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Annexe IV :
AUDITION PUBLIQUE du 15 MAI 1998 à MARSEILLE
« Les FEUX de FORÊT en MILIEU PÉRIURBAIN »

    (par ordre de passage)

M. Jean-Pierre SAEZ, Fondation pour la Forêt méditerranéenne

M. Claude COLLIN, Contrôleur Général, Institut de Prévention et de Gestion des Risques urbains

Sous-Préfet Thierry HEGAY, chargé de mission auprès du Préfet de zone de défense sud, délégué à la protection de la forêt méditerranéenne

M. Robert ASSANTE, Adjoint au Maire de Marseille, chargé de l'environnement

M. Philippe BERGER, Adjoint au Maire de Marseille, chargé de la Protection civile

Capitaine de vaisseau Alain ATHIMON, commandant le Bataillon de Marins Pompiers

M. DAROUZES, Association des Communes forestières PACA

M. Jean BONNIER, Association de la Forêt méditerranéenne

M. Daniel EMILIANI, Président des Comités Feux de Forêts des Bouches-du-Rhône

M. Michel ETIENNE, INRA

M. Bruno LAFFONT, Assurances GROUPAMA-MISSO

M. Jacques MARCILLAT, CNRS /UMR 6594

Mme Jacqueline BIDET, Météo-France

M. Philippe MICHAUT, Direction de la Défense et de Sécurité civiles

Colonel BATTESTI, Entente Interdépartementale

M. Jacques DEDIEU, Directeur Régional ONF / PACA

M. Jean-Claude COQUET, Directeur régional Agriculture

M. Jean Paul LEGROUX, Directeur départemental Agriculture

M. Jean-Jacques TOLRON, CEMAGREF

M. Mohamed MIDOUN, chercheur au « CEREN »

M. Olivier ROULE, direction régionale de Météo-France

M. Daniel ROUX, Directeur Général Adjoint de Météo-France

M. Edouard CHALVET, directeur de MACIF - Prévention

M. BOUDON, MACIF

M. Pascal DOUARD, Sous-Directeur à la Prévention des Pollutions et des Risques au ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement

M. le Président - Je vous remercie d'être là.

C'est la première fois que l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques décentralise une «audition publique » puisque généralement elles se tiennent soit au Sénat, soit à l'Assemblée nationale.

Une audition publique est destinée à éclairer sous le jour d'une expérience particulière, un rapport parlementaire.

Nous avons souhaité évoquer le problème des incendies de forêts sous un jour particulier qui est celui des incendies de forêts en milieu périurbain, d'abord parce que cela intéresse nos rapports, et en second lieu parce que le ministère de l'Environnement a demandé au Comité Français de la décennie internationale de prévention aux risques naturels de réfléchir à des propositions tendant à assurer une meilleure prévention contre les incendies de forêts en milieu périurbain. Je suis à la fois le rapporteur du rapport sur les risques naturels pour l'Office parlementaire, et le président du Comité Français de la décennie internationale. A ce double titre, il nous a paru important, à l'Assemblée nationale et au Sénat, de venir ouvrir le débat ici à Marseille, près d'un an après qu'un incendie très important a ravagé cette zone à laquelle nous nous intéressons, la zone périurbaine.

Nous avons souhaité ouvrir les 3 grands temps forts de la journée par un film qui sera commenté par M. SAEZ sur les incendies de forêts méditerranéenne.

Cet après-midi, nous aurons un second film que vous visionnerez en exclusivité, qui est un document qui va passer ce soir à 18 h sur la chaîne « la Cinquième », consacré aux replantations, reboisement de la Ste Victoire après l'incendie de 1989. C'est un document de grande qualité esthétique et on vous le présentera en exclusivité. Nous allons donc commencer immédiatement par un premier film.

J'appellerai ensuite les intervenants.

M. SAEZ - Le film que vous allez voir a été réalisé sur l'initiative de l'Entente départementale, établissement public qui rassemble 15 départements. C'est un film que nous avons tourné au moment même des départs de feux puisque nous étions en vol avec un hélicoptère de l'Entente. On a donc vu très vite la chaîne de secours se mettre en _uvre avec toute son efficacité.

(projection ............................)

M. le Président - Nous allons consacrer la matinée à une table ronde qui s'appelle « les grands feux en milieu périurbain, et le retour d'expérience » c'est-à-dire qu'est-ce que nous pouvons retirer de l'expérience de ces grands feux et de celui de l'an dernier.

Compte tenu de l'importance du sujet, et du nombre d'intervenants, ce thème est scindé en 3 sous tables :

    - les incendies de 1998 sous l'angle de la gestion de la crise,

    - comment cela a-t-il été vécu,

    - qu'est-ce que cela a pu apporter en termes de gestion de crise.

Participeront à la première table : MM. NARDIN, ASSANTE, BERGER, ATHIMON, COLLIN, SAEZ.

La grande dominante de ce rapport c'est la modernisation de la politique de la prévention en France et participeront à cette table n° 2 : MM. NARDIN, MARTIN, JORDA, EMILIANI, BONNIER, DAROUZES.

La troisième table ronde du matin sera consacrée aux expériences étrangères, car le rapport comme le travail de la décennie a vocation à évoquer la position de la France par rapport aux expériences étrangères, et participeront donc : MM. NARDIN, MARTIN, Mme BIDET, MM. MICHAUT, MARET, BATTESTI.

Chaque participant peut se considérer comme un intervenant à part entière.

Je vous rappelle que ce n'est pas une réunion publique, mais une audition publique, donc chacun a été invité pour une raison particulière pour participer intégralement aux débats.

Je vous précise que l'intégralité des débats figurera dans une annexe au rapport parlementaire.

Nous attendons de vous que vous nous disiez ce que vous avez ressenti face à cet événement ; ce qui s'est passé et comment a été gérée la crise. Nous savons que cela a été un feu extrêmement important, donc comme chaque fois, il y a eu des polémiques. On n'est pas là pour faire de la polémique mais pour voir comment les responsables municipaux, les sapeurs pompiers, les comités de feux, la gendarmerie, ont vécu la lutte contre cet incendie. Notre première préoccupation est de voir ce que nous aurions pu faire avant afin d'éviter cette situation.

Au cours de la seconde table ronde, nous aborderons l'idée de la prévention ; comment la crise a-t-elle pu servir la prévention.

Claude COLLIN, qui est un membre éminent du Comité Français de la décennie internationale pour la prévention aux catastrophes naturelles, grand patron de l'IPGR, a l'habitude de ce genre d'auditions publiques ; peut-être pourrait-il nous dire comment la gestion de l'incendie de l'an dernier à Marseille a été perçu, et dire comment cet incendie se situe dans le cadre des quelques grands incendies du monde méditerranéen que nous avons pu connaître.

M. Claude COLLIN - Les feux périurbains dans les sites méditerranéens sont connus comme risques majeurs et ils sont relativement identifiés par la population, même plus que d'autres risques naturels comme les inondations.

Les risques sont de plus en plus grands car les gens s'installent de plus en plus loin et de plus en plus nombreux dans les forêts proches de la ville.

Comment est-ce que le feu a été vécu ? Cela a été un moment dramatique très fort Tout le monde a été mobilisé, tout le monde a fait ce qu'il a pu et il faut rendre hommage aux services de secours qui ont sauvé des vies, des maisons...

Les premiers bénéficiaires de l'opération sont d'ailleurs les compagnies d'assurances qui ont eu assez peu de dégâts à traiter par voie de conséquence.

Marseille, comme toutes les villes, a des organisations municipales qui ont largement participé. Il y a un apport considérable qui peut être trouvé du côté du bénévolat, de la population, et à Marseille nous avons su l'organiser avec des résultats extrêmement efficaces. Dans la chaîne du traitement du risque qui est celle des collectivités locales, celle que nous cherchons à développer est la gestion de la crise. Quand on parle de feux de forêts, il est bien évident qu'on se trouve face à ce paradoxe du départ : la concomitance d'un besoin des citadins de se retrouver en zone périurbaine et le risque que cela constitue. Les pouvoirs qui nous sont donnés ne sont pas énormes, et les enjeux financiers sont considérables. Les incendies de forêts coûtent extrêmement cher. On essaie de faire en sorte que les choses se passent bien, mais aujourd'hui, manifestement, on est quand même un peu désarmé.

C'est la raison pour laquelle il y a sans doute d'autres approches à mettre en _uvre. Sur le plan du traitement lui-même, le risque est parfaitement identifié et les moyens sont simples (débroussaillement, réserves d'eau, etc.).

Il y a le problème important de l'urbanisation en zone périurbaine. Les problèmes qui se posent sont multiples. C'est vrai qu'il n'est pas toujours facile, par le passé on n'a pas toujours su, de résister à l'implantation de populations dans ces zones périurbaines ; mais parallèlement à cela, la forêt avance, et certaines zones actuellement considérées comme des zones forestières, ne sont que le résultat de l'avancée de la forêt, car les gens ont tendance à laisser pousser les arbres, etc.

Donc, une série de problèmes extrêmement complexes devront être traités. Il y a des leçons à tirer de la catastrophe.

Sur le plan de l'inconscient collectif d'une ville, cette catastrophe a été un traumatisme majeur.

M. le Président - Je vous remercie.

M. HEGAY - Je me présente, je suis sous-préfet, chargé de mission auprès du préfet de zone de défense sud, chargé plus particulièrement de la délégation à la protection de la forêt méditerranéenne.

Nous avons vécu ce feu difficilement, comme les populations ; je n'ai pas de caractère particulier à dire sur ce feu si ce n'est peut-être rappeler que la forêt brûle ; alors quand on demande pourquoi la forêt brûle, j'ai tendance à dire : parce qu'elle est combustible !

