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N° 3664

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 mars 2002.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 20 décembre 2000,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur général,

Député.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Parlement.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Dominique Frelaut, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Louis Guédon, M. Jacques Guyard, M. Pierre Hériaud, M. Edmond Hervé, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Pierre Méhaignerie, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila, M. Kofi Yamgnane.

SOMMAIRE

-

Pages

INTRODUCTION 5

I.- DU GROUPE DE TRAVAIL À LA NOUVELLE « CONSTITUTION BUDGÉTAIRE » : LA RÉFORME EN ROUTE 7

A.- LE GROUPE DE TRAVAIL SUR L'EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE ET LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE : DES PROPOSITIONS VOLONTARISTES ET PRAGMATIQUES 7

B.- LA MISE EN _UVRE DE LA RÉFORME : DE RÉELLES AVANCÉES 10

1.- Vers un renforcement de pouvoirs d'investigation et de contrôle effectifs 10

2.- L'optimisation du calendrier budgétaire 12

a) L'émergence d'un cycle budgétaire annuel 12

b) Une articulation satisfaisante avec les débats communautaires 14

3.- L'expérience encourageante des commissions élargies 15

C.- LA NOUVELLE « CONSTITUTION BUDGÉTAIRE » : LA MOBILISATION DE TOUS LES ACTEURS 22

II.- LA MEC : L'APPRENTISSAGE DE L'ÉVALUATION PARLEMENTAIRE 27

A.- DES MÉTHODES INNOVANTES 27

B.- DES DIAGNOSTICS SANS CONCESSION 29

C.- UN SUIVI À CONFORTER 35

III.- LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION FISCALE : LA MÉTHODE RENOUVELÉE ; DES RÉSULTATS PROMETTEURS 41

EXAMEN EN COMMISSION 55

AUDITION DE M. BERNARD PÊCHEUR, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, SUR LE RECOUVREMENT DE L'IMPÔT 59

ANNEXES 87

Annexe 1 : Documents relatifs à la politique autoroutière

Lettre, en date du 3 octobre 2001, de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement 89

Annexe 2 : Documents relatifs aux aides à l'emploi

Lettre, en date du 3 août 2001, de M. Bernard KRYNEN, directeur adjoint du cabinet de la ministre de l'emploi et de la solidarité 101

Annexe 3 : Documents relatifs à l'usage des fonds de la formation professionnelle

Lettre, en date du 7 juillet 2001, de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle 111

Annexe 4 : Document relatif à la gestion des universités

Lettre, en date du 6 mars 2001, de M. Alain Claeys, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur 119

Annexe 5 : Document relatif au fonctionnement des COTOREP

Lettre, en date du 14 avril 2001, de M. Pierre Forgues, rapporteur spécial des crédits de la solidarité 123

Mesdames, Messieurs,

Soucieux de rénover les méthodes de contrôle de la dépense publique, le groupe de travail présidé par le Président Laurent Fabius sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire déboucha sur une recommandation particulièrement novatrice : la création, au sein de notre Assemblée, d'une mission d'évaluation et de contrôle (MEC). Celle-ci fut effectivement créée le 3 février 1999, au sein de la Commission des finances.

La MEC a donc maintenant trois années d'expérience. Après deux premiers bilans dressés par votre Rapporteur général à l'issue des travaux conduits au premier semestre de 1999 et au premier semestre de 2000, les développements qui suivent ont pour objet un regard rétrospectif, dans la perspective des changements dans la façon de concevoir et d'exercer le contrôle budgétaire parlementaire sous la 11ème législature.

I.- DU GROUPE DE TRAVAIL À LA NOUVELLE « CONSTITUTION BUDGÉTAIRE » : LA RÉFORME EN ROUTE

A.- LE GROUPE DE TRAVAIL SUR L'EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE ET LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE : DES PROPOSITIONS VOLONTARISTES ET PRAGMATIQUES

Le 27 janvier 1999, le groupe de travail initié par M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, rendait ses conclusions (1) et faisait des propositions sur les moyens d'aboutir à une plus grande efficacité des dépenses publiques.

Toutes les analyses et toutes les auditions convergeaient vers deux points majeurs : il n'y a pas d'évaluation de la dépense publique en France et le Parlement, en raison de sa légitimité, peut impulser une telle réforme. Une évaluation de la dépense publique implique de doter les assemblées des moyens d'en évaluer les performances, sauf à poursuivre la logique, qui est la nôtre depuis des années, qui consiste à gérer la dépense publique indépendamment de son efficacité.

Deux niveaux de propositions étaient formulés, des réformes immédiatement opérationnelles pour une nouvelle orientation du rôle du Parlement et des réformes plus profondes touchant au fonctionnement de l'Etat.

Il n'est pas sans intérêt de rappeler le contenu du premier niveau de propositions, lesquelles étaient susceptibles d'entrer en application sans modification législative essentielle et encore moins constitutionnelle.

Quatre grandes orientations étaient retenues : développer les activités de contrôle du Parlement ; évaluer la dépense publique ; renforcer le débat démocratique ; rénover l'exercice du pouvoir financier.

PRINCIPALES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR LES RÉFORMES À METTRE EN _UVRE IMMÉDIATEMENT

Développer les activités de contrôle du Parlement

· Contrôler l'emploi des crédits tout au long de l'année, en créant chaque année, au sein de la Commission des finances, une mission d'évaluation et de contrôle, chargée d'auditionner les responsables politiques et administratifs sur la gestion de leurs crédits et de mener des investigations approfondies sur quatre ou cinq politiques publiques. La mission établira un calendrier de ses auditions, qui auront lieu chaque semaine durant tout le premier semestre. Les auditions seront ouvertes aux membres de la Commission des finances et aux rapporteurs pour avis des autres commissions.

.../...

· Mieux contrôler l'exécution des lois de finances, en avançant le vote de la loi de règlement à l'année N + 1. L'accélération de l'arrêté des comptes et l'anticipation de la déclaration de conformité doivent permettre à terme le vote de la loi de règlement avant celui de la prochaine loi de finances, dans le cadre d'une discussion commune.

· Resserrer les liens avec la Cour des comptes

- intégrer, autant que possible, les demandes du Parlement dans le programme de travail établi annuellement par la Cour des comptes ;

- préparer les contrôles sur pièces et sur place des rapporteurs budgétaires et les auditions de la mission d'évaluation et de contrôle avec le concours des magistrats de la Cour des comptes ;

- appliquer pleinement l'article L. 132-4 du code des juridictions financières, qui prescrit à la Cour de procéder aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et de leur communiquer ses constatations et observations.

Evaluer la dépense publique

· Privilégier l'évaluation des services votés, qui représentent plus de 90% du budget, plutôt que la seule discussion des mesures nouvelles

- mener un programme annuel d'évaluations, portant sur des actions publiques transversales (exemples : programmes militaires, formation professionnelle, aides aux entreprises, etc.). Ce programme portera chaque année sur quatre ou cinq domaines. Il sera arrêté par la mission d'évaluation et de contrôle ;

- débattre des résultats, en procédant à l'audition des évaluateurs et des responsables des politiques évaluées.

· Se donner des moyens efficaces pour agir

- tirer les enseignements des évaluations, par exemple par l'audition d'un ministre, le vote d'une mesure nouvelle, le dépôt d'une proposition de loi ;

- doter la Commission des finances d'une banque informatique de données budgétaires et financières, lui permettant de procéder à des simulations.

Renforcer le débat démocratique

· Conduire les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle en toute transparence

- ouvrir à la presse les auditions de contrôle et d'évaluation ;

- retransmettre les réunions hebdomadaires de la mission sur la chaîne de télévision parlementaire ;

- publier les rapports d'évaluation, avec le compte rendu des auditions et des débats auxquels ils auront donné lieu.

.../...

· Elargir les droits de l'opposition

- confier à un membre de l'opposition la coprésidence de la mission annuelle d'évaluation et de contrôle, aux côtés du Président de la Commission des finances, l'animation et la coordination des travaux étant assurées par le Rapporteur général ;

- associer l'opposition à la préparation des auditions hebdomadaires de la mission.

· Consacrer chaque mois une séance de questions au gouvernement à l'examen d'une politique publique, en soumettant, pendant une heure, le ministre concerné à une série de questions ciblées.

Rénover l'exercice du pouvoir financier

· Privilégier la discussion des grandes orientations économiques et financières

- examiner chaque année, en Commission de finances, avant transmission à Bruxelles, les perspectives triennales des finances publiques, incluant l'ensemble des dépenses publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) ;

- organiser chaque année, en séance publique, un débat d'orientation budgétaire, sur la base des rapports présentés par la Cour des comptes (exécution de la loi de finances précédente) et le Gouvernement (rapport sur les orientations budgétaires ; perspectives triennales des finances publiques).

Ne pourrait-on envisager que ce débat soit conclu par le vote d'une loi d'orientation triennale des finances publiques ?

- mieux préparer ce débat en amont, en Commission des finances, sur la base de simulations commandées à des organismes de prévision, ainsi que d'auditions et de tables rondes d'experts.

· Pratiquer un nouveau rythme d'exercice du pouvoir financier, associant mieux les commissions et s'appuyant sur deux grandes phases de travail

- La première phase sera consacrée, de janvier à juin, au contrôle des comptes et à l'évaluation des politiques publiques et se conclura, à l'automne, par le vote de la loi de règlement.

- La seconde phase débutera, en mai-juin, avec le débat d'orientation budgétaire et s'achèvera, à l'automne, par le vote de la loi de finances.

L'examen des fascicules budgétaires se déroulera au sein des commissions saisies pour avis. Les débats auront lieu en présence des ministres et s'appuieront sur les rapports des rapporteurs spéciaux et pour avis. Ils seront ouverts à la presse, nationale et régionale, et donneront lieu à compte rendu au Journal officiel. Une procédure de questions écrites permettra aux députés d'obtenir réponse au plus tard le jour de la séance publique.

Le débat en séance publique se concentrera sur l'examen des articles de la première partie de la loi de finances, puis des articles (rattachés ou non) de la deuxième partie, et sur un examen resserré des crédits, privilégiant l'examen des politiques publiques, leurs orientations et leur efficacité. Le débat en séance publique sera ainsi l'aboutissement des travaux menés en amont, en commission.

Trois ans plus tard où en est-on ?

B.- LA MISE EN _UVRE DE LA RÉFORME : DE RÉELLES AVANCÉES

1.- Vers un renforcement de pouvoirs d'investigation et de contrôle effectifs

Il est exact que, dès l'origine de la Vème République, le Parlement a disposé de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place importants en matière budgétaire, définis par l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959. A ce titre les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances disposent de pouvoirs permanents d'investigation et de communication de documents sur l'exécution des budgets votés et sur la gestion des entreprises nationales.

En pratique, cependant, l'exercice de ces pouvoirs d'investigation s'est heurté à des obstacles à la fois techniques et « culturels ».

¬  L'accès aux informations d'ordre financier ou administratif susceptibles de faciliter la mission des rapporteurs peut être difficile, car ils peuvent se heurter à la question du secret professionnel. En outre, le non-respect des prérogatives dévolues aux rapporteurs parlementaires ne faisait l'objet d'aucune sanction alors même que ces sanctions étaient prévues au bénéfice des magistrats et rapporteurs de la Cour des comptes.

C'est la raison pour laquelle, à l'initiative du Président Henri Emmanuelli et de votre Rapporteur général, l'article 31 de la première loi de finances rectificative pour 2000 du 13 juillet 2000 a aligné les pouvoirs d'investigation des rapporteurs de la Commission des finances sur ceux des rapporteurs de la Cour des comptes. Cet article a délié du secret professionnel les agents des services financiers, les commissaires aux comptes, ainsi que les représentants des autorités publiques de contrôle et de régulation, à l'égard des rapporteurs spéciaux en charge des budgets des entreprises et organismes publics, ainsi que des rapporteurs chargés de suivre et de contrôler les organismes gérant un système obligatoire de sécurité sociale. La demande de levée du secret professionnel est toutefois subordonnée à une autorisation conjointe du Président et du Rapporteur général de chaque Commission des finances. Il convient de relever que la notion de secret professionnel inclut celle de secret fiscal, ce qui est important s'agissant de l'exercice des pouvoirs de contrôle de votre Rapporteur général.

En effet, le champ des pouvoirs d'investigation du Président et du Rapporteur général de la Commission des finances a été précisé. Il est possible de suivre et contrôler de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits de l'ensemble des départements ministériels, l'évolution des recettes de l'Etat et de l'ensemble des recettes publiques affectées, ainsi que la gestion des entreprises et organismes publics ou recevant des financements publics, c'est-à-dire des organismes qui entrent dans le champ de compétence de la Cour des comptes. Tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent être fournis, sous réserve de l'application du secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure et extérieure et enfin du respect du principe de la séparation des pouvoirs, notamment du pouvoir judiciaire (2).

¬  Au-delà de ces obstacles techniques, il a pu être fait état d'obstacles « culturels ». Les parlementaires ont été longtemps réticents à utiliser de tels pouvoirs. S'il n'est pas utile d'en abuser, encore convient-il d'en user et entre un usage mesuré et pas d'usage, il existe une marge de progrès, ce que votre Rapporteur général a souhaité démontrer, à plusieurs reprises.

Dès le mois de février 2000, dans un contexte marqué par le débat surréaliste qui s'était développé sur la « vraie-fausse » cagnotte, votre Rapporteur général s'est rendu à l'Agence comptable centrale du Trésor, afin d'obtenir des précisions sur diverses opérations de fin d'exercice. Il a été rendu compte de ce contrôle dans un rapport d'information sur les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget 1999, présenté à la Commission des finances le 14 mars 2000 (3). L'opération, fructueuse pour l'information des élus, a été renouvelée en 2001 et cette année même, donnant lieu à deux rapports d'information (4) respectivement examinés par la Commission des finances les 28 février 2001 et 5 mars 2002.

Par ailleurs, votre Rapporteur général a, à plusieurs reprises, exercé son pouvoir de contrôle s'agissant des recettes fiscales, qu'il s'agisse des modalités d'assiette et de contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de la défiscalisation outre-mer. Il s'est ainsi rendu à deux reprises à la direction des services fiscaux de Paris-Ouest, ressort territorial dans lequel sont domiciliés les redevables à l'origine de près de 20% du produit de l'ISF national. Par ailleurs, à la suite des modifications du dispositif de défiscalisation outre-mer introduites par la loi de finances initiale pour 1998, votre Rapporteur général a effectué une mission dans les quatre départements d'outre-mer en janvier et février 1998. A la suite de ces investigations, un rapport d'analyse et de proposition, publié en juillet 1998, a servi de fondement à des modifications législatives insérées à son initiative dans la loi de finances initiale pour 1999.

¬  La loi organique du 1er août 2001 a renforcé ce nouveau cours en consacrant dans son article 57 les pouvoirs de contrôle propres au Président, au Rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux de la Commission des finances. En outre, son article 58 prévoit que la Cour des comptes réponde aux demandes d'assistance formulées par le Président et le Rapporteur général de la Commission des finances pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 57 précité. Ces dispositions s'appliquent depuis le 1er janvier 2002. Il appartiendra aux acteurs de la nouvelle législature de les mettre en _uvre.

Il convient de relever ici que, à la différence de ce qu'avait préconisé le groupe de travail, la loi organique ne prévoit donc pas d'étendre les pouvoirs de contrôle des rapporteurs spéciaux de la Commission des finances aux rapporteurs pour avis des autres commissions. La participation des autres commissions permanentes a été recherchée par l'association de ses rapporteurs pour avis aux travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle.

Il appartient désormais à la nouvelle législature de garantir la montée en puissance des contrôles sur pièces et sur place.

2.- L'optimisation du calendrier budgétaire

Par étapes successives, s'est progressivement mis en place un cycle budgétaire, qui rend caduques la pratique et la vision traditionnelles du « marathon » des quatre mois, de septembre à décembre, consacrés aux débats en commission et en séance sur le projet de loi de finances pour l'année suivante et sur le « collectif » de fin d'année. Ce cycle budgétaire présente désormais une forte cohérence interne et avec le calendrier européen. La loi organique du 1er août 2001 a consolidé et consacré cette approche qui s'appliquera à compter de cette année, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2003.

a) L'émergence d'un cycle budgétaire annuel

¬  Au premier trimestre de l'année, la Commission des finances s'est depuis trois ans, attachée à l'examen des premiers résultats de l'exécution du budget de l'année précédente. Comme il a été souligné, cet examen doit être apprécié du point de vue de l'exercice effectif des pouvoirs de contrôle, tout particulièrement s'agissant des opérations effectuées pendant la période complémentaire. Mais, au-delà de cet aspect, il permet d'apprécier la qualité et le réalisme des prévisions du Gouvernement et son souci de respecter l'autorisation parlementaire en matière budgétaire. Ce rapport rend compte en effet de l'évolution des recettes, des dépenses et des conditions de pilotage du solde.

¬  A la fin du printemps, le débat d'orientation budgétaire, tenu pour la première fois en avril 1990, puis en mai 1996 et en juin 1998, est désormais devenu une pratique usuelle sauf en cas de présentation d'un projet de loi de finances rectificative. Il permet aux membres de l'Assemblée d'être informés, de façon précoce, des premiers éléments d'exécution du budget voté, des principales évolutions affectant les finances publiques et des principaux choix envisagés par le Gouvernement. Il permet aussi aux députés d'insister sur les adaptations qui auraient leur préférence. Il convient toutefois de veiller à ne pas transformer ce débat en discussion anticipée du projet de loi de finances. Pour aborder cette discussion, le Parlement dispose, désormais, du rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances de l'année précédente ainsi que d'un rapport déposé par le Gouvernement faisant le point sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques et présentant la stratégie budgétaire pour l'année à venir.

On a pu souhaiter que ce débat se tienne avant que ne soit arrêtée la lettre de cadrage budgétaire adressée par le Premier ministre aux différents ministres. Si l'information de la Commission des finances sur cette lettre est indispensable - et ses membres en ont disposé cette année, dès le 13 avril, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement - il convient de relever que le débat d'orientation budgétaire ne trouve vraiment son sens que si les hypothèses économiques qui vont structurer les choix fiscaux et budgétaires du projet de loi de finances sont suffisamment fiables. De ce point de vue, la tenue trop tôt d'un débat d'orientation risquerait plus d'être une source de confusion que de constituer une avancée réelle. Il faut d'ailleurs relever que la loi organique du 1er août 2001, lorsque qu'elle sera en vigueur en ce qui concerne le pouvoir d'amendement des parlementaires en matière de dépenses, donne tout son sens au fait de distinguer une discussion, à la fin du printemps, sur les choix stratégiques en matière de dépenses, et la discussion et la modification de leurs modalités concrètes de mise en _uvre lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances.

¬  A l'automne, le cycle budgétaire se poursuit désormais, depuis deux ans, dans le respect de la règle de l'antériorité de la discussion du projet de règlement de l'année n par rapport à celle du projet de loi de finances de l'année n+2. Cela a été rendu possible grâce aux efforts de la Cour des comptes pour publier son rapport sur l'exécution des lois de finances dès le mois de juin et à ceux du Gouvernement pour déposer le projet de loi de règlement dès le début du mois de juillet.

A partir de cette année, la loi organique du 1er août 2001 consacre l'obligation de ce « chaînage vertueux », puisque aux termes de son article 41 « le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ». Il convient de relever que son article 52 dispose désormais qu'en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution. Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement. Ce rapport peut faire l'objet d'un débat. Cette disposition sera applicable pour la discussion du prochain projet de loi de finances.

¬  Après la discussion du collectif de fin d'année, le cycle budgétaire se clôture et le prochain s'ouvre par la présentation, par les ministres en charge de l'économie et du budget, de la programmation triennale des finances publiques à la Commission des finances, avant sa transmission à la Commission européenne, comme la pratique s'en est instaurée depuis trois exercices.

Il faut souligner ici que ces efforts dans le suivi d'un cycle budgétaire cohérent ont été rendus possibles par l'anticipation de la publication de certains documents. Il convient de remarquer aussi que cette anticipation a été accompagnée d'un enrichissement de l'information donnée au Parlement. En 2000 et 2001, le Gouvernement a communiqué avec le projet de loi de règlement du budget de l'année n-1, des comptes rendus de gestion budgétaire de ministères. Quoique encore très incomplètes, ces informations supplémentaires ont constitué une innovation qu'il faut saluer en vue de permettre au Parlement de dépasser la simple approche comptable de la dépense pour se familiariser avec la démarche de suivi de l'efficacité de son autorisation budgétaire qui est appelée à se situer au c_ur de sa fonction de contrôle de la dépense publique.

Dans le même esprit, on peut souligner les innovations introduites dans le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances qui présente désormais la dette « en droits constatés », le provisionnement des principales créances fiscales et des éclaircissements sur le patrimoine de l'Etat ainsi que sur ses engagements hors bilan. On notera cependant que les engagements liés aux retraites des fonctionnaires ne sont pas chiffrés au-delà évidemment des versements annuels.

Bien sûr, d'importants progrès sont encore à réaliser pour aboutir à l'efficacité du « chaînage vertueux » au regard de la nécessaire évaluation de la dépense publique. Mais les instruments ont été définis et progressivement mis en place pour permettre à l'Assemblée nationale, et d'abord à sa Commission des finances, de rompre avec le carcan de la reconduction des services votés sans examen de la performance de la dépense.

En outre, il convient de relever que, conformément aux orientations du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, la Commission des finances est en train de se doter d'un modèle de simulation économique et fiscale permettant de répondre à l'attente des députés, de la majorité et de l'opposition, de disposer de moyens autonomes de simulation.

b) Une articulation satisfaisante avec les débats communautaires

Les conditions dans lesquelles ce cycle budgétaire national s'insère dans les débats communautaires ont pu faire l'objet de critiques. A l'expérience, on peut néanmoins considérer que cette articulation n'est pas défavorable à l'intervention de l'Assemblée nationale.

Deux questions doivent être distinguées : celle de notre contribution au financement du budget communautaire et celle de la programmation budgétaire pluriannuelle.

¬  Comme il a été indiqué, depuis trois exercices, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat au budget viennent présenter devant la Commission des finances, avant sa communication à la Commission européenne, le programme pluriannuel des finances publiques actualisé de la France. Cette présentation est utile car elle permet de prendre en compte, dès le début de l'exercice, les engagements à moyen terme dans lesquels doivent s'inscrire les choix budgétaires qui seront discutés lors du débat d'orientation budgétaire et des débats de l'automne. On notera d'ailleurs que le débat d'orientation budgétaire intervient après l'examen des programmes de stabilité par la Commission et le Conseil européens, ce qui permet aux parlementaires de prendre en compte les observations qui ont pu être effectuées à cette occasion.

¬  En ce qui concerne la participation française au financement du budget communautaire, la procédure faisant intervenir l'Assemblée nationale est désormais traditionnelle et bien rodée. Elle lui permet de se prononcer, une première fois, au stade de la préparation du budget communautaire, une seconde occasion d'intervenir lui étant offerte lors de l'examen de l'article du projet de loi de finances évaluant le montant du prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des Communautés européennes.

L'avant-projet de budget établi par la Commission européenne est soumis au Parlement au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Cet avant-projet donne lieu à un rapport de la Délégation pour l'Union européenne de notre Assemblée complété par une proposition de résolution. La Commission des finances, sur le rapport de votre Rapporteur général, examine cette proposition de résolution et l'avant-projet qui en constitue le fondement. L'avis exprimé par l'Assemblée nationale à partir de la proposition de résolution adoptée par la Commission des finances intervient avant que le Conseil « budget » ne se prononce sur cet avant-projet.

Ensuite, l'Assemblée nationale intervient au moment du vote sur l'article relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, ce qui lui permet d'examiner dans quelle mesure les souhaits exprimés dans sa résolution ont été pris en compte. L'impact sur nos finances nationales est d'ailleurs calculé à partir du projet de budget qui a été adopté en première lecture par le Conseil « budget ». Ce débat donne l'occasion d'aborder en séance publique l'ensemble des questions financières et budgétaires de l'Union européenne.

3.- L'expérience encourageante des commissions élargies

Les conditions d'examen des fascicules budgétaires ont été améliorées avec la mise en place, pour un nombre limité de budgets ministériels, d'une nouvelle procédure d'examen en commission élargie.

Cette réforme marque également l'aboutissement des réflexions menées, en 1998 et 1999, par le groupe de travail, présidé par le Président Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire. Le groupe de travail avait, en effet, préconisé une réforme de la procédure budgétaire parlementaire, tant au sein des commissions qu'en séance publique :

« L'examen des fascicules budgétaires se déroulerait au sein des commissions saisies pour avis. Les débats auraient lieu en présence des ministres et s'appuieraient sur les rapports des rapporteurs spéciaux et pour avis. Ils seraient ouverts à la presse, nationale et régionale, et donneraient lieu à un compte rendu au Journal officiel.

Une telle réforme, compte tenu du bouleversement qu'elle entraîne des habitudes anciennes, peut être mise en _uvre de façon progressive. Elle pourrait être engagée dès l'automne prochain, à titre expérimental, sur un nombre limité de budgets.

Elle ne doit pas, non plus, se traduire par une réduction, par rapport au système actuel, de la possibilité, pour les députés, de questionner le Gouvernement. Aussi, pourrait-il être envisagé, outre les questions que les députés posent oralement au ministre au cours de son audition par la commission saisie pour avis, que, dans le cadre d'une organisation par groupe analogue à celle prévue pour la séance publique, les députés puissent poser, à cette occasion, des questions écrites au ministre concerné. Celui-ci aurait l'obligation de publier sa réponse au plus tard au moment de la discussion de son budget en séance publique.

Le débat en séance publique, achevant cette deuxième phase, pourrait être consacré à l'examen des articles de la première partie de la loi de finances, puis des articles de la deuxième partie, et au vote des crédits, à l'issue de débats plus resserrés privilégiant l'examen des politiques publiques, de leurs orientations et de leur efficacité, débats dans lesquels interviendraient les rapporteurs et un orateur par groupe. L'examen des éventuels amendements se déroulerait selon les règles habituelles ».

