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N° 2593

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 septembre 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n°2567), PRÉSENTÉE PAR Mme Danielle BOUSQUET ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, sur la contraception d'urgence,

PAR Mme Marie-Françoise CLERGEAU,

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Femmes

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Martine Lignières-Cassou, présidente ; Mmes Muguette Jacquaint, Chantal Robin-Rodrigo, Yvette Roudy, Marie-Jo Zimermann, vice-présidentes ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Michel
Herbillon, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mmes Nicole Ameline, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Patrick Bloche, Mme Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mmes Nicole Bricq, Odette Casanova, Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Defontaine, Patrick Delnatte, Jean-Claude Etienne, Jacques Floch, Claude Goasguen, Patrick Herr, Mmes Anne-Marie Idrac, Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, MM. Patrick Malavieille, Patrice Martin-Lalande, Mmes Hélène Mignon, Catherine Picard, MM. Bernard Roman, André Vallini, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I.- LES AVANTAGES DE LA CONTRACEPTION D'URGENCE 6

1. L'AVANCÉE DES MÉTHODES CONTRACEPTIVES 6

2. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES GROSSESSES ADOLESCENTES 6

II - L'INTRODUCTION RÉCENTE DE LA CONTRACEPTION D'URGENCE EN FRANCE 7

1. L'AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ ET LA VENTE LIBRE EN PHARMACIE DU NORLÉVO 7

2. LE PROTOCOLE NATIONAL SUR L'ORGANISATION DES SOINS ET DES URGENCES DANS LES ÉCOLES ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D'ENSEIGNEMENT (EPLE) 9

3. LE RÔLE DÉJÀ RECONNU AUX INFIRMIÈRES SCOLAIRES EN MATIÈRE D'URGENCE 10

III - UN BILAN POSITIF DE L'APPLICATION DU PROTOCOLE 10

1. PREMIERS RÉSULTATS 10

2. DES INFIRMIÈRES RESPONSABLES, MAIS TROP PEU NOMBREUSES 12

3. LA BAISSE DU PRIX DU NORLÉVO 13

IV - VERS UNE RÉVISION DE LA LOI NEUWIRTH 13

1. LA DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT DU 30 JUIN 2000 14

2. LA PROPOSITION DE LOI SUR LA CONTRACEPTION D'URGENCE 15

3. L'EXAMEN DU TEXTE PAR LA DÉLÉGATION 17

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 21

Annexe 1 : Liste des partenaires de l'Education nationale entendus en réunions de travail par la Délégation aux droits des femmes 23

Annexe 2 : Comptes rendus des auditions de la Délégation 25

Annexe 3 : Protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) Erreur! Signet non défini.

Annexe 4 : Communiqué de l'Académie nationale de médecine en date du 7 mars 2000 à propos de la délivrance aux adolescentes, par les infirmières scolaires, du Norlévo (lévonorgestrel) Erreur! Signet non défini.

Buli. Acad. Natle Méd. 2000.184. n° 3, 675-676, séance du 7 mars 2000

COMMUNIQUÉ
au nom des Commissions Il (Thérapeutique - Pharmacologie - Toxicologie) et IX (Maternité - Enfance - Adolescence)

à propos de la délivrance aux adolescentes, par les infirmières scolaires, du Norlévo (lévonorgestrel)

Paul LECHAT, Président de la Commission Il, Michel ARTHUIS, Président de la Commission IX
L'Académie nationale de médecine a pris connaissance avec intérêt du « Protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement », publié dans le n* 1 du 6 janvier 2000 du Bulletin Officiel de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie. Ce texte appelle de sa part les remarques suivantes :
1. L'Académie est consciente de la gravité des grossesses précoces chez les adolescentes et des problèmes qu'elles posent, mais elle estime que l'information et la prévention faites en accord avec les familles constituent le moyen essentiel de limiter le nombre de ces grossesses non désirées et aussi le nombre des maladies sexuellement transmissibles. L'Académie, qui avait réclamé le 23 juin 1998 une nouvelle circulaire- concernant l'éducation à la vie affective et sexuelle dans les établissements d'enseignement, ne peut qu'approuver les termes utilisés par la Ministre déléguée, chargée de l'Enseignement scolaire, dans sa lettre du 29 décembre 1999 adressée aux Proviseurs et Principaux des collèges ;
2. l'Académie se félicite de voir souligner que le lévonorgestrel (Norlévo) ne saurait faire l'objet d'une utilisation répétée, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'elle peut entraîner des perturbations du cycle menstruel telles que des grossesses non désirées risquent de survenir et donc un nombre accru d'avortements, ce qui irait à l'encontre de l'objectif recherché par le protocole ministériel
3. l'Académie fait remarquer une difficulté pratique d'application du protocole en question, qui provient du fait que tous les établissements scolaires ne disposent pas d'un médecin ni d'une infirmière
4. l'Académie insiste sur la nécessité de disposer sous forme d'un bilan établi à 2 ou 3 ans, sur les effets de l'utilisation du Norlévo, en termes d'incidents éventuels et d'efficacité démontrée par la diminution du nombre d'avortements chez les adolescentes.

Le texte de ce communiqué a été adopté à la majorité (dix-huit abstentions), en séance plénière, le mardi 7 mars 2000.

MOTS-CLES: CONTRACEPTIFS POST-COÏTAUX administration et posologie. ADOLESCENCE. INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS. ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE. LÉVONORGESTREL.

KEY-WORDS (Index Medicus) : CONTRACEPTIVES, POSTCOITAL, administration and dosage. ADOLESCENCE. NURSES. SCHOOLS. LEVONORGESTREL.

MESDAMES, MESSIEURS,

La circulaire du 19 décembre 1999 sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics prise par Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, a constitué un grand pas en avant dans la prévention des interruptions de grossesse chez les adolescentes.

La circulaire reconnaissait aux infirmières scolaires la possibilité dans certaines conditions bien précises de délivrer aux adolescentes la contraception d'urgence, en l'occurrence le Norlévo, en cas d'urgence et de détresse, et à titre exceptionnel.

La ministre s'appuyait sur la mise en vente libre de la contraception d'urgence en pharmacie sans prescription médicale depuis le 1er juin 1999 et sur le rôle d'intervention déjà reconnu aux infirmières scolaires dans les situations d'urgence.

L'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, des dispositions de la circulaire concernant précisément la distribution de la pilule du lendemain par les infirmières scolaires, comme contraires à la loi Neuwirth, contraint aujourd'hui le Parlement à légiférer le plus rapidement possible, afin d'autoriser la vente libre des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et en permettre à nouveau, dans les meilleurs délais, la délivrance dans les établissements scolaires.

I - LES AVANTAGES DE LA CONTRACEPTION D'URGENCE

1. L'AVANCÉE DES MÉTHODES CONTRACEPTIVES

Depuis l'adoption de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances, les méthodes contraceptives, dont la principale est la pilule, largement utilisée en France, ont fait des progrès considérables dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une meilleure tolérance.

L'introduction récente en France d'une nouvelle méthode dite de "contraception d'urgence", mise au point il y a déjà longtemps par un gynécologue canadien, apporte de profonds changements en matière de prévention de grossesses non désirées et de risques d'avortement.

Les avantages de cette méthode de contraception ont été exposés par le Docteur André Ulmann, lors du colloque organisé le 30 mai dernier par la Délégation aux droits des femmes (1). Il s'agit d'une méthode de secours qui consiste à administrer de fortes doses de progestatifs ou d'_strogènes, substances constitutives des pilules contraceptives classiques. En aucun cas, il ne s'agit d'un produit abortif, la contraception d'urgence ne permettant pas une interruption de grossesse si celle-ci est déjà commencée.

L'accès le plus rapide possible à la contraception d'urgence est une garantie de succès. Plus vite on a accès à la contraception d'urgence (de 0 à 72 heures), plus elle est efficace.

2. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES GROSSESSES ADOLESCENTES

Des chiffres récents tirés d'une étude des services statistiques du ministère de l'Emploi et de la solidarité apportent un éclairage nouveau sur le recours à l'IVG, que l'on estimait en baisse. On enregistre au contraire une hausse de 6 % des IVG pratiquées en France dans les hôpitaux publics et privés entre 1990 et 1998 (de 202.000 à 214.000). Si le recours à l'IVG demeure stable chez les femmes de plus de 25 ans, on constate par contre une hausse du taux d'IVG chez les femmes de 20 à 24 ans, et une plus forte progression encore chez les adolescentes de 18-19 ans. En ce qui concerne les mineures, le taux s'établit à 7 pour mille en 1997 (contre 6/1000 en 1990).

Chaque année, sur 10.000 grossesses chez les adolescentes, 6.700 se terminent par une IVG.

Comme l'a rappelé M. Lucien Neuwirth devant la Délégation, "la pire chose qui puisse arriver à une jeune fille est de débuter dans la vie avec une interruption volontaire de grossesse. Il faut tout faire pour éviter cela".

Les raisons de ces grossesses sont multiples. En premier lieu, les jeunes ont peu de connaissances sur les moyens de se prémunir et sont à la recherche de méthodes "naturelles", car, pensent-ils, la contraception orale fait grossir, rend stérile ou donne le cancer. Aussi, de nombreux rapports sont peu ou mal protégés, qu'il s'agisse d'une mauvaise utilisation ou d'un oubli de contraception, de croyances erronées sur la fécondité en cours de cycle, et surtout chez les jeunes, de l'enthousiasme et des élans du c_ur...

La contraception d'urgence peut donc venir en aide aux femmes qui ont pris des risques et qui n'ont pas nécessairement une contraception régulière : les jeunes filles mineures sont particulièrement concernées. Elle permet d'éviter sept à neuf grossesses sur dix, après un rapport non protégé, et devrait contribuer à diminuer le nombre de grossesses non désirées et d'interruptions volontaires de grossesses chez les adolescentes.

II - L'INTRODUCTION RÉCENTE DE LA CONTRACEPTION D'URGENCE EN FRANCE

Les responsables de la Santé et de l'Education nationale ont eu le souci d'apporter une réponse concrète et rapide à la détresse des femmes, et particulièrement des mineures, confrontées à ce risque d'une grossesse non désirée, en favorisant l'accès à la contraception d'urgence :

- par l'autorisation de mise sur le marché et de la vente libre en pharmacie du Norlévo,

- par la mise en _uvre du protocole sur les soins d'urgence dans les établissements scolaires.

1. L'AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ ET LA VENTE LIBRE EN PHARMACIE DU NORLÉVO

Il existe actuellement deux produits disponibles pour la contraception d'urgence. L'un, qui est une association d'_strogènes et de progestatifs (le "Tetragynon"), présente des contre-indications médicales et ne peut être prescrit que par un médecin. L'autre ne contient que des progestatifs (le "Norlévo") et, de ce fait, n'a pas de contre-indications médicales.

C'est en se fondant sur la directive européenne du 31 mars 1992 permettant la délivrance sans prescription médicale de médicaments ne comportant pas de contre-indication médicale, qu'a été pris l'arrêté du 27 mai 1999, par M. Bernard Kouchner, alors Secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Ce texte autorise la vente libre en pharmacie de la spécialité "Norlévo" produite par les laboratoires HRA Pharma, après autorisation de mise sur le marché.

L'arrêté, entouré des précautions nécessaires, a été pris sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis de l'Académie nationale de pharmacie et avis de la commission compétente siégeant auprès de l'agence.

Il s'agit d'un événement important dans l'histoire de la contraception hormonale, comme l'a souligné le Docteur Aubény, présidente de l'Association pour la contraception, lors du colloque du 30 mai dernier, car il permet aux femmes d'accéder directement, et sans intermédiaire médical, à une contraception hormonale.

L'accès en pharmacie est un grand avantage, les pharmacies étant présentes sur tout le territoire et les pharmaciens, professionnels de santé, pouvant donner les explications et conseils nécessaires.

Il faut souligner le caractère très novateur de cette décision. Jusqu'à présent, comme l'a rappelé devant la Délégation Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, la France est le seul pays à avoir autorisé la vente libre de la pilule d'urgence. La ministre ajoutait que, compte tenu du précédent créé par la France, d'autres pays européens préparaient à leur tour une autorisation de mise sur le marché.

Les détracteurs de l'utilisation de ces produits sans prescription médicale n'ont pas manqué de se faire entendre, avançant l'argument que, si l'on met à la disposition des femmes la contraception d'urgence, elles utiliseront moins la contraception régulière ou même "elles feront n'importe quoi..." Ces arguments renvoient à un vieux manque de confiance accordé aux femmes et au préjugé de l'irresponsabilité des femmes, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, lors du colloque sur "Contraception et IVG".

2. LE PROTOCOLE NATIONAL SUR L'ORGANISATION DES SOINS ET DES URGENCES DANS LES ÉCOLES ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D'ENSEIGNEMENT (EPLE)

Dès l'année dernière, le gouvernement, conscient des problèmes posés par l'insuffisance de l'information en matière de contraception auprès des jeunes et par un nombre encore trop important de grossesses adolescentes, prenait deux initiatives particulièrement innovantes :

- le lancement, en janvier de cette année, d'une vaste campagne d'information sur la contraception par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, en janvier de cette année,

- la décision, prise par Mme Ségolène Royal par une circulaire du 29 décembre 1999, d'autoriser les infirmières scolaires à distribuer la pilule du lendemain dans les EPLE.

Ce texte, qui vise à clarifier les modalités d'organisation des soins et des urgences dans les lycées et collèges, a fait l'objet du protocole national publié le 6 janvier 2000.

La "fiche infirmière" du protocole consacrée à la contraception d'urgence prévoit avec précision le mode d'intervention de l'infirmière, qui peut délivrer le Norlévo à titre exceptionnel, après un entretien approfondi avec l'adolescente, la recherche du contact avec l'un des parents, l'information sur les solutions possibles (pharmacie, médecin, centre de planification). En cas de refus de l'élève de tout contact avec sa famille, l'infirmière prend rendez-vous en urgence avec un centre de planification ou d'éducation familiale et, si besoin est, l'accompagne dans ce centre.