Les bons résultats que nous avions enregistrés les dernières années sur les feux de forêts ont peut-être fait penser que les risques avaient diminué; or le risque est toujours présent, et l'un des enseignements que je tire du feu de Septèmes, c'est qu'en effet le risque est là, et il a même tendance à augmenter. Nous brûlons de moins en moins et la forêt pousse de toutes façons à la même vitesse : on gagne par an 150 000 m3 uniquement par la pousse naturelle de la forêt et comme on brûle moins, les risques augmentent . Nous ne sommes pas à l'abri, un jour ou l'autre, cette année, dans les années à venir, d'un nouveau feu catastrophe, sachant que pour nous un feu catastrophe, cela a été 350 ha sur un feu en secteur périurbain, en Californie 80 000 ha.

Sur les feux de l'espace rural et périurbain, j'ai quelques chiffres à vous donner. Cela fait plus de 25 ans que nous avons monté une base de données « feux » qui s'appelle « PROMETHEE », désormais accessible sous Internet.

25 ans, ça veut dire qu'on commence à avoir le recul nécessaire pour pouvoir analyser certaines grandes causes de feux. C'est un instrument qui n'est pas que statistique, mais qui nous permet, au niveau des acteurs de lutte, mais surtout de prévention des feux de forêts, de pouvoir diriger nos actions à mener pour améliorer encore la lutte et améliorer la prévention.

Si sur le niveau global, le nombre de superficie brûlée (je ne parle pas du nombre de feux mais de superficie brûlée), la superficie brûlée a été moins importante ces dernières années, j'y vois pour preuve une efficience plus grande tant au niveau de la prévention que de la lutte.

On a enregistré 215 345 feux en 25 ans, espace rural et périurbain. C'est un chiffre important. Sur 1997, nous relevons 4 826 feux, bilan plus faible puisque la moyenne annuelle est de 9 000 feux périurbains par an pour l'ensemble des 15 départements de PACA, LANGUEDOC ROUSSILLON, CORSE, plus DROME et ARDECHE, puisque nous les avons, c'est la limite géographique de la forêt méditerranéenne.

Malgré tout, le bilan 1998, tout en étant inférieur à la moyenne, a été supérieur à ceux des 3 années précédentes : 1996 : 3 900 feux ; 1995 : 6 014 feux ; 1994 : 6 377 feux. Bien entendu, on s'interroge sur cette augmentation des feux et on essaie toujours d'en tirer quelques conclusions.

Si on prend une répartition sur les 25 dernières années, on peut classer les 15 départements du sud-est en 3 catégories :

    1 - les départements très sensibles dans lesquels on relève une moyenne de plus de 1 000 feux de l'espace périurbain par an : Hérault, Gard, Bouches-du-Rhône,

    2 - des départements sensibles qui connaissent entre 500 et 1 000 feux par an : Vaucluse, Var, Pyrénées Orientales, Aude, Alpes-Maritimes,

    3 - les départements peu touchés : 250 feux par an : Alpes-de-Haute-Provence.

Si on regarde le type de dommages, c'est important, on pourrait se mettre d'accord sur une définition du feu de forêt ; il faut voir qu'est-ce qui brûle.

Les feux d'herbe représentant 73 % des feux. C'est essentiellement de l'herbe qui brûle et non pas de la forêt.

Si on regarde la forêt proprement dite, on est à des pourcentages qui sont plus faibles.

Quelle est la cause principale de ces feux de forêts ?

Je dégagerai essentiellement deux catégories de causes :

- une cause très générale aux feux de forêts, pas spécifiquement périurbains, mais qui prend une acuité particulière dans les secteurs périurbains, ce sont les feux accidentels.

Cela peut être le barbecue, et on peut se poser la question si ce n'est pas à la limite volontaire, et surtout ces feux où on débroussaille le jardin, on essaie d'améliorer les choses, on fait brûler les herbes, on s'en va et on laisse le tas d'herbe brûlées ; on ne s'aperçoit pas qu'il y a du mistral, et les brindille volent vers la forêt avoisinante.

N'oublions pas que plus de 60 % des feux sont dus à la maladresse, à de la malveillance, c'est quand même une cause humaine avant tout.

Les feux spontanés sont très faibles.

Les feux volontaires représentent moins de 20 %. Je parle de feux volontaires, je ne parle pas de feux criminels, parce que si on fait une analyse plus fine, les feux criminels sont à peine de 7 %. Ça ne veut pas dire qu'on ne s'en préoccupe pas ; nous avons mené fin 1998 des réunions de formation croisée avec des sapeurs pompiers, des forestiers, des policiers, des gendarmes, et des magistrats, pour essayer de trouver des solutions adéquates, mais il est manifeste que l'une des causes qui nous préoccupent, ce sont les dépôts d'ordures.

Je ne pose pas la question de savoir s'ils sont contrôlés. Si on analyse encore plus finement cette cause liée aux dépôts d'ordures, on s'aperçoit que c'est le Languedoc Roussillon qui est la région la plus exposée : 7 300 feux dans l'Hérault du fait des dépôts d'ordures ; 4 000 dans le Gard ; 2 650 dans l'Aude.

C'est vrai que la présence humaine en lisière de forêt va générer des risques supplémentaires. Cette présence humaine touche, sur les 15 départements de la zone sud, 9 millions d'habitants.

Nous avons 9 millions d'habitants qui habitent en zone périurbaine et en lisière de forêt. Si je prends une récente étude qui date de quelques mois, de l'INSEE, on peut prévoir dans les 10 ans à venir, sur la région PACA, 2 millions d'habitants supplémentaires. Il faut donc poser la question : comment va-t-on faire ? Il n'est pas question d'empêcher les gens d'habiter les lisières de forêts, c'est un choix qu'ils ont fait, mais il faudra sûrement se poser des questions sur l'urbanisme et sur l'intégration de certains moyens de prévention, voire de lutte si le feu se déclare.

Deuxième conclusion : il faut véritablement que nous puissions régler une bonne fois pour toutes le problème des décharges avec le schéma directeur de traitement des ordures ménagères, qui nous permettra de répondre peut-être plus favorablement dans l'avenir. Mais il ne faut pas que l'on s'arrête à cela. Il faut lutter contre les décharges non contrôlées. Il faut également faire prendre conscience aux gens et aux habitants de ces lisières périphériques, que ce n'est pas au moment où il y a le feu qu'il faut qu'ils se préoccupent de leur propre sécurité !

Habiter dans une zone périphérique de forêt comporte un risque supplémentaire. Ce risque, les populations dans un temps normal, doivent d'une part en avoir conscience et doivent le cas échéant, s'équiper de manière à permettre aux secours de ne pas courir plusieurs lièvres à la fois, c'est-à-dire à la fois le feu de forêt, la protection des habitants et des populations.

Il existe des choses simples. Je pense que d'autres en parleront. Il existe des dispositifs. On a l'habitude de parler d'une piscine. Une piscine moyenne, c'est quand même l'équivalent de 12 CANADAIRS, de plusieurs camions de pompiers, et avec une motopompe thermique vous pouvez très largement protéger votre maison. Protection de la maison par soi-même, il ne faut pas tout attendre des moyens de lutte qui ont à faire face à des problèmes extrêmement compliqués sur ce type de feux.

Cela veut dire aussi que le feu de forêt en secteur périurbain ce n'est pas qu'une affaire des seuls forestiers, des seuls pompiers, c'est vraiment l'affaire de tous : de l'Etat aux collectivités, et je rappellerai quand même qu'il existe une réglementation très précise, et je pense que nos collègues de la DAF ou de l'ONF vont nous en parler, qui est l'obligation de débroussailler, imposée à tous les propriétaires de terrains. Et, ce sont les premiers concernés, obligation de débroussailler qui repose sur les maires. Il est très clair que si le débroussaillement est correctement effectué, on limitera non pas les causes de feux, mais on limitera quand même les effets. On touche à la fois des domaines tels que l'urbanisme et l'aménagement, mais aussi des problèmes d'équipement. Mais rien ne sert non plus d'étendre la ville dans la forêt si on ne prévoit pas un minimum d'aménagements de ces quartiers périphériques, et quand je dis le minimum, c'est de prévoir ne serait-ce qu'une voirie suffisamment large pour faire passer les camions de sapeurs pompiers !

On a vu sur le film que les sapeurs pompiers sont très gênés pour tirer les tuyaux dans divers feux et pas uniquement celui de Septèmes.

Les pompiers ont d'énormes difficultés à aller auprès du feu car les camions sont trop larges et quand ils sont sur place, on est obligé de les laisser brûler ! Ce n'est pas non plus la meilleure chose à faire !!!

Dans un deuxième volet, il faut réfléchir, le cas échéant, à des moyens permanents de prévention.

Il faut peut-être prévoir des plantations qui brûlent moins. J'ai plutôt tendance à dire que je ne connais pas de végétation qui ne brûle pas, ou alors si, l'une des propositions qui nous avait été faite après le feu de Septèmes, c'était de reboiser le massif de l'Etoile (et je ne ris pas) .... avec des sapins en zinc ! Je ne pense pas qu'au niveau de l'environnement, ce soit ce que nous souhaitons !

De temps en temps, le feu s'arrête sur de la vigne, le sol est nu, mais ce n'est pas la végétation qui va arrêter le feu ; il n'y a pas de végétation anti-feu.

Il faut se poser la question sur des moyens plus lourds : est-ce qu'on met des cannes de brumisation ? Mais ça nécessite d'avoir de l'eau. Quand va-t-on les actionner ? Parce que ça coûte cher ? Est-ce qu'on met des canons ou pas ? Il faut tout regarder, de la voirie à l'aménagement de la lisière périphérique, que l'on appelle la « zone interface », des moyens de prévention plus légers, pompes thermiques pour des zones mitées, ou des zones périurbaines difficiles, jusqu'à des aménagements plus lourds. C'est toutes ces questions que nous avons à poser, mais n'oublions pas qu'il existe des réglementations et si les populations respectaient déjà ces obligations de débroussaillement, nous ne serions pas obligé de courir après certains feux périurbains ou autres.

M. le Président - Pour la municipalité de Marseille, qu'est-ce que cela a été, cette expérience dramatique de l'an dernier ? Qu'est-ce que vous avez commencé à apprendre ? Est-ce que vous avez découvert des maisons réalisées sans permis de construire ? Est-ce que vous avez noté des dysfonctionnement de cette nature ?

