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N° 2689

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 novembre 2000

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1)

sur une mission effectuée au Canada du 10 au 18 septembre 2000

ET PRÉSENTÉ

PAR M. André LAJOINIE,

Député

en conclusion des travaux d'une mission d'information composée en outre
de MM. Jean-Claude DANIEL, Nicolas FORISSIER et Patrick RIMBERT.

Députés

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politique extérieure.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. André Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. Éric Doligé, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Jean-Claude Étienne, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Roland Francisci, M. Pierre Frogier, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Michel Grégoire, M. Hubert Grimault, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Jean-Michel Marchand, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Marius Masse, M. Roland Metzinger, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. François Patriat, M. Germinal Peiro, M. Jacques Pélissard, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jacques Rebillard, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. André Santini, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vaxès, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

Chapitre 1er : Le Canada : exister près d'un voisin imposant 7

I.- ÉTATS-UNIS ET CANADA : DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES ÉTROITES MAIS SOUVENT CONFLICTUELLES 7

A.- UN PARTENARIAT ÉTROIT DE PART ET D'AUTRE DU
49ÈME PARALLÈLE 7

1. L'omniprésence du partenaire américain pour le Canada 7

a) Les échanges commerciaux et les investissements 8

b) Des relations institutionnelles arrivées à maturité 9

2. Des intérêts communs sur la scène internationale 10

a) Les forums régionaux et les négociations sectorielles 11

b) L'Organisation mondiale du commerce 12

B.- UN APPROFONDISSEMENT DU LIBRE ÉCHANGE GÉNÉRATEUR DE TENSIONS COMMERCIALES TRÈS VIVES 13

1. Un secteur essentiel : l'agriculture 14

a) Des dossiers conflictuels plus nombreux 14

b) Des tentatives fragiles d'accord bilatéral 16

c) Un recours croissant aux mécanismes de règlement des différends 17

2. Un secteur sensible : les industries culturelles 18

3. Divers contentieux alimentent aussi les controverses entre les deux Etats 20

4. Une faible capacité de résistance du Canada aux enjeux fondamentaux pour les Etats-Unis 21

II.- L'ABSENCE D'UNE SEULE IDENTITÉ NORD-AMÉRICAINE 23

A.- UNE HISTOIRE DU CANADA BIEN DISTINCTE DE CELLE DES ÉTATS-UNIS 23

B.- UNE VOLONTÉ DE PRÉSERVER UNE DIVERSITÉ CULTURELLE 24

Chapitre II : Les relations économiques franco-canadiennes,
 un potentiel à apprécier 26

I.- LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE NOS DEUX PAYS 27

II.- LES INVESTISSEMENTS CROISÉS FRANCO-CANADIENS 32

Chapitre III : Un soutien structuré en faveur de la création d'entreprises 34

I.- LES RÉGIMES D'AIDE AUX PME AU CANADA 35

A.- L'INTERVENTION FÉDÉRALE EN FAVEUR DES PME 35

1. Les soutiens sous forme de subventions 35

2. L'aide à la recherche et développement (R&D) 37

B.- LES POLITIQUES PROVINCIALES : LES EXEMPLES DU QUÉBEC ET DE L'ONTARIO 38

1. La politique québécoise en faveur des PME 38

2. Les aides gouvernementales au profit des PME en Ontario 40

a) Les programmes d'aide et les services mis à disposition des PME ontariennes par le gouvernement provincial 41

b) Les mesures fiscales en faveur des PME contenues dans la dernière loi de finances 2000/2001 de l'Ontario 45

c) Les programmes d'aide du gouvernement fédéral spécialement dédiés aux PME de l'Ontario 46

CONCLUSION 48

EXAMEN EN COMMISSION 51

MESDAMES, MESSIEURS,

Le bureau de la commission de la production et des échanges a décidé cette année d'organiser une mission d'information au Canada, afin d'y étudier les mécanismes d'aide à l'installation des PME-PMI, mais aussi de comprendre ce qui distingue ce pays de son grand voisin, les Etats-Unis, dans les domaines économiques bien entendu, mais également dans son approche des grandes questions : rôle de l'Etat et de la puissance publique, régimes sociaux, culture et mode de vie ...

Durant cette mission, qui s'est déroulée du 10 au 18 septembre dernier, la délégation a visité la capitale fédérale, Ottawa, ainsi que Montréal, Toronto et Vancouver. Elle était présidée par M. André Lajoinie, président de la commission, et comprenait également MM. Jean-Claude Daniel, Nicolas Forissier et Patrick Rimbert.

Elle a pu rencontrer de nombreuses personnalités politiques, tant du gouvernement fédéral que des provinces du Québec, de l'Ontario et de la Colombie britannique... Elle a également visité des entreprises industrielles, des pépinières d'entreprises, spécialisées notamment dans les domaines des nouvelles technologies et de la recherche.

Elle a eu en outre des entretiens fructueux avec les bureaux et agences d'aide à la création d'entreprises et l'association des banquiers du Canada.

La réussite de cette mission, au programme riche et dense, a été rendue possible grâce à l'organisation et à l'aimable collaboration de Monsieur l'Ambassadeur de France au Canada, des consuls généraux français de Montréal, Toronto, Québec et Vancouver, ainsi qu'aux chefs des postes d'expansion économique français au Canada et à tous les collaborateurs qu'ils ont bien voulu mettre à notre disposition. Qu'ils en soient ici chacun personnellement et sincèrement remerciés.

Les éléments d'information qu'ils nous ont fournis, tout au long de notre séjour, ont été particulièrement utiles pour permettre l'élaboration du présent rapport.

Chapitre 1er

Le Canada : exister près d'un voisin imposant

La formule d'Oscar Wilde, qui déclarait que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étaient séparées par une langue commune, peut s'appliquer, même s'il existe des nuances (particulièrement au Québec francophone), aux relations entre la première puissance mondiale et le Canada.

De superficies équivalentes, les deux voisins ont, pour qui les découvre superficiellement, peu de différences. L'interpénétration entre les deux économies, renforcée par la mise en place de l'accord de libre-échange (ALE), puis de l'association tripartite avec le Mexique au sein de l'ALENA (accord de libre échange nord-américain), est particulièrement forte et les acteurs économiques sont organisés conjointement par delà la frontière du 49ème parallèle dans des structures associatives intégrées.

Pourtant, le Canada n'a pas entendu abandonner sa souveraineté, son histoire, ses particularismes ou son mode de vie.

I.- ÉTATS-UNIS ET CANADA : DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES ÉTROITES
MAIS SOUVENT CONFLICTUELLES

A.- UN PARTENARIAT ÉTROIT DE PART ET D'AUTRE DU 49ÈME PARALLÈLE

1. L'omniprésence du partenaire américain pour le Canada

La relation entre les deux Etats apparaît souvent asymétrique, tant sur le plan politique que financier ou économique. Il n'en demeure pas moins que les deux pays entretiennent la relation bilatérale la plus étroite et la plus importante qui soit au monde.

Le Canada et les Etats-Unis entretiennent les rapports commerciaux les plus importants et les plus variés au monde. Ces relations sont à l'origine de deux millions d'emplois directs dans chacun des deux pays.

La valeur des échanges commerciaux dans les deux sens a plus que doublé depuis 1989. Chacun des deux pays est le plus important partenaire commercial de l'autre, les échanges transfrontaliers dépassant désormais un milliard de dollars américains chaque jour.

En 1998, les exportations américaines de marchandises vers le Canada ont progressé d'environ 3 % par rapport à l'année précédente. Elles avaient déjà augmenté de 13 % en 1996. A 134 milliards de dollars américains, le total des exportations américaines de marchandises vers le Canada ont représenté plus de 22 % des exportations américaines. Les Etats-Unis vendent ainsi deux fois plus de produits au Canada, un marché de 30,5 millions de personnes, qu'au Japon, d'une population de 125 millions d'habitants. Pour les produits américains, le Canada est un marché plus gros que celui des quinze Etats membres de l'Union européenne réunis.

a) Les échanges commerciaux et les investissements

Même si, pour reprendre un point de vue américain récemment exprimé : « l'économie nord-américaine, c'est, pour l'essentiel, celle des Etats-Unis. Le Canada entier n'est que 1'équivalent d'un grand Etat américain »  (1) les deux pays sont réciproquement leur premier partenaire commercial. Cette dépendance est cependant nettement plus accentuée pour le Canada puisque les Etats-Unis absorbaient, en 1999, 87 % des exportations canadiennes (85 % l'année précédente), et étaient à l'origine de 67 % des importations canadiennes. Au total, le commerce bilatéral a atteint en 1999 523 milliards de dollars canadiens (2), soit 78 % du commerce extérieur canadien, offrant au Canada un excédent de 93 milliards de dollars (3).

Le commerce canado-américain porte essentiellement sur les mêmes types de produits, en raison du poids des échanges intra-firmes et de la répartition (plus marquée depuis les accords de libre-échange) des phases de production indifféremment entre les deux pays. Les exportations canadiennes vers les Etats-Unis comportent d'abord des véhicules (c'est le fruit du pacte automobile), puis de la production mécanique, des minerais, des produits métallurgiques, et des produits forestiers (bois et papiers). En contrepartie, le Canada importe d'abord de la production mécanique, des véhicules, des produits métallurgiques, des produits chimiques et des plastiques.

Le libre-échange, contrairement aux enseignements traditionnels de la théorie économique, n'a pas eu pour conséquence de spécialiser les économies qui en bénéficient. Plus précisément, il a conduit à optimiser les processus de fabrication indifféremment sur les deux territoires, ce qui s'est traduit par l'accroissement des échanges, mais aussi des investissements croisés. Une des données les plus significatives illustrant l'importance du marché américain pour les sociétés canadiennes est le fait que, pour les industries manufacturières, les ventes aux Etats-Unis sont supérieures aux ventes sur le marché national. L'ensemble des exportations vers les Etats-Unis contribuent à plus de 30 % du PIB canadien.

Les Etats-Unis restent les premiers investisseurs au Canada, avec une part qui décroît lentement mais régulièrement. En 1998, ils ont acheté 170 des 240 sociétés canadiennes acquises par des étrangers (le total des investissements directs étrangers au Canada s'est élevé à 23 milliards de dollars), et ont constitué 51 % des acquéreurs d'entreprises canadiennes entre 1986 et 1999 (à titre de comparaison, 3 % des transactions ont été faites par des Français). Le stock total des investissements directs américains au Canada était en 1998 de 217 milliards de dollars canadiens, soit 68 % du total.

A l'inverse, les Canadiens ont de plus en plus tendance à investir aux Etats-Unis, ce qui explique que les acquisitions canadiennes aux Etats-Unis en 1998 ont représenté plus de la moitié des investissements canadiens à l'étranger pour l'année (40 milliards de dollars). Le Canada détenait en 1997 un stock d'investissement de 99 milliards aux Etats-Unis, soit 47 % de plus qu'en 1993.

b) Des relations institutionnelles arrivées à maturité

Le 1er janvier 1998 a pris fin la période transitoire de l'Accord de libre-échange (ALE) de 1988, au terme de laquelle l'ensemble du commerce bilatéral est désormais libre de tout droit de douane, à l'exception de quelques secteurs « réservés » (4). Par ailleurs, la même période transitoire pour ce qui concerne l'accord de libre échange nord-américain (ALENA) se trouve à cette date à mi-parcours (fin en 2004).

Pour ce qui concerne l'ALE (lequel n'est modifié qu'à la marge par l'ALENA pour les relations bilatérales Canada/Etats-Unis), on peut considérer que l'application de cet accord a atteint un rythme de croissance, permettant au libre-échange entre les deux Etats de s'appuyer sur des textes et des institutions qui fonctionnent, même si des tensions fortes continuent d'exister. L'exemple traditionnel de l'intégration du secteur automobile entre les deux pays depuis la signature dans les années 60 du pacte automobile doit donc maintenant être élargi à de nombreux secteurs de l'économie canadienne.

Outre la disparition des droits de douane, l'accord de libre-échange a mis en place des règles de facilitation des échanges, tant en ce qui concerne l'investissement, les règles d'origine, les normes, ou encore les barrières sanitaires. Les obstacles non-tarifaires ont donc globalement diminué depuis dix ans. Par ailleurs, le mécanisme de règlement des différends, comparable dans ses règles, si ce n'est dans son application, à celui de l'OMC, a pour vocation de canaliser les contentieux commerciaux qu'une imbrication toujours plus étroite des deux économies ne peut que multiplier.

