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N° 3420

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)

sur

la formation professionnelle en Suède,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jacques Barrot,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Formation professionnelle.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Dominique Frelaut, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Pierre Hériaud, M. Edmond Hervé, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Pierre Méhaignerie, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

INTRODUCTION 5

I.- LE SYSTÈME DE FORMATION PROFESSIONNELLE SUÉDOIS 7

A.- UN SYSTÈME LARGEMENT DÉCENTRALISÉ AUTOUR D'UN ÉTAT RÉGULATEUR 7

1.- L'enseignement municipal pour adultes 7

2.- Les programmes destinés aux chômeurs 8

3.- Un programme national d'élévation des compétences 10

B.- LE DÉFI DE LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE 10

1.- Les partenaires sociaux sont les acteurs majeurs du système de formation 10

2.- Les réflexions et les négociations en cours 11

a) La formation continue dans l'enseignement supérieur 12

b) La mise en place d'une épargne compétence individuelle 12

c) Le développement de partenariats locaux 13

II.- LA FORMATION DANS L'INDUSTRIE : L'EXEMPLE DE SCANIA 15

A.- LA COMPÉTENCE EST UNE DENRÉE PÉRISSABLE 15

1.- Traduire des compétences en performances 15

2.- Le développement des compétences des salariés 15

B.- LES FORMATIONS DISPENSÉES PAR LE LYCÉE PROFESSIONNEL 16

C.- LE PROGRAMME « TRAINEE » 17

III.- LA RÉVOLUTION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES : L'EXEMPLE DE SKANDIA 19

A.- LA RÉVOLUTION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 19

1.- L'évolution des savoirs et des technologies 19

2.- L'adaptation à la « nouvelle économie » 20

3.- La démographie et le niveau d'éducation 21

4.- Les conséquences sur les besoins de formation 23

B.- UN NOUVEL OUTIL POUR LA GESTION DES CARRIÈRES : LE COMPTE ÉPARGNE COMPÉTENCE 23

1.- Le principe de fonctionnement du compte 23

2.- Le compte épargne : un outil pour la planification des carrières 24

3.- L'utilisation du compte : le dialogue entre l'entreprise et le salarié 24

4.- L'expérimentation se développe 25

a) Le profil des titulaires de comptes 25

b) Le dispositif s'étend à d'autres entreprises 26

EXAMEN EN COMMISSION 27

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 31

INTRODUCTION

Comment permettre aux salariés de se former tout au long de leur vie ? Tel est l'enjeu de la réflexion menée dans toute l'Union européenne afin de moderniser les outils de la formation professionnelle. Alors même que les partenaires sociaux français réfléchissent au renouveau des dispositifs de formation professionnelle, votre Rapporteur spécial s'est rendu en Suède afin d'y découvrir certaines expériences particulièrement innovantes.

En effet, le système de formation, très performant, de ce pays est confronté au même défi que le système français : offrir à chacun la possibilité de se former à tout moment de sa carrière professionnelle. L'étude du cas suédois présente donc un double intérêt, d'une part l'effort de ce pays pour la formation continue est exemplaire - 1,9 million de salariés ont suivi une formation en 2000, soit près de 50 % d'entre eux - et, d'autre part, la Suède expérimente aujourd'hui les pistes actuellement envisagées en France. Le développement de la formation continue dans l'enseignement supérieur peut être observé dans les deux pays, tout comme l'idée consistant à permettre aux salariés de constituer une épargne - abondée le cas échéant par l'employeur - pour financer sa formation.

L'organisation générale du système de formation montre bien que la Suède a su combiner intimement compétition et maintien de la cohésion sociale, puissance publique et marché. Si les Suédois ont bien compris que l'élévation culturelle et intellectuelle était la clé de la réussite économique dans un monde concurrentiel, ils ont su s'appuyer sur une action efficace des autorités publiques. En ce qui concerne l'organisation même de la formation continue, l'essentiel de cette compétence revient aux communes qui ont l'obligation de proposer des cours pour les adultes de plus de 20 ans. Par ailleurs, l'État a su conserver un rôle de régulateur particulièrement efficace, en se gardant d'un excès de réglementation. C'est ainsi que le ministère du travail ne compte que quelques centaines de fonctionnaires. En effet, que la responsabilité de la formation des salariés incombe aux employeurs, l'État n'ayant pour mission que la formation des seuls chômeurs. Pour plus de souplesse, l'État ne fixe que les grandes orientations de cette politique dont la mise en _uvre est assurée par une agence. Cette gestion est non seulement déléguée mais aussi largement déconcentrée. C'est donc à l'échelon départemental, que les prestataires privés de formation sont mis en concurrence.

L'État suédois a cependant su concentrer son effort là où il est le plus nécessaire : il a lancé un programme national permettant aux salariés ayant abandonné leurs études d'atteindre le niveau du baccalauréat afin de pouvoir s'inscrire à l'université. En effet, compte tenu de l'amélioration générale du niveau d'instruction et des contraintes de l'environnement économique, les employeurs recherchent de plus en plus de personnes ayant un diplôme de l'enseignement supérieur. Mais pour entrer à l'université, il faut être titulaire du baccalauréat. Qu'advient-il alors de tous ces salariés qui ont abandonné leurs études secondaires ? Pour ces salariés, l'État a mis en place et financé le programme dit « d'élévation des compétences », qui a permis à 500.000 personnes d'atteindre le niveau bac.

Scania est une entreprise industrielle qui produit essentiellement des camions. Cette firme, à l'image de beaucoup d'autres en Suède, a développé un programme très complet de formation à l'égard de ses salariés. Elle s'est dotée, depuis 1941, de son propre lycée professionnel, ouvert sur concours qui lui permet de proposer régulièrement des mises à niveau pour l'ensemble de son personnel. Des dialogues entre chaque salarié et son supérieur sont régulièrement organisés permettant, d'une part, d'aider à la construction de parcours professionnels individuels et d'autre part, d'informer les salariés sur les compétences dont l'entreprise aura besoin à l'avenir.

Skandia est une société d'assurance, née en 1855, récemment transformée en compagnie financière globale. Elle a développé une approche de la formation continue qui l'a conduite à révolutionner sa gestion des ressources humaines. Celle-ci se fonde sur le constat suivant : la durée de vie des connaissances scientifiques est de plus en plus limitée, la mondialisation et la nouvelle économie obligent les entreprises à plus de rapidité de flexibilité. Les conséquences sur les besoins de formation sont majeures : il faut permettre aux salariés de se former régulièrement pour que l'entreprise bénéficie en permanence des compétences que la compétition mondiale requiert. En outre, la distinction entre les formations qui n'intéressent que l'employeur et celles qui n'intéressent que le salarié tend à s'estomper : l'essentiel des formations suivies rejoint l'intérêt des deux parties. La création de comptes épargne compétence, alimentés par les salariés et abondés par l'employeur doit permettre de financer ces formations. L'aspect le plus intéressant de ce compte, réside avant tout dans le fait qu'il est à l'origine d'une profonde révolution dans la gestion des ressources humaines. Depuis la mise en place du compte, des dialogues trimestriels entre le salarié et son supérieur ont été institués : ils permettent au salarié d'exprimer ses souhaits, à l'entreprise d'évaluer les potentialités de son employé et ainsi d'établir une démarche prévisionnelle de gestion des carrières.