Si aucune structure n'est immédiatement accessible, et s'il existe une situation de détresse caractérisée, l'infirmière peut à titre exceptionnel et, dans le cas où le rapport sexuel remonte à moins de 72 heures, délivrer le Norlévo à l'élève, afin de permettre d'éviter par la contraception d'urgence une grossesse non désirée à un âge précoce.

L'infirmière devra vérifier la prise effective du premier, puis du deuxième comprimé, assurer ensuite un suivi et un accompagnement de l'adolescente, puis l'orienter vers l'usage d'une contraception régulière et maîtrisée.

Le protocole a été longuement discuté - pendant plus d'un an, a précisé Mme Ségolène Royal devant la Délégation - avec tous les partenaires de l'Education nationale qui l'ont soutenu. Il a fait l'objet d'une étude approfondie de la part de la Direction générale de la Santé, tandis que l'Académie de Médecine, dans un communiqué du 7 mars dernier, en soulignait le bien-fondé (2).

3. LE RÔLE DÉJÀ RECONNU AUX INFIRMIÈRES SCOLAIRES EN MATIÈRE D'URGENCE

L'intervention de l'infirmière prévue par le protocole s'appuie dans le rôle qui lui est déjà reconnu face à l'urgence, par le décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.

Ainsi, l'infirmier est-il habilité à reconnaître la situation d'urgence, à mettre en _uvre les protocoles de soins d'urgence préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable, et à accomplir les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin.

L'implication de l'infirmier face à l'urgence est donc clairement établie.

Les infirmières du syndicat national des infirmiers-infirmières éducateurs de santé (SNIES) estiment que toute forme de fuite face à ce rôle spécifique serait tout simplement assimilée à une non-assistance à personne en danger et considérée comme une faute lourde.

Par ailleurs, la circulaire du 11 février 1999 de M. Bernard Kouchner sur la prise en charge de la douleur aiguë par les équipes médicales et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales prend explicitement pour base juridique les dispositions du décret du 15 mars 1993 sur l'infirmier face à l'urgence et permet à celui-ci de mettre en _uvre, sur sa propre initiative, le protocole de prise en charge des douleurs aiguës.

III - UN BILAN POSITIF DE L'APPLICATION DU PROTOCOLE

1. PREMIERS RÉSULTATS

Six mois après la décision de Mme Ségolène Royal, quel est le bilan de la délivrance de la pilule d'urgence dans les établissements scolaires ?

Un questionnaire a été envoyé par le ministère de l'Education nationale à toutes les Académies, afin d'établir un bilan de l'application du protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), en particulier sur la contraception d'urgence, pour la période du 6 janvier au 30 juin.

Les résultats d'ensemble devraient être bientôt publiés. Les chiffres pour l'Académie de Paris, déjà disponibles, font état de 213 demandes et de 16 pilules distribuées. Ce dernier chiffre, très faible, signifie que les adolescentes ont pu trouver d'autres possibilités, notamment par les centres de planning, mais que dans les cas les plus graves, les infirmières ont pris leurs responsabilités.

D'après les témoignages recueillis par la Délégation aux droits des femmes, qui a souhaité entendre sur ce sujet tous les partenaires de l'Education nationale (infirmières, médecins scolaires, directeurs d'établissements, parents d'élèves, représentants lycéens), la mise en application du protocole, dans l'ensemble, s'est faite en bonne collaboration avec les professionnels de santé, malgré quelques difficultés marginales avec des chefs d'établissements ou intendants, ou avec le conseil d'administration.

Les syndicats d'infirmières ont procédé à un bilan par sondage : dans les collèges, la distribution a été de 0 à 2 ou 3 pilules, dans les lycées, de 0 à 6 ou 7 au plus. Tout dépend de la situation géographique de l'établissement, car les centres de planning, ainsi que les pharmacies sont inégalement répartis sur l'ensemble du territoire. De grandes différences sont aussi à noter entre lycées techniques et lycées classiques.

Il semble que les infirmières se soient montrées particulièrement sensibles au nouveau rôle qui leur était dévolu et qu'elles aient agi de façon tout à fait responsable. Conscientes que la pilule d'urgence ne remplace pas une véritable contraception, elles se sont efforcées d'avoir un rôle éducatif.

Il serait souhaitable, à cet égard, s'agissant d'une contraception à caractère exceptionnel, que l'infirmière adresse ensuite l'adolescente à un médecin, afin de mettre au point une contraception régulière et efficace.

Les médecins scolaires, toutefois, ont vivement regretté que leur intervention n'ait pas été prévue par le protocole, sinon au seul titre du conseil "si nécessaire", alors qu'ils ont l'habitude de se déplacer en permanence dans les établissements, lorsqu'il y a urgence.

Ils estiment que le médecin scolaire, et l'assistante sociale dans certaines situations, ont un rôle essentiel à jouer dans le suivi et l'accompagnement de l'élève, que la gestion de la situation d'un jeune en détresse doit toujours faire l'objet d'un travail en équipe et ne pas reposer sur une seule personne. En conformité avec le code de déontologie médicale, le médecin scolaire peut intervenir en cas d'urgence.

Au demeurant, la lettre de Mme Ségolène Royal du 29 décembre 1999 adressée aux proviseurs des lycées et principaux des collèges mentionne explicitement le rôle du médecin : "Un dispositif spécial concerne la prévention des grossesses précoces non désirées, qui permet à l'infirmière ou au médecin, au collège ou au lycée, dans le cas d'extrême urgence ou de détresse caractérisée, de délivrer la contraception d'urgence, en l'occurrence le Norlévo, qui est un médicament en vente libre."

Dans la pratique, il semble que les médecins ont souvent été associés au dispositif et que des équipes (chef de l'EPLE, médecins, infirmières, assistantes sociales) se sont mises en place au sein de l'établissement pour l'appliquer au mieux.

Tous les syndicats entendus, ainsi que les lycéens, ont souhaité que l'expérience se poursuive dès que possible, qu'elle soit véritablement appliquée dans tous les établissements et accessible à tous les élèves.

2. DES INFIRMIÈRES RESPONSABLES, MAIS TROP PEU NOMBREUSES

Avec la médiatisation du dispositif et parallèlement à la campagne d'information à la contraception lancée en janvier, il y a eu très rapidement auprès des infirmières une forte demande d'information des jeunes filles, qui a permis, à partir de leur motivation, de donner de premières informations sur la contraception et surtout de répondre à quelques vraies situations de détresse, qui se présentent souvent le lundi matin.

Cette demande des jeunes filles tient au fait qu'elles peuvent difficilement s'exprimer hors de l'établissement, surtout en province ou en zone rurale, et que l'infirmerie apparaît comme le lieu le plus approprié pour parler de leurs problèmes. De l'avis de tous les intervenants, l'école est la meilleure réponse pour parer à l'urgence.

Le rôle des infirmières, très encadré et précisé par la "fiche infirmière" du protocole, a permis d'éviter le risque de banalisation.

Il convient de souligner que le cas des adolescentes majeures, nombreuses en lycées, est prévu. En cas d'urgence, il leur sera indiqué la possibilité de se procurer le Norlévo en pharmacie. A titre exceptionnel, notamment en cas d'éloignement géographique, l'infirmière pourra délivrer le Norlévo à l'élève majeure. Toutefois, l'achat en pharmacie, non remboursé par la sécurité sociale, est à la charge de la jeune fille.

Il serait souhaitable que ces jeunes filles majeures soient traitées de la même façon que les mineures, afin d'éviter des différences de traitement, peu compréhensibles, au sein d'un même établissement, voire d'une même classe.

Les faibles effectifs des infirmières scolaires ont été soulignés par tous les interlocuteurs de la Délégation aux droits des femmes. Avec 6.100 emplois et un taux d'encadrement de 2.020 élèves par infirmière à la rentrée 2000, elles sont encore loin d'être présentes dans tous les établissements scolaires et n'assurent souvent qu'une ou deux journées au collège ou au lycée. "Notre infirmière, dit un représentant lycéen, n'est là que le jeudi !" Et lorsque l'infirmière est là, trop sollicitée, débordée, elle ne peut répondre aux questions de tous les élèves.

A cet égard, la Délégation aux droits des femmes souhaite qu'une augmentation significative du nombre des médecins et des infirmières scolaires figure dans le prochain budget de l'éducation nationale, afin que la dimension d'éducation à la contraception soit bien prise en compte dans la santé scolaire.

3. LA BAISSE DU PRIX DU NORLÉVO

Récemment, Mme Martine Aubry, constatant la récente augmentation du prix en pharmacie de ce contraceptif d'urgence, demandait aux laboratoires commercialisant ce médicament de revenir au prix antérieur. Cette hausse, estimait-elle, était de nature à limiter anormalement l'accès des femmes à ce médicament.

Il faut se féliciter que suite à cette demande, les laboratoires concernés aient immédiatement donné les instructions nécessaires, afin que le prix antérieur soit rétabli dans les pharmacies. Par contre, les prix de vente du Norlévo aux centres de planning familial et aux hôpitaux n'ont pas été augmentés.

IV - VERS UNE RÉVISION DE LA LOI NEUWIRTH

L'annulation par le Conseil d'Etat des dispositions du protocole concernant la délivrance de la contraception d'urgence dans les EPLE, ainsi que les résultats positifs des six premiers mois d'application du protocole conduisent à proposer une révision de la loi Neuwirth, afin de poursuivre rapidement l'expérience.

1. LA DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT DU 30 JUIN 2000

Dès le début de cette année, des associations de défense de la famille et de lutte contre l'avortement, ainsi que des parents et des professionnels de santé ont demandé au Conseil d'Etat l'annulation des dispositions de la circulaire du 29 décembre 1999 relative à la contraception d'urgence, arguant de la méconnaissance par la circulaire de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967.

Le Conseil d'Etat a considéré que les dispositions législatives en cause n'étaient pas, eu égard au large pouvoir d'appréciation que laisse la directive de 1992 aux Etats-membres, incompatibles avec les objectifs de cette dernière et en a déduit que la loi Neuwirth demeurait applicable. Dans ces conditions, le "Norlévo", contraceptif hormonal au sens de la loi de 1967, ne pouvait être prescrit que par un médecin et délivré en pharmacie ou, dans les conditions posées par l'article 2 de la loi du 4 décembre 1974, par un centre de planification ou d'éducation familiale.

Aussi le Conseil d'Etat, en assemblée du contentieux, a décidé le 30 juin 2000, d'annuler les passages litigieux de la circulaire attaquée.

Toutefois, le Conseil d'Etat s'est abstenu de toute considération sur l'opportunité de la mesure contestée. Comme le retient Mme Ségolène Royal, "le Conseil d'Etat n'a mis en cause ni le fond de la décision de la délivrance dans les établissements scolaires, ni les compétences des infirmières scolaires. Il ne s'est pas non plus prononcé sur le terrain de l'autorisation parentale".

Une modification et une actualisation de la loi Neuwirth s'imposent donc pour rétablir la validité des dispositions annulées et introduire, dans la loi, la contraception d'urgence qui n'existait pas à l'époque.

Dans l'attente de l'adoption de nouvelles dispositions législatives, M. Jack Lang, ministre de l'Education nationale, vient de prendre les mesures transitoires nécessaires afin de permettre aux élèves d'avoir accès à la contraception d'urgence "compte tenu de l'importance des enjeux, tant pour répondre aux demandes des jeunes filles confrontées à des situations de détresse, que pour conforter les adultes responsables des établissements, et notamment les infirmières scolaires dans leur démarche d'accompagnement".

Une instruction vient d'être adressée à cet effet aux recteurs et inspecteurs d'académie, aux directeurs des services départementaux de l'éducation nationale et aux chefs d'établissements. Les établissements scolaires pourront passer des protocoles d'urgence avec des médecins libéraux, des pharmaciens, des centres de planification pour mettre à disposition le Norlévo.

On ne peut que se féliciter des indications très pratiques qui y figurent. Les élèves seront informés des adresses, jours et horaires d'ouverture des centres de planification familiale les plus proches, ainsi que des coordonnées du médecin rattaché au centre. Les modalités de sortie de l'établissement et d'accompagnement de l'élève sont également prévues.

Ces dispositions, qui répondent à certaines observations formulées par les infirmières et par les lycéens, devraient être maintenues.

2. LA PROPOSITION DE LOI SUR LA CONTRACEPTION D'URGENCE

Il convient maintenant de compléter la loi Neuwirth (article L.5134-1 du code de la santé publique), afin de donner une base légale à la vente libre en pharmacie de la pilule du lendemain et à sa délivrance en milieu scolaire.

La proposition de loi s'articule autour de trois dispositions.

Première disposition

"Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire."

L'article L. 5134-1 du code de la santé publique (qui reprend l'article 3 de la loi Neuwirth modifiée) disposant que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, il convient d'apporter par la loi une dérogation à cette règle et respecter ainsi la décision du Conseil d'Etat.

Toutes les femmes - mais aussi les mineures - pourront, désormais et sans restriction, accéder, sans ordonnance, à la contraception d'urgence en pharmacie.

Deuxième disposition

"Ils peuvent être prescrits et délivrés aux mineures désirant garder le secret."

Les mineures, qui souhaitent garder le secret, pourront donc se voir délivrer la pilule du lendemain par tout médecin, et sans autorisation parentale.

Le médecin, habilité à prescrire, pourra être un médecin de ville, le médecin traitant, ou le médecin scolaire.

Le rôle du médecin scolaire, médecin de prévention, est régi par l'article 99 du code de déontologie médicale prévoyant que "sauf cas d'urgence ou prévu par la loi, les médecins qui assurent un service de médecine pour le compte d'une collectivité ne peuvent prescrire de soins curatifs". S'agissant, en ce qui concerne le Norlévo, d'un véritable soin d'urgence, les médecins scolaires devraient pouvoir intervenir et prescrire, eux aussi, la pilule du lendemain, dans des cas exceptionnels d'urgence ou de détresse.

