graphique

N° 3401

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 novembre 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1), SUR LA CRÉATION D'UN NOUVEL AÉROPORT À VOCATION INTERNATIONALE

PAR M. Philippe DURON

Président

--

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Transports aériens

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : 
M. Philippe Duron, président ; MM. Félix Leyzour, Jean-Michel Marchand, Patrick Ollier, vice-présidents ; MM. Yves Coussain, Nicolas Forissier, secrétaires ; MM. Pierre Cohen, Jean-Claude Daniel, Jean Espilondo, Gérard Hamel, René Mangin, Henri Nayrou, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Serge Poignant, François Sauvadet.

Composition de la Délégation et accès aux notices biographiques des députés

AVERTISSEMENT 5

INTRODUCTION 7

I - LE TRANSPORT AÉRIEN EST UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION 8

A. LES CAPACITÉS AÉROPORTUAIRES NE SONT PAS OPTIMISÉES 9

B. LE PAYSAGE DU TRANSPORT AÉRIEN EN EUROPE SE RECOMPOSE 10

1. L'autorisation des fusions 10

2. La révision du cadre des relations internationales 10

3. La recomposition du ciel européen 11

C. LE DÉVELOPPEMENT ULTÉRIEUR DU TRANSPORT AÉRIEN ET LA CRISE ACTUELLE 12

II - LES PROPOSITIONS DE LA DÉLÉGATION 13

A. RECONQUÉRIR LA CONFIANCE DE LA POPULATION 13

1. Le transfert du fret 14

2. Des mesures fines du contrôle du trafic 14

3. La taille des avions 15

4. La réglementation du bruit 16

5. Les règles de constructibilité 16

B. VALORISER LES AÉROPORTS RÉGIONAUX 16

C. ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU FERROVIAIRE ET DE L'INTERMODALITÉ 18

1. La substitution du train à l'avion 18

2. L'intermodalité 19

D. LA NÉCESSAIRE INTERNALISATION DES COÛTS EXTERNES DU TRANSPORT AÉRIEN 20

1. La taxation du kérosène 20

2. Les coûts terrestres 21

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION 23

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 27

Comptes-rendus des travaux de la Délégation à l'Aménagement du territoire

Avertissement

La Délégation à l'aménagement du territoire s'est saisie de la problématique visant à créer une troisième plate-forme aéroportuaire en Ile-de-France. Elle n'a pas souhaité interférer dans le débat public, dont l'animation avait été confiée à M. Pierre Zémor. C'est pourquoi elle n'a engagé sa réflexion qu'avec la rentrée parlementaire, au mois d'octobre 2001. Malgré le choix par le Gouvernement du site de Chaulnes, il nous a semblé utile d'émettre cet avis et de contribuer ainsi à la nécessaire réflexion sur la politique aéroportuaire française et les conditions d'implantation de la future plate-forme dans le département de la Somme.

Philippe Duron,
Président

Mesdames, Messieurs,

Le 26 octobre dernier, le Gouvernement décidait la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale en région parisienne.

Cette décision est fondée sur la croissance attendue du transport aérien. Les schémas multimodaux de services collectifs de transport indiquent que le trafic a augmenté de 4,6 % par an entre 1990 et 2000 et prévoient la poursuite de la progression de la demande de transport en retenant une croissance de trafic de 3,4 % par an.

Cette estimation tient compte de l'évolution du trafic aérien au cours des années passées. Une enquête menée par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) du Ministère de l'équipement, du logement et du transport montre qu'il a augmenté de 4,6 % l'an entre 1990 et 2000. Cette hausse a plusieurs causes, en particulier la baisse importante des tarifs et la position de la France comme premier pays touristique du monde : elle représente 7 % du trafic aérien pour 1 % de la population. De surcroît, Paris est la première place mondiale des congrès.

Tous les experts s'attendent à ce que la demande continue à progresser à long terme, les loisirs étant devenus, du fait de l'évolution des m_urs, le premier poste de dépenses des ménages. La réduction du temps de travail confortera cette tendance.

Le Livre blanc de la Commission européenne sur la politique des transports à l'horizon 2010 estime que "l'Europe ne pourra pas faire l'économie de nouvelles infrastructures aéroportuaires" : elle indique que le doublement du trafic tous les dix à quatorze ans est probable et souligne que la création de nouvelles plates-formes est une condition essentielle pour éviter une perte de compétitivité des compagnies européennes par rapport à leurs concurrents nord-américains, alors que, pourtant, les projets de nouveaux aéroports sont peu nombreux (Lisbonne, Berlin, Paris).

Parallèlement à cette augmentation prévisible, le trafic d'Orly a déjà été limité à 250.000 mouvements par an et le couvre-feu instauré, fait unique en Europe au moment où il a été décidé ; le ministre des transports, M. Jean-Claude Gayssot, a déclaré en 1997 que le seuil annuel de 55 millions de passagers devait être un plafond pour l'aéroport de Roissy, qui en a accueilli 48 millions en 2000. Ces décisions ont été prises en raison de l'ampleur des nuisances supportées par les riverains, qu'il s'agisse du bruit ou de la pollution.

Il en résulte que l'offre aéroportuaire actuelle sera insuffisante au cours des années à venir, la demande excédentaire étant évaluée à 50 millions de passagers dans le cas d'une croissance du trafic de 3,4 %.

Une lettre de mission signée de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, et de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a chargé M. Pierre Zémor d'organiser un débat public à propos de cette nouvelle plate-forme.