Le développement de l'épargne-compétence annonce donc une profonde révolution de la gestion des compétences et des ressources humaines.

I.- LE SYSTÈME DE FORMATION PROFESSIONNELLE SUÉDOIS

La frontière entre la formation professionnelle initiale et continue est difficile à établir en Suède. En effet, le système scolaire public assure une grande part de la formation professionnelle destinée aux adultes.

Ce système public comprend l'enseignement municipal pour adultes, l'enseignement secondaire destiné aux adultes handicapés mentaux et les cours de suédois pour les immigrés. La responsabilité de cet enseignement public relève essentiellement des municipalités.

La compétence de l'État se limite, en matière de formation continue, à la mise en _uvre de programmes destinés aux chômeurs, tandis que l'essentiel des règles régissant ce secteur résulte des négociations menées par les partenaires sociaux.

A.- UN SYSTÈME LARGEMENT DÉCENTRALISÉ AUTOUR D'UN ÉTAT RÉGULATEUR

L'enseignement municipal pour adultes, qui s'adresse aux personnes de plus de 20 ans, existe depuis 1968. Il comprend un enseignement primaire, un enseignement secondaire, et des cours de perfectionnement pour adultes.

1.- L'enseignement municipal pour adultes

L'enseignement de base pour adultes permet d'acquérir des connaissances et des compétences équivalentes à celles qui s'acquièrent à l'école primaire obligatoire. L'enseignement de base pour adultes est un droit du citoyen et les municipalités ont l'obligation de l'assurer.

Les études suivies dans le cadre de l'enseignement municipal pour adultes mènent à des qualifications formelles - sanctionnées par un diplôme - dans différentes matières, ou à l'équivalent du certificat de fin d'études délivré à l'issue de l'enseignement secondaire. L'enseignement est organisé sous forme de cours indépendants les uns des autres, qui doivent permettre aux étudiants de combiner études et travail. Les étudiants sont libres de choisir leur programme d'études et ils peuvent également associer des études du niveau de l'école primaire et de l'enseignement secondaire. Il n'existe en principe aucune condition d'entrée, ni d'examen de fin d'études.

L'enseignement du second cycle secondaire pour adultes permet d'acquérir les connaissances et les compétences équivalentes à celles transmises par l'enseignement destiné aux élèves de l'enseignement secondaire : il propose les mêmes programmes et les mêmes matières (à l'exception des matières artistiques et du sport). Pour les adultes, le droit au second cycle de l'enseignement secondaire n'est pas entièrement automatique. En revanche, les municipalités ont l'obligation de s'adapter aux demandes et aux besoins individuels.

L'objectif des cours de perfectionnement pour adultes est de fournir des cours de formation professionnelle que le secteur privé ne propose pas. Ils permettent soit d'améliorer les compétences professionnelles, soit d'en acquérir de nouvelles. Cet enseignement jouit d'une excellente réputation, sa qualité et sa diversité étant unanimement appréciées.

Ces cours peuvent être complétés par ceux dispensés par deux écoles nationales pour adultes. Cet enseignement s'adresse principalement aux adultes qui ne peuvent pas suivre les cours municipaux. Gérées par l'État, ces écoles proposent donc un enseignement par correspondance qui s'appuie largement sur les technologies de l'information et de la communication. Ce type de formation, largement répandu, a toujours été considéré comme un moyen complémentaire de formation et non comme un mode autonome d'enseignement.

Au début des années 1990, l'introduction des nouvelles technologies de l'information, d'horaires de travail plus souples, ainsi que la nécessité d'améliorer le niveau d'éducation de la population active ont incité le Gouvernement à lancer un programme national de développement des nouvelles formes d'enseignement à distance. En outre, la formation radiodiffusée en Suède (Utbidningstradion) a produit depuis plus de deux décennies des cours qui peuvent être sanctionnés par des diplômes.

2.- Les programmes destinés aux chômeurs

En matière de formation continue, la prérogative principale de l'État suédois est de permettre aux chômeurs d'améliorer leurs compétences afin de pouvoir retrouver un emploi. En conséquence, les salariés qui souhaitent suivre une formation doivent s'adresser à leur employeur.

Le ministère du travail ne compte que peu de fonctionnaires, car ses missions sont généralement mises en _uvre par des agences. En l'occurrence, le programme destiné aux chômeurs est piloté par l'Agence nationale du travail (Arbetsmarkmadsstryrelsen). Au plan national, seules sont définies les mesures de réinsertion à mettre en _uvre. Au niveau régional, des marchés sont passés avec les prestataires de formation publics ou privés.

Très souvent, c'est à l'échelon départemental que ces marchés sont passés. Votre Rapporteur observe donc que cette logique est particulièrement intéressante et efficace puisque les autorités chargées de contracter avec les prestataires sont en contact direct avec le marché local du travail et avec les particularités de chaque bassin d'emploi.

En outre, l'achat de formation obéit à trois exigences :

- le rapport entre la qualité et le prix de la prestation doit être satisfaisant ;

- la formation proposée doit être adaptée aux besoins du marché du travail ;

- elle doit, par ailleurs, être flexible, ce qui signifie que la formation doit pouvoir être adaptée rapidement si l'agence le souhaite.

Dans les années 1990, beaucoup d'organismes de formation ont été créés
- leur création, tout comme en France, ne nécessite aucun agrément préalable - alors que, dans le même temps, les autorités publiques achetaient beaucoup de prestations afin de stabiliser la progression du taux de chômage. Compte tenu d'un volume d'achat aujourd'hui beaucoup plus restreint, l'évaluation des prestataires est aujourd'hui plus efficace. La procédure en vigueur impose aux commissions départementales, avant le renouvellement d'un contrat, d'évaluer leur sérieux, la qualité de leur formation, leur rapport qualité-prix et l'adéquation du contenu à la situation du marché de l'emploi. En cas de manquement, le prestataire perd son marché.

Bien qu'elles ne soient pas obligatoires, 90  % des chômeurs suivent ces formations, qui leur sont proposées gratuitement, alors qu'une aide d'activité leur est versée par l'État. Cet engouement des chômeurs s'explique par le fait que la sélection des prestataires permet de leur proposer des prestations qui correspondent aux attentes des employeurs. En moyenne, 70  % des personnes formées retrouvent du travail à l'issue de leur formation.

Bien que la compétence directe de l'État ne concerne jusqu'ici que les chômeurs, le Gouvernement a lancé un programme expérimental permettant à des salariés d'acquérir une qualification afin d'exercer un métier pour lequel des pénuries de main-d'_uvre ont pu être observées. Elles concernent des secteurs tels que le bâtiment, l'enseignement ou les activités de santé. Dans les dix prochaines années, l'industrie manufacturière pourrait s'ajouter à cette liste puisque beaucoup d'employés atteindront l'âge de la retraite tandis que trop peu de jeunes suivent des formations techniques.

Compte tenu de l'intérêt direct des branches, celles-ci contribuent au développement de ces formations. Ainsi, les pénuries de main d'_uvre dans le bâtiment tendent aujourd'hui à disparaître.