Au-delà de tout cela, est-ce que l'idée de prévention est une grande idée qui anime l'équipe municipale ?

M. BERGER - Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire monsieur le préfet sur l'ensemble des réflexions données, mais nous avons vécu ensemble et de près le feu cet été puisque nous étions dans le même véhicule.

Ce que je voulais dire sur les journées du sinistre de cet été, c'est qu'on peut rendre d'abord un grand hommage à l'ensemble des pompiers qui ont participé à l'opération : le bataillon de marins pompiers de Marseille, ou sapeurs pompiers du département et du reste de la France puisque nous avons eu de l'aide de l'ensemble de la France et le reste des services de la ville, la protection civile, qui a fonctionné tout à fait normalement, et tout à fait bien, mais aussi le reste des services de la ville qui, d'une manière quasiment automatique, sont venus sur place pour essayer de régler les différents problèmes, notamment la société des eaux de Marseille, la police nationale qui a fait un boulot remarquable, la gendarmerie, et l'ensemble des services de l'Etat. C'était tout à fait important de le souligner. Sur cette action-là, on a pu voir des choses qu'il faudra étudier et essayer de modifier et pour les nouvelles avancées, faire bien attention en amont de ne pas refaire les mêmes erreurs.

M. le Président - Quand vous dites « erreurs » qu'il va falloir corriger, est-ce que déjà dans l'équipe municipale la réflexion a commencé ?

M. BERGER - Tout à fait ! Dès le lendemain matin d'ailleurs, puisque le maire de Marseille, avec MM. ATHIMON et NARDIN, grand ordonnateur du sinistre, se sont rendus sur place pour déjà commencer à réfléchir.

Je voudrais revenir sur un point important, c'est la formation et l'apprentissage des populations qui habitent dans ces zones périurbaines. C'est important que ces gens soient sensibilisés. Ceci étant, ils le sont relativement. Quand on est arrivé, un certain nombre de gens, déjà au moment où les pompiers commençaient à arriver, étaient déjà sur la toiture avec les tuyaux d'arrosage. Il y avait déjà les gestes qu'il fallait ; mais il y a encore du travail à faire !

Je voudrais faire une réflexion : on aura beau avoir tous les moyens de secours qu'on a, tous les camions possibles, le nombre d'hommes suffisant, si on ne voit pas le feu au moment de son départ, le feu fera des ravages comme cet été. C'est tout à fait important. Avant toute chose, avant toute réflexion hautement intellectuelle, il faut qu'on sache qu'aux mois de juin, juillet, août et septembre, il faut qu'il y ait quelqu'un qui surveille la colline partout, et qu'à tout moment, dans les minutes qui suivent, on puisse prévenir par téléphone, directement, les moyens de secours . Le feu de Septèmes, si on l'avait vu à temps, n'aurait pas été aussi dramatique.

Toute recherche de solution d'urbanisme, de végétation, de moyens de secours, ne sert à rien tant qu'on n'aura pas bien pris conscience que le vrai problème est là : pouvoir surveiller la colline. Elle est déjà bien surveillée par les Comités de feux de forêts, la protection civile, mais il faut renforcer parce que c'est par les moyens de détection qu'on sauvera.

M. ASSANTE - La première chose que je voudrais dire, c'est qu'on ne peut pas bien vivre un tel feu lorsqu'on est adjoint à l'environnement de la ville, que l'on préside le PIDAF de l'Etoile qui regroupe tous ces territoires qui ont brûlé, on ne peut pas bien le vivre. A partir du moment où on ne le vit pas bien, on laisse faire ceux qui ont à intervenir sur le feu pour le maîtriser rapidement, pour mettre en sécurité biens et personnes. Mais, dès que tout ce travail a été réalisé, il faut réfléchir et savoir pourquoi nous en somme arrivés là.

Un des éléments qui m'a le plus frappé, c'est de voir combien nos concitoyens s'assoupissent sur les prises de position ou un certain nombre de recommandations qui leur ont été faites. Ils s'assoupissent totalement ! Je prends un exemple qui nous a beaucoup animé, de savoir si nous devions maintenir la période rouge du 15 juillet au 1er septembre pour interdire l'entrée dans les massifs ? Au fil des ans, nous avons bien vu qu'il y avait une pression de plus en plus forte pour nous dire « essayez de libérer les espaces ; permettez-nous de pouvoir bénéficier de ces espaces pour que nous puissions nous promener ». Donc, un certain assoupissement de la part des administrés qui mettent une pression et nous sommes tentés de vouloir ouvrir ces espaces. Avoir plus de rigueur, mieux défendre les positions qui sont les nôtres, avant d'avoir une situation ingérable. Lorsque l'on ouvre un massif, on peut avoir à l'intérieur des personnes qui se promènent, des centres aérés, des structures qui font des manifestations, et cela ne me paraît pas bon. Ce désastre permet de renforcer notre position de ce point de vue.

Deuxième élément, c'est de voir qu'il y a énormément d'associations qui sont prêtes à défendre l'environnement, l'écologie et qui nous demandent régulièrement d'aller à l'intérieur du massif pour reboiser le massif, de pouvoir densifier encore les arbres qui ont été plantés, parce que ce n'est pas suffisant, parce qu'il faut faire mieux, il faut agrandir les surfaces, et on se rend compte que ces structures associatives, en pensant bien faire, augmentent les risques de feux ; augmentent la pression du feu sur ces massifs.

Troisièmement, lorsque l'on a subi le feu, il y a un certain nombre de positions qui sont prises en fonction du feu écoulé, et non pas en fonction d'une protection non pas à 5 ans, qui est une vision que tout le monde intègre, mais une vision à 20 ou 30 ans puisque le retour du feu se fait entre 10 et 25 ans, et de pouvoir essayer de prévoir ce que pourrait être une définition de vie, d'urbanité dans ces zones qui aujourd'hui sont dites naturelles. Il y a un certain nombre de dispositions qui ont été prises, mais pas avec une évolution des mentalités et des populations.

Ce troisième élément est, me semble-t-il, important et doit être retenu pour les travaux de cet après-midi car c'est en fonction de cela qu'on pourra mieux gérer l'avenir.

Quatrièmement, en aucune manière, les personnes ne se sentent responsables du massif. C'est-à-dire les personnes, les associations vont dans le massif et s'approprient cet espace naturellement, et ces lieux de vie, de loisirs, agréables ; dès qu'il y a à prendre des dispositions ou à intervenir sur le massif, il y a désengagement total et retour vers l'Etat ou les collectivités en disant « c'est vous qui devez tout faire à l'intérieur du massif ; je veux vivre à l'intérieur du massif, mais c'est à vous à nous assurer la sécurité, l'environnement, à l'intérieur de ce massif ».

En clair, les gens qui ont des piscines, qui sont en périphérie ou à l'intérieur du massif, on doit leur donner la motopompe pour qu'ils puissent défendre leur propre maison. Si on ne le fait pas, c'est qu'on ne tient pas compte de leur situation, et qu'on ne comprends pas quelle est leur situation, donc c'est nous qui devons payer ces motopompes à l'intérieur du massif.

On parle de débroussaillement. Je me suis rendu compte que le débroussaillement était plus ou moins bien fait et, plus la surface d'une propriété privée est grande, moins il est bien fait. On demande l'intervention de l'Etat, des collectivités pour faire ce débroussaillement puisqu'il sert à la collectivité en permettant, leur propriété étant non clôturée, que les gens puissent s'y promener, puissent bénéficier de cet espace ; en contrepartie, nous devons intégrer le débroussaillement de ces zones. Donc, dans tous les cas, la responsabilité appartient à la puissance publique qui doit tout assurer.

Cinquièmement, ce qui m'a encore marqué et qui est assez général : aujourd'hui on veut un monde qui soit totalement virtuel, me semble-t-il, où on doit avoir l'air le plus pur possible ; la qualité des eaux la plus parfaite qui soit ; un environnement parfaitement organisé, et tout ce qui est risque potentiel doit être parfaitement étudié et anticipé avant qu'il ne se produise ; donc comme nous l'avons parfaitement « étudié », il ne peut pas se produire !

Donc, si nous ne sommes pas capables de faire cela, c'est que nous n'avons pas la capacité intellectuelle et qu'il faut donc nous changer et en mettre d'autres, qui aient cette capacité. En aucune manière, personne n'assume individuellement la responsabilité de ce qui a pu se passer.

Voilà donc les 5 points que je voulais présenter qui me paraissent essentiels si, cet après-midi, on veut pouvoir faire des réflexions ou propositions qui nous permettraient peut-être, non pas de supprimer tout risque, mais de mieux les gérer, de mieux les appréhender et que tout le monde puisse apporter sa contribution. C'est ce que l'on a essayé de faire dans les réunions de réflexion qui sont aujourd'hui assez avancées et pratiquement au stade de conclusions. Une prochaine réunion est prévue le 19 mai, du Comité de pilotage, pour arrêter le dispositif à mettre en place.

M. le Président - Merci monsieur l'Adjoint.

Capitaine ATHIMON - Sur le feu de cet été, je ne dirai que peu de mots ; je l'aborderai au travers d'une réflexion qui, je crois, est un peu oubliée dans l'ensemble des discussions.

Comme certains d'entre nous, ici, le colonel NARDIN, le colonel JORDA, j'ai l'honneur de commander des hommes, et je crois que nous oublions complètement ce que ça veut dire.

Le grand problème d'un homme qui commande, c'est le souci de sauver ses hommes aussi. C'est un sujet que je n'ai jamais entendu aborder.

Cet été, nous avons eu un des plus grands déploiements entre le renfort et les forces qui étaient énormes et bien heureusement, nous n'avons déploré aucune victime grave.

Il faut bien voir que, dans le domaine de la lutte, cette réflexion est permanente chez celui qui a l'honneur de commander et la responsabilité de diriger.

