreprises est clarifié afin de permettre aux établissements scolaires de conclure des conventions avec les entreprises. Ces dernières ont ainsi la possibilité de bénéficier du potentiel technologique des établissements moyennant rémunération. L'étroit maillage des lycées sur l'ensemble du territoire et leur culture professionnelle spécifique, proche de l'environnement économique, leur donne une vocation naturelle à proposer une offre technologique complémentaire de celle d'autres institutions.

2.- LA SIMPLIFICATION DE LA GESTION DES ORGANISMES DE RECHERCHE

Le principe de la politique des contrats quadriennaux, relancée par le comité interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST) de juillet 1998, est désormais inscrit dans la loi. Ces contrats liant l'État et les établissements publics de recherche permettent de traduire en termes concrets les orientations stratégiques de la politique de la recherche, notamment en matière de gestion des ressources humaines et de valorisation de l'innovation.

Afin d'alléger les formalités administratives des structures de collaboration, les créations de filiales et de groupements d'intérêt public (GIP) qui rassemblent organismes de recherche, universités et entreprises, sont facilitées. Au lieu d'une approbation par arrêté ministériel, un régime d'autorisation tacite est mis en place.

La loi vise à faciliter la gestion des contrats avec les entreprises. Les établissements d'enseignement supérieur et de recherche peuvent cotiser aux ASSEDIC pour leur personnel contractuel. Cette mesure tend à améliorer le service rendu aux agents, dont les droits sont inchangés, en organisant le recours à un opérateur qualifié pour traiter l'intégralité du dispositif d'assurance. Elle permet d'éviter le recours à des associations, qui placent les personnels contractuels dans une situation précaire. Ces établissements n'ont ainsi plus à assurer eux-mêmes le paiement des indemnités pour perte d'emploi quand le programme de recherche arrive à son terme ; cela vise à faciliter la passation de contrats avec les entreprises pour des contrats à durée déterminée.

A l'issue des débats devant le Parlement, la loi étend aux fonctionnaires des entreprises publiques les mesures prises pour encourager « l'essaimage » des fonctionnaires des organismes de recherche, ou pour développer la mobilité des chercheurs vers l'enseignement supérieur. Elle comporte des dispositions nouvelles telles que la prolongation de deux ans du régime des BSPCE, jusqu'au 31 décembre 2001, l'extension de ce régime aux sociétés cotées sur le second marché, l'abaissement de 75 % à 25 % de la part minimale de capital qui doit être détenue par des personnes physiques ou des capital-risqueurs pour que l'entreprise puisse distribuer des BSPCE, et l'élargissement du champ des entreprises éligibles au dispositif des FCPI. Trois articles additionnels ont ainsi été adoptés par votre Assemblée : l'article 4 traite des BSCPE, l'article 5 des FCPI et un troisième article ouvre à toute personne physique ou morale la possibilité de créer une société par actions simplifiées, y compris sous forme unipersonnelle.

L'article 3 de la loi établit ainsi un nouveau statut pour les start-up. Il prévoit l'extension du statut de société par action simplifiée aux entreprises innovantes. Réservé jusqu'ici aux entreprises disposant d'un capital supérieur ou égal à 1,5 million de francs, ce statut pourra se substituer au statut classique de la société anonyme, trop rigide pour une société de croissance. Il assouplit les obligations notamment en matière de capital requis (250.000 francs traditionnellement) et de fonctionnement du conseil d'administration.

Comme votre Rapporteur l'a affirmé dans son intervention au cours du débat sur le projet de loi en première lecture devant votre Assemblée, cette loi va permettre de « développer les partenariats entre recherche publique et industrie, avec un nouveau cadre juridique et un statut du chercheur, plus souple et plus clair » et de « créer des réseaux de recherche technologique dans des secteurs-clés où public et privé pourront collaborer dans une logique de demande  (19)». Mais elle n'a jamais visé à résoudre l'ensemble des problèmes freinant l'innovation en France. Les blocages qu'elle lève ayant disparu, la voie est ouverte pour formuler d'autres propositions en faveur de l'innovation.

C'est dans cette perspective qu'il convient de faire d'abord le bilan de la mise en _uvre des conclusions du rapport de M. Henri Guillaume : certaines se sont déjà traduites dans les textes, d'autres peuvent encore être défendues.

III.- UNE MISE EN _UVRE PRESQUE COMPLÈTE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT GUILLAUME

La publication, en mars 1998, du rapport de M. Henri Guillaume (20) a suscité beaucoup de réactions. La mission que les ministres de l'Économie et de la Recherche et le secrétaire d'État à l'Industrie lui avaient confiée consistait à mener « une étude approfondie de l'action des organismes et des procédures financées sur le budget civil de recherche-développement en faveur du développement technologique » et à formuler « des propositions visant à intensifier l'efficacité de notre dispositif national ». Le rapport met ainsi en avant les maillons faibles de notre dispositif national en faveur de la recherche technologique et de l'innovation.

Les recommandations peuvent être présentées autour de quatre axes :

· la création d'un Centre de la recherche technologique, associant les laboratoires de recherche par domaine technologique, afin de fédérer leurs efforts et de permettre de mieux identifier les centres de compétences ;

· le recentrage des crédits publics autour de trois priorités : création d'entreprises innovantes, soutien aux entreprises moyennes, renforcement de l'efficacité du couplage entre la recherche publique et les industriels ;

· la simplification des dispositifs de transfert de technologies ;

· le lancement de fonds d'amorçage, nationaux et régionaux.

Environ deux ans après la publication de ces conclusions, il est possible de dresser un premier bilan des préconisations qui sont entrées en vigueur afin d'indiquer quelles sont les voies qui doivent encore être suivies.

Les propositions du rapport Guillaume ont souvent été rapidement et précisément mises en _uvre, parfois elles n'ont pas été suivies.

A.- DES PROPOSITIONS BIEN SUIVIES EN MATIÈRE DE SOUTIEN À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES ET DE MOBILITÉ DES CHERCHEURS

1.- UN TRAVAIL LÉGISLATIF RAPIDE ET EFFICACE

Les nouvelles mesures de soutien au financement des entreprises innovantes ainsi que le projet de loi sur la recherche et l'innovation sont des réponses directes aux critiques faites dans le rapport Guillaume.

a) Favoriser la création d'entreprises innovantes et donner un nouvel essor au capital risque

M. Henri Guillaume identifie quatre obstacles à la création d'entreprises innovantes en France :

· l'insuffisance, voire la quasi-inexistence, de fonds d'amorçage ;

· l'absence d'un environnement stimulant pour accompagner le chercheur ;

· le flou qui entoure sa situation juridique ;

· la faiblesse de la culture entrepreneuriale en France.

Les recommandations qu'il formulait pour résoudre ces difficultés ont été largement suivies. Dans la loi relative à l'innovation et à la recherche, deux propositions essentielles ont été adoptées :

· les incubateurs peuvent être créés par les établissements supérieurs et de recherche ;

· les personnels de recherche peuvent participer, dans la limite de 15 %, au capital d'une entreprise à laquelle ils apportent leur concours scientifique.

Afin de donner un nouvel essor au capital risque, des recommandations du rapport Guillaume sont entrées sans délai dans la législation :

· le fonds public pour le capital-risque géré par la CDC constitue le « mécanisme d'abondement indirect » qu'il appelait de ses v_ux ;

· les deux fonds nationaux de capital d'amorçage, l'un centré sur les technologies de l'information, le second sur les biotechnologies, dont le premier déjà en fonctionnement, le second sur le point de l'être, et un troisième, consacré aux sciences des matériaux, est aussi en projet ;

· des fonds d'amorçage régionaux, liés à des laboratoires de recherche, sont lancés, avec le soutien de la CDC ;

· le renforcement de l'efficacité du couplage entre la recherche publique et les entreprises est l'objet de la loi sur l'innovation et la recherche.

b) Renforcer le couplage recherche-industrie

M. Henri Guillaume présente cet objectif comme la priorité d'une nouvelle politique technologique et indique que « un acte législatif, de première importance en ce domaine depuis les lois du 15 juillet 1982 et du 26 janvier 1984, serait de nature à redonner une impulsion significative à cette priorité ». La loi relative à la recherche et à l'innovation répond à cette volonté.

Dans le but de favoriser la coopération entre établissements de recherche et entreprises, il recommande de remplacer la formule du groupement d'intérêt public par un nouveau statut juridique et de développer les relations contractuelles entre les uns et les autres.

La loi permet deux avancées importantes qui vont directement dans ce sens :

· les modalités de création des GIP sont allégées grâce à la substitution d'un régime d'autorisation tacite à l'approbation par arrêté ministériel ;

· la gestion des contrats avec les entreprises est facilitée par la possibilité ouverte aux établissements de recherche de cotiser aux ASSEDIC pour leur personnel contractuel, ce qui leur évite le paiement des indemnités pour perte d'emploi lorsque le contrat passé avec une entreprise arrive à son terme.

Les conclusions du rapport soulignent la nécessité d'inciter davantage à la mobilité des chercheurs statutaires. La première partie de la loi répond directement à cet objectif. Là encore, trois propositions sont reprises  :

· les personnels de recherche peuvent apporter leur concours scientifique à une entreprise tout en restant dans le service public, ce qui contribue à « inciter au développement de la consultance par les chercheurs et enseignants », comme M. Henri Guillaume le préconisait ;

· chercheurs et enseignants ont désormais le droit de devenir administrateurs de société, conformément à une autre de ses recommandations ;

· les lycées techniques et professionnels ont la possibilité de conclure des contrats avec les entreprises, ce qui constitue un premier pas vers leur association à des appels à propositions.

Des avancées considérables ont ainsi été réalisées, conformément aux préconisations du rapport Guillaume. En revanche, sur ces mêmes questions, certaines propositions n'ont pas été prises en compte, alors qu'elles apparaissent tout à fait intéressantes.

2.- CERTAINES ORIENTATIONS POURRAIENT ENCORE ÊTRE MISES EN _UVRE

a) Modifier la fiscalité en matière de capital-risque et recentrer les financements publics

M. Henri Guillaume recommande des mesures allant plus loin que celles qui ont été adoptées : elles peuvent encore aisément l'être.

En matière de soutien au capital-risque, elles sont au nombre de trois :

· assimiler les parts des professionnels du capital-risque dans les FCPI à celles des personnes physiques, alors que la réduction d'impôt (art. 199 terdecies-0 A VI du code général des impôts) est aujourd'hui réservée à ces dernières ;

· allonger d'un an le délai fixé aux FCPI pour atteindre le seuil de 60 % des actifs investis en titres de sociétés innovantes ;

· améliorer le statut fiscal des sociétés de capital-risque : M. Henri Guillaume dénonce sa complexité, le caractère excessif des exigences l'accompagnant et le fait que les personnes physiques ne puissent être exonérées que sur les distributions, et non sur les plus-values de cession, comme c'est le cas pour les FCPR.

Quant au recentrage du financement public, il n'a suivi qu'une des trois priorités recommandées, celle relative au couplage entre recherche et entreprise. Les deux autres orientations sont présentes dans la politique menée, mais n'apparaissent pas comme de réelles priorités :

· le soutien à l'essaimage comme moyen de création d'entreprises innovantes et de promotion du transfert de technologie vers les PME : pour l'heure, les entreprises ne sont poussées à l'essaimage que par le régime de la provision en franchise d'impôt, qui date de 1996 ;

· une action spécifique en faveur des entreprises moyennes indépendantes et des filiales autonomes de groupes : actuellement, seules les PME les plus petites, ou quelle que soit leur taille dans la limite des critères retenus, bénéficient de mesures spécifiques ; rien n'est prévu pour répondre aux besoins particuliers des entreprises de taille moyenne.

b) Inciter plus fortement les chercheurs à la mobilité

Si la loi du 12 juillet 1999 supprime les principaux blocages statutaires, il ne va pas aussi loin que M. Henri Guillaume le souhaitait en ce qui concerne l'organisation de la mobilité des chercheurs vers les entreprises et l'incitation qui doit l'accompagner.

Il recommandait en effet des mesures complémentaires à celles qui ont été retenues :

· désigner dans chaque organisme et établissement de recherche un responsable chargé de prospecter les besoins des entreprises et de susciter les candidatures à la mobilité ;

· mettre en place un stage en entreprise et assurer des formations à la création et à la gestion d'entreprise pour faciliter l'insertion ultérieure des docteurs : la méconnaissance du monde de l'entreprise par les chercheurs est soulignée par tous, même si M. Vincent Courtillot, directeur de la recherche au Ministère de l'Éducation nationale a évoqué le soutien que l'une de ses sous-directions apporte aux efforts d'initiation des doctorants à l'entreprise ;

· supprimer les obstacles à la consultance liés aux régimes fiscaux et sociaux : M. Jean-Claude Lehmann, directeur de recherche à Saint-Gobain, a insisté sur la nécessité urgente d'aménagements allant dans ce sens en soulignant le poids de ces prélèvements, qu'il estime à même de décourager le chercheur de réaliser des travaux d'expertise ;

· donner une prime aux chercheurs et enseignants bâtissant un projet sérieux de mobilité dans l'industrie : M. Jean-Claude Lehmann a suggéré la mise en place d'un système d'intéressement des chercheurs aux résultats de leur brevet, la rémunération devant être d'autant plus élevée que le chercheur assurera son suivi dans l'entreprise.

B.- L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES PRÉCONISATIONS D'ORDRE INSTITUTIONNEL

Dans les domaines du financement et de la mobilité, les avancées sont donc réelles, même si tout n'a pas encore été réalisé. Les résultats pratiques de ces nouvelles mesures dépendront fortement d'éléments culturels qu'aucun texte ne suffirait à infléchir, mais les dispositions législatives existent.

Les recommandations formulées par le rapport Guillaume qui ont trait à l'organisation institutionnelle de la recherche publique sont en revanche largement restées, jusqu'ici, lettres mortes.

1.- LES PROBLÈMES D'ORGANISATION ET D'ÉVALUATION DEMEURENT POSÉS

M. Henri Guillaume préconise de restructurer le dispositif national de recherche autour d'une «  tête de réseau » dont la création « donnerait un signal politique fort, traduisant la volonté de modifier en profondeur l'architecture traditionnelle du système de recherche français et de l'adapter aux besoins d'une politique nationale d'innovation ».

Or une telle volonté politique n'a pas encore été exprimée. Le Centre de la recherche technologique qu'il recommande de créer n'a pas vu le jour. Il aurait eu pour fonctions d'évaluer la recherche technologique, de définir ses stratégies et de mettre en place des « pôles de compétences » destinés à afficher clairement les points d'entrée dans le réseau.

Cela semble d'autant plus regrettable à votre Rapporteur qu'il aurait été chargé de conduire une évaluation des chercheurs prenant en compte d'autres critères que les critères académiques. M. Henri Guillaume conseillait de retenir des éléments comme la mobilité, la qualité des relations avec les entreprises, la consultance, la participation à des essaimages, la prise de brevet...

Une évaluation lui semblait aussi nécessaire en ce qui concerne les structures de transfert de technologies bénéficiant de financements publics : avant la prochaine génération des contrats de plan État-régions, on aurait pu dégager une enveloppe destinée à mettre sur pied une évaluation systématique des structures de transfert et de diffusion, en liaison avec les collectivités locales intéressées.

2.- UN APPEL À UNE MEILLEURE UTILISATION DE L'ARGENT PUBLIC

Nous avons montré combien les systèmes d'aides français étaient nombreux et complexes. Le rapport Guillaume en dresse un bilan très complet et fait des recommandations qui n'ont pas toutes été prises en compte.

a) Le développement des aides en faveur de l'emploi scientifique et technique

C'est le seul domaine dans lequel M. Henri Guillaume a été en grande partie entendu. Si la stimulation du recrutement de docteurs par le crédit d'impôt recherche, soutenue par votre Rapporteur lors du vote de la loi de finances pour 1999, n'a pas encore connu de traduction législative, les autres préconisations ont été retenues :

· les différentes procédures de l'ANVAR ont été regroupées en une seule, qui sera déclinée en fonction des besoins spécifiques des PME ;

· l'effort de promotion des conventions industrielles de formation pour la recherche (CIFRE) devrait être prolongé et intensifié selon M. Henri Guillaume : M. Vincent Courtillot, directeur de la recherche au ministère de l'Éducation nationale, a dit à votre Rapporteur avoir reçu les moyens de financer l'aide à l'embauche de 250 post-doctorants en 1999. Il dispose des mêmes crédits pour 2000.

b) Le recentrage des financements publics nationaux à la recherche et au développement

Après avoir mesuré la part énorme des financements publics revenant aux grands groupes liés à la Défense (83 % des financements publics pour une dizaine de grands groupes), M. Henri Guillaume fait trois propositions, qui n'ont pas été prises en compte :

· mettre en place une instance interministérielle de pilotage et de suivi des crédits de financement de la recherche et développement, qui aurait notamment pour tâche d'éviter les doubles emplois vers les grands groupes et d'organiser la recherche duale ;

· créer un dispositif analogue au système existant aux États-Unis, qui réserve aux PME une part des marchés publics civils et militaires ;

· assortir toute aide à un grand groupe d'une évaluation a posteriori visant à vérifier si les « termes de l'échange » ont bien été respectés.

c) Améliorer l'articulation des aides

Cette nécessité est soulignée au niveau des aides régionales et entre aides nationales et crédits communautaires. Deux recommandations d'ordre institutionnel sont ainsi formulées :

· simplifier le dispositif de financement régional des PMI avec d'un côté un dispositif de soutien à l'innovation et au développement technologique, géré par l'ANVAR, et de l'autre un dispositif de soutien au développement industriel et à l'exportation, géré par les DRIRE et les DRCE ;

· doter le ministère chargé de la recherche d'une cellule de synthèse et de suivi de la réalisation du Programme cadre de recherche-développement, afin d'organiser une réelle complémentarité et d'éviter les doubles emplois.

Parmi les recommandations qui n'ont pas encore été mises en _uvre, certaines ont retenu plus particulièrement l'attention de votre Rapporteur, qu'elles complètent avantageusement des mesures existantes ou qu'elles abordent des problèmes non traités. Votre Rapporteur souhaite en formuler de nouvelles, qui concernent la fiscalité et l'organisation de la recherche au niveau national, comme le volet européen des incitations financières. Toutes ont en commun de placer l'innovation au centre des politiques publiques, pour en faire la première source de créations d'emploi.

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CHAPITRE IV

DE NOUVELLES MESURES DE STIMULATION
SONT NÉCESSAIRES

À la suite d'une étude comparative entre dix pays, le Commissariat général du Plan met en évidence, dans son rapport consacré à la recherche et l'innovation (21), quatre facteurs clés de l'innovation :

· l'aspect organisationnel du système, où il distingue les « quatre C » : la culture nationale, le consensus des acteurs, la cohérence des actions et leur continuité ;

· la dynamique du système, qui consiste en l'élaboration d'une vision prospective commune, la logique nationale, les mécanismes de décision, les processus d'évaluation ;

· l'environnement, dans ses différentes composantes économique et financière, juridique et réglementaire, ainsi que le facteur taille ;

· les acteurs : universités, organismes publics de recherche, PME, État, régions, Europe...

Il convient donc de tenter d'influencer les différents facteurs en jeu à travers des actions que votre Rapporteur a souhaité présenter autour de quatre axes : l'accès aux compétences, l'accès au financement, l'accès au marché et la résolution des blocages institutionnels.

I.- ACCÈS AUX COMPÉTENCES

A.- COMPLÉTER LA FORMATION

Deux constats sont revenus sans cesse au cours des entretiens conduits par votre Rapporteur dans le cadre de la préparation de ce rapport, dont il a tenu à faire figurer des résumés en annexe, après accord des personnes auditionnées : l'innovation souffre en France de freins culturels et les chercheurs français connaissent mal le monde de l'entreprise. Ces deux états de fait sont certainement liés : l'innovation n'apparaissant pas comme un objectif prioritaire, les chercheurs restent souvent dans la sphère de la recherche fondamentale ; n'étant formés ni à la création ni à la gestion d'entreprises, ils ne sont guère tentés par des expériences entrepreneuriales qui leur semblent risquées.

Alors que la nouvelle loi sur l'innovation et la recherche facilite le passage entre monde de la recherche et monde de l'entreprise, il est nécessaire de familiariser les chercheurs avec le management afin de leur faire mieux comprendre les règles de fonctionnement et les impératifs auxquels les entreprises sont soumises.

M. Jean-Jacques Lehmann, directeur de la recherche chez Saint-Gobain (22), a reconnu la nécessité, évoquée par votre Rapporteur, d'une double formation et du décloisonnement des formations. Il a regretté que cela se limite souvent à quelques cours de formation au monde des affaires dans un cursus scientifique et a suggéré que des écoles de commerce soient considérées comme écoles d'application de l'école Polytechnique, comme c'est le cas des MBA étrangers.

Votre Rapporteur propose donc une série de mesures, faciles à mettre en place, destinées à orienter plus nettement vers l'innovation les formations données dans le cadre des grandes écoles comme des universités :

· privilégier les savoirs innovants parallèlement aux savoirs classiques, en conduisant une réflexion sur la finalité des travaux effectués ;

· renforcer les travaux pratiques ;

· préparer les chercheurs à un travail non académique : rendre obligatoire pendant la période de la thèse un stage de gestion ou de marketing, de préférence dans des entreprises qui démarrent ;

· préparer les étudiants des écoles de commerce à la gestion de l'innovation ;

· favoriser les doubles parcours, notamment en accordant la possibilité que les écoles commerciales soient écoles d'application de l'École polytechnique, et les formations mixtes, à l'exemple de la formation pilote assurée à l'Université de Grenoble I qui associe au management  ingénierie de la santé et biologie ;

· briser l'échelle de valeur persistante selon laquelle les meilleures thèses se feraient sur des sujets de recherche tandis que l'innovation puis la technologie n'offrirait que des thèmes de moindre intérêt ;

· encourager dans les universités et les grandes écoles la mise en place de modules d'initiation à la création d'entreprise, dans toutes les filières ;

· retenir le critère de l'expérience de la vie en entreprise pour le recrutement d'ingénieurs, chercheurs ou professeurs dans les universités.

Cette formation à l'innovation ne doit pas se limiter aux technologies innovantes, mais s'étendre aussi aux technologies matures. Le secteur traditionnel a en effet un fort potentiel d'innovation.