En ce qui concerne le respect du secret souhaité par les mineures, le texte s'appuie sur la loi du 4 décembre 1974 prévoyant désormais que "les centres de planification ou d'éducation familiale sont autorisés à délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs, sur prescription médicale, aux mineurs désirant garder le secret".

Troisième disposition

"Ils peuvent être administrés aux mineures par les infirmières en milieu scolaire."

Le rôle de l'infirmière en matière de contraception d'urgence, dans le cadre de l'organisation des soins et des urgences en milieu scolaire, est ainsi rétabli.

Il permettra une délivrance rapide et adéquate de la pilule du lendemain aux adolescentes en situation de détresse, dans les conditions précisées par le protocole, à titre exceptionnel, et avec toutes les précautions rappelées plus haut.

Les dispositions transitoires contenues dans l'instruction récemment signée par M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, qui complètent le protocole, devront être maintenues.

A terme, on doit en attendre une diminution prévisible des IVG chez les adolescentes, une meilleure information, une plus grande ouverture sur l'éducation à la sexualité. Un bilan devrait être établi, dès que possible à partir des chiffres fournis par les établissements scolaires sur l'utilisation et les effets de la contraception d'urgence.

La Délégation aux droits des femmes se félicite que puisse être rétablie rapidement la possibilité d'une délivrance de la contraception d'urgence en milieu scolaire.

3. L'EXAMEN DU TEXTE PAR LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes a eu des réunions de travail avec tous les partenaires de l'Education nationale, y compris des représentants lycéens. C'est à partir de leurs observations, pertinentes, que la Délégation propose un certain nombre de recommandations.

Lors de l'examen du présent rapport par la Délégation, au cours de sa réunion du 19 septembre 2000, plusieurs membres de la Délégation sont intervenus après l'exposé de la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a rappelé que les mineures pouvaient déjà avoir accès aux produits contraceptifs sans autorisation parentale puisque, depuis la modification de la loi Neuwirth intervenue en 1974, les centres de planification ou d'éducation familiale délivrent, à titre gratuit, les produits contraceptifs aux mineures désirant garder le secret. Elle a également souligné que l'intervention des infirmières en cas d'urgence était déjà reconnue depuis le décret du 15 mars 1993.

Mme Hélène Mignon a indiqué qu'elle venait d'auditionner des infirmiers scolaires et des parents d'élèves qui lui avaient fait part de leur avis positif sur le texte de la proposition de loi. Elle a également évoqué le problème du refus opposé par certains pharmaciens à la délivrance du Norlévo sans prescription médicale.

Mme Muguette Jacquaint, rappelant les inquiétudes soulevées par la décision du Conseil d'Etat, a souhaité que le texte de la proposition de loi sur la contraception d'urgence puisse être rapidement voté et appliqué.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, évoquant les auditions menées par la Délégation aux mois de juillet et de septembre avec les infirmières scolaires, les chefs d'établissements, les parents d'élèves et les lycéens, ainsi que le bilan de l'application pratique de la contraception d'urgence, a souligné que tous les acteurs de terrain avaient agi avec un grand sens de leur responsabilité.

Mme Danielle Bousquet a évoqué l'article du journal Libération de ce jour, selon lequel on constate un accroissement de l'IVG chez les jeunes filles. Elle a estimé que la contraception d'urgence était un moyen supplémentaire de lutter contre l'IVG des jeunes filles et elle a souligné l'urgence de l'adoption du texte.

Mme Marie-Françoise Clergeau a alors donné lecture de ses propositions de recommandations, qui ont donné lieu à un large débat.

Mme Muguette Jacquaint a évoqué la difficulté actuelle de recrutement des infirmières scolaires et s'est interrogée sur le remboursement de la contraception d'urgence.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a indiqué que les produits contraceptifs d'urgence n'étaient pas remboursés, mais elle a rappelé l'action du ministère de l'Emploi et des Affaires sociales au cours de l'été pour obtenir une baisse de leur prix de vente après une hausse injustifiée.

Mme Marie-Françoise Clergeau a fait observer que, bien que le coût global de ces produits pour les établissements ne soit pas élevé, certains n'avaient pas prévu ce poste de dépense.

Mme Marie-Thérèse Boisseau s'est inquiétée de l'insuffisance des recommandations proposées qui ne suffiront pas à atteindre les objectifs recherchés. Elle a rappelé les faibles effectifs des d'infirmières, leur absence plusieurs jours par semaine de certains établissements et s'est interrogée sur l'adéquation des moyens aux fins poursuivies en matière de contraception d'urgence. Elle a souhaité que la Délégation prenne position pour déterminer quels intervenants - professeurs, infirmières, centres de planification - devraient avoir la responsabilité de l'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires.

Mme Hélène Mignon a souligné que le financement de l'achat du Norlévo ne grèverait pas le budget des établissements scolaires, vu la faible distribution qui en a été faite dans les collèges et les lycées. Elle a estimé utile qu'une formation de soutien de quelques semaines ou quelques mois soit donnée aux infirmières en matière d'éducation à la sexualité.

Mme Danielle Bousquet a souhaité que soit réactivé le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté - nouveau nom du comité d'environnement social - et que l'éducation à la sexualité soit intégrée à ses missions. Elle a souligné que ces comités, dont font partie les infirmières, pouvaient devenir un lieu de rencontre pour tous les intervenants de l'éducation à la sexualité. Elle a proposé qu'un paragraphe spécifique des recommandations lui soit consacré.

Elle a relevé que les infirmières pouvaient effectivement exercer dans plusieurs établissements différents, mais que ceux-ci n'étaient généralement pas très distants les uns des autres et donc que les infirmières étaient joignables relativement rapidement.

Elle a estimé que le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté devrait être le pivot de l'éducation à la sexualité dans chaque établissement et qu'il devrait faire chaque année un rapport d'évaluation sur chacune de ses missions. Elle a souhaité que des statistiques soient rapidement disponibles sur l'application de la contraception d'urgence.

Après l'intervention de la rapporteure proposant plusieurs modifications visant à prendre en compte ces différentes observations, Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a mis aux voix l'ensemble des recommandations qui ont été adoptées par la Délégation, Mme Marie-Thérèse Boisseau ayant déclaré s'abstenir.

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

PAR LA DÉLÉGATION

1. Le vote de la proposition de loi sur la contraception d'urgence devra permettre l'application, dans les meilleurs délais, des dispositions du protocole national du 6 janvier 2000 sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement qui ont été annulées par une décision du Conseil d'Etat du 30 juin 2000.

2. La première condition d'une mise en _uvre efficace du protocole devra être que la pilule du lendemain soit disponible dans tous les établissements et pour tous les élèves, afin d'éviter les discriminations résultant de leur localisation géographique, de l'éloignement des centres de planification ou d'éducation familiale et des pharmacies.

3. Les établissements devront veiller au dégagement des fonds nécessaires à l'achat des contraceptifs d'urgence, dépenses au demeurant peu élevées compte tenu de l'usage prudent qui en a été fait par les infirmières scolaires jusqu'à présent.

4. Afin d'assurer l'application du protocole et la distribution de la contraception d'urgence dans de bonnes conditions, il conviendra de mieux associer les médecins scolaires, comme intervenants à part entière, aux côtés des infirmières, et de favoriser un travail en équipe dans les établissements scolaires (médecins, infirmières, assistantes sociales, directeurs d'établissements).

5. Les infirmières étant appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans la distribution des contraceptifs d'urgence, le suivi des élèves et l'information sur la contraception, il conviendra impérativement de mieux reconnaître leurs missions en matière de santé scolaire, partie prenante de la santé publique, et d'augmenter leurs effectifs afin de couvrir le maximum d'établissements. Une amélioration de leur formation en matière d'orthogénie, d'information et d'éducation à la sexualité devra être recherchée.

6. Les adresses des centres de planification ou d'éducation familiale les plus proches de l'établissement devront être facilement accessibles aux élèves, par exemple par affichage à l'infirmerie, de même que les coordonnées de l'infirmière attachée à l'établissement, mais non résidente.

7. L'éducation à la sexualité devra être introduite dans les instituts universitaires de formation des maîtres, en formation initiale ou continue.

8. Prévue en classe de quatrième et de troisième, l'éducation à la sexualité devra être effectivement mise en _uvre et les horaires respectés. Cet enseignement, jugé souvent trop théorique ou scientifique dans les lycées, devra s'efforcer de mieux répondre aux attentes des adolescents.

9. La campagne nationale d'information sur la contraception lancée au début de l'année 2000 par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et relayée par le ministère de l'Education nationale, devra être poursuivie en continu dans les établissements scolaires, son impact ayant été trop ponctuel.

10. Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements scolaires devront intégrer dans leurs missions, comme dans leur bilan annuel, l'information à la sexualité et à la contraception ainsi que l'application de la contraception d'urgence.

11. Ils devront veiller à ce qu'une plus grande synergie soit établie avec les centres de planification ou d'éducation familiale qui participeront ainsi davantage, comme intervenants extérieurs, à l'information à la contraception dans les établissements.

12. Il serait souhaitable d'établir, dès que possible, à partir des éléments recueillis par ces comités, un bilan des effets de l'utilisation de la contraception d'urgence sur la diminution du nombre des interruptions de grossesse chez les adolescentes.

Annexe 1

Liste des partenaires de l'Education nationale entendus en réunions de travail par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité

des chances entre les hommes et les femmes

Syndicats des infirmières scolaires

- Mme Brigitte Le Chevert, secrétaire générale du S.N.I.C.S.-F.S.U. (Syndicat national des infirmières et conseillères de santé-F.S.U.),

- Mme Maryse Lencroz, secrétaire générale du S.N.I.E.S.-F.E.N. (Syndicat national des infirmiers, infirmières, éducateurs de santé-F.E.N.).

Syndicats des médecins scolaires

- Docteur Marie-Lucie Gosselin, secrétaire générale du S.N.M.S.U., (Syndicat national des médecins scolaires et universitaires-F.E.N.),

- Docteurs Marie-Blandine Basalo, secrétaire générale et Frédérique Bergerot du S.N.A.M.S.P.E.N (Syndicat national autonome des médecins de santé publique de l'Education nationale).

Syndicat des directeurs d'établissement

- Mme Suzanne Bellon du S.N.P.D.E.N. (Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale).

Parents d'élèves

- Mmes Sylvaine Gaechter et Michèle Desroches, représentantes de la F.C.P.E.

- Mme Dominique Papin, vice-présidente de la P.E.E.P.

Syndicats lycéens

- Melles Noémie Gloux et Maëliss Rousseau, représentantes de l'U.N.L.

- M. Bruno Parant, représentant de la F.I.D.L.

Annexe 2

Comptes rendus des auditions de la Délégation

Audition de Mme Nicole Péry,

Secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Réunion du mardi 27 juin 2000

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous accueillons aujourd'hui Mme Nicole Péry, Secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, pour faire le bilan de la campagne d'information sur la contraception, lancée en janvier 2000 par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette campagne a pris la forme, d'une part, d'une action menée dans les médias - spots à la télévision, messages à la radio, annonces dans la presse- et, d'autre part, d'actions hors médias - distribution de la carte Z, mise en place d'une plate-forme téléphonique et d'un dispositif spécifique aux DOM, distribution d'affichettes, partenariat avec les pharmacies d'officine.

Mme Martine Aubry avait posé, lors d'une conférence de presse, plusieurs principes de base à cette campagne : associer la contraception à des valeurs positives, améliorer et développer l'information sur les différentes méthodes de contraception existantes, sans privilégier l'une ou l'autre de ces méthodes, et favoriser l'accès à l'information sur la contraception par une meilleure connaissance des lieux, des structures et des points d'accueil où cette information est disponible.

Mme Martine Aubry avait également rappelé que cette campagne devait être l'occasion de faire progresser trois dossiers : la disponibilité de la pilule d'urgence, l'accès à l'ensemble des pilules contraceptives, notamment celles de la troisième génération, et un meilleur accès à la myfégine, dont la prescription demeure très limitée.

Lors du colloque, que vous avez ouvert le 30 mai dernier, Madame la ministre, un certain nombre d'intervenants ont souligné l'insuffisance de la durée de la campagne, notamment dans les médias. Nous avons donc souhaité faire le bilan avec vous de l'impact de cette campagne.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle : Je vous rappellerai, dans un premier temps, les raisons de cette campagne, destinée à tous les publics, même si nous savons parfaitement qu'il faut atteindre le public qui ne se protège pas suffisamment.

Tout d'abord, il n'y avait pas eu, depuis 1982, de campagne grand public autour des deux thèmes qui sont ceux des femmes de ma génération : liberté et responsabilité. La dernière campagne date, certes, de 1992, mais elle était davantage orientée vers la prévention du sida et l'usage du préservatif.

Ensuite, il convient de ne pas oublier que 15 % des jeunes n'utilisent aucune protection lors de leur premier rapport sexuel, et que 10 000 grossesses non désirées sont constatées, chaque année, chez les adolescentes, dont plus de la moitié se termine par une IVG.

Cette campagne a eu une bonne visibilité d'ensemble, puisque 50 % des personnes interrogées l'ont encore à l'esprit à la fin du mois de mars.

S'agissant des médias, et tout d'abord de la télévision, les spots ont été diffusés - sur TF1, France 2, France 3 et M6 - du mercredi 12 au lundi 31 janvier 2000, à raison de six par jour, aux heures de grande écoute. Ils ont été regardés par une majorité de téléspectateurs.

S'agissant des messages à la radio, ils ont été diffusés du 12 au 23 janvier 2000 et ont reçu un bon accueil, surtout parmi les jeunes et essentiellement pour leur valeur informative.

Les encarts dans la presse - Elle, Téléstar, Jeune et Jolie, Starclub et Marie-Claire - ont paru dans la semaine du 10 et du 17 janvier 2000.