Mais le développement de ces programmes est malheureusement très souvent freiné par le manque d'appétence pour la formation chez les moins qualifiées. Dans le secteur hospitalier, l'agence a mis en place un programme permettant aux agents d'exécution de suivre une formation rémunérée de deux ans pour devenir aide-soignant. Sur un public potentiel de 200 personnes à l'hôpital de Stockholm, 35 sont allées à la réunion d'information et seules 7 se sont inscrites.

Dans le même temps, certains affirment qu'il est normal que des salariés ne souhaitent pas se former et qu'une frange de la population active doit rester non qualifiée. Votre Rapporteur récuse ce nouveau malthusianisme et souligne que l'ensemble de la population doit avoir accès à la formation.

3.- Un programme national d'élévation des compétences

L'accès à la formation requiert la maîtrise de certains savoirs de base, comme notamment une maîtrise suffisante de la langue. S'agissant des études supérieures, l'accès est bien évidemment conditionné par le diplôme sanctionnant les études secondaires.

Or, le niveau général d'éducation a très fortement progressé aux cours de ces trente dernières années en Suède, comme d'ailleurs dans les autres pays d'Europe occidentale. Dès lors, les exigences des employeurs en termes de compétences ont connu le même mouvement : l'accès au marché du travail nécessite de plus en plus souvent un niveau d'éducation supérieur.

Dans ce contexte, les salariés ou les demandeurs d'emplois qui souhaitent parfaire ou compléter leurs connaissances s'orientent vers des formations de niveau supérieur. Mais que peut-il advenir de tous ceux qui sont entrés sur le marché du travail sans être titulaire du baccalauréat, et qui ne peuvent donc pas accéder à l'université ?

Partant du constat que l'accès à l'université était impossible à bon nombre de salariés ayant abandonné leurs études secondaires, l'État a mis en place un programme volontariste d'« élévation des connaissances » tendant à leur permettre d'obtenir le baccalauréat, et, ainsi, de pouvoir poursuivre des études supérieures.

Ce programme a connu un véritable succès puisque 500.000 personnes en ont bénéficié. Ce chiffre est considérable : votre Rapporteur rappelle que la Suède compte 8,9 millions d'habitants.

B.- LE DÉFI DE LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE

Comme ses partenaires européens, la Suède procède à la mise en place d'un système de formation tout au long de la vie, dont le but est de permettre à chacun de pouvoir, tout au long de sa vie professionnelle, améliorer ses compétences et en acquérir de nouvelles.

1.- Les partenaires sociaux sont les acteurs majeurs du système de formation

Les premières organisations syndicales nationales ont vu le jour dans les années 1880, et étaient issues pour la plupart, du secteur de l'artisanat. En 1898, un certain nombre de ces syndicats s'unirent pour former une organisation centrale connue sous le nom de Confédération générale du travail de Suède (LO). Quelques années plus tard, en 1902, les employeurs fondèrent la Confédération suédoise des employeurs (SAF). Dans les années 1920, de nouvelles lois ont été votées à la suite de nombreux conflits du travail. La loi sur les conventions collectives et la loi sur le Tribunal du travail, toutes deux adoptées en 1928, traduisent bien le poids considérable des organisations syndicales. Dans les années 1930, on assista aux débuts d'une coopération entre employeurs et organisations syndicales, fondée sur une plus grande confiance mutuelle. C'est ainsi qu'en 1938, SAF et LO conclurent « l'accord de base », fondateur du dialogue social, considéré par les historiens comme événement majeur de cette époque. Cet accord représentait une sorte de traité de paix régissant leurs relations mutuelles.

Entre-temps, au début des années 1930, les employés avaient commencé à s'organiser en syndicats indépendants de LO, très souvent en élargissant ou en adaptant des organisations professionnelles ou sociales préexistantes. La Confédération générale des cadres, fonctionnaire et employés (TCO) fut fondée en 1944, et la Confédération générale des travailleurs intellectuels de Suède (SACO), en 1947. Aujourd'hui, une très grande majorité d'employés appartient à une organisation syndicale. Les partenaires sociaux jouent traditionnellement un rôle important dans la conception et l'organisation de la formation professionnelle, tant initiale que continue. Ceci explique pourquoi les principaux dispositifs ne sont pas issus de la législation, mais résultent d'accords des partenaires sociaux.

Les employeurs et les organisations syndicales ont été jugés suffisamment représentatifs, autonomes et responsables pour régler eux-mêmes les questions liées aux salaires et aux conditions de travail, et pour assumer leurs responsabilités consistant à ne pas favoriser l'inflation par des hausses salariales excessives. Cependant, le rythme de l'inflation et la stagnation des salaires réels ont entraîné de plus en plus d'interventions du Gouvernement sur ces questions.

Désormais, la fonction principale des conventions collectives est de préserver la paix sociale. En effet, seule l'absence de conventions autorise le recours à des actions de lutte et donc à la grève. Les conventions collectives ont une fonction normative, en ce sens qu'une entreprise et ses salariés n'ont pas le droit de signer un accord aux conditions moins avantageuses que celles prévues par la convention collective de branche.

Néanmoins, depuis quelques années, le patronat ne souhaite plus signer d'accords nationaux, au profit de conventions locales ou de branches. Ainsi, depuis la fin des années 1970, les relations entre les employeurs et les salariés sont-elles de plus en plus régies par la loi. Cependant, les partenaires sociaux continuent à jouer leur rôle d'impulsion et leur influence est même grandissante auprès des autorités nationales. Depuis 1990, la confédération patronale a définitivement privilégié les accords de branches au détriment des accords nationaux interprofessionnels.

2.- Les réflexions et les négociations en cours

Traditionnellement, les formations suivies par les salariés sont financées par les employeurs. C'est ainsi qu'ils dépensent chaque année 63 millions de couronnes (6,7 millions d'euros), pour financer les seuls cours dispensés hors du lieu de travail. À titre de comparaison, le coût des lycées atteint 20 millions de couronnes (2,1 millions d'euros). Environ 1,9 millions de personnes ont suivi ces cours en 2000, ce qui représente près de 50 % de la population active occupée.

L'essentiel des accords de branches contient des dispositions relatives au développement des compétences des salariés. Mais généralement, ces documents se contentent de déterminer les grands principes de formation. En effet, c'est au niveau local - très souvent au niveau de l'entreprise - que ces questions sont traitées. C'est donc à ce niveau que sont fixés les volumes horaires de formation que l'employeur doit financer. C'est aussi cet accord qui peut prévoir qu'une partie de la formation peut être effectuée hors du temps de travail.

Les pistes de réflexion actuellement explorées concernent le renforcement de la formation continue dans l'enseignement supérieur, la création d'une épargne compétence individuelle et le développement de partenariats.

a) La formation continue dans l'enseignement supérieur

Le développement de la formation professionnelle qualifiée au niveau supérieur est une tendance affirmée du paysage professionnel suédois. Des formations en alternance sont proposées, où les étudiants passent un tiers de leur temps en entreprise. L'État finance la partie consacrée à la formation pour 60.000 couronnes (6,4 millions d'euros) par étudiant, tandis que l'entreprise prend en charge le financement de la partie du cursus assurée en entreprise. Ce dispositif, jusqu'ici expérimental, sera pérennisé à compter du 1er janvier 2002.