Au-delà du contenu même de l'enseignement, il faut que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche soient attentifs aux traductions de leurs activités dans le monde de l'entreprise. Aussi serait-il utile de demander aux organismes publics concernés (établissements industriels et commerciaux, établissements publics scientifiques et technologiques, universités, grandes écoles) de dresser un bilan annuel comportant les nombres de créations d'entreprises par essaimage, de brevets déposés, de sorties de thèse, d'emplois générés.

Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) expérimente depuis plusieurs années l'association des établissements de recherche aux créations d'entreprise. Elle passe par l'intervention de sa filiale CEA-Valor qui apporte des fonds propres aux start-up ; il serait intéressant de pousser cette logique jusqu'au bout en lui ouvrant la possibilité de prendre des parts du capital de la société dont elle soutient la création.

B.- FACILITER LE RECRUTEMENT DES PERSONNELS FORMÉS

Une fois les compétences acquises, encore faut-il que les entreprises, qu'elles aient des activités particulièrement innovantes ou qu'elles souhaitent innover dans un secteur traditionnel, aient les moyens d'y avoir recours. C'est en cela que les aides à l'embauche peuvent jouer un rôle important, et que les stock-options trouvent une justification.

1.- SIMPLIFIER LES AIDES À L'EMBAUCHE DE PERSONNELS QUALIFIÉS

L'aide au recrutement des cadres (ARC) est un outil adapté, mais dont l'utilisation doit être facilitée. L'ARC pourrait présenter trois volets :

· l'ARC Innovation permettrait d'aider le recrutement de chercheurs ou de techniciens ;

· l'ARC Commercial faciliterait l'embauche de cadres commerciaux, qui pourraient notamment travailler à l'export ; elle soutiendrait les jeunes entreprises qui doivent embaucher des commerciaux et développer un réseau commercial, afin de transformer leur réussite technologique en succès commercial ;

· l'ARC Développement serait destinée au recrutement de cadres industriels.

Pour aider les entreprises de petite taille ou dont les besoins en personnel très qualifié sont limités, la procédure ARC pourrait être étendue au recrutement partiel de cadres venant de grands groupes.

Votre Rapporteur souhaiterait même aller encore plus loin dans la simplification des aides à l'embauche des personnels occupés à la recherche, au développement et à l'innovation, en mettant en place des baisses de charges sociales sur leurs salaires, dès lors que la qualité d'« entreprise innovante » a été reconnue à l'entreprise en question, selon les critères retenus pour définir les entreprises dont les actions peuvent entrer dans un Fonds commun de placement à risque.

Enfin, il est nécessaire de favoriser la rencontre entre offre et demande de personnels qualifiés : des lieux d'information où les cadres pourraient avoir connaissance des besoins des entreprises innovantes, en particulier en matière de management, faciliteraient l'accès aux ressources humaines des start-up. L'État pourrait même recruter des chasseurs de têtes qui mettraient en relation des managers et des chercheurs créateurs d'entreprise : cela permettrait de faciliter la constitution du « couple scientifique-gestionnaire » dont Dominique de Lapparent(23) souligne l'importance au moment de la création d'une entreprise technologique.

2.- RÉVISER LE RÉGIME FISCAL DES STOCK-OPTIONS

Inspiré du système des « stock-options plan » pratiqué aux États-Unis, le régime d'options de souscription ou d'achat d'actions permet à des salariés ou dirigeants d'entreprise de souscrire ou d'acheter, à des conditions avantageuses, des actions de la société qui les emploie ou d'autres sociétés du même groupe. Le bénéficiaire ne doit pas céder ses actions dans les cinq ans suivant la date d'attribution.

Ce dispositif est très motivant pour ces bénéficiaires, et précieux pour les entreprises jeunes qui peuvent ainsi rémunérer leurs cadres, notamment, par un pari sur la valeur future de leur titre.

Lorsque la condition d'indisponibilité de cinq ans est remplie, et que l'option prend une forme nominative, l'avantage tiré de la levée de l'option est soumis à une taxation renforcée. Conformément à l'article 200 A 6 du code général des impôts, résultant de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995, le taux de l'impôt sur le revenu est de 30 % pour les options attribuées depuis le 20 septembre 1995, auxquels s'ajoutent 10 % de prélèvements sociaux, soit un total de prélèvements de 40 %.

Cette fiscalité est donc relativement lourde : elle pèse particulièrement sur les salariés, et pas seulement les dirigeants, des sociétés innovantes dans la mesure où ce sont ces dernières qui utilisent le plus souvent et le plus largement le mécanisme des stock-options. Alors que la plupart des entreprises qui distribuent des stock-options le font essentiellement au profit de leurs cadres supérieurs, les entreprises innovantes font un usage plus « démocratique » de ce dispositif qui leur permet d'augmenter de façon significative et individualisée le revenu de leurs salariés et d'entretenir l'état d'esprit « pionnier » qui les caractérisent. Il leur permet de pallier le caractère limité des moyens dont elles disposent, au moment de leur création, pour rémunérer leurs personnels en leur accordant par ce biais des plus-values futures. Le rapport de MM. Balligand et de Foucauld(24) met ainsi l'accent sur la spécificité de la situation des entreprises de croissance : « dans ce cas, l'attribution des options est beaucoup plus généralisée et la transparence est de mise ».

De plus, leur fiscalité étant moins lourde dans les pays anglo-saxons, la France risque de devoir subir les conséquences négatives de ses taux de taxations : grande sera la tentation, pour les chercheurs et les ingénieurs, qui parlent anglais et sont souvent prêts à tenter des expériences à l'étranger, d'offrir leur connaissance et leur motivation au service d'autres pays. Sur ce point, MM. Balligand et de Foucauld tentent une comparaison avec la situation des principaux partenaires de la France et concluent que la fiscalité sur les stock-options y est soit allégée, soit normale, jamais plus élevée. Aussi reconnaissent-ils en conclusion que « tout renforcement de la fiscalité des options entamerait donc la compétitivité des entreprises françaises confrontées à l'internationalisation des emplois qualifiés ».

Votre Rapporteur se félicite des premières mesures sur les stock-options votées par votre Assemblée dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

Elles prévoient de porter de 40 à 50 % la taxation des plus-values supérieures à un million de francs, au terme du délai d'indisponibilité des actions, rabaissé de cinq à quatre ans. Elle est maintenue à 40 % pour les plus-values inférieures.

Si, après le délai, le bénéficiaire conserve au moins deux ans ses actions, la taxation est également fixée à 40 % pour les plus-values supérieures à un million de francs et allégée à 26 % pour les plus-values inférieures.

Votre Assemblée a également adopté la pérennisation et l'élargissement à tous les secteurs d'activité du dispositif des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE, stock-options prévues pour les entreprises innovantes et taxées à 26 %).

Votre Rapporteur souhaiterait toutefois favoriser davantage le développement des stock-options pour les jeunes entreprises et les sociétés innovantes, ce qui leur permettrait de mieux rémunérer l'ensemble de leurs employés, en proposant un pari sur une réussite commune : en intégrant les stock-options comme éléments de rémunération ouverts à la négociation sociale et donc « transparents » et en continuant à alléger leur taxation en tenant compte de la durée de possession de l'action et du montant des plus-values.

Parallèlement, votre Rapporteur estime qu'il est indispensable de mener une action au niveau communautaire afin de combattre la mauvaise image de ce type de dispositif d'intéressement, liée aux abus stigmatisés, à juste titre, par les médias. Plutôt qu'un discours moralisateur conduisant à une critique virulente qui néglige les différences de situations, il convient de favoriser l'orientation de l'épargne individuelle vers les entreprises les plus créatrices d'emplois : lorsqu'il favorise le développement d'entreprises innovantes, le système des stock-options est justifié et même indispensable. Il faut que la France, mais aussi l'Europe dans son ensemble, en prennent conscience.

C.- STIMULER L'ESPRIT D'ENTREPRISE

Même si la formation s'ouvre d'avantage à l'innovation, il est clair que cette dernière est ralentie par l'importance du risque pris par le créateur d'entreprise innovante, le risque, inhérent à toute création d'entreprise, étant accru par les incertitudes entourant un produit ou un procédé nouveau.

Il faut donc absolument stimuler ce qu'on appelle l'esprit d'entreprise, et le fait que cette exigence soit exprimée par un homme de gauche n'a rien de surprenant.

Votre Rapporteur partage en effet l'opinion de M. Christian Pierret sur cette question : « L'entreprise n'est pas une " valeur " en soi, c'est une organisation humaine. Mais l'esprit d'entreprise, lui, doit être de gauche. La prise de risque, l'initiative individuelle, la responsabilité personnelle, le goût du succès, y compris s'il se traduit par la réussite financière, tout cela est noble et peut être associé à la gauche. Je dis que l'esprit d'entreprise est une valeur de gauche, mais à une condition : que cette démarche n'oublie jamais la justice sociale. Plus d'esprit d'entreprise pour lutter davantage contre l'exclusion, oui ; plus d'esprit d'entreprise pour plus d'individualisme, non. »(25)

1.- ASSURER UNE SÉCURITÉ MINIMALE AU CRÉATEUR D'ENTREPRISE

Les mesures prises dans le cadre de la loi sur la recherche et l'innovation ont réduit l'ampleur du risque pour les chercheurs fonctionnaires ; il convient d'aller plus loin et de réduire les conséquences de la prise de risque pour l'ensemble des créateurs d'entreprise.

Cette nécessité est déjà soulignée dans le rapport d'information(26) de M. Éric Besson, Pour un plan d'urgence d'aide à la création de « très petites entreprises ». Il estime que « parce que le créateur d'entreprise est potentiellement porteur de richesses, pour lui-même comme pour la collectivité, notre système de couverture sociale doit être adapté afin d'encourager le risque maîtrisé, le " partage du risque " (...) entre l'entrepreneur et la collectivité ». Aussi préconise-t-il d'atténuer la vulnérabilité du créateur au cours de différentes phases de développement de la nouvelle entreprise et de lui garantir une couverture sociale.

Dans le même esprit, votre Rapporteur souhaite vivement que les créateurs d'entreprises innovantes puissent bénéficier de garanties minimales : couverture sociale en cas d'échec, inscription limitée sur les registres de la Banque de France, alignement en matière d'assurance chômage du régime des salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise sur celui des salariés licenciés (droits à indemnisation, couverture sociale). En cas d'échec d'une création d'entreprise, l'entrepreneur doit pouvoir revenir facilement dans l'entreprise ou dans le laboratoire qu'il a quitté pour tenter sa chance.

2.- DÉVELOPPER LE « PARRAINAGE » DE START-UP PAR DES GRANDS PATRONS

En plus d'une sécurité minimale, le créateur d'entreprise innovante a besoin de conseils et d'encouragements. Votre Rapporteur défend l'idée de la participation de grands patrons au conseil d'administration des start-up. Cette proposition d'un « parrainage » a obtenu un avis favorable de la part de représentants du monde des entreprises et de tous les ministres interrogés(27). Même si les moyens de stimuler ce type d'initiatives ne semblent pas évidents, un dispositif d'allégement fiscal constitue la solution que préconise votre Rapporteur. Mme Marylise Lebranchu a témoigné de son intérêt pour cette idée et pense que l'incitation pourrait passer par l'attribution d'une participation au capital des start-up aidées.

L'expérience menée actuellement avec succès dans sa circonscription témoigne de la faisabilité de la proposition de votre Rapporteur. La présence de grands patrons est susceptible de stimuler la qualité des projets présentés et le partage de leur expérience ne peut être qu'enrichissant pour de jeunes entrepreneurs. En cas de difficultés, les patrons expérimentés pourront utiliser leurs relations pour donner le « coup de pouce » permettant de traverser la crise le mieux possible.

II.- ACCÈS AU FINANCEMENT

S'il se heurte à des obstacles réels dans le cas des « très petites entreprises » qui intéressent M. Éric Besson, l'accès au financement est aussi un problème majeur pour les créateurs d'entreprises innovantes et l'existence du « Nouveau marché » français, qui leur est réservé, ne suffit pas à le résoudre. Aussi votre Rapporteur souhaite-t-il voir envisagée, au niveau européen, la création d'un marché européen des entreprises innovantes sur le modèle du Nasdaq américain, c'est-à-dire ouverts également aux entreprises de haute technologie qui ont atteint une taille importante et dont la présence dynamise le marché.

Au niveau national, l'accès au financement peut être favorisé par des mesures visant à rendre plus attractive la prise de risque pour faciliter le financement de start-up, tandis que l'amélioration du crédit d'impôt recherche est susceptible de soutenir efficacement l'innovation dans des entreprises déjà constituées.

A.- RENDRE PLUS ATTRACTIVE LA PRISE DE RISQUE

Les entreprises, et en particulier les entreprises innovantes, ont besoin de fonds pour assurer leur démarrage. Or elles se heurtent à la prudence des détenteurs de capitaux, que le risque effraie, à moins qu'il ne soit confortablement rémunéré. Des mesures fiscales ou réglementaires s'imposent donc pour résoudre cette difficulté.

1.- AIDER LES BUSINESS ANGELS

L'exemple des États-Unis pourrait utilement inspirer un allégement de la fiscalité en suivant plusieurs axes :

· déplafonner la réduction d'impôt pour les particuliers investissant dans les entreprises innovantes. Aux États-Unis, les tickets d'entrée apportés par des particuliers se situent entre 100.000 et 200.000 dollars ;

· favoriser l'émergence de sociétés de financement de proximité, et y associer les conseils de business angels plus expérimentés que les créateurs d'entreprise ;

· ne pas faire supporter l'impôt sur les sociétés aux investisseurs particuliers dans les entreprises innovantes, tant qu'il n'a pas été réalisé de plus-value ;

· limiter l'imposition des capitaux réinvestis dans des entreprises innovantes, la taxation n'intervenant qu'en cas de sortie du circuit ;

· permettre l'établissement d'un déficit fiscal en cas d'échec de l'entreprise innovante ;

· assurer la liquidité du placement en assurant des possibilités de rachat.

Votre Rapporteur se félicite de la mesure figurant dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 actuellement en discussion, relatif à l'aménagement du régime de report d'imposition des plus-values de cession de titre dont le produit est investi dans les fonds propres d'une jeune entreprise. La limite de participation dans le capital de la société dont les titres sont cédés sera ramenée de 10 % à 5 % et la période pendant laquelle le cédant a été dirigeant ou salarié de cette même société sera réduit de 5 ans à 3 ans.

2.- MODIFIER LA FISCALITÉ PESANT SUR LE CAPITAL-RISQUE

Il semble possible, et positif, d'aller encore plus loin que les mesures récentes prises en faveur du capital-risque autour de la création des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) :

· assimiler les parts des professionnels de capital risque dans les FCPI à celles des personnes physiques, alors que la réduction d'impôt (art. L. 99 terdecies-0 A, VI du code général des impôts) est aujourd'hui réservée à ces dernières ;

· allonger d'un an le délai fixé aux FCPI pour atteindre le seuil de 60% des actifs investis en titres de sociétés innovantes ;

· améliorer le statut fiscal des sociétés de capital-risque : on peut en effet regretter sa complexité, le caractère excessif des exigences l'accompagnant et le fait que les personnes physiques ne puissent être exonérées que sur les distributions et non sur les plus values de cession, comme c'est le cas pour les fonds communs de placement à risque.

Enfin, si les premières mesures au résultat encourageant ont déjà été prises en faveur du développement des fonds d'amorçage et si la simplification du statut des sociétés de capital-risque est de nature à le stimuler, il est important que l'État ou les acteurs qui lui sont liés, tels la Caisse des dépôts et consignations et France Télécom, s'impliquent plus directement dans les fonds d'amorçage afin de montrer l'exemple et d'apporter leur caution.

B.- ADAPTER LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE

1.- DES AJUSTEMENTS AU SYSTÈME DU CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE

Le CIR a été reconduit pour la période 1999-2003 par l'article 91 de la loi de finances pour 1999, sans que ses mécanismes soient profondément modifiés. Plusieurs modifications pourraient leur être apportées pour renforcer son objectif d'incitation :

· lisser l'évolution des dépenses de recherche sur plusieurs années ou apprécier l'accroissement en valeur relative du chiffre d'affaires ;

· permettre la mobilisation du CIR en transformant le droit à restitution en créance mobilisable ;

· ne pas pénaliser les entreprises de croissance dont la localisation géographique ne correspond pas aux zones d'aménagement du territoire ou aux territoires ruraux de développement prioritaire en ramenant, pour toutes les entreprises, à 100 % le taux de prise en compte des dépenses de personnel qualifié pour la recherche, et recruté à ce titre ;

· réserver le bénéfice du CIR aux PME en abaissant le plafond par groupe à 100 millions de francs. Cela permettrait un redéploiement d'une partie des fonds ainsi libérés au profit des entreprises innovantes, dans le cadre d'un dispositif qui leur serait plus directement destiné.

2.- VERS UN CRÉDIT D'IMPÔT INNOVATION ?

C'est aussi aux PME-PMI que votre Rapporteur souhaite que soit destiné le crédit d'impôt innovation qu'il appelle de ses v_ux. Celui-ci ne viserait pas les dépenses de recherche entendues au sens strict mais toutes les dépenses liées à la mise au point de services et de produits innovants, notamment l'analyse de marché, les prototypes, les dépenses de marketing, mais aussi les frais de brevets et de propriété industrielle, voire, à terme, les frais de traduction et de défense du brevet.

Cette idée a été approuvée par M. Alain Bravo, directeur de la Recherche (28) chez Alcatel, lors de son entretien avec votre Rapporteur. Il estime en effet qu'il manque aujourd'hui, à côté du CIR, une mesure qui pousse l'entrepreneur à accompagner les transferts de technologies par un effort de marketing comparable à l'investissement en équipement. Pour aider la création d'emplois dans les services innovants, il faut donner aux entreprises les moyens de financer des campagnes de marketing : il faut savoir conquérir un abonné tout comme on a su l'équiper. Or les banquiers, comme le CIR, prennent mal en compte cette nécessité. Un amortissement fiscal différencié pour ces investissements permettrait d'accroître les chances de vendre le produit innovant.

M. Alain Bravo ne tient pas compte ici du fait que cette aide serait réservée aux PME-PMI, mais il souligne l'intérêt d'un dispositif prenant en compte le volet de marketing, trop souvent négligé par les dispositifs publics de soutien à l'innovation, et dont souffrent surtout les PME qui ont, moins que les grandes entreprises, la « culture » du marketing.

Un tel besoin existe sans nul doute, comme en témoigne le fait que 80 % des échecs d'entreprises aidées par l'ANVAR soient des échecs commerciaux, et non technologiques.

Un crédit d'impôt spécifique au dépôt et à la maintenance des brevets en France et dans le monde pourrait, de plus, être fixé à 25 % des dépenses entraînées par ce dépôt.

III.- ACCÈS AU MARCHÉ

A.- METTRE EN ADÉQUATION LA RECHERCHE ET LES BESOINS DES ENTREPRISES

Il est nécessaire de rapprocher le monde de la recherche du monde de l'entreprise, et donc des besoins du marché. La loi sur la recherche et l'innovation a facilité le passage des chercheurs de l'un à l'autre, mais il est urgent de permettre une meilleure connaissance des besoins du marché par les chercheurs pour que l'objet même de la recherche puisse entraîner plus directement l'innovation, sans évidemment renoncer pour autant à la recherche fondamentale.

Plusieurs voies peuvent être suivies, séparément ou de manière concomitante :

· introduire dans l'évaluation des chercheurs de nouveaux critères liés à la valorisation de la recherche, tels que les brevets déposés, les partenariats industriels, la participation à des transferts de technologie ;

· favoriser la création d'unités mixtes entre le CNRS et des PME ;

· systématiser la présence d'industriels dans les comités scientifiques des laboratoires publics ;

· généraliser la notion de contractualisation dans les commandes publiques de recherche ;

· mener une réflexion stratégique au sein de l'administration sur les thèmes à accompagner ;

· favoriser les appels à projets ouverts au privé et au public.

B.- MIEUX ORIENTER LES AIDES

Toute réflexion sur les aides, en l'occurrence les aides à l'innovation, passe d'abord par la réalisation d'un bilan complet qui mesure en particulier leur efficacité en termes d'accélération du transfert de technologie, de créations d'emploi et d'accroissement de valeur.

Dans l'état actuel de nos connaissances, deux préconisations peuvent être formulées : il faut revoir les critères de sélection des entreprises aidées, au niveau national, et réorienter les aides communautaires au profit des zones novatrices.

1.- DES CRITÈRES DE SÉLECTION À REVOIR

Il apparaît, et M. Henri Guillaume le souligne dans son rapport, que la plupart des grandes aides (IMOVAX avec l'Institut Pasteur, BIOAVENIR avec Aventis, aide à la filière électronique...) s'adressent en priorité aux grands groupes leaders du secteur, et, ce, au nom de l'intérêt national.

Votre Rapporteur estime qu'il serait préférable de :

- ouvrir ces aides à tous les acteurs du secteur ;

- faire du partenariat avec des PME un critère d'attribution ;

- évaluer ces dispositifs a posteriori, en prenant la création d'emplois comme critère essentiel.

De plus, parmi les critères de choix des programmes de recherche aidés par l'État, devraient être pris en compte le potentiel d'innovation et le nombre d'emplois susceptibles d'être créés, tandis que les résultats seraient nettement améliorés si toute aide à l'innovation était systématiquement assortie d'un volet commercial.

L'aide ne doit pas être seulement financière : elle passe aussi par la diffusion de l'information nécessaire aux PME, lesquelles ont besoin de réponses pratiques, concrètes et rapides, ce qui pourrait être offert par un guichet unique. Dans cette perspective, votre Rapporteur est favorable à ce que l'expérience de l'Agence régionale Rhône-Alpes du numérique soit étendue à l'ensemble du territoire et aux principaux secteurs innovants.

Enfin, dans la mesure où il existe de réelles possibilités d'innovation dans les services, celle-ci doit être encouragée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

2.- DES AIDES COMMUNAUTAIRES À RÉORIENTER VERS LES ZONES D'INNOVATION

Si l'Union européenne entend désormais faire des aides à l'innovation un instrument en faveur de la cohésion, c'est en favorisant le développement technologique des zones qui souffrent de retards économiques. Or, il apparaît qu'elles ne sont pas les mieux à même d'abriter des activités innovantes dans la mesure où l'innovation naît de plus en plus souvent d'interactions entre recherche publique, grands groupes et PME-PMI situés dans la même zone géographique. Les zones en retard de développement se prêtent donc mal à ces échanges fructueux.