2. Des intérêts communs sur la scène internationale

La dépendance accrue du Canada vis-à-vis de l'économie américaine et des échanges avec elle a renforcé une communauté de vues et d'intérêts déjà très forte, tant entre les deux Etats qu'entre acteurs économiques (entreprises, associations professionnelles, syndicats ouvriers, groupes de pression divers) de ceux-ci. Cette communauté se traduit par des prises de position communes ou proches, dans diverses enceintes régionales ou sectorielles, et à l'OMC.

a) Les forums régionaux et les négociations sectorielles

Le Canada partage avec les Etats-Unis une vision en grande partie commune de l'évolution du commerce international. Cela se manifeste sur plusieurs points :

·  Sur le plan des principes, la primauté du libéralisme et les vertus consubstantielles au libre-échange sont postulées par les deux pays. Dans les deux pays d'ailleurs, les mêmes écarts peuvent être relevés entre le discours et les pratiques commerciales (organisation des marchés au Canada, soutien budgétaire aux exportations aux Etats-Unis). Dans une enceinte comme celle de l'OCDE, la pratique canadienne (si l'on exclut la négociation sur l'AMI) est celle d'un alignement sur la défense orthodoxe d'une intervention publique minimale dans l'économie et dans les échanges, défense pratiquée tant par les Etats-Unis que par la Grande-Bretagne et les autres pays anglo-saxons.

·  L'intérêt tous azimuts pour les démarches de libre-échange se traduit par une présence dans les mêmes forums régionaux conçus comme des lieux d'apprentissage : la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) et l'« Asia Pacific Economic Coopération » (APEC) en sont les exemples les plus marquants. C'est ainsi que dans le cadre de l'APEC, le Canada a soutenu les efforts américains pour mener le plus loin possible l'effort de libéralisation sectorielle.

Le Canada est toutefois plus volontariste en matière d'accords bilatéraux de libre échange, qu'il a multipliés ces dernières années, par exemple avec le Chili ou Israël (ou en préparation avec l'accord européen de libre-échange et le Costa-Rica).

·  Dans la relation avec l'Union européenne, le Canada est proche de la position américaine sur les secteurs conflictuels. L'exemple du contentieux sur les hormones en est l'illustration la plus récente. Cette attitude du Canada s'explique pour une large part par sa volonté de ne pas être exclu d'une relation entre l'Union et les Etats-Unis, qu'il perçoit comme un dialogue de « Grands » auquel le Canada doit être absolument associé. Cela explique la virulence canadienne contre le manque d'intérêt, tant des Etats-Unis que de l'Union européenne, pour l'extension à son bénéfice du projet NTM, puis sa satisfaction devant son abandon.

·  Enfin, la position canadienne est souvent alignée sur celle des Etats-Unis, au point d'en arriver à représenter celle-ci dans des instances dont ceux-ci sont officiellement absents. La position du groupe de Miami, sous l'influence des Etats-Unis, a ainsi été défendue par le Canada, son porte-parole pendant la négociation sur le protocole relatif à la biosécurité, signé en janvier 2000. Sur de nombreux sujets, la convergence des positions des deux pays s'explique par l'influence des entreprises implantées de part et d'autre de la frontière, généralement des groupes américains possédant d'influentes filiales au Canada (Monsanto dans le secteur des biotechnologies étant l'exemple le plus fort).

b) L'Organisation mondiale du commerce

Plus que pour les Etats-Unis, et malgré la multiplicité des forums régionaux auxquels les deux Etats participent ensemble, l'OMC constitue la priorité pour le Canada. La proximité de leurs positions se traduit, au sein de l'organisation, à différents niveaux :

·  dans l'application des accords de Marrakech, le Canada a pris des positions proches ou identiques à celles des Etats-Unis. Cela a par exemple été le cas pour 1a négociation de l'accord sur les technologies de l'information,

·  dans la promotion d'intérêts offensifs et défensifs.

Au-delà des positions de principe, les deux pays possèdent un tissu solide d'intérêts communs dans le commerce international. Certains intérêts sont défensifs. Cela a été le cas du contentieux engagé par le Japon devant l'OMC sur la validité du pacte automobile Etats-Unis/Canada, qui constitue un moyen de protéger un marché unique de l'automobile.

Sur le plan offensif, le contentieux sur les hormones montre que les deux agricultures, concurrentes sur les marchés tiers, sont d'abord en opposition commune avec celle de l'Union européenne. La question de la culture et de la consommation des organismes génétiquement modifiés en Europe rapproche les Etats-Unis et le Canada, même si sur le plan scientifique, les produits concernés (coton, maïs pour les Etats-Unis, colza pour le Canada) ne semblent pas présenter les mêmes risques et ne devraient pas se voir appliquer les mêmes restrictions.

Il n'en demeure pas moins que l'enjeu économique est de même ampleur pour les deux agricultures, qui reposent désormais toutes les deux sur le choix des OGM.

·  dans la perspective du prochain cycle de négociations

Le Canada, après une préparation soigneuse, fondait beaucoup d'espoirs sur la réussite de la conférence de Seattle et le lancement d'un nouveau cycle. Il a joué un rôle actif durant la conférence, et était plutôt satisfait des résultats partiels obtenus en cours de négociations (sur la diversité culturelle par exemple). La déception a donc été forte après l'échec, attribué pour l'essentiel à l'intransigeance des Etats-Unis.

Depuis Seattle, le ministre canadien du commerce international a multiplié les démarches pour rapprocher les positions des Etats-Unis, de l'Union européenne et des principaux pays en développement.

Sur le fond de la négociation, le Canada partage très largement la vision des Etats-Unis. C'est notamment le cas sur le GATT, même si des sujets de contentieux demeurent par exemple sur le secteur agricole. En revanche, dans le secteur des industries culturelles, le Canada reste sur sa proposition de négocier un instrument international reconnaissant la spécificité des échanges de biens culturels, tandis que les Etats-Unis ne semblent pas prêts à aller au-delà de la simple reconnaissance formelle de la diversité culturelle.

Par ailleurs, sur les nouveaux sujets, 1e Canada et les Etats-Unis ont des préoccupations identiques en matière d'environnement et de travail. Cette fois-ci, cela résulte des liens étroits entre écologistes et syndicats ouvriers canadiens et américains. La transparence accrue des procédures de règlement des différends, mais aussi des négociations menées dans le cadre de l'organisation, est un objectif affiché par les deux pays.

B.- UN APPROFONDISSEMENT DU LIBRE ÉCHANGE GÉNÉRATEUR DE TENSIONS COMMERCIALES TRÈS VIVES

La proximité d'intérêts et de vision du monde entre les deux Etats ne signifie pas l'absence de contentieux. Au contraire même, l'imbrication toujours plus étroite des deux économies et l'accroissement des échanges constituent d'abord les causes de la multiplication des points de frictions possibles. Dans les années récentes les contentieux ont concerné essentiellement deux secteurs : l'agriculture (au sens large, y compris les industries forestières) et les industries culturelles.

1. Un secteur essentiel : l'agriculture

a) Des dossiers conflictuels plus nombreux

Les dossiers conflictuels bilatéraux concernent principalement l'agriculture. En la matière, le Canada, qui bénéficie d'un excédent commercial (1,15 milliard de dollars en 1998, 1 milliard en 1997), a surtout des intérêts défensifs. Même si les Etats-Unis ont largement bénéficié de la croissance des échanges agricoles depuis la mise en place de l'ALENA (+ 35 % d'échanges entre 1994 et 1997), les difficultés des deux principaux secteurs d'échanges agricoles entre les deux pays (céréales, viande et bétail) ont conduit les Américains à mener des offensives successives sur plusieurs produits. La puissance des lobbies agricoles américains, souvent envisagée dans une perspective d'hostilité à l'Europe et à la politique agricole commune (PAC), se manifeste en effet d'abord à l'encontre du Canada. Celui-ci, pour les Etats agricoles frontaliers du Middle West, constitue l'adversaire prioritaire, car il s'attaque au marché intérieur américain autant qu'il est concurrent sur les marchés tiers.

Ces offensives successives ont d'abord porté sur le secteur du bois, en particulier dans l'Ouest canadien et sur la côte pacifique américaine.

L'exportation de bois d'_uvre canadien suscite un contentieux récurrent avec les Etats-Unis, depuis la mise en _uvre de l'ALE. Malgré un accord d'autolimitation accepté par le Canada en 1996 (qui limite les exportations de bois brut en franchise en deçà d'un plafond à partir duquel des droits de douane de 30 % au moins sont appliqués), l'industrie du bois américaine continue à reprocher aux industriels canadiens de contourner les dispositions de l'accord, en modifiant au besoin, à la marge, le bois exporté pour bénéficier des capacités d'exportation sans droits offertes par l'accord pour les produits transformés. L'industrie du bois est particulièrement sensible pour la Colombie Britannique. Le Gouvernement canadien a protesté contre la reclassification des produits forestiers exportés aux Etats-Unis, considérée contre une nouvelle forme de protectionnisme, et déposé un recours devant l'organisation mondiale des douanes. Malgré cela de nouvelles reclassifications ont été décidées par les douanes américaines durant l'été 1999. Des réflexions sont maintenant en cours dans les deux pays sur l'opportunité de renouveler cet accord d'autolimitation lors de son échéance prochaine.

Dans le secteur de la viande, le Canada est d'abord perçu comme déstabilisant le marché intérieur américain. Qu'il s'agisse d'exportations sur pied ou de viande, de b_uf ou de porc, l'industrie américaine dénonce régulièrement l'inégalité d'accès entre le marché canadien et le marché américain, qui conduirait le Canada, dans un contexte de chute des prix (du porc notamment), à « exporter sa déflation » aux Etats-Unis. Cette dénonciation a abouti à une escalade de mesures de rétorsion spontanées (destruction de produits canadiens, blocage de la frontière) à partir de l'été 1998, visant à obtenir un accès accru du bétail américain au marché canadien, une restriction des exportations de porc (sous forme de viande ou pour l'abattage) ou une limitation des ventes de viande de b_uf canadienne aux Etats-Unis (par l'étiquetage de la provenance).

Pour les céréales, la menace canadienne est vivement ressentie sur les marchés tiers. Elle a suscité l'opposition américaine aux entreprises commerciales d'Etat, opposition qui vise d'abord et avant tout le Canadian Wheat Board (CWB). Les Etats-Unis considèrent que cet organisme public, grâce au monopole d'exportation des céréales qu'il détient, est en mesure de faire pression sur les prix offerts aux producteurs, tout en leur accordant, par le biais d'avances sur recettes versées tout au long de l'année, un avantage indu en trésorerie. Par ailleurs, si la subvention du gouvernement fédéral au transport des céréales a disparu, les Etats-Unis continuent à souligner que les accords subsistant entre le CWB et les compagnies ferroviaires avantagent les céréaliers canadiens par rapport aux agriculteurs américains des Prairies, également enclavés.

Le dernier sujet de contentieux, aujourd'hui potentiel, est la décision du Canada d'interdire l'usage de la somatotropine bovine dans l'élevage laitier. Cette décision a toutefois une portée limitée aux échanges de bovins puisque la décision reconnaît, pour l'instant, l'innocuité de la somatotropine sur l'organisme humain, ce qui laisse la possibilité d'importer des produits laitiers en contenant.

b) Des tentatives fragiles d'accord bilatéral

Alors que se multipliaient les contentieux bilatéraux, ou dans le cadre de mécanismes multilatéraux de règlement des différends, les Etats-Unis et le Canada poursuivent depuis l'automne 1998 des conversations. Un accord a été trouvé le 4 décembre 1998, au terme de trois mois de négociations, sous forme d'un plan d'action. Les principaux points de ce plan concernent les céréales et le bétail. Sur les céréales, un mécanisme de suivi des échanges va être mis en place pour permettre aux Etats-Unis de repérer rapidement des échanges « anormaux » (c'est-à-dire laissant planer un soupçon de dumping sur les Canadiens). Les exigences phytosanitaires canadiennes sont allégées et l'accès des céréales américaines aux capacités de transport et de stockage au Canada doit être facilité.

Pour le bétail, les médicaments vétérinaires et les pesticides autorisés doivent être harmonisés, tandis que le Canada accepte le principe de régionalisation des exigences de contrôle en fonction de l'état sanitaire des différentes zones agricoles des Etats-Unis.

Cet accord a d'abord été signé pour apaiser les tensions frontalières entre les deux Etats. Il n'offre donc pas de solution définitive au contentieux sur les questions agricoles bilatérales. En particulier, les Etats-Unis poursuivent leur offensive sur les secteurs jugés protégés de l'agriculture canadienne, tout en continuant de bâtir une argumentation sur les distorsions aux échanges que constitueraient les entreprises commerciales d'Etat. Sont alors particulièrement visés les monopoles provinciaux d'importation et de commercialisation des vins et spiritueux, mais surtout le fonctionnement du Canadian Wheat Board. Dans l'immédiat, les Etats-Unis ont demandé que les activités à l'exportation de ces entreprises d'Etat soient examinées par le groupe de travail de l'OMC compétent.