Chargé, en concertation avec les présidents des groupes et des commissions permanentes, d'une mission sur la révision des conditions d'examen du budget, votre Rapporteur général a présenté des propositions en ce sens lors de la Conférence des Présidents du 15 juin 1999. Celles-ci furent approuvées lors de la Conférence des Présidents du 22 juin 1999 : cinq budgets ont ainsi été retenus, afin de faire l'objet, à titre expérimental, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, d'une nouvelle procédure d'examen. Cette démarche se révélant positive, elle a été appliquée depuis à l'examen de six, puis de sept budgets, qui ont varié d'une année sur l'autre.

BUDGETS AYANT FAIT L'OBJET
D'UN EXAMEN EN COMMISSION ÉLARGIE

Commissions

PLF 2000

PLF 2001

PLF 2002

Affaires culturelles

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L'objectif poursuivi par cette réforme était de « revivifier » le débat budgétaire, d'une part, en approfondissant sensiblement les travaux menés au sein des commissions saisies pour avis et, d'autre part, en concentrant les débats menés en séance publique sur les grandes orientations de la politique sectorielle examinée, tout en accroissant, parallèlement, la capacité d'expression des députés.

Le constat initial était que les députés consacrent, en effet, environ un mois, soit quelque 150 heures de débat, à l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Mais, enserrée par des contraintes politiques et juridiques, la discussion budgétaire de cette seconde partie est devenue progressivement une sorte de « rite », sans véritable enjeu au regard des modifications de crédits retenues. Certes, l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances permet à tout député de s'exprimer, et ce, sur toute question, soumettant ainsi l'administration à l'obligation de rendre compte. Mais, il était difficile de se cacher que cet examen repose essentiellement sur des échanges quelque peu « académiques », portant sur la politique générale du département ministériel concerné, auxquels se mêle l'évocation de questions plus locales.

L'expérimentation engagée en 1999 a donc visé à redonner vie aux débats parlementaires lors de l'examen du budget. Elle a reposé sur trois innovations :

- un examen sensiblement approfondi en commission, en présence du ministre responsable et des parlementaires concernés, cet examen devant faire l'objet d'une publicité plus large ;

- l'introduction d'une nouvelle procédure de questions écrites budgétaires ;

- un débat en séance publique concentré sur la présentation et l'appréciation politique du budget.

A cette fin, une « commission élargie » réunit le ministre concerné, le rapporteur spécial de la Commission des finances, les rapporteurs des commissions saisies pour avis, les intervenants officiellement désignés par les groupes et tout député qui souhaite participer aux débats. Le ministre est amené à présenter les crédits de son département ministériel et à répondre aux différentes questions soulevées par les intervenants. A l'issue de ces travaux, la commission élargie donne son avis sur les crédits concernés, le vote proprement dit des crédits revenant à la Commission des finances dans les conditions habituelles.

Afin de favoriser la présence des députés à ces réunions, il a été décidé que ceux-ci ne seraient pas appelés à siéger simultanément en commission élargie et en séance publique.

Enfin, des procédures spécifiques de publicité des travaux de la commission élargie ont été introduites : leurs réunions ont été ouvertes à la presse et au public et ont fait l'objet des mêmes mesures de publicité que la séance publique (retransmission télévisée, compte rendu analytique, compte rendu intégral publié au Journal officiel « Débats », en annexe au compte rendu de la séance publique au cours de laquelle s'est déroulé l'examen du fascicule budgétaire concerné).

Afin d'améliorer les possibilités d'expression des députés, il a été introduit, outre la possibilité pour ceux-ci d'interroger le ministre lors de son audition par la commission élargie, une procédure écrite de questions budgétaires, qui se substitue aux questions orales posées par les députés lors de la seconde phase d'examen des fascicules budgétaires.

Ainsi, les groupes politiques ont eu la possibilité de se répartir vingt-deux questions par fascicule budgétaire, soit un total de cent dix questions écrites budgétaires. Cette répartition est faite proportionnellement à l'importance numérique des groupes politiques, corrigée par l'attribution initiale d'une question par groupe, ce qui a abouti à la répartition suivante :

- groupe socialiste 8 questions

- groupe RPR 5 questions

- groupe UDF 3 questions

- groupe Démocratie libérale 2 questions

- groupe communiste 2 questions

- groupe radical, citoyen et vert (RCV) 2 questions.

Le tableau suivant récapitule le nombre de questions effectivement posées.

NOMBRE DE QUESTIONS BUDGÉTAIRES ÉCRITES
EFFECTIVEMENT POSÉES

Groupes politiques

PLF 2000

PLF 2001

PLF 2002

Quota théorique

Nombre effectif

Quota théorique

Nombre effectif

Quota théorique

Nombre effectif

Socialiste

40

40

56

56

56

53

RPR

25

23

35

27

35

24

UDF

15

6

21

3

21

15

Démocratie libérale

10

10

14

12

14

14

Communiste

10

10

14

14

14

13

RCV

10

10

14

6

14

11

Les réponses à ces questions écrites sont désormais transmises à leur auteur préalablement aux réunions des commissions élargies. Les questions budgétaires écrites et les réponses y afférent sont publiées ensemble au Compte rendu analytique, ainsi qu'au Journal officiel « Débats », en annexe au compte rendu de la séance au cours de laquelle le budget correspondant a été examiné.

S'agissant de la séance publique, compte tenu des possibilités d'expression résultant des procédures précédemment évoquées, la discussion des fascicules auxquels s'applique la réforme de la procédure budgétaire fait l'objet d'une organisation spécifique, destinée à resserrer et à solenniser le débat.

A cette fin, interviennent exclusivement les rapporteurs des commissions, chacun pour cinq minutes, un membre du Gouvernement, pour dix minutes, et un orateur par groupe en explications de vote, chacun pour dix minutes, l'appel des crédits et des amendements se faisant ensuite dans les conditions habituelles.

Quel bilan tirer de la mise en _uvre de cette nouvelle procédure ?

L'expérimentation engagée a commencé de redonner vie au débat budgétaire. Il est vrai que, contrairement à l'expérience des commissions élargies lancée en 1975 à l'initiative du Président Edgar Faure, des mesures d'accompagnement ont été prévues, destinées à favoriser la présence des députés en commission et à développer leurs possibilités d'expression.

De manière globale, il apparaît à votre Rapporteur général que l'adhésion des députés à la procédure de la commission élargie et le bon fonctionnement de la procédure des questions écrites budgétaires paraissent l'emporter, dans le bilan, sur les quelques insatisfactions exprimées à propos du débat en séance publique.

Les commissions saisies pour avis sont appelées à devenir, dans cette expérimentation, le lieu privilégié de l'examen des fascicules budgétaires, sans toutefois que la Commission des finances perde son rôle propre en la matière.

Les débats menés au sein des commissions élargies devraient être plus spontanés, plus souples et donc plus riches que ceux observés en séance publique, pour permettre un véritable dialogue, animé, avec le ministre concerné. Le caractère dynamique et interactif des échanges entre les députés et les ministres concernés constitue, sans nul doute, l'objectif à atteindre par cette réforme de la procédure budgétaire. Compte tenu du changement d'habitudes que cela requiert, il faut se donner le temps d'obtenir que les ministres se prêtent d'emblée au jeu des « questions-réponses » des députés, aussi précises et directes soient-elles, ce qui peut contribuer à donner une image renouvelée des travaux parlementaires. L'expérimentation entreprise cherche à engager, comme c'était son but, les commissions élargies dans la voie d'une réelle politique de dialogue et d'interpellation des ministres. Pouvait-on y parvenir d'emblée ? On peut en douter. Faudrait-il pour cette raison y renoncer ? On peut en douter aussi.

S'agissant des questions budgétaires écrites, cette procédure a été largement utilisée par les députés, sans pour autant faire double emploi avec les débats en commission élargie ou en séance publique,  l'objectif étant que les questions budgétaires écrites complètent les échanges en commission élargie. Globalement, les questions budgétaires écrites ont permis d'améliorer sensiblement les possibilités d'expression des députés.

En ce qui concerne la séance publique, la réforme a contribué à une réduction significative de la durée globale de discussion des fascicules budgétaires. Cela montre qu'un rééquilibrage dans la répartition du temps d'examen des fascicules entre la séance publique et le travail en commission est durablement praticable, si l'on parvient à donner et conserver leur caractère propre aux débats en commission élargie, dans le sens de la souplesse et de la spontanéité, à renforcer la capacité globale d'expression des parlementaires, et ce, dans des conditions de publicité équivalentes à celles des débats en séance publique.

La séance publique peut ainsi être l'occasion de débats centrés sur une appréciation politique et stratégique des fascicules budgétaires, par opposition aux échanges plus techniques observés en commission élargie.

Certes, l'expérimentation a montré que le dispositif n'est pas exempt d'imperfections, qui peuvent être corrigées, et a quelquefois fait l'objet de vives critiques.

Toutefois, hormis le cas spécifique de la Commission de la Défense (5), il semble, à votre Rapporteur général, moyennant quelques aménagements de la procédure, que les acteurs de la nouvelle législature pourraient utilement poursuivre l'expérimentation engagée, en élargissant, soit progressivement, soit plutôt même très largement, son champ d'application et en apportant quelques retouches à la procédure mise en _uvre (6).

Il convient, à cet égard, de rappeler que l'organisation des débats en commission élargie relève de la compétence des bureaux et des présidents des commissions. Il reste, toutefois, que certains inconvénients, notamment un certain manque de spontanéité des débats, ainsi qu'un temps de parole jugé insuffisant pour l'opposition, paraissent appeler quelques inflexions.

L'objectif de la réforme est, en effet, de susciter des échanges vivants et de plus grande qualité, fondés sur un véritable dialogue avec le ministre, que les règles strictes encadrant le déroulement de la séance publique ne permettent guère aujourd'hui. Afin que la commission élargie devienne davantage le lieu d'un tel débat, à la fois technique et ouvert, il serait sans doute possible, à raison même de la spécificité de la procédure, de « resserrer » l'intervention liminaire du ministre afin de laisser une plus grande place au dialogue, qu'elle soit limitée à une durée maximale de dix minutes, voire même supprimée, une note de présentation distribuée à la presse et aux députés préalablement à la réunion de la commission élargie et insérée dans les comptes rendus pouvant s'y substituer. Le ministre serait ainsi en mesure de concentrer ses interventions sur les réponses à apporter aux membres de la commission.

De même, et, encore à raison même de la spécificité de la procédure, les interventions des rapporteurs pourraient sans doute d'emblée prendre la forme d'un questionnement du ministre.

Bien sûr, de tels aménagements impliquent de rompre avec des usages « traditionnels », prétendument enracinés dans la vie parlementaire. Mais les députés de la 11ème législature (1997-2002) auront justement, montré que l'on peut changer les habitudes malgré le scepticisme initial. Il semble désormais impératif, au regard de la nécessaire revalorisation des travaux parlementaires, de revivifier, autant que faire se peut, les débats parlementaires.

Compte tenu des plages de temps susceptibles d'être dégagées grâce à cette dynamisation du débat, l'opposition devrait sans doute disposer d'une capacité d'expression plus substantielle. Enfin, le rôle des groupes pourrait être officialisé, par le biais de la désignation officielle d'un intervenant, dont le nom serait transmis préalablement au président de la commission. Par souci de préserver la spontanéité des débats, il semble cependant souhaitable de limiter la durée de son intervention à cinq minutes.

L'expérimentation engagée en 1999 fait pleinement partie de la démarche globale visant à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement. Elle vise à créer, au sein des commissions, dont les travaux sont malheureusement mal connus, les conditions d'une véritable « culture de contrôle » face au Gouvernement, qui se verrait dès lors « interpellé » sur sa politique au nom de la Représentation nationale, alors que les règles strictes encadrant le déroulement de la séance publique ne permettent guère aujourd'hui de tels échanges. Si les modalités de fonctionnement des commissions élargies reçoivent quelques améliorations, elles peuvent répondre à cette ambition de donner au débat budgétaire un aspect plus dynamique, plus incisif et plus constructif, dans l'attente des changements qui résulteront des possibilités données aux parlementaires, par la nouvelle loi organique, de prendre l'initiative de modifier la répartition des moyens budgétaires au sein des enveloppes constituées par les missions.

C.- LA NOUVELLE « CONSTITUTION BUDGÉTAIRE » :
LA MOBILISATION DE TOUS LES ACTEURS

Le deuxième niveau des propositions formulées par le groupe de travail participait de la réforme de l'Etat et nécessitait, à la fois, une modification des textes régissant l'organisation du débat parlementaire, en particulier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et l'introduction dans la sphère publique de méthodes plus modernes de gestion.

PRINCIPALES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR LES RÉFORMES DE MOYEN TERME

améliorer la transparence et la signification des comptes publics

· Garantir la sincérité des informations budgétaires

- consulter la Cour des comptes sur les projets de loi de finances et les comptes annexés, au regard de leur sincérité ;

- passer d'une comptabilité de trésorerie à une comptabilité en droits constatés ;

- mieux appliquer le principe d'universalité, en évaluant la totalité des recettes (fonds de concours par exemple) et des dépenses (crédits évaluatifs, amortissements, provisions, etc.). ;

- inscrire en loi de finances le montant des emprunts envisagés, en précisant les méthodes de gestion de la dette ;

- consolider les comptes de l'Etat, des établissements publics et des entreprises publiques.

· Renforcer l'information du Parlement

- établir chaque année, dans le cadre d'une comptabilité patrimoniale, un bilan et un « hors-bilan » de l'Etat, accompagnés de projections à trois ans, afin d'évaluer le patrimoine de l'Etat et ses engagements à long terme (droits à pension, garanties, etc.) ;

- accompagner le budget de perspectives d'évolution des principaux postes (personnel, charges de la dette, etc.) à l'horizon de trois à cinq ans ;

- présenter annuellement un plan stratégique par ministère, exposant les résultats atteints l'année précédente par rapport aux objectifs annoncés, ainsi que les objectifs fixés et les moyens requis pour l'année suivante.

centrer la discussion budgetaire sur l'efficacité de la dépense publique

- substituer, à terme, à la présentation actuelle par nature de charges ou par destination, une présentation des crédits par programme et par acteur, permettant une évaluation
a posteriori 
;

- introduire des indicateurs de résultats et de moyens, précis et chiffrés, pour les crédits de chaque programme, la structure d'objectifs devant être présentée au Parlement en début de législature ;

.../...

- permettre des redéploiements de crédits, en autorisant les parlementaires à opérer des compensations entre dépenses publiques comme ils sont autorisés à le faire en matière de ressources publiques ;

- distinguer entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Parvenir à terme à un équilibre de la section de fonctionnement, comme c'est la règle en Allemagne ou dans les collectivités locales.

rendre l'exécution budgétaire plus respectueuse de l'autorisation donnée par le parlement

- fournir aux commissions des finances des deux Assemblées une information préalable sur les opérations de régulation budgétaire ;

- au-delà d'un certain seuil d'annulations ou de virements de crédits, rendre obligatoire le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative.

rendre la gestion publique plus souple et mieux contrôlable

· Permettre aux gestionnaires davantage de souplesse dans l'emploi des crédits

- globaliser les crédits de fonctionnement, dans le cadre d'enveloppes réparties par programme et par acteur et non plus par nature de crédits à charge pour les gestionnaires de respecter leurs objectifs et d'en rendre compte ;

- tendre vers une pluriannualité des dépenses de fonctionnement et faciliter les reports de crédits de manière à éviter les gaspillages de fin d'année.

· Moderniser les méthodes de gestion

- nommer auprès de chaque ministère un secrétaire général de l'administration, chargé d'établir le plan stratégique des services et des centres de responsabilité, de suivre les indicateurs de gestion, d'établir un rapport annuel d'activité et de rendre compte au ministre ;

- tenir une comptabilité analytique permettant de connaître avec précision le coût des services rendus ;

- introduire dans chaque administration et chaque établissement public un contrôle de gestion, afin de passer d'une logique de dépenses à une logique de résultats.

Sur ce point aussi, les engagements ont été tenus puisque la proposition de loi organique présentée par votre Rapporteur général, scellant une nouvelle « constitution budgétaire » pour le pays, a été adoptée, en termes identiques par les deux assemblées, le 28 juin 2001, et publiée, après la décision de conformité du Conseil Constitutionnel, le 1er août 2001.

Sans procéder, ici, à l'analyse de cette loi organique, rappelons que les pouvoirs du Parlement sont renforcés dans trois directions complémentaires : adopter un calendrier favorisant l'exercice de la fonction budgétaire du Parlement tout au long de l'année, restaurer toute la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement, accroître la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires pour permettre un véritable contrôle.

Le contrôle parlementaire est renforcé et l'article 40 de la Constitution s'appliquera au niveau des seules missions ministérielles ou interministérielles. Les parlementaires pourront donc redéployer les crédits, à l'intérieur de chaque mission, entre les programmes. Le Parlement disposera d'informations plus nombreuses, plus lisibles et plus cohérentes, s'agissant, en particulier, des résultats des contrôles d'évaluation des objectifs assignés aux administrations. Enfin les modalités de la régulation budgétaire en cours d'exercice devront, au préalable, faire l'objet d'une information des commissions parlementaires concernées.

Un autre aspect essentiel de la réforme touche à la sincérité des comptes de l'Etat. L'ordonnance du 2 janvier 1959 était muette sur ce point et ne s'intéressait qu'à la régularité des comptes.

L'article 27 de la loi organique du 1er août 2001 prévoit que la comptabilité de l'Etat doit permettre d'analyser les coûts des différentes actions engagées au titre des programmes et que les comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine et de la situation financière de l'Etat. L'article 30 précise que la comptabilité générale de l'Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations et que les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement. Il sera désormais possible de connaître précisément le montant réel de la dette, des engagements de l'Etat en matière de retraites de ses fonctionnaires et de la valeur de tous ses actifs. L'article 58 confie à la Cour des comptes, au titre de la mission d'assistance du Parlement, la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes. Cette certification sera annexée au projet de loi de règlement.

La réforme porte également sur l'amélioration de la gestion publique, indissociable d'une recherche de plus grande efficacité de la dépense. L'autorisation et l'exécution budgétaires seront organisées autour de missions et de programmes, rompant avec la spécialisation des crédits par chapitre. À un budget de moyens, présentant les crédits par nature de dépenses, sera substituée une logique d'objectifs et de résultats, susceptibles d'une véritable évaluation. Les gestionnaires pourront ainsi utiliser, avec une recherche d'efficacité maximum, les crédits qui leur seront ouverts, sous réserve, bien sûr, de rendre compte de leurs décisions et de leurs conséquences. Toutefois, les crédits ouverts au titre des dépenses de personnel de chaque programme constituent le plafond des dépenses de cette nature.

Cette responsabilisation des gestionnaires, dotés d'enveloppes globales et de crédits fongibles n'est pas synonyme de « blanc-seing ». Les demandes de crédits seront justifiées a priori dans des projets annuels de performance. Aux termes de l'article 51 de la nouvelle loi organique, ces projets préciseront notamment les actions, les coûts associés, les objectifs poursuivis, les résultats obtenus et attendus pour les années à venir au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié. En outre, il sera rendu compte a posteriori de la gestion dans des rapports annuels de performances qui feront notamment connaître, par programme, les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés, en mettant en évidence les écarts avec les prévisions de lois de finances de l'année considérée, ainsi que les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement.

Il serait erroné de penser que l'entrée en vigueur de ces dispositions pour la loi de finances 2006 laisse une plage de temps substantielle. Votre Rapporteur général est au contraire convaincu que les délais d'adaptation sont très serrés et nécessitent une forte mobilisation des différents acteurs.

Il s'agit d'un défi important pour tous.

C'est vrai, par exemple, pour la Cour des comptes au regard de sa nouvelle mission de certification des comptes. Lors de son audition par la Commission des finances sur le projet de loi de règlement pour 2000, le 3 octobre 2001, le Premier président François Logerot avait d'ailleurs insisté sur le fait que la démarche de certification des comptes de l'Etat constitue une nouveauté totale par rapport à la démarche de la déclaration de conformité, puisqu'elle nécessitera un examen de la fiabilité des méthodes comptables utilisées pour garantir la fidélité et la sincérité de la situation financière de l'Etat.

C'est vrai, par exemple, pour la fonction comptable qui se trouve complètement transformée. Votre Rapporteur général a pu constater que la mobilisation des personnels de la Direction générale de la comptabilité publique, en particulier ceux de l'Agence comptable centrale du Trésor, était complète. Quatre défis doivent être relevés : la tenue intégrée de trois comptabilités (de gestion, d'exercice et budgétaire), la gestion de l'information pertinente qu'elles apportent, sa restitution aux différents décideurs en tenant compte de la diversité de leurs préoccupations, enfin, la garantie de sa qualité en vue de la certification. Cette réforme implique donc une modernisation complète de la fonction comptable et des outils qui sont les siens. De ce point de vue, le bon déroulement de la mise en _uvre du projet ACCORD (« Application Coordonnée de Comptabilisation, d'Ordonnancement et de Règlement de la Dépense de l'Etat ») est un élément essentiel à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique. Après avoir été testée au ministère de l'Intérieur, l'application ACCORD l'est désormais dans huit ministères, le principe du raccordement de toutes les administrations centrales en 2004 étant arrêté. En l'état, l'application ne répond pas entièrement aux besoins qui seront ceux de la mise en _uvre de la loi organique. L'objectif est aujourd'hui de vérifier dans quelle mesure un progiciel peut répondre aux besoins spécifiques d'administrations publiques, notamment aux contraintes de la comptabilité publique. C'est donc une nouvelle version d'ACCORD qui devra être développée jusqu'en 2005 pour intégrer toutes les dispositions de la nouvelle loi organique.

En outre, la définition d'un référentiel comptable est une autre tâche essentielle pour pouvoir tenir compte des différences importantes par rapport à la comptabilité générale. La Direction de la comptabilité publique a ainsi mis en place une mission des normes comptables pour créer ce référentiel qui occupe l'équivalent de 6 agents temps plein.

La mobilisation des ministères doit également être totale pour la définition des programmes et des missions. Une impulsion politique forte est indispensable. De ce point de vue, l'exemple du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est intéressant avec la création d'un Conseil de la nouvelle constitution financière. Présidé par le Ministre ou la Secrétaire d'Etat au budget, il a pour mission de fédérer l'action des différents services du ministère dans la préparation de la mise en _uvre de la nouvelle loi organique. Il appartient en effet aux différents ministres et hauts responsables administratifs de mobiliser l'ensemble des agents publics autour des objectifs de la loi organique. Les adaptations qu'elle requiert doivent être présentées de façon à fédérer les énergies au service d'une nouvelle dynamique du service public

Il appartiendra aux acteurs de la 12ème législature de suivre ce processus avec toute l'attention qu'il requiert. Bien évidemment, le défi sera tout particulièrement celui de la Commission des finances. C'est à la lumière de ces perspectives très dynamisantes qu'il convient d'apprécier ce qu'a été le travail des membres de la Mission d'évaluation et de contrôle, la MEC.

II.- LA MEC : L'APPRENTISSAGE DE L'ÉVALUATION PARLEMENTAIRE

La MEC aura été exemplaire des changements que le Parlement peut impulser lorsqu'il en a la volonté politique.

Préconisée dans le rapport du groupe de travail présenté le 27 janvier 1999, la MEC était mise en place dès le 3 février suivant et un premier rapport d'information rendant compte des travaux menés au cours des ses trois premiers mois de fonctionnement publié en juillet 1999 (7).

Evaluer une politique consiste à mettre en regard ses objectifs, sa mise en _uvre et ses résultats. Si l'évaluation peut être facilement distinguée du contrôle de régularité, elle peut, en revanche, prendre plusieurs formes : diagnostics, bilans, suivis des résultats, expertises, qui nécessitent, chacun, des outils d'intervention adaptés. Mais, dans tous les cas, on n'évalue pas sans objectif. Ce qui doit également caractériser toutes les formes d'évaluation, c'est leur intégration au processus de décision, autrement dit leur capacité à permettre d'infléchir, compléter ou suspendre une action publique. Ce dernier point est évidemment essentiel au regard du rôle confié au Parlement dans la nouvelle loi organique.

Il faut souligner aussi que l'évaluation diffère de l'action politique au sens classique du terme, c'est-à-dire la confrontation des idées ou des propositions suivies du choix par le vote. L'évaluation permet de juger de l'efficacité des moyens affectés à une action publique pour apprécier la performance de la dépense. Il est instructif de noter, à cet égard, que parmi toutes les tentatives entreprises par le Parlement pour se doter d'un minimum d'outil de suivi de l'application des lois, la MEC est sans doute la plus aboutie dans la mesure où elle repose sur des méthodes parfaitement adaptées à son objet dont la majorité et l'opposition ont bien voulu assumer, ensemble et continûment, la nouveauté.

A.- DES MÉTHODES INNOVANTES

Les principales recommandations du groupe de travail concernant le fonctionnement de la MEC sont devenues réalités, notamment, le copilotage et la coprésidence entre la majorité et l'opposition, un recours accru à l'expertise de la Cour des comptes, des auditions publiques sans complaisance et à un rythme soutenu.

¬  Au cours de ses trois sessions successives, la MEC a pu fonder ses travaux sur une approche non partisane du contrôle de l'exécution de la dépense publique.

Chaque thème à traiter doit recueillir l'unanimité ou au moins un large consensus des membres de la Mission, les sujets étant souvent suggérés par les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances. Ceux-ci et les rapporteurs pour avis ont su, de plus, travailler de concert. Les auditions publiques n'ont pas débouché sur des polémiques politiciennes, les membres de la MEC s'attachant à privilégier l'émergence d'une volonté commune. Le système de la présidence alternée des deux coprésidents a conforté cette approche qu'ont heureusement expérimentée nos collègues MM. Augustin Bonrepaux et Philippe Auberger et notre ancien collègue, M. Jean-Pierre Delalande.