Parallèlement, une proposition de renouvellement de la formation professionnelle supérieure, concernant les grandes écoles et les universités fait actuellement l'objet de concertation. Aux termes de celle-ci, un cycle de formation professionnelle supérieure de deux ans au maximum serait institué, permettant à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur de proposer ce type de cursus. En outre, le nouveau dispositif devra établir des « passerelles » entre la formation professionnalisée et les cursus universitaires habituels de sorte que les étudiants ne soient pas enfermés dans cette filière sans possibilité de réorientation.

b) La mise en place d'une épargne compétence individuelle

La réflexion sur la création d'une épargne compétence individuelle, qui est au c_ur des débats actuels sur la formation professionnelle, a retenu toute l'attention de votre Rapporteur. Une commission d'études a été mise en place et un projet de loi devrait être discuté au Parlement à compter de janvier 2002.

Le principe de cette épargne est de permettre à un salarié de placer une partie de son salaire, de ses primes ou de toute forme de bonification sur un compte d'épargne lui permettant, ultérieurement, de suivre une formation. L'entreprise abondera les versements effectués par le salarié. Votre Rapporteur souligne que les versements patronaux feraient l'objet d'allégements de charges, tandis que le salarié bénéficierait d'une exonération fiscale.

Des expériences sont menées dans quelques entreprises. Votre Rapporteur présentera le dispositif mis en place au sein de l'entreprise Skandia dans la troisième partie de ce rapport. En 2001, 120.000 salariés peuvent disposer d'un tel dispositif dans 85 entreprises. L'enjeu de la discussion parlementaire sera de proposer un texte qui permettra de résoudre la question de la maîtrise individuelle de la gestion de l'épargne. En effet, si l'alimentation du compte est assurée par l'employeur et le salarié, la décision de l'utilisation de cette épargne relèverait - dans l'avant projet - de la seule initiative du salarié. Dans les petites entreprises, les employeurs ne peuvent pas se permettre de subir le départ en formation d'un salarié sans qu'un système de remplacement soit mis en place (solution à « double détente »). Comme 96 % des sociétés suédoises ont moins de 50 salariés et 77 % moins de dix, la solution de ce problème apparaît particulièrement cruciale pour la réussite de ce dispositif. En tout état de cause, la confédération patronale ne souhaite pas laisser le salarié totalement libre du choix de sa formation, dans la mesure où l'employeur l'aura, pour partie, financée.

c) Le développement de partenariats locaux

Certaines entreprises disposent en leur sein de lycées industriels particulièrement performants. C'est notamment le cas de Scania, que votre Rapporteur présente dans la seconde partie de ce rapport. Autour de ces lycées industriels, dont la qualité est unanimement saluée, de nombreux partenariats se développent. Une société a même été constituée afin de valoriser certains de ces lycées. Appelée « Maison des formations S.A. », cette société dispose de quatre propriétaires dont l'association apparaît pour le moins étonnante. En effet, aux côtés d'ABB (entreprise de mécanique industrielle), de Skandia (société financière) et Learnia (prestataire de formation continue) on trouve le syndicat des travailleurs LO ! Cette association, qui n'a rien d'extraordinaire en Suède puisque les syndicats de salariés disposent de leurs propres programmes de formation, permet de développer l'accès aux lycées professionnels du groupe ABB.

Localement, des conventions sont passées entre des entreprises et des universités afin de développer les interactions entre le milieu universitaire et le monde du travail. C'est ainsi que des villages de recherche sont créés, comme c'est le cas à Lund.

II.- LA FORMATION DANS L'INDUSTRIE : L'EXEMPLE DE SCANIA

Scania est une entreprise industrielle qui produit essentiellement des poids-lourds et des autobus. Cette firme, à l'image de beaucoup d'autres en Suède, a développé un programme très complet de formation à l'égard de ses salariés. Elle dispose même, depuis 1941, de son propre lycée industriel.

A.- LA COMPÉTENCE EST UNE DENRÉE PÉRISSABLE

Les équipes dirigeantes de Scania estiment que l'ensemble de leur personnel doit garder un contact permanent avec l'enseignement pour que l'entreprise conserve son niveau de compétitivité.

1.- Traduire des compétences en performances

La politique volontariste de Scania en matière de formation se fonde sur une conception particulière de la notion même de compétences.

Les diplômes acquis à l'école sanctionnent les connaissances techniques acquises par un individu. Intrinsèquement, un diplôme ne permet pas à l'entreprise de produire de la valeur ajoutée ; c'est seulement la mise en _uvre de ses connaissances qui permet au salarié d'être productif. Mais, au fond, ce qui est rémunéré, c'est la performance, qui traduit non seulement la compétence mais aussi la volonté du salarié d'effecteur son travail de la meilleure manière possible.

Dès lors, le rôle des cadres de l'entreprise est de faire en sorte que les salariés puissent exploiter au mieux leurs compétences, pour être les plus efficaces et les plus productifs possibles - donc les plus performants -, tout en leur permettant d'améliorer leurs qualifications tout au long de leur carrière.

2.- Le développement des compétences des salariés

Traditionnellement, le développement des compétences des salariés était envisagé chez Scania, comme dans l'ensemble des entreprises suédoises, comme relevant de la responsabilité unique de l'employeur. Les réflexions menées récemment montrent, au contraire, que si l'employeur doit informer ses salariés des qualifications dont il aura besoin à l'avenir et les inciter à se former, le salarié n'en demeure pas moins responsable, lui aussi, du développement de ses compétences.

C'est cet état d'esprit qui a conduit Scania à instaurer le principe de rencontres régulières entre les cadres et les salariés. Ces « dialogues de développement personnel » doivent avoir lieu au moins une fois par an. Dans la réalité, il est très fréquent que chaque salarié rencontre son supérieur sur ce sujet deux à trois fois par an. Cette démarche permet d'aboutir à un plan de développement propre à chaque employé.

Le développement des compétences peut prendre diverses formes. Il peut se fonder sur l'expérience acquise par le salarié. Dans ce cas, on parle de développement au travail.

Scania estime que ces salariés doivent pouvoir occuper l'ensemble des postes de production pour, d'une part, rompre la monotonie de certaines tâches mais aussi, d'autre part, palier facilement le départ d'un salarié en formation. Cette politique oblige l'entreprise à assurer à chaque salarié une formation régulière afin que ses connaissances soient mises à jour en permanence.

Le développement des compétences peut aussi se traduire par le développement de projets industriels nouveaux, la participation à des séminaires ou encore l'études des modes de production en vigueur dans d'autres entreprises.

En 2000, 117.562 heures de cours ont concernés un peu moins de 6.000 salariés du groupe, dont près de 80 % ont été effectuées dans le cadre des horaires de travail habituels. Une centaine de consultants ou d'entreprises extérieures assurent des prestations de formation pour l'entreprise.

B.- LES FORMATIONS DISPENSÉES PAR LE LYCÉE PROFESSIONNEL

La mise à niveau permanente des qualifications des salariés s'appuie largement sur la présence, au sein même de l'entreprise d'un lycée industriel.

Fondé en 1941, le lycée industriel de Scania permet non seulement d'assurer la formation professionnelle initiale des jeunes mais aussi la formation continue des salariés de l'entreprise.