Au terme de ce débat de six mois, le gouvernement, choisissant parmi les huit sites candidats, s'est prononcé en faveur du site de Chaulnes dans la Somme.

Parallèlement à cette réflexion et à ce débat sur le transport aérien, on constate que la recomposition territoriale est en marche, grâce à l'adoption de trois lois : la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (1), la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (2) et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (3). Cette recomposition modifiera la donne démographique et économique ; or, une meilleure distribution de l'offre de transport ne peut que stimuler ce mouvement.

La Délégation estime que le choix d'une stratégie aéroportuaire est important pour conforter cette nouvelle politique. C'est pourquoi la Délégation, qui n'a pas souhaité interférer avec les travaux du débat public, a jugé nécessaire, après avoir réalisé des auditions sur cette question, attirer l'attention du gouvernement sur quelques points.

I - LE TRANSPORT AÉRIEN EST UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION

Ce secteur évolue sensiblement et rapidement. Il s'ensuit que plusieurs défis doivent être relevés, dont il faudra tenir compte au cours des prochaines années. Il faut néanmoins souligner la très grande prudence avec laquelle on doit envisager ces évolutions, tant l'avenir paraît entaché d'incertitudes.

A. LES CAPACITÉS AÉROPORTUAIRES NE SONT PAS OPTIMISÉES

Les riverains acceptent de plus en plus mal les nuisances générées par un aéroport - qu'il s'agisse du bruit ou de la pollution. Le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé la contribution de l'aviation aux émissions de gaz à effet de serre à 4 % environ du total planétaire. En Ile-de-France, les deux aéroports sont responsables de 30 % de la pollution de la région en période de pic de pollution.

Le bruit - surtout nocturne - est de moins en moins toléré par les riverains. C'est pourquoi un organisme a été mis en place par le gouvernement en 1999, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), chargé de garantir la qualité des informations sur le bruit et de fournir des avis indépendants sur les mesures de lutte à mettre en place et habilité à pénaliser en cas d'infraction.

Le gouvernement a également été amené à plafonner en 1997 l'activité de Roissy à 55 millions de passagers par an, alors que le trafic en 2000 s'élevait à 48 millions.

Cette mesure n'est pas spécifiquement française. D'autres gouvernements sont contraints de limiter le trafic de certains aéroports. Le cas de Zurich est encore plus frappant puisque le nombre de mouvements annuels a été ramené de 150 000 à 100 000, à la suite d'un accord entre l'Allemagne et la Suisse : c'est la première fois qu'une restriction aéroportuaire est déterminée par les contraintes d'un pays voisin et par les contraintes de survol à une distance aussi longue de l'aéroport.

C'est la première fois qu'une telle mesure apparaît dans un pays voisin et qu'elle concerne le survol d'une zone à une aussi longue distance de l'aéroport.

Désormais, pour la plupart des aéroports, la limite n'est pas seulement technique, mais aussi environnementale - même s'il est vrai que, parallèlement, les pistes sont saturées et que la gestion des aéroports n'est pas suffisamment efficace car les compagnies gardent des créneaux qu'elles n'utilisent pas. Pour Roissy en particulier, la limite n'est pas physique puisque, techniquement, cet aéroport pourrait accueillir 90 millions de passagers.

Aussi le Livre blanc de la Commission européenne estime indispensable de "réconcilier la croissance du transport aérien avec l'environnement".

Il est nécessaire de prendre en compte les indicateurs du développement durable. Ce paramètre ne peut plus être occulté ; cette nécessité figure dans les conclusions du Conseil européen de Göteborg.

Il devient indispensable de réduire à la fois le bruit et les rejets. Cet impératif est de plus en plus présent. Les réflexions à ce sujet se multiplient tant au niveau national, qu'européen.

B. LE PAYSAGE DU TRANSPORT AÉRIEN EN EUROPE SE RECOMPOSE

Il n'existe pas encore de politique européenne dans la gestion aéroportuaire ou dans celle des nuisances. Toutefois, plusieurs axes de réflexion, plusieurs propositions apparaissent.

1. L'autorisation des fusions

Du fait de la dérégulation, dans un monde concurrentiel de plus en plus exigeant, les compagnies aériennes font alliance afin de réaliser les économies d'échelle, tout en s'assurant une plus grande maîtrise commerciale de l'espace aérien. Ces alliances permettent aux compagnies d'unir leurs forces, faute de pouvoir fusionner, mais elles demeurent fragiles. En Europe, il est impossible à une compagnie étrangère de prendre une participation de plus de 49 % dans le capital d'une compagnie aérienne. De ce fait, les liaisons transatlantiques sont réparties entre plus de vingt compagnies du côté européen contre sept compagnies américaines - dont le nombre pourrait d'ailleurs diminuer en raison des fusions encours aux Etats-Unis.

Cette impossibilité de fusionner a pour conséquence la faillite de certaines compagnies. Il semblerait que, d'ici quelques années, seul un petit nombre de compagnies européennes puissent survivre.

Pour faire face à cette difficulté, la Commission européenne envisage de modifier les règles de propriété afin d'autoriser les fusions.

2. La révision du cadre des relations internationales

La Commission européenne souhaite par ailleurs revoir le cadre des relations internationales.