En 1999, la MEC a ainsi travaillé sur quatre thèmes, qui ont, chacun, donné lieu à un rapport contenant le compte-rendu intégral des auditions auxquelles la Mission a procédé sous l'impulsion du Rapporteur spécial en charge du dossier et, le cas échéant, des rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les recommandations et les propositions retenues. Ces thèmes étaient les suivants : la politique autoroutière,  la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale ; les aides à l'emploi ; l'amélioration de l'usage des fonds de la formation professionnelle. En 2000, sur les quatre sujets retenus, la gestion des universités, le fonctionnement des COTOREP, la situation minière en Nouvelle-Calédonie et le recouvrement de l'impôt, seuls les travaux sur la Nouvelle-Calédonie n'ont pas donné lieu à un rapport.

En 2001, les travaux sur la gestion et le financement de l'eau et ceux sur le logement social ont donné lieu à des rapports publiés avant la fin de la session (8). Le troisième thème retenu pour cette troisième année de travail, l'administration de la justice, sous l'égide du Rapporteur spécial, M. Patrick Devedjian, et du rapporteur pour avis de la Commission des lois, notre ancien collègue, M. Jacques Floch, a fait l'objet d'un rapport adopté le 26 septembre dernier (9).

Comme votre Rapporteur général a déjà eu l'occasion de le souligner dans la présentation des bilans des précédentes sessions de la MEC, la présence de tous les membres de la Mission ou de leur suppléant, investis de la confiance de leur groupe politique et de celle de la Commission des finances, est utile, à toutes les réunions, pour garantir l'approche contradictoire, l'équilibre et le pluralisme, et donc la crédibilité des travaux et des conclusions qui en résultent. En outre, une meilleure association des rapporteurs des commissions saisies pour avis des projets de lois de finances serait sans doute possible.

¬  Les travaux de la MEC s'attachent à une expertise objective et pluraliste.

De ce point de vue, le concours de la Cour des comptes est essentiel. Les investigations de la MEC exploitent fréquemment les enquêtes menées par la Cour des comptes qui a apporté toute sa contribution au déroulement des travaux et des débats. La Cour a participé activement aux réunions préparatoires, tenues à huis clos, suggérant les thèmes de réflexion et donnant un aperçu de ses travaux. Toutes les réunions et les auditions conduites par la MEC se font en présence des magistrats de la Cour en charge des dossiers inscrits à l'ordre du jour. Ces magistrats apportent leur propre contribution au débat et, le cas échéant, posent des questions aux interlocuteurs de la Mission. Il faut ici remercier les Premiers présidents Pierre Joxe et François Logerot en qui la MEC a toujours trouvé l'appui nécessaire au bon déroulement de ses travaux.

On peut s'attendre, dans l'esprit de l'assistance de la Cour au Parlement tel qu'il est défini par la nouvelle loi organique, à ce que la MEC ou la Commission des finances saisissent, demain, la Cour d'enquêtes spécifiques qui pourraient contribuer à nourrir la réflexion des parlementaires. De même, si la MEC n'a pas encore eu recours à des cabinets d'audit spécialisés, une telle éventualité demeure possible.

¬  La MEC place l'administration dans l'obligation de rendre compte de son action à l'occasion d'auditions publiques.

Au-delà de l'audition des ministres qu'elle pratique également, la MEC a fréquemment auditionné les directeurs d'administration centrale ou les responsables d'agences nationales. A l'expérience, cette pratique apparaît précieuse. Certains difficultés ont d'ailleurs pu se faire jour, chez certains d'entre eux, pour s'adapter à cette nouvelle démarche de l'Assemblée nationale. Cela montre que le nouvel état d'esprit, dont témoigne la MEC, ne peut rester sans répercussions sur la façon dont l'administration - personnifiée par ce que l'on désigne communément comme « la haute administration » - envisage sa relation avec la Représentation nationale. Il est bon, en effet, qu'au-delà des ministres, l'administration elle-même vienne rendre compte, directement, aux représentants du peuple, de la façon dont elle exerce sa mission de préparation et d'application des choix faits par les Politiques.

Parallèlement, la MEC a également auditionné, à plusieurs reprises, des responsables de services déconcentrés pour éviter que ne se mette insidieusement en place un monopole d'expression de la haute administration devant la Représentation nationale qui rendrait plus difficile la mise au jour des pertes d'efficacité tenant au modèle d'administration lui-même.

Cette démarche apparaît donc porteuse de progrès à venir, même si elle implique une évolution de l'administration qui sera, elle aussi, progressive.

B.- DES DIAGNOSTICS SANS CONCESSION

La MEC doit faire en sorte que ses travaux débouchent, le plus et le plus rapidement possible, sur des résultats concrets. Cet élément doit évidemment être pris en compte lors de l'élaboration des propositions de réforme. Dans chaque rapport d'information, des propositions de réorientation des politiques, de réforme des modes de gestion ou encore de réexamen de l'affectation des crédits sont formulées au nom de la Mission à l'attention du Gouvernement. Elaborées à l'initiative du rapporteur spécial en charge du dossier, ces propositions résultent d'un examen à huis clos par l'ensemble des membres de la MEC, afin de parvenir à des pistes de réforme aussi consensuelles que possible, l'objectif recherché étant de renforcer l'efficacité d'une politique publique.

Un aspect du travail de la MEC mérite d'être souligné ici qui la distingue, par exemple, du fonctionnement des commissions d'enquête ou même d'autres missions d'information instituées par ailleurs. La MEC n'intervient normalement pas « à chaud », à la suite ou au c_ur d'une « crise ». Néanmoins, elle a toujours eu le souci de faire que son analyse approfondie débouche sur des constats et propositions sans concessions.

On comprendra mieux cette problématique spécifique en récapitulant les question abordées depuis 1999. Depuis son entrée en fonction, la MEC a traité dix thèmes, ces évaluations ayant porté sur des politiques permanentes de l'Etat plutôt que sur des programmes qui peuvent être plus clairement isolés ou limités et pour lesquels il est plus facile de mettre en regard des objectifs et des résultats. Il faut tenir compte ici du fait, on y reviendra, que les trois sessions successives tenues par la MEC doivent être replacées dans la perspective de l'entrée en vigueur, non encore intervenue, des dispositions de la nouvelle loi organique redéfinissant les modalités de la gestion publique.

On pourra se reporter, pour le détail des observations et des propositions formulées en 1999 et en 2000 au précédent rapport de synthèse, de votre Rapporteur général, sur les travaux de la MEC (10). Néanmoins, il n'est pas inutile d'en redonner le résumé pour souligner leur caractère propre.

¬  La politique autoroutière (1999). A l'initiative de notre collègue, M. Jean-Louis Idiart, Rapporteur spécial, la Mission a conclu à la nécessité d'une adaptation de la politique des transports en proposant diverses mesures :

- élaborer un schéma national des infrastructures, en définissant des priorités à l'aune des disponibilités budgétaires, dans le cadre de la dernière loi d'aménagement du territoire ;

- présenter au Parlement, avant le projet de loi de finances pour 2001, un projet de loi de programmation des infrastructures de transport, aucune autoroute nouvelle ne devant être lancée dans l'attente du vote de cette loi ;

- développer le nouvel objet autoroutier, qui permet de construire des liaisons rapides à moindre coût ;

- réaffecter la taxe d'aménagement du territoire, assise sur les sociétés d'autoroutes, à son objet initial, en considérant que cette taxe, qui pèse sur les sociétés d'autoroutes, a été créée pour financer des programmes nouveaux d'investissements, en sus de ceux prévus par le budget général et qu'en fait elle a simplement masqué la diminution des crédits budgétaires alloués aux transports ;

- réformer les procédures d'instruction et de décision de l'Etat, avec la mise en place d'une instance interministérielle d'instruction des projets autoroutiers, associant les principaux ministères intéressés : Transports, Environnement, Economie et Finances ;

- informer le Parlement de la situation financière des sociétés d'autoroutes.

¬  Les effectifs et les moyens de la police nationale (1999). A l'initiative de notre collègue, M. Tony Dreyfus, Rapporteur spécial, la MEC a mis l'accent sur la nécessité de redonner toute leur importance aux tâches policières stricto sensu et de les distinguer des tâches administratives en proposant de redéployer vers la police des fonctionnaires provenant d'autres ministères en situation de sureffectif, afin de leur confier les tâches administratives. Elle proposait également d'externaliser certaines tâches de gestion (par exemple, la maintenance informatique ou la réparation des automobiles). Elle préconisait ensuite d'assurer un meilleur contrôle des horaires et de la durée d'activité des policiers et de favoriser le paiement des heures supplémentaires plutôt que les récupérations, ainsi que de moduler les primes en rapport avec la manière de servir de chaque policier. Elle proposait enfin de poursuivre les redéploiements entre la police et la gendarmerie, de restructurer les différents services en s'entourant de toutes les précautions (clarification des missions, encadrement, formation...).

¬  Les aides à l'emploi (1999). A l'initiative de notre collègue, M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, la Mec a préconisé une redéfinition stricte des publics cibles des politiques d'aide à l'emploi et insisté sur la nécessité de définir des agrégats représentatifs de la dépense pour l'emploi, afin de disposer de données stables, exhaustives, permettant des comparaisons dans le temps et entre les différents types de politiques de l'emploi.

La MEC a proposé plusieurs pistes de réformes précises, en particulier :

- mettre un terme au financement public de préretraites sans embauche compensatrice et cesser toute participation systématique du Fonds national de l'emploi (FNE) au titre de nouvelles préretraites organisant la cession totale d'activité non suivie d'embauches de remplacement ;

- restreindre les effets d'aubaine et, en particulier, réduire de moitié la durée de l'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier salarié ;

- systématiser et approfondir l'évaluation des dispositifs d'aides à l'emploi (évaluation des contrats aidés du secteur marchand et non marchand et évaluation coordonnée des aides à l'emploi des collectivités territoriales par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes).

¬  La formation professionnelle (1999). A l'initiative de notre collègue, M. Jacques Barrot, Rapporteur spécial, la MEC a notamment constaté l'impossibilité de déterminer le coût global (frais pédagogiques, matériels et rémunérations des stagiaires) par grande catégorie de formation. Elle a également dénoncé l'absence de « contrôle de qualité » des formations délivrées et l'absence de sanctions de la qualité. Constatant l'extrême complexité du dispositif administratif de collecte des fonds, elle a proposé la création d'un « centre de formalité » unique destiné à gérer les différentes contributions à la formation professionnelle. Elle a enfin demandé l'élaboration d'un droit à la formation, individuel, transférable qui permettrait de remédier aux cloisonnements et aux déperditions observées par elle.

¬  La gestion des universités (2000). A l'initiative de notre collègue, M. Alain Claeys, Rapporteur spécial, la MEC a proposé de donner aux universités les moyens d'assumer pleinement leur autonomie :

- d'abord, par une plus large déconcentration, notamment au niveau du recrutement de certains personnels et en attribuant aux universités un contingent de bourses destinées à l'accueil d'étudiants étrangers ainsi que les crédits correspondants ;

- ensuite, en créant un pôle financier plus cohérent au sein des universités, ce qui passe par une clarification des responsabilités (Président, secrétaire général, agent comptable et chef des services financiers) et la poursuite de l'effort de formation de ces personnels dans le domaine financier ;

- enfin, au moyen d'outils de gestion mieux utilisés (par exemple, renforcement de l'Agence de modernisation des universités).

La MEC proposait ensuite de renforcer le contenu et l'évaluation de la politique contractuelle, qu'il s'agisse de son élaboration ou de son évaluation. Elle insistait enfin sur la nécessaire affirmation de l'autonomie des universités face à de nouveaux enjeux (optimisation des investissements programmés et nécessité de lever toute incertitude sur les conditions d'exercice des activités génératrices de ressources, par exemple quant à l'information sur les enjeux de la valorisation de la recherche ou la mise en place des services d'activités industrielles et commerciales prévus par la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche).

¬  Le fonctionnement des COTOREP (2000). A l'initiative de notre collègue, M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, la MEC a proposé de définir une nouvelle architecture des COTOREP abandonnant la division en deux sections et envisageant la mise en place d'un établissement public afin de remettre la personne handicapée au centre du dispositif et d'obtenir une unité de direction, de moyens et d'évaluation médicale. Elle proposait ensuite de mettre l'accent sur l'information et le travail en réseau en sensibilisant les services et institutions qui orientent les demandeurs vers les COTOREP, en organisant la fonction médicale autour des médecins coordonnateurs, en assurant un véritable suivi des orientations et en renforçant les relations avec les organismes de sécurité sociale. La MEC suggérait enfin de poursuivre la remise à niveau des personnels et des moyens (personnels d'encadrement, personnels administratif et médical, moyens informatiques et en ce qui concerne le relogement des commissions), y compris en mettant en place des contrats d'objectifs et de moyens avec les services déconcentrés de l'emploi et de la solidarité.

¬  Le recouvrement de l'impôt (2000). Sur le rapport de votre Rapporteur général, la MEC a constaté le coût relativement élevé du recouvrement de l'impôt en France par rapport aux performances de certaines administrations étrangères comparables. Pour parvenir à un service public de meilleure qualité, la MEC estimait que les principes de la réforme-modernisation du ministère annoncés le 28 avril 2000 allaient dans la bonne direction. La MEC faisait ensuite de l'institution d'un compte fiscal unique l'objectif premier de la réforme.

La MEC recommandait également que des progrès rapides soit accomplis dans l'activité des services, passant par l'élaboration d'indicateurs simples et fonctionnels permettant de mieux apprécier celle-ci. Après avoir suggéré une amélioration du processus d'élaboration de la loi fiscale, la MEC proposait de demander au secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de rendre périodiquement compte à la Commission des finances de la réforme-modernisation du ministère.

La MEC proposait par ailleurs la suppression, en deux ans, de la redevance de l'audiovisuel, compte tenu de son caractère d'impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer. Elle faisait parallèlement des propositions de financement de l'audiovisuel public.

En 2001, la MEC a inscrit trois thèmes à son programme de travail qui présentent des enjeux budgétaires importants.

¬  La question du financement et de la gestion de l'eau a été retenue en raison du constat selon lequel, les prix très variables d'une région à l'autre, vont partout croissant alors que la qualité serait en diminution. Les prix vont du simple au double selon les régions et peuvent même connaître un écart de 1 à 7 entre certaines communes. 15,24 milliards d'euros (100 milliards de francs) sont dépensés chaque année pour l'assainissement et la distribution de l'eau ainsi que pour les diverses taxes exigibles. C'est au cours des années 1990 que l'on a constaté les plus fortes augmentations dans ce domaine.

Notre collègue, M. Yves Tavernier, Rapporteur sur les problèmes liés au prix de l'eau, a présenté, à la Commission des finances, le 22 mai 2001, son rapport et les conclusions, préalablement adoptées par la MEC.

Dans ses conclusions générales, la MEC considère qu'il faut compléter la législation relative à la gestion du service public de l'eau, mais aussi, mieux appliquer la législation en vigueur. Par exemple, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, rend obligatoire l'élaboration de schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), au niveau des périmètres hydrographiques cohérents, mais, en dix ans, seulement trois SAGE ont été approuvés par les service de l'Etat.

Selon la MEC, le premier axe de réforme devrait consister à renforcer les pouvoirs des communes ou des structures intercommunales sur leurs services d'eau et d'assainissement quel que soit le mode de gestion. Cette maîtrise renforcée passe par l'amélioration des contrôles des collectivités sur les opérations de leur délégataire, notamment par la clarification et la certification des comptes et par le renforcement de leur capacité d'expertise. Le second axe porterait sur l'amélioration du marché de l'eau qui doit devenir plus concurrentiel et plus exigeant s'agissant des prestations fournies. Enfin l'amélioration de l'information des usagers et leur consultation régulière devraient également être prises en compte par la nouvelle loi.

¬  Le second thème retenu a trait au logement social, la MEC étant partie du constat de la diminution régulière depuis dix ans, des constructions de logements locatifs sociaux malgré des efforts financiers significatifs de l'Etat. Cette politique pose également des problèmes à trois autres niveaux : la clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, le coût élevé du foncier et l'inadaptation de l'offre de logements aux aspirations des éventuels bénéficiaires. Le montant total des aides budgétaires de l'Etat en faveur du logement s'est élevé à 10.220,94 millions d'euros (67.045 millions de francs) dans la loi de finances initiale pour 2001 et les aides publiques totales au logement, y compris les dépenses fiscales, devraient s'élever en 2001 à 28,97 milliards d'euros (190 milliards de francs).

Sur le rapport de notre collègue, M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial les propositions adoptées par la MEC, ont été examinées par la Commission des finances le 19 juin 2001.

Ces propositions, pour conforter le logement social, ne nécessitent aucune modification législative mais un meilleur fonctionnement des services de l'Etat dans ce domaine avec, notamment, le renforcement du rôle des services déconcentrés pour une gestion au plus près des besoins. Le rapporteur spécial propose, notamment, que l'Etat, tout en réaffirmant son rôle de régulateur et de garant de la solidarité nationale, simplifie et allège le cadre réglementaire relatif à la construction de logements sociaux dans le sens d'une meilleure prise en compte des réalités locales. La question foncière pourrait être améliorée par la réactivation des grands instruments de réserve foncière telle que le fonds national d'aménagement foncier et d'urbanisme. Elle pourrait l'être aussi en s'inspirant de la convention conclue en avril 2001 entre le Conseil régional d'Ile-de-France et l'Etat qui prévoit des engagements financiers réciproques pour l'acquisition de foncier destiné au logement social et au renouvellement urbain. Le recours au bail emphytéotique ou au bail à construction, qui permettent de dissocier le terrain et la construction, doit également être encouragé. La construction de logements sociaux restera en panne tant que l'Etat et les collectivités locales ne lui affecteront pas, en priorité, les terrains publics disponibles, plutôt que de chercher à en tirer le meilleur avantage financier.

Les acteurs du logement social doivent faire évoluer leurs modes de fonctionnement. En particulier, les organismes HLM comme ceux du 1% logement devraient s'engager résolument dans des actions de partenariat avec les autres opérateurs, afin de répondre à des demandes de plus en plus diversifiées et afin de faire face à des intérêts souvent contradictoires.

Par ailleurs, le rapport présenté par M. Jean-Louis Dumont a proposé la promotion d'une vraie politique d'accession sociale à la propriété par le maintien des effets solvabilisateurs du prêt à taux zéro (PTZ) et le développement de l'accession très sociale.

¬  Enfin, la MEC a décidé de s'intéresser à la gestion des crédits de la justice. Il lui a semblé que des problèmes structurels dans le fonctionnement de l'administration de la justice faisaient obstacle à la meilleure efficacité possible de ces crédits qui ont connu des augmentations significatives au cours de ces dernières années. L'attention de la Mission a été particulièrement attirée par les problèmes récurrents de sous-consommation des crédits d'équipement, de carte judiciaire inadaptée à la réalité juridique, de faiblesse de l'inspection générale des services judiciaires et enfin de la mise en place inachevée des services administratifs régionaux (SAR).

Notre collègue, M. Patrick Devedjian, Rapporteur spécial, a formulé, à son tour, des propositions qui répondent au questionnement de la MEC afin de rendre plus efficaces les crédits de la justice. Son rapport a été présenté à la Commission des finances le 26 septembre 2001 après avoir reçu l'approbation de la Mission.

S'agissant de la réforme de la carte judiciaire, il convient de souligner, parmi les propositions les plus importantes dont le suivi devra être vigilant, la poursuite de la réforme des tribunaux de commerce et le regroupement des tribunaux d'instance, notamment de ceux des vingt arrondissements de Paris.

La politique de l'équipement judiciaire semble particulièrement frappée d'inertie alors que les crédits ne sont pas consommés et que de nombreux chantiers de construction ou d'aménagement de tribunaux, notamment à Paris, n'aboutissent pas ou à un rythme désespérément lent. Le Rapporteur spécial propose de donner plus de moyens aux antennes régionales de l'équipement ainsi qu'à l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère créée récemment.

Toujours dans une perspective de renforcement de la déconcentration, les services administratifs régionaux (SAR) du ministère devraient voir, selon le Rapporteur spécial, leurs pouvoirs de gestion renforcés avec les moyens subséquents.

Votre Rapporteur général fait observer que la sous-administration des juridictions, relevée par le Rapporteur spécial et qui fait obstacle à une gestion efficace des crédits, est un phénomène constaté et analysé à plusieurs reprises par la MEC sur d'autres thèmes, notamment s'agissant du fonctionnement des universités et des services de la police.

La dernière proposition qui a recueilli l'approbation de la MEC consiste à développer l'inspection générale des services judiciaires, en recentrant son action sur le contrôle du fonctionnement des juridictions, en augmentant ses effectifs et en ouvrant ce service, qui n'est pas un corps d'inspection autonome, à d'autres corps que celui de la magistrature.

C.- UN SUIVI À CONFORTER

Le travail d'analyse et de proposition de la MEC n'est évidemment pas une fin en soi. Il n'a de sens qu'au regard des conséquences qui en sont tirées par le Gouvernement pour corriger, adapter, redéfinir ou éventuellement renforcer les politiques menées et les financements accordés. C'est la raison pour laquelle la MEC doit être constamment attentive à la suite donnée à ses propositions.

La MEC s'est également fixé comme objectif de « traquer » les gaspillages, les crédits peu ou mal consommés et, plus globalement, de mesurer l'efficience d'une politique publique, avec les conséquences budgétaires qui devraient en découler.

L'expérience acquise, à l'issue de ces trois années de fonctionnement, fait apparaître la difficulté d'aborder une politique sous l'angle très concret d'une appréciation coût/efficacité. Le penchant « naturel » demeure puissant d'aller plutôt à une approche générale, axée sur les grands objectifs d'une politique, en délaissant la question, sans doute aride parfois, des résultats mesurables. C'est vrai des ministres et de leur administration. On pourra le vérifier dans les réponses obtenues au titre du suivi des propositions de la MEC. Il faut toutefois reconnaître que cela demeure encore vrai du Parlement, comme le montrent, parfois, certaines de nos approches du contrôle budgétaire et certaines conclusions qui en sont tirées.

A la lecture des documents et des bilans communiqués à la MEC par les différents ministères, il ressort encore l'impression d'une difficulté, de leur part, à prendre la pleine mesure de la nature exacte de la démarche et des préoccupations de la Mission. Les réponses tendent encore plutôt à convaincre des progrès accomplis et du bien fondé des actions entreprises ou à venir qu'à apporter des éléments de réponse précis.

Depuis la parution du premier bilan du suivi des propositions de la MEC, fait par votre Rapporteur général, le 3 octobre 2000, des éléments complémentaires ont été apportés par le Gouvernement ou les Rapporteurs spéciaux.

¬  En matière de politique autoroutière, le rapport de notre collègue, M. Jean-Louis Idiart, préconisait la suppression du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les voies navigables (FITTVN) et la réaffectation, à son objet initial, de la taxe assise sur les sociétés d'autoroute. S'appuyant sur cette proposition la loi de finances pour 2001 a supprimé le FITTVN dont les montants ont été reversés au budget initial général.

Votre Rapporteur général a également interrogé, une seconde fois, le Ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'impact des autres propositions contenues dans le rapport de Jean-Louis Idiart. Le Ministre a répondu en adressant un bilan des actions et des réflexions menées dans le cadre de la politique autoroutière que l'on trouvera en annexe. Ce bilan est intéressant puisqu'il informe assez largement sur l'état des textes et des décisions passées et à venir, en matière de transport routier ainsi que sur le bilan financier des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA). En revanche, ce document ne répond qu'imparfaitement aux propositions de nature plus structurelle formulées dans le rapport de la MEC, et visant à trouver des leviers pour « un changement plus global de la politique des transports ». Il était ainsi proposé d'élaborer un schéma national des infrastructures, de présenter un projet de loi de programmation des infrastructures de transport et aussi de rompre avec la dispersion et le fractionnement excessif des services et des procédures d'instruction qui aboutissent à des décisions inadaptées par manque de débat et de transparence. Il aurait été intéressant, par exemple, de savoir sur quel type de projet le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), cité dans le bilan, a été sollicité et avec quel résultat.

¬  S'agissant de la profonde modernisation de la gestion des ressources humaines et matérielles de la police nationale proposée par notre collègue, M. Tony Dreyfus, la MEC avait notamment recommandé l'augmentation des effectifs des personnels administratifs, le paiement des heures supplémentaires en substitution du dispositif de récupération, ainsi qu'une modification du régime indemnitaire des services actifs afin de fidéliser les policiers dans les zones urbaines les plus sensibles. Il faut admettre que ces recommandations n'ont pas encore été suffisamment prises en considération par le Gouvernement. La généralisation de la police de proximité et le rattrapage des choix budgétaires antérieurs à la législature actuelle ont nécessité la mise en _uvre d'un effort quantitatif considérable en moyens humains dans les services actifs de la police nationale et en moyens de fonctionnement, effort dont il faut se réjouir qu'il ait pu constituer une priorité constante du Gouvernement. Il n'en demeure pas moins que les recommandations de la MEC constitueront sans nul doute des éléments pertinents concernant la réflexion qu'il faudra nécessairement mener s'agissant de la modernisation de la gestion des ressources de la police nationale, dont on peut estimer qu'elles se situent, désormais, à un niveau convenable.

¬  A l'initiative de notre collègue, M. Gérard Bapt, la MEC avait proposé de cesser toute participation systématique du fonds national de l'emploi (FNE) au titre de nouvelles préretraites organisant la cessation totale d'activité non suivie d'embauches de remplacement. Cette proposition a été suivie d'effet et les crédits du FNE ont diminué de 14,32% en 2000. A la demande de votre Rapporteur général, les services du ministère de l'emploi et de la solidarité ont adressé un bilan de la politique des aides à l'emploi qui, pour l'essentiel, énumère les travaux d'évaluation en cours ou achevés sur les contrats aidés et les dispositifs d'aide à l'emploi. Le bilan présente également les grandes orientations du nouveau programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. En revanche la question de la mesure et de la lutte contre les effets d'aubaine posée par le Rapporteur spécial est restée sans réponse.