En outre, les Etats américains frontaliers du Canada n'ont pas désarmé, conduisant le Canada à engager en avril 1999 une procédure dans le cadre du règlement des différends de l'ALENA contre des mesures techniques du Dakota du Nord qui constitueraient des entraves illicites au commerce bilatéral.

c) Un recours croissant aux mécanismes de règlement des différends

Les Etats-Unis et le Canada, au-delà d'un accord bilatéral qui reste fragile, ont eu recours aux procédures existantes de règlement des différends. En matière agricole, la principale affaire tranchée par cette voie concerne la politique canadienne de production et d'échanges laitiers. Le recours, par les Etats-Unis (avec la Nouvelle-Zélande) au mécanisme de règlement des différends de l'OMC a conduit en mars 1999 à la condamnation, confirmée en appel, d'une partie du mécanisme de mise en marché des produits laitiers canadiens, en ce qu'il créait des classes de prix différentes selon la destination finale du produit (les prix à l'exportation étant plus faibles que les prix intérieurs). Le groupe spécial a considéré que ce mécanisme constituait de fait une subvention à l'exportation.

Ce n'est que récemment que le Canada a eu recours aux procédures contentieuses de l'OMC à l'encontre des Etats-Unis. L'imposition de droits compensateurs sur les exportations de bovins canadiens vers les Etats-Unis a fait l'objet, le 19 mars 1999, d'une demande de consultation du Canada. Cette imposition fait suite à une enquête du département américain du commerce sur des mesures canadiennes pouvant fausser la concurrence dans le commerce des bovins vivants.

En dehors du mécanisme de l'OMC, les deux Etats disposent de la procédure de règlement des différends définie par l'ALE puis l'ALENA.

Celle-ci présente deux caractéristiques : d'une part, son accès est ouvert aux Etats membres, mais aussi aux entreprises de ces Etats ; d'autre part, le caractère bilatéral du règlement des différends le replace dans le rapport de force existant entre les deux pays (et systématiquement défavorable au Canada). Ainsi, malgré une décision favorable au Canada dans le secteur du bois, la pression des Etats-Unis a conduit ce dernier a accepter de limiter « volontairement » ses exportations de bois brut.

L'accès des entreprises au mécanisme de règlement des différends de l'ALENA est la disposition la plus originale de cette partie de l'accord. Le chapitre de l'ALENA consacré à l'investissement (dispositions du chapitre 11) prévoit la possibilité pour une entreprise d'un Etat contractant de déposer un recours contre une mesure prise par un autre Etat contractant.

Ces dispositions ouvrent un large recours aux entreprises des parties contractantes, sans contrepartie au profit des Etats. Elles ont suscité, surtout à la lumière de plusieurs affaires récentes (5) (quatre soulevées par des entreprises américaines, une par une entreprise canadienne), des craintes quant à la suppression, par leur biais, de toute marge de man_uvre d'un Etat dans la détermination de son niveau de protection réglementaire. La notion d'investissement, définie très largement par le traité (article 1 139), couvre en effet la plupart des opérations financières et commerciales des entreprises, ce qui permet un champ de recours très large, en particulier sur le fondement de l'expropriation.

2. Un secteur sensible : les industries culturelles

Les industries culturelles ont toujours constitué, avant même 1a signature de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, un secteur où ces derniers étaient omniprésents, en partie au Canada anglophone. Qu'il s'agisse d'édition, de distribution cinémato-graphique, de disques ou de journaux, le marché canadien est depuis toujours intégré au marché américain. La loi canadienne visant à limiter les investissements étrangers (législation refondue en 1985) dans le secteur culturel n'a pu que prendre en compte, au nom du respect des intérêts acquis, cette situation de fait, qui est donc pérennisée.

Pour autant, le Canada a développé une politique de préservation et de promotion des industries culturelles qui l'amène à une confrontation, tant avec le secteur privé qu'avec l'administration américaine.

Le contentieux le plus important qui ait opposé, dans la période récente, le Canada et les Etats-Unis porte sur la protection du secteur canadien des périodiques. Les mesures qui interdisaient, en pratique, la diffusion au Canada de périodiques à tirage dédoublé (6) ont fait l'objet d'un recours des Etats-Unis devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, et ont été condamnées en 1997. Le Canada a donc abrogé les mesures litigieuses (tarifs postaux et douaniers en particulier), mais avait décidé de maintenir une forme de protection des magazines canadiens, en interdisant la vente de publicité canadienne aux périodiques américains dédoublés, ce qui les aurait rendu, en pratique, inintéressants à produire pour les éditeurs des Etats-Unis. Devant les très vives réactions américaines et les menaces de rétorsion commerciale, et après de difficiles négociations, un compromis est finalement intervenu, et le Gouvernement canadien a dû amender son projet et ouvrir aux entreprises américaines une partie du marché publicitaire canadien.

Ce dossier est très révélateur de 1a relation économique canado-américaine : le secteur des industries culturelles est central dans les relations économiques, tant il est vrai que le Canada reste de loin le premier débouché pour l'industrie américaine (cinéma, télévision, livres, journaux); il est en même temps très sensible pour les Canadiens, car au c_ur de la controverse sur la protection de l'identité nationale canadienne par rapport à une identité nord-américaine. Par ailleurs, la capacité de résistance du Canada à une forte pression des Etats-Unis dans un secteur crucial pour eux a montré ses limites.

Enfin, la question des périodiques montre la difficulté à assigner des rôles bien distincts à l'ALENA et à l'OMC dans la relation canado-américaine. Si les Etats-Unis ont porté le contentieux devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, leur argumentation, pour obtenir le retrait de la nouvelle législation controversée, s'est ensuite fondée sur la clause d'exception culturelle de l'ALENA qui oblige l'Etat qui s'en prévaut à des compensations financières.

Dans le même secteur, les Etats-Unis considèrent que la législation canadienne en matière de propriété intellectuelle constitue une inégalité de traitement des détenteurs américains de droits en matière d'enregistrement et de droits voisins. Cette législation prévoit l'imposition d'une taxation dont le produit doit être redistribué aux titulaires de droits canadiens et des pays signataires de la convention de Rome.

La distribution des produits audiovisuels est aussi un enjeu important de la relation bilatérale, notamment au Canada anglophone. Les Etats-Unis contestent dans ce secteur, outre la politique générale de quotas canadiens du gouvernement et du Conseil de la radiotélévision et des télécommunications du Canada, l'octroi d'autorisations de diffusion de télévision par satellite, lorsqu'elles sont conditionnées à l'acquisition de films auprès de distributeurs canadiens. Cette condition réserve en effet une forme de monopole à ces distributeurs nationaux, sauf lorsque des distributeurs étrangers possèdent déjà des droits mondiaux.

3. Divers contentieux alimentent aussi les controverses entre les deux Etats

En dehors des deux secteurs « privilégiés » de tensions, il existe d'autres domaines de frictions entre le Canada et les Etats-Unis :

- le secteur de la pêche a également donné lieu à un conflit très dur, politisé et médiatisé, sur les règles de pêche au saumon sur la côte Ouest. Ce conflit ancien s'est aggravé en 1998 lorsque les Canadiens ont pris des mesures de conservation du fait de la baisse des ressources pour certaines espèces qui migrent notamment entre les eaux de la Colombie Britannique et de l'Alaska. Un accord, plutôt favorable aux américains, est finalement intervenu à la mi-1999, mais après, là encore, de longues et difficiles négociations ;

- l'exigence de capitaux canadiens majoritaires (au minimum 53,3 %) dans le capital des sociétés de services de télécommunications continue à provoquer des réactions américaines ;

- un important contentieux s'est fait jour dans le domaine des industries de défense et de l'espace à la suite du durcissement de la réglementation américaine au printemps 1999. Les Etats-Unis ont en effet supprimé la dérogation dont seul bénéficiait le Canada par rapport aux « International Trade in Arms Regulations » (ITAR), et étendu le contrôle du Département d'Etat au secteur spatial.

Le Canada et les États-Unis ont conclu des accords régissant les relations spéciales intégrées qu'ils entretiennent en matière de défense. On estime que les exportations canadiennes de produits de défense vers les États-Unis représentent plus d'un milliard de dollars par an. La décision des États-Unis de resserrer le régime des ITAR a altéré cette relation bilatérale privilégiée et a eu de graves conséquences pour le Canada. Par exemple,

·  les entreprises canadiennes ne peuvent plus obtenir les données techniques nécessaires pour soumissionner dans le cadre des contrats américains ;

·  elles ne peuvent plus participer librement aux réunions et aux séances d'information sur les contrats en cours ;

·  elles subissent des retards administratifs importants à cause des formalités supplémentaires en matière de permis d'exportation.

L'un des aspects particulièrement complexes et délicats concerne le fait que le Canada accepte la double nationalité et que ses lois sur la protection des droits de la personne interdisent toute discrimination fondée sur la nationalité. Or les ITAR imposent des restrictions aux Canadiens détenteurs d'une autre nationalité qui doivent pourtant avoir accès aux technologies américaines dans l'exécution de leur travail. Cela équivaut ni plus ni moins à une application extraterritoriale du droit américain.

Après de longues et difficiles négociations bilatérales, un accord de principe portant sur plus de 80 % des produits concernés est intervenu en juin 2000. En contrepartie d'un large alignement des réglementations canadiennes, en matière de sécurité et d'exportations de matériel sensible, sur les normes américaines, les Etats-Unis se sont engagés à rétablir à l'automne la plupart des exemptions dont bénéficiaient les entreprises canadiennes.

4. Une faible capacité de résistance du Canada aux enjeux fondamentaux pour les Etats-Unis

Au-delà d'une communauté de vision du monde sur le plan commercial, et d'intérêts communs dans certains secteurs de leurs économies, les Etats-Unis et le Canada sont d'abord soudés par l'incapacité du Canada, normale eu égard au déséquilibre entre les deux puissances, tant sur le plan militaire que culturel ou universitaire, à résister aux Etats-Unis, à partir du moment où des intérêts jugés fondamentaux par ceux-ci sont engagés.

Dans ses choix de politique relatifs à l'investissement, le Canada n'a fait que reconnaître cette prédominance des Etats-Unis dans la relation bilatérale. Ainsi, la loi sur l'investissement au Canada de 1985, traduit la volonté du gouvernement canadien de limiter la présence étrangère sur son sol, dans des secteurs jugés stratégiques (à commencer par les industries culturelles). Pour autant, les positions détenues traditionnellement par les Etats-Unis sont préservées grâce à une clause d'antériorité. Celle-ci crée de fait une inégalité dans le traitement des investissements étrangers, dont bénéficient les Etats-Unis grâce à l'ancienneté de leur présence. Il est donc logique que cette prédominance se traduise également, en matière de commerce international, par un alignement du Canada sur les intérêts prioritaires des Etats-Unis.

Les hésitations au sein du Gouvernement canadien sur la conduite à suivre dans le contentieux sur les périodiques à tirage dédoublés montre également la fragilité de la position canadienne vis-à-vis des Etats-Unis. Premier fournisseur et premier client des Etats-Unis, le Canada est aussi la victime désignée des groupes de pression américains qui considèrent, dans la plupart des secteurs, le marché canadien comme une simple extension du marché intérieur américain (magazines, agriculture). Si le Canada peut se permettre d'affronter les Etats-Unis sur des questions mineures, la mise en cause d'intérêts fondamentaux des Etats-Unis remet en scène le rapport de force bilatéral qui ne peut qu'être défavorable au Canada. La menace par les Etats-Unis de s'attaquer au commerce entre les deux pays par le biais de mesures de rétorsion a fait resurgir les tensions entre les partisans de la préservation à n'importe quel prix de l'autonomie de la politique canadienne en matière d'industries culturelles, et ceux qui mettent l'accent sur la dépendance du Canada vis-à-vis de son commerce avec les Etats-Unis.

Le discours souvent entendu au Canada sur la possibilité d'échapper à l'unilatéralisme américain, y compris dans le cadre de l'ALENA, par un recours accru à l'OMC doit donc être relativisé. L'expérience du règlement des différends dans cette instance depuis les accords de Marrakech montre que les deux affaires soumises à la procédure par les Etats-Unis (magazines, politique laitière) ont abouti à une condamnation du Canada.

Néanmoins, on voit bien l'intérêt (et les limites, si l'on considère la capacité de résistance aux intérêts américains) d'être attentif à la position du Canada dans les enceintes multilatérales, voire de s'appuyer sur celle-ci. Le multilatéralisme est, en effet, vu toujours plus au Canada comme le moyen d'échapper au tête-à-tête avec son voisin du sud.

II.- L'ABSENCE D'UNE SEULE IDENTITÉ
NORD-AMÉRICAINE

Même si les deux pays sont peuplés, pour l'essentiel, au début de la colonisation, d'européens placés sous la même autorité britannique, l'histoire de l'émancipation du Canada est profondément différente de celles des Etats-Unis, ce qui explique l'originalité de chacun de ces deux Etats d'Amérique du Nord.

A.- UNE HISTOIRE DU CANADA BIEN DISTINCTE DE CELLE DES ETATS-UNIS

Après le traité de Paris en 1763, où la France, suite à la capitulation face aux troupes anglaises, cède ses possessions en Amérique du Nord (sauf Saint-Pierre et Miquelon), l'ensemble formé par les treize colonies, qui fonderont bientôt les Etats-Unis, le haut Canada (Ontario) et le bas Canada (Québec), depuis le Nord jusqu'au Golfe du Mexique, est placé sous l'autorité de la couronne britannique.