Actuellement, les accords bilatéraux entre certains Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis limitent l'exercice des droits de trafic aérien aux seules compagnies nationales. Dans les négociations des accords entre les Etats-Unis et les pays membres de l'Union européenne, les premiers ne reconnaissent que les compagnies de chaque Etat membre et pas de compagnies européennes. L'objectif est donc, ainsi que le précise le Livre blanc, de "communautariser la nationalité des compagnies aériennes européennes dans les rapports avec les pays tiers". Désormais, ce serait l'Union européenne qui négocierait les conditions d'accès aux plates-formes aéroportuaires, ce qui conférerait aux compagnies européennes une situation beaucoup plus favorable.

Aujourd'hui, les compagnies des Etats européens ne peuvent opérer qu'à partir de leur base nationale. Elles n'ont en général qu'un seul hub alors que leurs concurrents américains en ont plusieurs, grâce auxquels elles peuvent proposer des liaisons intercontinentales. Avec la réforme des conditions d'accès aux aéroports, les opérateurs pourraient exercer dans d'autres pays que le leur. Air France pourrait ainsi prévoir un hub à l'étranger et des compagnies européennes pourraient en installer un dans un aéroport de province, Lyon ou Notre-Dame des Landes à Nantes, ce qui pourrait augmenter la masse critique de celui-ci et lui permettre de jouer un rôle au plan international.

Cette Europe intégrée pourrait être reliée le mieux possible au reste du monde. Cette évolution pourrait permettre d'optimiser l'action des compagnies, et d'éviter les doublons : ainsi Air France pourrait faire partir certains de ses vols d'Italie, par exemple.

On passerait ainsi d'une vision centripète du transport aérien à une vision centrifuge. La porte d'entrée pour le sud-ouest, dans cette optique, pourrait être, par exemple, Toulouse ou Bordeaux, mais aussi Barcelone. Le développement polycentrique du territoire de l'Union européenne, qui est l'un des principes de base du schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC) pourrait conduire à une spécialisation des plates-formes aéroportuaires.

3. La recomposition du ciel européen

La Commission européenne envisage d'ailleurs d'autres mesures pour recomposer le ciel européen, et, notamment, une nouvelle approche du droit d'accès aux plates-formes.

Le 10 octobre dernier, elle a proposé que l'Union européenne réalise en 2004 un ciel unique. Cela suppose que le prestataire de services soit séparé du régulateur. Un régulateur communautaire définira les objectifs assurant la croissance du trafic tout en garantissant la sécurité. Les compétences de ce régulateur devront s'exercer sur un espace aérien plus uniforme, qui sera défini comme une ressource commune. Cette mesure a été contestée par la France au nom du principe de subsidiarité.

Parallèlement, la Commission a suggéré la remise en cause des espaces réservés aux autorités militaires afin d'obtenir plus de flexibilité dans la gestion de l'espace aérien. Actuellement, en effet, quatre Etats ont des espaces militaires réservés (la Belgique, la France, l'Italie et la Grèce). Il s'agit donc de réaliser une véritable gestion commune à la fois civile et militaire du trafic aérien.

La troisième proposition vise à renforcer l'interopérabilité des équipements.

Si elles devaient être adoptées, ces différentes mesures pourraient permettre de surmonter la fragmentation excessive du système de gestion du trafic aérien, héritée du passé.

C. LE DÉVELOPPEMENT ULTÉRIEUR DU TRANSPORT AÉRIEN ET LA CRISE ACTUELLE

De façon générale, les experts s'accordent à penser que l'impact des attentats aux Etats-Unis du 11 septembre dernier, important à court terme, ne devrait pas remettre en cause la forte augmentation prévue à long terme.

On peut toutefois estimer que, contrairement à une opinion assez répandue, la crise actuelle est sensiblement différente de celle de la guerre du Golfe. En 1990, le trafic mondial avait chuté de 4 %, mais il avait repris sa croissance dès l'année suivante, la diminution étant complètement effacée au bout de cinq ans.

Il faut tout d'abord souligner que l'aviation a été au c_ur même de la crise, un des instruments de la crise, et tenir compte également du traumatisme du pays - les Etats-Unis - qui sont le plus gros consommateur de transport aérien du monde. A la suite des attentats, le trafic aérien américain a chuté de 50 % et le gouvernement a dû soutenir les compagnies américaines à hauteur de 15 milliards de dollars, même s'il est vrai que le secteur aérien connaissait déjà auparavant des difficultés.

En deuxième lieu, la crise va entraîner un renchérissement des coûts liés à l'amélioration de la sûreté et à l'augmentation des primes d'assurance imposées aux compagnies. Un premier chiffrage des coûts que représentera la sûreté pour les exploitants et qui se répercutera à plus long terme sur le prix de la prestation conduit à une augmentation de 1 % (ce qui est équivalent au renchérissement du prix du kérosène pendant la guerre du Golfe). Toutefois, le prix du pétrole a baissé de nouveau après la guerre du Golfe, tandis que le coût de la sûreté sera structurel. Une réelle incertitude demeure donc à propos des évolutions futures.

Indépendamment des récents attentats, les experts s'attendent à ce que la sécurité aérienne marque un palier au cours des années à venir, un accident grave par semaine pouvant survenir dans le monde, selon leurs prévisions. Bien que le transport aérien soit un des modes de transport les plus sûrs, l'annonce de catastrophes plus fréquentes pourra être un élément de dissuasion supplémentaire.

Inversement, le développement du transport aérien sera stimulé par la demande de nouveaux acteurs, par exemple la Chine et les pays de l'Europe de l'Est.

Le nouvel aéroport sera donc construit dans un environnement profondément modifié. Face à cette nouvelle donne, la Délégation à l'aménagement du territoire souhaite faire quelques propositions.