¬  En ce qui concerne le renforcement de l'évaluation et du contrôle de la qualité de la formation professionnelle, préconisée par notre collègue, M. Jacques Barrot, un programme de renforcement des moyens de contrôle, tant au niveau central que déconcentré, a été décidé par le ministère avec l'augmentation des effectifs de contrôleurs et d'inspecteurs. L'amélioration de la gestion de trésorerie des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la formation professionnelle et leur contrôle par la Cour des comptes, étaient également vivement recommandés. Ils ont été pris en compte, notamment par la modification du code des juridictions financières introduite par l'article 11 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui autorise la Cour des comptes à pratiquer des contrôles sur « les organismes qui sont habilités à recevoir des taxes parafiscales, des impositions de toute nature et des cotisations légalement obligatoires, de même que sur les organismes habilités à percevoir des versements libératoires d'une obligation légale de faire ». Au titre du suivi des travaux de la MEC, votre Rapporteur général a interrogé, à nouveau, la Secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur les suites réservées aux autres propositions du rapport, telles que l'évaluation qualitative de la formation professionnelle ou le coût global par grande catégorie de formation, suggérant également qu'un bilan de la politique d'amélioration de la formation professionnelle puisse nous être adressé.

On trouvera, en annexe du présent rapport, la réponse obtenue et un descriptif de la politique conduite depuis le début de la législature.

S'agissant du suivi des recommandations formulées par la MEC en 2000, nos collègues, MM. Alain Claeys et Pierre Forgues, ont obtenu de la part de leurs interlocuteurs ministériels respectifs des réponses encourageantes et votre Rapporteur général est, de son côté, intervenu afin de faire préciser la mise en _uvre de certains engagements.

¬  Les réponses apportées aux recommandations figurant dans le rapport de notre collègue, M. Alain Claeys, sur la gestion des universités, figurent en annexe de son rapport spécial sur les crédits de l'enseignement supérieur pour 2001 (11) auquel on pourra se reporter. Si le suivi des investissements programmés et réalisés dans le cadre du plan « Université du troisième millénaire » (U3M) ou les recommandations relatives à la mise en _uvre de la politique contractuelle avec les établissements ont été suivis d'effet, en revanche, le Rapporteur spécial relevait que la mise en place des services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) prévus par la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche n'était alors pas intervenue.

¬  Pour ce qui est de la réforme des COTOREP, la fusion de la première et de la seconde section, la première compétente pour reconnaître la qualité de travailleur handicapé, la seconde pour fixer le taux d'incapacité, a reçu un accueil favorable de même que la mise en place d'une coordination à l'échelon régional. D'autres mesures devraient être en cours de mise en _uvre, notamment le plan pluriannuel de renforcement des moyens en personnels et en matériel, la refonte du système d'information permettant aux COTOREP de disposer de données épidémiologiques et sociales et d'assurer un meilleur suivi de ses décisions. En outre, la décision de réunir dans un chapitre unique les dépenses de fonctionnement des COTOREP, aujourd'hui encore dispersées entre plusieurs budgets est à l'étude, tout comme l'évolution des conditions d'exercice des médecins qui prêtent leur concours aux COTOREP.

Ces résultats d'ensemble montrent que la MEC « cible » généralement avec pertinence les insuffisances ou les dysfonctionnements d'une politique ou d'un service public, ses observations ou ses critiques étant rarement contestées par les administrations intéressées. En revanche, si les ministres approuvent certaines recommandations, leur mise en _uvre tarde à voir le jour et, lorsque les recommandations sont appliquées, elles se traduisent encore rarement par des réductions de coûts.

Au-delà de ce bilan en demi-teinte, il faut insister sur le fait que la MEC a aussi pour finalité de lancer une dynamique de long terme. Son apport, irremplaçable, sous cette législature, aura d'abord été celui de trois années de pratique de la rénovation du contrôle budgétaire et de ses méthodes. L'efficacité de la MEC pourra trouver toute sa mesure lorsque la loi organique du 1er août 2001 sera entrée en vigueur en ce qui concerne la substitution de la logique budgétaire de performance à la logique budgétaire de moyens, avec la prise en compte des objectifs poursuivis et des résultats obtenus par les gestionnaires. Avec le recul, ces trois années pourront apparaître, sans démérite, comme des années d'apprentissage.

En tout état de cause, il convient de refuser la rhétorique suivant laquelle la vraie réforme serait toujours la réforme impossible à mettre en _uvre. La MEC en est la preuve, parmi d'autres, on l'a vu, pour ce qui concerne l'Assemblée nationale. La réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie tend, elle-même, de plus en plus à le devenir en ce qui concerne l'administration.

III.- LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION FISCALE : LA MÉTHODE RENOUVELÉE ; DES RÉSULTATS PROMETTEURS

Les administrations fiscales (12) sont engagées dans un processus de réforme en profondeur qui porte progressivement ses fruits. L'échec, en 2000, de la tentative de réforme issue de la « Mission 2003 » a servi de révélateur, pour ses promoteurs comme pour ses adversaires, de l'impossibilité du statu quo et de la nécessité d'une nouvelle stratégie de modernisation. La nouvelle méthode retenue a déjà permis d'importants acquis, en termes de réorganisation, qui se traduisent par une amélioration de la qualité du service rendu au contribuable et un renforcement de l'efficacité des services. C'est la raison pour laquelle il faut être attentif à ne pas se contenter d'une lecture superficielle des évolutions intervenues depuis deux ans et donner à croire qu'une réforme progressive qui ne suscite pas d'opposition extrême ne pourrait, par là-même, n'être qu'une apparence de réforme. Une telle vision serait non seulement inexacte mais aussi injuste pour tous ceux qui ont consenti et consentent de réels efforts d'adaptation.

En même temps, il appartient au Parlement, et plus spécialement à la MEC, de rappeler la nécessité de ne pas perdre de vue le constat quantitatif qui a servi de déclencheur au présent mouvement de réforme : le recouvrement de l'impôt, qui n'est, après tout, qu'une fonction support de l'Etat, est relativement coûteux en France.

¬  On peut se réjouir de l'instauration d'un véritable pilotage stratégique, autour du secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui permet la mise en cohérence des différents services. L'activation du comité des directeurs y contribue également. L'existence de ce dernier a reçu sa consécration juridique dans le décret du 23 mai 2000 créant la fonction de secrétaire général. Ce comité qui réunit les directeurs généraux et les directeurs du ministère ainsi que les chefs de service des inspections et corps de contrôle se réunit tous les mois sous la présidence du secrétaire général pour examiner les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement du ministère, en particulier celles relatives à la réforme-modernisation. Par ailleurs, le pilotage se fait avec un important souci de concertation avec les agents, que ce soit au niveau des comités techniques paritaires ministériels ou à l'échelon local. En conséquence, les conflits sociaux au ministère ont été assez limitées depuis lors.

La Commission des finances, au travers de la MEC, s'est tenue informée, notamment en auditionnant le secrétaire général du ministère les 29 juin 2000 et 3 juillet 2001. En outre, votre Rapporteur général a à nouveau auditionné M. Bernard Pêcheur le 19 février dernier. La plupart des recommandations formulées par la MEC en 2000 (13) ont été traduites en actes.

La MEC avait aussi souligné, en 2000, la nécessité, pour les administrations fiscales, de s'appuyer sur une connaissance précise de leur activité, par la mise en place d'une fonction statistique interne. Certes, cette tâche peut peser relativement lourd pour les petits postes comptables. Mais elle est utile, dans la mesure où les données agrégées permettent d'évaluer au plus près le rapport efficacité/coût et la qualité du service rendu.

En ce domaine, les progrès sont appréciables. Il suffit d'examiner l'évolution du contenu du fascicule bleu Economie, finances et industrie annexé au projet de loi de finances, en particulier le détail des informations données pour décrire les agrégats du budget 2002. De même, les comptes rendus de gestion budgétaires, réalisés depuis deux ans, ont apporté d'utiles éclairages. En effet, le développement du recours à la comptabilité analytique permet d'isoler le coût des différentes missions des services. Cela peut être particulièrement intéressant, par exemple, lorsque l'on a souhaité évaluer l'impact budgétaire potentiel du recentrage des missions bancaires de la direction générale de la comptabilité publique. Enfin, l'analyse budgétaire sera facilitée si l'application de la loi organique relative aux lois de finances conduit à la construction d'un unique agrégat regroupant les trois directions fiscales du ministère.

Grâce à la définition d'indicateurs de résultats, il est désormais possible de formuler précisément des objectifs et des échéances, puis de vérifier à quel point ils ont été respectés. Ainsi, les administrations fiscales ont désormais un objectif général, celui de réaliser le compte fiscal simplifié, qui donnera la possibilité, à chaque contribuable et à chaque agent habilité de la DGI et de la DGCP, d'accéder directement à un compte fiscal, tous impôts confondus, grâce à un identifiant fiscal unique.

Interrogé par votre Rapporteur général sur sa démarche en vue d'obtenir une connaissance analytique de ses coûts, la Direction générale de la comptabilité publique a apporté la réponse suivante :

La connaissance analytique des coûts du Trésor public

Les travaux sur la connaissance des coûts du Trésor public, initiés par la Direction générale de la comptabilité publique à l'été 2000, ont été menés en faisant notamment appel à une mission d'assistance de l'Inspection Générale des Finances. Ils ont été finalisés au printemps 2001, permettant ainsi d'enrichir le document de présentation de l'agrégat budgétaire annexé au PLF 2002.

La démarche méthodologique

La méthodologie de répartition des coûts par mission distingue deux étapes complémentaires, permettant in fine de disposer d'une connaissance en termes de coûts complets.

● La première étape consiste à répartir les coûts relevant du seul périmètre de l'agrégat budgétaire du Trésor public sur chacune des cinq missions, en privilégiant les techniques d'affectation directe, et à distinguer parallèlement les coûts relevant d'une logique « support » (personnels affectés à des fonctions support, coûts de fonctionnement, d'informatique...).

S'agissant des dépenses de personnel (plus de 75% du total), la méthode utilisée consiste à faire répartir par les chefs d'unité, dans chaque structure, les effectifs réellement affectés aux différents métiers (y compris en raisonnant en « fraction d'agents » le cas échéant). Cet outil, utilisé en 2001 sur un échantillon significatif de postes (plus de 400 postes) sera généralisé aux 4000 postes dès le mois de mars 2002.

● La deuxième étape consiste :

- d'une part, à ajouter aux coûts directement affectés en première étape la part des coûts « support » revenant à chaque mission, en ayant recours soit à des techniques d'affectation directe (coûts des affranchissements par exemple), soit à des clés analytiques spécifiques aux différentes natures de dépenses concernées (informatique par exemple), soit enfin en s'appuyant sur la répartition des effectifs ;

- d'autre part, à introduire les charges non identifiées dans le strict périmètre de l'agrégat budgétaire du Trésor public, mais qui participent clairement des coûts complets des missions : charges de pensions civiles, charges supportées par d'autres agrégats (services centraux de la DG pour l'essentiel), charges calculées au titre de l'immobilier domanial.

Sur l'exemple de l'année 2000, cette seconde étape a ainsi conduit à ventiler un total de 2,94 milliards d'euros de coûts complets (au lieu de 2,39 milliards d'euros sur le seul périmètre de la première étape). Cette approche des coûts complets permet en outre de disposer d'ores et déjà d'indicateurs d'efficience fiables, publiés dans l'agrégat, tels les taux d'intervention du Trésor public, sur le recouvrement des recettes ou le paiement des dépenses publiques.

Les perspectives d'enrichissement

La méthode développée s'inscrit pleinement dans les deux axes de la loi organique relative aux lois de finances que sont :

- le développement d'une connaissance analytique des coûts, permettant d'offrir une réelle lisibilité sur le coût des missions et des actions entreprises ;

- la réelle prise en compte de la connaissance des coûts dans les démarches de responsabilisation des gestionnaires et de contrôle de gestion (analyse comparative entre structures, mise en place d'indicateurs d'efficience, rapprochement objectifs-moyens).

A cet égard, l'un des axes de progrès programmé par la DGCP est de généraliser les méthodes de connaissances des coûts complets au niveau local (dans chaque structure) pour en faire un véritable outil d'aide décisionnelle au pilotage et à l'optimisation des moyens.

C'est clairement l'un des objectifs de la rénovation en cours du système d'information du contrôle de gestion du Trésor public.

Source : Direction générale de la comptabilité publique.

¬  L'engagement dans une démarche de contractualisation constitue un autre instrument mobilisateur au service de la modernisation. Les services formalisent désormais avec la Direction du budget des contrats d'objectifs et de moyens. La Direction générale des impôts avait conclu un tel contrat, le 27 octobre 1999, qui a dû être redéfini, le 31 janvier 2001, afin de tenir compte de l'engagement de la réforme-modernisation. Il comporte des engagements de résultats, dont la réalisation est évaluée régulièrement, en contrepartie d'un maintien des crédits et des effectifs sur la période considérée. Les objectifs sont déclinés sous quatre rubriques : améliorer la qualité du service rendu à l'usager, assurer le bon fonctionnement du système déclaratif, préparer l'administration fiscale électronique et faire bénéficier les agents de la modernisation de la DGI.

Si des contrats de ce type n'ont pu encore être formalisés concernant la DGCP et la DGDDI, des progrès importants pouvant permettre de les inscrire dans cette démarche ont été accomplis.

Pour 2001 et 2002, la budgétisation des ressources extrabudgétaires de l'épargne en 2001 et la redéfinition de son périmètre d'activité liée au recentrage sur l'épargne d'intérêt général n'offraient pas un cadre suffisamment stabilisé pour permettre l'inscription de la DGCP dans une démarche contractuelle. S'agissant de la DGDDI, une réflexion sur l'évolution de ses missions a été engagée au mois d'octobre dernier (projet « La Douane à l'horizon 2005 »).

● Néanmoins, la DGCP et le réseau du Trésor public ont entrepris des efforts de modernisation regroupés sous le « plan gestion publique » pour la période 2002-2003. Ce plan comporte cinq engagements déclinés en rubriques et actions de modernisation, chaque action étant elle-même quantifiée par un indicateur et un échéancier de réalisation.

Les cinq engagements du plan gestion publique (quelques exemples d'actions)

Simplifier la relation avec l'usager et les partenaires :

Cet engagement regroupe un ensemble d'actions concernant le recouvrement et les moyens de paiement :

● Accompagnement (2002) de la généralisation du porte-monnaie électronique auprès des organismes publics (collectivités locales et établissements publics)

● Lancement des expérimentations de carte d'achat pour les commandes de petit montant des organismes publics (sur 9 sites en 2002)

● Mise en _uvre du délai global de paiement : réduction à 7,5 jours du délai moyen du comptable pour la dépense de l'Etat (2003) ; signature de chartes de partenariat (50 chartes par département) en vue de garantir le futur délai global maximal de paiement.

Offrir de nouveaux services aux décideurs locaux :

Cet engagement regroupe l'ensemble des actions de modernisation des prestations du Trésor public en direction du secteur public local :

● Ouverture d'un site Internet dédié aux décideurs du secteur public local (2002) au sein du portail www.minefi.gouv.fr (mise en ligne d'informations budgétaires, comptables, financières et juridiques)

● Extension (2002-2003) de la dématérialisation des opérations de masse (titres de recettes ; bulletins de paye ; dossier du pensionné) à partir du pôle de compétence « gestion électronique de documents » (GED) installé au département informatique d'Amiens

● Enrichissement des prestations dans le secteur public local : expérimentation sur 30 communes du compte financier (comptes 2003) ; accélération de la production des comptes ; diffusion de nouveaux outils d'analyse financière prospective (logiciel « solidaires » sur la simulation fiscale de l'intercommunalité - 2002 ; nouveau logiciel d'analyse financière prospective simplifiée en matière communale - 2003).

Renforcer l'efficacité des circuits financiers :

Rénovation du contrôle de la dépense (Etat ; secteur local et établissements publics) selon une double modalité : contrôle hiérarchisé et contrôle a priori allégé (en contrepartie d'un audit de la chaîne de la dépense) : lancement d'expérimentations (2002).

Améliorer la transparence des comptes publics avec la mise en place d'une véritable comptabilité d'exercice de l'Etat dans le cadre de la mise en _uvre du volet comptable de la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et la poursuite de la modernisation des comptabilités locales (départements ; régions ; SDIS). Une méthode de consolidation des comptes des collectivités locales sera définie en 2002 pour être expérimentée en 2003.

Garantir aux agents un environnement de travail performant grâce notamment aux projets informatiques ACCORD pour l'Etat, HELIOS pour le secteur public local et COPERNIC pour le compte fiscal simplifié.

Source : Direction générale de la comptabilité publique.

En outre, la DGCP a développé, depuis trois ans, un dispositif de pilotage par objectifs de son réseau déconcentré, articulé autour de la généralisation de la pratique des lettres de mission. A ce titre, les résultats obtenus par les responsables locaux en ce qui concerne les différentes missions sont appréciés au regard des objectifs qui leur sont assignés suivant un ensemble d'indicateurs de performance. Ces indicateurs sont à la base de la démarche de responsabilisation illustrée par la pratique des lettres de missions aux trésoriers payeurs généraux. A partir d'un diagnostic réalisé de façon contradictoire entre la DGCP et chaque TPG à sa prise de fonction, sont déterminés des objectifs de progrès sur les deux ans à venir, l'évaluation des résultats obtenus étant réalisée à la fin de la période avant d'entamer un nouveau cycle. En 2002, tous les TPG seront engagés dans cette démarche.

Par ailleurs, trois départements vont s'engager dans l'expérimentation d'une contractualisation objectifs-moyens. La démarche consiste à renforcer l'incitation d'un département à réaliser ses objectifs définis dans la lettre de mission du TPG et à promouvoir une maîtrise concertée des coûts de fonctionnement des services déconcentrés. Le contrat fixe les engagements pris par le TPG pour améliorer l'efficacité globale de son action sur la période 2002-2004 pour un nombre limité d'objectifs significatifs, propres au département, l'un des objectifs étant obligatoirement du domaine budgétaire. En contrepartie, le département bénéficie d'une garantie sur ses moyens de fonctionnement et ses perspectives d'investissement. Selon le niveau de réalisation des objectifs fixés dans le contrat, et l'absence de dégradation des résultats des autres indicateurs de la lettre de mission, une dotation complémentaire non reconductible est prévue au bénéfice du département.

● En ce qui concerne la DGDDI, la réflexion ouverte par le projet « La Douane à l'horizon 2005 » vise la définition de nouveaux axes de lutte contre la fraude, l'amélioration du service rendu aux usagers (simplifications et partenariat) ; la modernisation des services et la définition d'indicateurs d'activité, de coût et de performance.

¬  Dernière composante de la méthode adoptée dans le cadre de la réforme-modernisation, l'approche expérimentale s'est avérée très fructueuse, en permettant de vérifier l'applicabilité concrète des réorganisations envisagées et aussi de familiariser les agents avec une réalité nouvelle.

Il convient de donner un aperçu du vaste champ des réformes déjà acquises, qu'elles résultent ou non d'expérimentations. On notera, par exemple :

- la création d'un nouveau centre d'encaissement à Lille, après que l'expérience du centre d'encaissement de Créteil est apparue positive. Cette expérimentation vise à alléger les tâches matérielles d'encaissement des trésoreries et à fournir une information plus rapide sur l'encaissement réalisé ;

- la généralisation, pour la fin 2002, des pôles de recouvrement contentieux qui renforcera l'efficacité du traitement des situations liées aux contribuables « difficiles ». Corrélativement, un pôle de soutien national au recouvrement contentieux sera créé à Châtellerault ;

- la création d'un institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE) qui prend le relais du centre de formation professionnelle et de perfectionnement (CFPP), en y ajoutant des missions de veille, de recherche et d'échanges sur les évolutions des administrations publiques en France et à l'étranger ;

- la modernisation de la gestion du service des pensions, avec, notamment, l'instauration d'un compte unique du pensionné ;

- l'abandon par la DGCP des activités bancaires et d'épargne qui ne relèvent pas du service public (à l'exception des activités de préposé à CNP Assurance) ;

- la montée en puissance sur cinq ans d'un portail internet fiscal qui est déjà utilisable ;

- la généralisation, pour 2003, de l'accès aux centres de renseignement fiscal à distance baptisé « Impôts services » ; après le centre expérimental de Lille, seront ouverts en 2002 deux nouveaux centres à Rouen et Nancy ;

- le développement de l'accueil coopératif des contribuables dans tous les services déconcentrés de la DGI et de la DGCP, au moyen de la généralisation d'un intranet commun en 2002 ;

- le fonctionnement, depuis le 1er janvier 2002, d'une Direction des grandes entreprises qui est l'interlocuteur fiscal unique de plus de 22.000 entreprises et qui est appelée à gérer environ 25% du produit de la TVA et 45 % de l'impôt sur les société ;

- la généralisation, au cours de 2002, de l'interlocuteur économique unique appelé « MINinfo », qui consiste à mettre en réseau des correspondants relevant de huit services déconcentrés du ministère ;

- la généralisation de la téléprocédure « DEB sur le WEB » qui propose, aux entreprises effectuant du commerce intra-communautaire, un dispositif général de collecte des déclarations d'échanges de biens dématérialisées.

La Direction des grandes entreprises

La Direction des grandes entreprises (DGE) assure, depuis le 1er janvier 2002, la gestion des principaux impôts dus par les entreprises les plus importantes : celles qui réalisent plus de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxes ou d'actif brut, leurs filiales à plus de 50%, les personnes morales appartenant à un groupe intégré lorsqu'une entité au moins relève de la DGE et les sociétés placées sous le régime du bénéfice consolidé.

La mise en place de la Direction des grandes entreprises (DGE) au sein de la direction générale des impôts (DGI) est un élément essentiel de la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Parlement a concouru à cette mise en place par l'adoption de deux articles des lois de finances rectificatives de décembre 2000 et décembre 2001 afin de faire coïncider les obligations déclaratives et de paiement des contribuables relevant de la DGE.

Cette mise en place a été réalisée en deux étapes essentielles : le recensement de l'organigramme des groupes concernés par une déclaration spéciale à effectuer au 31 mai 2001 et une demande d'adhésion obligatoire aux téléprocédures (télédéclaration et télérèglement) que devaient accomplir les entreprises avant le 21 décembre 2001.

En même temps, l'administration a assuré l'installation d'équipes performantes affectées à l'assiette ou au recouvrement et issues de la Direction générale des impôts (principalement) et de la Direction générale de la comptabilité publique.

Compte tenu de l'ampleur de la réforme et de ses enjeux, la DGE devant effectuer le traitement d'environ 25% de la TVA et de 45% de l'impôt sur les sociétés, votre Rapporteur général s'est rendu au siège de la DGE à Pantin le 27 février 2002.

Cette visite a confirmé l'importance de la nouvelle structure puisque la DGE a recouvré environ 30% de la TVA due au titre de la déclaration de décembre 2001.

Il est apparu que la déclaration spéciale relative au périmètre de groupe avait permis en mai 2001 le recensement d'environ 90% des entreprises concernées. Au 1er janvier 2002, 22.770 entreprises relevaient de la DGE dont 1.785 « noyaux durs » dont le seuil de chiffre d'affaires ou d'actif brut s'élève au moins à 600 millions d'euros. Une plus grande lenteur a été constatée pour les demandes d'adhésion aux téléprocédures (environ 62% à la fin de décembre 2001) mais 17.540 adhésions avaient été réalisées au 18 février 2002.

On peut regretter que la totalité des obligations n'ait pu être dématérialisée et le maintien de certaines formalités hors de la DGE. Toutefois, le c_ur de la réforme consiste en la mise en place de dix équipes de onze agents interlocuteurs fiscaux uniques (IFU), spécialisées par types de redevables et qui ont la charge du suivi global de chacun des dossiers des grandes entreprises du point de vue de l'assiette, du contrôle et du recouvrement amiable des principaux impôts. Leur tâche est rendue possible par l'adaptation d'applications anciennes, comme MEDOC, aux spécificités de la DGE (recouvrement de l'IS et accueil des données transmises par téléprocédure) ou la mise en place d'applications nouvelles comme PEGASE (suivi du périmètre du groupe), ALADIN (dossier dématérialisé de l'entreprise) ou BIRDe (base de restitution des déclarations).

L'implantation, sur le même site de Pantin, de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) et de la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) devrait, grâce au partage de données informatiques (PEGASE, ALADIN), favoriser des synergies et faciliter le contrôle fiscal.

La mise en place de la DGE, avec un effectif de 215 agents, traduit donc une volonté d'efficacité et d'expérimentation par le traitement spécifique des entreprises les plus importantes et aux structures les plus complexes. Plusieurs questions devront trouver une solution : en particulier l'insertion des applications informatiques créées pour la DGE dans le programme COPERNIC de refonte de l'ensemble du système d'information fiscale pour tout le ministère et l'application de la réforme-modernisation aux structures déjà en place, centres et recettes des impôts et trésoreries.

¬  La MEC n'avait pas manqué de souligner qu'une part du coût du recouvrement de l'impôt pouvait être réduite par une simplification de la loi fiscale. C'est dans cet esprit que, dans le rapport précité de 2000, votre Rapporteur général avait marqué son intérêt pour la retenue à la source, s'agissant de l'impôt sur le revenu, à côté de la nécessité de rendre plus juste et plus simple la taxe d'habitation et de celle de supprimer la redevance de l'audiovisuel. De même, il avait fait trois propositions concrètes destinées à inciter à la simplification du droit fiscal (14). On peut regretter qu'aucune de ces propositions n'ait, à ce jour encore, été mise à profit, ce qui ne signifie nullement qu'elle ne puisse l'être dans l'avenir.