Quant au guide de poche, il a été édité à 12 millions exemplaires. L'agence qui a monté cette campagne a assuré le routage de ces guides vers les partenaires institutionnels dans les régions, dont le service "droit des femmes" de mon ministère a établi la liste. Sur les 12 millions d'exemplaires, il ne nous reste que 90 000 guides en réserve pour des actions « coup de feu ».

J'avais également demandé que l'on fasse un point très précis de la distribution des cartes Z, afin de savoir comment le réseau avait été approvisionné.

Le service "droits des femmes" a distribué la quasi-totalité des exemplaires reçus, soit 338 900 ; il ne lui en reste plus que 1 600.

Le ministère de l'éducation nationale, qui disposait de 5,7 millions exemplaires, en a diffusé à ce jour 4,6 millions dans les établissements scolaires, de la troisième à la terminale en métropole, et de la sixième à la quatrième dans les DOM-TOM. Ces cartes ont été distribuées dans le cadre des cours "sciences de la vie", lors de l'intervention d'un membre du planning familial ou par le médecin et l'infirmière scolaire.

Le ministère de l'agriculture a diffusé les 180 000 exemplaires qu'il avait reçus, dans la semaine du 24 janvier 2000, dans 125 établissements.

Certains élèves regrettent que l'association pilule et tabac, pilule et préservatif ou préservatif féminin, n'ait pas été abordée ou pas assez développée.

Le ministère de la jeunesse et des sports a reçu 400 000 exemplaires, entièrement acheminés à ce jour. La Mutualité française a adressé à tout son réseau 400 000 guides le 16 février 2000. La Fédération des mutuelles de France a commencé la diffusion de ses 300 000 exemplaires et continuera durant toute l'année 2000.

En ce qui concerne les 170 000 affichettes, destinées aux salles d'attente des médecins et aux vitrines des pharmaciens, elles ont parfois été bien accueillies, parfois refusées. Je ne sais donc pas combien d'entre elles ont été réellement placardées. Je pense néanmoins qu'elles n'ont pas été un grand succès, car peu de personnes se rappellent les avoir vues et les reconnaissent.

La plate-forme téléphonique n'a pas eu le succès escompté. Je suis d'autant plus déçue que j'avais demandé que cette campagne soit réactive, que les personnes intéressées puissent avoir davantage d'informations et que l'on puisse leur donner des adresses de centres de planning ou autres.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Mais ce n'était pas un numéro vert.

Mme Nicole Péry : Ce n'est pas une raison suffisante, puisque d'autres plates-formes payantes sont submergées d'appels, notamment la plate-forme pour les femmes battues, qui reçoit plus de 600 appels par semaine.

Je suis donc très déçue, d'autant que cette plate-forme téléphonique a été opérationnelle dès le 12 janvier, qu'elle était ouverte de 9 heures à minuit, sept jours sur sept, que nous avions formé 31 télé-conseillers et qu'il y avait 15 postes d'écoute en permanence. Du 12 janvier au 31 mai 2000, nous avons reçu 8 200 appels ; quand les spots et les messages ont cessé d'être diffusés à la télévision et sur les ondes, le nombre d'appels a chuté, et aujourd'hui, il y a environ 45 appels par jour.

Nous avons donc réduit les heures et les jours d'ouverture de la plate-forme qui est maintenant ouverte du lundi au vendredi de 9 heures à 21 heures et fonctionne avec deux télé-conseillers.

Chacun pourra trouver une explication au fait que les appels n'ont pas été plus massifs. Le fait qu'il ne s'agissait pas d'un numéro vert peut être une raison, mais j'en avancerai une autre : le numéro de téléphone apparaissant lors des spots à la télévision était donné beaucoup trop rapidement et n'était pas assez visible pour être mémorisé. Beaucoup de personnes n'auraient de toute façon pas appelé ce numéro parce qu'elles n'en avaient pas besoin -soit qu'elles ne se sentaient pas concernées, soit qu'elles utilisent déjà une méthode de contraception.

Nous avons donc décidé que cette plate-forme téléphonique s'arrêterait, sous sa forme actuelle, le 31 juillet, et que les appels seraient ensuite basculés vers "Fil santé jeunes", qui continuera à fonctionner jusqu'à la fin de l'année 2000.

Je reste persuadée que la carte Z est l'outil clé de cette campagne de contraception. La campagne à la télévision, à la radio et dans la grande presse, a été visible et certainement utile, mais ce n'est pas forcément à travers ce type de campagne grand public que nous atteindrons le public ciblé, c'est à dire le public le moins informé, le plus éloigné et qui ne se sent pas forcément directement concerné.

Je pense qu'il convient de porter à l'actif de cette campagne la mobilisation de tous les partenaires institutionnels, même si elle est inégale d'un département à un autre ; les associations elles-mêmes nous disent que, s'il y a un mérite à cette campagne, c'est qu'elle les a obligées à réfléchir à nouveau sur le sujet de la contraception, à le retravailler en partenariat avec d'autres services et à créer des réseaux.

Je crois également beaucoup à la nécessité de rééditer la carte Z, encore très demandée. Certains réseaux veulent profiter des grands événements qui se déroulent tout au long de l'année pour la distribuer ; d'autres préfèrent organiser des manifestations spécifiques - une journée sur la contraception, des conférences débats, etc. Des versions simplifiées pour des publics fragiles et en grande difficulté, ainsi que des cartes en braille nous sont également demandées. Un problème budgétaire ne manquera donc pas de se poser.

Les associations partenaires, au-delà des partenaires institutionnels, font beaucoup d'efforts et auraient souhaité que, dans le cadre des 24 millions de francs attribués à cette campagne, nous leur accordions des crédits budgétaires plus importants. En ce qui me concerne, je fais ce que je peux avec le petit budget qui m'est alloué, soit 100 millions de francs.

Le Mouvement français pour le planning familial est un relais essentiel dans le déroulement de cette campagne ; il reçoit d'ailleurs une subvention annuelle de 1,220 million de francs sur le budget "droits des femmes", auxquels s'ajoutent 430 000 francs de la DDASS et 600 000 francs de la Direction générale de la Santé. Pour la campagne, il a bénéficié d'une dotation supplémentaire de 50 000 francs du budget « droits des femmes ». Nous avons proposé au Planning une convention de partenariat pluriannuelle qui nous permettra d'augmenter les subventions et les actions communes.

Tel est le bilan que je peux tirer de cette campagne. Bien entendu, nous réaliserons une évaluation à la fin de l'année 2000. Aujourd'hui, il nous manque un chiffre indispensable : le nombre de personnes faisant partie du public-cible que nous avons réussi à sensibiliser.

Mme Hélène Mignon : Il serait intéressant de connaître les effets de cette campagne, pour savoir, en particulier, si le nombre de grossesses chez les adolescentes, après la campagne, a été inférieur à celui des mois précédents. Nous saurons ainsi si la campagne a porté ses fruits et quand il conviendra de recommencer. Car il faudra recommencer : les jeunes enfants de 10 ans n'ont pas pu, en effet, apprécier cette campagne. Par ailleurs, il faudra demander au Planning familial si le nombre de ses consultations a augmenté.

Mme Odette Casanova : Il est évident que cette campagne, pour être efficace, doit être renouvelée chaque année. Or, l'on sait que toutes les familles, même celles qui sont en grande difficulté ont une télévision, car c'est leur principal vecteur d'informations. Elles ne manqueront pas de voir cette campagne à la télévision et enregistrerons le message transmis - message certainement plus facile que celui de la carte Z.

Dans mon département, la distribution de la carte Z a eu lieu le 10 mars sur tous les marchés de la ville, ce qui a été très bien perçu. Mais c'est au cours d'événements publics destinés aux jeunes - tels que la manifestation "les jeunes et l'alcool", organisée par l'éducation nationale- que la distribution de cette carte s'est avérée réellement efficace.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je vous ferai part, quant à moi, de mon appréciation, qui n'a évidemment rien de scientifique.

Au sein de l'éducation nationale, l'un des acteurs principaux sur le terrain, la mobilisation a été très inégale selon les départements- depuis la simple distribution de cartes à l'organisation de véritables débats. La mobilisation varie essentiellement selon les chefs d'établissement et les départements. D'une façon générale, en ce qui concerne l'apprentissage à la vie et à l'approche de la sexualité, l'éducation nationale manifeste une certaine difficulté à gérer cette question.

Une des propositions des professeurs Israel Nisand et Michèle Uzan est, à l'intérieur de l'éducation nationale, de faire donner, par d'autres acteurs que les enseignants eux-mêmes, une information permanente, démédicalisant la sexualité et ayant une approche plus ouverte sur la vie, non pas en termes de risques mais de maîtrise de la vie.

Le mouvement associatif peut être, selon les secteurs, beaucoup plus sollicité qu'il ne l'est jusqu'à présent, pour intervenir dans les établissements scolaires, les MJC, etc. Mais cela demande la mobilisation de moyens qu'il n'a pas toujours.

En ce qui concerne la campagne nationale d'information, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de la renouveler ? Une relance de l'éducation nationale sur ce sujet, ainsi que l'attribution de moyens supplémentaires aux associations qui apportent l'information sur le terrain au quotidien, ne seraient-elles pas également utiles ?

Lors du colloque du 30 mai, un certain nombre d'intervenants nous ont indiqué qu'il existait des problèmes de compétences quant à l'information en matière de contraception et de prévention. La prévention est en effet du ressort des départements, alors que les soins- les IVG - sont de la compétence de l'Etat. Tous les centres n'ont donc pas la possibilité de mener une campagne de prévention après une IVG, tandis que certains hôpitaux peuvent envoyer du personnel dans un certain nombre d'établissements scolaires.

Sans toucher aux compétences des conseils généraux, n'est-ce pas un handicap que l'Etat ne puisse intervenir qu'à la marge sur les politiques de prévention ? Une double compétence ne serait-elle pas nécessaire ?

Mme Nicole Péry: Je prends note de cette dernière question. Il existe, en effet, des différences de comportements très importants selon les conseils généraux. Certains ont des politiques sociales beaucoup plus actives que d'autres.

En ce qui concerne la relance de la campagne d'information sur la contraception, l'année prochaine, au titre de mon budget "droits des femmes", la réponse est non. Je vous rappelle en effet que mon budget pour 1999 s'élevait à 80 millions de francs, plus 20 millions de francs pour la campagne - les derniers 4 millions venant de la campagne dans les DOM. Nous avons pu reconduire un budget d'un montant de 100 millions de francs pour l'année 2000, grâce à l'arbitrage du Premier ministre.

Or, nous sommes engagés, au niveau de l'Union européenne, dans un plan triennal de stabilisation des dépenses publiques, avec des volumes clairement identifiés, politique par politique. Nous respecterons ce plan qui nous donne droit, pour 2001, a une croissance des dépenses de 0,3 % en volume. De ce fait, le budget "droits des femmes" présentera pour l'année 2001 une autre priorité politique : la lutte contre les violences subies par les femmes. Je veux me battre pour les femmes battues, insultées et détruites sur les lieux de travail et les lieux publics.

J'ai déjà cofinancé une enquête - portant sur 7 000 femmes en France - qui a duré quatre mois et que nous analyserons au cours des deux mois d'été. Je pense qu'en septembre ou en octobre nous pourrons communiquer les résultats de cette enquête, inédite dans notre pays. C'est un phénomène dont on ne connaît ni la réalité, ni la nature, ni le volume. Nous ne possédons que des chiffres approximatifs et cette enquête nous permettra de disposer d'informations fiables.

Au début de l'année 2001, j'organiserai des assises nationales contre les violences. Je souhaite en faire un temps fort de réflexion collective qui permette de déterminer les politiques publiques à construire - d'une façon totalement transversale d'ailleurs, puisque de nombreux ministères seront concernés. Un des volets de cette action sera consacré à la prostitution, au trafic des êtres humains en général et des femmes en particulier.

Il s'agit pour mon ministère d'un effort budgétaire important. Or, étant donné le montant du budget de mon ministère, je ne peux pas avoir trois ou quatre priorités, sachant que l'insertion professionnelle des femmes et la lutte contre le chômage des femmes demeurent toujours mes priorités.

En faisant un tel choix, je prends mes responsabilités ministérielles. Je ne pense pas pour autant que la campagne sur la contraception ne soit pas utile tous les ans ; mais, le moment est venu de parler aussi d'un autre sujet qui ne peut être abordé que par la secrétaire d'Etat aux droits des femmes.

Est-ce que d'autres responsables peuvent prendre le relais ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : C'est la question que je voulais vous poser. Nous ne devons pas oublier qu'une bonne partie du budget de la campagne a servi à la conception du projet. Il serait donc dommage de ne pas réutiliser cet outil. Il s'agirait d'un investissement productif permettant de réutiliser les mêmes supports l'année prochaine.

Nous avons bien compris vos contraintes budgétaires, madame la ministre, mais votre secrétariat d'Etat est rattaché à un grand ministère qui dispose de moyens plus importants. J'insiste sur ce point, car cette campagne d'information est importante. Mme Odette Casanova disait très justement que la télévision est le seul vecteur de culture pour un certain nombre de familles.

Bien entendu, nous allons voir comment le ministère de l'éducation nationale va aborder la question de la contraception et de la sexualité des jeunes. Nous avons besoin d'avancer sur ce sujet, car je crains, malheureusement -on en fera le bilan en fin d'année - qu'il n'y ait pas une baisse significative du nombre de grossesses non désirées. C'est la raison pour laquelle nous devons faire un effort permanent d'information.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Le rôle du secrétariat aux droits des femmes est bien de lancer de telles initiatives. Mais ne peut-on pas imaginer, une fois que le produit est créé, une action commune des différents ministères concernés - l'éducation nationale, la culture, etc. - qui apporterait leur contribution à la pérennisation de cette action ? Car le problème que l'on connaît cette année pour la contraception se posera l'année prochaine pour la lutte contre les violences : il s'agit également d'une action qu'il faudra renouveler si on veut qu'elle porte ses fruits.

Mme Odette Casanova : Je souhaiterais revenir sur l'enquête actuellement menée sur les violences à l'encontre des femmes. Le nombre d'appels que vous avez déjà reçus donne-t-il déjà une idée du nombre d'actes de violence commis chaque jour, chaque mois ?

