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N° 2401 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 mai 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

sur la mission effectuée par une délégation de la Commission

à Cuba

ET PRÉSENTÉ

PAR M. GEORGES HAGE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Affaires étrangères

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; MM. Gérard Charasse, Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; MM. Roland Blum, Pierre Brana, Mme Monique Collang, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge,  Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean-Michel Ferrand, Raymond Forni, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Alain Le Vern, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Jean-Claude Mignon, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, François Rochebloine, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers, Jean-Jacques Weber.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - CUBA DANS LE MONDE ACTUEL : UNE SINGULARITÉ HISTORIQUE 7

A - UNE EXPÉRIENCE ORIGINALE DU SOCIALISME 7

1) Un régime dont la légitimité est fondée sur
   la défense de l'identité cubaine 7

2) Le socialisme voit dans l'homme le capital le plus précieux 8

B - QUID DE LA PERPÉTUATION DU MODÈLE ? 9

1) L'aspect positif : Cuba est le dernier pays à lutter contre l'impérialisme 10

2) L'aspect controversé : une certaine crispation
sur la démocratie et les droits de l'Homme 11

3) L'incertitude sur la « transition » 12

II - CUBA, LA FRANCE ET L'EUROPE 15

A - DES RELATIONS FRANCO-CUBAINES EXCELLENTES
FONDÉES SUR UN RESPECT RÉCIPROQUE
15

1) Les relations politiques 15

2) Les relations économiques 16

B - LA DIFFICILE MISE EN PLACE D'UNE RELATION EURO-CUBAINE 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE 25

Mesdames, Messieurs,

Une délégation de la Commission des affaires étrangères s'est rendue à La Havane du 15 au 19 avril 2000, afin de faire le point de la situation politique et économique de Cuba et des relations entre ce pays et la France.

M'accompagnaient en cette mission, que je dirigeais, Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Jean-Yves Gateaud. Il faut noter que c'était la première visite d'une délégation de la Commission des affaires étrangères ès qualités à Cuba. Je me félicite qu'elle s'inscrive dans la nette impulsion des relations franco-cubaines en ces dernières années.

Nous avons rencontré tout d'abord des personnalités parlementaires : le président de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire, M. Ricardo Alarcon, le président de la commission des relations extérieures, M. Ramon Pez Ferro, le président du groupe d'amitié Cuba/France, M. Miguel Barnet. Nous avons également pu avoir des contacts avec des membres du gouvernement chargés de secteurs qui intéressaient plus particulièrement notre mission, comme M. Angel Dalmau, le vice-ministre des relations extérieures ou M. Ricardo Malmierca, vice-ministre des investissements étrangers et de la coopération. Enfin, la délégation a pu visiter certaines réalisations remarquables, tels un complexe touristique en voie d'aménagement, l'institut de recherche scientifique et médicale Finlay ou l'école de médecine latino-américaine.

Hors programme officiel, Mme Bernadette Isaac-Sibille a rencontré le cardinal de La Havane, Mgr. Jaime Ortega, et M. Jean-Yves Gateaud, le président de la commission cubaine des droits de l'Homme, M. Elizardo Sanchez Santa Cruz.

I - CUBA DANS LE MONDE ACTUEL :

UNE SINGULARITÉ HISTORIQUE

A - Une expérience originale du socialisme

1) Un régime dont la légitimité est fondée sur la défense de l'identité cubaine

Qui veut comprendre Cuba se doit de prendre connaissance de la longue et tumultueuse histoire de ses relations avec les Etats-Unis. Le Président Jefferson (l'un des auteurs de la Déclaration d'indépendance) souhaitait déjà au tout début du 19ème siècle que les Etats-Unis s'approprient Cuba, île située à 200 kilomètres des côtes de Floride. Ainsi, les Américains s'engagent dans la guerre d'indépendance cubaine contre l'Espagne (1895-1898) avec d'importantes arrière-pensées. Ils imposent en effet un droit unilatéral d'intervention aux Etats-Unis dans la constitution cubaine de 1902, connu sous le nom d'amendement Platt (qui ne sera abrogé que dans les années vingt). Dès lors, les Etats-Unis sont non seulement maître du jeu politique par l'intermédiaire de dictateurs fantoches, mais aussi les véritables propriétaires de l'économie cubaine. La possibilité d'ingérence inscrite dans l'amendement Platt n'est pas restée lettre morte, que ce soit directement (envoi de soldats américains en 1906 ou en 1917) ou indirectement (coups d'Etat de Batista en 1934 et 1952). Ainsi, pendant la période qui va de 1898 à 1959, Cuba est un pays économiquement, voire politiquement aux mains des Américains, qui possèdent 50 % des terres, les principales entreprises du pays, ainsi que de très nombreux casinos, hôtels ou autres établissements de plaisir...