S'agissant du sujet qui concerne le périurbain, j'y reviendrai en évoquant le périurbain marseillais. Quand l'on voit une carte du secteur, on s'aperçoit que Marseille est inclus dans un losange où les deux branches Sud et Ouest sont une façade maritime et les deux branches Nord et Est sont une façade uniquement périurbaine et bordée de forêts et d'espaces verts. C'est dire si, depuis longtemps, Marseille, en coordination totale avec les partenaires privilégiés, sapeurs pompiers départementaux, et tout ce qui gravite autour de la DDAF, l'ONF, etc., s'est penchée sur ces difficultés et sur la spécificité du milieu périurbain ; je ne voudrais pas que l'on pense que ce n'est qu'à l'issue de l'incendie de cet été qu'on s'est posé des questions !

Il y a de nombreuses années que ces questions sont étudiées, que les propositions sont élaborées, certaines ont été retenues, d'autres se heurtent à des difficultés de tous ordres, et peut-être seront relancées, malheureusement, au travers d'expériences de cet été. Mais depuis longtemps, on se pose des questions, on essaie d'analyser, on fait du retour d'expérience selon deux voies. La troisième a été largement évoquée, c'est la voie qui conduit à définir des modalités, une législation, de s'interroger sur des orientations ; et puis il y a la petite voie, et je n'évoquerai que la petite voie, c'est celle qui pour les acteurs, pour ceux qui ont été vraiment confrontés, a conduit à prendre des dispositions quelquefois avant qu'une normalisation ait été définie ou introduite. Depuis de nombreuses années, s'agissant de la ville de Marseille, de nombreux capitaux, un budget important ont été consacrés à cette spécificité du périurbain qui a cette particularité de voir confrontés en un même lieu des moyens qui sont des moyens traditionnels de secteurs très urbanisés avec des moyens qui sont aussi des moyens traditionnels de secteur désertique au sens urbain de lutte contre les feux de forêts, et la juxtaposition de ces deux moyens a déjà été étudiée.

Que chaque expérience soit utilisée pour améliorer, modifier, optimiser, c'est certain, mais d'ores et déjà on peut dire que, depuis une antériorité importante, ces travaux de réflexion ont été conduits.

On parlait des difficultés pour faire un demi-tour ; rappelons-nous qu'à Marseille, pour accéder dans des zones vertes, nous traversons des zones périurbaines dont l'étroitesse est telle qu'il nous a fallu concevoir avec des équipementiers, des camions étroits, spéciaux et qui ne sont pas aux normes.

Que doit-on faire ? Doit-on quand même les utiliser parce que l'utilisateur sur le terrain en a besoin, ou doit-on attendre que les normes changent ? Nous avons, nous, opté toujours pour favoriser et optimiser le domaine de lutte en priorité.

C'est vrai pour l'emploi et vous le savez, de l'hélicoptère bombardier d'eau, en milieu périurbain qui est un élément déterminant de lutte car il permet des frappes « chirurgicales » extrêmement efficaces pour des protections individuels de biens, mais aussi pour la protection de groupes de personnes, de sapeurs et marins qui étaient prisonniers au milieu du feu.

A tous les échelons, cela nous est arrivé d'être dans des situations très inconfortables.

Donc, de nombreuses réflexions ont conduit à essayer d'adapter des moyens et des méthodes de prévention, voire des techniques de prévention, par exemple le doublage technique par système caméra et informatique de la veille humaine.

On voit donc qu'en parallèle aux grandes réflexions qui conduisent à prendre des concepts importants, il y aussi le « petit » travail ou la réflexion de terrain qui n'est pas abandonné, et qui dure depuis de nombreuses années.

Colonel NARDIN - Le feu de cet été 1997 à Marseille a été très médiatisé, mais je souhaite dire aussi que tous les jours, notamment dans les périodes à risques sévères, ce type de feu survient dans les différents départements méditerranéens.

Je voudrais revenir sur ce qu'on a évoqué concernant les constructions dans les secteurs boisés, notamment sur les départements littoraux. On sait très bien que, quels que soient les départements : Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Hérault, les risques sont pratiquement identiques et en fonction du régime de vent, ce qui s'est passé à Marseille en 1998 peut se voir et se réaliser sur l'ensemble de ces départements. Cela s'est produit dans les années précédentes, notamment dans le Var ou les Alpes-Maritimes et même dans certains départements de Corse.

C'est à chaque fois, en ce qui concerne des départs de feux urbains, un feu qui mobilise les moyens de secours. Je suis d'accord avec le capitaine ATHIMON, c'est le problème des hommes qui est mis en jeu et quand je dis cela, c'est le problème de leur vie, quels que soient ceux qui peuvent être engagés car il faut bien évidemment en premier, dans le cadre de ce type d'intervention, protéger la population qui, dans certains cas, est une population inconsciente. Elle s'est mise à construire dans un domaine où il n'aurait peut-être pas fallu construire. Il suffit peut-être d'appliquer la réglementation existante plutôt que d'en inventer d'autres. Un certain nombre d'autorités ont donné malgré tout les autorisations de construire ou d'implanter dans des secteurs que l'on sait difficiles d'accès en cas de feux.

Je pourrais citer des communes ou citer des massifs dans lesquels on a de véritables couloirs de feux, en milieu périurbain, pour lesquels les autorisations continuent d'être accordées. On peut tout à fait avoir demain une reproduction de ce qui s'est passé dans le massif de l'Etoile, dans n'importe lequel des départements de la façade méditerranéenne. On a vu des feux identiques à l'étranger ou dans le cadre de l'Union européenne.

Il faut une véritable prise de conscience de la population concernée pour l'application de la réglementation, et avoir le respect des hommes qui demain seront appelés à intervenir dans le cadre de ces différents feux de forêts.

On a parlé de la protection des populations, des hommes et des biens, mais aussi de la protection des massifs.

Pour les hommes qui demain seront appelés à intervenir dans la lutte, il y a un choix prioritaire qui concerne la protection des populations. Un deuxième choix, qui pour l'instant n'a pas été réalisé faute de courage politique, est de dire « protégeons les forêts, et les maisons ou les habitations construites dans ces zones dont on sait particulièrement que la dangerosité est permanente, et bien, laissons-les brûler » !......

Peut-être, à ce moment-là, aura-t-on une véritable prise de conscience !

Mais je ne connais pas l'autorité politique qui, demain, prendra cette décision !

Si on avait protégé la forêt, dans le feu de l'Etoile, au lieu des habitations, il y aurait eu certes une superficie brûlée, mais largement inférieure à celle qui a été détruite ; mais peut-être aussi 40 ou 100 maisons détruites.

Peut-être que les assureurs, qui pour l'instant n'ont rien dit et se sont frottés les mains du travail réalisé par tous, prendraient cette fois-ci d'autres modes de pression pour faire en sorte que ce type de construction, ce type d'événement se reproduise avec plus de difficulté.

Voilà ce que je voulais dire en relançant un autre débat ; c'est peut-être aussi une façon iconoclaste de terminer !

M. le Président - Cet après-midi, nous évoquerons les problèmes d'assurances avec des représentants qui sont d'ailleurs ici.

M. SAEZ - Une remarque que le film pourrait susciter : nous qui avons observé avec un certain recul, on constate une fois de plus cette phrase de MALRAUX que l'on a voulu citer. La disproportion entre le but et les moyens dans les scènes que l'on a passées s'est largement vérifiée à Marseille, car il faut retenir dans ce type d'incendie combien est difficile la tâche des moyens au sol, mais aussi aériens pour combattre en milieu périurbain avec des lignes électriques à haute tension. L'Etat se retrouve avec des procès parce que les avions ont plus ou moins abîmé des maisons en bordure de zones forestières Ces difficultés s'ajoutent à l'importance du potentiel calorifique qui se dégage et on voit l'inanité des moyens mis en _uvre sur ces grands incendies.

Donc, la priorité des priorités est toujours l'intervention ; ce sont des choix difficiles à faire comprendre aux gens qui sont sur le terrain, même aux intervenants, mais en tout cas les états-majors ont la sagesse de traiter pour ne pas se retrouver avec de multiples feux.

Nous intervenons depuis 2 mois avec nos collègues de l'Entente sur une campagne de sensibilisation en direction des élus ; on constate malheureusement que l'on trouve seulement quelques élus, particulièrement mobilisés.

Hier, nous étions dans une commune rurale particulièrement sensible, au Puy Ste Réparade. Malgré les efforts des élus, il y a eu peu de participants à cette réunion d'information.

Le constat que nous faisons, c'est que même le code forestier, aujourd'hui nous semble inadapté. Un exemple : le débroussaillement d'office. Quel élu local, je le dis en toute amitié, aura fait réaliser un débroussaillement d'office ?....... On en connaît peu !!

On comprend aussi leur frilosité sur le plan de leur électorat.

Il faut pourtant que des opérations de ce type se déroulent, sans viser particulièrement les « papys » ou les « mamies » mais les institutionnels qui sont quelquefois des propriétaires inconscients !

La mise en demeure de débroussailler laisse un délai de 2 mois pour l'exécution des travaux ; lorsque la prise de conscience de l'autorité de faire débroussailler intervient au mois de mai, si on rapporte le délai de 2 mois, on arrive au 15 juillet, donc là il nous paraît qu'il y a un peu d'incohérence de faire réaliser des travaux forestiers en plein mois de juillet.

Donc, problème de raccourcissement de ces délais ; c'est en tout cas notre souhait.

Les opérations « coup de poing » entreprises ? Monsieur le préfet disposait à l'époque d'une ligne budgétaire pour faire exécuter le débroussaillement d'office et le côté spectaculaire de ces opérations pouvait rappeler chacun à ses obligations.

Il faut aussi évoquer le problème de la réflexion urbaine. La statistique PROMETHEE démontre que 80 % des incendies se déclarent à moins de 100 m d'une construction. Là aussi, on a des difficultés à expliquer aux gens l'obligation qu'ils ont d'aller débroussailler sur le terrain du voisin. Cela étonne beaucoup les gens quand on leur dit que ce n'est pas la forêt qui crée le risque, mais la présence humaine, et dès lors que le propriétaire voisin n'a pas de construction sur son terrain et que les « fameux » 50 m empiètent sur le terrain du voisin, il lui appartient d'exécuter les travaux de débroussaillement.