Mme Nicole Péry : Il s'agit d'un phénomène beaucoup plus grave que ce que l'on peut imaginer. L'envie de me battre contre ce fléau social m'est venue après ma visite à "SOS Femmes battues", le 8 mars 1999, au cours de laquelle j'ai répondu pendant deux heures au téléphone. Ce que j'ai entendu était terrible ! C'est lorsque j'ai appris que les conseillères recevaient 600 appels par semaine, que j'ai décidé d'en faire une priorité de mon action pour l'année 2001.

J'ai suscité une profonde incrédulité quand j'ai commencé à en parler autour de moi. Tous mes interlocuteurs me demandaient mes sources. Je me sentais mal à l'aise, car les chiffres disponibles proviennent essentiellement du secteur associatif, des hôpitaux, des policiers, des travailleurs sociaux, bref de tous ceux qui sont au contact avec ces personnes. Je me suis très vite rendu compte que si je ne disposais pas de chiffres provenant d'une enquête menée de façon scientifique, je ne pourrais pas faire avancer ce sujet.

Je me suis mise en relation avec la Sorbonne et j'ai rencontré des chercheurs que ce travail intéressait beaucoup. Ils avaient déjà travaillé à titre personnel sur cette question, mais n'ayant jamais pu obtenir une commande publique, et donc un financement, ils n'avaient pu mener à bout une telle enquête. Je suis parvenue à trouver un co-financement avec certaines régions.

La semaine dernière, je me suis rendue à l'institut qui mène cette enquête par téléphone ; j'ai pu rencontrer les enquêtrices, sélectionnées par des méthodes très rigoureuses. L'entretien dure de trois quarts d'heure à une heure ; les femmes interrogées sont prévenues à l'avance, par courrier que nous allons leur poser des questions portant sur la sécurité dans la vie urbaine d'aujourd'hui ; les questions relatives à la violence arrivent en cours d'entretien ; il est très intéressant d'entendre certaines femmes éclater d'un rire franc, quand d'autres s'arrêtent et ne peuvent plus dire un mot ou éclatent en sanglots. Toutes les enquêtrices se sont investies dans cette enquête ; elles attendent maintenant un suivi et souhaitent que l'enquête soit publiée.

Mme Marie-Françoise Clergeau : S'agissant de la pilule de troisième génération, il avait été annoncé, au moment de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, que cette pilule était sur le point d'être remboursée. Or nous ne disposons pas d'information sur ce sujet.

Mme Nicole Péry: A la fin de l'an 2000, l'une de ces pilules de la troisième génération tombera dans le domaine du générique. Nous pourrons donc, à ce moment-là, passer un contrat avec un laboratoire pour qu'il fabrique cette pilule au même tarif que les autres ; elle sera alors remboursée par la sécurité sociale. J'espère que Mme Martine Aubry sera toujours en poste à la fin de l'année 2000, mais si jamais elle faisait un autre choix, vous pourrez compter sur moi pour aborder ce sujet avec celui ou celle qui la remplacera.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : De nombreux journalistes et associations ont attiré notre attention sur le fait qu'ils avaient beaucoup de mal à trouver des interlocuteurs sur la question de l'IVG ou de la contraception au ministère de Mme Martine Aubry et de Mme Dominique Gillot. Je voulais donc vous faire part de l'inquiétude qui existe dans de nombreuses associations. Des engagements avaient été pris, notamment par Mme Martine Aubry, relatifs au dépôt d'un texte dans le délai d'un an. Or l'année est passée et aucun texte n'a été déposé.

Mme Nicole Péry: Mon secrétariat d'Etat ne traite pas de la question de l'IVG, mais les journalistes, les associations trouveront toujours un correspondant ! Je ne peux pas vous apporter de réponse précise à cette inquiétude. Je ne peux témoigner que d'une chose : il n'y a pas de conseillère technique chez Mme Martine Aubry, responsable de ce sujet, car c'est la Ministre qui le traite elle-même. Elle a commencé à l'instruire dès 1997, avant même que l'on me confie le département "droits des femmes". J'ai donc toutes les raisons de penser qu'un certain nombre d'adaptations seront proposées.

Le calendrier parlementaire a été modifié en raison du quinquennat, le projet de loi relatif à la modernisation sociale a été reculé de 9 mois. Les programmes d'un certain nombre de ministres ont donc été bouleversés. Nous attendons également les conclusions du professeur Israel Nisand sur le problème des délais du recours à l'IVG.

Audition de Mme Ségolène Royal,

ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Réunion du mardi 4 juillet 2000

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

(Extraits)

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous accueillons aujourd'hui Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance, qui va, d'une part, présenter le bilan de la Conférence de la famille qui s'est tenue le 15 juin dernier et nous en décrire les principaux axes d'action, et, d'autre part, répondre à des questions d'actualité, relatives notamment à la contraception d'urgence, suite à l'arrêt du Conseil d'Etat concernant la délivrance du "Norlevo" par les infirmières scolaires.

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Je vous propose maintenant d'aborder la question du Norlevo, suite à l'arrêt du Conseil d'Etat.

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Le Conseil d'Etat n'a pas totalement suivi le raisonnement de la commissaire du gouvernement, qui mettait notamment en cause la sexualité même des mineures et se référait à l'autorité parentale. L'arrêt du Conseil d'Etat remet cependant en cause, à la fois la circulaire que vous aviez prise en janvier 2000 et le principe même de la vente libre du Norlevo.

Après nous avoir commenté cet arrêt, pourrez-vous nous dire comment le dispositif a fonctionné pendant six mois - de janvier à juin - au sein des établissements scolaires. Quel a été le rôle des infirmières ?

Mme Ségolène Royal : J'avais pris cette initiative dans le cadre des actions menées, non seulement pour la santé scolaire, mais également pour l'éducation à la sexualité. Ce dispositif prenait place dans un protocole national de soins qui a mis plus d'un an à être rédigé. Je précise cette durée pour ceux qui ont prétendu que je n'avais pas organisé de consultations. Or, la principale fédération de parents d'élèves, la FCPE, y était favorable, et la PEEP, que j'ai longuement rencontrée, était réservée, mais non farouchement opposée -sur un tel sujet, la diversité des opinions n'étant nullement choquante. Les syndicats d'enseignants et les chefs d'établissements, qui sont les premiers concernés, ont totalement soutenu ce protocole de soins, y compris dans sa partie "soins d'urgence".

Lorsque j'ai pris mes fonctions à l'éducation nationale, j'ai pu constater la diversité du fonctionnement des pharmacies des établissements scolaires ; dans certaines académies, tous les médicaments étaient interdits -l'infirmière scolaire ne pouvant même pas donner un Doliprane- alors que, dans d'autres, il y avait une liste de médicaments non contrôlée.

Mon travail a donc consisté, avec le ministère de la santé, à dresser la liste des médicaments et des soins que l'infirmière scolaire peut apporter aux élèves et à établir les différents protocoles de soins d'urgences, en particulier pour les soins à apporter en liaison avec le Samu, avec les gestes qui sauvent, autorisés sous réserve de contact avec les médecins des urgences.

La seconde dynamique de mon action a été l'éducation à la sexualité. Je n'ai pas décidé du jour au lendemain d'autoriser la délivrance de la pilule d'urgence sans m'interroger parallèlement sur la responsabilité à la contraception. Le gouvernement avait lancé en même temps une campagne nationale d'éducation à la sexualité et à la contraception, avec la distribution de la carte Z dans les établissements scolaires. J'avais pour ma part mis au point une "mallette d'éducation à la sexualité" qui intégrait la lutte contre les violences à l'école, contre le sexisme, contre l'homophobie, et la lutte pour une sexualité responsable.

Dans ce contexte, compte tenu du lien de confiance qui s'était noué avec les infirmières scolaires, et prenant acte du fait que la contraception d'urgence était en vente libre, j'ai trouvé normal de la mettre à la disposition des infirmières scolaires, lorsqu'elle avaient affaire à des adolescentes en situation de détresse. Il ne faut tout de même pas oublier que 6 000 avortements sont pratiqués chaque année sur des mineures.

Il est vrai que nous avons été confrontés à de fortes réticences. Néanmoins, après un certain nombre d'explications, la prise en compte des contraintes pesant sur le fonctionnement des établissements scolaires et la présence des infirmières scolaires dans les internats, la décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer le Norlevo a été prise.

Aujourd'hui, le fondement de la décision du Conseil d'Etat est assez clair. Il n'a pas repris les considérants de la commissaire du gouvernement qui contestait plusieurs autres éléments : tout d'abord, la question de l'autorité parentale, alors que l'on sait que les centres de planification ou d'éducation familiale ont le droit de délivrer une contraception aux mineures, ensuite, la mission des infirmières scolaires, puisqu'elle remettait en cause le fondement juridique de leur mission.

Le Conseil d'Etat a retenu le fait que je prenais acte, dans ma circulaire, de la mise en vente libre de la contraception d'urgence. D'autres recours ont cependant été déposés contre la vente libre du Norlevo et, curieusement, ils n'ont pas été joints à celui-ci, comme le fait d'habitude le Conseil d'Etat. Cela nous oblige à prendre en compte la globalité des questions de droit pour établir une nouvelle base juridique. Il conviendra donc de compléter la "loi Neuwirth", puisqu'en 1967 la contraception d'urgence n'existait pas, en précisant que la contraception d'urgence n'est pas soumise à une prescription médicale obligatoire et qu'elle peut être administrée, en cas d'urgence et de détresse, aux mineures désirant garder le secret, par les médecins et les infirmières scolaires. Ainsi, les médecins scolaires pourront se référer à une base juridique claire, qui reprendra le protocole de soins existant.

Je vous rappelle, par ailleurs, que cette délivrance n'a lieu que de façon exceptionnelle : uniquement dans le cas où l'infirmière scolaire n'est pas en mesure de faire prendre en charge le problème par les parents -première obligation-, par un centre de planning, un service d'urgence d'un hôpital ou un médecin. L'infirmière scolaire n'intervient que si toutes les autres voies normales de recours à la contraception d'urgence ont échoué.

Les premiers chiffres dont nous disposons sont significatifs : dans la région parisienne, sur 200 demandes, 16 contraceptions d'urgence ont été administrées par les infirmières scolaires. Cela montre bien que, dans la plupart des cas, l'infirmière sert de médiatrice entre l'enfant et la famille -ou le centre de planning. Mais, quand il n'y a aucune autre solution et que la jeune fille risque sa vie - ou désire tout simplement garder le secret sur son histoire, car il ne faut pas oublier les violences sexuelles qui sont mises à jour dans les dialogues avec les infirmières scolaires -, celles-ci peuvent intervenir.

Il y aura un problème tant que la loi ne sera pas définitivement votée - puisqu'il y a un vide juridique -, notamment en milieu rural, où l'on ne trouve ni centre de planning, ni pharmacie, ni centre hospitalier d'urgence.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La mission d'information à la sexualité et à la contraception fait-elle partie des missions du service de santé scolaire ? Est-ce acté dans le protocole de soins ? Nous avons découvert, grâce à la campagne sur la contraception et aux différentes auditions que nous avons pu avoir à cette occasion, le besoin qu'ont les jeunes d'être informés en matière de sexualité. De ce point de vue, le personnel infirmier des établissements scolaires est souvent un bon vecteur. Cette mission fait-elle partie de leurs compétences ?

Mme Ségolène Royal : Bien sûr, cela est inscrit dans les programmes officiels des classes de troisième et de quatrième, notamment dans les modules d'éducation à la santé. Par ailleurs, il n'est pas interdit de faire de l'éducation à la sexualité avant, dès l'école maternelle, avec l'apprentissage du corps, du respect du corps...

La campagne sur la contraception était destinée aux adolescents des classes de troisième, avec possibilité de commencer dès la classe de quatrième : obligation d'un panneau d'affichage, obligation du numéro de téléphone du centre de planning, incitation à faire venir des intervenants extérieurs...

Il faut du temps pour que ces actions montent en puissance ; par ailleurs, elles sont encore inégalement réparties sur le territoire. Nous devons donc donner une impulsion très forte pour qu'elles fassent partie des programmes de tous les collèges et lycées.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pendant les six mois où la délivrance du Norlevo a été autorisée, les infirmières scolaires ont travaillé avec différentes structures - centres de planification, hôpitaux - quand elles existaient. En revanche, en milieu rural, où il n'y a pas de centres de planification, elles ont dû intervenir davantage.

Aujourd'hui, le pharmacien n'a plus le droit de vendre la pilule d'urgence sans prescription médicale ; que pouvons-nous faire pour que, dans cette période de transition, les infirmières puissent poursuivre leur mission ? Existe-t-il des protocoles de partenariat qui pourraient permettre de prendre le relais jusqu'au vote de la loi ?

Mme Ségolène Royal : Les infirmières scolaires dirigent les adolescentes vers les centres de planning. Les PMI acceptent également de servir parfois de relais.

Mme Nicole Bricq : J'ai découvert qu'une étude statistique très poussée avait été effectuée par le ministère de l'éducation nationale, académie par académie -de janvier à mai , et qu'elle est en cours de dépouillement. Il serait très intéressant de connaître les résultats de cette étude, car ce que vous avez dit pour les départements ruraux, madame la présidente, est très juste. Le département de Seine-et-Marne, semi-rural et composé de grandes poches urbaines, compte un nombre de prescriptions équivalent à ceux de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, beaucoup plus peuplés et où les difficultés sociales sont plus importantes. Cette étude est intéressante, car elle met en exergue les disparités géographiques existant dans les départements ; elle doit donc nous être absolument communiquée. J'ai simplement eu connaissance des résultats de l'académie de Créteil, et j'en ai été très surprise. Cette étude montre par ailleurs le sens de la responsabilité des infirmières, qui n'ont pas du tout agi à la légère ; elle montre également que l'accueil, l'écoute et la délivrance en milieu scolaire sont des facteurs de réduction des inégalités géographiques.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous allons demander les résultats de cette étude au ministre de l'Education nationale.