Votre Rapporteur souhaite voir s'imposer une nouvelle conception de la politique européenne dans ce domaine. Il estime qu'il n'est plus acceptable que les régions de haute technologie, les mieux placées pour la création de nouveaux emplois, soient exclues de l'éligibilité aux fonds communautaires. Il propose donc que la France défende au niveau communautaire à la fois l'accroissement des aides à l'innovation et leur orientation vers les zones de développement des nouvelles technologies. Il s'agirait d'ouvrir plus largement et clairement le bénéfice d'aides spécifiques aux régions innovantes, sans revenir pour autant sur les principes de base de l'Union européenne, en faveur du rééquilibrage régional.

Afin de soutenir la création de petites entreprises innovantes, mais aussi la croissance, grâce à l'innovation, d'entreprises de tous les secteurs, l'Union européenne doit assouplir la définition qu'elle donne des PME. En effet, les rigoureux critères de taille privent les entreprises moyennes du bénéfice des aides accordées aux seules PME au sens communautaire du terme.

De plus, pour être plus efficaces, les aides européennes à la recherche et au développement devraient voir leur distribution régionalisée, comme c'est le cas des aides à la conversion ou des aides du FEDER. Plus proches du terrain, les régions pourraient jouer un rôle de trait d'union entre les PME et l'Union européenne.

IV.- DES BLOCAGES INSTITUTIONNELS À RÉSOUDRE

Nous avons vu que les recommandations d'ordre institutionnel sont celles qui ont été le plus négligées parmi les propositions faites dans les conclusions du rapport Guillaume. En leur sein, votre Rapporteur tient à attirer l'attention sur celles qui lui semblent les plus pertinentes.

A.- SIMPLIFIER ET RENDRE PLUS LISIBLE LE DISPOSITIF D'AIDE

1.- RÉORGANISER LES STRUCTURES PUBLIQUES DE TRANSFERT

Il existe aujourd'hui une multiplicité de structures d'aide au transfert de technologie qui sont peu lisibles pour les PME. Il faut ainsi réorganiser les structures de recherche technologique en créant des centres régionaux de transfert de technologie (CRTT) qui présenteraient l'avantage d'être :

- une structure unique ;

- au niveau régional, en liaison avec les collectivités concernées ;

- pluridisciplinaires ;

- financés partiellement sur fonds publics

- associés aux grands acteurs de la recherche publique, ce qui les poussera à améliorer leur offre ;

- en coordination avec les délégations régionales de l'ANVAR.

2.- COORDONNER LES DIFFÉRENTS ACTEURS AU NIVEAU RÉGIONAL

La région doit être le moteur de l'action de l'État en faveur des entreprises. Or, en région, coexistent actuellement trois entités principales en charge de la recherche et de la technologie :

- la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) ;

- la délégation régionale à la recherche et la technologie (DRRT) ;

- le délégué régional de l'ANVAR.

Ces trois entités ont un poids variable et gèrent chacune leurs procédures d'aides.

Il serait souhaitable de faire émerger au sein des administrations régionales un véritable directeur régional de la recherche technologique

Cette clarification des structures peut aller d'un simple logement sous le même toit (comme c'est déjà souvent le cas) jusqu'à une fusion des trois rôles dans une seule administration.

Ainsi deux options peuvent être choisies :

- une ANVAR gestionnaire de la plupart des aides à l'innovation, la décision de fond relevant des DRIRE : cette solution permettrait de garder l'avantage lié à la souplesse de l'externalisation de la gestion des crédits ;

- une ANVAR mieux intégrée au ministère de l'Économie, qui bénéficierait d'un transfert des compétences sur le fond.

Enfin, il conviendrait d'élargir le champ de compétence des DRIRE au suivi industriel effectué traditionnellement par les directions régionales de l'équipement, en matière de transports et de bâtiment et travaux publics, et les directions régionales de l'agriculture et de la forêt, pour ce qui concerne le secteur agro-alimentaire. Ces secteurs, tout aussi innovants que les autres, sont en effet relativement négligés par l'action des pouvoirs publics.

C'est aussi au niveau régional que pourrait être mis en place l'équivalent de la small business administration américaine. Alors que personne n'est aujourd'hui en mesure, en France, de comptabiliser les emplois « innovants » dans une région, un observatoire régional des PME, qui serait doté d'un pouvoir de proposition et du droit de donner son avis, pourrait notamment faire le bilan des aides publiques aux entreprises, analyser leurs effets, et proposer des simplifications administratives ou des mesures de rationalisation en se fondant sur l'expérience du terrain.

B.- DÉVELOPPER LES RÉSEAUX

Les réseaux, qui peuvent d'ailleurs être aussi bien nationaux qu'internationaux, et en particulier européens, constituent d'intéressants stimulants pour l'innovation.

M. Alain Bravo se réjouissait ainsi du fonctionnement du réseau national de recherche en télécommunications (RNRT), né au moment de la séparation de France Télécom et de La Poste, qui présente à ses yeux l'immense avantage de stimuler la communauté scientifique dans ce domaine et de renforcer le dynamisme des industriels. Il a pourtant déploré la faiblesse de ses moyens, l'enveloppe budgétaire assurant son fonctionnement étant limitée à 260 millions de francs.

Votre Rapporteur souhaite que la constitution de tels réseaux soit favorisée, et qu'ils soient dotés de moyens suffisants, ceux du RNRT devant être renforcés.

Un réseau d'accompagnement de l'innovation serait particulièrement utile, dans la mesure où il inclurait les sciences sociales et permettrait un travail approfondi sur l'analyse de la demande, qui fait cruellement défaut actuellement.

L'un des freins à la constitution de tels réseaux à l'échelle communautaire réside certainement dans les grandes différences qui séparent les législations des pays de l'Union et rendent les collaborations délicates. Votre Rapporteur ne pense pas que soit déjà venue l'heure de la création d'un véritable statut européen de l'entreprise innovante, ce dont atteste les blocages auxquels est confronté le projet, vieux de plusieurs décennies, de création d'un statut d'entreprise européenne.

En revanche, il préconise une solution plus pragmatique : les États devraient simplement supprimer les incompatibilités de statut qui existent entre eux tandis que s'appliquerait un système d'alignement sur les normes les plus favorables. Ainsi, lorsque des entreprises de plusieurs pays travaillent en réseau, on pourrait systématiquement leur appliquer les normes les plus favorables, dans les domaines financier, bancaire, fiscal, voire social. Cette « uniformisation vers le haut » constituerait une motivation forte pour la mise en réseau.

Deux occasions de mettre en _uvre ces propositions nous seront très prochainement offertes, l'une au niveau national, l'autre au niveau communautaire.

Le projet de loi sur la régulation financière a été l'occasion de discuter des questions relatives aux stock-options. L'orientation de l'épargne salariale va faire l'objet d'un prochain débat.

Surtout, la France doit tirer profit de sa toute prochaine présidence de l'Union européenne pour mettre en avant la question de l'innovation. Si des initiatives ont déjà été prises en ce sens, beaucoup reste à faire pour favoriser la diffusion de la culture d'entreprise au niveau communautaire et pour provoquer la prise de conscience de son caractère fondamental en matière de création d'emplois.

Votre Rapporteur souhaite que la Présidence française agisse dans trois directions : l'orientation de l'épargne vers la création d'entreprises innovantes, en généralisant l'accès aux stock-options ; l'aide à la mise en réseau de PME européennes grâce à l'alignement sur les normes les plus favorables ; l'octroi de fonds structurels aux régions les plus innovantes, qui sont aussi les plus créatrices d'emplois.

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CONCLUSION : SYNTHÈSES DES PROPOSITIONS

Accès aux compétences

Compléter la formation

1.- Demander aux organismes publics concernés de dresser un bilan annuel comportant les nombres :

- de créations d'entreprises par essaimage ;

- de brevets déposés ;

- de sorties de thèse ;

- d'emplois générés.

2.- Orienter les formations des grandes écoles comme des universités  plus nettement vers l'innovation (nouvelles technologies et technologies matures) :

· Favoriser les formations mixtes et les doubles parcours, notamment en accordant la possibilité aux formations commerciales d'être écoles d'application de l'École polytechnique ;

· Préparer les chercheurs à un travail non académique : rendre obligatoire pendant la période de la thèse un stage de gestion ou de marketing, de préférence dans des entreprises qui démarrent ;

· Préparer les étudiants des écoles de commerce à la gestion de l'innovation ;

· Encourager dans les universités et les grandes écoles la mise en place de modules d'initiation à la création d'entreprise, dans toutes les filières.

Stimuler l'esprit d'entreprise

1.- Faire bénéficier les créateurs d'entreprises innovantes de garanties minimales :

· Inscription limitée sur les registres de la Banque de France ;

· Alignement en matière d'assurance chômage du régime des salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise sur celui des salariés licenciés (droits à indemnisation, couverture sociale) ;

2.- Développer et encourager la participation de grands dirigeants au conseil d'administration des start-up.

Faciliter le recrutement des personnels formés

1.- Simplifier les aides à l'embauche de personnels qualifiés

· Favoriser la rencontre entre offre et demande de personnels qualifiés : en créant des lieux d'information ou bourses d'échanges sur Internet (en particulier en matière de management) ou même en aidant le recrutement de chasseurs de têtes qui mettraient en relation des managers et des chercheurs créateurs d'entreprise ;

· Faciliter l'aide au recrutement des cadres (ARC) en le présentant en trois volets:

l'ARC Innovation pour le recrutement de chercheurs ou de techniciens ;

l'ARC Commercial pour l'embauche de cadres commerciaux,  afin d'aider la transformation d'une réussite technologique en succès commercial ;

l'ARC Développement pour le recrutement de cadres industriels.

2.- Favoriser le développement des stock-options pour les jeunes entreprises et les sociétés innovantes, ce qui leur permettrait de mieux rémunérer l'ensemble de leurs employés tout en comprimant leurs coûts et en proposant un pari sur une réussite commune :

· Intégrer les stock-options comme éléments de rémunération ouverts à la négociation sociale et donc "transparents" ;

· Alléger leur taxation en tenant compte de la durée de possession de l'action et du montant des plus-values.

Accès au financement

Envisager, au niveau européen, la création d'un marché européen des entreprises innovantes sur le modèle du Nasdaq américain.

Adapter le crédit impôt recherche

1.- Renforcer l'objectif d'incitation du crédit d'impôt recherche:

· Réserver le bénéfice du CIR aux PME en abaissant le plafond par groupe à 100 millions de francs ;

· Ne pas pénaliser les entreprises de croissance dont la localisation géographique ne correspond pas aux zones d'aménagement du territoire.

2.- Créer un crédit d'impôt innovation limité aux seules PME-PMI qui concernerait toutes les dépenses liées à la mise au point de services et de produits innovants, notamment l'analyse de marché, les prototypes, les dépenses de marketing, mais aussi les frais de brevets et de propriété industrielle, voire, à terme, les frais de traduction et de défense du brevet.

Rendre plus attractive la prise de risque

1.- Aider les business angels :

· Limiter l'imposition des capitaux réinvestis dans des entreprises innovantes, en faisant intervenir la taxation à la sortie du circuit ;

· Déplafonner la réduction d'impôt pour les particuliers investissant dans les entreprises innovantes.

2.- Améliorer le statut fiscal des sociétés de capital-risque.

Accès au marché

Mettre en adéquation la recherche et les besoins des entreprises

· Généraliser la notion de contractualisation dans les commandes publiques de recherche pour sortir de la notion de financement ;

· Favoriser les appels à projets ouverts au privé et au public ;

· Introduire dans l'évaluation des chercheurs de nouveaux critères liés à la valorisation de la recherche tels que les brevets déposés, les partenariats industriels, la participation à des transferts de technologie ;

· Favoriser la création d'unités mixtes entre le CNRS et des PME ;

· Systématiser la présence d'industriels dans les comités scientifiques des laboratoires publics.

Mieux orienter les aides

1.- Des critères de sélection à revoir

· Réorienter les grandes aides de l'État selon de nouveaux critères :

- en retenant comme critère d'attribution le partenariat avec des PME le potentiel d'innovation et le nombre d'emplois susceptibles d'être créés ;

- en évaluant ces dispositifs a posteriori, en prenant la création d'emplois comme critère essentiel ;

- en exigeant que chaque projet soit assorti systématiquement d'un volet commercial.

· Diffuser l'information nécessaire aux PME qui ont besoin de réponses pratiques, concrètes et rapides, en étendant à l'ensemble du territoire et aux principaux secteurs innovants l'expérience de l'Agence régionale Rhône-Alpes du numérique, dans la perspective d'un guichet unique ;

· Favoriser le développement de l'innovation dans les services, secteur à très fort potentiel de croissance ;

2.- Des aides communautaires à réorienter vers les zones d'innovation

· Imposer une nouvelle conception de la politique européenne dans ce domaine, en permettant que les régions de haute technologie, les mieux placées pour la création de nouveaux emplois, soient éligibles aux fonds communautaires ;

· Distribuer les aides européennes à la recherche et au développement au niveau régional, au plus proche du terrain (comme c'est le cas des aides à la conversion ou des aides du FEDER).

Des blocages institutionnels à résoudre

Simplifier et rendre plus lisible le dispositif d'aide

1.- Coordonner les différents acteurs

· Dans la perspective de guichets uniques des administrations concernées par l'innovation, créer un site Internet unique et interministériel de l'innovation qui rassemblerait l'ensemble des informations. Intégrer éventuellement à ce site, un forum virtuel qui mettrait en relation des porteurs de projets de création d'entreprises innovantes, des financeurs et des managers potentiels ;

· Faire émerger au sein des administrations régionales (ANVAR, DRIRE, DRRT) un véritable directeur régional à la recherche technologique. Les loger sous le même toit (comme c'est déjà souvent le cas) jusqu'à une fusion des trois rôles dans une seule administration.

2.- Réorganiser les structures de recherche technologique en créant des centres régionaux de transfert de technologie (CRTT) qui présenteraient l'avantage d'être :

- une structure unique, au niveau régional et en liaison avec les collectivités concernées ;

- en coordination avec les délégations régionales de l'ANVAR ;

- pluridisciplinaires ;

- financés partiellement sur fonds publics et associés aux grands acteurs de la recherche publique, ce qui les incitera à améliorer leur offre.

Développer les réseaux

1.- Créer un réseau d'accompagnement de l'innovation qui inclurait les sciences sociales et permettrait un travail approfondi sur l'analyse de la demande, qui fait cruellement défaut actuellement.

2.- Tirer profit de la toute prochaine présidence française de l'Union européenne pour mettre en avant la question de l'innovation en agissant dans trois directions :

· Orienter l'épargne vers la création d'entreprises innovantes ;

· Aider à la mise en réseau de PME européennes en supprimant les incompatibilités de statut de l'entreprise innovante au niveau européen en s'alignant sur les normes les plus favorables ;

· Octroyer des fonds structurels aux régions les plus innovantes, qui sont aussi les plus créatrices d'emplois.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 9 mai 2000, la commission des Finances a examiné le présent rapport d'information sur l'innovation en France.

M. Michel Destot, Rapporteur, a d'abord souligné l'importance qu'il y avait à faire le point sur la situation de l'innovation en France deux ans après la tenue des assises de l'innovation. Il a rappelé que de nombreux rapports avaient été consacrés à cette question, celui de M. Henri Guillaume, La Technologie et l'Innovation, qui fait référence en la matière, mais aussi, plus récemment, le livre de Mme Edith Cresson, Innover ou subir, le rapport parlementaire de M. Eric Besson sur la création de très petites entreprises, et les travaux de Mme Nicole Bricq, d'une part, de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, d'autre part.

Il a souligné le rôle moteur de l'innovation en matière de croissance et de création d'emplois. L'innovation stimule la croissance et l'apparition de nouveaux emplois, même si certains emplois deviennent parallèlement caducs, elle est au c_ur de la « nouvelle croissance », qui est une croissance riche en emplois durables et qui répond aux besoins de la société. Le Rapporteur s'est félicité du fait que la distinction entre innovation et recherche soit désormais mieux prise en compte et il a insisté sur le fait que l'innovation ne doit pas être seulement technologique mais aussi sociale.

La bonne position de la France en matière de croissance, d'inflation et de balance des paiements ne se traduit pas encore suffisamment en termes d'emplois. Cette situation est liée au fait que les conditions nécessaires à la prise de risques et à l'innovation ne sont pas réunies, même si le capital-risque a considérablement crû ces derniers mois et si la place de la France en matière de biotechnologies est très bonne. Ainsi, la position de la France en matière de recherche ne cesse de s'améliorer au sein de l'OCDE, alors que sa part dans les brevets et sa place sur le marché international régressent.

Des exemples étrangers mettent pourtant en avant l'impact de l'innovation sur la création d'emplois. Aux États-Unis, par exemple, entre 1995 et la fin de 1998, 5 millions d'emplois ont été créés dans le secteur des technologies de l'information. Le Japon s'est appuyé sur l'innovation pour sortir de la crise ; l'innovation a été le moteur du décollage économique israélien. Les montants investis dans le capital-risque en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Pays-Bas, ces derniers occupant la première place européenne en matière de capital-risque (0,17 % du produit national brut), montrent la voie à suivre. Beaucoup a déjà été fait depuis le rapport Guillaume, dont 90 % des préconisations ont aujourd'hui été mises en _uvre.

A la suite de nombreux entretiens avec les ministres compétents, des représentants du monde de la recherche et du monde des entreprises, il a pourtant semblé nécessaire au Rapporteur de présenter de nouvelles orientations pour poursuivre l'effort en faveur de l'innovation. Le premier axe à suivre concerne l'accès aux compétences : il convient d'orienter les formations vers l'innovation mais aussi de stimuler l'esprit d'entreprise, notamment par des mesures relatives à l'assurance-chômage et en faveur de la participation de grands dirigeants d'entreprise au conseil d'administration de « start-up », et de faciliter le recrutement de personnels formés de manière adéquate.

Pour ce qui est de l'accès au financement, M. Michel Destot a proposé la création d'un « crédit d'impôt innovation » sur le modèle du crédit d'impôt recherche, mais réservé aux PME-PMI et prenant en compte les dépenses liées aux études, au marketing, au design et aux prototypes. Parallèlement, la prise de risques doit être rendue plus attractive par des mesures fiscales adaptées, s'agissant notamment de la taxation des capitaux réinvestis dans les entreprises innovantes, pour lesquels il est souhaitable de ne taxer les plus values qu'à la sortie du circuit de financement, et du nécessaire déplafonnement de la réduction d'impôt pour les contribuables investissant dans les entreprises innovantes.

L'accès au marché sera plus aisé si la mise en adéquation de la recherche et des besoins des entreprises s'améliore, ce qui peut passer par la création d'unités mixtes entre le CNRS et les PME et par la présence systématique d'industriels dans les comités scientifiques des laboratoires publics. Les aides financières à l'innovation devraient être réorientées en fonction du potentiel de création d'emplois et gérées au niveau régional, plus proche du terrain. Il est souhaitable que les régions de haute technologie, les plus à même de créer de l'emploi, soient ouvertement éligibles à certains fonds communautaires dont elles sont actuellement privées. Enfin, le dispositif d'aide doit être simplifié et rendu plus lisible. Il convient d'envisager un rapprochement des structures dépendant actuellement de divers ministères, voire une fusion à terme. Il est souhaitable qu'un site Internet unique soit instauré, ce qui facilitera les réponses aux demandes des entreprises.

La prochaine présidence française de l'Union européenne offre l'occasion de mettre en avant la question de l'innovation, dans le cadre de l'ensemble des politiques communautaires.

M. Didier Chouat s'est demandé si la proposition du Rapporteur consistant à orienter davantage les aides communautaires vers les secteurs fortement innovants ne remettait pas en cause toute la philosophie qui sous-tend l'action européenne, qui s'était jusqu'à présent attachée à favoriser le rattrapage des territoires en difficulté.

M. Éric Besson s'est félicité de la qualité et de la cohérence du travail accompli par le Rapporteur, tout en jugeant assez iconoclaste sa proposition de redéployer les fonds communautaires destinés aux zones défavorisées vers les secteurs innovants. Il a souhaité savoir si le Rapporteur avait pu avoir accès à des statistiques récentes permettant d'éclairer la question controversée du rapport entre l'innovation et la création d'emplois et si les critiques sur l'absence d'un plan ambitieux de développement des « incubateurs » étaient fondées.

Le Président Henri Emmanuelli a ajouté que des économistes américains avaient, depuis 1998, émis des doutes sur le lien entre les créations d'emplois et les entreprises innovantes.

M. Thierry Carcenac a indiqué qu'aux États-Unis et en Israël, la césure entre l'éducation, la science et les loisirs était moins affirmée qu'en France et que ceci se traduisait par une optimisation de l'utilisation des équipements informatiques et scientifiques. Il a souhaité que l'on développe une ouverture à l'innovation dans la formation initiale, notamment par la mise à disposition de matériels informatiques dans le système scolaire.

Le Rapporteur a alors apporté les réponses suivantes :

- Il faut élargir le bénéfice des fonds européens aux secteurs ou aux zones de haute technologie sans remettre en cause le principe du soutien à la reconversion des territoires en difficulté ; la France trouvera son compte à cette ouverture limitée qui évitera des détournements de procédure au titre du soutien à la recherche.

- On ne dispose pas encore d'un bilan précis de l'action des « incubateurs » créés en France en raison de leur faible nombre et de leur récente existence ; en dépit de ce faible nombre, les résultats sont cependant prometteurs ; une des questions qui se pose est celle de la formation adéquate des dirigeants de nouvelles entreprises, l'observation des expériences comparables à l'étranger et notamment au Royaume-Uni montre que le recours aux « incubateurs » permet d'atténuer les risques et les ruptures que rencontrent traditionnellement les entreprises naissantes, entre l'apparition d'une découverte scientifique et la consolidation de la société qui a été créée pour l'exploiter.

- Les données fournies par des enquêtes et publiées dans le rapport démontrent l'impact positif de l'innovation sur l'emploi en France au moins pour les périodes de 1990-1998.

La Commission a enfin autorisé la publication du rapport d'information sur l'innovation en France.