S'agissant des jeunes, le recrutement du lycée est particulièrement sélectif puisque seuls 20 % des candidats sont retenus. Parmi les critères pris en compte figurent les diplômes acquis antérieurement, mais aussi la capacité à travailler en équipe. En effet, ce lycée étant privé, il peut fixer ses propres exigences.

Les élèves perçoivent une rémunération pendant leur scolarité, longue de trois ans, et 85 % d'entre eux restent dans l'entreprise à l'issue de celle-ci. La première année est consacrée à un enseignement théorique. Au cours de la deuxième, les élèves passent la moitié de leur temps dans l'entreprise et 75 % au cours de la troisième.

Beaucoup de chefs d'équipe et de chefs de production sont d'anciens élèves du lycée industriel. Enfin, l'un des cinq membres actuels de la direction générale du groupe a commencé sa carrière au lycée professionnel de Scania, ce qui illustre l'efficacité de la formation continue au sein de l'entreprise.

C.- LE PROGRAMME « TRAINEE »

Depuis le début des années 1960, Scania a mis en place un programme appelé « trainee » qui lui permet de recruter des individus de très haute compétence comme des ingénieurs, des économistes ou des juristes. Il s'agit d'un dispositif attractif destiné à assurer le recrutement à long terme des personnes destinées à occuper les postes clés de l'entreprise (directeurs, directeurs de projet, experts...). Il concerne par exemple, un quart des recrutements annuels d'ingénieurs de Scania, soit 20 à 25 personnes.

Ce processus de recrutement dure un an. Les diplômes des candidats sont bien sûr pris en compte, mais leur personnalité, leur ouverture d'esprit et leur goût du défi sont autant de facteurs discriminants. Ce programme présente la particularité de permettre aux jeunes recrutés de passer une année complémentaire de formation au sein de l'entreprise. Ils effectuent quatre périodes de stages, dont au moins un à l'étranger. L'ensemble de ces cours, séminaires et visites d'études doivent leur permettre de parfaire leurs connaissances tout en assimilant les modes de production et d'organisation de Scania. Au cours de cette année, ils abordent aussi bien les aspects industriels que commerciaux ou financiers de la vie de l'entreprise. Les résultats semblent indiquer que ces recrutés ont assimilé la culture de l'entreprise puisque 70 % d'entre eux y restent durablement.

III.- LA RÉVOLUTION DE LA GESTION
DES RESSOURCES HUMAINES :
L'EXEMPLE DE SKANDIA

Skandia est une société d'assurance, née en 1855, qui s'est récemment transformée en compagnie financière globale. Alors que le secteur de la gestion des produits financiers connaît d'importantes mutations liées notamment au développement des technologies de l'information, les équipes dirigeantes de cette entreprise ont la conviction que le succès repose sur une gestion des ressources humaines et des compétences profondément renouvelée.

A.- LA RÉVOLUTION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Cette approche de la gestion des ressources humaines repose sur une analyse très complète des mutations en cours dans le secteur dans lequel l'entreprise évolue.

1.- L'évolution des savoirs et des technologies

Le premier constat effectué concerne la durée de vie de plus en plus limitée des connaissances scientifiques. Ainsi, cinq ans après l'achèvement de ses études, un ingénieur en électronique, en génétique ou en robotique ne peut-il plus utiliser que 50 % de ses connaissances puisque l'autre moitié est devenue caduque du fait des progrès de la science. De même, 90 % des revues ou livres scientifiques aujourd'hui disponibles ont été publiés au cours des dix dernières années.

En outre, les gains de productivité ont été spectaculaires. C'est ainsi que l'industrie forestière suédoise n'emploie plus que 4.000 personnes en 2001 contre 40.000 en 1960. Mais, dans le même temps, la production a plus que doublé.

La mondialisation de l'économie oblige à repenser l'organisation des entreprises. Ainsi, est-il illusoire d'analyser les perspectives d'une entreprise par le prisme national. En effet, elle évolue soit sur le marché global, soit sur le marché local. Or, la gestion, l'information et la communication dans une entreprise globale requièrent des compétences qui transcendent les compétences strictement nationales. Cette mutation doit s'accompagner de nouvelles stratégies nécessitant des compétences nouvelles de la part des employés. Les conséquences de la mondialisation peuvent aussi être observées sur l'organisation même des entreprises puisqu'elles ne peuvent plus être hiérarchiques et fondées sur une planification à long terme de leur activité. Désormais, les entreprises se doivent d'être flexibles et de s'adapter très rapidement aux évolutions du marché.

Parallèlement, la globalisation se traduit par l'engouement sans précédent des jeunes suédois pour les études à l'étranger puisque 28.000 étudiants ont effectué, en 2000, une partie de leur cursus à l'étranger, contre seulement 3.500 en 1990. C'est ainsi que la mondialisation peut avoir pour effet de creuser l'écart de qualification entre les générations.

2.- L'adaptation à la « nouvelle économie »

La nouvelle économie repose sur la diffusion de produits uniques, sur un marché global, où l'enjeu pour les firmes est d'obtenir la première place. En conséquence, le vainqueur de cette compétition est donc celui qui possède le niveau de compétence le plus développé. Ceci signifie que l'innovation est désormais la source essentielle du succès.

Une entreprise innovante doit savoir valoriser son capital humain, moteur de la société de la connaissance. Skandia est d'ailleurs le créateur de l'expression de « capital intellectuel. » L'entreprise doit donc favoriser le développement des compétences de ses salariés tout en restant suffisamment attractive pour que ses salariés les plus performants lui restent fidèles. En effet, comme le souligne Michel Wlodarczyk, qui a piloté le programme de formation de Skandia, « ce capital a des jambes... »

L'accélération des progrès de la connaissance et l'évolution des technologies de l'information obligent à repenser la gestion des ressources humaines au sein des entreprises et, singulièrement, la gestion des compétences. De plus, ces technologies imprègnent largement la société suédoise, puisque plus de 50 % des ménages possèdent un PC et que 80 % de la population se connecte régulièrement à Internet.

Le tableau suivant illustre la progression vertigineuse de la quantité d'information disponible, du fait de l'éclosion d'une nouvelle économie fondée sur la connaissance :

ÉVOLUTION DE LA QUANTITÉ D'INFORMATION DISPONIBLE

graphique

Source : Université de Californie, Berkeley

3.- La démographie et le niveau d'éducation

Le profil démographique suédois va connaître de profondes mutations dans les années à venir. Le rapport de 3,5 actifs pour un retraité va diminuer à moins de 2,5 après 2020, comme l'illustre le tableau suivant :

ÉVOLUTION DU RAPPORT ENTRE LE NOMBRE D'ACTIFS
ET DE RETRAITÉS EN SUÈDE
1997 - 2040

graphique

Source : Skandia

En outre, la société suédoise est marquée par un phénomène original : les salariés âgés de 55 à 64 ans sont, en proportion, plus nombreux à avoir fréquenté une université que ceux âgés de 20 à 54 ans (21 % contre 11 %). Cet écart étonnant s'explique par la relative facilité de l'accès à l'emploi constatée dans les années 1970 et 1980, qui a incité les jeunes à entrer sur le marché du travail et donc à délaisser les études universitaires. Cet écart est présenté dans le tableau suivant :