Madame la ministre, la directive européenne de 1992 a-t-elle besoin d'être transposée ?

Mme Ségolène Royal : La directive a été considérée comme trop générale pour pouvoir être d'application directe en France. Il convient donc de la transposer, c'est-à-dire de la transformer en loi. La loi qui va permettre la mise sur le marché de la pilule du lendemain, sans prescription médicale, vaudra transcription de la directive européenne et complétera la "loi Neuwirth".

Mme Nicole Bricq : Quelle est la situation des autres pays européens ?

Mme Ségolène Royal : La France est le seul pays à avoir autorisé la vente libre de la pilule d'urgence. Cependant, compte tenu du précédent créé par la France, d'autres pays européens préparent actuellement une autorisation de mise sur le marché.

Mme Yvette Roudy : M. Lucien Neuwirth, que je vois régulièrement au Conseil de l'Europe, vous dira qu'un ajustement de la législation existante est tout à fait suffisant. Il est bien conscient que l'on ne peut pas laisser 10 000 jeunes filles en déshérence totale ; ce serait de la non-assistance à personne en danger.

M. Patrick Delnatte : Une infirmière est-elle à même de prendre en compte toutes les données médicales concernant le Norlevo qui figurent dans le protocole d'accord ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il n'y a aucune contre-indication médicale à la prise du Norlevo ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette pilule est en vente libre. Mais les infirmières ne se sont pas trompées : leur rôle a été éducatif. Elles sont tout à fait conscientes que la pilule d'urgence ne remplace pas une véritable contraception.

Mme Ségolène Royal : Les contre-indications ont été indiquées dans le protocole d'accord par précaution ; mais, vous savez, l'aspirine peut être plus dangereuse que la contraception d'urgence. Des recommandations existent pour tous les médicaments. Vous trouverez d'ailleurs dans ce protocole des cas beaucoup plus graves, lorsqu'il y a urgence. Je pense, par exemple, aux médicaments que les infirmières peuvent administrer pour sauver la vie d'un adolescent, dont les contre-indications sont beaucoup plus lourdes.

M. Patrick Delnatte : Je pense que le malaise ressenti dans l'opinion publique vient, non pas de la rapidité de la décision, puisque vous avez organisé un certain nombre de consultations, mais de sa brutalité. Lorsqu'on relit vos réponses aux questions écrites, publiées en février, il est clair que la délivrance de la pilule d'urgence par l'infirmière scolaire est la dernière chance pour l'adolescente, après l'échec d'autres mesures -mise en relation avec les parents, le planning familial, etc. Je suis néanmoins persuadé que l'opinion a perçu cette mesure comme simplificatrice, et que nous sommes entrés dans un débat qui ne correspondait pas à la réalité des choses ou, du moins, à ce que vous souhaitiez. Le bilan, 16 prescriptions par les infirmières scolaires sur 200 demandes, permet d'en juger.

Mme Ségolène Royal : Toutes les demandes ont été prises en compte : celles des infirmières, des parents, des centres de planning...

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Selon les zones géographiques - présence ou non de centre de planning, d'hôpitaux -, les infirmières ont délivré plus ou moins de Norlevo. Les disparités entre les départements sont importantes.

Mme Hélène Mignon : Quelquefois, la famille a pris la décision de poursuivre la grossesse.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : L'infirmière est tenue de faire un rapport auprès du principal - il existe un registre. Et les propos de l'adolescente doivent normalement rester confidentiels - même si l'on sait que certaines infirmières ont dû convaincre le principal de ne pas téléphoner à la famille.

Mme Ségolène Royal : Je voudrais revenir sur les propos de M. Patrick Delnatte, car l'opinion publique a parlé, à un moment donné, de "distribution", voire de distributeur automatique de pilule du lendemain dans les établissements scolaires ! Il n'en a, bien entendu, jamais été question ! Par ailleurs, j'insiste sur le fait que le protocole a été discuté pendant plus d'un an et que la direction générale de la santé en a pesé chaque mot. Mais, c'est au moment où la décision est prise que les gens prennent conscience de sa véritable portée.

M. Patrick Delnatte : Une dernière question : est-il envisagé de revoir la durée du congé maternité ?

Mme Segolene Royal : Non, le sujet en cours est celui du congé paternité !

M. Patrick Delnatte : Nous sommes dans une situation fausse : nous savons tous que le congé maternité est systématiquement prolongé pour des raisons dites pathologiques. Alors, autant l'allonger d'une ou deux semaines, si cela est véritablement nécessaire.

Mme Ségolène Royal : Personnellement, je préférerai un congé paternité - d'un mois par exemple - qui serait pris au moment où la femme reprend son activité professionnelle, et qui ne serait ouvert que si les femmes respectent le congé maternité légal.

Audition de M. Lucien Neuwirth, sénateur

Réunion du mardi 12 septembre 2000

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans le cadre de notre rapport d'activité et à l'occasion de la révision des lois sur l'IVG et la contraception, nous prenons conscience, monsieur le sénateur, qu'il convient de reprendre globalement ce sujet. Nous désirions donc vous entendre afin de faire avec vous le point de trente ans de législation sur la contraception et de savoir ce qu'il vous semblait nécessaire d'adapter aux réalités de notre époque. Nous avons, au cours de débats antérieurs, et notamment au cours du colloque que nous avons organisé fin mai et auquel vous avez assisté, posé le problème de l'accès à la contraception pour les mineures, celui de la publicité en matière de contraception, autant de problèmes que nous souhaiterions aujourd'hui évoquer avec vous. Quelle est votre analyse de la législation après trente ans d'application et quelles modifications vous semblent s'imposer ?

M. Lucien Neuwirth : Madame la Présidente, je vous remercie de votre invitation à venir vous parler d'un sujet qui n'a jamais cessé de m'intéresser.

D'abord, je soulignerai une première évidence : le monde évolue tous les jours ainsi que les comportements, les habitudes et les moeurs et il est clair que nous ne pouvons pas accepter de nous réfugier dans une situation à tout jamais figée.

Mon souci, en ce qui concerne la contraception, est de faire en sorte qu'elle remplisse sa mission et je dois dire que, pendant des années, j'ai dû hurler dans le désert, estimant que l'information n'était pas faite comme elle aurait dû l'être, non seulement pour les filles mais également pour les garçons, à qui il convient de signifier qu'en la matière, ils ont, eux aussi, une part de responsabilité.

A ce propos, un souvenir personnel m'a beaucoup marqué. Il remonte aux années soixante-dix quand Edmond Michelet se trouvait avoir en charge la censure cinématographique. Il m'avait appelé pour connaître mon jugement sur le film Helga, un documentaire fabuleux sur le développement du foetus qui se terminait par une scène d'accouchement que certains jugeaient choquante. Je me suis fait accompagner par des jeunes à la projection de ce film et je dois dire que leurs réactions ont été assez extraordinaires puisque, après avoir assisté à la scène de l'accouchement, qui était assez forte pour un une jeune homme, le premier adolescent que j'ai interrogé m'a dit : « Pour moi, une surprise-partie, cela ne sera plus jamais pareil... », tandis que le second s'est extasié : «  Ah, monsieur, c'est quand même formidable la vie ! ». J'ai alors pris conscience que ce style d'enseignement était au moins aussi nécessaire pour les garçons que pour les filles.

Sur l'information des filles, j'avais d'ailleurs été déjà largement impressionné par une femme remarquable qui avait en charge la protection maternelle et infantile de la région parisienne et qui me faisait visiter un hôtel maternel recueillant les jeunes « filles-mères ». Je demandais à l'une d'elles, qui n'avait guère plus de quatorze ans, si elle ne savait pas qu'elle pouvait tomber enceinte et cette dernière m'avait répondu « Non, parce qu'on m'avait dit que pour avoir un enfant, il fallait coucher avec un homme, et que nous n'avons pas eu de rapport couchés mais debout dans les escaliers de notre HLM ... ». Je suis resté stupéfait !

Cette même personne m'avait déclaré qu'elle était scandalisée par le nombre d'institutrices qui disaient voir arriver en classe des petites filles blêmes au motif qu'elles avaient leurs règles sans même avoir été averties par leur mère que ce phénomène devait survenir. Figurez-vous qu'il y a moins de deux ans j'ai, à mon tour, rencontré une institutrice qui m'a dit la même chose, à savoir qu'une de ses élèves avait été extrêmement traumatisée d'avoir eu ses règles sans savoir ce qui lui arrivait.

J'insiste donc sur cette nécessité d'information, car il me semble qu'il faut sensibiliser tous ceux qui vont être ou sont déjà des parents. C'est facile de dire à une petite fille pubère qu'elle va devenir une femme et pouvoir avoir des bébés : c'est normal la procréation ; il n'y a rien de plus normal et si nous en sommes arrivés là où nous sommes, c'est uniquement parce que l'information a été insuffisamment faite dans ce domaine.

Puisque nous allons parler de contraception d'urgence, je tiens à attirer votre attention sur un autre problème qui me touche beaucoup : si la question des enfants mineurs se pose à certains, cela s'explique en grande partie par une carence de communication au sein des familles. Si tel n'était pas le cas, les petites filles dont nous avons parlé ne se seraient pas trouvées dans la situation qui était la leur, car elles auraient été averties par leur mère qui les aurait mises en garde contre le risque de se trouver enceintes.

Nous avions créé une structure, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, qui possédait une caractéristique à laquelle j'avais tenu tout particulièrement : y siégeaient des représentants des corps intermédiaires, c'est-à-dire aussi bien les syndicats ouvriers que les autres syndicats, ainsi que des représentants de toutes les familles et de toutes les religions. J'estimais, en effet, qu'il fallait passer par ces canaux pour faire de l'information en réglant, non pas les récepteurs sur les émetteurs mais bien l'inverse, c'est-à-dire en parlant le même langage que celui pratiqué par chaque catégorie sociale.

La formule a particulièrement bien fonctionné pour le milieu rural : l'association des familles rurales s'est vraiment « mise en quatre » pour faire en sorte que les choses aillent au mieux.

Ensuite, est venue cette longue période où l'on n'a plus fait d'information, avant d'y revenir notamment avec Bernard Kouchner, qui a eu le mérite d'essayer de faire repartir la machine.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Madame Roudy l'y a beaucoup incité...

M. Lucien Neuwirth : C'est vrai !

Mme Yvette Roudy : Cela remonte à 1981, et nous n'avons toujours pas de système permanent d'information, qui soit, en quelque sorte, banalisé, intégré dans notre culture, comme un élément naturel et normal, partout où il y a des jeunes, que ce soit à l'école ou ailleurs. Cela manque. Pendant deux ans, on a répété que l'on allait faire une campagne sur la contraception, sans jamais y parvenir. En réalité, nous nous laissons beaucoup trop freiner par ceux qui y sont opposés. Il faut réussir à banaliser l'information et à l'intégrer dans la norme.

M. Lucien Neuwirth : Pour ce faire, il faut, à mon sens, repartir par les canaux naturels de diffusion que sont les représentants des syndicats, les associations familiales et autres, car il n'y a rien, je le répète, de plus naturel que la procréation.

Je crois qu'il est fondamental de parvenir à cette banalisation de l'information que j'ai souhaitée et qu'on a instaurée dans d'autres domaines, tels que celui de la douleur.

Le grand problème qui se pose, comme l'a souligné fort justement Mme Yvette Roudy, est d'ordre culturel. Il faut réussir à se convaincre que toutes les familles ne sont pas identiques : il y a les familles soudées et les familles monoparentales, au nombre de 1 200 000 rien que pour la France.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Elles ne sont pas pour autant éclatées...

M. Lucien Neuwirth : Non, bien sûr !

J'en arrive aux responsabilités par rapport au sujet qui nous intéresse, car il y a un problème culturel qui tient aux relations avec les parents et à l'autorité parentale sur laquelle on s'est focalisé.

On a prétendu que, dans la loi de 1967, j'avais prévu qu'une autorisation des parents était obligatoire pour que les médecins puissent prescrire des contraceptifs : c'est faux ! Cela ne figure nullement dans la loi mais dans l'article 371-1 du code civil qui dit «  L'enfant doit rester sous l'autorité des parents jusqu'à sa majorité ou son émancipation », et dans l'article 371-2 qui stipule « L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont, à son égard, droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. ».

Ce qui, en revanche, figurait dans la loi c'était la distribution par les centres de planification ou d'éducation familiale de produits et objets contraceptifs aux mineurs : c'est ce que l'on a appelé la « petite loi » de 1974.

Je pense qu'il y a un vrai problème en ce qui concerne la prescription médicale : en effet, les hormones ont des conséquences sur les individus, et beaucoup plus sur les enfants en formation que sur une femme déjà formée. Une prescription médicale me paraît donc nécessaire pour qu'un médecin puisse s'assurer qu'il n'y ait pas de contre-indications à la prescription des contragestifs qui ont la particularité de contenir des hormones : ils empêchent la nidation par des moyens chimiques mais ont, en plus, une action hormonale. Or, de mon point de vue, c'est cette action hormonale qui vient compliquer les choses et il nous faut y être attentifs.

Le Norlévo, mis à part son léger apport d'hormones, n'a pas d'autres effets que ceux du stérilet dont l'usage est tout a fait défini et reconnu par la loi et qui ne suscite aucune polémique. Il empêche la gestation : il s'agit d'un contragestif et de rien de plus, même si, à son propos, on peut parler de contraception d'urgence puisque son action intervient après le rapport, plus exactement après la fécondation de l'ovule, mais avant la nidation, c'est-à-dire avant la formation du f_tus.

Je pense que tout cela pourra s'énoncer assez clairement lors du débat au Parlement. Le problème qui perdurera et sur lequel les médias vont braquer leurs projecteurs reste celui de l'autorité parentale.

Faut-il aller jusqu'à envisager une majorité sanitaire à partir de 16 ans ou retenir d'autres formules ? Le débat est très largement ouvert.