A N N E X E

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COMPTES RENDUS DES ENTRETIENS
RÉALISÉS PAR VOTRE RAPPORTEUR

1.- REPRÉSENTANTS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE
ET DU SOUTIEN PUBLIC À L'INNOVATION

Les ministres

· M. Claude ALLÈGRE, ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et la Technologie

· Mme Marylise LEBRANCHU, secrétaire d'État aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce et à l'Artisanat ; M. Claude FORGET, conseiller technique pour les question d'innovation

· M. Christian PIERRET, secrétaire d'État à l'Industrie ; Mme Jeanne SEYVET, directrice de la DiGITIP ; M. Jérôme DELPECH, directeur de cabinet

· M. Christian SAUTTER, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

Les hauts fonctionnaires

· Mme Catherine BRÉCHIGNAC, directrice générale du Centre national de la recherche scientifique ; M. Jean-Jacques GAGNEPAIN, directeur de la délégation aux entreprises du CNRS ; M. Joseph BAIXERAS, adjoint du directeur de la délégation aux entreprises

· M. Pascal COLOMBANI, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, ancien directeur technologique au ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (rencontres informelles)

· M. Vincent COURTILLOT, directeur de la recherche au ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie

· M. Achille FERRARI, consultant et directeur de la planification et des programmes du CEA

· M. Bertrand MABILLE, conseiller technique auprès du Premier ministre, chargé de la recherche, de la technologie et de l'espace

· M. Stéphane MAZER, ingénieur civil des Mines (contribution écrite)

· M. Albert OLLIVIER, président de CDC Innovation et directeur du programme PME-PMI de la Caisse des dépôts et consignations

· Mme Jeanne SEYVET, directrice générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DiGITIP)

2.- REPRÉSENTANTS DES ENTREPRISES

· M. Pierre AMOUYEL, délégué général de l'Association nationale de la recherche technique (ANRT), membre du Groupe de proposition et d'action recherche-innovation du MEDEF ; Mme Agnès LÉPINAY, directrice des affaires économiques, financières et fiscales du MEDEF ; M. Patrick SCHMITT, chef de service à la direction recherche et innovation du MEDEF

· M. Alain BRAVO, directeur de la recherche chez Alcatel

· M. Jean-Claude LEHMANN, directeur de la recherche chez Saint-Gobain, ancien vice-président du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie

· M. Emmanuel LEPRINCE, délégué général du Comité Richelieu

· M. Guy SALLAVUARD, directeur du département des relations inter-entreprises chez Totalfina ; M. Jean-Bernard SIGAUD, directeur délégué France de Total raffinage distribution, ancien directeur du centre de recherche de Total

3.- ACTEURS ÉCONOMIQUES ET SCIENTIFIQUES
DE LA RÉGION RHÔNE-ALPES

· Christian DESMOULINS, directeur des technologies avancées au CEA

· Jean-Claude SABONNARDIERE, président de Grenoble Alpes Incubation

· Philippe MALLEIN, vice-président de l'Université Pierre Mendès France

· M. AUGRIS, du centre technique du papier

· Jean-Pierre BESSE, directeur régional Rhône-Alpes de la Banque de développement des PME

· Daniel THOULOUZE, directeur régional Rhône-Alpes de la recherche et de la technologie

· Jacques DESCHAMPS, directeur de Thomson Plasma (établissement de Moirans)

· Michel BELAKHOVSKI, du CEA-Grenoble

· Jeanne JORDANOV, directrice de recherche au CNRS

· Geneviève FIORASO, directrice de l'agence régionale Rhône-Alpes du numérique

· Jean THERME, directeur du LETI-CEA

· Jean-Pierre KLEIN, directeur régional de France Télécom recherche et développement

· M. RANDET, directeur de CEA-Valor

· Jean VIMAIL du MONTEIL, directeur développement des entreprises - CCI de Grenoble

· Jacques LACOUR, ESC Grenoble

· Patrice CHASTAGNER, directeur du site ST Microelectronics de Grenoble

· Monica BELTRAMETTI, directrice générale de Xerox Worlwide Process Manufacturing

· Philippe CAPEDEVIELLE, directeur d'Emertec Gestion

· M. VERJUS, directeur de l'INRIA

· Jean-Yves RENAUD, délégué régional Rhône-Alpes de l'ANVAR

· M. VUILLOT, DRIRE de Rhône-Alpes

· Alain FROSSARD, directeur régional du commerce extérieur (Rhône-Alpes)

· Jean-Michel LAMURE, président de SOITEC

· M. CHARTIER, de Génome Express

· Yves PETROFF, directeur de l'ESRF (synchrotron)

· Thierry VETTIER, directeur de l'Institut Laue Langevin

· Jacques VOIRON, vice-président de l'Université Joseph Fourier (Grenoble)

· M. DENARIE, directeur départemental de l'ANPE

· François PETIT, président de l'Université Pierre Mendès-France (Grenoble)

· Yves BOURDON, président directeur général d'Erim

1.- REPRÉSENTANTS DU MONDE DE LA RECHERCHE PUBLIQUE
ET DU SOUTIEN PUBLIC À L'INNOVATION

Les ministres

Audition de M. Claude ALLÈGRE,

ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie

Le 18 janvier 2000

Après avoir présenté les objectifs de son rapport d'information et rappelé les auditions déjà effectuées, M. Michel Destot a demandé à M. Claude Allègre quel bilan il faisait de l'action menée par le Gouvernement depuis les Assises de l'innovation, et quelles perspectives il envisageait.

Il a interrogé le Ministre sur la distinction entre recherche et innovation. Celui-ci estime que son ministère aide fortement l'innovation, ce qui lui est parfois reproché. Cette aide prend des formes variées : réseau d'innovations, loi sur la recherche et l'innovation, concours pour les jeunes entrepreneurs, soutien du capital-risque, incitations pour les jeunes... Elle ne se fait pourtant pas au détriment de la recherche fondamentale qui traverse une période difficile, malgré l'effort public en sa faveur. Il convient en fait d'innover dans tous les domaines, y compris dans celui de la recherche fondamentale, alors que trop de recherches ne conduisent à aucun résultat concret.

M. Michel Destot a abordé le problème de l'inadéquation entre offre et demande de recherche, citant l'exemple des transports, où le secteur ferroviaire est négligé par la recherche alors qu'il a beaucoup de potentiel. M. Claude Allègre a reconnu les faiblesses de la recherche française dans le domaine des transports mais s'est réjoui de la qualité des travaux portant sur les matériaux, réalisés dans le cadre du ministère de l'Équipement. Dans le secteur de l'énergie, un réseau vient d'être créé pour apporter de la cohérence aux recherches en cours. M. Michel Destot a déploré que le ministère ne fasse pas suffisamment connaître au grand public son action dans ce domaine, tandis que le Ministre a souligné combien il était délicat de communiquer sur ces questions.

Interrogé sur ce qui lui semblait le plus urgent de faire en faveur de l'innovation, il a estimé que le volet fiscal lui paraissait le plus prometteur. Il souhaiterait voir élargi le champ des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, que le crédit d'impôt recherche soit recentré sur les PME et que la fiscalité pesant sur les stock-options soit allégée, en contrepartie de leur plus large diffusion. Il a souligné le problème posé par le passage à 35 heures des chercheurs, en particulier dans les entreprises petites et moyennes, alors que la notion de temps de travail n'a guère de sens pour ce personnel hautement qualifié. Considérant que la réduction du temps de travail risquait en effet de gêner fortement les PME innovantes, M. Michel Destot a souhaité que des dérogations soient accordées pour certains personnels.

Il a ensuite évoqué la rareté des bons managers d'entreprise : comment faire un bon chef d'entreprise d'un bon chercheur ? Le Ministre a jugé que les deux rôles n'avaient pas nécessairement à être joués par la même personne, et que l'essentiel était de constituer des binômes comprenant un ingénieur et un gestionnaire. A la suggestion de M. Michel Destot visant à favoriser la participation des grands patrons au conseil d'administration de start-up, il a reconnu qu'un effort était nécessaire en ce sens.

S'agissant des aides communautaires, M. Michel Destot a déploré que les régions les plus dynamiques, et créatrices d'emplois, en soient totalement privées. M. Claude Allègre a reconnu qu'il abordait là un problème réel, auquel seules les instances européennes pouvaient apporter une solution.

Audition de Mme Marylise LEBRANCHU,

secrétaire d'État aux Petites et moyennes entreprises,
au Commerce et à l'Artisanat

et de M. Claude FORGET,

conseiller technique pour les questions d'innovation

Le 25 janvier 2000

Après avoir rappelé le contenu de la mission que lui a confiée la commission des finances, M. Michel Destot a souhaité que cet entretien soit centré sur les PME innovantes, considérées d'un point de vue microéconomique. Il a d'abord abordé la question de la distinction entre recherche et innovation.

Mme Marylise Lebranchu a insisté sur le fait que l'innovation consistait souvent en des applications technologiques mineures et qu'elle ne passait pas nécessairement par une recherche particulière. Pour permettre l'innovation, les ingénieurs doivent comprendre les demandes des industriels et savoir y répondre, en ayant, le cas échéant, recours à la recherche. C'est dans cet esprit que les ingénieurs sont formés à l'université de Paris-Dauphine notamment. Il est évident qu'il faut poursuivre les efforts de recherche pour assurer la poursuite de l'innovation à terme.

M. Michel Destot lui a demandé comment elle pensait qu'il était possible d'aider l'innovation. Si le crédit d'impôt recherche (CIR) fonctionne bien, il est d'accès difficile pour les PME : pourquoi ne pas créer un crédit d'impôt innovation ? La Ministre a reconnu que, lorsqu'une entreprise a recours à la recherche préalablement à une innovation, le retour sur investissement peut être très long ; il faut donc aider l'entreprise pendant cette période délicate. Cela peut prendre la forme d'une avance remboursable, ou d'un crédit d'impôt innovation, ces dispositifs devant, l'un comme l'autre, faire l'objet d'une loi. Cela éviterait aux entreprises des sanctions lorsqu'elles ont une conception trop large de l'effort de « recherche » éligible au CIR.

Sur cette question, M. Michel Destot a exprimé deux souhaits : que le CIR soit recentré sur les PME et qu'il soit plus ouvert à la notion d'innovation. Concernant le premier point, il a expliqué avoir demandé une simulation à la direction compétente du ministère des finances, sur la base d'un plafonnement de l'enveloppe consolidée d'aides reçues par un même groupe : les protestions des grandes entreprises ont été telles que l'idée a été abandonnée, alors qu'elle visait seulement un redéploiement du CIR, à enveloppe constante, au profit des PME.

Il a ensuite évoqué le système du parrainage, consistant, pour un grand patron de l'industrie, à participer au conseil d'administration d'une start-up, et à la conseiller en cas de difficultés, ce qui se fait couramment aux États-Unis. Mme Marilyse Lebranchu s'est interrogé sur les contreparties à offrir à ces grands patrons. M. Claude Forget a suggéré que cela soit un acte citoyen, désintéressé, mais M. Michel Destot a estimé que cela dévaloriserait la petite entreprise. Les patrons disposés à le faire pourraient se réunir dans une fondation, et bénéficier de défiscalisations, mais il faut éviter que ne se constitue un réseau dont le but serait l'intégration dans un groupe des start-up performantes. La Ministre a cité Siemens comme un exemple de cette pratique de parrainage. Il pourrait être envisagé d'aller jusqu'au bout de cette logique en favorisant la prise de participation dans l'entreprise, à titre personnel, par des grands patrons. Il faut dépasser le dispositif de la loi Madelin, plafonné à 37.500 francs. Comme l'hébergement d'un chercheur, à titre gratuit, dans les locaux d'une grande entreprise, peut être considéré comme un acte anormal de gestion, cette difficulté pourrait être contournée en convertissant en parts de société l'équivalent des montants consacrés à l'hébergement et aux prestations de service en faveur du porteur de projet. Cette formule est assez largement répandue en Grande-Bretagne.

M. Michel Destot s'est félicité du retour en France de nombreux ingénieurs et chercheurs partis outre-Atlantique et a défendu l'accueil d'ingénieurs étrangers, qui sont toujours sources d'enrichissement et qui pallieraient le manque de personnel qualifié dans certaines régions françaises.

La question de l'intéressement des ingénieurs au capital de l'entreprise lui semble une priorité. Il faut aussi défiscaliser plus largement les réinvestissements. La Ministre a précisé que, si les stock-options étaient utilisables sans problème dans les entreprises françaises cotées (environ 1.200), le mécanisme ne pouvait s'appliquer aux autres. De même, l'idée de la soumission des stock-options à la contribution sociale généralisée ou à la contribution au remboursement de la dette sociale n'est pas valable pour les start-up dont le capital est largement fictif. A cet égard, les bons de souscription de part de créateurs d'entreprise (BSPCE) vont dans le bon sens. Il a été précisé qu'un mécanisme de défiscalisation des investissements, dès le premier investissement, complémentaire du dispositif Madelin, serait techniquement une bonne solution. Un business angel investit en effet des sommes pouvant atteindre plusieurs millions de francs : une mesure portant sur l'impôt sur la fortune serait donc adaptée. La Ministre a indiqué qu'elle souhaitait que tout actionnaire minoritaire ne voie sa part dans le capital soumise à l'impôt de solidarité sur le fortune (ISF) que lors de sa sortie du capital, afin de limiter les risques, toujours présents, de pertes. Son conseiller a précisé que cela serait un pas vers un système à la britannique, où tout investissement est défiscalisé tandis que seule la plus-value de cession est taxée, à un taux qui varie avec la durée de détention des titres.

Évoquant la question du passage aux 35 heures dans les PME innovantes, M. Michel Destot a demandé à Mme Marylise Lebranchu si elle ne pensait pas que des adaptations étaient nécessaires. Elle a estimé que la plupart des entreprises dans cette situation concluaient des accords de réduction du temps de travail prévoyant l'augmentation du nombre de jours de congés, ce qui semblait satisfaire tous les partenaires.

Déjeuner de travail avec M. Christian PIERRET,

secrétaire d'État à l'Industrie,

Mme Jeanne SEYVET, directrice de la DiGITIP,

et M. Jérôme DELPECH, directeur de cabinet

Le 20 janvier 2000

M. Michel Destot a demandé au Ministre de lui donner son avis sur les cinq grands axes de sa réflexion : mise en _uvre de la distinction entre recherche et innovation, aides en faveur de l'innovation, régime fiscal des stock-options, formation et sélection des managers, aides communautaires.

Il s'est félicité des orientations mises en _uvre par Mme Édith Cresson, alors commissaire européen, en faveur de l'innovation : elle a lancé des appels d'offres expérimentaux, pour lesquels un projet grenoblois a d'ailleurs été retenu. Il a estimé que cette idée devrait être généralisée car elle repose sur la reconnaissance de pôles d'excellence et l'identification de bonnes pratiques. Il s'agit de soutenir, en collaboration avec les régions, la création d'infrastructures de nature à stimuler le développement d'entreprises innovantes.

Après que le Ministre a approuvé cette idée, Mme Jeanne Seyvet a cité l'exemple de groupes de travail bilatéraux associant des Français à des Anglais d'une part et à des Allemands d'autre part. Ils permettent d'échanger les bonnes pratiques et de mener des actions conjointes, ces initiatives s'ajoutant aux dispositifs communautaires. M. Christian Pierret a aussi souligné le travail utile de comparaison, y compris en matière de fiscalité en faveur de l'innovation, qui peut être conduit dans ces différents cadres.

A propos des liens entre recherche et innovation, le Ministre a reconnu que les structures administratives semblaient conduire à une séparation des deux, le ministère de l'Économie s'occupant de l'innovation quand la recherche relèverait de l'Éducation nationale, mais que la réalité était tout autre : l'ANVAR, qui relève de la tutelle des deux ministères, et qui fonctionne très bien, fait le lien entre les deux et les réseaux technologiques sont le lieu privilégié de leur articulation. En plus des aides versées par l'ANVAR, les DRIRE aident les transferts de technologie grâce au dispositif ATOUT, à hauteur de 180 millions de francs par an, et au FDPMI, qui accorde 730 millions de francs d'aides chaque année. S'y ajoutent les aides aux grands secteurs technologiques financées sur le chapitre 66-01, doté de 1.836 millions de francs. L'effort d'association de PME aux projets est renforcé, même si les groupes ne doivent pas être négligés, et l'aide remboursable semble au Ministre la voie de soutien la plus responsabilisante pour l'entreprise.

Mme Jeanne Seyvet a indiqué que la dotation du chapitre 66-01 reste modeste au regard des ruptures technologiques à anticiper. Les aides sont aujourd'hui orientées en priorité vers les technologies de l'information, et, depuis 1999, vers les biotechnologies. Elle a souligné que recherche et innovation devaient absolument être sources de synergies. C'est ainsi que le ministère de l'Économie et le ministère de l'Éducation travaillent ensemble sur les réseaux technologiques.

Tout en reconnaissant l'efficacité de l'État pour donner des impulsions en matière de recherche et déterminer de grandes orientations technologiques à travers des aides ciblées, M. Michel Destot a posé le problème de l'application des aides sur le terrain. Si cela ne pose en général guère de problème dans les régions dynamiques, les relations entre les différents acteurs peuvent parfois être mauvaises, d'autant plus que les administrations n'ont pas suffisamment de moyens pour connaître toutes les petites entreprises susceptibles d'être encouragées. Afin de contribuer à l'aménagement du territoire, il est nécessaire d'atteindre une meilleure coordination entre l'État et les collectivités locales.

M. Christian Pierret a indiqué que des efforts en ce sens étaient actuellement réalisés, Mme Jeanne Seyvet précisant que les contrats de plan en étaient l'instrument par excellence. M. Michel Destot a estimé que les collectivités territoriales demeuraient néanmoins les mieux placées grâce à leur connaissance du terrain et des créateurs d'entreprise.

Le Ministre a reconnu que les DRIRE consacraient beaucoup de leur temps à des questions réglementaires et que la poursuite de leurs efforts en matière de développement industriel restait nécessaire. Il semble en effet à M. Michel Destot que le fonctionnement de l'ANVAR est plus efficace car elle est plus proche du terrain. Il a plaidé en faveur de l'intensification des relations entre les entreprises innovantes et entre ces dernières et les structures publiques.

Pleinement d'accord avec lui, M. Christian Pierret a donné l'exemple de l'Institut français du pétrole qui dispose d'un fonds de capital-risque et investit dans de nombreuses entreprises innovantes ayant des activités en relation avec le pétrole : s'il ne dispose pas de gros moyens, il mène néanmoins une action très efficace grâce à sa bonne connaissance du secteur.

M. Michel Destot évoquant la difficulté à laquelle se heurtent les entreprises de certains secteurs pour recruter de bons cadres supérieurs, le Ministre a abordé le projet de la création d'une « école nationale des logiciels » alors que la première tentative, qui consistait à former à un niveau supérieur 3.500 techniciens, a buté sur la rareté des propositions de recrutement, limitées à quelques centaines.

Le député a alors suggéré que les grands patrons de l'industrie participent au conseil d'administration de start-up, ce qu'il tente de promouvoir dans sa circonscription. M. Christian Pierret a trouvé l'idée excellente, se réjouissant que tous les patrons contactés aient donné leur accord de principe. En effet, contrairement aux grands industriels, les banquiers n'ont pas toujours suffisamment l'esprit d'entreprise pour juger de l'avenir et de la qualité d'un projet.

A propos des stock-options, il a estimé que l'aménagement de leur régime fiscal était indispensable pour éviter le départ vers l'étranger des meilleurs cadres. Il doit aller de pair avec plus de transparence sur leurs bénéficiaires et une diffusion plus large.

Le Ministre a proposé que se constitue, sur ce thème global de l'innovation, un groupe de travail associant des députés et des sénateurs.

En revanche, il a estimé que l'augmentation des aides sous forme de dépenses fiscales n'était guère envisageable. M. Jérôme Delpech a précisé que le crédit d'impôt recherche, dont l'existence pourrait être contestée à Bruxelles à cause du flou de la définition de son assiette, reposait sur des mécanismes relativement complexes et qu'un crédit d'impôt innovation serait encore plus difficile à mettre en _uvre.

Enfin, il faut surtout changer de culture et reconnaître qu'il est normal qu'un créateur d'entreprise fasse une plus-value lorsqu'il cède son entreprise. Il faut favoriser ce phénomène et l'investissement de cette plus-value dans un nouveau projet innovant. M. Michel Destot a insisté sur le fait que ce problème culturel était renforcé par le contexte fiscal et réglementaire, et qu'il était essentiel de faciliter et de soutenir la réussite des entrepreneurs.

Audition de M. Christian SAUTTER,

Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

Le 1er février 2000

Après avoir présenté l'objet de son rapport d'information, M. Michel Destot a souligné deux points : la nécessité de donner plus de souplesse à la mise en _uvre du crédit d'impôt recherche en créant un crédit d'impôt innovation qui serait plus facile d'accès pour les PME et pas limité aux seules dépenses de recherche proprement dites ; le besoin d'améliorer la qualité des managers, notamment en favorisant le parrainage des start-up par de grands patrons, qui serait plus utile que la participation de ces derniers à de nombreux conseils d'administrations de grandes entreprises.

M. Christian Sautter a évoqué la difficulté qu'il y avait à prévoir le résultat d'une création d'entreprise quand un tiers seulement conduit à un succès. Il s'est demandé en quoi l'État pouvait intervenir dans les choix des grands patrons et a annoncé que la prochaine loi sur la « gouvernance » d'entreprise allait limiter le nombre de conseils d'administration dont un même administrateur peut être membre. Il n'envisage pas d'avantage fiscal en faveur du parrainage dans la mesure où le contrôle de la réalité de cette action n'est guère possible mais il a proposé à M. Destot d'inviter aux Assises de la création d'entreprise de grands patrons qui ont, à Grenoble, pris une telle initiative, afin qu'ils montrent l'exemple.

Regrettant que le débat sur les stock-options se soit cristallisé sur quelques cas particuliers, M. Michel Destot a insisté sur le besoin pour les entreprises innovantes de disposer d'un outil d'intéressement de leur équipe dirigeante.

M. Christian Sautter a rappelé l'existence des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise pour les jeunes entreprises de moins de quinze ans, tout en reconnaissant que le problème se posait au-delà de cette période. Il a estimé que les récentes propositions faites dans le rapport Balligan-Foucault étaient raisonnables : il est justifié de réduire la fiscalité pesant sur les titres s'ils sont conservés suffisamment longtemps, c'est-à-dire si leur détenteur accepte une réelle prise de risque. Il s'est ensuite félicité du statut fiscal qui favorise le réinvestissement dans une nouvelle entreprise des plus-values tirées de la cession de titres.

Alors que M. Michel Destot mettait en avant la nécessité sociale qu'il y avait à soutenir ainsi la création d'emplois, le Ministre a résumé le problème en opposant les « entrepreneurs qui créent des emplois et des richesses » aux « gestionnaires qui créent des richesses en détruisant des emplois ».