En tout état de cause, c'est sans doute sous la présente législature qu'a été entreprise, et progressivement mise en _uvre, une des plus importantes simplifications du droit fiscal.

Simplifications législatives et réglementaires dans le domaine fiscal

- Suppression du forfait et extension du régime micro ;

- Extension du régime simplifié d'imposition des revenus fonciers ;

- Suppression d'une soixantaine de droits de timbre et taxes diverses ;

- Baisse et unification à 4,80% des droits de mutation à titre onéreux applicables aux cessions d'immeubles d'habitation et d'immeubles professionnels ;

- Suppression en deux ans de la taxe représentative du droit de bail ;

- Simplification de la taxe professionnelle, avec suppression de la part salariale de l'assiette ;

- Simplification de la taxe d'habitation (notamment unification et relèvement des dégrèvements) ;

- Simplification du régime d'imposition des plus-values mobilières des particuliers ;

- Unification des régimes de réduction d'impôt pour dons aux _uvres ;

- Suppression de la production systématique des certificats de scolarité ;

- Simplification du régime des fusions ;

- Suppression de l'imposition forfaitaire annuelle pour les plus petites sociétés ;

- Modulation des acomptes du régime simplifié de TVA pour les PME ;

- Exonération de taxe professionnelle des associations culturelles et entreprises de spectacle ;

- Unification des taux de la taxe forfaitaire sur les ventes de bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité ;

- Suppression de la vignette sur les véhicules des particuliers dès 2000 ;

- Harmonisation de l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations sociales ;

- Mise en place d'une franchise d'impôts commerciaux pour les associations sans but lucratif ;

- Adaptation des obligations de justification de versement des dons en cas de dépôt des déclarations de revenus par voie électronique ;

- Simplification des obligations déclaratives par les exploitants agricoles soumis au régime du forfait ;

- Harmonisation des durées et des délais d'option des petites entreprises pour un régime réel d'imposition ;

- Simplification des modalités de paiement de la TVA et de la taxe sur les salaires pour les très petites entreprises ;

- Simplification des obligations déclaratives à la charge des jeunes agriculteurs en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties ;

- Simplification de la procédure de sursis de paiement ;

- Simplification des modalités de paiement de certains impôts ;

- Suppression de la déclaration annuelle de taxe sur les salaires pour les associations et petites entreprises qui sont dispensées de son paiement.

¬  S'agissant du bilan financier de l'ensemble de la démarche de modernisation des administrations fiscales et de la mesure des progrès réalisés, au regard notamment du constat de départ sur le surcoût relatif des prestations françaises, plusieurs indications apparaissent.

La réforme-modernisation induit tout d'abord des dépenses nouvelles dont, à titre principal, celles relatives au projet COPERNIC, projet qui consiste à définir et mettre en place un nouveau système informatique commun à la DGI et à la DGCP. Pour la période 2001-2002, ce projet représente un coût de 190 millions d'euros, qui, malheureusement, n'est pas isolé dans la nomenclature budgétaire de la section Economie, finances et industrie, et dont le suivi spécifique est d'autant plus difficile. Il n'y a plus d'ailleurs de chapitres spécifiques à l'informatique dans cette section. En 2000, le coût complet de l'informatique, pour les administrations fiscales, a représenté 582,83 millions d'euros, contre 479,86 millions d'euros en 1997. Ils auront donc fortement augmenté depuis la réforme, ce qui était absolument nécessaire. En effet, le rapport dit « Lépine » de 1998 soulignait que la part des dépenses relatives à l'informatique représentait en France 10% des dépenses du ministère des finances, contre plus de 20% des dépenses des administrations fiscales aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Espagne. Aujourd'hui, pour l'ensemble DGI-DGCP-DGDDI, ce taux est de 8,92%, contre 7,78% en 1998.

A cela, il convient d'ajouter d'autres dépenses de modernisation inscrites sur des chapitres spécifiques de l'ensemble de la section Economie, finances et industrie, dotés ensemble de 127 millions

d'euros  pour 2002. En outre, la modernisation de Bercy peut être aussi financée par d'autres budgets, comme celui des Services généraux du Premier ministre, par l'intermédiaire du fonds pour la réforme de l'Etat, dont 5 millions d'euros, soit plus de la moitié des dotations (15) de 1999, ont bénéficié au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, notamment pour le projet ACCORD, le projet TéléTVA et l'extension du paiement par carte bancaire dans le réseau de la DGI.

S'agissant des gains budgétaires, à plus long terme, apportés par la réforme, leur évaluation est encore incertaine. Les crédits consommés en 2000 par les trois directions s'élevaient à 6.531,71 millions d'euros (y compris fonds de concours et compte de tiers), tandis qu'ils s'élevaient à 6.168,82 millions d'euros en 1997. Quant aux effectifs, ils passent de 154.877 en 1997 à 151.836 en 2000. Avec la combinaison de l'aménagement et de la réduction du temps de travail et le principe de stabilité des effectifs, on peut donc considérer que les administrations fiscales réalisent un véritable effort de productivité, même si cet effort ne se traduit pas par une diminution absolue des moyens mis à la disposition des services.

ÉVOLUTION DES MOYENS EMPLOYÉS PAR LES ADMINISTRATIONS FISCALES

(en millions d'euros)

 

1997

2000

 

DGI

DGCP

DGDDI

Total

DGI

DGCP

DGDDI

Total

Coût complet des administrations (1)


3.119,02


2.243,36


806,44


6.168,20


3.286,20


2.389,30


856,21


6.531,71

Coût informatique complet des administrations (2)


250,58


168,79


60,49


479,86


280,14


226,00


76,69


582,83

Taux des dépenses informatiques


8,03%


7,52%


7,50%


7,78%


8,52%


9,46%


8,96%


8,92%

Effectifs réels

78.740

55.929

20.208

154.877

77.287

54.671

19.878

151.836

(1) Y compris fonds de concours et fonds extrabudgétaires.

(2) Y compris fonds de concours et fonds extrabudgétaires et dépenses de personnels.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quant à l'évolution des taux d'intervention, elle a été la suivante :

ÉVOLUTION DES TAUX D'INTERVENTION
COÛT DE GESTION DE L'IMPÔT

(en pourcentage)

Impôts

Taux d'intervention 1997

Taux d'intervention 2000

Taxe sur la valeur ajoutée

1,05

1,10

Impôt de solidarité sur la fortune

1,79

1,75

Droit de bail

2,26

-

Vignette

2,73

6,25

Droits d'enregistrement

2,28

1,88

Conventions assurances

0,02

0,05

Impôts divers retenus à la source

0,08

 

Direction générale des impôts

1,18

1,18

Impôt sur le revenu

2,58

2,37

Impôt sur les sociétés

1,19

0,91

Taxe sur les salaires

0,45

0,39

Taxe d'habitation

4,17

3,87

Taxes foncières

2,03

2,03

Taxe professionnelle

1,00

1,06

Total général

1,60

1,43

La seconde partie du tableau concerne les impôts dont l'assiette et le contrôle relèvent du réseau de la DGI et le recouvrement du réseau de la DGCP (Trésor public). Les taux d'intervention sur ces impôts sont donc les taux consolidés pour les deux réseaux.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

La notion du taux d'intervention, qui ramène le coût du recouvrement d'un impôt au produit issu dudit recouvrement, avait été, en 2000, au centre des débats relatifs à la « Mission 2003 ». Cette notion avait ainsi permis d'appréhender le coût du recouvrement de l'impôt en France, en le comparant avec les coûts constatés dans d'autres pays développés. Au-delà des difficultés inhérentes aux comparaisons internationales, liées aux différences concernant, d'une part, les méthodes de comptabilisation et, d'autre part, les éléments pris en compte pour mettre en _uvre le calcul des taux d'intervention, il était apparu que la performance des administrations fiscales françaises était globalement mitigée, voire médiocre s'agissant de certains impôts.

La comparaison des taux d'intervention constatés en France en 1997 et en 2000 montre une évolution globale intéressante, même si certains résultats ponctuels suscitent la perplexité, voire l'inquiétude. Sur l'ensemble des impositions pris en compte dans cette comparaison, l'évolution globale du taux d'intervention est positive, puisqu'il passe de 1,60 à 1,43. Cela signifie précisément, que, s'agissant des impositions visées par le tableau, le coût issu du recouvrement de 100 euros est passé de 1,60 euro en 1997 à 1,43 euro en 2000. Ce résultat constitue donc un progrès, qui illustre, au moins en partie, la capacité des administrations fiscales françaises à réaliser des gains de productivité.

Il faut néanmoins admettre que l'évolution des recettes fiscales de l'Etat entre 1997 et 2000 tend à relativiser ce premier constat. En effet, les montants nets recouvrés d'impôt sur le revenu des personnes physiques, d'impôt sur les sociétés et de TVA ont été sensiblement plus élevés en 2000 qu'en 1997. Pour l'impôt sur le revenu, ces montants se sont établis à 44,74 milliards d'euros en 1997 et à 53,25 milliards d'euros en 2000, soit une progression de 19,07%. Pour l'impôt sur les sociétés, Ils se sont élevés à 26,25 milliards d'euros en 1997 et à 37,70 milliards d'euros en 2000, soit une progression de 43,68%. Pour la TVA, ils se sont élevés à 95,44 milliards d'euros en 1997 et à 104,75 milliards d'euros en 2000, soit une progression de 9,75%. Or, par définition, l'augmentation du montant des recettes fiscales recouvrées contribue mécaniquement à la baisse du taux d'intervention, puisque ledit montant constitue le dénominateur de la division qui permet le calcul dudit taux.

C'est donc à l'aune de la baisse de la pression fiscale qu'il est et sera pertinent de mesurer l'évolution des taux d'intervention. 2000 constitue d'ailleurs, à ce titre, une année charnière. Or, il apparaît que le taux d'intervention spécifique à la TVA est en légère progression en 2000 par rapport à 1997, alors qu'en 2000, le montant des recettes recouvrées a subi le plein effet de l'application du taux réduit de la TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation construits depuis plus de deux ans, entré en vigueur le 15 septembre 1999, ainsi que l'effet pendant huit mois de la baisse d'un point du taux normal, mis en _uvre à compter du 1er avril 2000. Ce constat mitigé est encore plus explicite s'agissant de la vignette, dont le produit a été amputé de plus de 80% en 2000 par rapport au produit recouvré en 1999 et pour laquelle on constate entre 1997 et 2000, un plus que doublement du taux d'intervention. Le taux d'intervention ainsi constaté, constitue, d'ailleurs, un argument supplémentaire conduisant à mettre en _uvre, rapidement, la suppression totale et définitive de cet impôt. Par contre, s'agissant de l'impôt sur le revenu, les taux d'intervention constatés en 2001 et durant les années suivantes, seront plus significatifs, car ils prendront en compte les premiers effets du plan actuel d'allégement sur trois ans de la fiscalité, même s'il faut relever que la baisse des deux taux les plus faibles de l'impôt sur le revenu, issue de la première loi de finances rectificative pour 2000, a pris effet, précisément, dès 2000.

Cette relativisation de l'amélioration globale constatée dans le tableau ne doit d'ailleurs pas surprendre. Il faut rappeler que la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été concrètement mise en _uvre uniquement à compter du second semestre de l'année 2000. Ses effets sur l'efficacité du travail des administrations fiscales ne pourront être constatés, le cas échéant, qu'à compter des résultats constatés postérieurement à 2000.

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Afin de pouvoir analyser et juger ces résultats de façon convenable, il sera d'ailleurs utile que la DGI prenne en compte les observations de l'Inspection générale des finances (IGF), consignées dans un rapport qu'elle a établi en octobre 2001, relatif à la mise en _uvre, au titre de l'année 2000, du contrat d'objectifs et de moyens 2000-2002 de la DGI (16). En premier lieu, l'IGF estime que les longs délais d'établissement des taux d'intervention au titre d'une année sont injustifiés. Par contre, l'IGF estime que l'évolution, entre 1997 et 1999, des coûts de gestion du recouvrement des impôts, s'agissant précisément des impôts recouvrés par la DGI, constitue une « bonne performance relative », au regard des évolutions constatées dans d'autres pays de l'OCDE. L'IGF précise cependant que les outils permettant ces comparaisons doivent être améliorés. Les modalités de calcul des taux d'intervention doivent être par ailleurs précisées et affinées. Enfin, l'IGF estime que ces taux ne permettent pas, à eux seuls, d'obtenir une information complète s'agissant de la performance des administrations fiscales. Il apparaît, en effet, nécessaire de rendre public et d'analyser les évolutions respectives des numérateur et dénominateur du taux d'intervention propre à chaque impôt, exercice que votre Rapporteur général a esquissé ci-dessus s'agissant de l'évolution des taux d'intervention constatés en 1997 et en 2000.

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Au total, il est indéniable que la réforme-modernisation a permis de lancer ou de réaliser de véritables changements dans les administrations fiscales, tels qu'il n'en avait pas été vu depuis longtemps, et ce en recueillant l'adhésion des agents. Dans ces conditions, il est logique d'attendre que ces changements se traduisent aussi en termes de moyens dégagés au profit du budget général.

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L'organisation et les perspectives du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques auront été profondément modifiées sous cette législature en privilégiant une démarche objective et pluraliste.

La MEC symbolise cette nouvelle culture de l'évaluation. Il faut maintenant consolider et développer ses premiers acquis.

C'est le défi de la Commission des finances pour la prochaine législature.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a examiné le présent rapport d'information au cours de sa séance du mardi 5 mars 2002.

Après l'exposé de votre Rapporteur général, M. Michel Bouvard a souligné qu'à travers la problématique du contrôle et de l'évaluation, une part importante de la fonction parlementaire devait se renouveler. L'absorption progressive par les institutions européennes de la compétence législative transforme le Parlement en organe chargé de transposer les directives communautaires. Si l'on n'y prend garde, il ne restera bientôt plus aux parlements nationaux qu'à débattre des questions d'urbanisme, de justice et de budget de l'Etat. Une forte culture de contrôle - trop absente en France - est donc nécessaire pour asseoir la légitimité du Parlement.

L'Office d'évaluation des politiques publiques aurait pu contribuer à l'apparition de cette culture. Malheureusement, les élections anticipées de 1997 ont coupé les ailes de cette trop jeune institution. Le groupe RPR a manifesté sa bonne volonté lors de la création de la MEC. Cependant, après s'être interrogé sur l'opportunité de sa participation, au vu des résultats obtenus lors de la première année d'existence de la MEC, il a décidé de poursuivre l'expérience, notamment à travers la coprésidence assurée par M. Jean-Pierre Delalande, auquel il convient de rendre un juste hommage pour son attachement au développement des pratiques d'évaluation et de contrôle.

Les perspectives sont désormais plus ouvertes, avec notamment la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et le modèle micro-économique dont la réalisation a été commandée par la Commission des finances. Cependant, l'absence de suite donnée aux conclusions des travaux de la MEC est toujours aussi insatisfaisante. Pourquoi n'y a-t-il aucune action entreprise à la suite d'une MEC, alors que les conclusions des travaux sont souvent votées à l'unanimité ? N'oublions pas que la loi organique relative aux lois de finances ne se développera pleinement qu'à partir de 2006. Entre-temps, il faut revitaliser la MEC et s'efforcer d'en faire le point de départ de certaines réformes. Il est significatif, par exemple, que le « droit de suite » qui était, aux débuts de la MEC, fermement revendiqué par M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, ne suscite plus qu'une ardeur atténuée, passé l'enthousiasme des commencements.

Il faut maintenant affronter sans détour plusieurs problèmes. La levée du secret professionnel est acquise, ce qui devrait faciliter certaines investigations et éviter des blocages complaisants de la part des administrations. En revanche, il est impératif de renforcer les moyens affectés aux rapporteurs spéciaux. Il est également nécessaire de développer une approche plus collégiale : on ne peut se contenter d'une simple association - souhaitable, au demeurant - entre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis. Il faut aller au-delà et organiser, autour du Rapporteur général, une force parlementaire de réflexion et de proposition. Enfin, le Parlement et la Cour des comptes ont pris l'excellente initiative de développer des travaux communs, mais un sentiment d'amertume prévaut devant le peu de cas fait du rapport public établi, chaque année, par la Cour des comptes. Il conviendrait au moins d'organiser un débat sur celui-ci, dans l'hémicycle ou à la Commission des finances. Ce rapport est une clef précieuse pour approcher l'efficacité - ou l'inefficacité - de l'Etat.

Toutes les composantes politiques de l'Assemblée nationale peuvent se retrouver sur ces grands objectifs. D'ailleurs, un Etat mal géré et dispendieux est une source de discrédit pour l'institution parlementaire dans son ensemble.

S'agissant de la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, on peut tout à fait comprendre que l'échec de la Mission 2003 - véritable traumatisme - ait conduit à mettre en _uvre une politique de « petits pas ». Il faudra bien, cependant, passer à la vitesse supérieure et engager les réformes profondes qui sont nécessaires sinon, au rythme actuel, deux législatures n'y suffiraient pas. Des questions comme le coût de la collecte de l'impôt ou la structure du ministère sont aujourd'hui bien cernées, ainsi que leurs solutions. Les prochaines échéances électorales offrent à cet égard une « fenêtre » d'opportunité qu'il ne faudrait pas laisser se refermer : il est toujours plus facile de réformer en début de législature, lorsque la majorité élue dispose de la plus forte légitimité politique.

M. Jean-Jacques Jégou s'est voulu optimiste même s'il comprend que le bilan effectif de la MEC puisse susciter quelque amertume. Mais, avec la création de la MEC, l'Assemblée nationale s'est engagée dans une voie encore inexplorée, ce qui est, en soi, un élément essentiel.

Pour autant, l'amélioration de l'efficacité du travail parlementaire passe par plusieurs actions. Les outils et moyens mis à la disposition de la Commission des finances doivent être renforcés pour, au moins, soutenir la comparaison avec ceux dont dispose le Sénat. Il faut également réformer le règlement intérieur et, surtout, faire naître une forte détermination politique pour donner à la Commission des finances les « hommes de bonne volonté » dont elle a besoin. Une montée en puissance de la MEC est importante pour améliorer l'image du Parlement : elle doit être institutionnalisée et mieux reconnue par les groupes politiques.

En définitive, cette législature a permis d'amorcer une dynamique réelle, qu'il conviendra de confirmer. Le développement du travail collégial est une piste judicieuse, tout comme le positionnement de la MEC comme force de réflexion et de proposition pour inspirer au Gouvernement des réformes d'efficacité. Aujourd'hui, la France veut un Gouvernement qui gouverne et un Parlement qui travaille : il faut savoir répondre à cette attente, alors que l'image du Parlement dans le public ne correspond pas du tout à la réalité.

M. Augustin Bonrepaux a exprimé son accord avec les réflexions des intervenants quant à la nécessité de poursuivre l'expérience de la MEC. L'opinion publique n'est pas correctement informée des réalités du travail parlementaire : elle voit la politique à travers le prisme déformant de quelques mauvais exemples. Réconcilier les Français et leur Parlement suppose que celui-ci se fasse mieux connaître.

Votre Rapporteur général a estimé que le nombre n'était pas tout, mais que la réussite des actions entreprises par les parlementaires les plus concernés tiendrait surtout à leur motivation et à leur détermination. La législature qui s'achève aura fait avancer, au sein même de l'institution parlementaire, la cause du contrôle et de l'évaluation. Certes, des critiques peuvent être portées, ça et là, contre des imperfections que nul ne conteste. Mais des progrès notables ont été enregistrés, notamment au regard des outils dont la Commission des finances entend se doter. Il importe de compléter ces progrès, en se donnant les moyens de faire réaliser des travaux à l'extérieur de l'Assemblée nationale.

Renforcer la dimension collégiale des activités de contrôle et d'évaluation est une bonne initiative. Cependant, elle doit aller de pair avec une implication toujours plus forte des rapporteurs spéciaux dans leur domaine de compétence. À cet égard, on peut estimer que la MEC est une forme de réponse déjà bien adaptée aux enjeux de la collégialité.

Le rapport public de la Cour des comptes est, effectivement, une source d'information et d'inspiration pour toute instance parlementaire ayant vocation à évaluer les politiques publiques. L'utilisation du rapport public dans les travaux parlementaires s'accroît, d'ailleurs, depuis quelque temps. La Cour des comptes veut aller plus loin, ce qui ne pourra conduire qu'à des progrès supplémentaires. Dans cette même perspective, la revitalisation du « droit de suite » de la MEC s'impose d'elle-même. L'année écoulée a d'ailleurs été l'occasion de relancer et d'interpeller les ministres sur les problèmes soulevés par la MEC et la mise en _uvre des solutions qu'elle a préconisées.

En définitive, s'imprégner de la culture, nouvelle, du contrôle et de l'évaluation demande du temps. La loi organique relative aux lois de finances est un outil formidable pour la réforme de l'Etat, qu'il va falloir utiliser au mieux de ses capacités. Pour cela, il revient à chacun de rester vigilant et déterminé.

M. Jean-Jacques Jégou a noté qu'il convenait d'autant plus d'associer les rapporteurs pour avis aux travaux de la MEC que le sens de sa démarche n'était manifestement pas encore suffisamment bien compris par les autres commissaires, ni d'ailleurs au sein de la plupart des groupes politiques.

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* *

La Commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

Audition de M. Bernard Pêcheur,

Secrétaire général du ministère de l'économie, des finances

et de l'industrie,

sur le recouvrement de l'impôt

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 3 juillet 2001)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande,

Président de la Mission d'évaluation et de contrôle

M. le Président. - La séance est ouverte.

Je remercie M. le président de la première chambre de la Cour des comptes d'être venu assister, avec ses collègues, M. le Secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Je remercie M. Bernard Pêcheur d'être revenu nous voir.

M. Pêcheur, vous êtes un habitué de nos réunions, quasiment un familier. Il est donc inutile de vous rappeler la procédure. Il n'est pas prévu d'exposé introductif. Nous allons donc vous poser directement des questions, sous l'oreille attentive de Mme Bricq, de M. Brard et de votre serviteur.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Non seulement sous leur oreille attentive, mais aussi avec leur participation active !

M. le PrésidentTout à fait !

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Je suis heureux que cette audition nous fournisse l'occasion de retrouver M. le Secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en présence du nouveau président de la première chambre de la Cour des comptes, qui est présent parmi nous pour la première fois dans ses fonctions nouvelles.

M. le Secrétaire général, nous souhaitons aborder avec vous de nombreux thèmes. Nous en avons recensé neuf :

- vos fonctions de secrétaire général ;

- les suites qui ont été données aux recommandations de la Mission d'évaluation et de contrôle que nous avons formulées en juillet dernier ;

- la réforme-modernisation ;

- la mise en place de la direction des grandes entreprises ;

- l'informatique des administrations fiscales, dont on sait combien c'est un sujet lourd ;

- les contrats d'objectif et de moyens - nous avons trouvé, dans la presse de ce matin, un certain nombre d'informations sur vos orientations et décisions ;

- les régimes de rémunération des agents, notamment la suite apportée aux travaux de la Cour des comptes de l'année dernière ;

- la gestion des emplois ;

- l'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT).

Concernant le secrétariat général, nous avions eu l'occasion d'évoquer le sujet l'année dernière. Après un an d'exercice, comment définissez-vous la fonction transversale qui est la vôtre et qui avait pu vous inspirer un certain scepticisme, avant de l'accepter ? Quel équilibre avez-vous pu établir entre les principes de cohérence et de subsidiarité par rapport aux directeurs des services ? Comment s'est illustrée, le cas échéant, votre fonction d'arbitrage entre les directions en matière budgétaire ? Quels sont les changements apportés par l'existence d'un secrétaire général par rapport à la pratique précédente dans la détermination des crédits alloués aux différents services du ministère ? Quelles appréciations portez-vous sur l'évolution du cloisonnement directionnel et sur le fonctionnement du comité des directeurs et des différents comités de pilotage ?

En clair, quel bilan faites-vous de votre action, un an après. S'agissant aussi de l'impulsion des réformes du ministère, vous aviez formulé trois objectifs : renforcer la cohésion du ministère, développer les capacités d'anticipation et de pilotage et ouvrir le ministère sur l'extérieur.

Sur tous ces points, pouvez-vous nous apporter des réponses ou tirer des enseignements sur des réussites, voire des échecs ?

M. Bernard Pêcheur. - M. le Président, M. le Rapporteur général, vous me demandez de me livrer à un exercice difficile puisqu'il s'agit, d'une certaine façon, d'une auto-évaluation. J'essaierai d'être lucide et de ne pas être immodeste.

Ce que je croyais il y a un an, je le crois toujours : le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a besoin de renforcer à la fois la cohérence de la « tête de groupe », et la déconcentration et l'autonomie des grandes directions à réseau qui le composent. Ces deux mouvements, je crois, ne sont pas contradictoires.

Ils expliquent en grande partie les choix opérés de renforcer les éléments d'horizontalité du ministère, notamment par le lancement d'un schéma ministériel pour l'informatique, ce qui n'existait pas, par le lancement en cours d'un plan stratégique de communication, et par la volonté de doter ce ministère, au travers de la fonction de secrétaire général, d'un outil de pilotage et d'arbitrage - j'y reviendrai. Parallèlement, il est nécessaire de développer l'autonomie des directions, notamment par le contrat d'objectifs et de moyens de la direction générale des impôts (DGI), qui a été actualisé avec mon soutien le plus complet, et le contrat d'objectifs et de moyens de la direction des relations économiques extérieures (DREE), qui n'a pas été remis en cause.

Si la comparaison a un sens - et elle en a un, en partie, à mon avis, en termes d'organisation -, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est une grande entreprise dont il convient de renforcer les fonctions de pilotage et de reporting au niveau central, et, en même temps, de déconcentrer, aérer, autonomiser les directions à réseau. Telle est bien la philosophie qui a prévalu lorsque le ministre a souhaité me confier ces fonctions.