La lutte menée à partir de 1953 par Fidel Castro et ses partisans a d'abord pour but de renverser le régime dictatorial et proaméricain de Batista. La révolution de 1959 n'est donc pas une révolution communiste, même si elle est fondée dès l'origine sur un appui populaire et sur une méfiance à l'égard des possédants, dans la mesure où ceux-ci sont liés aux intérêts américains. Il faut d'ailleurs remarquer qu'il existe alors un parti communiste à Cuba, le PSP, auquel n'appartient pas Fidel Castro et qui ne s'est rallié que tardivement à ce dernier.

Après la révolution, l'histoire des relations entre Cuba et les Etats-Unis se complique encore. La tentative de débarquement d'exilés cubains soutenus par la CIA dans la Baie des Cochons en 1961, l'activisme des Cubains de Floride, et bien sûr l'embargo imposé par les Etats-Unis, que chacun à Cuba qualifie de blocus, ont considérablement renforcé la ferveur nationaliste du peuple cubain. Pour une grande majorité de Cubains, la défiance des Américains à l'égard du régime castriste n'est pas séparable du refus qui leur est prêté d'accepter un Cuba réellement indépendant. D'ailleurs, la disparition de l'Union soviétique ne s'est pas accompagnée d'un assouplissement de la position américaine à l'égard de Cuba. Au contraire, le désir d'isoler Cuba s'est encore renforcé avec l'adoption en 1992 de la loi Torricelli qui renforce l'embargo et celle de la loi Helms-Burton en 1996 qui vise à sanctionner les entreprises étrangères qui utiliseraient à Cuba des biens confisqués à la révolution. L'hostilité à l'encontre de Cuba est telle que le Congrès américain n'a pas hésité à prendre des mesures dont le caractère extraterritorial constitue une violation flagrante des règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Il n'est pas possible de comprendre Cuba si on ne prend pas en compte le souci fondamental que le peuple cubain a de sa dignité. En effet, même les adversaires les plus acharnés du régime reconnaissent que si celui-ci tombe, Cuba passera automatiquement sous la coupe des Etats-Unis, ou du moins des Cubains exilés aux Etats-Unis. Ces derniers se sont en effet en quelque sorte arrogé le monopole de l'opposition au régime. L'affaire du petit Elian Gonzalez a confirmé l'impopularité des exilés cubains de Floride, considérés comme traîtres à la patrie. Fondée sur une réaction avant tout identitaire et nationaliste, la révolution cubaine s'impose avant même d'établir des liens privilégiés avec l'Union soviétique. Il est alors compréhensible que cette révolution survive à l'effondrement du communisme en URSS.

2) Le socialisme voit dans l'homme le capital le plus précieux

L'évolution de Cuba vers le socialisme a répondu à une certaine logique. Comme on l'a montré, une révolution nationaliste à Cuba devait nécessairement être défavorable aux plus riches, dont les intérêts étaient liés aux milieux d'affaires américains. De plus, la méfiance à l'égard des Etats-Unis tenait aussi à l'accaparement des richesses du pays par une petite minorité, protégée par le puissant voisin. En conséquence, les réformes agraires et foncières interviennent dès 1959. En outre, les biens appartenant à des Américains ou à des Cubains ayant fui le pays sont confisqués et redistribués à la population. Par ailleurs, l'hostilité persistante des Etats-Unis au nouveau régime cubain a conduit celui-ci à se rapprocher très rapidement de l'Union soviétique.

Le régime socialiste cubain est donc une construction originale. Il en restera toujours certaines spécificités, qui ont expliqué l'extraordinaire popularité de cette révolution qui manifeste un prestige sans commune mesure avec la puissance réelle, militaire, économique, démographique de Cuba. En effet, le socialisme cubain a toujours considéré que l'homme était le capital le plus précieux, pour reprendre une vieille formule de Joseph Staline. Nous avons pu constater que cet humanisme concret est à l'origine de succès réels du régime. Ses réussites en matière de santé et d'éducation sont connues et elles nous ont paru réelles. La lutte contre l'analphabétisme a enregistré des résultats incontestables puisqu'il a pratiquement disparu, alors qu'il concernait en 1959 près du quart de la population. Le niveau scolaire moyen est élevé à Cuba, où tous les jeunes enfants sont scolarisés, et où une proportion remarquable suit des études secondaires, voire universitaires.

C'est dans le domaine de la santé que nous avons observé les réussites les plus marquantes du régime. La préoccupation pour la santé témoigne du niveau de développement humain d'une nation. Du moins lorsque la santé est considérée comme une composante de la dignité des individus, et non comme un bien marchand. Trop souvent, dans les pays occidentaux, la santé est considérée comme un secteur économique comme un autre. Au contraire, à Cuba la préoccupation pour la santé relève véritablement d'une politique soigneusement délibérée et exprime un enthousiasme certain. Les moyens qui lui sont consacrés sont donc considérables : un véritable maillage de la population par des « médecins de famille », 1 pour 120 familles, permet un suivi efficace dans toutes les couches de la population. Il en résulte que les indicateurs de santé (espérance de vie, mortalité infantile...) sont comparables, voire dépassent ceux que l'on peut observer dans les pays occidentaux. Pourtant, l'embargo est un handicap considérable dans le domaine de la santé. Tout d'abord, il explique largement la pénurie de certains médicaments, ensuite, il empêche le développement d'une véritable industrie pharmaceutique alors que Cuba dispose d'un potentiel formidable dans ce secteur.