M. Michel Destot a alors abordé la question de l'éventuel allégement de l'impôt sur les sociétés en faveur des start-up, insistant sur la faiblesse de son coût budgétaire. M. Christian Sautter a fait remarquer qu'il ne fallait pas modifier simultanément tous les impôts et que priorité était actuellement donnée aux impôts directs payés par les ménages. Son conseiller technique a rappelé que des allégements d'impôt sur les sociétés de moins de cinq ans existaient déjà.

Enfin, le député a estimé que la réduction du temps de travail risquait d'entraîner une fuite des cerveaux. Conscient du problème, le Ministre a jugé qu'une pluriannualité de l'épargne-temps était de nature à résoudre la difficulté.

Les hauts fonctionnaires

Mme Catherine BRÉCHIGNAC, directrice générale du CNRS

M. Jean-Jacques GAGNEPAIN,

directeur de la délégation aux entreprises du CNRS

M. Joseph BAIXERAS, adjoint de M. Gagnepain

Le 23 juin 1999

Mme Bréchignac a d'abord présenté l'action du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en matière d'innovation. Elle a exprimé sa volonté de pousser le CNRS à l'action. Ses relations avec les universités évoluent de manière positive, l'accent étant actuellement mis sur l'accueil d'universitaires en son sein (leur nombre a doublé en un an).

Quant aux relations avec les entreprises, elles constituent un chantier qui rencontre une adhésion croissante, notamment grâce à l'aide de chefs d'entreprise, et en particulier de Francis Mer qui préside le Conseil de Partenariat avec les Entreprises. Ce dernier traite entre autre des questions de propriété intellectuelle et de mobilité des chercheurs entre laboratoires et entreprises. Vingt postes sont actuellement ouverts pour accueillir à temps partiel des ingénieurs d'entreprise au CNRS, ce qui consolide les relations entre monde de la recherche et monde des entreprises.

La Délégation aux Entreprises, récemment créée, intervient notamment dans trois domaines :

· Les incubateurs et le soutien à la création d'entreprise

La création d'entreprises à partir des laboratoires peut jouer à l'avenir un rôle majeur dans la diffusion des technologies innovantes issues des travaux de recherche. Dans ce domaine, une action de grande envergure doit être menée pour inciter et aider les chercheurs et les jeunes docteurs à s'engager dans cette voie. Pour ce faire, le CNRS est en train de mettre en place une structure d'incubation et d'amorçage dont la mission est d'amener le plus grand nombre possible de projets à un degré de maturité tel qu'il soit possible d'intéresser des financiers au développement de l'entreprise.

Dans ce domaine, la principale difficulté réside dans le fait que les entreprises créées par des chercheurs, et aidées par le CNRS, ne doivent pas être en concurrence déloyale avec les autres entreprises. Le projet de la loi sur l'innovation peut avoir des effets pervers dans la mesure où les chercheurs seront soutenus par des fonds publics pour créer leur entreprise.

Pour mener à bien cette action, le CNRS participera à la mise en place d'un réseau national d'incubateurs en partenariat local avec d'autres organismes de recherche, notamment le CEA, et les établissements d'enseignement supérieur. D'ores et déjà plusieurs implantations locales sont prévues par exemple en Ile-de-France et à Grenoble, à Toulouse, à Lille et à Bordeaux. Le CNRS pourra aussi s'associer à des degrés divers à des incubateurs créés à la suite d'initiatives locales. Par ailleurs un incubateur central sans mur permettra d'accompagner les projets qui ne pourront pas bénéficier de la proximité d'un incubateur local. Pour cette action le CNRS s'appuiera sur France Innovation Scientifique et Transfert (FIST), en particulier, afin de tirer profit des compétences disponibles et de réaliser des économies d'échelle.

Par ailleurs, le CNRS participera, à travers le FIST, au fonds « BioAmorçage » en y apportant une contribution propre modeste compte tenu de ses moyens limités. Il s'associera aussi à quelques fonds d'amorçage, comme I-Source, afin de faciliter l'accès des nouvelles entreprises au financement nécessaire à leur développement.

· Recherche en partenariat

La recherche en partenariat concerne principalement les contrats de collaboration sur des sujets d'intérêt commun à une (ou des) entreprise(s) et à un (ou des) laboratoire(s). Dans la plupart des cas, les entreprises concernées sont des sociétés de taille importante disposant de moyens propres de recherche.

Dans ce domaine, le CNRS poursuit une politique active d'accords-cadres avec les grandes entreprises pour lesquelles les relations contractuelles sont à un niveau important de façon régulière. Il veille cependant, plus que par le passé, à ce que la collaboration soit équilibrée, notamment en termes de propriété industrielle des résultats de recherche ; en effet, le CNRS souhaite en être systématiquement copropriétaire.

La création de laboratoires mixtes ou communs s'est avérée être un moyen privilégié pour établir des relations suivies avec les entreprises ; cette voie sera donc largement utilisée dans les domaines scientifiques et techniques pour lesquels un partenariat clairement identifié justifie ce mode d'action.

· Valorisation de la recherche

La valorisation au sens classique du terme consiste à breveter les résultats de recherche, ou à protéger les logiciels par le droit d'auteur, et à les faire exploiter sous licence par des entreprises ou, encore, à consentir des cessions de savoir-faire. Aujourd'hui, une grande partie de l'activité correspondante est prise en charge par la société FIST dont le CNRS a récemment pris le contrôle, l'ANVAR étant l'autre actionnaire important. Les nouvelles dispositions contractuelles en matière de propriété industrielle se traduiront par une augmentation des activités relatives à la protection des résultats de recherche et à la cession de licences.

M. Michel Destot a insisté sur l'importance de la coordination des différentes initiatives au niveau local et a mis l'accent sur la nécessaire prise en compte des besoins de la société dans les orientations de la recherche : l'offre de recherche doit correspondre à cette demande.

Mme Catherine Bréchignac a approuvé cette logique et donné un exemple de ce type de symbiose. Un projet unit le Centre national d'études des télécommunications (CNET) et Alcatel : ce dernier produit des composants pour France Télécom et a besoin que soient menées des recherches dans le domaines des composants actifs ; le CNRS a négocié avec le CNET pour qu'il oriente ses travaux dans ce sens. Une collaboration du même ordre est en projet avec le CEA à Grenoble, qui va recruter de nouveaux chercheurs et accueillir des membres du CNET.

M. Jean-Jacques Gagnepain a précisé que près du quart des équipes de recherche du CNRS se plaçait dans une telle logique de demande et que l'objectif était d'atteindre 50 %, ce qui est ambitieux mais envisageable. Les accords sont souvent conclus à l'issue de difficiles négociations, comme cela a été le cas avec la SNECMA.

Évoquant le supplément d'utilité sociale apporté par ces formes de coopération, M. Michel Destot s'est demandé s'il fallait que toute recherche réponde, dès le départ, à un projet industriel.

Mme Catherine Bréchignac a constaté que les jeunes chercheurs du CNRS étaient très attachés à cette nouvelle logique et soucieux des résultats industriels de leurs travaux.

M. Destot a envisagé la possibilité de créer une seconde thèse qui porterait sur les possibilités d'utilisation dans l'entreprise de la recherche effectuée.

Estimant que le sujet de la thèse importe moins que les méthodes de travail et l'ouverture d'esprit du chercheur, Mme Catherine Bréchignac a insisté sur l'importance d'assurer la mobilité des jeunes chercheurs le plus tôt possible. Selon des sondages récents, 60 % des jeunes gens sont embauchés dans un laboratoire différent de celui où ils ont préparé leur thèse ; 15 % y reviennent après avoir effectué ailleurs leur stage de post-doctorant.

Répondant à la question de M. Michel Destot relative à la politique d'évaluation du CNRS, elle a indiqué qu'une commission technique paritaire travaillait actuellement à modifier la procédure. A la demande de M. Claude Allègre, vont être constitués des comités d'évaluation composés d'experts, actuellement expérimentés dans 10 % des laboratoires. Les critères retenus varient selon les activités du laboratoire évalué et le comité peut formuler des propositions portant sur son fonctionnement. Chaque laboratoire reçoit une enveloppe minimale, qui est augmentée en fonction des résultats de l'évaluation. L'essentiel est que cette évaluation soit juste et que la menace d'une suppression totale des crédits ne plane pas sur les laboratoires.

M. Destot a demandé si des changements rapides d'orientation de la recherche étaient possibles dans les structures actuelles.

Mme Catherine Bréchignac a reconnu que la réactivité constituait un point faible dans le fonctionnement du CNRS, ce qui est lié à sa structure. Alors qu'il apparaît inefficace de changer le domaine de travail d'un chercheur, l'embauche de jeunes chercheurs sur un domaine nouveau présente des difficultés car les postes offerts sont permanents : le CNRS dispose de peu de marge de man_uvre pour des postes temporaires. Si la venue de chercheurs étrangers est possible, aucune politique n'est menée en ce sens bien que le recrutement de post-doctorants étrangers puisse être très souhaitable. Le projet de loi sur l'innovation et la recherche va néanmoins favoriser la mobilité tandis que le CNRS ouvre 300 postes à des post-doctorants.

Pour ce qui est des relations du CNRS avec les autres organismes de recherche, question évoquée par M. Destot, elle a présenté la grande taille du premier comme un avantage dans la négociation avec des grands groupes tout en notant le rôle essentiel des universités et des organismes de recherche finalisés. Les relations du CNRS avec l'INSERM, l'INRA, l'INRIA ou le CEA sont très bonnes.

M. Destot l'a interrogée sur la coopération au niveau européen. Mme Catherine Bréchignac a regretté que l'Europe de la recherche soit la dernière à se construire, faute de choix clair entre l'échelon de coopération (régional ou national) et à cause du poids de la bureaucratie bruxelloise. Si le CNRS reçoit beaucoup de l'Union européenne, c'est au prix d'une considérable perte de temps et d'énergie ! La position française au niveau européen est affaiblie par l'existence de désaccords entre les différents ministères français alors qu'une position commune face aux partenaires européens serait nécessaire. Il existe certes des laboratoires associés ou jumelés et des colloques européens labellisés comme tels, mais les résultats de la collaboration demeurent modestes.

Les nombreuses mesures prises en France depuis le printemps 1998 lui semblent aller dans le bon sens, le retard dans les relations du CNRS avec les entreprises lui semblant comblé. Elle a insisté sur la nécessité de travailler avec toutes les entreprises importantes présentes en France, sans tenir compte de leur origine étrangère dans la mesure où la recherche est source de synergies de proximité. D'autre part, la France doit se doter de grands instruments de recherche : une politique offensive dans le domaine du calcul pourrait être conduite afin de participer à un réseau européen dans ce domaine.

Pour ce qui concerne les relations entre sciences sociales et sciences exactes, Mme Catherine Bréchignac a noté les efforts récents de structuration des sciences sociales, notamment par l'intermédiaire des Maisons des sciences de l'Homme, et le rôle des musées dans la collaboration entre chercheurs.

Interrogée sur la collaboration du CNRS avec les entreprises de taille moyenne, elle a souhaité que soient étendus aux PME les programmes « à la carte » proposés aux grands groupes. Pour l'heure, il n'existe qu'une unité mixte, encore récente, unissant le CNRS et une PME. Si l'essaimage n'a concerné qu'environ 250 créations d'entreprises dans les quinze dernières années, le volontarisme actuel et la valorisation récente des créations d'entreprise par les chercheurs, dont la future loi supprimera le caractère illégal, suscitent de grands espoirs car les investisseurs interviennent plus volontiers lorsque le chercheur est impliqué financièrement dans l'entreprise.

Audition de M. Vincent COURTILLOT,

directeur de la recherche au ministère de l'Éducation nationale,

de la Recherche et de la Technologie

Le 16 juin 1999

M. Vincent Courtillot a d'abord précisé que les questions abordées par M. Michel Destot ne relevaient que marginalement de sa compétence, l'essentiel concernant la direction de la technologie que dirige M. Colombani. Sa direction n'intervient souvent qu'en appui de cette dernière sur ces questions (recherche et innovation technologiques).

La direction de la recherche s'appuie sur trois pôles dont le rôle dans l'innovation est inégal :

· la sous-direction des organismes de recherche et de la coordination du BCRD, chargée de la tutelle des organismes de recherche (les EPST, les EPIC relevant en général de la sous-direction de la technologie). Elle dispose de deux moyens d'intervention nouveaux :

- le fonds national de la science -FNS-(500 millions de francs en loi de finances pour 1999) ;

- le fonds de la recherche technologique -FRT-, géré par la direction de la technologie (630 millions de francs), qui a adopté une nouvelle méthode d'allocation des fonds.

· la sous-direction de la recherche universitaire et des études doctorales : c'est elle qui élabore les contrats quadriennaux de recherche, couvrant les DEA, DESS et les écoles doctorales (initiation à l'entreprise notamment). Le financement des incubateurs (environ 200.000 francs d'aides par création potentielle d'entreprise) intervient dans le cadre de ces contrats, au sein d'une action de valorisation de la recherche.

Sa priorité en matière d'innovation est l'aide à l'embauche de post-doctorants dans les entreprises et les EPIC : en 1999, les moyens ont été accordés pour aider l'embauche de 250 post-doctorants. La même enveloppe sera demandée pour 2000. Le choix des EPIC se justifie par leur proximité avec le milieu industriel, qui en fait un moyen d'accès privilégié aux PME-PMI.

Ce dispositif est mis en _uvre au niveau régional et conduit à des embauches en CDD tandis que l'ANVAR dispose d'une procédure parallèle soutenant des CDI. Une harmonisation entre les deux dispositifs est en cours. Le choix du CDI est source de difficultés car le contrat est d'une durée d'un an, renouvelable une fois (pour éviter la précarisation qui existe aux États-Unis où de tels contrats durent 6 ans), alors que les CDI ne peuvent dépasser 18 mois. Le CEA utilise ce dispositif avec succès, alors que les EPST en sont exclus.

Ont par ailleurs été créées à partir de 1999 des équipes de recherche technologique (ERT) qui constituent une interface entre la recherche fondamentale et les entreprises pour favoriser l'innovation. Neuf ERT ont ainsi été reconnues après une expertise organisée conjointement par la direction de la recherche et la direction de la technologie.

· la sous-direction des musées et de la culture scientifique et technique.

Dans ce cadre, un nouveau Conseil scientifique chargé des questions d'informations et de culture va voir le jour en juillet.

Au début du mois de juin, le CIRST a déterminé des programmes prioritaires :

· financés sur le FNS :

- réseau génopole ;

- recherche micro-biologique ;

- programmes Ville, Travail ;

· financés sur le FRT, et donc impliquant des montages comprenant des industriels :

- technologie et médecine ;

- nanotechnologie ;

- télécommunication...

Les cofinancements entre FNS et FRT, pour un même projet, sont fréquents.

L'accent est mis, depuis plusieurs années, sur la demande de recherche, alors que c'est une logique d'offre, souvent inadaptée, qui a longtemps prévalu.

Audition de M. Achille FERRARI,

consultant et directeur de la planification et des programmes du CEA

Le 1er mars 2000

M. Achille Ferrari souligne que la culture française consiste traditionnellement à aider en priorité les grandes entreprises, et ce souvent au détriment des PME. Il faut revenir sur cette facilité pour soutenir les unités plus petites, où le travail est considéré par certains comme peut être plus ingrat, mais qui recèle le plus gros potentiel de développement, de croissance et d'emplois.

Il propose d'utiliser Internet pour favoriser le développement de l'innovation, en créant des forums d'investisseurs et un site Internet unique de l'innovation.

Il signale enfin la nécessité d'une plus grande décentralisation des initiatives, au plus proche du terrain.

Audition de Monsieur Bertrand MABILLE,

conseiller technique auprès du Premier ministre,

chargé de la recherche, la technologie et l'espace

Le 8 septembre 1999

Après avoir précisé les objectifs de son travail de rapporteur, M. Michel Destot a demandé à M. Bertrand Mabille quel bilan il tirait des mesures prises par le Gouvernement depuis les Assises de l'innovation du printemps 1998.

M. Bertrand Mabille s'est félicité que la plupart des propositions formulées alors aient été suivies d'effets. Néanmoins, deux sujets sont l'objet de retards :

· Les stock-options, la polémique les concernant ayant rendu nécessaire une concertation plus large ;

· Le statut du créateur d'entreprise : destiné à assurer des garanties sociales à des ingénieurs quittant un grand groupe pour créer une PME innovante afin de favoriser l'essaimage, ce projet a été étudié dans le cadre d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, mais n'a pas encore été repris par le Gouvernement.

Il a estimé que les mesures déjà en vigueur avaient entraîné un effet « boule de neige » réel, comme le montrait le quadruplement des fonds de capital-risque, et que la loi sur l'innovation et la recherche ne manquerait pas d'avoir un impact sur les comportements des chercheurs.

M. Michel Destot a déploré que le volet fiscal reste en-deça des attentes des chefs de PME innovantes. M. Bertrand Mabille a remarqué que si les bases du crédit d'impôt recherche étaient élargies, comme l'idée d'un crédit d'impôt innovation l'impliquait, les taux devraient seulement être abaissés en proportion. M. Michel Destot a proposé que la part profitant aux grands groupes soit réduite, et les taux maintenus. Pour son interlocuteur, l'essentiel est de favoriser la recherche privée en général, trop faible en France par rapport à la recherche publique : l'innovation devrait suivre mécaniquement, sans avoir à être particulièrement stimulée.

M. Michel Destot a insisté sur la nécessité, pour les PME, d'obtenir des résultats rapides, et donc de passer rapidement au stade de l'innovation, ce qui peut être soutenu par l'État. Il lui semble urgent de rendre le fonctionnement du CIR plus souple, et donc plus facile à utiliser pour les PME, et moins favorable aux groupes.

M. Bertrand Mabille a reconnu que plus de souplesse s'imposait. Il a abordé la difficile question de l'organisation administrative, les différents intervenants (ministère de l'Industrie, ministère de la Recherche et ANVAR) ayant des fonctions très voisines et dont l'articulation pourrait être améliorée. La mise en place d'une agence unique, suggérée dans le rapport de M. Henri Guillaume, devrait être étudiée malgré les difficultés administratives que ce type de réforme engendrerait.

Une autre question qu'il estime importante concerne le domaine civilo-militaire : la Défense s'est fortement désengagée de la recherche, comme le montre par exemple le rapport de Mme Edwige Avis. Une coordination interministérielle incluant les aspects liés à la défense doit être mise en place.

Le thème des stock-options est délicat. Il est contestable de vouloir leur accorder une fiscalité favorable dans la mesure où la plus-value peut être liée à une prise de risque couronnée de succès mais aussi à des fluctuations boursières indépendantes des résultats de l'entreprise. La réforme pourrait être limitée aux entreprises innovantes ; elle pourrait aussi être engagée dans le cadre d'un débat global sur la fiscalité.

M. Michel Destot s'est interrogé sur ce qui pouvait être envisagé au niveau européen. M. Bertrand Mabille a insisté sur la nécessité de créer un brevet communautaire unique, moins complexe que le système actuel, et, pourquoi pas, sur celle d'une réflexion relative à la fiscalité de l'innovation afin d'avancer dans le sens d'une plus grande harmonisation. Il a regretté l'absence d'indicateurs communautaires permettant de comparer l'état de l'innovation dans les différents États membres.

Contribution de M. Stéphane MAZER,
ingénieur civil des Mines,

sur le développement du tissu économique de Grenoble et de l'Isère

1.- L'Isère est l'une des quelques régions françaises dont la vocation naturelle, historique, est de porter l'innovation technologique

· La région grenobloise dispose d'une concentration universitaire et de laboratoires dont la qualité est reconnue mondialement.

Les exemples sont nombreux : CEA/LETI, Pechiney/Voreppe, etc.

· Les essaimages du CEA/LETI ont anticipé les « lois Allègre » sur les « incubateurs » ; ils sont des exemples parfois critiqués mais incontournables.

Quatre exemples sont bien connus : SOFRADIR, SOITEC, SILMAG et PIXTECH.

SOITEC est aujourd'hui introduit sur le nouveau marché.

SILMAG (créée en 1951) a failli disparaître (liquidation judiciaire le 29/6/98) mais a été « recapitalisé » par Monsieur J.B. Schmidt (SOFINNOVA) avec l'aide de collègues italiens. Alors qu'elle avait été créée selon toutes les « règles de l'art » (essaimage d'une équipe de grand laboratoire, business plan et tour de table organisé par des organismes de capital risque, politique commerciale immédiatement agressive à l'exportation vers l'Extrême-Orient, ...), les difficultés de cette société sont généralement attribuées à la crise financière en Extrême Orient ; il semble, cependant, que l'abandon par son dirigeant du partenariat institutionnel conclu, à l'origine, entre SILMAG et le LETI ne soit pas étranger à la décision des premiers actionnaires de ne pas soutenir la poursuite de l'exploitation...

· Pour des raisons, tant historiques et de qualité de vie que de choix politiques successifs, la région bénéficie de main _uvre de personnel d'encadrement d'un haut niveau reconnu.

2.- Une politique industrielle régionale (technologies clés ... ) peut et devrait être élaborée à l'intérieur de choix nationaux (et européens ?).

· Quelques exemples de « technologies clés » pour lesquelles Grenoble dispose probablement de compétences scientifiques et industrielles très fortes.

À la lecture - rapide - des « technologies clés » sélectionnées par la DGSI dans son étude de 1995, on trouve au moins une trentaine (sur 136) de technologies pour lesquelles Grenoble occupe une position vraisemblablement de premier plan. Par exemple :

- n° 43 : Composants optoélectroniques ;

- n° 47 : Écrans plats ;

- n° 56 : Programmation par les objets ;

- n° 71 : Composants électroniques de forte puissance ;

- n°  86  : Élaboration de composites à matrice organique ;

- n°  87  : Logiciels de modélisation complète des matériaux et de leurs procédés de mise en _uvre ;

- n°  89  : Matériaux pour procédés pour hautes températures ;

- n° 104 : Traitement des fumées résultant de la combustion du charbon et des déchets ;

- n° 113 : Ergonomie des postes de travail et des produits professionnels ;

- n° 114 : Ergonomie des produits de grande consommation ;

- n° 130 : Équipements pour unités de production de semi-conducteurs ;

- etc.

Cette énumération n'est évidemment pas exhaustive. La parution, en cours, de la nouvelle liste des « technologies clés 2004 », même s'il paraît peu probable qu'elle bouleverse les résultats, (les technologies « clés » peuvent-elles être bouleversées en cinq ans ?), devra être prise en compte pour des études ultérieures.