C'est peut-être de l'immodestie, mais je suis moins sceptique que je ne l'étais dans ces murs à la même époque de l'année dernière. En réalité, le ministère a besoin d'une fonction d'arbitrage pour tout ce qui concerne la mise en _uvre et l'allocation des moyens. Il a besoin aussi, et les directeurs en sont demandeurs, d'une collégialité renforcée. Ma première satisfaction, à titre personnel, c'est aussi d'avoir rencontré auprès des directeurs un accueil, une compréhension, qui nous ont permis de faire du bon travail. C'est un point très positif qui - je tiens à le souligner - n'était pas gagné d'avance.

Les arbitrages, le pilotage, les anticipations, c'est quoi ? Je dis parfois avec une pointe d'amusement que le secrétaire général du ministère n'est pas le secrétaire général du parti communiste de l'Union soviétique. Il n'est pas là pour tout diriger, tout régenter du sommet.

M. Jean-Pierre Brard. - Cela a mal fini !

M. Bernard Pêcheur. - C'est ce que j'ajoute généralement.

M. Jean-Pierre Brard. - Mais cela a tout de même duré soixante-dix ans.

M. Bernard Pêcheur. - C'est exact. Ma fonction durera peut-être moins longtemps mais j'espère qu'elle réussira mieux.

Il convient de se positionner sur les enjeux du ministre et les grands dossiers, et se consacrer à leur pilotage. M. le Rapporteur général les a énoncés au passage : la réforme-modernisation, les grands chantiers transverses, les arbitrages budgétaires, sur lesquels je reviendrai immédiatement, l'ARTT et la conduite d'un certain nombre d'actions de changement.

Concernant les arbitrages budgétaires, au mois de juin de cette année, comme l'année dernière, le ministre et la secrétaire d'Etat m'ont donné, en quelque sorte, une enveloppe, sur la base de propositions que je leur avais faites à l'issue des conférences de première phase qui se sont tenues, à la direction du budget, entre la direction du budget et les différentes directions gestionnaires. Le cadrage que m'ont assigné le ministre et la secrétaire d'Etat m'a ensuite conduit à organiser, à la fin du mois de juin, comme l'année dernière, une série de réunions avec les directeurs concernés, afin de fixer les plafonds qui serviront aux conférences de deuxième phase, c'est-à-dire celles de la répartition détaillée, et donc à arbitrer les principales dotations de ces directions. Je dois dire, sans tomber dans l'autosatisfaction, que les choses se sont bien passées, mais les directeurs seraient sans doute mieux à même que moi d'en parler, puisque, d'une certaine façon, ils étaient les patients.

J'en viens au pilotage de la réforme. Là aussi, il s'agissait de constituer une structure permettant de conduire et de suivre les grands chantiers de la réforme. Je réunis périodiquement un comité de pilotage de l'interlocuteur fiscal unique, avec le directeur général des impôts, le directeur général de la comptabilité publique, la directrice du personnel, de la modernisation et de l'administration, le directeur de la communication, pour suivre les différents chantiers relevant de ce thème : direction des grandes entreprises (DGE), COPERNIC, intranet commun DGI-DGCP... Je réunis aussi un comité de pilotage de l'interlocuteur économique unique, qui comprend l'ensemble des directeurs des huit réseaux de services déconcentrés concernés, ainsi que les trésoriers-payeurs généraux (TGP) et directeurs régionaux de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) qui sont localement les pilotes de ces projets.

J'ai parlé aussi d'autres chantiers. Le schéma ministériel pour l'informatique fait périodiquement l'objet de réunions que j'anime. L'évolution de la fonction de communication fait aussi l'objet de travaux conduits par le secrétaire général en liaison avec les directeurs concernés.

Nous faisons donc du pilotage, de l'arbitrage, de la conduite d'un certain nombre de dossiers, comme celui que M. Delafosse, président de la première chambre de la Cour des comptes, connaît bien, à savoir la régularisation et la refondation des régimes indemnitaires du ministère. Il y avait là un chantier important à conduire, qui aurait peut-être pu être mené sans le secrétaire général, mais je pense que celui-ci a permis de dégager des consensus et, quand il n'y avait pas consensus, de trancher certaines des questions qui pouvaient se poser.

Il en est de même sur l'ARTT. Je réunis périodiquement le comité des directeurs à réseau, sur ce sujet, pour préparer toutes les réunions que tiennent les directeurs de leur côté avec les syndicats ou que je suis moi-même amené à présider avec les fédérations de fonctionnaires.

Il s'agit donc d'une fonction d'impulsion, d'une fonction d'arbitrage. Je crois aussi que c'est une fonction de service. D'une certaine façon, les directeurs sont satisfaits d'être dans une équipe, l'équipe de commandement de l'administration du ministère.

Tel est, brièvement tracé, le profil du poste. Je vous ai dit il y a un an que je n'étais pas demandeur et que ce n'était pas mon idée. A ce stade, je ne regrette donc rien, même si ce qui importe reste l'opinion que pourrait avoir le ministre sur le travail que j'ai fait.

M. le Président. - M. le Secrétaire général, il me vient une question que je vous posais déjà il y a un an mais que je vous repose. Pensez-vous que le fait que vous soyez fonctionnaire, qu'ils vous aient accueilli comme un des leurs, fussiez vous une sorte de primus inter pares, ait favorisé votre mission vis-à-vis des directeurs ? Pensez-vous que, si cela avait été un politique, il y aurait eu plus de réticences ? On pourrait imaginer que ce soit le travail d'un ministre délégué ou d'un secrétaire d'Etat. Vos fonctions, telles que vous les décrivez, sont tout de même éminemment politiques. Arbitrer entre des enveloppes données à des directions est fondamentalement politique.

Vous ne nous avez pas parlé de la façon dont vous rapportez au ministre
- je n'aime pas le mot reporting. Est-ce vous qui décidez ? Vous parlez beaucoup d'arbitrage, mais les arbitrages sont des choix politiques. Je veux bien qu'il y ait un cadrage du ministre et de la secrétaire d'Etat, mais un cadrage n'est pas la décision définitive. Tout cela me donne le sentiment que vous avez un rôle éminemment politique. Je voudrais mieux appréhender cette ambiguïté.

De même, vous nous dites que les directeurs reçoivent les syndicats mais que vous recevez les fédérations. N'est-ce pas, là encore, le rôle du politique ?

Rencontrez-vous régulièrement le ministre ? Vous dit-il : « Je suis d'accord sur tel point » ou, sur tel autre sujet : « Je préfère un arbitrage différent. » ? Ou bien prenez-vous ces décisions de vous-même ?

M. Bernard Pêcheur. - Les fonctions confiées aux titulaires d'emplois supérieurs, directeurs ou, en l'occurrence, secrétaire général, sont, pour partie, des fonctions techniques et, pour une autre partie, des fonctions politiques, non pas qu'elles nécessitent un engagement politique mais ce sont à l'évidence des fonctions de responsabilités dans lesquelles le politique délègue une partie de ses pouvoirs.

Comme vous le souligniez, M. le Président, l'important est les conditions dans lesquelles les hauts fonctionnaires rendent compte de leur action à l'autorité politique. Or j'ai le sentiment qu'être un haut fonctionnaire, et issu d'un autre corps que celui du ministère des finances, a pu faciliter les choses, dans la mesure où je ne suis pas à la fois juge et partie. C'est un élément qui, pour faire vivre la fonction, pouvait être utile.

Il est évident aussi que M. Fabius, en me demandant d'assurer ces fonctions auprès de lui et auprès des secrétaires d'Etat, ne m'a pas dit que je serais un ministre. Et je ne me prends pas pour un ministre. Mais il ne m'a pas dit que je serais le directeur du personnel du ministère. Il y a un directeur du personnel du ministère. Le secrétaire général, à Bercy comme au Quai d'Orsay, est là pour assurer des fonctions de mise en cohérence. Mais je le fais sur la base des instructions que me donne le ministre.

Par exemple, sur un projet précis comme les suites à donner au rapport de votre collègue M. Launay sur les maisons de service public économique et financier, le ministre m'a demandé de saisir les directeurs. Il clair que, sur ce projet comme sur d'autres, j'ai fait valoir mon sentiment auprès du ministre, mais sans aller jusqu'à dire : c'est comme ça et ce n'est pas autrement. Donc, j'ai rendu compte au ministre et j'ai fait des propositions au ministre.

De même, sur les arbitrages budgétaires, le processus est de même nature. J'ai fait des propositions au ministre, non pas en détail, mais je lui ai proposé des esquisses par direction, en lui indiquant quels types d'actions elles pouvaient comporter. Il m'a donné son accord, à charge pour moi de faire la répartition entre les directions. J'ai ensuite rendu compte au ministre et à la secrétaire d'Etat. Ils ont reçu lundi ma note rendant compte des décisions que j'avais prises sur la base des instructions qu'il m'avait données et qu'ils peuvent bien entendu remettre en cause.

M. le Président. - Pardon de creuser. Pour moi, ce débat est crucial parce qu'il pose le problème de la responsabilité du politique et de la responsabilité du fonctionnaire. Voyez-vous régulièrement le ministre ? A quel rythme ? Tous les huit jours ? Tous les quinze jours ? Tous les mois ? Une note, c'est tout de même impersonnel. Avez-vous des réunions régulières qui fassent le point ?

Je reviens sur ce problème de responsabilité parce que les décisions que vous prenez sont politiques. Vous ne le cachez d'ailleurs pas. Nous souffrons, dans notre pays, du sentiment que les politiques sont irresponsables, qu'un ministre peut changer et qu'en cas de difficulté, ce n'est pas lui qui est en cause mais le haut fonctionnaire qui est derrière lui. Progressivement, on fait baisser la responsabilité au niveau de fonctionnaires qui, protégés par un statut, se disculpent en disant qu'ils ne font qu'obéir. Il se diffuse ainsi un sentiment d'irresponsabilité généralisée parce que le lieu de la responsabilité est mal identifié. On ne sait pas exactement où se prend la décision. Ce phénomène s'est accru au cours des dernières décennies. Ce n'est pas propre à ce Gouvernement, c'est un problème général de conception de la gestion de notre Etat, ministère par ministère.

Votre cas est intéressant parce qu'il est un bon exemple. J'aimerais cerner ces questions pour pouvoir donner à nos concitoyens le sentiment qu'il y a, en ces matières, une vraie transparence, que chacun est bien dans son rôle, que ce rôle est bien identifié. Le seul responsable politique qui subsiste dans ce pays, c'est le maire. Il est bien identifié. On sait bien qui prend la décision. Pour le reste, tout est très diffus, on ne sait pas et l'on n'arrive pas à voir, même quand on est, comme nous, immergé dans le sujet.

M. Bernard Pêcheur. - Historiquement, je n'ai pas le sentiment que nous ayons régressé du point de vue de la responsabilité du politique, en comparaison de la situation de la IVème République où il y avait une réelle captation du pouvoir par une technocratie.

M. le Président. - Je ne remonte pas à la IVème République ni à la IIIème où c'était encore pire. J'établis une comparaison entre les premières années de la Vème et maintenant.

M. Bernard Pêcheur. - Je n'ai pas vécu ces premières années de la Vème République mais je jugerai de la situation.

Si le secrétaire général n'a pas accès au ministre, il doit quitter ses fonctions. Je vois le ministre quand je le souhaite, évidemment quand il peut me recevoir, mais il me reçoit. Sans trahir un secret, je lui ai téléphoné ce matin à 8 heures 15 parce que je voulais lui parler d'un sujet qui me préoccupait. Il m'a invité à venir le voir et nous avons eu un quart d'heure d'entretien. J'ai un rendez-vous périodique avec Mme Parly tous les mois ou tous les mois et demi. Je vois Mme Parly pour faire le tour d'horizon de l'ensemble des sujets. Laurent Fabius, je le vois sur les grands sujets que sont la réforme-modernisation, la régularisation des primes, l'ARTT. Nous avons des réunions périodiques, outre les contacts que le secrétaire général, comme le directeur de cabinet, peut avoir directement avec le ministre quand il le souhaite, quand il le demande, quand il en a besoin.

M. le Président. - Le ministre vous appelle-t-il de lui-même ?

M. Bernard Pêcheur. - Certes. J'ai une ligne directe. Je le connais depuis plus de vingt ans.

M. le Président. - Vous nous dites : je le vois quand je veux, mais lui vous appelle-t-il ?

M. Bernard Pêcheur. - Bien entendu !

M. le Président. - Pardon de poser cette question qui paraît saugrenue.

M. Bernard Pêcheur. - M. le Président, vous connaissez bien l'administration. Il existe un lien permanent entre le ministre et ses proches collaborateurs, et je pense que le secrétaire général en fait partie.

Un autre point sur lequel je n'ai peut-être pas été assez clair est le suivant. Il y a, auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, des secrétaires d'Etat ayant un champ d'action qui leur est propre - l'industrie, le commerce et l'artisanat, les relations extérieures - et qui, à ce titre, disposent de crédits d'intervention (crédits du titre IV) et de subventions (titre VI). C'est le cas notamment de M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je n'ai pas, et je crois que cela ne serait pas souhaitable, de pouvoir de décision concernant ces crédits, qui incarnent l'action et l'intervention politiques.

S'agissant des moyens mis à la disposition des services, qui représentent environ 67 milliards de francs (17), il est besoin d'une autorité chargée d'assurer la répartition, sous le contrôle du ministre. C'est la fonction de secrétaire général mais il y a des allers et retours avec le ministre. Sur le cadrage budgétaire, je ne me borne pas à lui dire : vous voulez 1% ou 2% et je me charge du reste. Je lui dis : « Voilà ce que recouvrirait tel pourcentage, cela permettrait de faire telle et telle action ». Si cela lui convient, il me donne son accord. On entre alors dans la fonction d'arbitrage et je lui rends compte des conditions dans lesquels se sont déroulés ces arbitrages.

Je crois qu'à tout moment le ministre peut infléchir l'action que je conduis. Il peut aussi me désavouer. Cela fait partie des servitudes de ma tâche, mais je n'ai pas le sentiment d'empiéter sur le politique.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Ce débat était intéressant. D'ailleurs, nous l'avons eu lors de débats précédents dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle et du groupe de travail qui était présidé par M. Laurent Fabius. Cela partait du constat que les ministères n'étaient pas suffisamment gérés. C'est un gros reproche que nous avions fait en examinant le fonctionnement d'un certain nombre de ministères. Je crois d'ailleurs que cette appréciation reste d'actualité pour un grand nombre de ministères...

M. Bernard Pêcheur. - Hélas !

M. Didier Migaud, Rapporteur général. -  ...puisque la fonction de secrétaire général est inexistante dans nombre de ministères. Elle existe à Bercy et au ministère de la défense.

M. Bernard Pêcheur. - Et au Quai d'Orsay !

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - ...Mais partout ailleurs elle n'existe pas. Certes, il peut y avoir un débat sur le point de savoir qui doit exercer cette fonction ; dans certains pays étrangers, il s'agit d'un secrétaire d'Etat, autorité politique ; En fait, M. le Président, la question doit être posée à des politiques...

M. le Président. - Tout à fait, mais il est intéressant que M. le secrétaire général nous fasse part de son expérience.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Effectivement, il est intéressant de savoir comment cette fonction est vécue par un haut fonctionnaire et comment elle peut se décliner. On peut éventuellement se demander si cette fonction peut être exercée par des politiques, à l'instar de certaines expériences étrangères.

Par ailleurs, M. le secrétaire général, vous avez, au travers de la définition de vos fonctions, commencé à évoquer certains sujets précis. L'année dernière, la mission d'évaluation et de contrôle avait formulé plusieurs recommandations que je rappellerai :

- élaboration de divers indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, qui permettent d'apprécier l'activité des services. On est là aussi dans l'évaluation, dans les futurs rapports de performance ;

- amélioration du processus d'élaboration de la loi fiscale, notamment au moyen d'études d'impact pour chaque mesure fiscale ;

- fourniture d'un rapport relatif à chacune des impositions de toutes natures dont le rendement est inférieur à 10 milliards de francs (18) ;

- communication à la Commission des finances des bilans détaillés des expérimentations en cours et à venir.

De quelle façon ces recommandations ont-elles pu être prises en compte par votre ministère ?

M. Bernard Pêcheur. - M. le Rapporteur général, vous le savez mieux que quiconque, la question des indicateurs et, au-delà, celle de l'évaluation de la performance, sont au c_ur de la réforme des finances publiques. A l'image de ce qui se fait dans d'autres ministères, nous avons essayé d'engager ou de poursuivre l'amélioration la présentation des « bleus budgétaires », c'est-à-dire les fascicules ministériels qui sont annexés au projet de loi de finances. La description sur laquelle s'appuient les agrégats ministériels mérite encore d'être perfectionnée. Nous avons marqué quelques avancées l'année dernière mais je ne vous dirai pas que les choses sont parfaites.

Nous devons progresser dans les indicateurs d'objectifs et dans les indicateurs de résultats. Nous devons progresser aussi dans la définition de ces agrégats. Ainsi, j'avais constaté que l'ensemble constitué par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, qui représente un des grands services déconcentrés du ministère, était intégré à l'agrégat de l'administration générale. J'ai donc souhaité, et des décisions ont été prises en ce sens et traduites dans le projet de loi de finances pour 2002, que cet agrégat soit distingué de celui l'administration générale, afin que l'on puisse mieux appréhender les moyens et, partant, mieux faire apparaître l'évaluation de l'action.

Au-delà de la présentation budgétaire et de l'évaluation, cela a du sens aussi en gestion. Cela signifie que le directeur de l'action régionale et des PMI (DARPMI), en l'occurrence M. Dumont, sera en réalité à la tête d'un réseau, comme le directeur général de la comptabilité publique ou le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Autrement dit, et l'on retrouve bien la problématique qui était celle qui présidait à la réforme de l'ordonnance organique, il s'agit de faire en sorte que la structure de budgétisation soit cohérente avec la structure de gestion et la chaîne des responsabilités. Cet exemple me paraît décisif.

Cela veut bien dire aussi, et je rejoins un de mes propos liminaires, que la fonction de secrétaire général n'est pas une fonction de centralisation. Il importe qu'un réseau puisse émerger et soit constitué en véritable centre de responsabilité. C'est ce à quoi je m'attache avec la création de l'agrégat DRIRE qui constituera un ensemble plus cohérent et plus efficace, sur lequel on pourra peut-être mieux évaluer l'action.

C'est le sens aussi des contrats d'objectifs et de moyens, notamment le contrat signé par la DGI, qui a été actualisé au mois de janvier 2001. La directrice du budget, Mme Sophie Mahieux et le directeur général des impôts, M. François Villeroy de Galhau, y ont travaillé et sont ensuite venus me présenter les points restant à trancher, qui concernaient notamment les enveloppes de crédits. Ce contrat d'objectifs et de moyens, dont je pourrai vous fournir des exemplaires, comporte des indicateurs de performance touchant à la publicité foncière, au rythme d'avancement de l'émission, au taux de dégrèvements contentieux, à ce que M. Villeroy de Galhau appelle le civisme fiscal, qui touche à l'activité même des services.

Ce contrat d'objectifs et de moyens est assez emblématique de ce que les administrations doivent faire à l'avenir. Sans trahir de secret, le directeur général de la comptabilité publique a commencé de travailler, avec la direction du budget, à l'élaboration de batteries d'indicateurs de résultats et de performances, à même de lui permettre d'entrer dans une logique de contractualisation.

Je crois que nous progressons. Sans doute insuffisamment. Il ne faut pas que les indicateurs qui figurent en information dans les « bleus » soient un jet d'eau tiède. C'était souvent le cas des « blancs » des budgets de programmes d'il y a quelques années, qui étaient très littéraires. Il faut aller dans le sens indiqué par la mission d'évaluation et de contrôle. Je ne dirai pas que nous avons rempli le contrat à 100%.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - On ne vous demandait pas, d'ailleurs, de le remplir dans l'année.

Mme Nicole Bricq. - Permettez-moi de vous interrompre car l'exemple des DRIRE que vous citez est très intéressant puisqu'il facilitera notre lecture. Mais cela concerne-t-il toutes les administrations déconcentrées ou uniquement ce sujet précis ? Pour nous, c'est très utile, parce que l'on n'y voit jamais clair dans les postes. Si l'on veut que l'administration, d'une manière générale, soit efficace, elle doit l'être là où le service est rendu. Or les ministres nous annoncent des créations de postes mais, ensuite, on ne les retrouve pas au bon endroit ou parfois même pas du tout.

M. Bernard Pêcheur. - Mme la députée, vous avez raison de souligner ce point. Il illustre aussi la dialectique que j'évoquais tout à l'heure.

Créer des agrégats individualisant des centres de responsabilité, c'est, d'une certaine façon, prendre le risque de renforcer les cloisonnements. Il convient donc en même temps de renforcer le reporting et le pilotage.

Les grandes régies du pôle finances du ministère étaient déjà organisées. C'est d'ailleurs une des causes du cloisonnement. On a parfois reproché cette organisation en « tuyaux d'orgue ». La DGI, la DGCP, la DGDDI (19), la DGCCRF ont des agrégats propres. Mais il m'avait frappé que les DRIRE, qui constituent le réseau du pôle industrie au sein du budget du ministère des finances, n'étaient pas retracées par un agrégat et étaient donc noyées dans l'agrégat « Administration générale », ce qui n'avait aucun sens dans la présentation, en termes de gestion ni en termes de pilotage interne. Le problème se posait essentiellement à ce niveau, les autres directions étant suffisamment constituées et individualisées, parfois trop, d'ailleurs. Il faut tenir les deux bouts de la chaîne et avancer dans ces deux directions.

M. Jean-Pierre Brard. - M. le Secrétaire général, je suis très embarrassé car votre responsabilité est immense, et un an, c'est si peu de chose en regard de l'immensité de la tâche. L'on sait bien l'engagement des fonctionnaires du ministère des finances au service de l'Etat. Je pense que nul parmi nous n'en doute. En même temps, j'ai de plus en plus le sentiment d'une profonde déconnexion d'avec le réel. Ce que je dis peut vous paraître sévère. Mais ce n'est pas du tout pour incriminer ce que vous faites, car j'ai le sentiment que, si des évolutions sont possibles, c'est votre action qui peut les faciliter.

Je prendrai brièvement quelques exemples. Vu sur le terrain, même si des choses bougent, je trouve que le ministère des finances et le ministère de la justice restent les deux ministères les plus refermés sur eux-mêmes. A en juger par mon expérience en Seine-Saint-Denis, le trésorier-payeur général et le directeur des services fiscaux font des efforts pour se rapprocher des élus, pour dynamiser leurs équipes, mais entre l'objectif de la démarche et la façon dont elle est perçue, il existe un écart considérable.

M. Migaud a évoqué le recouvrement. A côté du recouvrement, je suis préoccupé par l'établissement de l'assiette, car c'est non seulement une question de recettes pour l'Etat ou les collectivités mais aussi une question d'éthique républicaine et de respect du contrat social qui assure le socle de notre Etat. Il y a une fraude considérable. Mon collègue de Saint-Denis considère qu'un quart de l'assiette de la taxe professionnelle échappe à l'établissement de l'impôt. Je ne suis pas loin de partager son sentiment, même si j'ignore sur quoi il se fonde pour le dire et même si je n'ai pas les moyens de mesurer le phénomène.

Naturellement, les situations sont diverses. Ainsi, celle de l'Ile-de-France doit être assez proche de celle de la région lyonnaise, où des entreprises avec des implantations diverses trichent sur les lieux de rattachement de la matière fiscale.

Il y a aussi la fraude due à la contrebande que nous voyons se développer dans nos rues, avec un sentiment terrible devant son impunité totale. Par exemple, à Montreuil, l'on peut acheter des voitures immatriculées en Allemagne. Au mois de février des gens m'ont prévenu de l'organisation de ce trafic quelque part à la limite de Paris. J'y suis allé. Une dizaine de voitures avaient été déchargées là, sur lesquelles figurait un numéro de téléphone. J'ai appelé le truand en lui faisant croire que j'étais intéressé. Il est arrivé un peu plus tard. Nous avions pris quelques dispositions pour que la police ne soit pas trop loin. Je lui ai fait croire que je souhaitais acheter une Mercedes au prix avantageux annoncé de 15.000 francs (20). Je lui ai demandé comment il achetait ses voitures, après lui avoir rappelé que l'Assemblée nationale avait voté un amendement interdisant tout achat en espèces au-delà de 20.000 francs (21). Il m'a dit qu'il n'avait pas de problème car il ne faisait pas de chèques. Je lui ai demandé s'il s'acquittait de la TVA ? Il m'a répondu qu'il ne payait pas de TVA. Nous avons bavardé jusqu'au moment où j'ai jugé bon de faire cesser la plaisanterie. Il a été interpellé par la police, qui ne l'a gardé que quelques heures. Nous avions saisi son cahier de transactions car, en homme ordonné, il consignait tout. Que s'est-il passé ensuite ? Rien.

Comment voulez-vous expliquer ensuite à nos concitoyens que l'Etat fonctionne bien et que l'on ne doit pas frauder, ne serait-ce qu'en ne déclarant pas ses heures supplémentaires ? C'est un problème de contrat social. J'entends bien que ce problème un peu anecdotique peut vous paraître un peu décalé en comparaison des problèmes d'organisation, d'efficacité du ministère. Pourtant, le rétablissement du contrat social dans notre pays passe par là.

La difficulté à travailler avec les autres services de l'Etat est grande. En l'occurrence, cela ne concerne pas seulement le ministère des finances, mais aussi le ministère des affaires sociales, le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice. Je vous assure que la stéréophonie reste à inventer car on en est à des années-lumière.