Pour l'instant, en ce qui me concerne, je n'ai pas terminé ma réflexion et c'est pourquoi je suis ravi d'être parmi vous aujourd'hui pour entendre vos questions et finir de me convaincre moi-même sur ce problème de la contraception.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La question qui est posée, monsieur le sénateur, est de savoir si les filles et les garçons ont à demander l'autorisation parentale en ce qui concerne leur sexualité.

Aujourd'hui, une fille - je parle des filles puisque ce sont elles qui portent encore l'essentiel de la responsabilité en matière de contraception et ont à mener à terme une grossesse - peut se procurer des moyens de contraception dans un centre de planification ou d'éducation familiale, sans l'autorisation de ses parents.

En posant le problème de l'autorisation parentale pour la contraception, il convient de se demander si cela correspond à nos pratiques « sociétales » : les filles demandent-elles à leurs parents l'autorisation d'avoir, ou non, une sexualité ? Il me semble qu'en pratique, la réponse est plutôt négative : elles en discutent certainement quand elles le peuvent avec leurs parents, mais nous ne sommes plus à une époque où les filles et les garçons demandent à leurs parents l'autorisation d'avoir une relation sexuelle.

Mme Roselyne Bachelot : Elles ne l'ont jamais demandée.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Effectivement, j'ai le sentiment qu'elles ne l'ont jamais demandée. Est-ce qu'à partir de là on décide que les mineures ont besoin de l'autorisation parentale pour avoir accès à la contraception, ou que, puisqu'elles font un certain nombre d'actes en toute conscience, il faut leur donner les moyens de se prémunir contre un certain nombre de risques, que ce soit en matière de grossesse, de sida ou de MST ?

Mme Danielle Bousquet : Dans votre loi, vous aviez envisagé qu'un centre de planification ou d'éducation familiale puisse délivrer librement une contraception à une mineure sans que soit évoquée nulle part la question de l'autorisation parentale.

En conséquence, je ne comprends pas la démarche qui est aujourd'hui la vôtre et qui vous amène à dire que cette question se trouvera au coeur du problème, en particulier au niveau des médias. En effet, votre loi, qui a maintenant déjà plus de vingt ans, résolvait ce type de problèmes. Puisqu'à l'époque ils n'ont pas posé de difficultés particulières, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas envisager, par analogie, que ce qui a été accepté en 1974, puisse être reconduit sans difficulté aujourd'hui.

M. Lucien Neuwirth : Mes propos précédents allaient un petit peu plus loin puisque je pensais déjà à la distribution du Norlévo et à la contraception d'urgence, mais il est évident que, selon moi, le pire qui puisse arriver à une jeune fille est de débuter dans la vie avec une IVG : il faut tout faire pour éviter cela !

Mme Danielle Bousquet : Mais pourquoi pensez-vous que, maintenant, cette question va poser plus de problèmes qu'en 1974 où l'existence des centres de planification et la possibilité d'y prescrire des contraceptifs n'a provoqué que l'agitation d'un petit nombre de personnes ?

M. Lucien Neuwirth : Toute la confusion vient du problème posé par la possibilité de délivrance de contraceptifs d'urgence par les infirmières scolaires. Pourtant, dans d'autres domaines, cette solution existe déjà : les médecins chefs de service établissent des protocoles, pour permettre, en leur absence, aux infirmières de remplir certains actes qu'elles ne pourraient pas assumer autrement. J'en veux pour exemple le décret qui permet aux infirmières d'intervenir à la place du médecin dans certaines situations spécifiques d'urgence : il est appliqué notamment en établissement hospitalier pour le traitement de la douleur.

Une circulaire du 11 février 1999, prise en application d'un décret du 15 mars 1993, relative aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmière et d'infirmier, précisait ainsi que, face à une situation d'urgence et dans le cadre d'un protocole de soins déterminé par circulaire, les infirmiers étaient habilités à accomplir des actes non autorisés auparavant, pour permettre de soulager les patients souffrant atrocement.

Il est donc possible de prévoir un article additionnel qui préciserait que, face à une situation d'urgence, dans le cadre d'un protocole de soins déterminé par circulaire, les infirmières scolaires sont habilitées à délivrer des moyens contraceptifs.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je tiens à dire que les six mois de mise en circulation du Norlévo montrent que tous, aussi bien les parents, les infirmiers, les responsables de l'Education nationale ainsi que les jeunes, ont fait preuve d'une très grande responsabilité.

Mme Roselyne Bachelot : Pour que les choses soient bien claires dans le débat, je m'empresse de dire que je suis naturellement, depuis fort longtemps, une militante de la suppression totale de l'autorisation parentale, tant en ce qui concerne la contraception que l'avortement.

Pour autant, M. Lucien Neuwirth vient de soulever un vrai problème concernant le code civil. Je crois qu'il faut le prendre avec beaucoup de sérieux sur le plan juridique pour ne pas risquer, ensuite, de voir le texte annulé lors d'un quelconque recours. Il faut donc bien voir que dans notre code civil la responsabilité sanitaire et morale d'un mineur incombe à ses parents et donc parvenir à étudier la question de manière très complète.

M. Lucien Neuwirth vient d'évoquer la possibilité d'une éventuelle responsabilité sanitaire à seize ans. Cela me paraît contestable sur le plan éthique ; ensuite, selon moi, la suppression de l'autorisation parentale devrait valoir aussi bien à quinze ans qu'à quatorze ans. C'est une question de dignité, de liberté de son corps.

M. Lucien Neuwirth : Egalement de maturité !

Mme Roselyne Bachelot : Une telle mesure ne fera que reculer les difficultés !

Certains se sont battus en faveur d'une piste très intéressante, mais qui demanderait une réflexion plus approfondie, en proposant une sorte de statut de la prémajorité. On pourrait imaginer un texte ample qui définirait des droits et éviterait la rupture brutale qui existe maintenant entre dix-sept ans et onze mois où l'on a aucun droit et dix-huit ans et un jour on les a brutalement tous. Cela étant, une telle réflexion allongerait beaucoup nos travaux et présenterait peut-être l'inconvénient de retarder les solutions sous prétexte de mieux faire : à force de vouloir faire mieux, on finit souvent par ne rien faire. Je me demande donc si la bonne piste ne serait pas de considérer que ces dispositions du code civil contreviennent à celles de la Convention des droits de l'enfant qui définit des droits de liberté et d'identité.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans la législation actuelle, outre cet article du code civil qui est fondamental, nous avons toute une série de textes qui, d'ores et déjà, accordent aux mineurs certaines libertés dont la jouissance de leur corps à partir de quinze ans. Je vous rappelle, en effet, qu'à partir de cet âge, il n'y a plus de poursuites pour détournement de mineur. La loi reconnaît également déjà aux mineurs une certaine vie sexuelle, ainsi que le droit d'être entendu par le juge dès l'âge de treize ans.

Mme Roselyne Bachelot : Je pose le problème sur un plan technique et juridique de façon à éviter de nous trouver face à un recours s'appuyant sur le fameux article 371 du code civil. Il faut essayer de contourner l'obstacle.

Mme Yvette Roudy : Il y a la loi, les textes, mais il y a la vie ! Si la discussion qui nous réunit aujourd'hui a lieu, c'est parce que le problème des grossesses précoces nous a explosé au visage et qu'il a conduit, dans un certain désordre et une certaine improvisation, le législateur à intervenir.

Je souhaiterais donc partir des faits en rappelant que force est de constater que, dans notre société, c'est de plus en plus jeunes que les jeunes filles ont des enfants.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : L'âge moyen du premier rapport sexuel n'a pas bougé : il reste à dix-sept ans.

Mme Yvette Roudy : Les rapports de l'ONU rapportent que, globalement, les maternités sont de plus en plus précoces et c'est pourquoi il est demandé de faire davantage d'information à l'école et dans les lieux fréquentés par les jeunes.

L'idée selon laquelle les enfants doivent naturellement se tourner vers leurs parents est tout à fait sympathique, mais on s'est aperçu qu'en pratique elle ne fonctionne pas toujours, et c'est un euphémisme, puisqu'il y a même des cas où les enfants ne se tournent surtout pas vers leurs parents.

Par conséquent, lorsqu'un adolescent se trouve dans une situation où il a besoin de parler, envie de communiquer, il faut qu'il y ait des lieux et des personnes qu'il connaisse, qu'il puisse identifier, dont il puisse s'assurer de la discrétion et en qui il puisse avoir confiance, ce qui n'existe pas encore chez nous. Si l'on parle tant des infirmières c'est que, par la force des choses, elles sont dans de nombreux cas amenées à jouer ce rôle. Maintenant, sont-elles prêtes, formées et sommes-nous en droit d'attendre cela d'elles ? Je l'ignore.

Je crois que, dans nos propositions, nous devrons penser à ces lieux, à ces personnes vers qui l'adolescent, garçon ou fille, doit pouvoir aller s'informer et poser des questions. Il s'agit d'information sexuelle générale, actuellement dispensée par des personnes qui ne sont pas forcément préparées, parce qu'elle n'a pas encore été vraiment prise au sérieux dans notre pays.

Il faudrait maintenant se saisir du problème à « bras-le-corps », si j'ose dire, et voir avec les personnes qui ont réfléchi à la question, quelle est la structure à prévoir pour le résoudre.

La médecine, la science ont prévu des moyens : il faudra demander aux juristes d'adapter les textes mais encore faut-il pour cela que nous sachions ce que nous voulons, nous, obtenir. Il s'agit, avant tout, d'une question de volonté politique.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je suis tout à fait d'accord avec votre proposition sur la création de lieux d'information permanents et identifiables pour les jeunes. On en a d'ailleurs bien vu la nécessité en tirant le bilan de la campagne nationale d'information sur la contraception qui a été conduite durant l'hiver 2000.

Cela étant, je voudrais revenir sur l'intervention de Mme Roselyne Bachelot car, concernant l'arrêt du Conseil d'Etat portant sur le Norlévo, les attendus font simplement état de la distribution par l'infirmière. Donc, l'aspect de la question que vous avez soulevé se trouve résolu. 

Mme Roselyne Bachelot : Mais, comme c'était un acte administratif, l'affaire n'a été traduite que devant le Conseil d'Etat et non pas devant le Conseil constitutionnel.

Mme Nicole Catala : On ne peut pas imaginer de supprimer les dispositions précitées du code civil. Cela reviendrait à déresponsabiliser les parents, dont on sait que dans certaines familles ils sont déjà défaillants. Quand on a abaissé la majorité à dix-huit ans, certains parents ont dit à leurs enfants de prendre la porte et de se débrouiller : cela a été fréquent. 

M. Lucien Neuwirth : Il y a un autre problème qui commence à m'angoisser : depuis un certain temps, on me demande de faire des conférences sur la Résistance -que je connais bien puisque j'y suis entré à l'âge de seize ans- devant des élèves qui préparent en fin d'année des dissertations sur le sujet. Or, je suis frappé par la boulimie des questions qui me sont posées : j'ai le sentiment que, sur ce sujet comme sur d'autres, la communication passe de moins en moins entre parents et enfants. Elle commence à se rétablir entre grands-parents et petits-enfants mais, entre parents et enfants, le silence est terrible. Je suis frappé de constater qu'il n'y a plus entre parents et enfants la communication qui existait auparavant.

Il nous faut donc peut-être nous saisir du problème pour proposer aux enfants des lieux où ils pourraient parler et être écoutés. L'écoute est absolument nécessaire, d'où l'engouement pour l'Internet où l'on peut échanger et communiquer. Il y a un important besoin de communication qui n'est pas satisfait.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Monsieur le sénateur, dans la loi de 1967, la publicité sur la contraception est interdite. Que pensez-vous, avec le recul, de cette disposition ?

M. Lucien Neuwirth : On peut procéder à un nettoyage et à un élagage de la législation, dans la mesure où des renseignements, aujourd'hui donnés par téléphone, voire par Internet, pourraient, si on tombait sur un magistrat sourcilleux, donner lieu à poursuites. Ce qui est uniquement mis en cause par l'article 5 de la loi, c'est la publicité commerciale concernant les contraceptifs en dehors des revues médicales.

Mme Roselyne Bachelot : De toute façon, cela renvoie à un autre problème, à savoir que la législation de la sécurité sociale interdit de faire de la publicité pour des produits remboursés, puisqu'on n 'a pas le droit d'inciter à des dépenses remboursées par la sécurité sociale. En conséquence, pour tout ce qui touche aux contraceptifs remboursés, nous nous heurterons à des mesures qui ne sont pas d'ordre sanitaire, mais économique.

Mme Danielle Bousquet : Tous les contraceptifs ne sont pas remboursés.

Mme Roselyne Bachelot : Ceux qui sont au tableau relèvent d'une autre législation qui leur interdit de bénéficier de publicité puisqu'on n'a pas le droit de se les procurer sans ordonnance. La publicité ne peut donc s'exercer qu'en direction du corps médical.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Un certain nombre de contraceptifs sortent désormais sans contre-indication. Ce phénomène, que nous connaissons avec le Norlévo, nous risquons de le retrouver dans les années qui viennent avec des pilules contraceptives à prise régulière : ce sont des pilules qui, au vu de l'application de la directive européenne, pourront ne pas être obligatoirement prescrites par un médecin, mais également ne pas être remboursées par la sécurité sociale.

M. Lucien Neuwirth : J'estime qu'il faut prendre le problème de la contraception avec un certain calme, qu'il ne faut pas se crisper, mais l'étudier avec bon sens et sérieux et je suis convaincu que nous allons trouver la solution.

Annexe 3
PROTOCOLE NATIONAL SUR L'ORGANISATION DES SOINS ET DES URGENCES DANS LES ÉCOLES ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D'ENSEIGNEMENT (EPLE)

Bulletin Officiel
de l'Education Nationale
HS N°1 du 6 janvier

Lettre à mesdames et messieurs les proviseurs des lycées et principaux des collèges

Paris, le 29 décembre 1999

Mesdames et Messieurs les proviseurs des lycées et principaux des collèges,
Je m'adresse à vous pour la mise en place du protocole national sur l'organisation des soins et des urgences que vous trouverez ci-joint.