Assez méconnues aussi, les obligations pour les maires de faire débroussailler en milieu urbain, non pas dans le rayon des 50 m mais la totalité des surfaces, qu'elles soient dans des ZAC, lotissements, terrains de camping, etc. puisque la règle des 50 m ne s'applique pas en milieu urbain !

Chose difficile à expliquer là aussi.

Des idées préconçues que nous nous attachons à rectifier aussi dans les conférences que nous faisons, c'est que les gens ont l'impression que la forêt régresse, mais on est obligé de rectifier en disant que si le nombre de départs de feux est de plus en plus important, l'efficacité des moyens de prévention et de lutte mis en place par Etat ou collectivités fait que ces feux, qui au début du siècle occasionnaient des dégâts extrêmement considérables, se limitent à une moyenne pour les années 1991 à 1998 pour les 15 départements de moins de 12 000 ha. Là aussi, il y a des idées à modifier dans le public. Il y a également des sujets comme « le feu avance à la vitesse d'un cheval au galop ». Ce n'est pas ça ! C'est au Mont St Michel que la marée avance à la vitesse d'un cheval au galop !...

A Marseille : 18 km sur la plus grande longueur, le feu a mis 3 jours pour parcourir les 18 km . Ensuite, une remarque aussi : un feu de forêt c'est d'abord, et avant tout, un feu de broussaille.

Je prends un exemple qu'on a tous constaté, aussi bien à la Ste Victoire, en 1989, que sur le feu de l'Etoile : nous nous sommes rendus sur les lieux avec nos collègues du CEREM pour faire l'inventaire de ce qui se passait, avec l'adjoint au maire, monsieur ASSANTE et qu'est-ce que nous avons constaté ? Que pratiquement 80 % des pins portaient encore leurs aiguilles qui étaient seulement roussies. C'est la couronne des arbres qui avait subi simplement un choc thermique (qui condamnait certes l'arbre), et donc le feu s'était bien propagé notamment à travers les chênes kermès. C'est bien la démonstration que traiter la broussaille, c'est bien protéger la forêt. Si trois fléaux menacent : le vent, la sécheresse, la broussaille, on ne sait pas lutter contre les deux premières causes de propagation des incendies, mais on doit inciter tout le monde à s'engager dans la lutte contre le troisième fléau qui est la broussaille !

M. HEGAY - Monsieur SAEZ a tout à fait raison dans le fait de dire qu'il faut lutter contre la broussaille. Il y a quand même l'obligation de débroussaillement, indépendamment du mode de financement, n'oublions pas que l'obligation repose sur les propriétaires. Ce sont quand même eux les premiers concernés. Ce sont eux qui sont les premiers éventuellement à dire « venez vite protéger nos maisons » mais le mal est fait . On s'est aperçu à Marseille ou ailleurs que certains terrains n'étaient pas entretenus, voire pire, on avait une petite bande aménagée dans le jardin et on a rajouté des arbres juste en limite de la propriété. Malgré tout, aucune maison n'a brûlé. En effet, cette obligation incombe aux maires, et on s'est beaucoup interrogé sur cette question du débroussaillement. Très sincèrement, je ne pense pas qu'il faille modifier la réglementation existante, parce qu'elle est pour l'instant relativement équilibrée. Il nous importe peut-être de sensibiliser plus pour l'appliquer. Sachant, et c'est juste la précision que je voulais apporter sur « l'exécution forcée », même si elle est décidée au mois de mai, elle ne peut pas être rendue exécutoire tout de suite. C'est un problème qui ne fait pas appel uniquement à une réponse technique parce que tous les acteurs préféreraient que 48 h après saisie du propriétaire, le travail soit fait.

Cela dit, nous touchons à une notion plus générale et plus ancrée dans notre droit français qui est la notion du droit de propriété. En fait, toutes les difficultés que nous avons, sont de faire procéder à des exécutions forcées rapidement. Si jamais nous partons sur une constatation, après sur un PV, une condamnation, tout ça vous donne des délais de 12 à 13 mois... Nous avons eu une discussion avec les procureurs généraux. Nous avons réussi en décembre 1997 à faire comprendre que le droit de propriété vient nous gêner en effet.

Est-ce qu'il faut faire sauter ce verrou du droit de propriété au nom du principe de la conservation du massif forestier que l'on juge sensible ?

Je crois que, là, on a non pas une simple réponse technique à apporter, mais une confrontation de deux droits, mais avec un droit de propriété qui depuis 1804 a été largement réaffirmé dans le droit français.

De même, voyons l'intervention des compagnies d'assurance. C'est vrai que les compagnies d'assurances, pour certaines, se mobilisent un peu pour faire passer un message sur la prévention des feux de forêt . Est-ce qu'il ne faudrait pas aller plus loin ? Nous sommes victimes de notre efficacité ! Le nombre de maisons brûlées par rapport au nombre de feux de forêts est vraiment ridicule, 10 par an au grand maximum, sur Septèmes il n'y en a eu aucune. De temps en temps, on est amené à se dire : est-ce qu'il ne faudrait pas qu'il y ait 100 maisons brûlées, pour qu'enfin on prenne conscience que c'est un partenariat global ?

Le feu de forêt, c'est un partenariat global qui concerne en premier lieu les habitants, et après les compagnies d'assurances, après en effet il faut réfléchir sur la manière de mieux les impliquer dans le système. C'est avant tout une idée partenariale. Ce n'est pas un tout seul qui réglera tous les problèmes ; ce n'est pas vrai.

M. le Président - Avez-vous des compléments d'information à apporter sur ces exposés ?

Est-ce que vous avez été surpris par une des affirmations de l'un des intervenants ?

Je vous rappelle que tout ce qui est dit figurant dans l'annexe au rapport, si vous avez noté une anomalie ou une affirmation avec laquelle vous seriez en contradiction, il est temps de la corriger. Votre sérénité me touche.

Nous passons donc à la deuxième table ronde :

Est-ce que vos expériences, aux uns et aux autres, ont servi l'idée que vous vous faites de la prévention ?

Notre préoccupation essentielle est la prévention. Est-ce que vous avez besoin de l'expérience de la crise pour nous dire votre sens de la prévention ; votre souci de la prévention ?

Est-ce que, par exemple, le président de l'Association des Communes forestières peut dire qu'il a eu besoin d'un certain nombre d'incendies pour, en tant que Président de l'association, en tant que Maire, enrichir sa connaissance et mieux faire passer le message de la prévention ?

Est-ce que les Comités de feux de forêts, qui incarnent la citoyenneté dans l'acte de prévention, ont eu besoin d'un certain nombre d'expériences pour renforcer leur dispositif, mieux remplir un certain nombre de missions, et mieux cadrer leur travail avec celui des sapeurs pompiers ?

En un mot, tout ce que vous avez vécu comme incendies au cours de ces dernières années, vous a-t-il permis de progresser, et vous a-t-il permis de faire progresser le sens de la prévention ?

M. DAROUZES - J'ai l'honneur de représenter André WERPIN qui a eu un accident de la route ce matin, qui m'a demandé de le remplacer ; il va bien, rassurez-vous.

Je suis donc là en tant qu'élu, monsieur le Député, et je voudrais vous dire quelque chose ; vous parliez de l'expérience ; je ressemble, même si ça va être noté, marqué, inscrit, je ressemble un peu à Don Quichotte parce que l'élu -j'ai pris l'habitude de le dire- qui s'occupe de la forêt est un élu qui n'a pas de chance, parce que les arbres ne votent pas !....

Et ça devient de plus en plus grave.

Je vais enfoncer des portes ouvertes. Le constat pour moi est un constat négatif, parce que j'essaie de m'occuper dans la mesure de mes petits moyens de la forêt depuis des années, et depuis des années on s'aperçoit de la même chose, c'est qu'à une certaine époque, on commence à parler de la forêt !

C'est toujours aux alentours de mai/juin ; on commence à parler de la forêt, de sa rentabilité ; est-ce qu'elle est rentable ou pas ? On commence à parler de la pénétration dans les massifs : doit-on ou pas y pénétrer ? On commence à parler de l'urbanisation en forêt : doit-on construire en forêt ? Comment ? On parle des incendiaires. De bien tristes sires, mais il y en a très peu. On parle du débroussaillement : doit-on débroussailler ? Comment ? A propos du débroussaillement, je voudrais faire un petit aparté. Une commune a fait jurisprudence et je le dis, je crois que c'est la commune d'Eze sur Mer, condamnée pour n'avoir pas fait, à la suite de l'incendie, pour n'avoir pas fait respecter la loi et l'obligation du débroussaillement.

Il faut que les élus prennent conscience de cela. Nous sommes en première ligne et c'est nous qui devons faire appliquer ce débroussaillement, même si ce sont les propriétaires qui ont obligation de débroussailler.

J'ai l'habitude de dire, mais ce n'est qu'un constat, et un constat négatif, une personne a dit « la forêt, c'est 3 mois de drames et 9 mois d'oubli ». La forêt, il faut s'en occuper 365 jours sur 365 jours, et non pas commencer à parler de la forêt uniquement quand les premières chaleurs arrivent et que commencent à chanter les cigales !..

A propos de la forêt toujours, monsieur le Député, on en avait parlé ensemble, il y a 15 départements (cela a été dit) qui ont à peu près la même forêt. Il existe une loi littoral ; il existe une loi montagne, pourquoi pas demain, n'existerait-il pas une loi forêt méditerranéenne ? Et là on pourrait trouver les moyens, peut-être, de sensibiliser tout le monde.