Si je raisonne par analogie, vous avez réalisé, en matière de coopération internationale, des progrès considérables avec vos attachés fiscaux et vos attachés douaniers. Je les ai vus agir sur le terrain, ils font un travail extraordinaire. Ils agissent dans l'informel, ce qui permet de moraliser des pratiques dans des Etats qui ne sont pas très moraux, comme les Pays-Bas. Grâce à des coopérations informelles, nous préservons les droits de l'Etat français en obligeant certaines entreprises à se comporter d'une façon plus digne. Pourquoi l'administration ne fait-elle pas sur le territoire national ce qu'elle fait à l'étranger ? Vous pourriez avoir des fonctionnaires polyvalents qui seraient la pince-monseigneur de l'administration. Connaissant suffisamment l'administration, ils trouveraient les emboîtements nécessaires pour améliorer l'efficacité du service de l'Etat et lui rendre sa crédibilité vis-à-vis de nos concitoyens. Je vous assure que vous trouveriez des élus, notamment des maires, entièrement disponibles pour coopérer avec vous, car nous en savons beaucoup choses. Nous savons par exemple qu'il se fait du travail illégal à tel endroit, contre lequel nous sommes impuissants.

Peut-être est-ce dû à un déficit d'information ? Il est vrai que lorsque nous ne sommes pas informés, nous avons tôt fait de penser que rien ne se fait. Cela n'est pas toujours exact mais l'information ne circule pas du tout. Vous pouvez trouver des collectivités locales, départements ou communes, pour expérimenter des actions avec des fonctionnaires qui ont le sens de l'Etat et des élus qui veulent reconstruire le contrat social.

M. Bernard Pêcheur. - Je souscrirais bien volontiers moi-même à nombre des propos de M. Brard.

Tout d'abord, il a souligné combien le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie était au c_ur de ce qu'il a appelé le « contrat social ». Le contrat social, c'est effectivement le civisme fiscal et la lutte contre la fraude fiscale. C'est précisément le c_ur du contrat d'objectifs et de moyens de la DGI que de faire progresser le civisme fiscal, c'est-à-dire, d'une part, de faire en sorte que les Français remplissent spontanément leurs obligations déclaratives et, d'autre part, de centrer le contrôle fiscal sur les véritables enjeux. Si M. Brard me le permet, je me ferai un plaisir de lui adresser ce contrat qui, je crois, rejoint tout à fait ses préoccupations.

La difficulté à laquelle notre administration a été souvent confrontée, aussi bien la DGCP que la DGI, c'est de traiter de façon presque uniforme les différents types de contribuables. Les actions du contrat d'objectifs et de moyens de la DGI visent au contraire à assurer, non pas un double traitement, mais à faire un bon distinguo entre le contribuable de bonne foi, qu'il faut encourager, aider, informer, renseigner, et le contribuable de mauvaise foi, récalcitrant, qu'il convient, au contraire, de sanctionner.

C'est le sens aussi d'une expérimentation de pôles de recouvrement contentieux à la DGCP. Dans huit départements, nous expérimentons actuellement des pôles de recouvrement contentieux à la trésorerie générale qui visent à permettre aux comptables de terrain chargés d'assurer le recouvrement de s'appuyer sur une expertise renforcée pour les contribuables récalcitrants, qui sont des professionnels de la fraude et de l'évasion.

A tout cela, je souscris absolument. Je serai plus réservé sur l'affirmation selon laquelle notre administration serait une administration lointaine, mais c'est peut-être un problème de formulation. Nous avons beaucoup de progrès à faire, parce que l'administration du ministère est une administration régalienne, mais il convient malgré tout de nuancer le propos.

D'abord, cette administration est très présente sur le terrain. Nous sommes sans doute le ministère le plus présent sur le terrain. Nous avons environ 6.000 points de présence sur le terrain, dont 3.800 trésoreries-perceptions qui, notamment en zone rurale, jouent un rôle important de proximité, d'accueil, d'information des usagers.

Il y a ensuite la formidable capacité des agents du ministère à se mobiliser sur certaines grandes échéances. On l'a vu encore récemment avec la prime pour l'emploi. Dans les centres des impôts, il y a eu une mobilisation formidable des agents pour faire des relances, téléphoniques ou par courrier, destinées à s'assurer que les bénéficiaires de la prime pour l'emploi pourront la toucher à bonne date.

Mais je crois, et je vous rejoins, qu'il est nécessaire de faire mieux travailler nos services entre eux et les ouvrir peut-être plus encore sur leur environnement, sur les attentes des citoyens et des usagers. Nous avons un travail important à réaliser, qui touche un peu à la culture administrative, afin de faire progresser les coopérations internes. C'est le sens d'un certain nombre d'expérimentations dont je parlerai tout à l'heure : l'interlocuteur économique unique, appelé « Mininfo », l'intranet commun DGI-DGCP ou les maisons de service public économique et financier, sur lesquelles a travaillé M. Launay, qui s'appelleront désormais MINEFI Services Contact, et ouvriront nos services sur le tissu local, les partenaires locaux, les maires et le tissu associatif.

Donc, nous avons à renforcer ou à créer cette culture de coopération. Je crois que nous progressons. Comme vous le souligniez, un an, c'est sans doute insuffisant mais je suis un peu plus optimiste que vous.

Quant à l'ouverture sur l'extérieur, au niveau national, c'est la création par le ministre d'un Institut de la gestion publique et du développement économique, de façon à permettre à des chefs d'entreprises, à des élus, de venir au ministère participer à des colloques, à des échanges et à des cycles de formation.

Cet Institut de la gestion publique et du développement économique a été préfiguré, il y a quelques mois, à l'occasion du lancement du code des marchés publics. C'était la première fois que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie organisait, en grand, une opération nationale et locale visant à informer les élus et tous les acheteurs publics des modifications très importantes apportées par le nouveau code des marchés publics. Il s'agissait d'aller au devant des besoins et des attentes de nos partenaires.

Cette démarche, assez exemplaire de ce que nous voulons faire, se déroule actuellement dans les départements et les régions. Le trésorier-payeur général de la Seine-Maritime me disait qu'il organisait trois réunions avec des élus, à Rouen, à Dieppe et au Havre. Dans tous les départements de France, se tiennent des réunions de ce type, afin d'informer les acheteurs publics, non seulement l'administration mais aussi les élus, au premier chef concernés, des modifications de ce code.

Nous devons progresser. Nous avons encore beaucoup à faire. Je crois que nous avons déjà pas mal évolué.

M. le Président. - J'atteste de ce que vous dites. Le Val-d'Oise n'est pas très éloigné de la Seine-Saint-Denis mais je trouve que l'attention des fonctionnaires territoriaux des finances est réelle et que le dialogue avec les élus fonctionne bien. Quand il y a un problème, on en parle et l'on trouve la solution. L'administration des finances, en particulier fiscale, est beaucoup plus compréhensive et réagit de manière plus intelligente à des situations qui lui sont présentées que d'autres administrations, comme celle de l'URSSAF.

M. Jean-Pierre Brard. - C'est la pire !

M. le Président. - Je le reconnais.

Eu égard à la mise en place des indicateurs, à la confection des agrégats que vous êtes en train de mettre en _uvre dans le cadre de la réforme que nous avons adoptée, à quel horizon estimez-vous que l'on pourra arriver à une vraie comptabilité analytique ?

M. Bernard Pêcheur. - Outre le déficit de démocratie, la principale critique que pouvait adresser un fonctionnaire à la doctrine et à l'emploi qui avait été fait de l'ordonnance de 1959 était le hiatus entre la structure de budgétisation et la structure de gestion, les deux étant confondues. Ainsi, j'ai commencé ma carrière à la direction du budget, nous avions quelque 1.200 chapitres budgétaires. Un effort important a été consenti en vue d'en réduire le nombre. On est descendu, M. le Rapporteur général, à...

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - 860.

M. Bernard Pêcheur. - ...mais il est resté très difficile pour les gestionnaires de faire des choix, d'optimiser en quelque sorte leur gestion, puisque ce système de parcellisation des enveloppes budgétaires était extrêmement réducteur.

Sont expérimentés, d'ores et déjà, dans quatre préfectures, des budgets globaux sur le chapitre 37-10, avec des possibilités de redéploiements internes et de mise en réserve des économies réalisées, pour les affecter à des travaux de rénovation ou d'entretien du patrimoine administratif.

Le contrat d'objectif et de moyens, qui permet de redistribuer les économies constatées sur certains chapitres de personnels en direction du fonctionnement ou de l'équipement, illustre ce besoin d'assouplissement dans la gestion, lequel a pour contrepartie la nécessité de rendre compte par la comptabilité analytique. Il importe de savoir comment les enveloppes globales ont été dépensées. Je ne suis pas le directeur général de la comptabilité publique, qui serait mieux à même que moi de répondre, mais je considère comme une nécessité incontournable d'équilibre la délégation de l'autorité budgétaire grâce aux missions et les programmes par une obligation renforcée de rendre compte de l'exécution, au moyen des indicateurs et de la comptabilité analytique. Je crois que l'on n'y échappera pas. Le Parlement ne peut que l'exiger.

M. le Président. - Concernant le délai ?

M. Bernard Pêcheur. -  Je ne sais pas si M. le Président Delafosse, qui suit de près les questions de la comptabilité au ministère, peut vous répondre mais je ne puis techniquement m'engager sur une date.

M. François Delafosse. - C'est effectivement une question que je suis depuis au moins vingt ans. J'avais eu l'honneur, au début des années quatre-vingt, de faire partie de d'une mission chargée de la préparation d'un certain décret d'avril 1981 qui prévoyait la mise en place rapide de comptabilités analytiques des gestionnaires, des ordonnateurs. Je ne dirai pas qu'en vingt ans, il ne s'est rien passé mais il faut relancer très énergiquement ce dossier. C'est pourquoi je vous demande de me pardonner de ne pas me risquer à un pronostic au vu de ma trop longue expérience.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir, notamment à propos du projet ACCORD. J'ai eu le privilège de participer récemment à une réunion de travail à ce sujet, à l'Agence comptable centrale du Trésor. Je crois d'ailleurs qu'il serait bien que ce projet fasse l'objet d'une présentation à notre mission d'évaluation et de contrôle car il s'agit d'une démarche est assez révolutionnaire qui devrait permettre au ministère de disposer d'un outil performant. Nous y reviendrons peut-être à propos de l'informatique car il nous reste trois sujets importants à examiner : la réforme-modernisation, les projets informatiques - ACCORD, COPERNIC - et la gestion des personnels.

Je reviendrai une dernière fois sur les contrats d'objectifs et de moyens puisque vous avez évoqué vous-même la signature d'un nouveau contrat par la DGI, en ce début d'année. Il était convenu une évaluation régulière, un certain nombre d'engagements étant pris par la DGI qui lui permettaient de voir ses crédits et ses effectifs maintenus. On était tout à fait dans la logique objectifs-résultats. Six mois après la signature de ce nouveau contrat, pourriez-vous nous fournir quelques indications sur son exécution ? Est-il bien envisagé de dépasser cette expérience et de prévoir ce type de contrat dans d'autres directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ?

M. Bernard Pêcheur. - A la première question, je répondrai que M. François Villeroy de Galhau a fait établir un compte rendu, que j'ai reçu hier.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Il est tout chaud !

M. Bernard Pêcheur. - Je me permettrai de vous le transmettre, de façon à ce que vous ayez la vision de la progression. Ce compte rendu d'exécution montre que, selon les indicateurs de civisme fiscal, d'activité ou de performance, la DGI a progressé, même si l'on reste en deçà des objectifs fixés, ce qui est normal s'agissant d'un compte rendu à mi-parcours. Sur la batterie des indicateurs, un seul marque un recul. Le mieux serait que je vous transmette le document.

Sur la démarche de contrats d'objectifs et de moyens, je ne vous cacherai pas qu'il y a discussion, débat ou réflexion. Le contrat d'objectifs et de moyens était une réforme importante dans la conception du pilotage budgétaire dans l'administration française. D'une certaine façon, la direction du budget s'engageait ainsi à conserver, de façon intangible, les crédits de telle ou telle unité ou direction. La question qui peut se poser est la suivante : si toutes les directions ou tous les ministères sont dotés de contrats d'objectifs et de moyens, gravés dans le marbre, où se trouvent les marges de souplesse du Gouvernement dans la gestion des crédits en cas d'accident conjoncturel ou en cas d'aléas ? Par exemple, cette année, en raison des inondations du nord de la France, de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine et de la fièvre aphteuse, il a fallu dégager, par décret, 3,5 milliards de francs (22) de crédits, donc réaliser des économies de gestion sur un certain nombre de services.

Je ne dis pas que cela serait impossible. Cela suppose, en tout cas, que les contrats d'objectifs et de moyens soient assortis de clauses de révision.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - De toute façon, il y a l'autorité du ministre.

M. Bernard Pêcheur. - Bien entendu !

M. le Président . - De plus, nous avons réglé ce problème dans la réforme de la loi organique.

M. Jean-Jacques Jégou. - Ce n'est pas incompatible !

M. Bernard Pêcheur. - A l'étranger, où des logiques contractuelles existent, il y a sans doute moins de rigidité sur les moyens.

M. le Président. - M. le secrétaire général, vous allez avoir du mal à nous convaincre. Cela ressemble à un alibi pour se donner une marge de man_uvre, pour ne pas se fixer d'objectifs et pour ne pas se donner de contrôles. C'est sûrement ce que l'on vous dit à l'intérieur de votre maison mais nous avons un autre point de vue. On a réglé tout cela dans la loi organique. J'entends votre « merci » à travers votre réponse.

M. Bernard Pêcheur. - J'étais à droit constant pour les règles actuellement applicables.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Vous vous interrogez donc sur une extension possible ?

M. Bernard Pêcheur. - Sur les modalités d'une extension souhaitable.

M. le Président. - Vous allez y parvenir !

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Nous y avons été très attentifs dans l'examen de la révision de l'ordonnance. Il faut que le Gouvernement, donc un ministre par rapport aux crédits de ses différentes directions, ait la capacité de réagir par rapport à une évolution de la situation économique. Cela paraît évident.

Je vous propose d'en venir aux trois sujets importants qui nous restent : la réforme-modernisation, l'informatique et la gestion des personnels avec les suites des travaux de la Cour des comptes.

En ce qui concerne la réforme-modernisation, pourriez-vous nous faire le point sur les expérimentations qui ont été menées depuis ce qui a été annoncé en avril 2000 ? Est-il possible d'en avoir un premier bilan ? Quelles difficultés ont été rencontrées ? Quelles adaptations y ont été apportées ? Quelle a été la perception des administrés et des personnels concernés ? Quelle suite compte donner le ministre au rapport de notre collègue M. Launay, notamment en ce qui concerne les maisons du service public économique et financier ?

M. Bernard Pêcheur. - M. le Rapporteur général, la réforme-modernisation, qui a été annoncée par le ministre le 28 avril 2000, comporte plusieurs volets qui épousent la diversité des missions du ministère et qui sont aussi de natures différentes. Il y a des expérimentations mais il n'y a pas que des expérimentations.

D'abord, certains projets ont été décidés dans leur principe et sont mis en _uvre. Je pense à la direction des grandes entreprises que vous avez évoquée dans votre propos liminaire. Elle n'est pas née tout armée le 28 avril 2000, elle procédait de travaux qui avaient été conduits dans le passé par l'administration fiscale, mais il nous a fallu la mettre en _uvre parce que le ministre l'avait retenue dans son principe.

La direction des grandes entreprises sera l'interlocuteur fiscal unique, en assiette et en recouvrement, tous impôts confondus, de 17.000 entreprises : les 1.200 entreprises dites du champ, dont le chiffre d'affaires ou l'actif brut est supérieur à 4 milliards de francs  - 600 millions d'euros - et leurs filiales et société mères à plus de 50%. Cette direction des grandes entreprises sera ouverte le 1er janvier 2002. Elle est installée à Pantin. Les travaux ont été achevés au mois de juin 2001. Deux cents agents ont été recrutés pour y être affectés par redéploiement. L'équipe de préfiguration est d'ores et déjà sur les lieux. L'ensemble des deux cents agents seront installés au mois de septembre. D'ores et déjà, les 17.000 entreprises du champ sont tenues de faire parvenir leurs déclarations, des textes ayant été votés par le Parlement en ce sens.

Cette direction des grandes entreprises est un service à compétence nationale de la DGI, mais six de ses agents sont des agents la DGCP, détachés pour les opérations de recouvrement. Il y aura un directeur de la DGI, M. Serge Margossian, l'ancien directeur des services fiscaux de Seine-Saint-Denis, et un agent comptable, receveur des finances de la DGCP. Il s'agit d'un projet très important. C'est l'interlocuteur fiscal unique des grandes entreprises. 25% du produit de la TVA, 45% de l'import sur les sociétés se trouveront assis ou recouvrés par cette direction de la DGI.

C'est un progrès important pour les entreprises concernées. Elles auront en face d'elles des fonctionnaires spécialisés dans la fiscalité professionnelle. C'est un progrès pour l'administration qui pourra, dans un certain nombre de cas, assurer des synthèses qu'elle ne faisait pas nécessairement ou difficilement. C'est aussi une avancée très importante en terme de coopération de cultures, puisqu'il s'agit de mettre dans le même lieu assiette et recouvrement, DGI et DGCP. Je crois que nous avons là bien avancé.

D'autres actions touchant notamment à l'informatique font partie de la réforme-modernisation et ne sont pas expérimentales.

Le projet COPERNIC de refonte du système d'information de la DGI et de la DGCP est la condition sine qua non de la modernisation des administrations fiscales et d'une amélioration du service rendu aux contribuables, puisque se profile derrière lui le compte fiscal simplifié, c'est-à-dire la possibilité pour chaque contribuable d'accéder directement à son compte fiscal, tous impôts confondus, de connaître la situation de ses dettes et créances, de constater la prise en compte des démarches qu'il a entreprises en termes de changement d'adresse ou d'état-civil. C'est la possibilité pour les agents habilités de la DGI et de la DGCP d'accéder à cette situation fiscale.

Ce projet majeur a été lancé par M. Laurent Fabius le 28 avril 2000. Lors de mon arrivée, j'ai eu à dégager les moyens pour permettre à l'équipe commune
- j'insiste sur cet aspect - de la DGI et de la DGCP de se mettre en place. Le chef de projet est un sous-directeur de la DGI, M. Gilles Grapinet, son adjoint est un sous-directeur de la DGCP, M. Etienne Effa. Là aussi, la culture de coopération progresse à travers le fond. Comme disent les Chinois : « le but est dans le chemin ».

Vous l'avez compris, il s'agit, avec ce compte fiscal simplifié, de changer fondamentalement l'informatique de ces administrations. Cela représente un effort financier considérable. Pour la période 2001-2002, 1 milliard de francs (23) a d'ores et déjà été budgété à cet effet.

M. Laurent Fabius et Mme Florence Parly ont approuvé, au début de la présente année le plan opérationnel visant à définir les différentes échéances de réalisation du compte fiscal simplifié.

Mme Nicole Bricq. - Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - C'est ce qui doit remplacer le compte fiscal unique.

Mme Nicole Bricq. - Il n'est plus unique, il est simplifié.

M. Bernard Pêcheur. - C'est l'accès qui est simplifié mais le compte de l'usager est complet.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - L'intitulé ne contient pas le terme « unique » mais il comporte les deux dimensions.

M. Bernard Pêcheur. - Bien entendu.

Le souci des ministres dans cette affaire, c'est de permettre aux deux administrations fiscales de refondre en profondeur leur système d'information qui était caractérisé, vous le savez, par des cloisonnements : cloisonnement technique inhérent au fait que les différentes applications fiscales ont été informatisées progressivement dans le temps à partir des procédures papier ; cloisonnement juridique qui nous privait de la possibilité d'utiliser un identifiant fiscal unique. C'est l'absence d'un identifiant fiscal unique, plus que le cloisonnement institutionnel, qui rendait impossible pour l'administration et pour le contribuable concerné de connaître globalement une situation fiscale individuelle. Pour le résident secondaire qui est aussi résident en région parisienne, les impôts sont séparés, les identifiants sont différents. C'est tout cela qu'il convient aujourd'hui d'unifier.

Cela suppose d'aller très profond. Cela prendra du temps pour obtenir le produit fini : cinq ans, sans doute. C'est pourquoi le ministre et la secrétaire d'Etat ont vivement souhaité que des retombées sensibles soient très prochainement perceptibles par les contribuables. Je pourrai vous en transmettre le programme, tel qu'approuvé par les deux ministres.

Dès la fin de 2001, nous créerons un portail fiscal qui, outre les fonctionnalités qui existent déjà sur le site internet du ministère, préfigurera les nouvelles téléprocédures. En mars 2002 est prévue la mise en ligne de la documentation fiscale à laquelle auront accès les contribuables. Au début de 2002 seront créées des boîtes aux lettres électroniques. Fin 2002, sera mise en _uvre une première version du compte fiscal simplifié avec accès des contribuables aux données.

Mme Nicole Bricq. - Quand vous parlez d'accès, de quoi s'agit-il ?

M. Bernard Pêcheur. - De l'accès immatériel ou via un agent des guichets qui pourra lui-même faire la transaction.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Alors qu'auparavant, ce n'était pas possible puisque le système était cloisonné.

Mme Nicole Bricq. - Indifféremment dans les recettes et dans les centres des impôts ?

M. Bernard Pêcheur. - Tout à fait.

Le souci des ministres a été de jalonner la mise en _uvre du programme COPERNIC d'échéances qui permettront de proposer, à chaque fois, un service supplémentaire concret, répondant aux attentes des usagers, tout en travaillant en profondeur et en remaniant l'ensemble de l'informatique fiscale. Voilà pour le second volet non expérimental, qui est engagé et qui suppose la mobilisation d'importants moyens.

Par ailleurs, des expérimentations nombreuses ont été lancées à partir de septembre dernier, après une concertation avec les organisations syndicales que j'ai conduite et avec leur soutien : expérimentation d'un intranet commun DGI-DGCP dans 150 sites de quatorze départements ; expérimentation d'un accueil commun entre la DGI et la DGCP dans neuf sites ; expérimentation, au sein de la DGI, d'un rapprochement entre les centres des impôts et les recettes des impôts dans treize départements ; si l'expérimentation qui est en cours débouche sur une évaluation positive, et j'ai tout lieu de penser que ce sera le cas, le centre d'appels de Lille
- 0820 32 42 52 - offrira au contribuable, dans environ deux ans, un canal supplémentaire pour accéder à sa situation fiscale ; expérimentation de pôles de recouvrement contentieux dans huit départements pour la DGCP ; expérimentation d'un centre d'encaissement industrialisé de la DGCP à Créteil, pour les départements du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, visant à rationaliser les opérations de recouvrement, à les centraliser dans une unité spécialisée à cet effet et à décharger les postes comptables d'une partie des tâches matérielles qui les occupaient.

J'ajouterai l'expérimentation importante de ce que le ministre avait appelé l'«interlocuteur économique unique », qui a été rebaptisé Mininfo Service et qui consiste en la « mise en coopérative » des huit services déconcentrés du ministère au soutien des entreprises, avec un comité de pilotage local présidé par le trésorier-payeur général. Le DRIRE est le rapporteur général du projet qui vise à offrir aux entreprises, notamment petites et moyennes, l'appui et le conseil de nos huit services déconcentrés fonctionnant en réseau. Ce projet est significatif parce qu'il est, en quelque sorte, la projection territoriale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a rencontré un très grand écho du côté des personnels qui se sont beaucoup mobilisés sur ce projet qui, pour eux, a beaucoup de sens et qui, nous l'espérons, aura du sens pour les entreprises.

Ces multiples expérimentations ont été lancées dans de nombreuses directions, à l'automne : en octobre, pour un certain nombre d'entre elles, notamment l'intranet commun ; en novembre, pour le rapprochement des centres des impôts et des recettes des impôts ; le 18 décembre pour le centre d'appel de la DGI à Lille. Mininfo service, l'interlocuteur économique unique, a été lancé dans deux départements, la Meuse et le Doubs, et dans deux régions, Centre et Pays-de-la-Loire, et dans chacune des régions avec une montée en charge.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Commence-t-on à avoir des retours ?

M. Bernard Pêcheur. - Nous commençons d'avoir des retours. Les évaluations seront achevées au mois de septembre 2001 en vue de prendre des décisions fin septembre, début octobre.

Mme Nicole Bricq. - Je souhaite revenir sur l'accueil commun. Neuf sites ont été expérimentés depuis octobre 2000. Quand comptez-vous prolonger cette expérimentation ? Entendez-vous la faire par plusieurs vagues successives ou massivement ? J'avais été choquée de constater que les deux sites retenus en Ile-de-France se trouvaient dans les Hauts-de-Seine dans des banlieues plutôt prospères.

M. Jean-Pierre Brard. - Des réserves à bourgeois !

Mme Nicole Bricq. - Je pense qu'il aurait été judicieux de le faire dans des sites de banlieue plus difficile. Je ne voudrais pas parler d'un cas particulier. Mais tout à l'heure ont été rappelées, par M. Brard, la nécessité que l'administration soit en phase avec la réalité sociale et l'importance du lien social que tout citoyen doit pouvoir entretenir avec ses administrations, y compris fiscales, qui sont tout de même centrales, même si 50% des citoyens ne paient pas l'impôt sur le revenu et sont exonérés de taxe d'habitation.

Je veux bien que l'on expérimente dans des endroits faciles et je peux donc comprendre que vous ayez choisi vos sites d'expérimentation, mais je trouve cela un peu dommage. Si j'ai bien compris, vous avez négocié avec les représentants des organisations syndicales, or, dans un cas précis que je connais bien, tout le monde était d'accord.

Qu'allez-vous faire à partir du mois d'octobre 2001 ?

M. Bernard Pêcheur. - S'agissant de l'accueil commun DGI-DGCP, nous avons buté d'emblée, dans la plupart des cas, sur un problème immobilier. Je ne parle pas de Meaux où le problème immobilier était d'une autre nature.

Mme Nicole Bricq. - C'est la raison que l'on m'a fournie.