· Une politique industrielle consisterait à développer ces compétences scientifiques et techniques mais aussi les industries qui les utilisent le mieux (« technologies d'appui»).

Même si, pour des raisons de clarté dans la lecture, les technologies clés ont été regroupées en neuf grands domaines, il est évident qu'elles s'appuient les unes les autres, c'est à dire que les progrès et innovations dans l'une d'elle ont des effets parfois fondamentaux sur les progrès et innovations dans une autre, appartenant à un autre domaine.

· Résister au « tout libéral » et à la concurrence entre régions dont l'engouement se concentre presque toujours sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) et les biotechnologies : rendre à l'État un rôle d'arbitre et d'animateur au-delà des seuls aspects financiers.

Construire une « politique industrielle » pour l'Isère n'a de sens qu'au sein d'une politique -au moins - nationale. Elle consisterait, dans l'esprit des travaux entrepris par la DGSI, à choisir les technologies - et les industries associées - à développer en priorité.

À ce jour, il apparaît que l'un des effets de la régionalisation a été de placer les collectivités locales en position de concurrents ce qui, en dépit des efforts de la DATAR et du ministère, a pu, par exemple, conduire des émissaires de régions différentes à « démarcher » les mêmes industriels étrangers pour qu'ils viennent s'implanter dans leur région plutôt que dans la voisine...

Cette « concurrence » entre régions parait d'autant plus absurde que presque toutes, sans analyser finement les atouts technologiques dont elles disposent effectivement, cherchent à attirer les industriels des NTIC ou des biotechnologies.

3.- Les appuis nécessaires à l'innovation (attrait par la disponibilité de « technologies d'appui ») sont à cultiver et à rechercher auprès des grands laboratoires mais aussi auprès des PME

· Pour se développer, les entreprises innovantes ont besoin de nouer des partenariats commerciaux (ventes, approvisionnements) mais aussi de recherche et développement.

La disponibilité à proximité des « technologies d'appui », dans le cadre d'accords commerciaux ou de partenariat à élaborer, constitue un attrait essentiel pour de nombreuses entreprises innovantes (alors que cet attrait est presque nul pour des entreprises de métiers classiques qui recherchent plutôt des conditions financières favorables, de la main d'_uvre de qualité, de l'énergie peu chère, des facilités logistiques, etc.).

· Les partenariats entre entreprises technologiques innovantes - de toutes tailles - sont un gage de « fertilisation croisée » et de succès car « une idée seule s'ennuie ».

L'histoire regorge d'exemples d'innovations qui n'ont « pris leur envol » que grâce a l'avènement d'une autre innovation : exemple : les micro-ordinateurs et les tableurs ...

4.- La période présente est propice aux négociations avec les grands groupes et avec les associations de PME pour que la politique qui sera choisie dispose des moyens techniques, financiers et humains adaptés.

· Les grands groupes se « recentrent » sur leur « métier de base ». Ce choix touche les usines mais aussi les centres de recherche.

Que le groupe Pechiney « devienne canadien » aura peu d'impact sur les réductions d'activité et d'effectifs du centre de Voreppe...

· Quelles que soient les raisons des baisses d'effectif, les grands groupes consacrent des budgets importants au redéploiement industriel de leurs bassins traditionnels d'emploi; ils ont créé des structures adaptées à cela : c'est leur intérêt de proposer des appuis qui ne se limitent pas à des aides financières.

La plupart des grands groupes se sont dotés de structures spécialisées (EDF, GIAT, RENAULT, .... ) dont plusieurs ont d'ailleurs noué des contacts au sein du club « Hexagone ».

· Les associations de PMI sont concurrentes (CGPME, MEDEF, ...) et aujourd'hui sensibles aux conditions de transmission d'entreprises, périodes potentiellement propices à l'innovation.

Si tous ces groupements insistent encore sur l'importance essentielle de préserver l'aspect « patrimonial » de la direction des entreprises, ils sont tous préoccupés par le problème de la transmission de ce patrimoine, surtout lorsqu'il devient difficile de le conserver au sein de la famille. Ces périodes de « transmission d'entreprises » sont souvent propices à la recherche d'innovations qui permettent d'espérer la réalisation de « valorisations » beaucoup plus importantes. Leur participation, avec les autres organismes (dont l'ANPE,...) et entreprises intéressées (groupes en baisse d'effectif, etc.), au recrutement des futurs « promoteurs d'innovations » devrait leur paraître motivante.

· Les entreprises (de toutes tailles) aussi sont des sources de projets innovants.

La plupart des innovations ne découlent pas d'idées géniales d'inventeurs isolés mais de la résolution astucieuse - ou plus - de difficultés rencontrées dans l'exploitation des entreprises.

Pour le plus grand nombre, ces innovations sont, cependant, aujourd'hui perdues car, n'entrant pas dans le « métier de base », elles font - au mieux - l'objet d'un dépôt de brevet... qui restera inexploité.

5.- Les sources de financement de l'innovation deviennent importantes : il est plus important d'aider à les mobiliser « au bon moment » que d'accorder des aides et subventions.

· La création du « Fonds de fonds » et le soutien aux seconds marchés (second marché, nouveau marché, ... ) a entraîné la multiplication, peut être au-delà du désirable, des FCPR et FCPI.

Contrairement à ce qui pouvait être écrit, il y a quelques mois, les fonds disponibles en France pour le développement industriel sont nombreux et riches...

Il convient cependant d'observer que :

- des fonds de petite taille (ils sont nombreux dans les régions) sont très mal adaptés au financement de projets innovants qui ont, le plus souvent, des besoins en fonds propres très élevés et fortement croissants ;

- les fonds de capital d'incubation se multiplient - ce qui est bien - mais ce sont ceux qui courent les plus grands risques (puisqu'ils viennent avant les validations du business plan destiné aux levées de fonds ultérieurs. Un trop grand nombre d'échecs de ces fonds d'incubation risquerait d'entraîner un « reflux » préjudiciable.

· Le succès des « seconds marchés » français et européen donne des portes de « sortie » aux organismes de capital risque ; il évite aussi aux instances locales et nationales de n'être que des « rabatteurs » de bons projets pour ces organismes.

Malgré un indéniable succès, le « nouveau marché », garde, dans les médias, une image de « haut risque » et la presse ne conseille guère au public d'y tenter des placements dans un but qui ne serait pas purement spéculatif.

· Ne pas confondre cette nouvelle donne avec le fonctionnement du Nasdaq américain ; ne pas copier : innover.

En particulier, le coût d'introduction sur le Nasdaq est d'un ordre plus élevé que celui connu en Europe. Par ailleurs, le Nasdaq permet aux grandes entreprises américaines de « faire leur marché » en entreprise de technologies, ce qui ne fait pas partie des m_urs des grandes entreprises européennes.

· Deux périodes restent particulièrement périlleuses et sensibles en financement ; elles méritent l'attention de l'État et de tous ses partenaires : « l'incubation » (R & D) et la préparation du lancement industriel et commercial (business plan et levée de fonds).

Un rôle spécifique peut être accordé aux grands groupes dans ce domaine car ils peuvent, à peu de frais (relativement), aider une équipe à bâtir son business plan afin de lever les fonds et rassembler le tour de table de qualité qui permettra le lancement industriel et commercial puis le développement (jusqu'à l'introduction sur le marché financier par exemple).

6.- L'image des équipements logistiques de la région peut et devrait être améliorée auprès des entreprises.

Ce qui précède essaie de mettre en évidence les atouts spécifiques de l'Isère. Ce dernier point n'a pour but que d'alerter sur ce qui risquerait d'apparaître comme un handicap.

· L'aéroport de Saint-Geoire est celui de Grenoble et non celui de Lyon.

· L'Isère n'est pas la Savoie : bien qu'au pied de hautes montagnes, le réseau routier et autoroutier de l'Isère est principalement en plaine. Il est - et doit rester - fiable et de qualité.

· L'amélioration du réseau ferroviaire n'a pas - et ne doit pas avoir - pour seul but de favoriser l'accès des touristes aux stations de ski par TGV.

Audition de M. Albert OLLIVIER,

président de CDC Innovation et directeur du programme PME-PMI

de la Caisse des dépôts et consignations

Le 21 juillet 1999

· M. Michel Destot a demandé quelle différence la CDC faisait entre innovation et recherche.

M. Albert Ollivier a indiqué que la CDC soutenait l'innovation, qui peut prendre la forme d'une simple innovation marketing dans le domaine des logiciels notamment, mais qui se rapproche plus de l'innovation technologique dans le domaine des biotechnologies. La levée des fonds de capital-risque a triplé en trois ans et 50 % de ces fonds sont consacrés aux technologies de l'information et des télécommunications (TIC), poids liés à trois causes : un facteur technologique (les opérations demandent moins de capitaux et les résultats sont plus rapides que dans les biotechnologies), le caractère très porteur du marché, auquel les investisseurs sont sensibles, et le fait que de nombreux bons spécialistes des TIC soient aujourd'hui disponibles.

· Comment entreprises et CDC sont-elle mises en relations ?

Dans un premier temps, la pénurie de capital-risque a poussé les entreprises à s'adresser à la Caisse des dépôts. Aujourd'hui les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) jouent un rôle d'animateurs dans ce domaine, dans la mesure où ils sont à la recherche de projets intéressants. Les fonds de capital-risque doivent se montrer plus dynamiques pour obtenir les affaires. Leur travail est pourtant grevé par un retard de l'évolution des effectifs par rapport à celui des volumes financiers traités : quand les capitaux ont triplé, les effectifs ne se sont accrus que de 15 à 20 %, ce qui se traduit par un manque de personnel disponible pour chercher les meilleures opérations.

· Comment peut-on associer un projet et un homme capable de le conduire ?

Cela est difficile, surtout avec trop peu de personnel. Les « mariages » prennent du temps et demandent des investissements.

Les conditions de création des fonds communs de placements sont une autre source de difficultés. La Commission des opérations de bourse (COB) les agrée un par un, ce qui implique des délais de deux mois au minimum. De plus, elle impose les mêmes exigences de qualité de gestionnaires pour les nouveaux fonds que pour les plus importants et expérimentés. Cette rigueur est justifiée par le souci de prévention qui anime la COB mais le choix d'un autre ratio serait préférable : le rapport entre le volume du fonds et ses effectifs pourrait constituer un indicateur intéressant.

· Le volume du capital-risque est-il aujourd'hui suffisant ?

Il a déjà connu une forte progression et pourrait encore doubler ou tripler à moyen terme. L'accent doit surtout être mis sur les compétences du personnel qui le gère.

Un goulot d'étranglement apparaît au niveau du Nouveau marché, qui croît nettement moins vite que le Neue Markt allemand et le Easdaq européen, à l'origine d'une éviction des investissements extérieurs. Cela est dû à des débouchés encore insuffisants et à la difficulté d'évaluation des portefeuilles de valeurs de croissance. Il faut développer le Nouveau marché et y attirer des capitaux français qui seront moins prompts à se retirer en cas de crise.

· Qu'en est-il au niveau européen ?

Le marché des entreprises de croissance aurait pu être plus intégré : aujourd'hui, chaque pays a son propre marché et le réseau Euro NM ne suffit pas à pallier les inconvénients de cette segmentation.

Le Nasdaq américain se distingue des nouveaux marchés européens par le fait qu'il n'impose pas de plafond à la taille des entreprises cotées et que de grandes entreprises de nouvelles technologies y sont présentes, ce qui est un avantage dans la mesure où les gros investisseurs préfèrent toujours les marchés les plus vastes.

De plus, les entreprises de croissance, même si elles sont originaires d'un pays membre de l'Union européenne, s'efforcent de conquérir le marché américain avant de s'implanter dans d'autres États européens. En effet, une seule autorisation d'entrée permet à une entreprise de biotechnologie par exemple de disposer d'un marché de 280 millions de consommateurs, alors qu'elle doit obtenir une autorisation dans chaque pays européen. L'entrée sur le Nasdaq apparaît naturelle dans ce cadre, et elle est de plus souhaitée par les investisseurs car elle valorise beaucoup l'entreprise.

· Comment agir sur l'environnement de proximité des nouvelles entreprises ? Les incubateurs, les fonds d'amorçage auront-ils les moyens de recruter les personnes les plus compétentes ?

Il est évident que les personnes les plus compétentes doivent être rémunérées à un niveau élevé : il faudrait que la puissance publique accepte d'engager des fonds pendant quelques années pour recruter du personnel de bonne qualité pour ces nouvelles structures. Les collectivités locales pourraient assurer ce financement dans le cadre de leur participation au fonctionnement des incubateurs, mais elles ne disposent pas d'une formule juridique sûre pour le faire en toute légalité, problème auquel il est urgent d'apporter une solution.

L'exemple américain montre que des fonds publics sont indispensables pour attirer des investisseurs privés.

· M. Michel Destot a fait remarquer que l'on se heurtait là à un problème politique car favoriser les fonds d'amorçage et les incubateurs revenait à aider le développement de grandes villes déjà dynamiques.

M. Albert Ollivier a observé que les communes moyennes auraient aussi beaucoup à gagner à pouvoir accorder des prêts d'honneur. Dans la mesure où les collectivités accordent ce type d'aides aux entreprises, il faut qu'elle puisse le faire dans un cadre légal.

· Pourrait-on avoir recours à des « chasseurs de tête » pour trouver quel manager peut développer telle ou telle innovation ?

Parmi les dossiers rejetés par la CDC, il y a certes des projets peu sérieux mais aussi des projets intéressants mais proposés par des personnes dépourvues des compétences nécessaires à leur réalisation. Des « chasseurs de tête » pourraient leur trouver des managers, mais cela suppose que l'État investisse les fonds nécessaires à leur rémunération. Il faudrait surtout inciter les grands groupes à pousser leurs cadres à s'investir auprès des PME. L'essaimage répond souvent à l'incapacité du groupe à développer un projet prometteur. Dans les autres cas, il préfère garder l'idée en son sein et ne pas risquer de perdre un cadre en lui permettant de tenter sa chance en créant sa propre entreprise. L'essaimage apparaît pourtant dynamisant pour les grands groupes. Les instruments disponibles, comme le congé long pour création d'entreprise, sont peu utilisés, surtout pour des raisons psychologiques.

· Ne faudrait-il pas demander à des chefs de grandes entreprises de devenir membres du conseil d'administration de PME ?

Pour M. Albert Ollivier, c'est certainement une bonne idée mais il faut les y inciter, enclencher une dynamique en ce sens, alors que ce genre de pratiques n'est pas valorisé aujourd'hui.

· Comment la France peut-elle attirer des chercheurs et des créateurs d'entreprises étrangers ?

Dans la mesure où le taux de chômage est élevé, il apparaît souvent intempestif de vouloir attirer de la main d'_uvre étrangère. Elle est pourtant une source certaine de dynamisme. Aussi les ambassades pourraient-elles travailler dans ce sens en mettant l'accent sur les atouts de la France - qualité de vie et des équipements publics, prestige technologique -, et en créant des guichets spéciaux pour la délivrance des visas pour ce type de migrants.

Audition de Mme Jeanne SEYVET,

directrice générale de l'industrie,
des technologies de l'information et des postes (DiGITIP)

Le 20 juillet 1999

· M. Michel Destot a demandé à Mme Jeanne Seyvet si sa direction établissait une distinction entre la recherche et l'innovation et si elle concentrait ses efforts sur le lien entre les deux.

Mme Seyvet a indiqué qu'un projet de recherche apportait une fonctionnalité nouvelle pour un produit, un procédé technique différent : il vise toujours une nouveauté. L'innovation consiste en revanche en l'utilisation d'une technique, qui peut préexister, d'une manière nouvelle en ce qui concerne un produit ou un procédé. L'innovation, contrairement à la recherche, est immédiatement soumise à la sanction du marché. L'évaluation du succès d'une innovation se mesure ainsi a posteriori, dans la vente du produit.

· Quelles sont les consignes données par le ministère aux services déconcentrés pour le choix des projets aidés ?

Les directions régionales de l'industrie, la recherche et l'environnement (DRIRE) accordent essentiellement des aides à la diffusion de technologies préexistantes selon la procédure ATOUT. Elle doit permettre au tissu industriel de s'approprier une technologie pour accroître son efficacité ; elle favorise les transferts de technologie, les modifications des lignes de production et de l'organisation du travail et la formation des salariés en lien avec cette nouvelle technologie et tous les efforts d'adaptation à l'entreprise. Parallèlement, l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) soutient les entreprises qui créent de nouveaux produits et de nouveaux procédés. L'impact de ces aides est évalué régulièrement par des consultants extérieurs à l'administration.

· M. Michel Destot a évoqué la nécessité d'effectuer une évaluation des emplois créés entreprise par entreprise afin de concentrer les aides sur celles qui sont le plus créatrices d'emplois.

Mme Jeanne Seyvet a précisé que la procédure ATOUT était évaluée chaque année par région et par secteur économique mais que l'évaluation par entreprise était impossible étant donné le grand nombre de dossiers. Un questionnaire est néanmoins envoyé à chaque bénéficiaire. Une évaluation par sondage a récemment été menée sur les dispositifs PUCE et PUMA.

Au moment de la sélection des dossiers, sont pris en compte trois critères : la nouveauté de la technologie, sa place dans la stratégie de l'entreprise et son impact sur l'emploi. Mais ce dernier élément est délicat à saisir car une nouvelle technologie est à l'origine d'emplois directs, mais aussi indirects. De plus en plus, un quatrième critère intervient, relatif à la compétence managériale, essentielle pour la création d'entreprise. Ces critères sont les mêmes quel que soit le gestionnaire de l'aide, même si cette grille est plus ou moins formalisée selon les cas.

· Quels aménagements du dispositif du crédit d'impôt recherche (CIR) peut-on envisager ?

L'idée du passage d'un CIR en accroissement à un CIR en volume semble difficile à mettre en _uvre car, pour éviter que le coût du dispositif augmente, il faudrait fortement en diminuer le plafond, à tel point qu'une tranche d'intervention efficace disparaîtrait. Or le dispositif fonctionne bien aujourd'hui : il est un élément important dans l'attraction des investissements étrangers et la restitution qu'il permet est très utile aux entreprises innovantes nouvelles qui ont un chiffre d'affaires nul. Il joue un rôle redistributif réel. Comme les PME font de l'innovation par cycle, et non de manière continue, on observe d'importants flux d'entrées et de sorties de PME du dispositif, ce qui entraîne des effets de « coup de pouce » et d'apprentissage très positifs.

La proposition d'un crédit d'impôt innovation suppose un élargissement de l'assiette qui rendrait inévitable une diminution des taux rendant le dispositif moins incitatif.

Des problèmes se posent néanmoins. Le premier concerne la sortie du dispositif à la fin d'un cycle de recherche : une prescription triennale ou quadriennale éviterait de pénaliser les entreprises dont la recherche est très cyclique, mais fraude et effet d'aubaine risquent d'en être accrus. Le second problème est relatif à la possibilité pour un groupe de créer une filiale qui reprend une activité de recherche sous couvert d'un nouveau programme et bénéficie du CIR.

· Dans la mesure où les capacités managériales constituent un critère, M. Michel Destot a suggéré que la formation soit réorientée en ce sens.

Les grandes écoles forment de plus en plus à la création d'entreprises et au management, écoles d'ingénieurs et de commerce étant très impliquées, souvent conjointement, a affirmé Mme Jeanne Seyvet. Les universités prennent conscience de cette nécessité, notamment dans le cadre des écoles doctorales, mais en sont encore à la phase de démarrage. On se heurte en fait à un problème de culture technique : le fait que les travaux pratiques sont négligés, car très coûteux, est significatif.

· La France ne souffre-t-elle pas surtout d'une difficulté à trouver des chefs d'entreprise ?

Le succès du récent concours de création d'entreprises constitue un signal positif. Le développement des incubateurs est aussi encourageant, le principal blocage concernant encore le capital d'amorçage, et ce pour des raisons culturelles. Il n'y a en fait pas de véritables lacunes dans la chaîne qui conduit à la création d'entreprises, mais elle n'est pas optimisée. Seulement 5 % du budget civil de la recherche et du développement (BCRD) sont consacrés aux technologies de l'information et de la télécommunication, quand ces technologies représentent 30 % des activités de recherche et développement privés et publics au niveau mondial.

· La présence de chefs de grande entreprise dans le conseil d'administration d'une PME ne serait-elle pas très positive ? La France ne manque-t-elle pas d'intermédiaires au niveau décentralisé ?

Les premiers business angels apparaissent en France mais le mouvement ne s'accélérera qu'après le succès d'une première génération. Les incubateurs joueront le rôle d'intermédiaires mais comment leurs responsables seront-ils rémunérés ? La puissance publique doit-elle consacrer de grosses sommes à leur rémunération ?

· L'État ne devrait-il pas financer la recherche de chefs d'entreprise capables de porter une innovation prometteuse ?

En général, l'ANVAR écarte les projets dont le manager potentiel ne semble pas suffisamment compétent mais elle travaille ensuite à l'amélioration des dossiers. Dans le cadre des incubateurs, le financement de cette intermédiation pourrait être envisagé.

· Qu'en est-il des aides au niveau européen ?

Les fonds de la banque européenne d'investissements sont désormais ouverts aux entreprises innovantes, mais des aides européennes massives seraient nécessaires pour combler le retard européen dans certains domaines comme les technologies de l'information et des télécommunications.

2.- REPRÉSENTANTS DU MONDE DES ENTREPRISES

Audition de

M. Pierre AMOUYEL,
délégué général de l'Association nationale de la recherche technique (ANRT), membre du Groupe de proposition et d'action recherche-innovation du MEDEF ;

Mme Agnès LÉPINAY,
directrice des affaires économiques, financières et fiscales du MEDEF

et M. Patrick SCHMITT,
chef de service à la direction recherche et innovation du MEDEF

Le 21 juillet 1999

· M. Michel Destot a prié les représentants du MEDEF de lui faire part du bilan qu'ils tiraient des récents dispositifs destinés à favoriser l'innovation.

Ces nouvelles mesures leur semblent mal perçues dans le public comme dans la presse. Si l'image de l'entreprise dans le monde de la recherche s'est améliorée, des réticences demeurent. L'innovation suppose un esprit d'entreprise et un environnement favorable. Le premier est étroitement lié au contenu de la formation des jeunes mais aussi de celle des enseignants. Pour ce qui concerne la deuxième condition, l'action menée par le Gouvernement va dans le bon sens, mais beaucoup reste à faire.