La bonne santé des élèves est une des conditions de leur réussite scolaire et constitue donc une de mes priorités. Les constats pessimistes sur l'état sanitaire de la jeunesse qui figurent dans des rapports récents ont renforcé ma conviction d'agir en ce domaine.

C'est pourquoi des moyens importants ont été dégagés par le gouvernement, notamment la création de plus de 1300 emplois ou équivalents (infirmières, médecins, assistantes sociales) en trois ans. En outre, l'éducation à la santé a été généralisée de l'école maternelle au collège, où sont mises en place, depuis la rentrée 1999, des rencontres éducatives sur la santé inscrites à l'emploi du temps des élèves ; et une circulaire sur l'accueil des élèves atteints de troubles de la santé vient d'être publiée (B.O. n°41 du 18-11-1999).

C'est dans ce cadre que j'ai voulu opérer une clarification des modalités d'organisation des soins et des urgences dans les collèges et lycées. Le protocole national à destination des infirmières et des médecins de l'éducation nationale définit la liste des médicaments d'usage courant ou d'urgence pouvant être détenus dans les infirmeries scolaires ainsi que les procédures d'intervention à mettre en _uvre dans les situations médicales d'urgence.

Les dépenses occasionnées par la mise en _uvre de ce protocole sont à financer dans le cadre du budget général de l'établissement. En cas de difficultés particulières, il pourra être fait appel aux fonds sociaux collégiens et lycéens. Vous signalerez tous les problèmes éventuels rencontrés à ce sujet.

Un dispositif spécial concerne la prévention des grossesses précoces non désirées, qui permet à l'infirmière ou au médecin au collège et au lycée, dans le cas d'extrême urgence et de détresse caractérisée, de délivrer la contraception d'urgence, en l'espèce le Norlévo, qui est un médicament en vente libre. Mais il doit être rappelé que ce moyen contraceptif ne saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et responsable. C'est pourquoi une campagne nationale sera lancée à partir de janvier comportant en particulier la distribution d'un dépliant, à partir de la classe de 3ème, autour duquel la communauté éducative organisera des actions d'information.

Mais l'éducation à la sexualité doit aller au-delà des objectifs de prévention des risques et d'information sur la contraception. Je souhaite que, dans le cadre de ma circulaire du 19 novembre 1998 (B.O. n°46 du 10-12-1999), se développe une authentique démarche éducative, qui passe par l'affirmation que la sexualité précoce n'est pas une conquête, que la relation sexuelle engage la personne toute entière et qu'elle doit donc être replacée dans sa dimension affective, fondée sur les valeurs d'estime de soi et de respect de l'autre. La sexualité est indissociable de la liberté de choix. La contrainte physique, psychologique ou morale n'y a pas sa place. Vous veillerez donc aussi aux actions de sensibilisation contre les violences sexuelles.

C'est une culture de responsabilité qu'il convient de faire partager aux élèves afin qu'ils vivent avec bonheur la rencontre avec l'autre et les différentes étapes du parcours amoureux qui construisent l'homme ou la femme qu'ils seront demain. Le rôle des parents est primordial en ce domaine. Toutefois l'Éducation nationale doit pouvoir répondre aux questions que se posent les jeunes.

Je sais pouvoir compter sur vous pour l'application de ce protocole et la mise en _uvre des actions d'éducation à la sexualité
et vous prie d'agréer l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Ségolène Royal

VI - CONTRACEPTION D'URGENCE : NORLÉVO
INFORMATIONS GÉNÉRALES

À qui s'adressent ces "pilules du lendemain"
, dont la dernière née est en vente libre en raison de son absence de toxicité et de contre-indications :

- elles ont été conçues pour diminuer le nombre de grossesse non désirées, dont un pourcentage non négligeable se termine par une interruption volontaire de grossesse ;

- sont concernées toutes les femmes en âge de procréer qui n'ont aucune contraception, celles qui ont eu un rapport mal protégé, mais aussi les victimes de viol, ou bien les femmes qui ont eu un oubli de pilule contraceptive ;

- on estime que globalement la contraception d'urgence permet d'éviter 7 à 9 grossesses sur 10 après un rapport non protégé ;

- la contraception d'urgence est d'autant plus efficace qu'elle est utilisée rapidement après le rapport non protégé.

Quelques précisions concernant les erreurs de prise de pilules contraceptives
En cas d'erreur de prise de pilules _stroprogestatives :

- terminer la plaquette en cours, protéger les rapports avec un préservatif jusqu'à la reprise de la plaquette suivante ;

- si l'oubli concerne 2 comprimés au cours de la première semaine de pilule (du 1er au 7ème jour) la contraception d'urgence s'impose, dès lors qu'il y a eu un rapport dans les 7 jours précédents ;

- si l'oubli concerne 2 comprimés au cours de la deuxième semaine de pilule ( du 8ème au 15ème jour) terminer la plaquette et protéger les rapports par préservatifs ;

- si l'oubli concerne 2 comprimés au cours de la dernière semaine (du 16ème au 21ème jour) il convient d'enchaîner sur la plaquette suivante sans période d'arrêt ;

- en tout état de cause si l'oubli d'un comprimé est inférieur à 12 heures prendre la pilule manquante dès que l'on s'aperçoit de l'oubli et les suivantes à l'heure habituelle. Aucune précaution n'est à prendre.

Quand il s'avère impossible de déterminer précisément la durée de l'oubli et sa date d'intervention au cours du cycle, il conviendra de recourir à la contraception d'urgence.

En cas d'erreur de prise de pilules micro-progestatives

Tout oubli d'un comprimé pendant une durée supérieure à 4 heures quelque soit le moment de la plaquette impose le recours à la contraception d'urgence et des rapports protégés par des préservatifs pendant deux semaines, tout en terminant la plaquette.

Quelle tolérance ?

Norlévo est pratiquement sans effet secondaire (un peu plus de 5 % de vomissements)

Ce médicament est-il abortif ?

Non, il intervient avant le phénomène de nidation. Il ne doit pas être confondu avec le RU 486.

Si l'_uf est implanté dans l'utérus, ce composé est inefficace et la grossesse se poursuit.

Il n'y a pas de risque malformatif pour l'embryon.

Le Directeur général de la santé

graphique

Professeur Lucien Abenhaim

FICHE INFIRMIÈRE / CONTRACEPTION D'URGENCE
_
Il convient de rappeler qu'en milieu scolaire les infirmières ont essentiellement un rôle de prévention individuelle et collective qui s'inscrit dans une démarche éducative. Néanmoins des situations d'urgence et de détresse peuvent se présenter et l'infirmière doit pouvoir y répondre selon les modalités suivantes :
1 - Entretien avec l'adolescente

Un dialogue doit être engagé avec l'élève pour la mettre en confiance et lui faire préciser les points suivants :

- quelle est sa demande ?

- a-t-elle eu un rapport sexuel non protégé ? quand ?

- a-t-elle subi un rapport forcé ?

- a-t-elle une contraception ? laquelle ? s'agit-il d'un oubli de pilule ?

- quelle est la date des dernières règles ?

- a-t-elle prévenu ses parents ?

- est-elle suivie par un médecin, un gynécologue ou un centre de planification familiale ?

- quels sont les antécédents médicaux (salpingite, grossesse extra-utérine) car Norlévo est déconseillé chez les jeunes filles présentant un risque de grossesse ectopique ?

2 - Décision pour la mise en place d'une éventuelle contraception d'urgence

Deux éventualités peuvent se présenter :

2.1 L'adolescente mineure

2.l.1
L'infirmière recherche les modalités les plus appropriées en fonction de l'âge et de la personnalité de l'élève pour entrer en contact avec l'un de ses parents (téléphone, rendez-vous) aux fins d'informer celui-ci des différentes possibilités de contraception d'urgence, de lui indiquer les structures existantes pour se procurer de tels médicaments (pharmacie, médecin, centre de planification familiale), et de l'aider ainsi à trouver la solution adéquate.
2.l.2
Si l'élève refuse catégoriquement que la famille soit associée à sa démarche, l'infirmière prend rendez-vous en urgence auprès du centre de planification, et si besoin est, l'accompagne dans ce centre.
2.l.3
Si l'une de ces structures n'est pas immédiatement accessible, et s'il existe une situation de détresse caractérisée, l'infirmière pourra à titre exceptionnel et dans le cas où le rapport sexuel remonte à moins de 72 heures, délivrer le Norlévo à l'élève concernée, aux fins de permettre d'éviter par la contraception d'urgence une grossesse non désirée à un âge précoce.
2.l.4
Il conviendra dans ce cas de s'assurer de la prise effective par l'élève du 1er puis du 2ème comprimés le jour suivant.
2.2 L'adolescente majeure

2.2.1
L'infirmière adresse l'élève au centre de planification familiale ou aux urgences hospitalières en l'aidant à prendre rapidement un rendez-vous ; elle lui propose d'entrer en contact avec sa famille.
2.2.2
En cas d'inaccessibilité de ces structures, il sera indiqué à la jeune fille la possibilité de se procurer le Norlévo en pharmacie.
2.2.3
À titre exceptionnel, notamment en cas d'éloignement géographique, et si le rapport sexuel remonte à moins de 72 heures, l'infirmière pourra délivrer le Norlévo à l'élève majeure.
3 - Cet acte doit faire l'objet de la part de l'infirmière d'un compte-rendu écrit, daté et signé (tenue du cahier de l'infirmière), que l'adolescente soit mineure ou majeure

- dans tous les cas de figure, il sera indiqué à l'élève que la contraception d'urgence ne constitue pas une méthode habituelle de contraception, qu'elle n'est efficace qu'à 80%, et qu'enfin ce médicament ne saurait lui être délivré à répétition ;

- au-delà du délai de 72 heures, l'adolescente sera informée qu'il n'y a plus d'indication possible pour la contraception d'urgence et devra impérativement être orientée vers un centre de planification, l'hôpital ou un médecin généraliste ou gynécologue en cas de retard de règles.

4 - Suivi et accompagnement de l'adolescente

L'infirmière a un rôle de médiation entre l'adolescente et la famille. Dans tous les cas, il appartient à l'infirmière :

- de s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève, et de veiller à la mise en _uvre d'un suivi médical par un centre de planification, ou un médecin traitant ou un médecin spécialiste ;

- de s'assurer de l'efficacité de la contraception d'urgence, notamment en conseillant un test de grossesse lorsqu'il est constaté un retard de règles ;

- de prévenir les maladies sexuellement transmissibles et le sida ;

- d'entamer le cas échéant une contraception relais.

L'infirmière prendra si nécessaire les conseils du médecin de l'éducation nationale.

Il doit être précisé aux élèves que la contraception d'urgence ne peut en aucun cas remplacer la contraception habituelle et qu'elle est réservée aux situations d'urgence et de détresse, qu'une prise répétée du Norlévo peut entraîner des complications et que, dans ces conditions,
son usage ne saurait être banalisé.

Annexe 4

Communiqué de l'Académie nationale de médecine du 7 mars 2000

Buli. Acad. Natle Méd. 2000.184. n° 3, 675-676, séance du 7 mars 2000

COMMUNIQUÉ
au nom des Commissions Il (Thérapeutique - Pharmacologie - Toxicologie) et IX (Maternité - Enfance - Adolescence)

à propos de la délivrance aux adolescentes, par les infirmières scolaires, du Norlévo (lévonorgestrel)

Paul LECHAT, Président de la Commission Il, Michel ARTHUIS, Président de la Commission IX
L'Académie nationale de médecine a pris connaissance avec intérêt du « Protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement », publié dans le n* 1 du 6 janvier 2000 du Bulletin Officiel de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie. Ce texte appelle de sa part les remarques suivantes :
1. L'Académie est consciente de la gravité des grossesses précoces chez les adolescentes et des problèmes qu'elles posent, mais elle estime que l'information et la prévention faites en accord avec les familles constituent le moyen essentiel de limiter le nombre de ces grossesses non désirées et aussi le nombre des maladies sexuellement transmissibles. L'Académie, qui avait réclamé le 23 juin 1998 une nouvelle circulaire- concernant l'éducation à la vie affective et sexuelle dans les établissements d'enseignement, ne peut qu'approuver les termes utilisés par la Ministre déléguée, chargée de l'Enseignement scolaire, dans sa lettre du 29 décembre 1999 adressée aux Proviseurs et Principaux des collèges ;
2. l'Académie se félicite de voir souligner que le lévonorgestrel (Norlévo) ne saurait faire l'objet d'une utilisation répétée, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'elle peut entraîner des perturbations du cycle menstruel telles que des grossesses non désirées risquent de survenir et donc un nombre accru d'avortements, ce qui irait à l'encontre de l'objectif recherché par le protocole ministériel
3. l'Académie fait remarquer une difficulté pratique d'application du protocole en question, qui provient du fait que tous les établissements scolaires ne disposent pas d'un médecin ni d'une infirmière
4. l'Académie insiste sur la nécessité de disposer sous forme d'un bilan établi à 2 ou 3 ans, sur les effets de l'utilisation du Norlévo, en termes d'incidents éventuels et d'efficacité démontrée par la diminution du nombre d'avortements chez les adolescentes.

Le texte de ce communiqué a été adopté à la majorité (dix-huit abstentions), en séance plénière, le mardi 7 mars 2000.

MOTS-CLES: CONTRACEPTIFS POST-COÏTAUX administration et posologie. ADOLESCENCE. INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS. ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE. LÉVONORGESTREL.

KEY-WORDS (Index Medicus) : CONTRACEPTIVES, POSTCOITAL, administration and dosage. ADOLESCENCE. NURSES. SCHOOLS. LEVONORGESTREL.

2593 - Rapport d'information de Mme Marie-France Clergeau sur la contraception d'urgence (délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes)

() Voir document d'information DIAN 45/2000 "contraception, IVG : mieux respecter les droits des femmes".

() Voir annexe 4.