En 1774, le roi George III signe l'Acte de Québec, étend cette province jusqu'aux côtes du Labrador, très loin dans l'Ouest et au Sud-Ouest jusqu'aux confins du Mississipi et de l'Ohio. L'arrière-pays est ainsi barré par la Couronne aux colons des treize colonies et cet acte contribue à la rupture entre celles-ci et la puissance tutélaire.

La guerre d'indépendance américaine se développe d'ailleurs à partir d'avril 1775 et les Canadiens démontrent alors leur attachement à la couronne britannique, en n'apportant aucune aide aux insurgés qui, après la prise de Montréal, doivent battre en retraite après leur échec devant Québec en décembre de la même année.

La proclamation des Etats-Unis d'Amérique, à laquelle avait contribué la France, entrave l'influence des francophones au c_ur de l'Amérique du Nord. Mais le domaine de ces derniers est bien plus menacé au c_ur même du Canada, avec l'arrivée massive des « loyalistes », colons américains restés fidèles au souverain britannique. La Nouvelle Ecosse recueille près de 30 000 émigrés, qui isoleront les petits noyaux acadiens dans un monde anglophone. Dans la province de Québec, plus de 16 000 « loyalistes » s'établissent dans les terres vierges proches du lac Ontario.

La guerre du Canada avec les Etats-Unis (1812-1814), où les Canadiens anglophones comme francophones repoussent les invasions du voisin du Sud, aura une influence certaine sur l'avenir de ce pays en faisant naître chez nombre de ses citoyens ce que certains appelleront « une vague conscience de leur nationalité ».

Un avenir définitivement séparé des Etats-Unis, mais également une personnalité propre, s'affirmeront à la faveur du développement et de l'organisation de la vie politique au sein des Assemblées mises en place par le premier Acte constitutionnel du Canada.

L'émancipation de la tutelle britannique confortera ensuite l'existence autonome, puis l'indépendance du Canada, depuis les révoltes de 1837-1838, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la naissance de la Confédération, ou dominium du Canada en 1867, l'émancipation quasi complète et l'entrée dans le Commonwealth du pays lorsqu'en 1923 le Canada obtient le droit de signer avec l'étranger les traités qui le concernent et le statut de Westminster de 1933, qui donne pleine souveraineté au pays pour adopter une loi, même si elle est en contradiction avec celle de Londres. Cet édifice juridique, qui a conduit à l'indépendance, sera achevé par le « rapatriement » au Canada, en 1982, par le Parlement britannique, de la Constitution de 1867.

B.- UNE VOLONTÉ DE PRÉSERVER UNE DIVERSITÉ CULTURELLE

Le Canada est caractérisé par un système qui s'apparente largement à celui d'une confédération, chacune des provinces (et dans une certaine mesure, des territoires) disposant de larges compétences, dans une union fidèle au système parlementaire de Westminster.

Hormis cet ancrage « européen » des institutions, le Canada, du fait même de la modicité de sa population face à celle des Etats-Unis, tient à préserver sa spécificité culturelle.

Dans le discours du Trône de 1999, le Gouverneur général a souhaité ainsi, que soit « définie une nouvelle approche internationale pour appuyer la diversité culturelle dans le monde ».

Dans ce cadre, le gouvernement fédéral intervient afin d'assurer la capacité pour le Canada de préserver et de promouvoir la culture, ses langues, son patrimoine et son identité sur le marché international, notamment en veillant à ce que les accords commerciaux internationaux demeurent assez souples pour permettre à chacun de conserver et d'accroître des politiques de promotion et de préservation de la diversité culturelle.

Le Canada finance notamment un important réseau public de télévision et de radio, en anglais et en français, pour empêcher un monopole des média américains, dans un pays où l'essentiel de la population vit sur la frange sud du territoire, à portée des émissions hertziennes des Etats-Unis.

Le pays est également très attaché à son système public de santé, proche du système britannique et financé par l'impôt. Même si chacun reconnaît les importantes lacunes et les délais d'attente excessifs, les habitants considèrent ce régime de soins comme un important élément de distinction d'avec les Etats-Unis, où aucune couverture généralisée de santé n'a jamais été mise en place. Au cours du séjour de la délégation, s'est d'ailleurs tenue une réunion du Premier ministre fédéral avec ses homologues des provinces, à Ottawa, sur l'avenir du régime de santé, le Gouvernement fédéral étant prêt à accroître sa contribution aux provinces dans ce domaine de compétences partagées, sous la condition de disposer d'un droit de regard sur l'utilisation des dotations dispensées.

Chapitre II

Les relations économiques franco-canadiennes,
un potentiel à apprécier

Si le grand voisin américain a toujours été, logiquement, le principal partenaire du Canada, la mise en _uvre des accords de l'ALENA a provoqué une accélération des échanges entre les deux pays ; l'augmentation régulière de la part de marché avec le Mexique témoigne également du renforcement de la coopération nord-américaine.

Loin derrière les Etats-Unis, le Japon reste le deuxième partenaire commercial bilatéral du Canada (2,22 % des exportations et 4,6 % des importations). Les exportations canadiennes ont cependant enregistré une forte baisse depuis le début de la crise japonaise et ce marché, qui était traditionnellement excédentaire, est devenu très déficitaire pour le Canada depuis 1998.

Troisième partenaire, le Royaume-Uni a vu ses exportations augmenter spectaculairement de 78 % ; ce résultat est en grande partie conjoncturel (fourniture de pétrole brut et d'avions militaires légers), mais on relève également un doublement des fournitures de composants optoélectroniques.

Les exportations canadiennes vers la Chine augmentent de plus de 60 % grâce à la reprise des ventes de céréales et d'engrais, mais aussi au démarrage de la fourniture de carrosseries automobiles.

S'agissant de la France, selon les données canadiennes, notre pays représente aujourd'hui 1,27 % des importations du Canada et moins de 0,5 % de ses exportations.

Dans le domaine économique et commercial, les relations bilatérales se sont largement développées au delà des échanges de marchandises dans le sens d'une coopération diversifiée, comme l'ont souligné la Déclaration de partenariat renforcé signée par les Premiers ministres des deux pays, en janvier 1997, et le Programme d'action France Canada de décembre 1998.

Ainsi la coopération dans les instances multilatérales revêt progressivement une importance de plus en plus grande dans les relations entre deux pays voulant jouer un rôle global sur la scène internationale. La France et le Canada, en accord sur les grands principes : primauté accordée au système multilatéral, attachement au bon fonctionnement et au dynamisme de l'OMC, attention particulière portée aux pays les moins avancés, ont développé un dialogue bilatéral dense sur les questions commerciales multilatérales. Ils sont également les principaux promoteurs de la « diversité culturelle » sur la scène internationale.

I.- LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE
NOS DEUX PAYS

En 1999, selon les chiffres des douanes françaises, les exportations françaises vers le Canada ont augmenté de 38 %, atteignant le chiffre record de 18,7 milliards de francs. Le premier facteur de cette hausse est l'augmentation des livraisons d'Airbus qui ont fait plus que doubler les ventes françaises du secteur aéronautique (6,9 milliards). Toutefois tous les postes d'exportation ont présenté une évolution positive, notamment le vin, les biens de consommation et les composants électroniques. Par contre, les importations françaises en provenance du Canada sont restées presque stables (+ 1,3%).

Comparaison 1998/99
(année complète)

(millions de francs)

1998

1999

_

Importations en France

9 511

9 638

+1,3 %

Exportations de France

13 544

18 740

+38,4 %

Flux total

23 055

28 378

+23,1 %

Solde

+4 033

+9 102

+125,7 %

La combinaison de ces deux facteurs s'est traduite par un taux de couverture record de 194 % et un solde de 9,1 milliards de francs en faveur de la France. En conséquence, le Canada est devenu le 14ème client de la France sur la période, mais seulement son 29ème fournisseur, le commerce bilatéral dégageant notre 8ème excédent.

Évolution des flux commerciaux depuis 1993
(années complètes)

DONNÉES CAF/FAB

( millions de Francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Importations en France

6 741

8 910

10 449

8 564

9 964

9 511

9 638

Exportations de France

8 524

9 078

9 367

9 804

13 828

13 544

18 740

Total des flux

15 053

17 988

19 786

18 368

23 792

23 055

28 378

Solde

+1 901

+168

-1 082

+1 241

+3 864

+4 033

+9 102

Taux de couverture

129 %

101 %

89 %

114 %

138 %

142 %

194 %

(source : douanes françaises)

L'analyse des chiffres canadiens, qui diffère quelque peu des statistiques françaises, montre qu'en 1999 la France s'est maintenue au 7ème rang des fournisseurs du Canada avec une part de marché de 1,6 %.

Toute analyse des parts de marché françaises au Canada doit cependant prendre en compte le facteur Airbus. En effet les nombreuses livraisons à Air Canada entraînent d'importantes variations annuelles des exportations françaises, renforcées dans les chiffres canadiens (qui permettent d'établir les parts de marché) par l'affectation à la France des A319 assemblés en Allemagne. Hors Airbus la part de marché française est plus stable au cours des dernières années, autour de 1,3 %.

La performance française doit également être analysée en fonction des différentes régions du Canada. Elle est en réalité très bonne au Québec, avec une part de marché de l'ordre de 5 % (la part du Québec dans nos ventes au Canada est cependant grossie par les livraisons d'Airbus à Montréal et le rôle de cette ville comme point d'entrée de nombreux produits français au Canada). Par contre elle est très faible en Ontario (moins de 1 %), le plus important marché au Canada, et dans l'Ouest du pays.

Sur le plan sectoriel trois considérations principales se dégagent de l'analyse des échanges bilatéraux de marchandises : l'aéronautique représente une part très importante des échanges (en 1999 36 % dans les exportations françaises et 18 % dans les exportations canadiennes) ; la part des produits manufacturés dans les exportations canadiennes vers la France est supérieure à 50 %, chiffre plus élevé que sur la plupart des autres marchés ; les exportations françaises sont caractérisées par une grande diversité de produits.

Répartition sectorielle des échanges
(année complète)

 

Exportations françaises

Importations françaises

(millions de francs)

1998

1999

1998

1999

Agro-alimentaire

1 948

2 019

879

858

Energie

181

113

433

321

Biens intermédiaires

3 548

4 314

3 798

4 117

Biens d'équipement

5 359

9 414

3 470

3 210

(dont aéronautique)

(3 159)

(6 835)

(1 804)

(1 635)

Industrie automobile

101

81

132

308

Biens de consommation

2 272

2 575

705

683

Divers

136

159

95

140

Total

13 544

18 740

9 511

9 638

Par ailleurs les échanges de services prennent une place de plus en plus significative dans les échanges bilatéraux. Le secteur du tourisme est particulièrement important dans nos relations bilatérales, représentant plus de 500 000 visiteurs par an, dans chaque sens.

Au cours des six premiers mois de l'année 2000, nos exportations ont enregistré un recul sensible mais prévisible, du fait du ralentissement des livraisons d'avions. Ces fluctuations de l'aéronautique masquent l'évolution positive de tous les autres secteurs. Par contre, nos importations connaissent une très forte progression qui traduit, notamment, l'augmentation du prix des matières premières et le raffermissement du dollar canadien par rapport au franc. Cette évolution vient quelque peu normaliser notre commerce bilatéral : notre taux de couverture est ramené à 142 % (contre 210 % il y a un an), ce qui nous a permis de réaliser avec le Canada notre 14ème excèdent mondial.

Alors qu'elles avaient augmenté de plus de 3,8 % sur l'ensemble de 1999, nos exportations reculent de 7,6 % au cours du premier semestre 2000.

Au premier semestre 2000, 3 gros porteurs Airbus ont été livrés aux compagnies aériennes canadiennes contre 5 au premier semestre 1999 : en conséquence nos exportations du secteur aéronautique ont baissé de 44 % pour atteindre 2,4 milliards de francs, ce qui représente encore 27,2 % du total des exportations (45,1 % au premier semestre 1999).

A l'inverse, tous nos autres grands postes d'exportation progressent fortement : agro-alimentaire (12 %), biens intermédiaires (35%), biens d'équipement hors aéronautique (27 %). Ces résultats sont le reflet de la très forte expansion de l'économie canadienne, dopée par la croissance américaine : avec une très forte progression de l'investissement des entreprises et une consommation soutenue, le Canada a vu ses importations progresser de 13 % au cours du premier semestre 2000. Dans ce contexte, la France est certes le seul des grands partenaires commerciaux du Canada à avoir enregistré un recul de ses ventes.

Nos importations en provenance du Canada sont un reflet de la structure traditionnelle de l'économie canadienne, où le poids des produits de base joue encore un rôle très important : la pâte à papier, le papier, les minerais, l'acier, le bois, la houille figurent parmi nos principaux produits d'importation. La reprise des cours mondiaux et l'appréciation du dollar canadien par rapport au franc ont, en outre, fortement renchéri nos achats (le secteur des biens intermédiaires augmente de 40 %).