M. Pierre Amouyel a regretté que l'essentiel des crédits du budget civil de la recherche et du développement (BCRD) soit consacré à la recherche publique, alors que la participation de l'État à la recherche privé diminue, ce qui ne lui semble pas être le cas aux États-Unis.

· Quelles inflexions le MEDEF souhaiterait-il voir apportées au crédit d'impôt recherche (CIR) ?

Pour Madame Lépinay, le CIR est un instrument intéressant mais le fait qu'il repose sur l'accroissement de la dépense de recherche limite forcément son effet dans le temps. Elle souhaiterait donc que son régime soit modifié pour qu'une entreprise qui a déjà accru ses dépenses de recherche pendant plusieurs années puissent ensuite en bénéficier dès le premier franc. Cela serait profitable aux PME. Son assiette pourrait être étendue aux dépôts de brevets, y compris à l'étranger, tandis que la diminution de son coût budgétaire (il était de 5 milliards au début des années 1990, de 3,5 milliards seulement aujourd'hui) devrait être interrompue. Une autre mesure intéressante consisterait à permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de retirer les frais de recherche de l'assiette de la taxe professionnelle, comme cela existait jusqu'en 1984.

· Comment les pouvoirs publics peuvent-ils soutenir l'essaimage et encourager le développement de start-up ?

L'essaimage est souvent utilisé dans le cadre de diminution d'effectifs, et il ne concerne pas des activités de recherche. Les groupes ne peuvent soutenir l'essaimage que s'il concerne des activités qui ne sont ni stratégiques ni concurrentes des leurs, ce qui explique la faible ampleur de cette procédure et ce, bien que certains grands groupes (Saint-Gobain, Hewlett Packard, Thomson, France Télécom) possèdent des fonds d'essaimage.

· Comment peut-on sélectionner les personnes capables de créer et de diriger une entreprise innovante ?

L'aide à la création d'entreprise doit comporter un volet financier, mais aussi un volet de transfert de compétences, par le biais d'un réseau notamment. Le MEDEF propose deux orientations sur cette question :

- la suppression du dispositif de crédit d'impôt pour création d'emploi, peu efficace, et le redéploiement des crédits lui revenant (3 milliards de francs) pour créer des fonds d'aide aux associations soutenant la création d'entreprise ;

- le développement des business angels grâce à l'élargissement de la portée de la loi Madelin en faveur du soutien de professionnels à la création d'entreprise.

· Quelle est la position du MEDEF sur les questions d'intéressement et de stock-options ?

Il faut stimuler l'esprit d'entreprise, ce qui passe par la récompense de la prise de risque : les stock-options sont une possibilité. L'attribution de stock-options avec une décote n'apparaît pas judicieuse car elles doivent constituer un pari sur l'avenir et non un gain immédiat, mais le niveau de taxation des plus-values de cession doit être abaissé et la taxation sur la plus-value d'acquisition doit être supprimée. La distribution doit être large et la transparence accrue. Pourtant, il semble peu judicieux de demander une liste nominative des salariés autres que les dirigeants qui ont bénéficié de stock-options car la distribution ne suit pas l'ordre hiérarchique - c'est là tout son intérêt -, ce qui peut créer des tensions au sein de l'entreprise, et pourrait signaler aux « chasseurs de têtes » quels sont les cadres les plus performants.

· M. Michel Destot a demandé aux représentants du MEDEF ce qu'ils pensaient de l'adéquation entre offre et demande de recherche en France.

Ils ont estimé que la recherche souffrait d'un problème d'orientation à long comme à court termes. Les réflexions portant sur les « technologies 2000 », puis les « technologies 2005 » demeurent trop franco-françaises. De plus, faire évoluer les disciplines présentes dans les organismes de recherche s'avère très difficile. Les 8 % de post-doctorants au chômage montrent bien l'inadéquation de l'offre aux besoins des entreprises. La demande du grand public en matière d'innovation est rarement prise en compte.

· Les dispositifs communautaires d'encouragement à l'innovation sont-ils adaptées ?

Le 5ème programme cadre de recherche et développement (PCRD) a pris un an de retard tandis que le changement des commissaires et de leur portefeuille et le remaniement des administrations vont encore ralentir sa mise en _uvre. La gestion de la propriété intellectuelle a été améliorée grâce au travail de Mme Édith Cresson, mais la possibilité offerte aux filiales de groupes étrangers situées en Europe de participer à des consortia va susciter des réticences dans les domaines les plus stratégiques. Les procédures demeurent compliquées et difficiles à maîtriser pour les PME.

Audition de M. Alain BRAVO,

directeur de recherche chez Alcatel

Le 13 juillet 1999

· M. Michel Destot a demandé quels efforts le groupe Alcatel réalisait en matière d'innovation.

M. Alain Bravo a indiqué que, dans le secteur des télécommunications, le rapport entre recherche et développement et volume des ventes était toujours élevé, de 12 à 14 %. L'innovation technologique nécessite un effort constant considérable. Chez Alcatel, la plus grande partie de la dépense (environ 85 %) est liée au développement des produits ; le reste couvre de la recherche technologique « pure ».

La recherche et développement emploie 24.000 chercheurs, dont 800 se consacrent à la recherche « pure » : ce sont eux que M. Alain Bravo dirige. Il existe un centre de recherche commun au secteur des télécommunications et à celui des câbles près des Ulysses. Ailleurs, la recherche relative au câble est en lien direct avec le développement des produits, ce qui est source de contraintes pour la recherche, soumise à la pression directe du marché. La difficulté est dans la différence de rythme entre les deux phases : la recherche s'effectue dans le moyen et le long termes, alors que le développement relève du court et du moyen termes.

Ce que M. Alain Bravo qualifie de recherche technologique « pure » ne correspond pas à de la recherche fondamentale : cette dernière est réalisée par les partenaires universitaires ou académiques d'Alcatel. Elle occupe 450 chercheurs en France sur le total de 800 ; 130 sont installés à Stuttgart, une centaine en Belgique, une cinquantaine en Espagne et autant aux États-Unis. Tout projet réunit au moins deux équipes installées sur deux sites afin de profiter du brassage culturel, de la proximité académique des deux sites, d'environnements marketing variés...

Alcatel travaille avec une cinquante de partenaires universitaires et de recherche publique, parmi lesquels la moitié est française (INRIA, CNRS, CENT, université de Limoges...).

· Quelles aides publiques le groupe Alcatel reçoit-il ? Combien le crédit d'impôt recherche (CIR) représente-t-il ?

D'un point de vue financier, les aides sont appréciables : elles s'élèvent à 16 % du coût global de recherche. 50 % proviennent de dispositifs nationaux, 50 % de programmes européens. Les aides nationales sont très variables selon les pays. Aux États-Unis, elles proviennent soit de la DARTA, et sont liées à la Défense, soit de la National Science Fondation, et nécessitent la collaboration d'une université. Les critères de sélection sont toujours très rigoureux.

En Europe, la France apparaît comme le plus mauvais « financeur » de recherche alors que l'Allemagne et la Belgique sont des bailleurs très efficaces grâce à des mécanismes largement ouverts et poussant au partenariat entre entreprises et universités. En France, le système est très imparfait, même s'il existe des avancées réelles. C'est le cas du Réseau national de recherche en télécommunication (RNRT), né en 1997. Il présente l'immense avantage de stimuler la communauté scientifique dans le domaine des télécommunications, assurant le dynamisme des industriels, mais il ne dispose que d'une enveloppe de 260 millions de francs, ce qui est insuffisant.

Au niveau européen, au-delà du 5ème programme-cadre de la Commission, les programmes Eurêka sont plus proches des milieux industriels et plus souples dans leur fonctionnement que les programmes nationaux ou communautaires. Mais M. Alain Bravo a pourtant exprimé un regret et une inquiétude. Le premier est relatif à la faiblesse de la croissance de l'enveloppe - qui est certes déjà conséquente - consacré aux télécommunications dans le 5ème programme-cadre de recherche et développement : elle contraste avec la forte augmentation des moyens offerts aux États-Unis comme au Japon. Son inquiétude porte sur la volonté du Gouvernement de transformer les aides accordées jusque là sous forme de subventions, notamment dans le cadre du programme « ITEA », en avances remboursables. Pour M. Alain Bravo, ce mode de financement, adapté dans le cas d'innovations industrielles, est inadéquat pour la recherche précompétitive. D'une part, il est dépourvu de rationalité économique, d'autre part, il est source d'inégalités entre les pays, dans la mesure où les entreprises des autres États membres reçoivent des subventions : cette réforme entraînerait donc une disparité dans la gestion des projets. Il affirme que cette volonté de changement révèle un problème de perception de l'action publique en matière de recherche. L'État américain estime que le meilleur investissement réalisé sur des fonds fédéraux depuis une vingtaine d'années concerne la recherche. En France, l'État espère avoir un retour sous trois ans. Il n'en demeure pas moins que l'obtention d'un financement public apparaît comme la reconnaissance de la qualité d'un projet et du programme de recherche d'une entreprise.

· M. Michel Destot a prié M. Alain Bravo de lui donner son sentiment sur la nouvelle politique menée depuis les Assises de l'innovation.

M. Alain Bravo a souligné la volonté d'impulser un mouvement dans le domaine de l'innovation et s'en est félicité, même si le foisonnement rend l'ensemble difficile à appréhender. Il a reconnu qu'il n'existait pas de solution unique pour répondre au processus de mutation technologique et que le foisonnement pouvait être créateur d'une dynamique. Le point le plus intéressant est certainement la création du RNRT dont le principal atout est l'association d'une centaine de sociétés, dont 25 PME.

Si Alcatel collabore volontiers avec elles dans un tel cadre, le groupe n'est pas favorable à l'essaimage : lorsque qu'un projet d'innovation apparaît intéressant, il préfère le développer au sein du groupe afin de s'en assurer le bénéfice. Il convient d'ailleurs de distinguer le domaine du soft ware, dans lequel les produits peuvent naître rapidement et être développés dans une start-up, de celui des composants (le hard ware), qui demande un investissement matériel et humain énorme, beaucoup de capital financier et de savoir-faire, ce qu'une petite société ne peut apporter.

La loi sur la recherche et l'innovation lui semble aller dans le bon sens même s'il juge qu'elle peut encore être enrichie. La collaboration entre industrie et recherche doit être favorisée. Elle est particulièrement pertinente dans le cas d'Alcatel qui travaille déjà avec le CNET, le CNRS (dans le domaine de l'optoélectronique), l'INRIA...

· Alcatel offre-t-il une formule d'intéressement aux chercheurs ?

Le groupe distribue des stock-options à ses cadres et les chercheurs bénéficient d'un mode particulier de gestion des brevets : les inventeurs y sont intéressés, dans des proportions encore modestes mais néanmoins incitatives.

· Que se passe-t-il si le chercheur veut créer sa propre entreprise ?

Le chercheur peut toujours développer son projet au sein du groupe, où l'environnement est très favorable. S'il veut le quitter pour accroître ses gains sur la plus-value, il est difficile de le retenir, d'où la nécessité de disposer d'éléments incitatifs pour certains projets afin de retenir le chercheur.

A la fin de 1998, des stock-options ont été distribuées à 2.000 personnes : elles ne seront levables que si certains objectifs de rentabilité sont atteints en 2000-2001. Mais le régime actuel des stock-options en France pose un problème de concurrence avec les États-Unis en particulier. Des mesures en leur faveur constitueraient un mécanisme efficace pour promouvoir l'innovation.

· Comment l'adéquation entre la recherche et les besoins du groupe se réalise-t-elle ?

Recherche et développement/production s'influencent réciproquement. Sur le moyen terme, la recherche est « calée » sur les demandes des unités de développement/production ; sur le long terme, elle en est indépendante. Mais il faut tenir compte de la différence de rythme entre la recherche en entreprise et la recherche universitaire : ce que la première considère comme du long terme relève du court terme pour la seconde ! Mais les relations entre les deux en sont d'autant plus nécessaires.

Alcatel effectue environ 80 % de ses travaux de recherche sur le moyen terme et 20 % sur un long terme relatif. Mais la recherche n'y est jamais absolument libre : elle est organisée en départements et chacun est cogéré par M. Alain Bravo et par le président de l'unité de développement/production concernée. La recherche de long terme est essentielle, quoique minoritaire, car c'est d'elle que dépend la capacité à surprendre.

· Favorable à l'idée d'un crédit d'impôt innovation, M. Michel Destot a demandé à son interlocuteur s'il la trouvait pertinente.

M. Alain Bravo estime qu'il manque aujourd'hui, à côté du CIR, une mesure qui pousse l'entrepreneur à accompagner les transferts de technologies par un effort de marketing comparable à l'investissement en équipement. Pour aider la création d'emplois dans les services innovants, il faut donner aux entreprises les moyens de financer des campagnes de marketing : il faut savoir conquérir un abonné tout comme on a su l'équiper. Or les banquiers, comme le CIR, prennent mal en compte cette nécessité. Un amortissement fiscal différencié pour ces investissements permettrait d'accroître les chances de vendre.

Audition de M. Jean-Claude LEHMANN,

directeur de la Recherche à Saint-Gobain,

ancien vice-président du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie

Le 28 juin 1999

M. Jean-Claude Lehmann a insisté sur la nécessité de distinguer clairement les notions technologie, recherche et innovation. La technologie se mesure par le nombre de brevets, les savoir-faire ; elle peut se créer, s'acheter, s'échanger... La recherche est un moyen pour l'entreprise de développer de la technologie. Quant à l'innovation, elle présente un caractère culturel et exerce une influence à long terme : les entreprises, voire les pays, sont, selon les périodes, plus ou moins innovants. La notion d'innovation fait la synthèse de la recherche et de la technologie en y ajoutant un élément culturel. C'est ce dernier qui rend difficiles la gestion et la stimulation de l'innovation. Les modifications législatives ou réglementaires s'avèrent souvent insuffisantes : le rapport Guillaume dresse un constat pertinent, mais il n'indique pas quels sont les leviers d'action pour la puissance publique.

L'innovation met en jeu trois acteurs : la recherche publique, les grandes entreprises et le tissu des PME. La position française n'a rien de catastrophique, mais elle présente des déficits à trois niveaux :

· Au niveau des grandes entreprises : les restructurations récentes n'ont pas toujours permis de réfléchir à des visions d'avenir, à tel point que des entreprises aujourd'hui très bien placées risquent de souffrir du tarissement d'idées nouvelles et ambitieuses pour leur croissance interne ;

· Au niveau des PME, le taux de création d'entreprise est trop faible : deux causes peuvent être avancées :

- le système de formation, mais il est en train de changer : les grandes écoles sont désormais plus ouvertes à la création d'entreprise et commencent à former des entrepreneurs plutôt que des gestionnaires. Les jeunes ont le goût d'entreprendre, comme en témoignent les 2.000 dossiers proposés au concours de création d'entreprise lancé par Claude Allègre. M. Lehmann estime néanmoins que trop sont encore médiocres, ce qui montre que la préparation est encore perfectible.

- l'environnement réglementaire : la création d'entreprise constitue une opération longue et difficile, sur laquelle pèsent trop de contraintes.

M. Destot a demandé si les mêmes difficultés étaient rencontrées en cas d'essaimage. M. Lehmann a expliqué que les lourdeurs réglementaires à tous les niveaux étaient identiques, et que cela expliquait la faible implication de Saint-Gobain dans le processus d'essaimage.

· Au niveau des relations entre recherche publique et monde des entreprises : depuis le début des années 1980, ces deux mondes collaborent volontiers, mais il reste deux freins :

- L'absence de mobilité des personnes : cela relève du blocage culturel et ne peut être vaincu par la seule force de la loi.

M. Destot a suggéré la mise en place d'un régime d'intéressement pour attirer les chercheurs dans les entreprises. M. Lehmann a estimé que ce n'était pas la solution car les chercheurs n'étaient pas uniquement attirés par la rémunération. Il a en revanche déploré les conditions fiscales faites aux consultants : un statut de consultant simplifié lui semble aller dans le bon sens, alors que le consultant est aujourd'hui considéré comme un travailleur indépendant, avec toutes les charges que cela implique. L'intérêt du travail est de doute façon la première motivation. Le créateur d'entreprise, au contraire, veut devenir riche : la possibilité pour les dirigeants de participer au capital de la nouvelle entreprise, prévue dans le projet de loi sur la recherche et l'innovation, est donc positive. Mais les stock-options devraient aussi être favorisées.

Remarquant qu'un bon chercheur n'est pas nécessairement un bon gestionnaire, M. Destot s'est interrogé sur le mode de sélection des nouveaux patrons d'entreprise. M. Lehmann a suggéré de marier HEC et l'École polytechnique et de mettre en place un système d'intéressement des chercheurs aux résultats de leur brevet, la rémunération devant être d'autant plus élevée que le chercheur assurera le suivi de son brevet dans l'entreprise, de manière à réduire la distance entre brevet et innovation. Dans cette perspective, le plafonnement de rémunération des fonctionnaires chercheurs devrait être relevé.

M. Destot a souligné la nécessité d'une double formation et du décloisonnement des formations. Approuvant cette idée, M. Lehmann a regretté que cela se limite souvent à quelques cours de formation au monde des affaires dans un cursus scientifique : des écoles de commerce pourraient être considérées comme écoles d'application de l'École Polytechnique, comme c'est le cas des MBA étrangers.

- La faiblesse, en France, du développement de la recherche orientée vers la technologie, par apport aux situations américaine, allemande ou néerlandaise : il existe un mépris culturel pour la recherche non académique, non fondamentale, ce qui n'est nullement le cas ailleurs. S'il ne faut pas imposer un quota de recherche technologique, il convient de faire pression sur les universités pour les pousser vers la recherche orientée vers des enjeux technologiques.

M. Destot a fait remarquer qu'il existait des organismes remarquables dans ce domaine. M. Lehmann a rendu hommage à l'INRIA, à l'INRA, au CEA, mais a déploré l'archaïsme du statut des fonctionnaires avec lequel université et CNRS devaient travailler. Il a reconnu que les industriels préféraient souvent confier leurs problèmes ponctuels à des universités étrangères, ce qui est aussi lié au peu d'efforts qu'ils font pour être compris par le monde de la recherche. Il existe en Allemagne, pour ne prendre qu'un seul exemple, des instituts de recherche rentables, spécialisés dans l'usinage, alors qu'en France de telles compétences sont dispersées entre plusieurs organismes.

Dans cette perspective, M. Destot s'est inquiété de la manière dont les demandes des industriels étaient exprimées et de la nécessité de combattre la logique de l'offre de recherche, au profit justement d'une logique de demande. Opposé à la notion de valorisation, M. Lehmann a mis l'accent sur l'interactivité qui devait présider un travail en réseau associant laboratoires et grandes entreprises pour créer des entreprises nouvelles. Dans ce cadre, une connaissance fine des entreprises existantes est indispensable : elle passe par un relais au niveau régional (DRIRE, ANVAR...).

Il a noté que, dans ce cadre, il n'était pas pertinent de supprimer les aides aux grandes entreprises, alors qu'elles peuvent faciliter l'essaimage, encore trop faible, et que le manque de capital-risque, souvent mis en avant, n'est pas le problème principal : il faut des structures associant des financiers, des entrepreneurs et de grandes entreprises. Pour cela, il faut intéresser les grandes entreprises au développement des petites et trouver des incitations pour rendre tous les acteurs innovants : il faut aider les entreprises non à faire de la recherche, mais à être innovantes, alors que le flou est actuellement total entre ces deux objectifs. Les aides du type « grands projets innovants » ou « saut technologique » étaient tournées vers l'innovation, et favorisaient l'emploi, souvent stimulé par les sauts technologiques.

Pour favoriser les synergies, M. Destot a expliqué qu'il s'efforçait, à Grenoble, d'associer les chefs de grandes entreprises au conseil d'administration des start-up mais que cela ne semblait pas aller de soi. M. Lehmann a trouvé cette idée excellente, et de nature à rompre avec le blocage culturel qui empêche aujourd'hui la collaboration entre grandes entreprises et PME. Il a déploré que les grandes entreprises utilisent trop souvent leurs liquidités pour acheter des entreprises ou racheter leurs actions au lieu de les investir pour développer des activités nouvelles ou aider la naissance de start-up.

M. Destot a demandé à M. Lehmann son avis sur le crédit d'impôt recherche (CIR) et sur son éventuelle transformation en crédit d'impôt innovation. M. Lehmann s'est prononcé plutôt en faveur d'un système d'aide à l'innovation, et non à la recherche, tout en reconnaissant l'attachement des chefs d'entreprise au CIR, et les difficultés qu'il y aurait à modifier le dispositif et à élaborer des indicateurs d'innovation.

Quant au niveau européen, qui se résume souvent à la comparaison des modèles allemand et français, il a souligné l'intérêt du premier mais aussi les difficultés d'obtention d'aides communautaires.

Audition de M. Emmanuel LEPRINCE,

délégué général du Comité Richelieu

Le 8 septembre 1999

M. Emmanuel Leprince a indiqué que le Comité Richelieu, créé il y a dix ans, et regroupant aujourd'hui 210 PME innovantes, visait à faire des propositions aux pouvoirs publics et à aider les PME à établir des relations avec des entreprises, grandes ou petites, à l'étranger.

Son objectif actuel est d'obtenir que les PME participent à la recherche des entreprises nationales et des administrations. Cela constituerait un moyen de les soutenir, ce que leur taille, inférieure à la taille critique, rend indispensable. Le Comité souhaiterait que 10 % des dépenses de recherche et développement du ministère de la Défense notamment, mais aussi de France Télécom par exemple, soient réservées à des PME indépendantes. Pour le Gouvernement, ces 10 % ne sont qu'un objectif et ils concernent PME et filiales de groupes. Aujourd'hui, la part n'est que de 4,5 %, alors qu'elle est de 12 % aux États-Unis. Une politique de quota, au moins transitoire, semble donc la seule efficace. La participation des PME au Réseau national de recherche en télécommunication (RNRT) devrait de même être favorisée. Il s'agirait en somme d'un « small business Act » à la française. Le taux de 10 % semble d'autant plus réaliste qu'il a été retenu au niveau communautaire. Ce dispositif ne renvoie nullement à un système d'aides publiques, mais à l'attribution de contrats afin de rééquilibrer les conditions de concurrence des PME avec les grands groupes.

M. Emmanuel Leprince a néanmoins estimé que le crédit d'impôt recherche était un bon mécanisme et que les aides de l'ANVAR étaient utiles.