II - LES PROPOSITIONS DE LA DÉLÉGATION

A. RECONQUÉRIR LA CONFIANCE DE LA POPULATION

La construction du nouvel aéroport ne sera achevée que vers 2015 au plus tôt. L'amélioration de la situation des riverains d'Orly et de Roissy ne peut attendre ce terme ; d'ailleurs la mise en service de la future plate-forme ne permettra pas, par elle-même, de remédier aux nuisances actuelles, puisque toutes choses égales par ailleurs, l'activité de Roissy restera au niveau fixé par le Gouvernement (250 000 mouvements annuels à Orly et 55 millions de passagers à Roissy, seuil qui n'est d'ailleurs pas encore atteint). On doit en outre rappeler que la création, en Grande-Bretagne, de l'aéroport de Stansted n'a pas allégé les nuisances générées par Heathrow et Gatwick. Il faut donc renforcer la crédibilité des décisions politiques prises dans ce domaine, poursuivre la concertation avec les riverains, comme l'a d'ailleurs proposé M. Pierre Zémor au terme du débat public, afin que l'Etat explique sa position, et prendre diverses mesures pour réduire les nuisances le plus rapidement possible.

1. Le transfert du fret

Au cours des auditions effectuées par la Délégation, plusieurs intervenants ont suggéré de regrouper le fret tout cargo sur des plates-formes situées dans des zones faiblement peuplées. La Délégation juge en effet intéressante l'idée de délocaliser l'activité de Fedex et de l'Aéropostale sur l'aéroport de Vatry, conçu pour le fret, même si elle doit entraîner une indemnisation de ces entreprises. Rappelons que Fedex transporte à Roissy 120 000 tonnes en 2000 et que 240 000 tonnes sont prévues en 2004, principalement la nuit pour des raisons de correspondance horaire. Cela serait d'autant plus envisageable que 70 % du trafic de Fedex est constitué de fret en transit.

Cette mesure permettrait d'améliorer réellement la situation des Franciliens : il est d'ailleurs étonnant que la limite imposée à Roissy ne porte que sur les passagers, ce qui la rend relativement inefficace ; en effet, le bruit est causé principalement la nuit à Roissy par le fret transporté par les intégrateurs. Le trafic nocturne s'est proportionnellement récemment plus développé que le trafic diurne. D'après notre collègue M. Jean-Pierre Blazy, le nombre annuel de mouvements d'avions entre 22 heures et 6 heures est passé à Roissy de 41 908 en 1997 à 57 731 en 2000.

Ce transfert vers l'aéroport de Vatry serait d'ailleurs en concordance avec la proposition de loi déposée au printemps dernier par M. Yves Cochet, avant qu'il ne soit ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et qui tendait à interdire aux aéronefs de décoller et d'atterrir la nuit de tous les aéroports français. Le gouvernement a annoncé, à l'occasion de l'annonce de la localisation du troisième aéroport à Chaulnes, la possibilité d'étudier ce transfert.

On pourrait également délocaliser les charters, puisque ceux-ci volent la nuit et que leurs passagers acceptent de faire quelques dizaines de kilomètres pour se rendre à l'aéroport (c'est le cas pour la liaison entre Beauvais et l'Angleterre, par exemple).

2. Des mesures fines du contrôle du trafic

D'autres mesures plus limitées pourraient être prises. La contre-expertise menée à la demande d'associations pendant le débat public conclut à la nécessité de mesures ciblées pour contrôler le trafic, comme aux Pays-Bas ou en Angleterre. Il s'agirait de taxes sur le bruit généré, sur le type d'avion ou sur l'heure des vols, ou de restrictions horaires. La sélectivité des appareils autorisés à atterrir devrait être par ailleurs renforcée.

Il faut toutefois souligner que les mesures liées aux horaires seraient limitées par le fait que, par nature même, les hubs sont un instrument de correspondance entre différents vols qui arrivent et repartent dans un même créneau horaire : on ne peut donc influencer les horaires qu'à la marge. On le peut, en revanche, plus aisément pour les vols de point à point et pour les vols charters. On pourrait ainsi interdire un certain nombre de créneaux de nuit ou tout au moins en réduire le nombre. Cela est d'autant plus indispensable que, selon Aéroports de Paris, quelque 40 000 mouvements nocturnes ont été enregistrés à Roissy en 2000 (entre 23 heures et 6 heures), contre 36 000 en 1999. Comme l'a fait remarquer M. Yves Cochet dans son rapport, si ce rythme se maintenait, le nombre de mouvements nocturnes doublerait en sept ans.

3. La taille des avions

La taille des avions peut également apporter une amélioration et l'augmentation de l'emport moyen pouvait également figurer parmi les solutions, puisque nous sommes dans un système de plafonnement par passager. Il faudrait réfléchir à la possibilité de maximiser le nombre de passagers transportés par vol. Le Livre blanc fait remarquer que la logique des réseaux étoilés (appelée communément "hub and spoke") résultant de la libéralisation, est de privilégier une multiplicité de vols arrivant dans une même plage horaire afin de réaliser les correspondances en un temps minimal. Auparavant, le modèle qui prévalait était celui d'une desserte par un nombre limité de transporteurs par des vols comportant des escales successives. Cette situation s'expliquait par l'existence d'un marché réglementé. Le remplacement des vols directs par des vols indirects via les hubs aéroportuaires a entraîné une réduction de la taille moyenne des avions, les compagnies aériennes privilégiant la fréquence des vols, plutôt qu'une desserte limitée avec de gros porteurs, ce qui favorise la congestion avec des conséquences en termes de nuisances. Ainsi, le hub de Roissy offrait-il 1886 correspondances en deux heures en 1996 pour en atteindre environ 15 000 en 2001.