Nous avons eu la chance de pouvoir visiter l'institut de recherche scientifique et médicale Finlay, spécialisé dans la recherche de nouveaux vaccins. Nous avons été particulièrement impressionnés à la fois par le niveau de compétence scientifique et par l'esprit altruiste de l'équipe de l'Institut. En effet, cet institut a réussi à mettre au point de nouveaux vaccins notamment contre la méningite. Son histoire est un véritable paradoxe, puisque ce vaccin, unique au monde dans son genre, a finalement pu être utilisé aux Etats-Unis, grâce à une autorisation spéciale. L'excellence du système de santé cubain a ainsi pu sauver des enfants américains...

B - Quid de la perpétuation du modèle ?

Dans un monde dominé par le phénomène de la mondialisation et par la diffusion de l'idéologie libérale, est-il possible pour Cuba de maintenir un système opposé au modèle dominant ?

1) L'aspect positif : Cuba est le dernier pays à lutter contre l'impérialisme

Notre mission a commencé au lendemain de la clôture du sommet du Sud (à l'origine duquel on retrouve le « groupe des 77 ») qui réunit l'ensemble des pays de ce qui est de moins en moins appelé le tiers monde. Nos interlocuteurs ont donc insisté à juste titre sur le rôle de Cuba dans la lutte contre l'impérialisme, rôle d'autant plus important qu'elle est souvent une des seules à opérer cette dénonciation car les problèmes provoqués par le capitalisme et le libéralisme sont plus que jamais d'actualité. Fidel Castro les a dénoncés avec force au cours du Sommet du Sud, rappelant que le libéralisme provoque chaque année plus de morts que la deuxième guerre mondiale. Il a en outre prôné la démolition du FMI et souhaité la mise en accusation et un « procès de Nuremberg » à l'encontre de l'ordre économique.

Cette dénonciation du capitalisme est salutaire alors que les solutions proposées par le FMI et la Banque mondiale montrent de plus en plus leurs funestes effets. A l'inverse Cuba peut se permettre d'émettre des critiques : alors qu'elle est exclue de l'aide des institutions de Bretton Woods, et donc qu'elle emprunte à des taux usuraires, Cuba a atteint un niveau de développement bien supérieur à celui des autres îles des Caraïbes. De plus, contrairement à ce qui se passe dans toute l'Amérique latine, il n'y a pas de misère et tout le monde mange à sa faim et vit sous un toit à Cuba. Au Venezuela, pays qui possède d'immenses richesses naturelles, 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Nos interlocuteurs cubains sont attentifs à l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez.

En outre Cuba ne se contente pas de critiquer le modèle néolibéral, elle en pointe également les carences par ses actions. Ainsi, Cuba a mis au point un système de coopération médicale Sud/Sud très intéressant. Cuba envoie des médecins dans des lieux sinistrés, comme en Amérique centrale après le cyclone Mitch, où ils sont souvent les seuls à s'aventurer dans les zones les plus reculées. Dans le même registre, Fidel Castro a décidé il y a un an la création d'une école latino-américaine de sciences médicales, que nous avons visitée, chargée de former des étudiants en médecine issus d'autres pays latino-américains. Ils profitent ainsi du savoir-faire cubain, et du financement de l'ensemble de leurs études. Dans un autre domaine, tel celui du cinéma, Cuba a fondé une école destinée à la formation des réalisateurs, école présidée par le prix Nobel, Gabriel Garcia Marquez. Ces réalisations exemplaires et très récentes montrent que Cuba n'a pas renoncé à exporter sa conception du monde.

2) L'aspect controversé : une certaine crispation sur la démocratie et les droits de l'Homme

Fidèle à sa conception des droits de l'Homme, Cuba refuse une évolution imposée de l'extérieur. Du point de vue politique, les évolutions ont donc été très timides : le multipartisme, les libertés politiques restent des concepts suspects pour Cuba. Pour autant, nos interlocuteurs acceptent d'évoquer ces questions et sont manifestement très peinés que Cuba passe pour une dictature sur la scène internationale.

Les Cubains s'étonnent tout d'abord du caractère disproportionné des critiques qui leur sont faites. Pour eux l'argument des droits de l'Homme n'est qu'un prétexte pour critiquer le régime. La condamnation, pendant notre voyage, le 18 avril, de Cuba par la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies pour la seconde année consécutive a été considérée comme une véritable injustice sur l'argument du « deux poids, deux mesures » : pourquoi condamner Cuba et pas l'Arabie Saoudite par exemple ? D'ailleurs le front des pays du Sud s'est opposé à cette condamnation, dénonçant cet argumentaire à géométrie variable. Ils font remarquer qu'à une énorme majorité, l'Assemblée générale des Nations Unies condamne chaque année l'embargo américain sur Cuba. La phraséologie des droits de l'Homme est donc suspecte au Sud.