Mais nos importations témoignent de plus en plus de l'évolution de l'économie du Canada avec le développement de certaines industries de pointe: les produits de la construction aéronautique représentent le sous-secteur le plus important (16% de nos achats), résultat qui illustre le fait que le Canada soit devenu la quatrième puissance aéronautique mondiale et traduit la montée en puissance de coopérations industrielles entre entreprises françaises et canadiennes. Hors aéronautique, nos importations de biens d'équipement augmentent de plus de 65 %. Le poids des matériels de télécommunications (8,3 % des échanges, en progression de 241 %), des composants électroniques (4,9 %, + 304 %) et des équipements informatiques (2,2 %) est également révélateur de l'excellence canadienne dans ces domaines et de la présence d'investissements canadiens en France.

Les biens de consommation, bien qu'en progression de plus de 50%, ne représentent toujours que 7,5% de nos importations du fait de la faiblesse de l'offre canadienne.

On peut ainsi considérer que la réduction du poids de l'aéronautique dans nos échanges du premier semestre 2000 a donné à notre commerce bilatéral une image plus conforme à la réalité des économies des deux pays. Cette tendance devrait se confirmer au cours du deuxième semestre durant lequel aucune livraison d'avion n'est prévue.

Seul un léger ralentissement de la croissance canadienne étant anticipé d'ici à la fin de l'année, nos exportations devraient dépasser 16 milliards de francs pour l'ensemble de l'exercice 2000 et nos importations 12 milliards, permettant de dégager un solde légèrement supérieur à 4 milliards de francs.

Comparaison 1999/2000
(janvier à juin)

(millions de francs)

1999

2000

_

Importations en France

4 673

6 382

+36,6 %

Exportations de France

9 836

9 090

-7,6 %

Flux total

14 509

15 472

+6,6 %

Solde

5 163

2 708

-47,6 %

Source : douanes françaises

Répartition sectorielle des échanges
(janvier à juin)

 

Exportations françaises

Importations françaises

(millions de francs)

1999

2000

1999

2000

Agro-alimentaire

957

1 076

336

419

Energie

74

3

115

211

Biens intermédiaires

1 924

2 603

1 986

2 780

Biens d'équipement

5 611

3 963

1 705

2 282

Industrie automobile

40

71

168

152

Biens de consommation

1 177

1 299

315

479

Divers

53

75

48

59

Total

9 836

9 090

4 673

6 382

Source : douanes françaises

II.- LES INVESTISSEMENTS CROISÉS FRANCO-CANADIENS

Selon les données canadiennes de 1998 la France était le 5ème investisseur étranger au Canada avec 2,8 % du stock d'investissements (soit 6,1 milliards de dollars canadiens).

Mais cette position a été renforcée par le rachat par Alcatel, en mai 2000, de Newbridge, société de matériel de télécommunications d'Ottawa, pour un montant d'environ 10 milliards de dollars. Cette opération est la plus importante jamais réalisée par un groupe français au Canada. Par ailleurs la fusion Vivendi-Seagram, qui se concrétise, renforcera encore les intérêts de nos entreprises au Canada.

D'une enquête détaillée effectuée en 1997 auprès des filiales d'entreprises françaises au Canada il ressortait les principaux éléments suivants : environ 300 sociétés canadiennes, majoritairement implantées au Québec, étaient filiales de plus de 250 sociétés françaises ; le chiffre d'affaires cumulé de ces filiales était de l'ordre de 16 milliards de dollars canadiens. Les effectifs employés au Canada par ces filiales étaient de l'ordre de 57 000 salariés.

Les huit premiers secteurs en termes de chiffre d'affaires (supérieur à un milliard de dollars) représentent environ 60 % du total : assurances, matériaux de construction et BTP, pharmacie, matériel électrique, électricité, énergie, pièces automobiles, télé-communications, chimie. Parmi les entreprises ayant le plus important chiffre d'affaires on peut citer : AXA, Alcatel (même avant le rachat de Newbridge), Alstom, GDF, Lafarge, Michelin, Pasteur-Mérieux, Air Liquide.

Les investissements des entreprises françaises au Canada se poursuivent activement. Ainsi, en 1997 une quinzaine de décisions d'investissements et de rachat d'entreprises ont été annoncées dont l'investissement de Pasteur-Mérieux Connaught pour la création à Toronto d'un centre de recherche sur les vaccins anti-cancéreux (350 millions de dollars sur 10 ans), et celui de Ubisoft à Montréal dans le domaine des logiciels de loisir (création de plus de 400 emplois). En 1998 et 1999 aucune grosse opération n'a été annoncée, mais plusieurs dizaines de petites implantations, notamment au Québec, ont été décidées, surtout dans le domaine des technologies de l'information. D'autre part la Cogema a poursuivi ses très importants investissements dans le secteur de l'uranium en Saskachewan. L'année 2000 est marquée par l'opération Alcatel et la fusion Vivendi-Seagram.

En sens inverse les entreprises canadiennes ont investi d'une manière significative en France dans les dernières années. Selon les sources canadiennes, la France se place au 8ème rang (mais au 5ème si l'on excepte les paradis fiscaux) parmi les pays de destination des investissements canadiens avec un stock de l'ordre de 4 milliards de dollars en 1998.

Les entreprises canadiennes ont une centaine de filiales en France. Parmi les plus gros investisseurs figurent Nortel (télécommunications), Mac Cain et Seagram (agro-alimentaire), Bombardier (ferroviaire), Cascades (papier), Québécor (imprimerie) et la Caisse des dépôts du Québec (immobilier).

Les autorités françaises et canadiennes sont très favorables à la poursuite de ces investissements croisés, gages de la solidité et de la pérennité des relations commerciales bilatérales.

Enfin, comme les investissements croisés et les partenariats industriels, la coopération sectorielle mise en _uvre par les autorités des deux pays est un facteur important des relations économiques bilatérales.

La préparation du plan d'action, en application de la Déclaration de partenariat renforcé signée entre les deux Premiers ministres en janvier 1997, a montré une assez bonne convergence des deux administrations sur les secteurs prioritaires de coopération : technologies de l'information, agriculture/biotechnologies, aéronau-tique, environnement.

Le renforcement de la coopération sectorielle bilatérale est un des objectifs partagés par les deux gouvernements. Elle a fait l'objet de discussions approfondies lors de la réunion de la Commission mixte économique qui s'est tenue à Ottawa en avril 2000 et a été conclue par les ministres du commerce extérieur des deux pays.

Chapitre III

Un soutien structuré en faveur de la création d'entreprises

Le Canada, comme l'ensemble des pays occidentaux industrialisés, profite d'une reprise depuis 1996 après une première moitié de décennie de relative stagnation consécutive à la guerre du Golfe. Cette reprise a provoqué de fortes créations d'emplois. En particulier, 450 000 emplois ont été créés en 1998, ce qui a constitué le meilleur résultat depuis 1987 et le taux le plus élevé des pays du G7. Cette tendance favorable s'est poursuivie, quoiqu'à un moindre niveau, en 1999, avec 355 000 créations nouvelles de postes. En conséquence, et malgré la croissance de la population active liée en partie à un retour sur le marché du travail de personnes écartées par la crise de 1990/1992, le taux de chômage a poursuivi sa baisse régulière, avec toutefois d'assez fortes disparités régionales, la situation étant plus favorable en Ontario et dans l'Ouest du pays. Il s'établit à 6,8 % à l'été 2000, contre 11,3 % en 1992.

Au Canada, comme ailleurs, les restructurations et fusions d'entreprises et de grands groupes conduisent à des suppressions d'emplois. C'est pourquoi le gouvernement fédéral, comme les provinces et les municipalités, développent des programmes d'aides à la création et à la croissance des PME, qui sont responsables de près de 60 % de l'emploi dans le secteur privé du Canada et de la création de 85 % des nouveaux emplois au cours des dix dernières années. Il faut toutefois noter que ces données intègrent l'emploi indépendant, dont la part s'est très largement accrue durant la même période : en 1999, les travailleurs autonomes représentaient au Canada 17 % des emplois, contre seulement 12,3 % en 1991.

Selon les données de Statistique Canada, au mois de septembre 1999, 1 970 099 entreprises opéraient dans le pays (sans compter les travailleurs indépendants non constitués en personne morale ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 30 000 dollars). Sur ce total, 87,6 % comptaient moins de 10 employés, 93,5 % moins de 20 employés et 99 % en comptaient moins de 100.

I.- LES RÉGIMES D'AIDE AUX PME AU CANADA

En raison de la structure extrêmement décentralisée de la fédération canadienne l'essentiel des missions d'aide à la création et au développement des PME est confié aux provinces, et subsidiairement aux municipalités, dont les pouvoirs sont comparables à ceux de nos propres collectivités territoriales avant les lois de décentralisation.

A.- L'INTERVENTION FÉDÉRALE EN FAVEUR DES PME

Pour autant, le gouvernement fédéral participe à l'effort de création et de développement des entreprises dans l'ensemble du Canada, par le biais de financements, autonomes ou complémentaires de ceux des provinces. Deux modes d'intervention sont privilégiés :

·  le soutien ciblé à certaines régions ou certaines industries par le biais de programmes de subventions ;

·  l'octroi de crédits d'impôts substantiels à la recherche et au développement.

Une attention particulière est portée à l'aide à la création d'entreprise par des femmes ou des autochtones. Tous ces programmes ne bénéficient pas exclusivement aux PME, mais celles-ci, notamment pour les programmes de développement régional, sont directement concernées.

1. Les soutiens sous forme de subventions

L'objectif principal de ces programmes est de compenser les inégalités résultant des capacités de financement de chacune des provinces, de façon à assurer un développement équilibré des économies régionales.

Le ministère de l'industrie du Canada est le gestionnaire principal des programmes fédéraux d'aide aux entreprises. Le gouvernement a fixé à Industrie Canada quatre grands objectifs stratégiques : créer des conditions plus favorables à l'investissement dans l'économie canadienne, améliorer la performance du Canada sur le plan de l'innovation, notamment pour réduire la part des matières premières et de l'agriculture dans l'économie et favoriser l'évolution vers une économie fondée sur le savoir, travailler avec les entreprises canadiennes à accroître la part du Canada sur les marchés mondiaux, et créer un marché équitable, efficace et concurrentiel pour les entreprises et les consommateurs.

A titre indicatif, les crédits destinés au développement des PME ont, en 1998-1999, été principalement affectés aux programmes suivants :

- petites entreprises : 47 millions de dollars ;

- entente Canada-Québec pour le développement industriel : 41 millions de dollars ;

- entreprises autochtones : 21 millions de dollars  ;

- développement industriel du Nord de l'Ontario : 32 millions de dollars  en subventions directes entre 1996 et 1999 (pour 440 projets), auxquels s'ajoutent 37 millions de dollars , accordés à 52 sociétés de développement local ;

- Garantie de prêts aux PME accordés par les banques commerciales (23 000 prêts sur l'exercice pour un encours de 1,6 milliard de dollars).

Par ailleurs, le gouvernement fédéral dispose d'agences régionales, dépendant du ministère de l'Industrie, qui assurent des actions déconcentrées de développement économique. Trois régions bénéficient de telles agences :

- l'agence de promotion économique du Canada atlantique, à Moncton,

- le bureau fédéral de développement régional du Québec, à Montréal,

- l'agence de diversification économique de l'ouest du Canada, à Winnipeg.

Ces trois entités sont chargées de coordonner les politiques du gouvernement fédéral en faveur du développement de ces régions, ainsi que de faire la liaison avec le secteur privé. Leur budget propre n'est donc pas très élevé, mais leur valeur ajoutée réside dans la création de bases de données pour les entreprises régionales, essentiellement des PME, la promotion de la région dans le reste du Canada et à l'extérieur de celui-ci, et la fourniture d'aide à la création et à la gestion d'entreprises, visant en particulier les PME et les jeunes entrepreneurs. En somme, leurs missions sont proches de celles de la DATAR et des associations régionales de développement.

Par ailleurs, dans chaque province, un réseau de guichets uniques d'information et de services (aides à la confection de plans d'affaires, aides à la gestion...) largement ouvert sur l'information via Internet, est chargé d'orienter les nombreux entrepreneurs et les PME déjà établis vers le dispositif subventionnel. Il convient de noter que selon les informations fournies à la mission, le risque de disparition de l'entreprise à cinq ans est diminué par dix pour celles qui font appel aux conseils de gestion mis à leur disposition.

Enfin, le gouvernement canadien est l'actionnaire de la banque de développement du Canada, qui est spécialisée dans le financement des PME, selon des modalités proches de la BDPME en France. Il finance aussi un programme de prêts aux PME à taux préférentiel, administré par les banques commerciales.

2. L'aide à la recherche et développement (R&D)

Selon l'OCDE, le régime canadien de soutien fiscal à la R&D est l'un des plus généreux parmi les pays développés. Il comprend deux volets.

Le premier est la déduction intégrale des dépenses de R&D, avec une définition très large des charges déductibles, et un choix offert aux entreprises, en fonction de leur plan, d'amortir intégralement sur l'exercice les dépenses courantes ou en capital, ou bien de les reporter sur d'autres exercices (sans limite de temps). L'optimisation fiscale est donc maximale sur ce point.