M. Bernard Pêcheur. - Mme la députée, j'ai fait faire le recensement des sites où un rapprochement physique était déjà assuré. Il se trouve que, le plus souvent, les 3.800 trésoreries et les 800 centres des impôts sont dans des locaux différents. C'est un legs de l'histoire. On peut le déplorer, on peut l'expliquer aussi par le fait que chaque direction générale avait son propre programme immobilier. Lorsqu'il a fallu proposer au ministre des sites d'expérimentation, la liste était tombée à soixante. En faisant le tri sur ces soixante sites où l'accueil commun était possible, nous sommes tombés sur des problèmes qui subsistaient de cheminement improbable du contribuable, qui aurait été « baladé » à cause de difficultés d'accès, sauf à réaliser des travaux importants. Par exemple, il y avait un accès DGI dans une aile du bâtiment et un accès DGCP dans une autre aile.

Le cas évoqué par Mme Bricq a été examiné également. Il impliquait des travaux immobiliers relativement lourds. C'est pourquoi nous ne l'avons pas retenu à titre expérimental. Pour répondre directement à sa question, l'évaluation fera sans doute apparaître que le principe est incontestable. Quand des services de la DGI et de la DGCP sont à proximité immédiate, il faut assurer cet accueil commun. Je puis lui indiquer que, si le principe de l'accueil commun est confirmé, nous ferons en sorte, en particulier à Meaux où une demande émanait à la fois des agents et des chefs de service, que des travaux puissent être conduits. De façon plus générale, la question que nous devrons nous poser, au vu du résultat de cette évaluation de l'accueil commun, est de savoir s'il ne convient pas, à l'avenir, de faire converger les programmes immobilier de la DGI et de la DGCP, de façon à assurer un rapprochement.

Mme Nicole Bricq. - Cela paraît souhaitable.

M. Bernard Pêcheur. - Mais c'est difficile dans la mesure où cela vient contrarier la logique d'autonomie de gestion que l'on souhaite, par ailleurs, faire prévaloir, ce qui rend nécessaire une fonction de concertation. Tout est dans tout.

Par ailleurs, à défaut d'un rapprochement physique, et c'est là que l'expérimentation de l'intranet commun est pertinente, il importera d'assurer une prise en charge coopérative, par l'un ou l'autre réseau, de la demande du contribuable. D'une certaine façon, si l'expérimentation permet de confirmer cette intuition, l'on débouchera sur un véritable accueil coopératif. Si les guichets sont proches, il convient de prévoir un accueil commun, mais si le centre des impôts et la trésorerie sont éloignés de quelques centaines de mètres, voire de quelques kilomètres, il importe de prévoir une prise en compte par le service auquel s'adresse le contribuable de ses demandes d'information ou de traitement ou d'orientation à l'administration. Ces deux expérimentations pourraient converger vers un accueil coopératif, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas réaliser le rapprochement physique lorsque c'est possible.

M. le Président. - Je voudrais revenir sur le fonctionnement du portail fiscal et de la boîte aux lettres électronique fiscale. Le contribuable a-t-il seul accès à sa situation fiscale ou bien, par exemple, puis-je avoir connaissance de votre déclaration d'impôts ?

M. Bernard Pêcheur. - A l'heure actuelle, qu'il s'adresse au centre d'appel national ou au site internet du ministère, le contribuable n'accède qu'à des données générales, sauf s'il entre dans les téléprocédures qui lui permettent de télédéclarer ou de télépayer, où l'accès est sécurisé. Bien entendu, au-delà de ces premières fonctionnalités, l'ambition est bien de faire en sorte que le contribuable puisse accéder à son compte fiscal comme il accède à son compte bancaire, avec les garanties de confidentialité et de sécurité qui sont absolument indispensables.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Il aura un code d'accès ?

M. Bernard Pêcheur. - Il aura un code d'accès.

M. le Président. - La CNIL a travaillé avec vous à ce sujet ?

M. Bernard Pêcheur. - Tout à fait. J'ai rencontré le président Gentot. Je lui ai présenté les grandes lignes du projet. Je lui ai dit que les directeurs généraux, maîtres d'ouvrage, MM. Jean Bassères et Villeroy de Galhau, se tenaient à sa disposition. Il y a eu une première réunion de présentation par les deux directeurs généraux du projet COPERNIC. Il y a maintenant une collaboration très étroite entre la CNIL et le groupe de projet COPERNIC, la CNIL étant destinataire des documents fort épais qui visent à définir les cibles, le cheminement opérationnel. De nouveaux entretiens ont lieu actuellement avec les responsables de la CNIL. Il est indispensable d'associer la CNIL en amont à cette réflexion.

M. Jean-Jacques Jégou. - Je voudrais revenir sur l'accueil commun DGI-DGCP. Vous avez indiqué que sa mise en place pouvait se heurter à l'éloignement des bâtiments ou que la refonte de bâtiments communs disposant de plusieurs entrées nécessitait parfois des travaux importants. Envisagez-vous à la fois une optimisation immobilière et une optimisation des tâches, les agents ayant techniquement la possibilité de donner des renseignements globaux aux contribuables ? Une telle amélioration de l'efficacité peut-elle aboutir à des économies d'échelle, tant sur le plan immobilier que sur le plan du personnel ?

M. Bernard Pêcheur. - M. le député, je vous remercie de me poser cette question parce qu'elle me permet de clarifier le sens de l'accueil commun. Ce n'est pas seulement mettre quelqu'un derrière un guichet qui fait office de bureau de renseignements pour dire que M. Untel est à tel étage. Comme vous l'avez évoqué, cela touche à la compétence professionnelle des agents et, au-delà, à l'habilitation d'un agent de tel ou tel réseau de traiter un sujet qui ne relève pas a priori de la compétence de ce réseau.

L'expérimentation visait aussi à tester trois modules de complexité croissante.

Dans le premier module, à Lille et à Sèvres, il s'agit de tester un regroupement minimum. L'usager a la possibilité d'être orienté, de trouver les documents courants dont il a besoin et d'obtenir immédiatement certains services, comme le calcul de son impôt sur le revenu ou sa situation au regard du paiement des impôts, que l'agent auquel il s'adresse appartienne à la DGCP ou à la DGI. C'est déjà un peu plus que de l'accueil physique classique.

Dans le module 2, qui est expérimenté à Château-Gontier, à Chaumont, à Mérignac, à Sceaux et à Soissons, la requête de l'usager est directement prise en compte par la cellule d'accueil commun lorsqu'elle vise à l'obtention d'une remise gracieuse, d'un délai de paiement, l'annulation des frais de poursuite, la formulation d'une option de paiement, sa modification ou le dépôt de déclarations rectificatives ou de chèques. L'on voit bien qu'il y a déjà une transaction et que, selon qu'il s'agit de remise gracieuse ou de délai de paiement, cela ne concerne normalement pas la même administration, mais là, c'est la cellule d'accueil qui assure ce traitement.

Dans le module 3, le plus élaboré, celui de Périgueux, qu'a visité Mme Parly, et celui de Saint-Chamond, l'objet de l'expérimentation est de permettre aux agents, indifféremment, de traiter entièrement, lorsqu'elles ne soulèvent pas de questions trop complexes, certaines des demandes prises en compte dans les expérimentations du modèle 2. On est vraiment dans un système qui va plus loin dans l'indifférenciation du mode de traitement et de prise en charge.

De cela, il faut que nous discutions avec les organisations syndicales. Plus l'on va loin dans les compétences en cause, plus le spectre de l'administration fiscale unique peut resurgir. Il ne faut pas oublier les leçons du passé et il ne faut pas donner l'impression - impression qui serait fausse - aux organisations syndicales que nous essayons de faire entrer l'administration fiscale unique par la fenêtre, après qu'elle est sortie par la porte.

L'aspect immobilier est un élément indéniable mais, eu égard aux conditions actuelles d'implantation des services, je ne voudrais vous cacher, M. le député, que nous pourrons, du jour au lendemain, assurer ces unifications ou ces rapprochements. Je ne crois pas d'ailleurs, pour ma part, à la vertu des cités administratives où l'on empile les services et où l'on a parfois fait quelques monstres.

Mme Nicole Bricq. - C'est exact.

M. Jean-Jacques Jégou. - Derrière cette réforme, se profile celle de la gestion des ressources humaines et la formation professionnelle, d'autant que cette période correspond au départ annoncé des « Pompidou boomers ». Pourriez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ?

M. le Président. - M. Jégou, votre question nous servira de transition avec le point suivant : la gestion des emplois.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - L'on pourrait poser encore de nombreuses questions sur l'informatique ou la simplification des formalités mais nous pourrons continuer de communiquer par écrit afin que le rapport soit le plus complet possible.

M. le Président. - Nous nous reverrons, M. le Secrétaire général.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Venons-en, dans le prolongement de la question de M. Jégou, aux problèmes de l'emploi et de l'ARTT.

La Cour des comptes a formulé l'an dernier un certain nombre d'observations sur le régime de rémunération des agents. Elle a décortiqué les pratiques de la DGDDI. Elle a fait des observations sur la DGI et la DGCP. Quelles suites concrètes leur ont été données ?

La réforme indemnitaire en cours au niveau du ministère aura-t-elle un impact budgétaire ?

Le ministre a confirmé que l'ARTT se fait à effectifs budgétaires constants. Comment cela doit-il être interprété ? Cela vaut-il à l'échelle de l'ensemble du ministère ou au niveau de chacune des directions ?

Des expérimentations sont en cours dans cent-cinquante unités administratives depuis février 2001. Pouvez-vous nous fournir des informations sur cette expérimentation de l'ARTT ? Comment cela fonctionne-t-il ? Quels premiers enseignements en tire le ministère ?

Je pense qu'il faut laisser un peu de temps à M. Pêcheur pour aborder ces différents sujets, ce qui ne nous empêchera pas d'y revenir puisque ce sont des questions importantes sur lesquelles la mission d'évaluation et de contrôle et la commission des finances reviennent d'une façon un peu récurrente, tant que les problèmes ne sont pas réglés.

M. Bernard Pêcheur. - Je répondrai à M. Jégou que la formation est bien entendu une clé dans ce type de démarche puisqu'il faut amener certains agents qui ont une compétence professionnelle établie dans une spécialité à prendre une décision dans un domaine qui n'est pas traditionnellement le leur. Prévoir dans l'accueil commun qu'un agent de la DGCP puisse accorder une remise gracieuse est une petite révolution culturelle et, pour l'agent, un effort à consentir. La formation était, à l'évidence, une condition de ces expérimentations d'accueil et serait la condition de l'extension de ces mesures.

S'agissant des régimes de rémunération, je ne reviendrai pas sur le constat qui avait été établi par la Cour des comptes et par le Parlement. Nous avons avancé.

D'abord, les rémunérations qui étaient assises sur des ressources extra-budgétaires ont fait l'objet d'une budgétisation qui a été achevée dans la loi de finances pour 2001.

Ensuite, a été engagée l'opération de clôture des fonds particuliers qui comportait la prise en compte d'impératifs juridiques exogènes. Elle est quasiment menée à bien puisque, au 31 décembre 2001, les comptes des particuliers seront clos.

Enfin, l'exercice de refondation et de régularisation des indemnités est aujourd'hui engagé. Une des tâches que le ministre m'avait assignée était d'assurer le travail de mise en commun, d'élaboration et de réaménagement des régimes indemnitaires. Sur la base des travaux que j'avais pu conduire avec les directeurs généraux, le ministre et la secrétaire d'Etat ont saisi le ministre de la fonction publique depuis le 30 novembre 2000. Des travaux sont engagés avec les services de la fonction publique pour mettre en _uvre les textes, décrets et arrêtés, nécessaires, notre objectif étant de parvenir à un basculement au 1er février 2002, essentiellement à cause de l'euro.

Tel est notre plan de marche. J'ai bon espoir qu'il soit réalisé.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Vous dites que tout a été transmis au ministère de la fonction publique depuis le 30 novembre dernier. Quel est le retour ?

M. Bernard Pêcheur. - Un travail interministériel est engagé entre la direction du budget et la direction générale de l'administration et de la fonction publique, afin que ce processus du ministère des finances s'inscrive aussi dans les démarches engagées par ailleurs dans d'autres ministères. La Cour des comptes avait relevé que, dans de nombreuses administrations, le décret de 1948 qui servait de base légale aux primes de rendement leur assignait un plafond de 18%, alors que, le plus souvent, ce plafond était dépassé.

Nous ne sommes donc pas seuls en cause dans cet exercice. Il convient d'assurer la cohérence interministérielle. C'est tout le travail, à la fois juridique et technique, qui est actuellement conduit. Cela n'est pas facile compte tenu des spécificités de chacun des ministères. Je crois l'avoir dit lors de mon audition en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2001, le ministère des finances compte 393 régimes indemnitaires différents. Cela se comprend lorsque l'on mesure la diversité des métiers du ministère des finances. Pour la douane, il y a des marins, des pilotes d'hélicoptère, des douaniers, des agents des ex-contributions indirectes. La DGI compte aussi des métiers très différents : services informatiques, vérificateurs, agents d'assiette. Ce chiffre qui peut faire peur ne m'émeut pas spécialement mais il importe de conjuguer un besoin de cohérence et la nécessité de laisser vivre la diversité des différents services.

M. le Président. - Quand vous dites « basculement », s'agit-il d'intégrer les rémunérations accessoires dans le traitement de base ?

M. Bernard Pêcheur. - Non.

M. le Président. - Ce serait trop beau !

M. Bernard Pêcheur. - Il est heureux que les agents du ministère des finances aient bénéficié de ces régimes indemnitaires dans le passé parce qu'il y a peu de fonctionnaires qui n'aient pas de régime indemnitaire. Le montant des indemnités sur l'ensemble du budget de l'Etat doit représenter 21% de la masse salariale. Nous ne sommes pas seuls en cause.

M. le Président. - Il est clair que c'est un processus long et compliqué.

M. Bernard Pêcheur. - C'est effectivement difficile.

M. le Président. - Quel est votre objectif ?

M. Bernard Pêcheur. - Que les textes soient publiés et que les agents soient payés sur la base...

M. le Président. - Il faut la transparence complète et qu'à terme, cela fasse partie du traitement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - C'est un autre sujet.

M. le Président. - Pas tout à fait car cela pose des problème en termes de retraites.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - En effet.

M. Bernard Pêcheur. - C'est en soi une discussion importante. Quand j'étais directeur général de l'administration et de la fonction publique et comme ancien fonctionnaire de la direction du budget, j'étais très réservé sur l'intégration des primes dans le traitement et je le suis encore. La grille des salaires traduit la cohérence du classement des différents corps et grades de la fonction publique. Et puis, il y a les indemnités, dont je ne dis que toutes sont justifiées et d'un niveau parfaitement équitable, qui traduisent la diversité et la spécificité. Indépendamment des coûts financiers qui pourraient être induits, une intégration pure et simple des primes dans le traitement comporterait un risque d'uniformisation, de rigidification de la grille de la fonction publique et serait un facteur de régression pour la gestion de la fonction publique. Donc si je suis favorable à la régularisation, en revanche, je suis très réservé, à titre personnel, sur l'intégration dans les traitements. Mais c'est un autre sujet.

Concernant l'ARTT, c'est la même problématique liée à la diversité des missions et des métiers du ministère. L'inventaire auquel nous nous sommes livré a fait apparaître cent régimes horaires différents. C'est beaucoup mais, lorsque l'on prend la mesure de la diversité des métiers, c'est à peu près inévitable et souhaitable. Les marins de la douane n'ont pas le même régime que les agents de la surveillance de la douane. Il en est de même des pilotes d'aéronefs. Le mode de travail des vérificateurs de la DGI n'est pas le même que ceux applicables aux personnels des centres des impôts. Cette diversité fait partie de la vie. L'administration est un organe vivant et doit le rester.

Afin d'appréhender, dans le cadre de la démarche ARTT, cette diversité des situations et les faire évoluer, parfois converger, nous avons lancé cent cinquante expérimentations dans les services du ministère. Tantôt, cela couvrait une unité de travail, tantôt un département entier, l'objectif étant de tester différents modes d'organisation du travail en fonction des missions. Comme le disait M. le Rapporteur général, ces expérimentations ont été lancées au début de l'année. Nous en avons aujourd'hui des retours. Nous avons le sentiment que cela a donné envie aux agents de faire l'ARTT. Paradoxalement, au vu d'un certain nombre de mouvements sociaux qui ont affecté le ministère comme d'autres administrations, les agents pouvaient craindre - cela reste un peu le cas, puisque c'est un processus complexe qui touche aux missions et à l'organisation du travail - que l'ARTT ne bouleverse certaines habitudes et conditions de vie, alors même que c'est un progrès social indéniable, même s'il faut tenir compte des acquis qui ont parfois été obtenus, dans le passé, à la suite de conflits ou par l'effet de décisions ministérielles.

Aujourd'hui, nous sommes juridiquement à 39 heures, soit 1.770 heures par an. L'état des lieux que nous avons réalisé a fait apparaître que 80% des agents sont à 1.716 heures. Trente-cinq heures hebdomadaires, vingt-cinq jours de congés légaux, cent-quatre jours de week-ends, huit jours fériés en moyenne donnent un temps de travail annuel de 1.600 heures. Cela signifie que chacun gagnera quelque chose, mais ce ne sera pas moins quatre heures pour tout le monde, et pour cause. Dans un certain nombre de directions ou de services, se sont ajoutés des jours de congé au-delà des vingt-cinq jours légaux dont nous avons tenu compte dans le bilan et qu'il conviendra de prendre en compte lors du passage à 1.600 heures. La négociation est engagée.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Cela signifie-t-il que l'on peut descendre en dessous de 1.600 heures ?

M. Bernard Pêcheur. - Non, M. le Rapporteur général. Le décret du 25 août 2000 prévoit, dans son article 1er, que les agents devront voir leurs horaires calés sur une référence de 1.600 heures. Son alinéa 3 prévoit des possibilités de déroger pour certains services ayant des sujétions particulières. Nous les prenons en compte. Les propositions qui sont faites aux organisations syndicales, qui sont sur la table, intègrent cet aspect de dérogation aux 1.600 heures pour des services à sujétions particulières.

A ce titre, je citerai quelques exemples de dérogations qui ont été présentées aux organisations syndicales avec l'aval du Premier ministre : la surveillance de la douane qui travaille en continu et qui assure une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; les centres informatiques qui opèrent parfois la nuit et le week-end, en tout cas avec des pointes de charge qui justifiaient déjà d'être bien en dessous des 1.770 heures ; les personnels de la garantie industrielle, service de la douane qui assure la vérification des métaux précieux, qui poinçonnent, qui utilisent des acides, avec des binoculaires. La fatigue justifiait une dérogation aux 1.600 heures. Ce sont des cas prévus par le décret.

Et puis il y a la demande de certaines organisations syndicales d'une réduction d'au moins quatre heures. Ce n'est pas ce que nous pouvons accepter, tout en reconnaissant que les jours de congé qui ont été accordés demeurent traités comme des jours de congé et ne viennent pas s'ajouter aux jours ARTT. C'est cette alchimie qu'il faut faire réussir et ce n'est pas simple.

Malgré tout, les expérimentations nous ont apporté les outils intellectuels pour mieux appréhender ce processus. Je crois qu'ils ont donné envie aux agents d'entrer dans le processus et aux chefs de services déconcentrés - j'y insiste - l'appui méthodologique pour le conduire à bien.

D'ailleurs, lorsque j'ai reçu, le 14 juin 2001, les fédérations de fonctionnaires, celles-ci m'ont demandé une anticipation du processus de l'ARTT, que le décret du 25 août 2000 autorise. Cela montre bien que, sur le terrain, les agents ont envie que cela se passe. Cela permettrait d'éviter l'effet « portillon » du 31 décembre. Si l'on peut anticiper, c'est une très bonne chose.

M. le Président. - M. le Secrétaire général, je vous remercie. Il sera bien que nous nous rencontrions régulièrement, au moins une fois par an, tous les six mois serait mieux.

M. Bernard Pêcheur. - A l'automne notamment, en octobre, après que les évaluations seront achevées, il serait bon que je puisse vous rendre compte du bilan que nous tirons de tous ces chantiers.

M. Didier Migaud, Rapporteur général. - Effectivement, même si ce sera une période dense en raison, notamment, de l'examen du projet de loi de finances pour 2002.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

__________________

3664 - Rapport d'information de M. Didier Migaud : conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 20 décembre 2000 (commission des finances)

() « Contrôler réellement pour dépenser mieux et prélever moins ».

() Article 30 de la première loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-656 du 13 juillet 2000).

() L'exécution du budget 1999 : les fruits de la croissance retrouvée. Rapport d'information n° 2244.

() L'exécution du budget 2000 : premiers éléments. Rapport d'information n° 2934. L'exécution du budget 2001 : premiers éléments. Rapport d'information n° 3665.

() Des difficultés spécifiques à la commission élargie de la Défense sont apparues lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, imputables au nombre élevé de rapporteurs. Les interventions successives des onze rapporteurs ont débouché sur une certaine litanie des débats en commission élargie. Ces difficultés se sont démultipliées lors de l'examen, en séance publique, des crédits de la Défense : les interventions se sont révélées répétitives, les débats morcelés et trop brefs, tandis que le faible nombre de rapporteurs appartenant à l'opposition, joint à la limitation du temps de parole des orateurs des groupes, débouchaient sur une certaine « frustration » de l'opposition.

A la suite de cette expérience, le Président Paul Quilès a cependant formulé des propositions, précises et opérationnelles, qui permettraient d'appliquer la réforme de la procédure budgétaire à la commission élargie de la Défense :

- « La Commission de la Défense procéderait d'abord à huit clos, selon la formule traditionnelle, aux auditions habituelles du ministre de la Défense et des hauts fonctionnaires civils et militaires de la Défense. Ces auditions sont indispensables à son information, préalablement au débat budgétaire proprement dit. La nature des questions traitées impose de leur garder un caractère confidentiel. Ensuite, la Commission procéderait à un premier échange de vues sur la base des travaux de ses rapporteurs pour avis, au cours de séances, également tenues à huit clos, qui permettraient à ses membres d'évoquer librement toute information de nature confidentielle.

- Faire de la Commission de la Défense le lieu principal d'un débat précis, public et contradictoire sur les crédits militaires.

- La séance de Commission ouverte au public et à la presse pourrait alors être le cadre d'un échange de vues vivant avec le ministre de la Défense, au cours duquel les interventions des rapporteurs consisteraient à dégager les principales conclusions des débats précédents. Au vu de l'expérience de l'automne dernier, il conviendrait que sa durée soit légèrement allongée, pour la porter à environ cinq heures, ce qui impliquerait de l'organiser au cours d'un après-midi. Les travaux des rapporteurs pour avis de la Commission devraient, en outre, pouvoir être mis à la disposition des participants et de la presse, sous forme de documents provisoires, dès l'ouverture de cette séance ouverte au public, ce qui imposerait d'en fixer la date au plus tôt au début du mois de novembre. Quant aux réponses aux questions écrites budgétaires, elles devraient être fournies par le ministre de la Défense au plus tard la veille de cette séance, selon la formule mise en pratique à l'automne dernier. La Commission procéderait ensuite, à l'issue de sa séance ouverte au public, au vote sur ses avis relatifs au budget de la Défense.

- Réserver la séance publique aux prises de position solennelles des rapporteurs, des groupes et du ministre.

- La séance publique devrait ménager aux groupes politiques un temps de parole plus long, de l'ordre de quinze minutes. Les interventions des rapporteurs devraient, pour leur part, avoir essentiellement pour objet de commenter brièvement pendant cinq à dix minutes, les réactions du ministre à leurs observations en séance de commission ouverte au public et à la presse ».

() Deux aménagements ont déjà été introduits dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001 :

- les réponses aux questions écrites budgétaires doivent désormais être transmises préalablement aux réunions des commissions élargies, afin de permettre, le cas échéant, aux députés de « rebondir » sur les thèmes concernés lors de l'audition des ministres ;

- les temps de parole des ministres et des porte-parole des groupes au cours de la discussion en séance publique ont été portés de cinq à dix minutes, le temps imparti à chaque rapporteur (cinq minutes) restant inchangé.

() Rapport d'information n° 1781 présenté par M. Didier Migaud.

() Rapport de M. Yves Tavernier « De l'opacité à la transparence : le prix de l'eau » n° 3081, 22 mai 2001.

Rapport de M. Jean-Louis Dumont « Relancer la politique du logement social » n° 3151,19 juin 2001.

() Rapport de M. Patrick Devedjian « Les moyens des services judiciaires : la justice paralysée par ses structures », n° 3282.

() Mission d'évaluation et de contrôle Premier bilan, n° 2599, 2000.

() N°2624 Education nationale, enseignement supérieur.

() Il s'agit de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des douanes et des droits indirects.

() Rapport n° 2543 du 12 juillet 2000, pp.49 et 50.

() Communiquer à la Commission des finances les études d'impact accompagnant chaque mesure fiscale, comprenant, outre des indications financières, l'étude des conditions de son application concrète par les services ; associer des cadres locaux des directions fiscales aux travaux du comité de stratégie fiscale ; communiquer à la Commission des finances un rapport relatif à chacune des impositions de toutes natures dont le rendement est inférieur à 1,5 milliard d'euros.

() Au titre de la section centrale dudit fonds.

() Inspection générale des finances, note relative à la mise en _uvre au titre de l'année 2000 du contrat d'objectifs et de moyens 2000/2002 de la direction générale des impôts, établie par Alexandre Jevakhoff et Benjamin Dubertret, inspecteurs des finances, octobre 2001, n° 2001-M-028-01.

() 10,3 milliards d'euros.

() 1,5 milliard d'euros.

() Direction générale des douanes et des droits indirects.

() Environ 2.300 euros.

() 3.000 euros, selon l'article 1649 quater B du code général des impôts en vigueur.

() Environ 535 millions d'euros.

() 1,5 milliard d'euros.