Une autre justification souvent évoquée tient au caractère socialiste du régime : il en résulte une prévalence en faveur des droits sociaux sur les libertés formelles. La persistance de la misère dans les pays latino-américains qui ont choisi la voie d'élections libres et démocratiques est souvent donnée en exemple.

Enfin, encore une fois, les relations avec les Etats-Unis pèsent sur la vie politique cubaine. Comme on l'a déjà montré, la seule opposition organisée est celle des Cubains de Floride. Le vice-ministre des relations extérieures, Angel Dalmau, nous a expliqué que le multipartisme, dans le contexte des relations actuelles avec les Etats-Unis, s'apparenterait à un suicide politique. En effet - nous l'avons vu -, aux sanctions se sont ajoutées l'adoption de la loi Torricelli en 1992 et de la loi Helms-Burton en 1996. Aucune étude sérieuse ne met en doute l'efficacité redoutable de ces mesures. Fidel Castro, peut-on observer, en tire un bénéfice politique : il fait de l'embargo la cause unique des difficultés économiques du pays, qui en outre renforce le sentiment national cubain.

Sans vouloir soulever un débat idéologique, on peut avancer que l'idée selon laquelle la démocratie sociale serait plus importante que la démocratie politique dans les pays pauvres peut être mise en doute. Certaines erreurs - comme par exemple le choix de structures étatiques dans le domaine de l'agriculture - n'auraient-elles pu être évitées par le débat démocratique ? De plus, une information libre et large n'est-elle pas nécessaire pour expliquer et combattre la contagion idéologique du mode de vie américain ?

Depuis la visite du Pape en janvier 1998, très peu de progrès ont été réalisés dans le domaine politique. Ce voyage avait été en effet l'occasion d'une certaine décrispation au plan politique, notamment dans le domaine de la liberté religieuse. Notre collègue Bernadette Isaac-Sibille a pu assister à la procession dans la rue du dimanche des Rameaux. C'est donc à tort que le journal Le Monde avait annoncé le 12 avril que le régime avait interdit les processions publiques de la semaine sainte. En outre, un certain nombre d'opposants ont le droit de s'afficher comme tels, c'est le cas par exemple de M. Elizardo Sanchez Santa Cruz, président de la commission cubaine de défense des droits de l'Homme, que Jean-Yves Gateaud a pu rencontrer. Cependant, si les opposants intérieurs ne sont pas traqués, leur action n'est pas pour autant favorisée, ce qui est en contradiction avec le constat d'une opposition par trop aux mains des Etats-Unis.

Notons néanmoins que la condamnation de Cuba par la Commission des droits de l'Homme ne s'est pas traduite par un durcissement vis-à-vis de la dissidence, comme cela était attendu. Au contraire, le régime a libéré au mois de mai Felix Bonne, Marta Beatriz Roque et Rene Gomez, membres du Groupe de travail de la dissidence interne. Arrêtés en juillet 1997 avec Vladimiro Roca, toujours emprisonné, les quatre avaient été condamnés pour sédition en mars 1998 à des peines de prison allant de trois ans et demi à cinq ans. Ils avaient publié notamment un document intitulé "La patrie appartient à tous".

3) L'incertitude sur la « transition »

Officiellement, il n'est jamais question de transition à Cuba. Cependant, le pays a dû s'adapter à l'évolution de la situation internationale suite à la disparition du bloc socialiste, et incontestablement le visage du pays a changé dans de nombreux domaines depuis le début des années 1990. En effet, les conséquences de la disparition du camp socialiste ont été dramatiques pour Cuba dont l'économie était entièrement dépendante des biens importés d'Union soviétique et des achats de produits cubains, notamment de sucre, réalisés en retour. La première réaction suite à l'effondrement de l'économie cubaine a été marquée par l'urgence : une « période spéciale » a été instaurée, qui visait en fait à gérer la pénurie. Mais il était indispensable de réfléchir à une nouvelle stratégie pour l'économie cubaine. Celle-ci a pris deux visages, qui sont liés, l'accueil des investissements étrangers et le développement du tourisme.

Que ce soit au cours de nos entretiens, notamment avec M. Rodrigo Malmierca, le vice-ministre chargé des investissements étrangers et de la coopération internationale, lors d'une visite d'un complexe touristique récemment achevé à l'Est de La Havane, ou encore par ce que nous avons pu observer tout au long de notre séjour, nous avons pu constater le dynamisme de l'économie touristique. L'essor de la « destination Cuba » a été spectaculaire : en 1990, à peine 300 000 personnes visitaient l'île chaque année, ce nombre a doublé en 1994, et a dépassé un million en 1996. En 1999, 1,65 million de touristes se sont rendus à Cuba. Le gouvernement a un objectif à court terme de 2 millions de visiteurs annuels. En conséquence, le tourisme est devenu le premier secteur de l'économie cubaine, il a rapporté 1,8 milliard de dollars en 1998.