Il importe donc de réfléchir à la possibilité de maximiser le nombre de passagers transportés par vol. Cela devrait être possible grâce notamment à la nouvelle génération d'Airbus, qui apparaîtra vers 2006 ou 2007. On pourra probablement réaliser, pour le même trafic, un peu moins de mouvements. Par ailleurs, les Etats-Unis ont instauré des taxes d'atterrissage plus élevées pendant les périodes de congestion, même si jusqu'à présent ce type de mesures n'avait pas eu l'effet escompté. L'utilisation de gros porteurs ne réduira pas, évidemment, le trafic de connexion, et rendra encore plus indispensable la mise en place de transports intermodaux.

4. La réglementation du bruit

Les avions actuels sont moins bruyants que leurs prédécesseurs : en 1999, 93,3 % des mouvements nocturnes ont été réalisés par des appareils "chapitre 3" contre 57 % dix ans avant. Mais cette amélioration n'est pas ressentie par les riverains, en raison, notamment, de l'explosion du trafic. En tout état de cause, le retrait des avions les plus bruyants, dits du "chapitre 2", prévu en 2002 est un premier élément positif.

Les règles relatives au bruit envisagées par la Commission seront les bienvenues : un aéroport pourra interdire les avions dépassant de cinq décibels les limites autorisées. Cette mesure aura l'avantage de réduire les nuisances sonores, et, surtout, d'éviter les distorsions de concurrence, certains Etats ne réglementant actuellement pas le bruit ou peu sévèrement, de crainte que les vols ne se reportent sur les pays voisins.

5. Les règles de constructibilité

Enfin, il ne faudra pas réitérer les erreurs du passé pour le futur aéroport. On a construit Roissy trop près de la ville, et de plus on a laissé l'urbanisation se développer ensuite.

Il convient donc de prévoir un plan d'exposition au bruit assez large et concerté afin d'empêcher toute construction dans un certain périmètre, et faire éventuellement évoluer les textes pour permettre une protection plus efficace. En effet, les plans ne couvrent que les zones les plus exposées au bruit, si bien qu'il est possible de vivre près d'un aéroport et de subir une nuisance réelle sans pour autant habiter à l'intérieur d'un périmètre de gène sonore. Faute d'une telle mesure, l'urbanisation gagnera, se rapprochera de l'aéroport, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent. Ce point fait partie des propositions formulées par M. Pierre Zémor à l'issue du débat public ; il a également abondamment été soulevé par les participants aux auditions de la Délégation, dont certains ont même fait remarquer qu'aucune règle ne permettait de protéger les habitants situés sous les couloirs aériens.

B. VALORISER LES AÉROPORTS RÉGIONAUX

La valorisation des plates-formes régionales d'intérêt européen, telles que Lyon-Saint-Exupéry et le futur aéroport Nantes-Notre-Dame des Landes, voire Toulouse, est un impératif d'aménagement du territoire.

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999, dans son article 2, énonce que la politique d'aménagement et de développement durable du territoire repose sur "le renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne".

Il est indéniable que les transports - et notamment le transport aérien - sont un facteur essentiel pour l'émergence de ces pôles. Il n'existe d'ailleurs pas de contradiction entre la croissance des aéroports parisiens et celle des aéroports régionaux.

Une stratégie volontariste doit donc être développée en ce sens.

Les études réalisées par le ministère des transports prévoient un report possible de cinq millions de passagers sur les aéroports de province. Les schémas de services collectifs mettent aussi l'accent sur cette évolution. Il est prévu que le trafic de Lyon passe par exemple, de 6 à 15 millions au cours des vingt ans à venir. Le ministre des transports a d'ailleurs précisé que le nouvel aéroport en région parisienne ne suffirait pas à lui seul à canaliser l'explosion du trafic aérien, et qu'il faudrait donc réaliser l'aéroport de Notre-Dame des Landes à Nantes et renforcer d'autres plates-formes régionales. Le Premier ministre a déclaré en novembre 2000 que la politique aéroportuaire française devait reposer sur "une vision globale fondée sur le développement d'un véritable réseau de plates-formes complémentaires à l'échelle nationale" et que les principaux aéroports régionaux constituaient un véritable atout d'aménagement du territoire et de développement économique. La décision finale réaffirme cette nécessité. Le gouvernement a d'ailleurs prévu un prêt de 5 milliards de francs (soit près de 762 millions d'euros) pour contribuer à la promotion des aéroports de province.

La suggestion du Livre blanc de la Commission européenne de maintenir des "taxis de l'air" pour les destinations non desservies par des trains rapides - entre métropoles régionales elles-mêmes ou entre métropoles régionales et hubs - n'est pas non plus à négliger.

Une réflexion doit donc être entreprise afin d'amplifier ce mouvement. Le recensement de 1999 montre l'évolution de la répartition de la population : les retraités, dont le nombre va augmentant et croîtra encore au cours des années à venir, quittent de plus en plus l'Ile-de-France ; ils ont d'autant plus besoin d'infrastructures aéroportuaires qu'ils ont pris l'habitude de voyager et sont donc consommateurs de transports. De même, un nombre croissant de cadres ne souhaitant pas travailler à Paris s'installent en dehors de la région parisienne. Il en résulte que la population dans la moitié sud du territoire a tendance à augmenter et que, par conséquent, la montée en puissance d'autres plates-formes est vraisemblable et nécessaire. La qualité du réseau ferré français permettrait, d'ailleurs si l'intermodalité était encouragée, d'acheminer les passagers vers ces plates-formes.