Le second volet consiste en des crédits d'impôt à la R&D. Ceux-ci se montent au minimum à 20 % des charges en la matière, et peuvent atteindre 35 % pour les PME sous contrôle canadien. Ces crédits d'impôts sont reportables, selon les cas, sur trois à dix exercices. Six provinces canadiennes offrent en complément des régimes similaires de crédits d'impôt (pour les impôts provinciaux) à la R&D.

B.- LES POLITIQUES PROVINCIALES :
LES EXEMPLES DU QUÉBEC ET DE L'ONTARIO

1. La politique québécoise en faveur des PME

Le gouvernement du Québec a mis en place un dispositif relativement complet d'aide aux entreprises. Les PME, qui ont la capacité de créer des emplois dans une économie dont le taux de chômage est sensiblement supérieur à celui du partenaire commercial américain, sont une cible privilégiée. Au Québec, les effets de cette politique dont le coût reste mesuré, sont encore malaisés à discerner sauf peut-être dans la nouvelle économie.

Le nombre des entreprises québécoises s'est stabilisé dans la première moitié des années 1990 à un peu moins de 200 000 dont 98 % ont moins de 100 employés. En 1996 (dernière enquête disponible), les entreprises de moins de 20 personnes employaient environ le quart de la population salariée, celles de 20 à 100 personnes environ le tiers.

Ces PME sont aux trois-quarts dans le secteur tertiaire, 11 % dans le BTP, 7,5 % dans les industries manufacturières. Le taux annuel moyen de renouvellement tourne autour de 15 % (20 % pour les entreprises de moins de cinq employés). La dynamique sectorielle est toutefois différenciée avec une croissance plus forte dans certains secteurs déréglementés (transports) et dans ceux du service aux entreprises. Le secteur des logiciels multimédia a connu également une véritable éclosion de start-ups à la fin des années 1990 à Montréal. Le commerce de détail, le BTP et les industries de main d'_uvre (meubles, textile-habillement) se sont en revanche contractés.

Préoccupés d'un taux de chômage encore sensiblement supérieur à celui des Etats-Unis (8,4 % au Québec, 6,6 % au Canada en juin 2000), les deux niveaux de gouvernement, fédéral et provincial, interviennent parallèlement pour aider à la création et au développement des PME au Québec.

Le Gouvernement du Québec agit quant à lui notamment au travers d'une agence spécialisée, « Investissement Québec » dotée d'un budget de 90 millions de dollars également chargée de la recherche des investisseurs étrangers. Ses outils sont plusieurs programmes différenciés de garantie de prêts destinés à financer la capitalisation, le fonds de roulement et les projets d'investissement des petites entreprises. Un « fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi (FAIRE) » finance, par des garanties de prêts, des contributions remboursables ou non, des prises en charge d'intérêts, les projets plus importants comportant un investissement d'au moins 10 millions de dollars et les nouvelles implantations d'au moins 2 millions de dollars. Les critères d'admissibilité à ce fonds viennent d'être élargis dans le cadre du budget 2000-2001 pour le rendre plus accessible aux PME manufacturières.

Plusieurs séries de programmes sont en outre gérés directement par l'administration :

·  le ministère de l'industrie et du commerce conduit un programme de subventions directes « impact-PME », dirigé vers les entreprises de 250 employés ou moins pour la promotion de l'innovation et de l'exportation, dont les éléments ressemblent fort à certaines aides contractualisées en France entre l'Etat et les régions (aide au recrutement de cadres qualifiés, aide au conseil). Le ministère de l'agriculture a ses propres programmes dans l'agro-alimentaire ;

·  la nouvelle économie fait l'objet d'une attention particulière du ministère des finances. Des exemptions fiscales de 5 ans et des crédits d'impôts remboursables (40 % des salaires avec un maximum de 15 000 dollars par employé jusqu'en 2010) ont été mis en place pour encourager l'implantation des entreprises du multimédia et du commerce électronique dans des centres agréés (Centres de développement des technologies de l'information ; Cité du multimédia ; Cité du commerce électronique). Si ces aides ne sont pas réservées aux PME, elles sont largement destinées à aider au développement des start-ups, ce avec quelque succès, comme par exemple pour l'implantation du français Ubisoft à Montréal.

Pour faciliter l'intégration de solutions de commerce électronique dans 10 000 PME, un nouveau mécanisme triennal de crédit d'impôt égal à 40 % des dépenses qu'elles engageront pour ce faire (plafond de 40 000 dollars par entreprise) vient d'être mis en place et doté de 126 millions de dollars. Le commerce de détail et l'approvisionnement industriel des grands groupes à travers des portails spécialisés se développent en effet moins vite au Canada qu'aux Etats-Unis, ce qui constitue une menace à terme de perte de marchés pour les PME canadiennes si elles ne sont pas sensibilisées à la nécessité de se mettre, à leur tour, en ligne et sont aidées à le faire.

2. Les aides gouvernementales au profit des PME en Ontario

Les PME représentent l'écrasante majorité du tissu économique canadien et l'Ontario en accueille le plus grand nombre.

Sur l'ensemble des entreprises établies au Canada en effet, 34,4 % sont situés en Ontario, contre 23,5 % au Québec, 14,5 % en Colombie Britannique, 12,8 % en Alberta, 2,4 % en Nouvelle Ecosse et 2,1 % au Nouveau Brunswick.

Environ 98 % des 330 000 entreprises de l'Ontario emploient moins de 100 personnes. Environ 57 % emploient moins de 5 personnes.

L'attitude du gouvernement ontarien, fidèle à sa politique non interventionniste dans la conduite des affaires des entreprises privées, se résume en matière d'incitations fiscales au profit des entreprises de la province à cet adage : « Ontario does not practice corporate welfare » (l'Ontario ne pratique pas l'assistanat social au profit des entreprises). Partant du principe que les subventions fiscales n'auraient pour objectif que de compenser des désavantages comparatifs (insuffisance du marché domestique, éloignement des marchés d'exportation, insuffisance des infrastructures, coût élevé de la main d'_uvre, taux d'imposition élevé, etc.), d'une part, et que l'environnement des affaires en Ontario est de loin le plus favorable de ceux offerts par les provinces canadiennes, d'autre part, le gouvernement a décidé dès son arrivée au pouvoir en 1995 qu'il n'y avait pas lieu de pratiquer de politique de rattrapage au profit des entreprises en subventionnant de quelque manière que ce soit leurs activités.

Aujourd'hui encore le gouvernement provincial conservateur se plaît à rappeler que la stratégie de l'Ontario pour l'amélioration de la compétitivité des entreprises réside dans l'équation suivante dont il est à l'origine : gestion fiscale prudente + climat réglementaire responsable = conditions nécessaires au succès des entreprises.

Aussi n'est-il pas surprenant que depuis sa prise de fonction, le gouvernement de l'Ontario n'ait eu de cesse d'améliorer l'environnement local des affaires en poursuivant son effort de réduction du déficit budgétaire et de baisse des impôts pour favoriser la relance et la création d'emplois. C'est à ce titre que des mesures destinées aux PME et axées pour l'essentiel sur des réductions des taux d'imposition sur leur revenu imposable ainsi que sur des franchises d'impôt sont incluses chaque année dans les projets de loi de finances du gouvernement provincial.

La contrepartie de cette politique est une imposition élevée des revenus des personnes.

Conscient de l'importance du rôle des PME dans le tissu économique local, le gouvernement de l'Ontario n'a par contre pas lésiné sur les moyens pour mettre à leur disposition toute une structure d'aide à l'implantation et de conseil dont la tutelle est assurée par le ministère du développement économique et du commerce.

Outre les programmes généraux offerts à toutes les PME canadiennes par le gouvernement fédéral, celles de l'Ontario bénéficient également de certains programmes fédéraux spécifiques créés à leur intention.

a) Les programmes d'aide et les services mis à disposition des PME ontariennes par le gouvernement provincial

Le secteur de la petite entreprise en Ontario est un puissant moteur de la création d'emplois et de la croissance économique. Le gouvernement de l'Ontario n'a pas seulement diminué les impôts, réduit le déficit et éliminé les formalités administratives, mais il offre aussi un vaste éventail de programmes et de services pour aider les petites entreprises à croître et à créer davantage d'emplois.

Le ministère du développement économique et du commerce (MDEC) est l'organisme gouvernemental responsable d'un grand nombre de ces programmes. L'une des activités fondamentales du MDEC est d'encourager la croissance de l'emploi et le développement des affaires. Pour ce faire, le ministère encourage l'innovation et l'entreprenariat, gère les rapports entre les secteurs et les groupes d'entreprises, donne son avis sur les questions relatives aux affaires et aux politiques sur le développement économique et contribue à la suppression des obstacles auxquels se heurtent les entreprises et s'efforce notamment de combler les lacunes en matière d'infrastructure.

Ces programmes comprennent :

- Les centres d'aide aux nouvelles entreprises

En partenariat avec les municipalités locales, le gouvernement de l'Ontario administre des centres d'aide aux nouvelles entreprises dans différentes collectivités de l'Ontario. Chaque centre compte un conseiller aux affaires au nombre de son personnel et dispose de publications sur toute une gamme de sujets. Les centres d'aide aux nouvelles entreprises offrent des consultations individuelles, des séminaires sur des questions relatives aux affaires, des livres, des brochures et des articles sur divers sujets en rapport avec les affaires.

Ils fournissent également des conseils sur les licences, les permis, l'enregistrement et d'autres formules ou documents nécessaires pour fonder une nouvelle entreprise, ainsi que des analyses critiques des plans d'activités.

- Les centres d'encadrement des petits entrepreneurs

Les centres d'encadrement des petits entrepreneurs poussent plus loin l'aide du gouvernement et ont pour objet de conseiller les petits entrepreneurs et de leur donner les instruments de gestion dont ils ont besoin pour réussir après la période de démarrage, pendant les difficiles cinq premières années d'exploitation. Ils offrent aux entrepreneurs des conseils, des informations et des services qui couvrent des secteurs clés comme la gestion, la comptabilité, la commercialisation, les exigences juridiques, la technologie et le financement.

Chaque centre d'encadrement est un partenariat entre le secteur public et le secteur privé auquel participent la province, d'autres paliers de gouvernement (municipalités, Industrie Canada), des associations locales de gens d'affaires et de grandes sociétés canadiennes comme Bell Canada, la Banque royale et d'autres.

Le premier centre d'encadrement des petits entrepreneurs a été lancé le 22 octobre 1997 à Hamilton et il en existe maintenant dix en Ontario. Dans le budget de 1999, pour augmenter encore le réseau provincial de soutien des entrepreneurs, le gouvernement avait annoncé l'ouverture de cinq nouveaux centres.

- Le développement du commerce international

Ontario Export inc., l'organisme de l'Ontario responsable du commerce, offre toute une gamme de programmes pour aider les moyennes et petites entreprises à commencer à vendre ou à étendre leurs ventes sur le marché international, c'est-à-dire le plus souvent tout d'abord vers les Etats-Unis. Ceci comprend le Programme des nouveaux exportateurs vers les États limitrophes, la prestation de consultations et de renseignements sur le marché international, l'organisation de la participation des entreprises de l'Ontario aux missions commerciales, l'accueil de journées commerciales dans toutes les régions de la province et la célébration du succès des petites et moyennes entreprises de l'Ontario grâce au programme de Prix ontariens d'excellence en commerce international.

- Un programme «Jeunes entrepreneurs»

Le programme «Jeunes entrepreneurs» a pour objet d'aider les jeunes adultes entre 18 et 29 ans à fonder une nouvelle entreprise.

·  Le programme octroie des prêts de démarrage pouvant aller jusqu'à 7 500 dollars ainsi qu'une formation.

·  Le gouvernement alloue au programme 2,5 millions de dollars étalés sur trois ans.

·  Les services sont dispensés en partenariat avec la Banque royale du Canada.

- Réseau d'entreprises innovatrices en croissance (EIC)

Le réseau d'entreprises innovatrices en croissance est une initiative conjointe du secteur public et du secteur privé visant à assurer la liaison entre les entreprises innovatrices à croissance rapide et les fournisseurs de services du secteur privé qui sont la clé de la continuité de la croissance - banques, sociétés d'investissement en capital de risque, technologie, experts en commercialisation internationale et conseillers en gestion.

- Initiative des compétences stratégiques

L'initiative des compétences stratégiques est une action du MDEC qui vise à coordonner avec d'autres ministères le soutien apporté par le gouvernement aux compétences stratégiques. L'objectif est d'augmenter l'autonomie des entreprises, des secteurs et des collectivités et de travailler avec le secteur des affaires pour obtenir des investissements dans les compétences stratégiques. Le budget de 1998 a alloué 30 millions de dollars à cette initiative et le budget de 1999 y a ajouté 100 millions de dollars supplémentaires pour faire en sorte que les entreprises et les travailleurs de l'Ontario aient les compétences nécessaires pour « réussir au XXIe siècle ».