NIVEAUX D'ÉDUCATION PAR CLASSES D'ÂGE

graphique

Source : Skandia

S'agissant de l'offre et de la demande de compétence, il convient de souligner qu'il existe un décalage entre les attentes des entreprises et le niveau réel de qualification de la population. Globalement, le marché a besoin de personnes d'un niveau de formation supérieur à celui constaté : il faudrait permettre aux personnes qui n'ont qu'un niveau secondaire d'accéder à l'université, tandis que ceux qui sont allés à l'université devraient prolonger leur cursus par un doctorat, par exemple. Le graphique suivant illustre ce décalage entre l'offre et la demande de compétences :

LE DÉCALAGE CONSTATÉ ENTRE
L'OFFRE ET LA DEMANDE DE COMPÉTENCES

graphique

Source : Skandia

L'initiative nationale « d'élévation des compétences », préalablement présentée, a permis de remettre à niveau 500.000 personnes afin qu'elles puissent s'inscrire à l'université. Ce programme a permis de réduire l'écart entre les courbes d'offre et de demande de compétences jusqu'au niveau du baccalauréat.

Cependant le dispositif gouvernemental est sans effet sur l'autre décalage observé entre offre et demande, pour les qualifications universitaires. Dès lors, il est de la responsabilité des employeurs de proposer à leurs salariés un outil leur permettant d'améliorer leurs compétences en cours de carrière : c'est le rôle que doit jouer la mobilisation d'une épargne-compétence au sein de comptes spécifiques.

4.- Les conséquences sur les besoins de formation

L'entreprise a estimé que ce contexte nouveau avait des conséquences sur son organisation, tant en ce qui concerne la nature des services qu'elle devra proposer qu'en ce qui concerne la nature des marchés sur lesquels elle les proposera.

Si Skandia a, dans le passé, évolué sur un marché de l'assurance stable où elle pouvait proposer des produits standards, il faut reconnaître qu'elle propose aujourd'hui des produits sur mesure, grâce à des experts hautement qualifiés. Demain, les produits qu'elle proposera devront être modulables par le client qui devra avoir accès à des experts extrêmement spécialisés, notamment en informatique ou en droit. Parallèlement, l'entreprise ne pourra s'imposer, sur un marché global, qu'en véhiculant des valeurs aisément identifiables qui respectent la pluralité des cultures.

En conséquence, les enjeux de la formation consistent à permettre aux salariés de suivre des cours :

- strictement limités à leurs besoins ;

- ne traitant pas de sujets déjà assimilés ;

- modulés afin d'apprendre « juste à temps » et « juste assez. »

De plus, l'entreprise constate que la distinction entre les formations qui n'intéressent que l'employeur et celles qui n'intéressent que le salarié tend à s'estomper : l'essentiel des formations suivies rejoint l'intérêt des deux parties.

Ainsi, en plus du développement de la formation continue dans les universités et de l'enseignement à distance, il faut encourager la mise en place de comptes individuels permettant le développement des compétences des salariés.

B.- UN NOUVEL OUTIL POUR LA GESTION DES CARRIÈRES : LE COMPTE ÉPARGNE COMPÉTENCE

Pour répondre au nouvel enjeu de la valorisation des compétences tout au long de la vie, l'entreprise Skandia a ouvert à ses salariés la possibilité de mise en place d'un compte épargne compétence leur permettant de parfaire ou compléter leurs qualifications.

1.- Le principe de fonctionnement du compte

Chaque salarié a la possibilité d'ouvrir un compte épargne compétence. S'il n'existe aucune obligation, ce produit semble très attractif puisque près de la moitié des employés en ont ouvert un.

Le salarié verse chaque mois une somme comprise entre 2 et 5 % de son salaire brut. L'employeur ajoute une somme équivalente. Bien évidemment, ce mécanisme d'abondement apparaît favorable aux salariés les mieux payés, qui sont généralement aussi les mieux formés. Aussi, pour corriger cet effet, l'entreprise verse-t-elle un abondement représentant trois fois la cotisation des salariés n'ayant pas le baccalauréat, qui sont âgés de plus de 45 ans et qui travaillent chez Skandia depuis plus de 15 ans.

Le salarié peut alimenter son compte jusqu'à ce que le total de ses versements atteigne un an de salaire.

Le montant accumulé a pour finalité d'assurer un revenu de remplacement pour le salarié pendant sa période de formation.

2.- Le compte épargne : un outil pour la planification des carrières

L'entreprise a créé un site intranet présentant de manière très complète le fonctionnement du compte. Le salarié peut y consulter le solde de son compte et effectuer des simulations concernant son épargne. Mais ce site permet aussi de diffuser le curriculum vitae des salariés ayant effectué une formation, afin qu'une entité du groupe Skandia puisse leur proposer des emplois en rapport avec celle-ci. Le site propose également des offres d'emplois et de formation.

La gestion des compétences ne peut être envisagée sans une planification des carrières et une réflexion prévisionnelle de l'entreprise sur les qualifications dont elle aura besoin à l'avenir. Sans cette démarche, l'entreprise risquerait de voir lui échapper ses salariés nouvellement formés, qui feraient valoir leurs compétences auprès d'autres entreprises. Ce compte est donc à l'origine d'une profonde révolution dans la gestion des ressources humaines. Depuis sa mise en place, des dialogues trimestriels entre le salarié et son supérieur ont été institués : ils permettent au salarié d'exprimer ses souhaits, à l'entreprise d'évaluer les potentialités de son employé et ainsi d'établir une démarche prévisionnelle de gestion des carrières.

3.- L'utilisation du compte : le dialogue entre l'entreprise et le salarié

L'épargne accumulée peut permettre de financer la rémunération du salarié en formation. Celui-ci continue de percevoir sa rémunération de l'entreprise, qui prélève un montant équivalent sur le compte. En outre, il peut financer certains frais pédagogiques. Cette possibilité n'est ouverte que si l'employé et son supérieur sont d'accord sur le contenu de la formation et si le coût de cette formation est déductible de l'imposition de l'employeur. Cette dernière disposition vise à ce que l'employeur ne fasse pas cofinancer par son employé une formation qu'il se doit de prendre intégralement en charge : seules sont déductibles les coûts des formations dont le financement n'est pas obligatoirement à la charge de l'entreprise.

De même, une liste des formations dont le financement est intégralement à la charge de l'employeur a été établie, avec les syndicats, pour chaque type de poste. Ainsi, est-il impossible pour l'entreprise d'utiliser le système du compte épargne pour échapper à ses obligations.

L'utilisation de l'épargne est marquée par le dialogue approfondi entre le salarié et son supérieur. En effet, l'épargne ne peut être débloquée qu'en cas d'accord entre les deux parties. Si l'entreprise considère que la formation envisagée est intéressante, elle peut prendre en charge tout ou partie des frais pédagogiques, ainsi que des frais annexes. Ainsi, un salarié souhaitant séjourner au Royaume-Uni pour y perfectionner sa connaissance de la langue anglaise peut voir ses frais de formation et même le prix de son billet d'avion acquittés par Skandia.