Si l'on considère que chaque million de passagers supplémentaire induit la création de 4 000 emplois, le renforcement des aéroports de province serait bénéfique également d'un point de vue économique pour les zones concernées.

Le problème principal à cet égard est que ces aéroports n'ont pas atteint la masse critique suffisante en termes de passagers et d'offre de transports, comme en témoigne l'échec, à plusieurs reprises, de la ligne Lyon-New-York. La France présente en effet une singularité : elle n'a qu'une porte d'entrée sur son territoire, Paris (l'aéroport de Nice assurant des vols européens et quelques vols intercontinentaux pour des raisons touristiques), alors que les pays voisins de dimensions comparables (l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, par exemple) possèdent deux ou trois hubs importants.

Mais ces différents changements, l'application du polycentrisme maillé au territoire européen, l'organisation du ciel unique avec la possibilité pour les opérateurs européens d'exercer leur activité à partir d'autres pays européens que ceux dont ils sont originaires devraient permettre d'augmenter la masse critique des aéroports régionaux. Ce stade atteint, ils pourraient jouer un rôle européen plus important. Il faut d'ailleurs se rappeler que 50 % des passagers d'Orly et de Roissy ne vivent pas en Ile-de-France, ce qui tendrait à montrer qu'il n'existe pas d'adéquation très étroite entre la résidence et l'utilisation d'un aéroport.

C. ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU FERROVIAIRE ET DE L'INTERMODALITÉ

1. La substitution du train à l'avion

La valorisation du réseau ferré, et notamment du TGV, est également une piste à ne pas négliger, d'autant que nous avons la chance de disposer d'un réseau ferré performant. Le transfert des passagers de l'avion vers le train pourrait s'effectuer non seulement en France, mais aussi dans une certaine mesure, en Europe.

Cette évolution sera forcément limitée en raison de la saturation des lignes existantes ainsi que du coût de la construction de nouvelles lignes. Toutefois, les reports possibles du mode aérien sur le mode ferroviaire sont estimés au total à presque 10 millions de passagers en 2020. Les TGV, pour des trajets de moins de deux heures "prennent" 50 % des passagers à l'avion, de trois heures 30 %. Les statistiques des dix dernières années montrent que le trafic aérien en France équivalant à une durée de moins de trois heures de train a stagné. Le trafic aérien intérieur équivalant à plus de trois heures par train a eu une croissance modérée. Au-delà de 1000 kms, l'avion conserve l'avantage, même si le TGV de nuit est susceptible d'entrer en concurrence sur ce marché. Entre 500 et 1000 kms, la rivalité entre les deux types de transport s'accroîtra.

Le Livre blanc de la commission européenne estime qu' "il n'est plus pensable que certaines liaisons aériennes soient maintenues sur des destinations où il existe de facto une alternative ferroviaire à grande vitesse compétitive. On pourrait ainsi opérer un transfert de capacité vers des axes où n'existe pas de service ferroviaire à grande vitesse". Force est de constater que la libéralisation a conduit au fait que les compagnies aériennes offrent vers certaines destinations plus de vols que ne le nécessite la demande. Un ancien directeur général d'Eurocontrol faisait remarquer qu'on comptait 27 vols aller-retour par semaine entre Paris et Nice en 1995 et que ce nombre a été porté à 40 en 2000 (4). La raison en est que les compagnies veulent proposer à leurs clients un large choix et défendre leurs parts de marché sur certaines destinations où la concurrence est vive.

Une étude commanditée par l'Union européenne et l'Union internationale des chemins de fer (UIC), réalisée en 1993, estimait que le nombre de voyageurs-kilomètres augmenterait de 3 % entre 1990 et 2010. La réalisation du réseau européen à grande vitesse entraînerait un accroissement du trafic ferroviaire de 73 % provenant pour les trois-quarts des transferts des modes routiers et aériens. La plupart des pays européens envisagent de développer leur réseau à grande vitesse.

2. L'intermodalité

Le train a en outre un rôle important à jouer pour développer l'intermodalité, l'un des objectifs principaux des schémas multimodaux de services collectifs de transport et de l'Union européenne, le Livre blanc mettant, en effet, l'accent sur la nécessité de "lier le destin des modes de transport".

Le TGV sera un facteur d'intensification de l'activité des aéroports régionaux et du nouvel aéroport en valorisant leur desserte terrestre. Il apparaît en effet que, à l'échelle des voyages internationaux, l'intermodalité progresse car elle offre un gain en termes de temps et de coût. La complémentarité entre les deux modes de transport sera d'autant plus efficace que l'interconnexion entre les réseaux sera réalisée, la coordination des horaires des trains en phase avec ceux de hubs aériens, des billets air-fer prévus à la fois au niveau des tarifs et des réservations simultanées et les bagages enregistrés jusqu'à leur destination finale. Une enquête réalisée en 1999 évalue à environ 900 000 aujourd'hui le nombre de passagers pré-acheminés par le train à Roissy, soit seulement 2,1 % du total. En se fondant sur un scenario volontariste dans lequel la totalité du trafic aérien transiterait par le rail pour toute destination desservie par le train en moins de deux heures, le trafic de passagers intermodaux serait de l'ordre de 4 millions d'ici 20 ans.