Ce résultat a été obtenu grâce à une politique audacieuse d'ouverture sur l'étranger. Ainsi la loi du 5 septembre 1995 a ouvert tous les secteurs de l'économie à l'investissement étranger - y compris le secteur de l'immobilier - à l'exception de la santé, de l'éducation et de la défense. En outre, les investisseurs étrangers peuvent détenir seuls l'intégralité du capital des entreprises concernées. Enfin, une réforme décisive pour la promotion du tourisme a été l'introduction du dollar comme monnaie quasi-officielle de Cuba, du moins pour les étrangers, situation pour le moins paradoxale pour un pays qui clame haut et fort son attachement au socialisme. D'ailleurs, le développement du tourisme ne s'est pas fait sans effet pervers : retour de la prostitution à Cuba, apparition d'une économie à deux vitesses, interpellation lancinante de l'amour-propre cubain au « spectacle » de touristes aisés alors que la majorité de la population reste en situation de pénurie.

En dehors du secteur du tourisme les réformes économiques ont été très modestes. Dans le domaine agricole, une partie des terres administrées par l'Etat, qui représentaient encore 70 % des terres cultivées, a été octroyée aux petits propriétaires ou aux coopératives. De plus des « marchés paysans » ont été autorisés sur lesquels les exploitants peuvent vendre directement leur production. En dépit de la modestie de ces réformes des structures, les personnalités que nous avons rencontrées, souvent jeunes et très au fait des réalités de l'économie mondialisée, ont beaucoup insisté sur la nécessité d'améliorer les méthodes de travail et d'introduire les notions de rentabilité et d'efficacité économique.

II - CUBA, LA FRANCE ET L'EUROPE

A - Des relations franco-cubaines excellentes fondées sur un respect réciproque

1) Les relations politiques

Les relations bilatérales entre la France et Cuba sont excellentes, elles sont fondées avant tout sur le dialogue et le respect de l'autre. En témoignent :

- le nombre et la qualité des visites officielles entre les deux pays. Quatre membres du gouvernement actuel (MM. Josselin, Gayssot, Besson et Mme Demessine) se sont rendus à Cuba en visite officielle. Dans l'autre sens, la France a reçu notamment très récemment deux des personnalités les plus influentes du régime : M. Carlos Lage, vice-président du Conseil d'Etat en septembre 1998 et M. Felipe Perez Roque, ministre des relations extérieures en janvier 2000.

- l'intensité des relations parlementaires entre les deux pays. Rappelons seulement que le groupe d'amitié France-Cuba est le plus important de l'Assemblée nationale par le nombre de ses membres, et qu'il était présidé, jusqu'à son élection à la présidence de l'Assemblée par M. Raymond Forni.

- la politique convergente des deux pays sur de nombreux sujets, notamment le combat pour la diversité culturelle ou l'intérêt porté au thème du développement du tiers-monde. A ce sujet, une expérience intéressante de coopération triangulaire entre la France, Cuba et Haïti a été mise en place dans le cadre de l'intégration de Cuba à la Zone de solidarité prioritaire de la coopération française.

En ce qui nous concerne, nous avons été les témoins privilégiés de la qualité de cette amitié. Nous avons pu constater auprès de nos interlocuteurs l'intérêt porté à la France. Nous avons également constaté que notre ambassadeur à La Havane, M. Yvon Roé d'Albert, est une personnalité très écoutée et appréciée par les autorités cubaines, et ce au plus haut niveau. Enfin, il nous faut souligner l'accueil excellent de notre délégation dans des circonstances très particulières. Alors que Cuba venait d'organiser le sommet du Sud, que le vote de la Commission des droits de l'Homme de l'ONU à Genève est intervenu au cours de notre mission, que le retrait de la candidature de Cuba à la convention post-Lomé se préparait et que l'affaire du petit Elian Gonzalez connaissait de nouveaux développements, aucun de nos interlocuteurs ne s'est décommandé. M. Ricardo Alarcon, le très influent président de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire et officieux « ministre des relations avec les Etats-Unis » nous a honorés de sa présence au dîner offert en notre honneur à la résidence de l'ambassadeur de France et nous a reçus pour un déjeuner fort sympathique au moment même où une cour d'appel d'Atlanta rendait un jugement décevant concernant le petit Elian. Ces signes sont particulièrement révélateurs de l'attention portée par les autorités cubaines à la qualité des relations avec la France.

2) Les relations économiques

Trop souvent en Amérique latine, la bonne qualité des relations politiques bilatérales avec la France ne s'accompagne pas d'une place économique de premier plan. Tel n'est pas le cas à Cuba où les entreprises françaises ont su profiter de l'absence des Etats-Unis pour nouer des relations économiques fortes.