L'entreprise ne peut pas empêcher un salarié de consacrer son épargne à une formation sans relation aucune avec Skandia. En revanche, il ne pourra bien évidemment, prétendre à aucune participation complémentaire de Skandia.

En outre, pour éviter tout blocage de l'épargne en cas de désaccord entre le supérieur et le salarié, l'entreprise a mis en place un Comité de compétences qui est amené à régler d'éventuels litiges individuels.

4.- L'expérimentation se développe

L'attrait pour l'épargne compétence peut être illustré par le chiffre suivant : moins de deux ans après la lancement du produit, 42 % des salariés de l'ensemble du groupe Skandia-If sont titulaires d'un compte.

a) Le profil des titulaires de comptes

Tout d'abord, 46 % des titulaires de comptes habitent la région Stockholm, 15 % celle de Lund,13 % celle de Göteborg et 8 % celle de Sundvall. Ces données montrent que le succès du dispositif se répand sur l'ensemble du territoire, même si, du fait de la localisation du siège de l'entreprise à Stockholm, cette région abrite près de la moitié des détenteurs de comptes.

Les jeunes de moins de trente ans ne sont que peu intéressés par le compte, puisqu'ils ne représentent que 7 % des détenteurs. Étant récemment diplômés, il est logique qu'ils soient moins attirés par l'épargne compétence. De même, les plus de 61 ans, proches de la retraite, ne représentent qu'un pour cent des titulaires de compte. Il est en revanche intéressant de constater que les 31-40 ans, les 41-50 ans et les 51-60 ans connaissent la même proportion de détenteurs de compte. Ils représentent respectivement 27 %, 34 % et 31 %des titulaires de comptes. En outre, la répartition par sexe est quasiment paritaire puisque 47 % des titulaires de comptes sont des femmes.

Seuls 48 % des détenteurs de comptes ont un niveau d'éducation universitaire. Il est donc particulièrement encourageant de constater que 32 % des titulaires ne disposent que du baccalauréat et que 20 % ont abandonné leurs études secondaires. L'incitation forte que constitue l'abondement différencié semble donc porter ses fruits et attirer vers l'épargne-compétence ceux qui en ont le plus besoin.

Ce profil des titulaires explique largement les types de formation envisagés : 19 % souhaitent suivre une formation de niveau secondaire, 58 % souhaitent s'inscrire à l'université et 23 % envisagent de suivre une formation professionnalisée. La répartition des formations souhaitées est présentée dans le tableau suivant :

TYPES DE FORMATIONS ENVISAGÉES

graphique

Source : Skandia

Enfin, il faut observer que 48 % des souscripteurs à l'épargne-compétence souhaitent disposer d'un diplôme à l'issue de leur formation. Il faudra donc donner un nouveau souffle au dispositif de certification des compétences, auquel le Gouvernement et les partenaires sociaux réfléchissent actuellement.

b) Le dispositif s'étend à d'autres entreprises

Le produit créé par Skandia connaît un vif succès en dehors même de cette entreprise. En effet, près de 80 sociétés ont passé un contrat avec Skandia afin que leurs salariés puissent adhérer au mécanisme d'épargne compétence. Skandia propose, en effet, un produit complet, assurant la gestion des comptes et l'information des souscripteurs. Les entreprises concernées sont de taille variable, la plus petite employant treize personnes tandis que la plus grosse en emploie 50.000. La municipalité de Stockholm offre à ses salariés la possibilité d'ouvrir un compte épargne compétence géré par Skandia.

Comme votre Rapporteur l'a précédemment indiqué, l'ensemble des dispositifs expérimentaux d'épargne-compétence - celui de Skandia étant le plus répandu - concerne aujourd'hui plus de 120.000 salariés, dans l'ensemble du pays.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans sa séance du mercredi 28 novembre, la Commission a examiné, en application de l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale, le présent rapport d'information sur la formation professionnelle en Suède.

Après avoir rappelé que sa mission en Suède s'inscrivait dans le cadre de ses prérogatives de Rapporteur spécial, M. Jacques Barrot a souligné que l'effort de ce pays pour la formation continue est exemplaire puisque 1,9 million de salariés ont suivi une formation en 2000, soit près de 50 % d'entre eux. De plus, la Suède explore aujourd'hui les pistes actuellement envisagées en France, comme le développement de la formation continue dans l'enseignement supérieur et la création d'une épargne-formation individuelle. Les partenaires sociaux français ont longuement réfléchi à cette question et le principe de la création d'un compte épargne formation individuel et transférable semble acquis. Sur place, ont été rencontrés les deux principaux syndicats représentatifs des employés et des ouvriers, la confédération patronale, l'agence gouvernementale chargée de la formation des chômeurs ainsi que deux entreprises : le constructeur de camions Scania, et la compagnie financière Skandia.

L'organisation générale du système de formation montre que les Suédois ont bien compris que l'élévation culturelle et intellectuelle était la clé de la réussite économique dans un monde concurrentiel. Ils ont su s'appuyer sur une action efficace des autorités publiques. C'est ainsi que les universités, certes liées à des fondations bien dotées, développent des politiques de recherche qui placent la Suède au premier rang européen en matière de biotechnologies, par exemple. De même, la télévision publique propose des programmes d'une extrême qualité, contribuant à la formation continue à distance. S'agissant de l'organisation même de la formation continue, l'essentiel de cette compétence revient aux communes, lesquelles ont l'obligation de proposer des cours pour les adultes de plus de 20 ans. Ces formations sont très populaires et jouissent d'une excellente réputation. Par ailleurs, l'État sait jouer un rôle de régulateur particulièrement efficace, en se gardant d'un excès de réglementation. C'est ainsi que le ministère du travail ne compte que quelques centaines de fonctionnaires hautement qualifiés. Il faut dire que la responsabilité de la formation des salariés incombe aux employeurs, l'État n'ayant pour mission que la formation des seuls chômeurs. Pour plus de souplesse, cette mission est non seulement déléguée à une agence, mais aussi largement déconcentré à l'échelon départemental. C'est à ce niveau que des commissions départementales passent des contrats avec des prestataires de formations, très souvent privés, régulièrement mis en concurrence afin de vérifier leur adéquation avec les besoins du marché local du travail.

De plus, l'État a lancé un programme national permettant aux salariés ayant abandonné leurs études d'atteindre le niveau du baccalauréat afin de pouvoir s'inscrire à l'université. En effet, la part des 55-64 ans ayant suivi des études supérieures est plus forte que celle des 25-54 ans. Cette observation étonnante s'explique par la relative facilité de l'accès à l'emploi dans les années 1970 et 1980, qui a incité de nombreux jeunes à ne pas poursuivre leurs études. C'est donc pour tous ces salariés que l'État a mis en place et financé le programme dit « d'élévation des compétences », leur permettant d'atteindre le niveau du bac. Au total, ce programme a concerné 500.000 personnes, dans un pays comptant 8,9 millions d'habitants.