D. LA NÉCESSAIRE INTERNALISATION DES COÛTS EXTERNES DU TRANSPORT AÉRIEN

1. La taxation du kérosène

Le transport aérien est la seule activité de transport qui ne supporte aucune taxe sur le carburant dont elle a besoin en vertu d'accords internationaux. La directive européenne sur les droits d'accises exempte le kérosène utilisé par l'aviation, conformément à la Convention de Chicago qui, dans son article 24, dispose que "le carburant, les lubrifiants, les pièces détachées, les équipements réguliers et les approvisionnements embarqués à bord d'un avion d'un Etat contractant... devront être exemptés des droits de douane, d'inspection, de taxes, de droits et redevance nationaux similaires". Le kérosène est exempté à la fois pour les vols internationaux et les vols intracommunautaires, ce qui n'incite pas les compagnies à utiliser les avions les plus performants et à participer à la réduction des émissions de CO 2. De surcroît, les transports aériens ne sont pas soumis à la TVA, contrairement aux transports terrestres, ce qui induit des distorsions de concurrence. Une réflexion à ce sujet est nécessaire.

Une directive prévue à l'horizon 2003 vise à internaliser les coûts externes liés à l'environnement. Il faut souligner toutefois qu'il est difficile d'envisager au niveau européen seulement la taxation du kérosène ; une telle position doit être adoptée au plan international . Les Etats-Unis et la Suède ont instauré une très faible taxe sur ce carburant, cette dernière pour les vols auxquels il existe une alternative, par exemple, le TGV, ce qui pourrait peut-être s'avérer une piste intéressante.

Pour ne pas remettre en question les règles internationales, il a été envisagé de supprimer l'exemption des taxes sur le kérosène sur les vols intra-communautaires; Cette option pose néanmoins problème dans la mesure où elle suppose un traitement égal des opérateurs non communautaires assurant un vol intra-communautaire. La réflexion sur ce sujet n'a donc pas encore abouti à des projets opérationnels.

Enfin, la Commission étudie, comme solution complémentaire, voire alternative, de moduler les redevances de navigation aérienne en route afin tenir compte des nuisances environnementales générées par les avions.

Plus généralement, on pourrait imaginer, comme l'a proposé récemment l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), que les compagnies aériennes, pour lutter contre l'effet de serre, pourraient acheter des "droits à polluer". C'est l'application du principe "pollueur payeur", afin de tenir compte des conséquences du transport aérien sur l'effet de serre.

2. Les coûts terrestres

Le coût des dessertes terrestres est rarement évoqué, en particulier pour le nouvel aéroport. Soit ils sont supportés par la collectivité, ce qui est le cas des infrastructures ferroviaires dont le coût n'est pas compté complètement dans le prix du billet de train, soit ils sont imputés au passager aérien ou à l'opérateur exploitant la nouvelle plate-forme. Ce point mériterait réflexion.

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Au cours de sa séance du mercredi 21 novembre 2001, la Délégation a examiné le rapport de M. Philippe Duron, président, sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale.

M. Philippe Duron, président, a rappelé que la décision du gouvernement de créer un nouvel aéroport international était fondée sur la croissance attendue du transport aérien, les schémas multimodaux de services collectifs de transport retenant une croissance de trafic de 3,4 % par an. Le Livre blanc de la Commission européenne sur la politique des transports à l'horizon 2010 estime, pour sa part, que "l'Europe ne pourra pas faire l'économie de nouvelles infrastructures aéroportuaires". Une incertitude demeure toutefois après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis quant à leur impact à terme sur le trafic aérien.

Le transport aérien est un secteur en pleine évolution, si bien que plusieurs défis doivent être relevés, dont il faudra tenir compte au cours des prochaines années. Les capacités aéroportuaires ne sont pas optimisées, les riverains acceptant de plus en plus mal les nuisances générées par un aéroport : c'est pourquoi le gouvernement a été amené à plafonner en 1997 l'activité de Roissy à 55 millions de passagers par an, celle d'Orly étant déjà limitée à 250 000 mouvement annuels. D'autres pays sont confrontés aux mêmes difficultés : à la suite d'un accord entre la Suisse et l'Allemagne, le nombre de mouvements annuels de l'aéroport de Zurich a été ramené de 150 000 à 100 000. Pour la plupart des aéroports, la limite n'est plus seulement technique, mais environnementale. C'est ainsi que le Livre blanc estime indispensable de "reconcilier la croissance du transport aérien avec l'environnement". Il est de plus en plus nécessaire de prendre en compte les indicateurs du développement durable.

Parallèlement, le paysage du transport aérien européen se recompose. La Commission prévoit d'autoriser les compagnies européennes à fusionner et de revoir le cadre des relations internationales. Actuellement, l'exercice des droits de trafic aérien est réglé par accords bilatéraux entre des Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis. La Commission souhaite désormais "communautariser" la nationalité des compagnies aériennes européennes dans les rapports avec les pays tiers : ce serait l'Union européenne qui négocierait les conditions d'accès aux plates-formes aéroportuaires. Elle envisage en outre la recomposition du ciel européen, afin de remédier à son morcellement : une réflexion est en cours pour faciliter des liaisons plus directes.