Quand on parle d'urbanisation en forêt, il existe pour les établissements recevant du public, des prescriptions émises par les services départementaux d'incendie, et ces prescriptions figurent sur le permis de construire. Elle sont ensuite vérifiées au moment de la construction, à la fin, et avant l'ouverture au public. Si toutes ces prescriptions sont réalisées, l'établissement peut être livré au public. Pourquoi, au moment du dépôt de permis de construire de maison à proximité ou dans la forêt, n'oblige-t-on pas à avoir des prescriptions qui vont être mises sur les permis de construire ? Ces prescriptions seront ensuite vérifiées au moment où la maison est construite, où les habitants vont rentrer, comme par exemple : piscine, débroussaillement, volets... La liste n'est pas exhaustive des prescriptions et, à partir de là, si elles ne sont pas réalisées, elles déboucheront sur l'obtention ou non du certificat de conformité, acte important. Ce sont des pistes que je voulais donner.

Je crois que pour le président des communes forestières, le constat est pour l'instant absolument et totalement négatif. Nous avons besoin d'informer, de sensibiliser, parce que la forêt ça n'est pas l'affaire que des élus, ça n'est pas l'affaire que des techniciens, la forêt c'est l'affaire de tous, de tous les citoyens. La forêt est en danger et, à partir de là, je pense que nous sommes tous en danger.

Je suis à votre disposition pour aller plus loin dans le débat, merci, monsieur le Député.

M. le Président - Vous l'avez dit avec toute votre passion, monsieur le Maire. Monsieur BONNIER, est-ce que votre expérience vous a permis d'améliorer la forêt ?

Comment, au cours des dernières années, a-t-on pu faire progresser la forêt méditerranéenne ? Qu'avez-vous appris des incendies qui vous aurait permis de faire progresser la forêt méditerranéenne ? Quelle est l'importance de votre action dans cette forêt ?

M. BONNIER - Je parlerai en mon nom personnel parce que notre association de la Forêt méditerranéenne n'a pas de doctrine. Elle n'est pas chargée d'élaborer une doctrine et de l'apporter ; c'est un lieu où les gens se rencontrent, se parlent, et chacun dit ce qu'il ressent.

Il se trouve qu'étant dans cette association depuis 20 ans (elle a été créée juste après le feu du Tanneron), nous avons vécu toute une série d'expériences et finalement, des informations j'ai pu en recueillir !

On peut parler du feu d'Eze, de Draguignan, du col de Porte, de Marseille, de la Garde Freinet, des Aspres, pour ne parler que des plus mémorables.

On a réfléchi aux questions sans réfléchir sur la lutte contre le feu, à la prévention après et surtout à la communication, et on en a déduit un certain nombre de choses.

D'abord, il y a effectivement des tas de moyens réglementaires, techniques. La technique marche bien, que ce soit la technique des forestiers pour aménager les terrains, des pompiers pour lutter. Il y a quelques grands feux qui échappent, qu'on appelle les feux « catastrophe » mais dans l'ensemble, le boulot est bien fait, le terrain aménagé. La question, c'est qu'on ne sait pas prévenir.

On sait arrêter le feu, on l'a dit, et les assureurs se félicitent. D'une certaine façon, monsieur HEGAY l'a dit, c'est un peu ce qui nous condamne : on est très bon, du coup le danger apparaît comme limité.

Ce que nous ressentons en discutant, c'est qu'il y a une espèce d'incompatibilité, relevée également par monsieur COLLIN, entre le fait que les gens veuillent aller habiter en dehors des villes, et le fait qu'ils ne ressentent pas qu'ils sont en insécurité ! J'ai le sentiment, moi, que si on faisait tout ce qu'il faut faire, les gens ne l'accepteraient pas. C'est-à-dire qu'on sait que pour mettre une maison hors de danger, il faut débroussailler autour, mais bien au-delà, c'est-à-dire qu'il faut détruire le décor que les gens sont venus chercher. Si on mettait toutes les maisons qui sont en danger, hors de danger, on rendrait les gens malheureux puisqu'on détruirait ce pourquoi ils sont venus. Ce qui est insoluble !..

A partir de là, on bâtit des discours qui ne fonctionnent pas, parce que ce sont des discours sur l'appel à la responsabilité sur : « la forêt c'est l'affaire de tous », mais si c'est l'affaire de tous, c'est l'affaire de tout le monde, et donc de ... personne !

On est dans une époque où la solidarité est battu en brèche ; l'individualisme est prôné comme règle à développer. Il est difficile de tenir un discours solidaire, alors que tout indique qu'il ne faut pas être solidaire et qu'il faut être individualiste. Il y a donc là quelque chose qui ne marche pas.

Le cas des piscines est extraordinaire ! C'est vrai qu'on dit aux gens « vous avez de l'eau » mais la réponse c'est « l'eau, elle est à moi ». Et, monsieur ASSANTE l'a bien dit, « je suis un élu confronté à des demandes de la part des populations » et on est obligé de constater aujourd'hui que les gens demandent à être en sécurité aussi bien sur la Canebière que sur le cours Mirabeau que dans la colline de Vaufrèges !!!

L'an dernier, lors du feu, des journalistes m'ont demandé de les accompagner dans la colline et on est allé au-dessus de Château Gombert. Je leur ai dit « vous ne voulez pas qu'on aille plutôt là où ça va brûler, plutôt que là où ça a brûlé ? ». On aurait pu dire le Tholonet, on connaît tous des endroits. Quand il y a un feu, il faut aller là où ça va brûler, le coup d'après. On est toujours ensuite avec 9 mois de quiétude et 15 ans de quiétude, puisqu'on sait que le retour du feu est de ce temps-là.

Il faut arrêter de dire des choses qui vont dans le « sens du poil », du genre « catastrophe écologique », « irréversible » etc. Nous savons tous que la principale catastrophe écologique, c'est que nous mettons du gaz carbonique dans l'atmosphère.

Il ne s'agit pas d'être angélique et de croire que tout va bien, mais quand on sait combien les gens oublient vite les incendies !.. Si on faisait un sondage à Marseille, on serait étonné de voir combien de gens ont oublié qu'il y a eu un grand feu il y a quelques mois. Il faut changer ce discours qui ne fonctionne pas.

Il faut revenir, me semble-t-il, à une bonne prise de conscience de la responsabilité de la puissance publique, parce que c'est un problème de puissance publique.

Comme les gens oublient, comme les gens ne veulent pas qu'on réalise des choses utiles comme le débroussaillement, il faut bien que la puissance publique le prenne en compte.

Je suis content que monsieur DAROUZES ait dit qu'un maire avait été condamné ; je pense que ça va se reproduire.

Le discours logique en train de se développer dans notre civilisation c'est « je suis un habitant de votre commune, vous avez accepté que j'habite là en me donnant un permis, ou en refusant de me poursuivre parce que j'avais construit sans permis, ce qui revient au même, vous avez l'obligation de me protéger. Permis ou pas, je vous attaque et je gagne ! ». Et ça va se reproduire et je crois que les maires devraient bien savoir que ça va leur arriver de plus en plus.

Il faut donc changer de discours et reprendre très fortement, la mesure de la responsabilité de la puissance publique face à ce problème. Ensuite, je crois, j'en suis même convaincu, qu'il faut évaluer toute la communication qu'on fait depuis 20 ans sur les problèmes d'incendie et de feux de forêts. On a tout faux !!!

On a une communication foisonnante ; tout le monde fait sa campagne d'affiches, tout le monde fait son discours, mais il n'y a aucune évaluation post-campagne. On ne sait pas ce que les gens attendent comme discours. La preuve est faite que cette communication est mal faite.

La première chose à faire, c'est de l'évaluer. Nous militons à l'Association pour que véritablement, il y ait un travail dans ce domaine-là, travail professionnel, lourd, d'évaluation de la communication sur ce problème de la forêt et des feux de forêt.

Voilà ce que je peux dire de ce que je retiens de 20 ans d'observation.

M. le Président - Je voudrais que l'on rappelle l'histoire de ces comités de feux de forêts, c'est un véritable exemple de citoyenneté ; quelle est leur action, et par rapport à ce que vous avez appris, votre travail, qu'est-ce que vous allez continuer à faire ?

M. EMILIANI - Tout d'abord, merci de votre invitation étant donné que c'est la première fois que le Comité de feux de forêts sera à l'Assemblée nationale.

Ce sont avant tout des bénévoles, réunis en équipes opérationnelles, sous l'autorité du Maire d'une commune, qui assurent essentiellement des missions de prévention.

Ils sont reconnaissables à leur tenue orange et leurs véhicules de même couleur, ce qui fait qu'on les confond, malheureusement, avec des agents de la DDE !

Tout au long de l'année, leur mission, puisqu'elle s'effectue tout au long de l'année, est de l'information du public en utilisant tous les moyens disponibles, de manière à informer les gens sur le comportement à avoir vis-à-vis de la forêt et notamment la réglementation en vigueur. Ils utilisent pour cela des stands, parfois les médias, participent aussi aux réunions qui ont pour objet l'aménagement des massifs et à l'installation de FCI. Eventuellement, ils font des propositions et de la surveillance, entretien, aménagement.

En période active, c'est-à-dire estivale, et en période de sécheresse hivernale, ils organisent un dispositif de surveillance par des patrouilles ou des guets.

L'objectif, c'est la dissuasion ; l'information du public. Les comités de feux ont la possibilité d'alerter les secours rapidement en cas de départ de feu et d'intervention avec des véhicules type porteurs d'eau équipés de citernes de 600 litres. Auprès des secours lors d'incendies déclarés, ils peuvent assurer des actions de logistique, ravitaillement, des actions d'information et des moyens d'accès dans les massifs.

Combien sont-ils ? Dans toute la région PACA, il en existe et, dans chaque département, ils sont organisés et coordonnés par des associations type loi 1901.

Il en existe en Languedoc Roussillon et dans le département d'Ille-et-Vilaine.

Les bénévoles varient d'un département à l'autre. Dans les Bouches-du-Rhône, il y a 90 comités de feux et 3 000 bénévoles. Dans les Alpes-Maritimes, 18 comités de feux et 500 bénévoles. Var et Vaucluse, entre 8 et 9 000 bénévoles dans les comités de feux de forêts.

Le matériel : pour les Bouches-du-Rhône, 200 véhicules et 100 véhicules équipés pour l'intervention, et des moyens de transmission communaux représentés par 500 postes radio.