Certes, les ventes françaises à Cuba ont baissé en 1999 de 5 %, mais dans un contexte de contraction globale des importations cubaines de 15 % liée à des problèmes de liquidités. Ainsi, la part de marché de la France est passé de 7 à 11 %, ce qui fait de la France le deuxième partenaire commercial de l'île, derrière l'Espagne, mais devant le Canada. On remarquera notamment une réorientation de nos exportations vers les secteurs les plus riches en valeur ajoutée, particulièrement le secteur automobile (+ 43,7 %) dans lequel les entreprises françaises disposent de 35 % des parts de marché. Nous avons pu remarquer l'omniprésence des taxis de marque française. La situation est la même en ce qui concerne les véhicules de police, dont le marché de renouvellement a été obtenu par Peugeot, qui a pu compter sur un soutien précieux de notre Ambassade dans la négociation. Ainsi, notre solde commercial avec Cuba est largement positif, à 1,13 milliard de francs en 1999, soit le deuxième excédent bilatéral de la France en Amérique latine, derrière le Mexique, alors que Cuba est un petit pays de 11 millions d'habitants qui n'a pas accès au système financier international, ce qui limite grandement son potentiel commercial.

A l'inverse on ne peut que regretter la présence relativement modeste des entreprises françaises à Cuba. Le stock des investissements français à Cuba n'est que de 60 millions de dollars, contre 700 pour les entreprises canadiennes, 600 pour les italiennes et 400 pour les espagnoles, sur un stock total de 2,5 milliards de dollars d'investissements étrangers. Quelques grandes entreprises françaises s'intéressent à Cuba, comme Pernod Ricard ou Accor qui a pour but la construction du premier pôle hôtelier de La Havane (la délégation résidait d'ailleurs au Novotel de Miramar qui vient tout juste d'ouvrir ses portes). Mais globalement le dynamisme de nos partenaires est bien plus visible : les complexes touristiques que nous avons pu visiter à l'est de La Havane étaient d'ailleurs réalisés grâce à des capitaux canadiens et italiens.

Un autre aspect des relations économiques entre la France et Cuba tient à la politique de coopération et d'aide au développement. Cuba fait en effet partie depuis mai 1999 de la Zone de solidarité prioritaire, les crédits qui lui sont destinés ont ainsi été multipliés par plus de 5, passant de 3 millions de francs en 1999 à 17,2 millions en 2000. Le vice-ministre de l'investissement étranger et de la coopération internationale nous a dit les espoirs qu'il porte dans le développement de cette coopération et nous a affirmé que Cuba se félicitait que la France reconnaisse ainsi la place prépondérante et particulière de l'île dans la région caraïbe.

B - La difficile mise en place d'une relation euro-cubaine

La politique de coopération française est de moins en moins détachable de la politique de développement menée au niveau communautaire. Nous nous sommes intéressés à cette question dans la mesure où Cuba était encore candidate, pendant notre mission, à rejoindre le groupe ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), afin d'être Partie aux accords post-Lomé.

Avant même le retrait de cette candidature et l'annulation de la visite de la Troïka européenne chargée d'en négocier les modalités, nous avions noté une grande réserve de la part de nos interlocuteurs à propos des relations entre Cuba et l'Union européenne, contrastant avec la relation de confiance entre Cuba et la France. Plaçant comme toujours le respect de la dignité du peuple cubain comme une priorité, La Havane se sent mal à l'aise dans une négociation dont les acteurs sont multiples, fondée sur le respect de conditions à remplir a priori, et sur la nécessité de convaincre des pays peu tolérants à l'égard de Cuba. Ainsi le vote de la résolution de la Commission des droits de l'Homme a été le déclencheur d'une rupture largement prévisible. Autant les Cubains acceptent d'évoquer tous les sujets dans un climat de confiance, que favorise la relation bilatérale, autant ils n'acceptent pas une forme de conditionnalité a priori qu'ils considèrent comme de l'ingérence. Dans sa diversité, la mission ne se prononce pas sur la légitimité de cet état d'esprit, mais elle constate que l'efficacité impose de la prendre en compte. Nous avons ainsi pu longuement évoquer la question du pluralisme et des droits de l'Homme avec Angel Dalmau, le vice-ministre des relations extérieures dans un climat de franchise et de respect mutuel. Ce que les autorités cubaines refusent, c'est de devoir accepter un préalable, qu'imposait la procédure communautaire. Nous considérons la nécessité d'un dialogue politique comme tout à fait légitime, mais celui-ci ne peut pas être imposé.

CONCLUSION

Les quelques jours que nous avons passés à Cuba ne nous ont certainement pas permis d'avoir une vision complète d'une situation particulièrement complexe. Mais, cette mission nous a fourni l'occasion de mesurer cette complexité, alors que Cuba fait trop souvent l'objet d'analyses unilatérales systématiquement défavorables. Un constat est certain : Cuba refuse de se conformer au moule dominant. N'est-ce pas d'abord cela que ses contempteurs refusent quand ils critiquent Cuba ?

Compte tenu de son isolement, le régime cubain a incontestablement une mentalité d'assiégé, ce qui engendre certaines erreurs, notamment dans le domaine des libertés politiques. C'est pourquoi, nous avons le ferme sentiment que c'est par le dialogue et le respect que nous pourrons inciter le régime à évoluer, et non par la menace et la condamnation sans nuance, stratégie employée par les Etats-Unis depuis 40 ans. Il faut d'ailleurs noter que cette voie constructive que la France a choisie à Cuba lui donne un prestige et une influence que l'on aimerait voir se répandre dans tous les pays d'Amérique latine.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 17 mai 2000 , sur le rapport de M. Georges Hage.