M. Philippe Duron, président, a ensuite présenté quelques propositions. Il a estimé indispensable de reconquérir la confiance de la population, l'amélioration de la situation des riverains de Roissy et d'Orly ne pouvant attendre la construction du nouvel aéroport. Il est, en premier lieu, nécessaire de limiter les vols de nuit, particulièrement mal tolérés, et par conséquent, de regrouper une partie du fret sur des plates-formes situées dans des zones faiblement peuplées, Vatry, par exemple, conçu pour le fret. Il a également mis l'accent sur la nécessité d'augmenter la taille des avions et l'emport moyen pour limiter le nombre de mouvements ; la mise en place des hubs a en effet entraîné une réduction de la taille moyenne des avions, les compagnies aériennes privilégiant la fréquence des vols, plutôt qu'une desserte limitée avec de gros porteurs, ce qui favorise la congestion. Cette situation et les nuisances qu'elle entraîne imposent une réflexion approfondie. Les avions les plus bruyants doivent être retirés de la circulation, et la réglementation relative au bruit complétée, de même que celle portant sur les règles de constructibilité : il conviendra, dans ce domaine, de ne pas renouveler les erreurs du passé en empêchant le développement de l'urbanisation dans la zone de l'aéroport grâce à des périmètres de protection autour de la plate-forme et à la prise en compte des couloirs aériens.

M. Philippe Duron, président, a mis l'accent sur la nécessité de valoriser les aéroports régionaux. Ceux-ci manquent actuellement de communications internationales suffisantes et souffrent d'une clientèle trop peu importante. Une stratégie volontariste doit donc être développée pour laquelle le gouvernement a d'ailleurs prévu une enveloppe de cinq milliards de francs de prêts sur trente ans.

Il convient enfin de stimuler le développement du réseau ferroviaire en encourageant soit la substitution du train à l'avion quand la distance le permet, soit l'intermodalité et la complémentarité des deux modes de transport.

Il a enfin précisé que la réflexion sur l'internalisation des coûts externes du transport aérien devait être poursuivie. Une directive européenne prévue à l'horizon 2003 vise à internaliser les coûts externes liés à l'environnement, le kérosène ne supportant actuellement aucune taxation, conformément aux accords internationaux. Le coût des dessertes terrestres devrait également pris en compte.

M. Serge Poignant s'est demandé si le choix du site de Chaulnes, situé à 130 kms de Paris était pertinent et a déploré l'absence de réflexion complète sur les différentes hypothèses possibles.

M. Philippe Duron, président, a rappelé que l'Europe avait besoin d'aéroports internationaux complémentaires, dans les années à venir, que dans tous les pays concernés leur installation était délicate, que tous les choix possibles en France étaient contestés. Il a estimé que, du fait de la saturation des plates-formes belges et néerlandaises, le choix du nord de la France pouvait s'expliquer par le souci de capter vers Paris certains trafics. Il a également indiqué que, du fait de la recomposition du transport aérien européen en cours, des sites à l'est seraient peut-être plus pertinents ultérieurement, alors qu'actuellement, le ciel, dans cette zone, était encombré par les vols militaires, mais que cette réflexion n'était qu'amorcée.

Il a ensuite souligné l'importance de l'impératif d'aménagement du territoire, rappelant que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999 prévoyait "le renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne". Pour y parvenir, les villes concernées doivent bénéficier de liaisons adaptées, non seulement avec Paris, mais aussi avec d'autres villes européennes, dans le cadre du polycentrisme maillé prôné aussi bien par la DATAR que par le schéma de développement de l'espace communautaire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a estimé important que la Délégation énonce des propositions et les a jugées positives.

M. Serge Poignant a déclaré qu'il ne partageait pas le choix du gouvernement, ce qui le conduisait à s'abstenir à propos du projet du rapport, mais qu'il était favorable à la valorisation des aéroports régionaux et a demandé si le kérosène était taxé dans certains pays.

M. Philippe Duron, président, a répondu que seuls les Etats-Unis et la Suède avaient instauré une taxe très faible sur ce carburant, et qu'il convenait de poursuivre la réflexion à ce sujet, le transport aérien devant contribuer à la lutte contre l'effet de serre.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication du rapport sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

- 3 octobre 2001

(dans l'ordre chronologique)

M. Gérard Collomb, Sénateur-maire de Lyon, accompagné de M. Bernard Chaffange, Directeur de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry

M. Jean-Pierre Catalaa, Directeur de la Mission nouvel aéroport, accompagné de Mme Florence Rousse, Directrice-adjointe, Direction générale de l'aviation, Ministère de l'équipement, du logement et du transport

- 17 octobre 2001

M. Marc Lamidey, Directeur du marketing et du développement d'Air France, accompagné de M. Yorik Pelhâte, Chargé des relations avec le Parlement et les institutions

- 7 novembre 2001

M. Jean-Pierre Blazy, Député-maire de Gonesse

13 novembre 2001

M. Michel Ayral, Directeur du transport aérien à la Commission européenne

- 14 novembre 2001

M. Alain Rist, Vice-Président du Conseil régional d'Ile-de-France

Les auditions de la Délégation peuvent être consultées sur le site Internet de l'Assemblée nationale :

3401 - Rapport d'information de M. Philippe Duron au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire , sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale

() loi n° 99-533 du 25 juin 1999

() loi n° 99-586 du 12 juillet 1999

() loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000

() Yves Lambert-Eurocontrol et l'an 2000 - Bulletin d'Eurocontrol - "le développement durable du transport aérien : un impératif majeur de la politique européenne des transports - M. Bernard Derosier - Délégation pour l'Union européene