Tout ceci représente une masse de travail considérable. Là aussi, quelques chiffres sur le bilan 1997 des comités de feux : 226 interventions sur feux naissants ; 28 000 h de patrouille, 300 h passées auprès des secours lors d'opérations de lutte ; 6 000 h de vigie ; 84 000 h effectuées par les bénévoles durant la saison 1998.

Les Comités de feux sont la prise de conscience citoyenne d'une population qui se prend en charge avant qu'il y ait un drame, notamment un incendie de forêt, et malheureusement, cette prise de conscience citoyenne n'obtient pas toujours le soutien de la puissance publique.

Quels sont les problèmes rencontrés par les Comités de feux de forêts, notamment en milieu périurbain ?

La population urbaine semble moins informée des réglementations que les populations rurales, ce qui ne rend pas la tâche facile aux bénévoles.

Ainsi, la réglementation sur le brûlage ne s'applique que dans une limite de 100 m des massifs. Il est difficile, dans une zone urbaine, de demander à la personne se trouvant dans cette zone de ne pas incinérer des végétaux alors qu'à quelques mètres de là, un particulier non soumis à la réglementation peut en brûler.

On note qu'il n'existe pas de limite précise définissant le massif, et la zone soumise à réglementation peut être interprétée différemment.

La réglementation notamment sur l'accès aux massifs n'est pas la même d'un département à l'autre, ce qui pose des problèmes notamment dans le cadre des communes limitrophes, par exemple Var/Bouches-du-Rhône.

Sans parler des problèmes de surfréquentation des sites l'été, due à une présence massive d'estivants, français ou étrangers, qui ignorent les risques liés aux incendies et la réglementation.

Débroussaillement : il est variable. Le constat que nous avons fait, c'est que nous constatons des résistances là encore du fait que l'on va obliger certains habitants de massifs forestiers de débroussailler 50 m autour des habitations et autour des voies d'accès alors que nombre de chemins à caractère communal ou rural sur lesquels débouchent ces chemins ne sont pas entretenus.

Peu de personnes savent dans quel but il leur est demandé de débroussailler !

Difficulté de mener à bien des actions de prévention, qui vient du fait que beaucoup de personnes pensent que l'accident n'arrive qu'aux autres alors que, dans les forêts de nos régions, le risque est permanent. Il est probable que l'habitant d'une zone boisée se trouve confronté un jour ou l'autre aux problèmes des feux de forêt.

On a parlé de la maîtrise de l'urbanisation qui nécessite une surveillance des risques de départs de feu posant le problème de la concentration des moyens lorsqu'il y a un incendie, au détriment de la forêt.

Nous vivons une époque où l'individualisme prime trop souvent sur l'intérêt général et je suis persuadé qu'en matière de feux de forêt, une prise de conscience collective permettrait de réduire les surfaces brûlées.

Il nous faut faire avec, bien entendu, et pour l'instant essayer ensemble de trouver des solutions.

M. le Président - Je m'adresse au colonel MARTIN ; est-ce que depuis le dernier rapport sur les incendies de forêts, par exemple, on a beaucoup évolué dans la formation des cadres, des sapeurs pompiers, si oui, grâce à quoi ?

Est-ce que vous pouvez nous dire tout cela ?

Colonel MARTIN - Une première démarche, initiée par le directeur de la sécurité civile, a été la création d'un groupe qui s'appelle la « mission Vulcain » qui a été à l'origine, au travers de travaux de groupes confiés à un de nos collègues, le colonel BATTESTI, d'un guide de stratégie générale paru en février 1994 diffusé à toutes les directions départementales des services incendie. Ce guide de stratégie générale développe deux grands principes : l'approche globale des phénomènes et l'anticipation.

Quatre objectifs principaux sont balayés :

- Empêcher les éclosions. Le plus beau des feux, à un moment, a été tellement petit qu'on aurait pu l'éteindre ; mais, même avant qu'il ne commence, empêcher l'éclosion. Si on veut se rappeler, le feu de Septèmes, s'il n'y avait pas eu une décharge là où elle était, il n'y aurait pas eu de feu.

- Maîtriser les feux au stade initial. Tous les grands feux ont été petits avant d'être grands. Si on arrive à les maîtriser au stade initial, on est bon. Différentes politiques ont découlé de là, notamment la mise en _uvre d'une stratégie de surveillance du terrain, aussi bien par voie terrestre qu'aérienne.

- Limiter les développements catastrophiques. Là, également, le travail est important.

- La réhabilitation des espaces incendiés. C'est de la formalisation par le guide de stratégie générale, de choses qui existaient déjà, qui ont été la récolte de sentiments ou d'idées diffuses sur le terrain mais qui sont écrits dans un document officiel de la Sécurité civile.

Parallèlement, réglementairement, la formation des sapeurs pompiers est en voie de réactualisation.

Dans le cadre de la démarche de la mission « Vulcain » qui a été à l'origine du guide de stratégie générale, une démarche de réflexion sur les réactualisation de la formation feux de forêts a été enclenchée. Elle commence à porter ses fruits aujourd'hui. Une formation exige un gros travail de préparation de documents, mais aussi de démarche pédagogique. La problématique de la formation, c'est qu'avant qu'elle ne porte ses fruits, il faudra un certain temps, que j'évalue entre 10 et 20 ans, le temps que toutes les méthodes soient diffusées. Dans les nouvelles formations sont très développés les problèmes de sécurité des personnels et, comme le disait le commandant ATHIMON, le premier souci d'un chef doit être de faire en sorte que ses troupes ne connaissent pas de pertes.

Oui, le retour d'expérience sert, puisque cette mission « Vulcain », à l'origine, a collecté l'ensemble des renseignements auprès des acteurs du terrain. Cela a enclenché une démarche de formation qui, espère-t-on, enclenchera une nouvelle démarche sur le terrain qui enclenchera une démarche de formation, et la boucle ne doit pas s'arrêter. En permanence, les résultats de l'observation que l'on doit mener sur le terrain doivent être injectés au niveau de la formation pour que ce système évolue.

Colonel JORDA - Nous vous remercions de nous avoir invités, monsieur le député.

Je partage entièrement ce qu'a dit mon collègue.

Je voudrais compléter en soulignant l'expérience permanente du processus d'intégration de l'expérience, de théorisation de l'expérience et de recherche. C'est une dialectique permanente que nous devons avoir en matière de feux de forêts.

Nous avons connu, à des grades successifs, mes collègues et moi-même, des feux de forêts. Ce sont les feux de 1979 surtout qui ont été les premiers déclencheurs de moyens supplémentaires, que nous n'avions pas, aussi bien en termes de lutte que de transmission. 50 % du travail sur un feu de forêt, c'est la sectorisation, la hiérarchisation des secteurs avec mise en place d'un réseau de transmission adapté.

Je voudrais insister parce que c'est la chose la plus difficile à faire, mais c'est notre souci. Nous avons également réfléchi, notamment en relation avec l'école de Valabre qui a été pionnière, enseignement repris par l'école nationale supérieure, à la réorganisation des PC de fonctionnement de commandement. Nous essayons sur le terrain de mettre en place différentes fonctions logistiques : anticipation, transmission, communication.

Ce sont des choses très importantes pour le bon déroulement d'un feu, même s'il peut se développer pendant de nombreuses heures, il importe que cela se fasse avec le souci de la sécurité.

Je voudrais souligner le rôle important de la recherche scientifique, aussi bien appliquée que fondamentale, qui doit avoir des connaissances sur la sécurité des personnels et la connaissance du développement des incendies.

Nous avons tous le souci de mieux comprendre ce phénomène qui nous vaut souvent le décès de pompiers engagés, même si nous sommes parfois dans de bonnes conditions, liés aux essences méditerranéennes, donc d'explosions et de propagation du mélange air/essence. Ce problème de la connaissance de la dynamique des feux mériterait d'être poursuivie dans la recherche. Il faudrait s'intéresser à d'éventuels modèles scientifiques de prévision de ces problèmes d'autoinflammation et d'explosions meurtrières.

En matière de sécurité des personnels, de grands progrès ont été faits, aussi bien dans la conception et la norme des engins, aussi bien en matière vestimentaire et dans les dispositifs d'autoprotection des engins. Il serait souhaitable d'avoir des moyens supplémentaires. Je ferai le lien avec le problème de sécurité et d'engagement de sécurité des personnes et les problèmes judiciaires.

C'est un problème pour nous, qui est celui de la responsabilité judiciaire. Tout le monde doit rendre compte de ses actes, nous sommes les premiers à le dire, et assumer ses responsabilités. Il n'en demeure pas moins vrai que le paradoxe est que l'on dépense une énergie considérable sous l'autorité de la justice que je salue et que je respecte, on passe une énergie considérable à la suite d'accidents mortels sur des incendies, qui touchent des pompiers, à auditionner, pas toujours de manière correcte, les pompiers.

Il faudra que nous nous inquiétions du suivi pénal de nos sapeurs pompiers ou des cadres mis en cause.

Il y a, paradoxalement, aujourd'hui un risque, et peut-être aussi de la part des cadres et des chefs de secteur et des commandants d'opérations (c'est une opinion personnelle), à avoir une attitude plus sécuritaire sur l'engagement des personnels. C'est une bonne chose, mais je m'interroge sur la crainte qu'il peut y avoir chez les cadres, aujourd'hui, du fait d'une mise en cause systématique, pas toujours instruite à charge et à décharge.

Il y a là une attitude de la part des officiels responsables dont je voulais faire part à la Commission qui, pour moi, est une inquiétude.

Je voudrais également, monsieur le Député, faire remarquer que sur la recherche des causes d'incendies, de nombreuses études ont été menées.

C'est un souci bien français. Il y a des criminels, des incendiaires, des malades, il faut les pourchasser. Je regrette qu'on n'en arrête pas assez et je ferai le parallèle entre l'énergie qu'on passe dans les instructions vis-à-vis des sapeurs pompiers, et l'énergie moins grande qu'on passe à mener les enquêtes pour chercher les causes des incendies !

N'oublions pas que le principal responsable de l'incendie c'est l'imprudence, le criminel qui met le feu.