- Un programme «Étudiants entrepreneurs»

Le Programme «Étudiants entrepreneurs» octroie des prêts pour aider à lancer une nouvelle entreprise. Les étudiants à temps plein ou à temps partiel entre 15 et 29 ans qui reprendront leurs études en septembre peuvent demander jusqu'à 3 000 dollars.

- La foire aux idées

La foire aux idées, qui a été créée en 1995, est une série de rencontres entre les présidents et les chefs de direction des entreprises innovatrices en croissance. L'objectif est de favoriser les partenariats entre les entreprises ainsi que l'établissement de liens entre le secteur des affaires et le gouvernement et de donner aux entreprises innovatrices en croissance des occasions de partager renseignements et expériences. La dernière foire aux idées s'est tenue en septembre 1999 sur le thème «Les architectes de la croissance : stratégies gagnantes».

- Le centre d'appels pour les entreprises Canada-Ontario

Le centre d'appels pour les entreprises Canada-Ontario est une initiative conjointe du MDEC et du gouvernement fédéral. Il offre un point d'accès unique à des renseignements en rapport avec les affaires sur plus de 1 000 programmes, services et règlements fédéraux et provinciaux. Les clients peuvent aussi se renseigner par le biais du système interactif de réponse vocale qui fonctionne en permanence. Pour étendre les services offerts par le centre d'appels, des sites d'accès régionaux sont actuellement mis en place en partenariat avec les associations d'hommes d'affaires locales existantes comme les centres d'encadrement des petits entrepreneurs répartis dans tout l'Ontario.

- Entreprises branchées de l'Ontario

Entreprises branchées de l'Ontario est un service en ligne dispensé par le ministère de la consommation et du commerce qui offre un accès à guichet unique, rationalisé et d'utilisation facile aux propriétaires d'entreprises pour leur permettre d'enregistrer leur entreprise et d'effectuer diverses transactions avec le gouvernement. Des terminaux sont installés dans tout l'Ontario, notamment dans la plupart des centres d'aide aux nouvelles entreprises et des centres d'encadrement des petits entrepreneurs.

b) Les mesures fiscales en faveur des PME contenues dans la dernière loi de finances 2000/2001 de l'Ontario

Le gouvernement de l'Ontario poursuit une réduction graduelle du taux d'imposition des petites entreprises. En 1998, le gouvernement a adopté une loi visant à réduire progressivement le taux provincial d'imposition des petites entreprises, qui était alors de 9,5 %. Ce taux est actuellement de 8%. Il a été proposé lors de la présentation du dernier budget d'accélérer et de bonifier la réduction du taux d'imposition des petites entreprises à compter de la date de publication du budget (2 mai 2000). Lorsque cette réduction aura été entièrement mise en _uvre, soit en 2005, le taux d'imposition des petites entreprises sera abaissé à 4 %.

Il a d'autre part été décidé d'étendre, par étapes, sur une période de 5 ans le taux d'imposition des petites entreprises à un plus grand nombre de bénéficiaires. Le taux d'imposition des entreprises en Ontario est aujourd'hui de 15,5 % pour les grandes sociétés dont les revenus imposables sont supérieurs à 200 000 dollars. Il a été proposé d'appliquer le taux d'imposition plus faible des petites entreprises à celles dont le revenu imposable est au plus de 400 000 dollars. L'avantage de taux d'imposition accordé aux petites entreprises diminuerait graduellement au delà de 400 000 dollars de revenu imposable de manière à disparaître lorsque ce dernier atteindrait 1 million de dollars.

Enfin, la province de l'Ontario octroie des avantages fiscaux additionnels à ceux offerts par le gouvernement fédéral aux entreprises qui réalisent des activités de recherche et développement en Ontario, soit directement, soit par l'intermédiaire d'instituts de recherche.

Les PME bénéficient d'un traitement particulier qui se résume aux avantages suivants :

- un crédit d'impôt de 25 % (Super Allowance) pouvant atteindre 37,5 % dans certains cas sur les activités de R&D ;

- un crédit d'impôt remboursable de 20 % (Ontario Business-Research Institute) au profit des PME effectuant en Ontario des activités de R&D auprès de centres de recherche, universités et collèges éligibles ;

- un crédit d'impôt de 10 % remboursable, pour les PME s'adonnant en Ontario à de la R&D innovante.

c) Les programmes d'aide du gouvernement fédéral spécialement dédiés aux PME de l'Ontario

Le gouvernement fédéral dispose au profit des entreprises du Nord de l'Ontario d'un programme spécial intitulé : « Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario » (FedNor). Ce programme vise à promouvoir la croissance économique, la diversification et la création d'emplois dans le nord de l'Ontario en facilitant l'obtention de capitaux :

- programme de contributions remboursables s'adressant aux petites entreprises novatrices désireuses de mener à bien différentes activités pré-commerciales telles que la recherche-développement et des études de marché ;

- financement supplémentaire accordé aux sociétés d'aide au développement des collectivités pour leur permettre d'accroître leurs programmes de micro prêt ;

- réserves pour pertes sur prêts en vue de partager le risque avec les prêteurs traditionnels, ce qui met 35 millions de dollars à la disposition des petites entreprises du nord de l'Ontario. Grâce au partenariat conclu par FedNor, les emprunteurs traitent avec une seule institution financière à toutes les étapes de la transaction et bénéficient ainsi d'un allégement des formalités administratives et d'une réduction des délais de réponse ;

- contributions aux initiatives à but non lucratif axées sur le tourisme régional ou le développement économique communautaire.

CONCLUSION

Il est apparu clairement qu'au Canada, comme dans de nombreux pays développés, les petites et moyennes entreprises constituent un outil essentiel de la croissance et de la modernisation de l'économie, en même temps qu'un facteur déterminant de la lutte pour l'emploi.

Ainsi, au Canada, 85 % des emplois créés depuis dix ans sont le fait des petites et moyennes entreprises.

Sans que l'on puisse exclusivement attribuer la réussite du développement des petites et moyennes entreprises au Canada aux incitations et aux soutiens apportés par l'État fédéral, les provinces ou les municipalités, puisque cette croissance a aussi largement profité du dynamisme durable de l'économie américaine, quelques enseignements peuvent cependant être tirés de cette mission.

S'agissant de dispositifs d'aide et d'appui similaires à ceux existant en France, le système canadien se distingue cependant par des mesures plus simples et plus lisibles par les entrepreneurs. L'absence d'interventions croisées des différents niveaux d'autorité (même si les compétences sont partagées) facilite les prises de décision et accélère ainsi les formalités.

De plus, la mise en place sur l'ensemble du pays d'informations facilement accessibles, au guichet, par téléphone ou sur internet, offre une panoplie de conseils aux jeunes entreprises et limite ainsi le pourcentage d'échecs et de faillites, souvent dus à des erreurs de gestion.

Les petites et moyennes entreprises françaises qui souhaitent étendre leurs activités aux marchés nord-américains, peuvent tirer parti de cet environnement favorable. En s'installant au Québec, elles bénéficient, tout en accédant au continent américain, d'un cadre francophone qui peut les rassurer dans leur démarche. En choisissant de s'implanter en Ontario, elles peuvent plus rapidement s'habituer aux types de relations d'affaires de l'Amérique du Nord anglophone, dans une région située à une journée de livraison des métropoles des grands lacs et de la côte Est des Etats-Unis.

Mais il ne leur faut pas oublier que le Canada, au-delà de la porte d'entrée d'un continent, est un pays pleinement ouvert à la coopération bilatérale : l'accord de libre échange et l'ALENA ne constituent pas des embryons d'un marché unique, tout du moins dans leur forme actuelle. En outre, la sécurité juridique des relations économiques avec ce pays fournit un important atout de développement pour des entreprises françaises qui peuvent saisir l'occasion d'une diversification économique, souhaitée par les autorités canadiennes dans les secteurs de l'innovation et des nouvelles technologies.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 8 novembre 2000, la commission a examiné le rapport d'information de M. André Lajoinie en conclusion des travaux d'une mission effectuée au Canada du 10 au 18 septembre 2000.

M. André Lajoinie, président, a tout d'abord présenté les grandes lignes de son rapport, qui s'articule autour de trois axes : les relations entre le Canada et les Etats-Unis, les relations entre la France et le Canada, et la politique canadienne de soutien aux PME-PMI.

Il a rappelé que la mission qu'il avait conduite était en outre composée de MM. Jean-Claude Daniel, Nicolas Forissier et Patrick Rimbert. Elle a eu l'occasion de rencontrer de nombreuses personnalités politiques, tant de la Fédération que des provinces visitées, ainsi que des industriels, des responsables d'entreprises et de banques ; elle s'est également rendue dans des pépinières d'entreprises spécialisées dans le secteur des nouvelles technologies. Le succès de cette mission a été rendu possible notamment grâce à l'efficacité et à la disponibilité de l'ambassadeur de France au Canada, ainsi que des consuls généraux de Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, des chefs de poste d'expansion économique et de l'ensemble des personnels placés sous leur autorité. Les membres de la mission ont constaté à cette occasion que les visites de parlementaires français à l'étranger favorisaient les contacts entre les postes français et leurs interlocuteurs sur place.

Abordant le premier point examiné dans le rapport, M. André Lajoinie, président, a indiqué que les relations très étroites qu'entretenait le Canada avec les Etats-Unis aboutissaient à une intégration économique des provinces, prises individuellement, avec les Etats mitoyens des Etats-Unis. Ainsi, chaque province du Canada commerce davantage avec les régions américaines dont elle est proche qu'avec les autres provinces de sa propre fédération. La balance commerciale de ces échanges est globalement positive pour le Canada, dont 87 % des exportations sont à destination des Etats-Unis. Dans l'autre sens, 67 % des importations du Canada proviennent de son voisin du Sud. Par ailleurs, les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers au Canada, même si leur part relative diminue actuellement. En revanche, les investissements canadiens aux Etats-Unis sont aujourd'hui en progression. La dépendance économique vis-à-vis des Etats-Unis qui en résulte pour le Canada entraîne de ce fait l'expression de positions communes entre les deux Etats dans la plupart des forums de négociations multilatérales. Ces relations étroites entre les deux voisins, encore approfondies depuis l'accord de libre-échange américano-canadien (ALE) et l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ne sont pourtant pas exemptes de difficultés et de tensions, comme par exemple dans les secteurs des bois d'ouvrage, de la viande et des céréales. Les procédures de négociation préétablies n'empêchent pas l'existence de relations parfois chaotiques entre les deux partenaires ; les pays tiers peuvent d'ailleurs chercher à tirer parti de ces divergences. Néanmoins, compte tenu de la disproportion évidente entre le Canada et les Etats-Unis, ce dernier parvient toujours à faire prévaloir son point de vue lorsqu'il considère que ses intérêts essentiels sont en cause.

M. André Lajoinie, président, a déclaré que, dans ce cadre extrêmement déséquilibré, il avait été d'autant plus surpris de pouvoir constater que le Canada réussissait pourtant à préserver et développer son identité, notamment dans les domaines sociaux et culturels. Ainsi, le Canada dispose, à la différence des Etats-Unis où 50 millions de personnes sont exclues de l'assurance maladie, d'un système public étatisé de protection sociale et de santé, inspiré du National health service britannique, dont bénéficient l'ensemble des résidents du pays.

Abordant la deuxième partie de son rapport, il a indiqué que le Canada représentait, pour les investisseurs français, une porte d'entrée vers le marché nord-américain. Il a rappelé que les échanges entre ce pays et la France étaient stables, la balance commerciale penchant en notre faveur puisque le taux de couverture de nos importations en provenance du Canada atteignait 194 %, représentant un solde positif de 9,1 milliards de francs. Il a relevé que le Canada entendait sortir rapidement d'une économie encore trop dépendante des activités primaires et souligné sa forte volonté de se développer dans les secteurs des nouvelles technologies, ce qui est un facteur de renforcement de la coopération entre nos deux pays, qui se caractérise par un accroissement sensible des financements croisés de part et d'autre de l'Atlantique (Nortel, Seagram et Vivendi, Bombardier, Cascade, Caisse des dépôts du Québec...)

M. André Lajoinie, président, a enfin abordé le dernier point de son exposé, relatif aux systèmes d'aides mis en place au Canada pour favoriser la création de PME-PMI. Il a insisté sur le caractère volontariste des démarches publiques visant à encourager la création et la survie de nouvelles entreprises. Cette action est d'autant plus importante que 85% des emplois nouveaux créés au Canada au cours des dix dernières années l'ont été dans les PME-PMI. Si les modalités d'aide à la création d'entreprise ressemblent beaucoup à celles qui existent en France, des différences importantes peuvent être cependant relevées. Les programmes mis en place au Canada, tant par l'Etat fédéral que par les provinces ou les communes, apparaissent plus simples et plus « lisibles » pour les entrepreneurs, qu'en France. S'il existe une coordination entre les différents niveaux d'interventions, il n'y a pas comme chez nous de financements ou de décisions impliquant simultanément plusieurs niveaux publics, ce qui facilite la prise de décision et limite les formalités. L'accès à l'information est plus aisé qu'en France (au guichet, par téléphone, par internet) et les conseils pratiques donnés aux créateurs d'entreprises, par les collectivités ou par les banques, contribuent à l'amélioration de la gestion des jeunes entreprises et limite considérablement le pourcentage d'échecs et de faillites. En outre, il existe des programmes spécifiques d'aide à la création d'entreprise, au profit des femmes ou des populations autochtones.