M. Georges Hage a expliqué qu'une délégation de la Commission des Affaires étrangères s'était rendue à La Havane du 15 au 19 avril 2000, afin de faire le point sur la situation politique et économique de Cuba et les relations entre ce pays et la France. Cette mission, qu'il présidait, était également composée de Mme Bernadette Isaac-Sibille et de M. Jean-Yves Gateaud. Il faut noter que c'était la première visite d'une délégation de la Commission des affaires étrangères à Cuba.

M. Georges Hage a souligné que la persistance du régime cubain dans le contexte de la mondialisation constitue une anomalie surprenante. L'histoire de Cuba explique en partie ce phénomène : le régime et son évolution sont consubstantiels à la défense de l'identité cubaine contre les pressions du voisin américain. La longue et tumultueuse histoire des relations avec les Etats-Unis est un élément central à prendre en compte pour quiconque souhaite comprendre Cuba. Le Président Jefferson, au tout début du 19ème siècle, souhaitait déjà que les Etats-Unis s'approprient Cuba, qui par sa position géographique, à 200 kilomètres des côtes de Floride, a souvent été considérée comme un prolongement naturel du territoire américain. Ainsi, les Etats-Unis s'engagent dans la guerre d'indépendance cubaine contre l'Espagne (1895-1898) avec d'importantes arrière-pensées. Ils imposent en effet un droit unilatéral d'intervention des Etats-Unis dans la constitution cubaine de 1902, connu sous le nom d'amendement Platt. Ainsi, pendant la période qui va de 1898 à 1959, Cuba est un pays aux mains des intérêts américains. La révolution de 1959 n'est donc aucunement une révolution communiste, même si elle est fondée dès l'origine sur un appui populaire et nécessairement sur une méfiance à l'égard des possédants, dans la mesure où ceux-ci sont liés aux intérêts américains. Elle est fondée sur une réaction identitaire et nationaliste qui précède le ralliement à l'URSS, ce qui explique aussi qu'elle ait survécu à l'effondrement de cette dernière.

L'évolution de Cuba vers le socialisme a néanmoins répondu à une certaine logique. Mais il s'est toujours agi d'un socialisme qui considérait que l'homme était le capital le plus précieux. Or, ce postulat est à l'origine de succès réels du régime que la mission a pu constater dans le domaine de l'éducation et de la santé. La santé est considérée comme une composante de la dignité des individus, et non comme un bien marchand. Les moyens qui lui sont consacrés sont donc considérables : un véritable maillage de la population par des « médecins de famille », 1 pour 120 familles, permet un suivi efficace dans toutes les couches de la population. Pourtant, l'embargo est un handicap considérable dans le domaine de la santé. Tout d'abord, il explique largement la pénurie que l'on peut constater concernant certains médicaments, ensuite, il empêche l'émergence d'une véritable industrie pharmaceutique alors que Cuba dispose d'un potentiel formidable dans ce secteur.

M. Georges Hage a ensuite évoqué la situation particulière de Cuba dans le monde actuel. Cuba joue tout d'abord un rôle important dans la lutte contre l'impérialisme, comme l'a montré le discours très offensif de Fidel Castro au sommet des 77, organisé à La Havane quelques jours avant le début de la mission d'information. De plus, cette dénonciation passe aussi par des actions concrètes, notamment une coopération Sud/Sud très intéressante dans le domaine médical, avec l'ouverture d'une école latino-américaine de sciences médicales, que la mission a pu visiter et qui est chargée de former des médecins pour des pays qui en manquent.

La mission n'a pas voulu éluder la question des droits de l'Homme. A Cuba, la phraséologie des droits de l'Homme est suspecte, le régime préfère insister sur les droits sociaux. Mais cette préférence de la démocratie sociale sur la démocratie politique peut légitimement être mise en doute. En effet, la libre discussion, la confrontation des points de vue auraient pu éviter certaines erreurs, concernant par exemple les structures choisies dans le domaine de l'agriculture. De plus, une information libre et large semble indispensable pour éviter une contagion idéologique, alors que le mode de vie américain déploie ses charmes apparents, en dépit de l'embargo. A ce sujet, on ne peut nier les effets dévastateurs de celui-ci. Pour autant, certains estiment qu'il est un atout pour Fidel Castro qui peut en faire la cause de toutes les difficultés.

Ainsi, pour survivre dans le monde de l'après-guerre froide, Cuba a dû changer de stratégie, en s'ouvrant largement au tourisme, à l'investissement étranger et au dollar.

Pour conclure, M. Georges Hage a insisté sur l'excellence de la qualité des relations entre Cuba et la France, laquelle contraste avec les difficultés que rencontrent les relations entre Cuba et l'Union européenne qui ont conduit au retrait de la candidature de Cuba à la convention de Lomé.