Scania, une entreprise industrielle qui produit des camions, a développé un programme très complet de formation à l'égard de ses salariés. Cette entreprise s'est dotée de son propre lycée professionnel qui lui permet de proposer régulièrement des mises à niveau pour l'ensemble de son personnel. L'équipe de direction souhaite que ses salariés soient polyvalents et puissent occuper tous les postes de production. En outre, elle a pris conscience du fait que la responsabilité de l'amélioration des compétences est désormais partagée entre le salarié et son employeur. C'est pourquoi des dialogues sont régulièrement organisés permettant, d'une part, d'aider à la construction de parcours professionnels individuels et d'autre part, d'informer les salariés sur les compétences dont l'entreprise aura besoin à l'avenir. La formation continue chez Scania semble particulièrement efficace puisque l'un des cinq membres de la direction générale de la société a commencé sa carrière au lycée professionnel.

Skandia est une société d'assurance née en 1855 récemment transformée en compagnie financière globale. Elle a développé une approche de la formation continue qui l'a conduite à révolutionner sa gestion des ressources humaines, qui se fonde sur un constat établi par son équipe de direction. Tout d'abord, la durée des connaissances scientifiques est de plus en plus limitée : cinq ans après l'achèvement de ses études, un ingénieur en électronique, en génétique ou en robotique ne peut plus utiliser que 50 % de ses connaissances puisque l'autre moitié est devenue caduque du fait des progrès de la science. De même, 90 % des revues ou livres scientifiques aujourd'hui disponibles ont été publiés au cours des dix dernières années. De plus, la mondialisation de l'économie oblige à repenser l'organisation des entreprises. Désormais, elles se doivent d'être rapides, flexibles et de s'adapter aux évolutions du marché. Un graphique reproduit dans le rapport montre qu'en 2002 et 2003, l'humanité produira plus d'informations qu'au cours des 42.000 ans précédents. Enfin, comme la France qui devrait connaître des flux de départs annuels en retraite de 150.000 à 300.000 personnes, voire 600.000 à moyen terme, la Suède doit faire face à un enjeu démographique majeur accentué par la faible proportion de salariés ayant suivi des études supérieures.

Les formations financées par l'entreprise sont organisées sous forme de modules afin que les salariés puissent apprendre « juste à temps » et « juste assez. » De plus, l'entreprise constate que la distinction entre les formations qui n'intéressent que l'employeur et celles qui n'intéressent que le salarié tend à s'estomper, dressant ainsi le même constat que les partenaires sociaux français. Pour atteindre ce but, Skandia a ouvert la possibilité à ses salariés d'ouvrir un compte épargne compétence, leur permettant de financer des formations ultérieures. Le salarié y place de 2 à 5 % de son salaire brut, défiscalisés. L'employeur ajoute une somme équivalente, exonérée de charges. Bien évidemment, ce mécanisme d'abondement est favorable aux salariés les mieux payés, qui sont généralement les mieux formés. Aussi, pour corriger cet effet, l'entreprise verse-t-elle un abondement représentant trois fois la cotisation des salariés qui n'ont pas le baccalauréat, qui sont âgés de plus de 45 ans et qui travaillent chez Skandia depuis plus de 15 ans.

Mais il faut surtout relever que ce compte est à l'origine d'une profonde révolution dans la gestion des ressources humaines et des compétences qui ne peut être envisagée sans une planification des carrières et une réflexion prévisionnelle de l'entreprise sur les qualifications dont elle aura besoin à l'avenir. Depuis la mise en place du compte, des dialogues trimestriels entre le salarié et son encadrement ont été institués : ils permettent au salarié d'exprimer ses souhaits, à l'entreprise d'évaluer les potentialités de son employé et d'établir conjointement une démarche prévisionnelle de gestion des carrières. En somme, le salarié construit sa carrière à la carte.

L'utilisation de l'épargne est, elle aussi marquée par le dialogue approfondi entre le salarié et son supérieur. En effet, l'épargne ne peut être débloquée qu'en cas d'accord entre les deux parties. Si l'entreprise considère que la formation envisagée est intéressante, elle peut même prendre en charge tout ou partie des frais pédagogiques, ainsi que des frais annexes. L'entreprise ne peut pas empêcher un salarié de consacrer son épargne à une formation sans relation aucune avec Skandia. En revanche, il ne pourra, bien évidemment, prétendre à aucune participation complémentaire de Skandia. En outre, pour éviter tout blocage de l'épargne en cas de désaccord entre le supérieur et le salarié, l'entreprise a mis en place de Comités de compétences paritaires, qui sont amenés à régler d'éventuels litiges individuels.

La Suède a pris conscience que la gestion du « capital intellectuel » (notion inventée chez Skandia) est le moteur de la société de la connaissance dans laquelle nous sommes entrés et probablement le facteur clé de la compétitivité.

M. Yves Tavernier, président, a souligné que la Suède a su préserver un service public de télévision de qualité.

M. Jacques Guyard a jugé ce rapport particulièrement intéressant. Il s'est demandé quelle part de leur chiffre d'affaire les entreprises suédoises consacraient à la formation.

Après avoir rappelé que l'argent de la formation professionnelle n'était pas toujours bien employé en France, et parfois même totalement détourné de ses finalités, M. Jean-Pierre Brard s'est interrogé sur les modalités du contrôle de l'utilisation de ces fonds en Suède.

M. Gérard Bapt a souligné que la révolution de la gestion des effectifs ne devait pas conduire à accroître les écarts entre les salariés des grosses entreprises qui en bénéficieraient et ceux des plus petites, qui en seraient exclus. Il s'est en outre demandé si la gestion des politiques de formation professionnelle était territorialisée en Suède.

M. Jérôme Cahuzac s'est interrogé sur le chiffre de 600.000 départs en retraite annuels évoqué par le Rapporteur, alors même que les classes d'âge correspondant n'atteignent que 800.000 personnes.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Barrot, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'effort des entreprises suédoises en faveur de la formation est supérieur d'environ cinq points à celui de leurs homologues françaises. De plus, l'originalité du modèle suédois repose sur la mise en place d'une véritable cogestion des carrières ;

- la démocratie sociale est très développée en Suède, ce qui explique que la régulation du secteur de la formation soit opérée par les partenaires sociaux eux-mêmes. L'État surveille, quant à lui, la mise en concurrence des prestataires privés de formation ;

- un projet de loi visant à étendre le principe du compte épargne compétence doit être discuté en janvier 2002, afin d'en étendre l'application à tous les salariés ;

- la politique de formation des chômeurs est territorialisée, les mises en concurrence de prestataires ont lieu dans chaque département. Même si les prestataires n'ont pas de lien direct avec les entreprises du bassin d'emploi, ils entretiennent des relations informelles avec celles-ci. C'est ainsi que les formations qu'ils proposent sont en adéquation avec les besoins, permettant à 70 % des chômeurs formés de retrouver un emploi.

En application de l'article 146 du Règlement, la Commission a alors décidé de la publication du rapport.

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

M. Jonas Ericson, Agence nationale du travail ;

Partenaires sociaux :

M. Gunnar Karlsonn, syndicat LO ;

M. Mats Essemyr, syndicat TCO ;

Mmes Ulla Ericson et Margareta Nygren, confédération patronale.

Entreprise Skandia :

M. Michel Wlodarczyk, directeur ;

M. Kari Rahkonen, chef de projet.

Entreprise Scania :

Mme Angela Arvidsson

M. Stellan Hahlin, directeur du développement des compétences.

3420 - Rapport d'information sur la Suède de M. Jacques Barrot (commission des finances)