M. Michel Destot ayant souligné les difficultés de mise en _uvre de tels quotas, il a reconnu que des tentatives s'étaient déjà heurtées au Code des marchés publics qui empêche de faire intervenir la taille de l'entreprise comme un critère de choix. De plus, les quotas favoriseraient la coopération entre PME et grands groupes, ces derniers pouvant ainsi profiter indirectement de la part réservée aux PME.

Audition de M. Guy SALLAVUARD,

directeur du département relations inter-entreprises du groupe Totalfina

et de M. Jean-Bernard SIGAUD,

directeur délégué France de Total raffinage distribution

Le 21 juillet 1999

· M. Michel Destot a demandé que lui soient présentées les actions menées par le groupe Totalfina en faveur des PME.

M. Guy Sallavuard a indiqué qu'il existait aujourd'hui, en complément de l'aide à l'international initiée par l'ancien président de Total, M.  Tchuruk, des aides globalisées plus générales qui ne s'adressent ni aux clients, ni aux fournisseurs, ni aux sous-traitants du groupe mais aux entreprises des bassins d'emploi où il est présent.

Cette action repose sur trois principes :

- une entreprise est toujours étroitement liée à son environnement ;

- en soixante-quinze ans, le groupe, qui compte aujourd'hui 61.000 salariés, a accumulé des savoirs et des savoir-faire qu'il peut, et doit, partager avec d'autres entreprises ;

- ce partage doit s'effectuer au profit de PME pour créer de nouvelles activités et le plus d'emplois possibles.

Le groupe utilise trois outils à cette fin :

- le partage de compétences : il faut mettre en relation les PME dont les besoins ont été identifiés et la personne du groupe possédant la compétence pour les aider. Cela peut aller jusqu'à la mise à disposition d'un salarié. De cette opération, les trois parties (collaborateur du groupe, PME, groupe) sortent gagnantes : le premier a fait l'expérience enrichissante du monde des PME, la PME a bénéficié d'une compétence qu'elle n'aurait pas eu les moyens de s'offrir et le groupe a pu ajuster au mieux sa gestion des ressources humaines. Un « qualiticien » du groupe résout ainsi en une journée les difficultés d'une entreprise désireuse de se faire certifier ; un agent de paye explique le fonctionnement d'un logiciel à un patron de PME... Pour organiser de telles opérations, il faut disposer d'une masse critique : l'association Passerelle, que M. Guy Sallavuard préside, mutualise les moyens de plusieurs grands groupes français pour répondre à de telles demandes. Si la mise en _uvre de la procédure est parfois difficile, elle donne toujours de bons résultats.

- l'aide à l'international : le groupe est présent dans une centaine de pays, dont il a une bonne connaissance qui peut être utile à des entreprises désireuses de s'y implanter. Il pratique le portage de stagiaires et de volontaires du service national en entreprise (VSNE) : ils travaillent pour des PME mais sont installés dans des locaux appartenant à Total et parrainés par les cadres présents sur place. 50 % de ces jeunes sont ensuite embauchés dans la PME. Avec la disparition du service militaire obligatoire, un régime de substitution va être mis en place. Le même effort est fait en faveur de stagiaires envoyés à l'étranger pour trois mois.

- l'accord de prêts : Total dispose d'une enveloppe de 10 millions de francs par an pour accorder des prêts d'honneur, sans intérêt ni garantie, à des créateurs d'entreprise ou à des entreprises jeunes qui attendent leurs premiers bénéfices. Ces prêts permettent de financer des investissements matériels.

Dans tous les cas, les entreprises qui demandent de l'aide sont signalées au groupe par les chambres de commerce ou les associations de développement régional. Des réseaux comme Partenariat France et CREATI contribuent aussi à offrir de l'aide aux PME.

· Le groupe accueille-t-il du personnel étranger ?

Il pratique « l'impatriation », c'est-à-dire l'accueil de nationaux travaillant dans ses filiales ou chez ses partenaires internationaux. Cela a toujours un effet positif, surtout si l'étranger est intégré normalement dans l'organisation du groupe et y occupe un vrai poste.

· Totalfina est-il favorable à l'essaimage ?

Il a fait peu d'expériences dans ce domaine : les flux sont tendus depuis quelques années, le groupe a besoin de tous ses moyens et son personnel, très attaché au confort apporté par la taille de Totalfina et qui dispose en son sein de toutes les conditions pour bien faire son métier, est peu intéressé par ce type d'expérience. Souvent les expatriés du groupe s'impliquent dans la vie locale en participant au conseil d'administration d'écoles par exemple.

*

* *

M. Jean-Bernard Sigaud a d'abord cité l'exemple d'un essaimage réussi : une PME spécialisée dans le chargement des réacteurs industriels, Pétroval, créée par un technicien de Total et avec son soutien est devenue leader mondial dans son domaine !

· M. Michel Destot lui a demandé quelle différence il faisait entre innovation et recherche.

L'innovation lui semble être un état d'esprit : elle intervient en amont de la recherche, au niveau de l'idée initiale, et en aval, dans la mise en _uvre de ses résultats. La recherche est en quelque sorte le moyen de concrétiser une idée. Innovation et recherche se complètent.

· Comment la recherche est-elle évaluée dans le groupe ?

La recherche y est surtout de type incrémental, c'est-à-dire, pour ce qui concerne l'aval pétrolier, faite d'une somme de petits projets tournés vers l'application, ce qui assure une bonne visibilité. La pertinence de l'idée est mesurée par le fait que les services opérationnels acceptent de financer la recherche. Ces derniers expriment des besoins souvent flous qu'il faut comprendre et auxquels des solutions doivent être apportées. Les chercheurs assurent aussi une veille technologique, en particulier sur tous les nouveaux brevets tandis que des responsables de la stratégie de l'entreprise interviennent également pour permettre d'avoir une vision plus globale des choses.

Le groupe n'évalue pas le nombre d'emplois qu'une innovation permettra de créer ; cela aurait d'ailleurs peu de chances à l'échelle d'un petit projet pris isolément. En fait, l'innovation est la condition de la survie de l'activité et donc des emplois. S'y ajoute une utilité sociale réelle en terme d'amélioration de la qualité de vie.

· Le groupe bénéficie-t-il du crédit d'impôt recherche (CIR) ?

Il en a bénéficié dans les années 1980 puis la diminution du budget de la recherche dans les activités de raffinage a privé ce secteur du CIR. Pour le reste, il représente une dizaine de millions de francs chaque année alors que le budget de recherche de Total est de 1,4 milliard de francs. Le CIR est à l'origine d'un effet d'aubaine pour les secteurs en développement, mais n'entraîne jamais de décision en matière de recherche. Des aides plus ciblées et plus sélectives seraient plus pertinentes, mais cela pose le problème difficile de la sélection des projets.

A noter qu'en France, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) s'applique aussi aux carburants utilisés pour effectuer des essais, ce qui constitue un handicap significatif pour les pétroliers français, face notamment aux laboratoires américains Plus généralement, le fait que BP, Esso puis Shell se soient pratiquement retirés de la recherche pétrolière en France tend à indiquer que les conditions y sont moins favorables qu'ailleurs, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, aux États-Unis en particuliers.

3.- ACTEURS ÉCONOMIQUES ET SCIENTIFIQUES
DE LA RÉGION RHÔNE-ALPES

Les 16 et 23 mars 2000

· Christian DESMOULINS, directeur des technologies avancées au CEA

Au CEA, existe déjà une filiale CEA-Valor en direction des start-up. Pour encourager le développement de telles initiatives, il serait intéressant de remplacer le cash initial apporté par cette entité par la possibilité de prendre des parts dans la société accompagnée. Il souligne le problème de la création de valeur au sein des start-up.

Le crédit d'impôt innovation pourrait inclure les dépenses immatérielles comprenant : l'analyse de marché, les prototypes, les pré-séries, le design, les dépenses marketing... 80 % des échecs de l'ANVAR sont des échecs commerciaux et non technologiques d'où la nécessité d'un crédit d'impôt innovation.

· Jean-Claude SABONNARDIERE, président de Grenoble Alpes Incubation

Il souhaiterait orienter les investissements publics vers les entreprises innovantes, le BCRD vers les technologies innovantes, certes, mais aussi sur les innovations dans les technologies matures. Il souligne par ailleurs le fort potentiel d'innovation du secteur traditionnel.

Pour éviter la crainte d'un contrôle fiscal à la suite d'un crédit d'impôt recherche, ne faudrait-il pas favoriser un contrôle ou un agrément a priori par l'ANVAR ?

Encourager les ministères et les laboratoires à soutenir les chercheurs qui souhaitent valoriser leurs découvertes ou faire des transferts de technologies.

Pourquoi ne pas suivre l'Allemagne en retenant le critère de l'expérience de la vie entrepreunariale pour le recrutement des ingénieurs, chercheurs et professeurs d'université ?

· Philippe MALLEIN, vice-vrésident de l'Université Pierre Mendès France

Il souligne la tendance en France à assimiler les technologies performantes à l'innovation. Sur les 100 technologies clés retenues par le ministère de l'Industrie, une seule relève des sciences sociales. La France manque cruellement d'un travail approfondi sur l'analyse de la demande. Aussi, les technologies et l'innovation dans notre pays doivent-elles davantage s'appuyer sur les technologies d'accompagnement (ex: analyse de la valeur...) issues des sciences sociales.

Il serait nécessaire de créer un réseau national sur la recherche technologique en matière d'accompagnement de l'innovation. Les sciences sociales doivent aussi relever ce défi et palier un certain défaut d'académisme qui passerait entre autres par un renforcement des outils et des méthodes.

· M. AUGRIS, centre technique du papier

Il souligne la nécessité d'accélérer la mise en réseau des acteurs de l'innovation au niveau européen. La mobilité des chercheurs s'accroît. Toutefois, il faudrait encore encourager les rapprochements entre chercheurs, par exemple par la création de centre d'offre des technologies.

· Jean-Pierre BESSE, directeur régional Rhône-Alpes de la Banque de développement des PME

La France manque crucialement de support financier pour permettre un passage de la réussite technologique à la réussite commerciale. Les jeunes entreprises ont souvent de grandes difficultés à embaucher des commerciaux, à développer un réseau commercial avant de lancer leur production en grande série.

Il note également la peur des dirigeants de PME du risque fiscal lors de l'utilisation du crédit impôt recherche.

· Daniel THOULOUZE, directeur régional Rhône-Alpes recherche et technologie

La nécessité de valoriser la recherche appliquée ne doit pas se faire au détriment de la recherche fondamentale.

L'innovation dans les services existe. Il faut l'encourager, même si elle est difficile à évaluer. L'ANVAR doit renforcer son action dans cette direction.

Les crédits d'amorçage ne manquent plus. L'action des pouvoirs publics doit désormais consister à favoriser un changement de culture pour permettre aux projets d'émerger.

L'action de l'Europe doit privilégier les procédures de type bottom-up (de type Eurêka).

· Jacques DESCHAMPS, directeur Thomson Plasma (établissement de Moirans)

Il note que les grandes entreprises vivent plutôt à la marge des nombreuses procédures de soutien à l'innovation. Il suggère que les PME, qui ont souvent une compétence technologique pointue mais sans connaissance approfondie des marchés, puissent bénéficier de l'aide des grandes entreprises dans ce domaine.

· Michel BELAKHOVSKI, CEA-Grenoble

Il souligne la nécessité de mettre en place un dispositif d'évaluation de l'ensemble des mesures ambitieuses prises depuis 1997.

· Jeanne JORDANOV, directrice de recherche au CNRS

Un manque important de culture des brevets et de la propriété industrielle se faisant sentir dans les PME, elle souligne la nécessité de réduire le coût des brevets.

Dans les start-up, il faut encore faciliter les recrutements et assouplir les conditions d'embauche.

· Geneviève FIORASO, directrice de l'agence régionale Rhône-Alpes du numérique

Il faut développer et structurer les initiatives qui concentre l'information pour les PME, pour permettre une simplification et une concentration de l'information. Les temps de réponse pour les PME seront ainsi plus courts. Reprendre les initiatives du type de l'Agence Régionale Rhône-Alpes du Numérique sur l'ensemble du territoire en les fédérant avec des outils communs. Les PME ont besoin de réponses pratiques, concrètes et rapides (de type guichet unique). Elle souligne également l'intérêt de favoriser des aides ponctuelles aux PME sur les études de marché, le recrutement du personnel.

· Jean THERME, directeur du LETI-CEA

Il souhaiterait que soit fait un bilan de la loi sur l'innovation, loi qui a permis des avancées importantes mais qui a aussi engendré des effets pervers. Ainsi, en voulant encourager la mobilité du personnel, on a mis en évidence des risques encourus, des situations à la limite de la légalité pour lesquels il faudra rapidement apporter des réponses et des clarifications.

Il souligne le danger de création d'un ghetto technologique. On parle de laboratoires technologiques, d'innovations technologiques, de start-up technologiques dans des secteurs technologiques... Il est aussi très important de développer l'innovation dans le secteur traditionnel.

Il est nécessaire d'avoir recours à des personnes expérimentées en matière de brevets. C'est la meilleure façon d'apprendre à ne pas se tromper. Car il ne suffit de déposer un brevet, il faut suivre son évolution et pouvoir par la suite le défendre avec l'appui de cabinets spécialisés dont nous sommes sous-équipés.

· Jean-Pierre KLEIN, directeur régional de France Télécom recherche et développement

Il souligne la nécessité de remettre en cause une échelle de valeur persistante qui privilégierait la recherche au détriment de l'innovation et également au détriment de la technologie. Cela se perçoit parfaitement dans le choix des thèmes de thèses.

Il faut favoriser les stages de jeunes ingénieurs, chercheurs, commerciaux dans les entreprises et ceci, particulièrement dans des entreprises qui démarrent.

· M. RANDET, directeur de CEA-Valor

Il est nécessaire de clarifier la stratégie de l'Union européenne en matière d'innovation pour éviter un émiettement et un saupoudrage. La France, quant à elle, doit privilégier la contractualisation de la recherche. Il faut favoriser les démarches partenariales.

· Jean VIMAIL du MONTEIL, directeur développement des entreprises - CCI de Grenoble

Il rappelle la crainte des responsables des PME d'être l'objet d'un contrôle fiscal suite à l'obtention d'un crédit d'impôt recherche et souhaite que la législation française soit plus favorable à l'esprit d'entreprise.

· Patrice CHASTAGNER, directeur du site ST Microelectronics de Grenoble

Il souhaite que soit favorisées les possibilités de retour d'un chercheur dans son entreprise ou laboratoire... après un échec de création d`entreprise. La valorisation culturelle de l'innovation doit être accentuée. La simplification de l'accès aux aides françaises et européennes doit être une priorité. Il souligne enfin le risque actuel de désertification des filières technologiques.

· Monica BELTRAMETTI, directrice générale Xerox Worlwide Process Manufacturing

Les grandes entreprises ont des temps de réactions plus lents que les P.M.E. pour occuper de nouveaux marchés. Pour contourner cette difficulté, les grandes entreprises américaines développent des filiales spécifiques qui ont pour objet de créer une start-up suite à une innovation dans l'entreprise, qui ne pourrait pas être développée rapidement autrement.

Il faut également favoriser le développement des cabinets de conseil qui accompagnent le chercheur ou l'entrepreneur de start-up pour le management, les ressources humaines, chasseurs de têtes...

· Philippe CAPEDEVIELLE, directeur d'Emertec Gestion

Le principal problème de l'innovation n'est pas ou n'est plus financier, il est avant tout culturel.

Il ne faut pas trop vouloir distinguer nouvelle et ancienne économie. Les innovations nouvelles vont irriguer l'ensemble de l'économie.

Il faut également des hommes compétents et performants, et pour cela, il faut pouvoir bien les rémunérer.

· M. VERJUS, directeur de l'INRIA

L'envie de création d'entreprise est de plus en plus perceptibles chez les jeunes. Si les conséquences de la loi sur l'innovation et le recherche ne sont pas encore toutes perçues, il sera nécessaire à moyen terme de faire un bilan de ce texte et les ajustements nécessaires.

· Jean-Yves RENAUD, délégué régional Rhône-Alpes ANVAR

La création d'un crédit d'impôt innovation spécifique ne paraît pas fondé. Il n'y a pas de frontières strictes entre la recherche et l'innovation dans les critères du CIR. Il vaut mieux aller sur une simplification du CIR qui inclurait de nouvelles dépenses de soutien à l'innovation, les frais de brevets et de propriété industrielle notamment (à long terme aussi les frais de traduction et de défense du brevet).

Les crédits européens devraient voir leur distribution régionalisée comme pour la reconversion ou la procédure Eurêka, gérée sur le terrain par l'administration qui ferait alors le lien entre la PME et l'Union européenne. La délégation à une entité plus proche du terrain de ces programmes (BCRD) comme elle le fait pour le FEDER est une nécessité.

Enfin, il faudrait créer un label « entreprise innovante » (comme il en existe déjà un pour les FCPI) qui donnerait droit à des baisses de charges sociales sur les salaires de recherche et développement et d'innovation.

· M. VUILLOT, DRIRE Rhône-Alpes

Il souhaiterait que soit développé le dispositif de la DRIRE Rhône-Alpes sur l'ensemble du territoire afin de mettre à disposition d'écoles ou de centre de formation de module court de création d'entreprise (de bac + 2 à bac + 5).

Il rappelle que la création d'entreprise n'est pas un palliatif à l'absence d'un emploi salarié.

· Alain FROSSARD, directeur régional du commerce extérieur (Rhône-Alpes)

Le dispositif au niveau européen est très lourd à mettre en place et à modifier. Il faut donc profiter de la présidence française de l'Union européenne pour mettre en _uvre des réformes.

Il rappelle que la COFACE a des critères moins exigeants que les autres administrations pour les entreprises innovantes.

· Jean-Michel LAMURE, président de SOITEC

Pour résoudre les rivalités entre chercheurs et laboratoires sur la paternité d'un projet, il suggère que le laboratoire puisse prendre une participation dans la nouvelle entreprise.

Il est nécessaire d'intégrer plus de profils industriels dans les laboratoires français.

· M. PETROFF, directeur de l'ESRF (synchrotron) et Thierry VETTIER, directeur de l'Institut Laue Langevin

Il est prioritaire de valoriser le salaire des jeunes chercheurs qui est de moins en moins compétitif avec l'industrie. Il signale la baisse inquiétante des effectifs d'étudiants dans les filières scientifiques et particulièrement dans la recherche.

· Jacques VOIRON, vice-président de l'Université Joseph Fourier (Grenoble)

Il constate l'amélioration des relations entre l'université/recherche et le monde industriel, avec la signature de contrats en forte croissance et une progression du nombre de stage.

· M. DENARIE, directeur départemental de l'ANPE

Il souligne la nécessité d'améliorer encore la procédure de création d'entreprise et également la couverture des créateurs en cas d'échec. Il note qu'une pénurie de main d'_uvre dans certains secteurs encore peu nombreux risque d'apparaître.

· François PETIT, président de l'Université Pierre Mendès-France (Grenoble)

Il a fait remarquer la complexité des SAIC qui se mettaient en place dans le cadre de la loi sur la recherche et l'innovation et la nécessité de réformer la loi d'orientation sur l'enseignement supérieur qui date déjà de 1984.

Il souhaite que soit encouragée la culture de la marge, de l'initiative et du travail en groupe. Les carrières mixtes sont à fortement développées.

· Yves BOURDON, président directeur général d'Erim

Il souligne qu'en complément des incubateurs et fonds d'amorçage, il est primordial de développer et d'encourager la pratique des business angels.

Il faudrait que le CIR puisse prendre en compte les dépenses de recherche dans leur globalité, indépendamment de leur accroissement. Il souhaiterait également qu'une aide puisse soutenir les PME pour le dépôt et le suivi d'un brevet.

2364 - Rapport d'information de M. Michel Destot sur l'innovation en France (commission des finances)

() Henri Guillaume, La technologie et l'innovation (La Documentation française, 1998).

() Edith Cresson, Innover ou subir (Flammarion, 1998).

() SESSI, l'innovation technologique dans l'industrie (1998).

() Conseil d'analyse économique, Innovation et croissance (1998).

() Ibidem.

() notamment Paul Romer, « Increasing returns and long-run growth » , Journal of Political Economy (1986) et Robert Lucas, Making a miracle (Econometrica, 1993).

() Henri Guillaume, La technologie et l'innovation, op. cit.

() Dominique de Lapparent, « La création d'entreprise de haute technologie », in La création d'entreprises technologique (Caisse des dépôts et consignations, 1999).

() Henri Guillaume, Rapport de mission sur la technologie et l'innovation, op. cit.

() Yves Dupin, « la création d'entreprises technologiques : organiser un environnement favorable », in La création d'entreprises technologiques, op.cit.

() Édith Cresson, Innover ou subir, op.cit.

() La stratégie de l'OCDE pour l'emploi : technologie, productivité et création d'emplois (OCDE, 1996).

() Jacques Vallée, Les Enjeux du millénaire. Capital-risque et innovation (Hachette, 1998).

() voir supra chapitre I, II, B « Les Européens qui donnent l'exemple ».

() Jacques Vallée, Les Enjeux du millénaire. Capital-risque et innovation, op.cit.

() Yves Dupin et Dominique de Lapparent, La création d'entreprises technologiques, op.cit.

() Didier Lombard, Le brevet pour l'innovation, rapport sur la propriété industrielle (1998).

(2) Journal Officiel - Débats de l'Assemblée nationale, 1ère séance du 3 juin 1999.

(1) Ibidem.

() Henri Guillaume, La technologie et l'innovation, op. cit.

() Commissariat général du Plan, Recherche et innovation : Place et stratégie de la France dans la compétition mondiale (novembre 1999).

() Voir le compte-rendu de son audition en annexe.

() Dominique de Lapparent, « La création d'entreprises de haute technologie », op.cit.

() Jean-Pierre. Balligand, Jean-Baptiste. de Foucauld, L'épargne salariale au c_ur du contrat social, Rapport au premier ministre, janvier 2000.

(1) Entretien accordé par M. Christian Pierret à MM. Renaud Czarnes et Michel Feltin, « La gauche et les privatisations. L'esprit d'entreprise est une valeur de gauche », la Croix, 31 mai 1999.

() M. Éric Besson, Pour un plan d'urgence d'aide à la création de « très petites entreprises », Assemblée nationale, onzième législature, document n° 1804, 14 septembre 1999.

() Voir les comptes-rendus de leurs auditions en annexe.

() Voir le compte-rendu de son audition en annexe.