M. Jean-Yves Gateaud a évoqué son entretien avec le Président de la Commission cubaine des droits de l'Homme (organisme illégal mais toléré), M. Elizardo Sanchez Santa Cruz, l'un des dissidents les plus connus et les plus actifs de Cuba. Ce dernier mène une action forte de contestation du régime castriste et de promotion de la démocratie et des droits de l'Homme. Il tient les listes des dissidents et des prisonniers politiques et aide les familles. Celui-ci a estimé positive la condamnation de Cuba par la Commission des droits de l'Homme de l'ONU. Paradoxalement, M. Elizardo Sanchez Santa Cruz a estimé que cette condamnation pourrait entraîner une pression plus forte sur les dissidents, entraînant une répression plus intense du régime. Toutefois, les récentes libérations de M. Felix Bonne et de Mme Marta Beatriz Roque semblent contredire cette inquiétude. On peut se demander si ce changement exprime une réelle volonté du régime cubain de redorer son image sur la scène internationale ou bien si ce régime mènera une politique à double détente, répression accrue à l'intérieur et souplesse apparente en politique extérieure. M. Elizardo Sanchez Santa Cruz a exprimé l'attente des dissidents cubains à l'égard de la diplomatie internationale, notamment de l'Union européenne et particulièrement de la France, qui ne doivent pas renoncer à soutenir leur combat en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme, tout en prenant soin de se démarquer de la politique contreproductive d'embargo des Etats-Unis.

Selon M. Jean-Yves Gateaud, cette position doit être rapprochée du retrait de Cuba de la convention de Lomé, car ce pays s'est estimé piégé : certains Etats l'avaient pressé d'être candidat, alors que d'autres ne souhaitaient qu'exprimer à son égard une position défavorable pour pouvoir l'écarter. Le groupe des pays ACP/CEE a proposé une mission à Cuba, qui permettra de faire évoluer la question de la candidature de Cuba sans renoncer à l'exigence du respect des droits de l'Homme et de la démocratie. Cette mission devrait être utile pour les dissidents.

M. Jean-Yves Gateaud a insisté sur l'excellent travail accompli par l'Ambassade de France à Cuba, face à une réalité politique cubaine extrêmement complexe.

M. Pierre Brana a exprimé sa sympathie à l'égard du peuple cubain, victime de l'embargo des Etats-Unis, mais a regretté l'absence de respect des droits de l'Homme à Cuba. Il s'est déclaré choqué par la loi de février 1999 sur la protection de l'indépendance nationale et l'économie de Cuba, qui est très répressive. Elle prévoit des condamnations à l'emprisonnement et à la confiscation de ses biens pour toute personne qui pourrait se livrer à des actions en faveur du gouvernement américain ou utiliser du matériel subversif. Puisque M. Fidel Castro souhaite organiser une sorte de procès de Nuremberg, est-il prêt à ratifier le statut de la Cour pénale internationale ?

M. François Loncle a demandé si au cours des rencontres de la délégation, la question de la succession de M. Fidel Castro avait été abordée.

M. Georges Hage a insisté sur la nécessité de s'interroger sur l'origine de la violence première. Cuba a toujours dû résister aux prétentions hégémoniques des Etats-Unis alors que c'est un peuple qui a son histoire propre. Cette difficile relation explique des réactions qui peuvent paraître exagérées de la part des autorités cubaines.

Quant à la succession de Fidel Castro, le sujet n'est jamais évoqué. Le seul nom qui circule est celui de son frère Raul. Il faut cependant noter qu'il n'y a pas de culte de la personnalité à Cuba où aucune photo de Fidel Castro n'est exposée, contrairement au Che, dont le souvenir hante encore Cuba.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du présent rapport d'information.

ANNEXE

PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION

Samedi 15 avril 2000

Arrivée à La Havane

Dimanche 16 avril

10 h Visite du pôle touristique des plages de l'Est, suivi d'un déjeuner offert par la province de La Havane

20 h Dîner restreint à la résidence de l'Ambassadeur de France, M. Ivan Roé d'Albert

Lundi 17 avril

9 h Entretien avec M. Lezcano, Président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire

11 h Visite de l'institut Finlay (biotechnologie-recherche et production de vaccins)

16 h Entretien avec M. Dalmau, Vice-ministre des relations extérieures

20 h 30 Dîner offert à la résidence par l'Ambassadeur de France, avec les autorités cubaines

Mardi 18 avril

10 h Entretien avec M. Malmierca, Vice-ministre des investissements étrangers et de la coopération

13 h Déjeuner offert par le groupe parlementaire d'amitié Cuba-France de l'ANPP

16 h Visite du centre historique de La Havane

18 h 30 Réception à la résidence de l'Ambassadeur avec les représentants d'entreprises françaises à Cuba

Mercredi 19 avril

9 h Visite de l'Ecole latino-américaine de Sciences Médicales

12 h Entretien avec M. Alarcon, Président de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire, suivi d'un déjeuner

23 h Départ pour Paris

2401 - Rapport d'information de M. Georges Hage sur la mission effectuée par une délégation de la Commission à Cuba (commission des affaires étrangères)