M. André Lajoinie, président, a fait observer que l'ensemble des structures d'aide à la création d'entreprises crée au Canada un environnement favorable, dont pourraient davantage profiter les PME-PMI françaises : Montréal et le Québec permettent de prendre pied sur le continent nord-américain et d'y acquérir une expérience, dans un cadre linguistique francophone, tandis que Toronto et l'Ontario offrent des conditions d'immersion dans un environnement très similaire à celui des Etats-Unis, mais cependant plus adapté à la culture européenne, à proximité immédiate des Etats industriels de la zone des grands lacs. Le Canada peut ainsi constituer une intéressante tête de pont pour une entreprise souhaitant s'ouvrir au marché américain.

Pour conclure, M. André Lajoinie, président, a souligné que le Canada n'était pas seulement la porte d'entrée d'un continent, mais était aussi un pays pleinement ouvert à la coopération bilatérale, en effet, l'accord de libre échange et l'ALENA ne constituent pas des embryons d'un marché unique avec les Etats-Unis et le Mexique. En outre, la sécurité juridique des relations économiques avec ce pays fournit un important atout de développement pour des entreprises françaises qui peuvent saisir l'occasion d'une diversification économique, souhaitée par les autorités canadiennes dans les secteurs de l'innovation et des nouvelles technologies.

M. Jean-Marc Nudant a souligné la grande qualité dont font preuve nos diplomates et regretté que des moyens satisfaisants ne leur soient pas accordés, comme le montrait le débat tenu le 7 novembre à l'Assemblée nationale sur le budget des Affaires étrangères. Il a souhaité avoir des informations sur le fonctionnement concret de l'ALENA, qui réunit le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. Notant qu'au Canada 87 % des créations d'emplois étaient le fait des PME, il a demandé de quelles aides bénéficiaient ces entreprises, si la semaine de 35 heures était applicable au Canada et quelle était la durée moyenne d'une carrière professionnelle dans ce pays.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a observé que le marché canadien constituait, en matière d'investissements, une véritable « porte ouverte » sur l'Amérique du Nord. S'appuyant sur des exemples pris dans son département et notamment sur celui d'une entreprise de 25 salariés qui avait pu passer sans problèmes à la semaine de 35 heures sans pertes de salaires, elle a estimé que les facilités offertes au Canada aux investissements européens tenaient sans doute tout à la fois à la convivialité du pays, à son caractère francophone et à la simplicité des normes administratives applicables. Elle a manifesté ensuite son intérêt pour la discrimination positive opérée au Canada en faveur des femmes qui créent une entreprise. Rappelant les débats tenus à l'Assemblée nationale sur la parité et sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, elle s'est demandé si cette formule de la discrimination positive, qui est appliquée aussi aux Etats-Unis, ne pourrait être reprise en France.

M. Pierre Ducout s'est félicité d'une évolution qu'il a pu personnellement enregistrer depuis une vingtaine d'années, où l'on voit les diplomates français assumer de plus en plus, au-delà de fonctions culturelles ou de représentations certes utiles, des missions économiques et prendre ainsi en compte les questions que posent les échanges internationaux ou les aides aux investissements.

M. Patrick Rimbert a fait part de trois impressions tirées de cette mission au Canada, estimant ainsi que l'entité canadienne relevait avant tout d'une logique confédérale, que le Canada était profondément lié au bassin américain, mais aussi que, tout en se rapprochant du modèle offert par les Etats-Unis, il présentait en quelque sorte de nombreuses « connotations européennes » : en matière, par exemple, de niveau des salaires, de qualité de vie ou de protection sociale. M. Patrick Rimbert a noté également avec intérêt que, dans les villes canadiennes, à la différence de la situation qui prévaut dans de nombreuses villes américaines, la violence est réduite, comme l'est d'ailleurs la présence policière. Il a souligné la grande lisibilité du système canadien des aides aux entreprises ; la gestion de ces dernières s'opère, par ailleurs, a-t-il précisé, suivant un « fonctionnement en réseau » associant sous l'autorité d'un chef de réseau les différents partenaires et donne lieu la plupart du temps à des évaluations. N'y a-t-il pas là un modèle intéressant pour notre pays où, à l'inverse, l'on observe plutôt une véritable sédimentation des aides qui ne donnent très souvent pas lieu à une évaluation ?

M. Jean-Claude Daniel a entendu souligner la simplicité des techniques d'encouragement économique appliquées au Canada et insisté à son tour sur le fait que l'on n'observait pas, comme en France, de sédimentation des aides. Il a fait remarquer que les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) constituaient un secteur vital de l'économie canadienne, puisque leur nombre s'élève à 2,4 millions alors que la population de ce pays est deux fois inférieure à la nôtre. M. Jean-Claude Daniel a indiqué ensuite que la politique suivie en matière économique par les autorités canadiennes témoignait d'une véritable confiance dans l'avenir : l'allégement fiscal y est le principal instrument d'action et l'argent versé peut être considéré d'une certaine façon comme bonifié par la réussite. Le souci de préserver toutes les formes de diversité est une autre caractéristique intéressante du modèle canadien, bien loin de l'impression d'un « monolithisme américain » que l'on a pu avoir parfois, notamment lors des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). M. Jean-Claude Daniel a souligné ensuite l'intérêt des incubateurs à la mode canadienne et fait ressortir l'ampleur des échanges existant entre les laboratoires et les universités, comme l'avait plus particulièrement révélé un déplacement de la mission à l'Université de Laval. Il a souhaité enfin que les postes d'expansion économique et ceux de la délégation à l'aménagement du territoire (DATAR), dont les efforts sont aujourd'hui dispersés, travaillent dans l'avenir plus en synergie.

M. Nicolas Forissier a tenu à remercier les services diplomatiques et consulaires qui avaient rendu possible le très bon déroulement de la mission parlementaire. Il a également mis l'accent sur l'esprit consensuel qui avait régné entre les membres de la mission parlementaire, s'incarnant plus particulièrement dans l'attachement à une forme de « libéralisme tempéré ».

Estimant à son tour que le système français d'aide aux PME était « très éclaté », il a signalé qu'il existait bien au Canada différents niveaux d'intervention, mais que ceux-ci faisaient l'objet d'une vraie coordination : il n'y a pas ainsi de dispersion des informations données aux chefs d'entreprises. M. Nicolas Forissier a donné l'exemple d'un « guichet d'accueil » que la mission avait pu visiter à Vancouver, qui apportait aux créateurs d'entreprises au c_ur même de cette ville, les informations et les conseils nécessaires. Il s'est demandé si un tel système de soutien à la création d'entreprises, qui privilégie simplicité et clarté des mécanismes, ne pourrait inspirer les autorités françaises. Et ce, d'autant plus que ce système met en avant la responsabilité personnelle de l'entrepreneur ; des informations sont certes apportées à ce dernier, mais c'est lui qui en définitive décide et prend des risques : n'est-ce pas précisément ce que demandent nos créateurs d'entreprises ? Le modèle canadien est intéressant aussi parce qu'il donne la priorité, toujours pour mieux promouvoir l'autonomie de l'entrepreneur, aux réductions fiscales par rapport au versement de subventions et que les charges pèsent moins sur les entreprises que sur les ménages. L'objectif principal qui est retenu est évidemment de faciliter les créations d'entreprises et de favoriser par des programmes spécifiques l'introduction de nouvelles technologies.

S'agissant enfin des exportations, M. Nicolas Forissier a noté que les échanges commerciaux du Canada s'effectuaient pour l'essentiel avec les Etats-Unis et que les programmes existants d'aide aux PME concernaient surtout les échanges avec les autres Etats du continent américain ; il a souhaité qu'une diversification s'opère, offrant ainsi de réelles opportunités d'échanges pour les Européens.

En réponse aux différents intervenants, M. André Lajoinie, président, a apporté les précisions suivantes :

- il est vrai que les postes français à l'étranger, qu'il s'agisse des ambassades ou des consulats, s'intéressent plus qu'auparavant aux problèmes économiques. Ils nouent des contacts avec les entreprises des pays où ils sont implantés et facilitent de ce fait l'accès au marché local des entreprises françaises ;

- certaines destinations de mission sont négligées par les parlementaires. Ainsi, la délégation a pu apprendre que, hormis une visite d'une délégation du Sénat, le poste de Vancouver, en Colombie Britannique, n'avait pas reçu depuis dix ans environ de délégation de la représentation nationale ;

- les conditions de travail et d'emploi relèvent en général au Canada de la négociation collective beaucoup plus que de la loi. S'agissant de la nature des aides existant au Canada au profit des PME-PMI, celles-ci prennent plus la forme de réductions d'impôt que de subventions directes. Les aides proviennent essentiellement des provinces et de l'Etat fédéral ; il n'existe pas cependant de financements croisés. Les taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés sont bas, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial et, en contrepartie, les impôts sur les revenus des personnes sont très élevés. Il est cependant difficile d'établir des comparaisons entre les taux français et canadiens, car dans ce dernier pays, le système de santé étant étatisé, est entièrement financé par l'impôt et non par des cotisations sociales.

Le système public de santé canadien est directement inspiré du National health service britannique ; il semble pourtant plus performant que celui-ci, même si des listes d'attente existent pour bénéficier de soins spécialisés. Les Canadiens paraissent très attachés à leur régime de santé. Cela a pu être constaté au cours de la mission, étant donné le grand intérêt porté par la presse et la population en général pour une réunion des Premiers ministres de la Fédération et des provinces qui s'est tenue à Ottawa le 11 septembre dernier sur le niveau de la contribution fédérale au budget de la santé de chacune d'entre elles. L'existence de ce régime général et public de santé distingue le Canada des Etats-Unis, où l'administration Clinton n'a pas réussi au terme de son second mandat à mettre en pratique cet engagement électoral de 1992. Le maintien du régime canadien de santé, malgré l'intégration économique de plus en plus poussée du pays dans l'économie des Etats-Unis, dénote une résistance intéressante pour le maintien de la diversité entre les Etats ;

- l'accord de libre échange (ALE), pas plus que l'ALENA, ne peuvent être comparés à l'Union européenne. Il ne s'agit nullement d'un marché unique et les contrôles douaniers demeurent très présents aux frontières entre les deux pays. Les barrières non tarifaires aux échanges sont nombreuses et portent essentiellement sur les normes des produits. En outre, à la différence de l'Union européenne, il n'existe pas plus dans l'ALENA que dans l'ALE de structure communautaire définissant des directives qui s'imposent aux Etats ;

- il est probable qu'une meilleure coordination entre les structures des postes d'expansion économique et les bureaux de la DATAR à l'étranger permettrait à ces derniers de mieux jouer leur rôle et favoriserait, par l'apport d'investissements extérieurs, la création d'emplois nouveaux en France ;

- la tranquillité, qui caractérise les villes canadiennes par rapport à la violence qui peut être constatée aux Etats-Unis, tient probablement à plusieurs raisons. L'une des principales est l'existence d'un système de protection sociale qui limite l'exclusion. De plus, le poids des communautés, que favorise la reconnaissance de la double nationalité par le Canada, pèse en faveur de la stabilité. Ce système ne pourrait être transposé en France, où l'institutionnalisation des communautés heurte notre concept d'intégration, mais il faut tenir compte de la spécificité de chaque société ;

- la reconnaissance par le Canada de la double nationalité de certains de ses citoyens crée certaines tensions entre ce pays et son puissant voisin. Les Etats-Unis tirent en effet argument de cette possibilité pour interdire aux entreprises canadiennes de soumissionner dans le cadre d'appels d'offres de la défense nationale, contrairement aux accords de libre-échange qui lient les deux Etats.

La commission a ensuite autorisé à l'unanimité, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

2689 - Rapport d'information de M. André Lajoinie sur une mission effectuée au Canada du 10 au 18 septembre 2000 (commission de la production)

() Michael Lind, New America Foundation

() 1 dollar américain équivaut environ à 1,45 dollar canadien.

() sauf indication contraire, les sommes sont exprimées en dollars canadiens.

() Au Canada, produits agricoles soumis à la gestion de l'offre (produits laitiers, volaille) ; aux Etats-Unis, sucre, produits laitiers, arachides et coton.

() La dernière en date implique UPS qui attaque le Gouvernement canadien pour les activités jugées déloyales de la filiale de Postes Canada, Purolator, spécialisée dans le courrier express.

() Périodiques américains intégrant massivement, à l'occasion de leur diffusion au Canada, de la publicité canadienne mais très peu d'éléments éditoriaux canadiens.