Il n'en est pas moins vrai que nous avons des causes accidentelles. Il y a là des marges de « productivité » à obtenir.

Il faudra bien qu'avec nos amis de la SNCF et de l'EDF, nous nous interrogions sur ces causes d'incendie et sur les moyens de les réduire.

De même, les écobuages ne sont pas, de manière générale ici, un objectif prioritaire, mais ils peuvent l'être dans le Gard, les Alpes-Maritimes, Ardèche ou Drome.

Les écobuages sont une bonne chose dans la mesure où il y a plusieurs réalités sous ce terme, de simple commodité pour débroussailler autour de sa maison et aussi une réalité de défense, et lorsque nous survolons les massifs forestiers, au sens statistique de PROMETHEE les continuités de massifs forestiers dans nos départements, on voit bien qu'on a ici des feux catastrophe en puissance. Les masses combustibles, les masses de chaleur qui peuvent se développer nous inquiètent dans ces continuités végétales.

Il faut poursuivre tous les efforts de politique d'aménagement du territoire. Il y a certainement une palette de moyens. Le rôle des paysans dans l'entretien de l'environnement et dans la prévention des risques de feux de forêts est important et doit se poursuivre.

Je souhaitais avoir une réflexion personnelle sur les assurances, sur la notion juridique des incendies volontaires, et sur la gratuité des secours.

Je me permets de suggérer une idée : aujourd'hui, la gratuité des secours est le principe général. Il n'y a que quelques exceptions que nous connaissions, c'est la loi montagne sur le problème de secours sur les pistes.

Nous savons tous que les jours de grand vent, les jours de sécheresse, il y a encore trop d'imprudences et de négligences, y compris dans les périodes d'été qui amènent des développements de feux.

Il n'est pas question de mettre les gens en prison, mais il serait peut-être souhaitable qu'on voit le lien avec les assurances. Il faut une obligation d'assurance afin que l'on puisse engager la responsabilité financière des gens trop négligents dans certaines circonstances, et peut-être examiner la non-gratuité des secours.

Vaste débat... mais je me permets de faire cette remarque, monsieur le Député.

Colonel NARDIN - Pour bien repréciser, cela a été souligné, que la prévention et la lutte contre le feu de forêt, s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie générale, et l'objectif d'un partenariat multi-services et multi-administrations. . C'est un travail permanent de partenariat entre le ministère de l'Agriculture et tous ses services.

C'est avec eux que tout le dispositif préventif, permanent, au niveau des aménagements des massifs forestiers, du terrain, est mis en _uvre en parfaite coopération avec les services de secours, et si le dispositif de lutte appartient aux sapeurs pompiers, certes, c'est l'ensemble des services qui travaille en partenariat.

A côté des services d'Etat, il y a aussi toutes les collectivités territoriales et locales qui participent de façon permanente, et dans certains cas en première ligne, à l'ensemble du dispositif de prévention et de lutte.

Au niveau financier, la totalité du dispositif de prévention et de lutte se répartit entre les collectivités locales 50 % et l'Etat 50 %.

C'est donc un partenariat permanent.

A côté des partenariats institutionnels, il y a le partenariat associatif. Bien évidemment, les comités communaux de feux de forêts ont leur place, de même les associations qui peuvent participer à l'amélioration de dispositif de dissuasion préventive sur le terrain. Ce partenariat associatif doit rentrer dans le cadre d'auxiliaire certes précieux, mais ne rentre pas dans le cadre du service public que seuls les services publics sont amenés à assurer. Tout en reconnaissant à la fois leur qualité et l'aide qu'ils apportent, ceux-ci sont avant tout des auxiliaires au niveau du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police et de son obligation de surveillance, au même titre que tous les autres partenaires associatifs.

Concernant le problème de la formation, là aussi des grands pas ont été réalisés depuis plusieurs années, non pas dans le fait que toute la formation est à revoir, mais dans le cadre d'une meilleure connaissance des hommes et des hommes qui participent au dispositif.

C'est ainsi que depuis une dizaine d'années, sont dispensées de façon permanente des formations conjointes avec les sapeurs pompiers des agents de l'ONF, personnels garde-chasse, garde-pêche, service des DDA et de la forêt mais aussi, depuis quelques années, nos amis de la gendarmerie et des services de police et, dans certains cas, des magistrats qui viennent se rendre compte sur le terrain, au quotidien, comment nous travaillons, comment tout ceci se passe.

Dans le cadre de tout ce dispositif de formation, je voudrais dire aussi que la mise en place d'une formation sur des simulateurs est un atout important, et je me permets de souligner que c'est un dossier que nous avons déposé dans le cadre des prochaines lois de finances et nous comptons sur votre haute bienveillance pour que ce dossier puisse être adopté par Bercy notamment, et mis ensuite à la disposition des services de lutte sur le bassin Méditerranéen, mais sûrement largement au-delà puisqu'il y aura une participation financière de l'Europe en la matière.

Autre point important, la protection des personnels, à la fois au travers des matériels et de la protection individuelle : équipements, amélioration des véhicules, avec une protection en cas de feu qui arrive sur le véhicule. Comme le feu a une cinétique très rapide, que ces véhicules puissent constituer une forteresse à l'abri du feu et des gaz.

Eviter ce qui peut se reproduire malheureusement, que nous avons connu dans le Tanneron ou dans certains feux, où certains sauveteurs ont perdu la vie.

C'est aussi dans certains cas sur les massifs sensibles, des dispositifs d'extinction fixes ou de brumisation permettant de rafraîchir ou diminuer les risques.

Dans les moyens en équipements, c'est aussi les moyens aériens qui plus rapides, ont une technique de frappe plus intense par rapport aux années précédentes.

Tout ceci va dans le bon sens, avec la protection des personnels et des matériels.

A côté de cette protection des personnels et des matériels, ce sont les problèmes liés à la recherche.

Déjà, dans le cadre de la combustion qui s'effectue dans cadre des feux de forêt, voir comment le feu évolue par rapport à tel ou tel type de végétation, sachant que dans certains cas, notamment dans le massif de l'Estérel, on peut avoir des gaz qui peuvent survenir, liés à la combustion des végétaux (notamment les feux liés au mimosas).

C'est donc une recherche permanente qui est faite avec le CEREN mais aussi d'autres laboratoires.

Et puis des développements importants de la recherche des causes, avec mise en place d'une équipe pluridisciplinaire regroupant un pompier, un forestier, un gendarme, un policier, qui dans le cadre de certaines enquêtes est amenée à se déplacer sur le terrain pour essayer de faire en sorte que toute cette recherche des causes s'améliore. Cela rentre dans le cadre de développements faits sur l'impact auprès de la population. Faire en sorte que cette fois-ci, cet impact, en connaissant mieux les causes, puisse permettre de cibler les populations concernées pour intervenir et diminuer le nombre de départs de feux.

Voilà quelques mots que je voulais ajouter.

Mais je m'associe à tout ce qui a été dit auparavant.

M. le Président - Lorsque j'ai dit que les rapports entre sapeurs pompiers et comités de feux de forêts se sont bien normalisés, ai-je été optimiste ? Est-ce que quelqu'un veut intervenir là-dessus ?

Colonel NARDIN - Entre il y a une dizaine d'années, où on considérait les comités de feux de forêts comme des associations de « patronage », et la situation actuelle, l'écart est considérable. Il y a également des formations qui se font dans lesquelles les services d'incendie, les personnels forestiers participent. Il y a un encadrement réalisé, il y a une structuration au niveau des comités de feux de forêts qui n'existait pas.

Il y a une harmonisation des relations qui se met en place.

La seule chose que je souhaitais souligner, c'est qu'elle était nécessaire. Elle est en place.

Les comités de feux de forêts interviennent dans un cadre partenarial, mais en aucun cas les comités de feux de forêts n'ont de formation à éteindre les feux de forêts, mais ils participent au dispositif de dissuasion préventive.

M. le Président - Sur l'interpellation sur les recherches et les enquêtes, est-ce que le représentant de la gendarmerie souhaite dire un mot ?

M. HEGAY - Sur le problème des enquêtes, d'une part, après un feu, il est extrêmement difficile de pouvoir réunir les indices pour savoir comment le feu a pris naissance, s'il a été allumé de façon malveillante ou pas. Cela prend du temps. De plus, c'est la somme de cultures totalement différentes, car l'on s'est aperçu que le forestier a son point de vue, le pompier a le sien, les personnels de la commune en ont un autre, etc.

C'est la raison pour laquelle, comme l'a dit le colonel NARDIN, l'an dernier, on a mis en place une équipe pluridisciplinaire expérimentale sur la recherche des causes, composée d'un pompier, un forestier, un gendarme, un policier, et on avait un scientifique de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie et du laboratoire de la police scientifique de Marseille.

On était parti dans une expérimentation, sans trop savoir comment cela serait ressenti par les parquets, la gendarmerie, la police, les maires.

L'expérience a été très concluante et elle se concrétise cette année par la diffusion d'une part d'un livre, et d'un référentiel sur la recherche de causes de feux de forêts qui va être diffusé à tous les acteurs, et puis d'un petit guide (4 pages) qui sera présent dans tous les véhicules, concourant et participant à la protection de la forêt méditerranéenne. Il est prévu 50 000 exemplaires. C'est une sorte de synthèse de ces différentes cultures, de ces différentes approches, pour pouvoir mieux déterminer la recherche des causes.

Sur l'enquête proprement dite, il ne faut pas jeter la pierre aux policiers et aux gendarmes. Les policiers et les gendarmes font leur travail consciencieusement, avec les moyens dont ils disposent ; c'est la raison pour laquelle on essaie de les aider en leur donnant d'autres moyens.

Tout le problème est que si on arrive à dire « le feu est d'origine criminelle » après, encore faut-il savoir qui a allumé le feu !

Là, on n'est plus sur un problème de prévention ou de lutte, on est sur un problème judiciaire et en matière judiciaire, si on dit c'est monsieur un tel, il faut avoir les preuves matérielles de ce qu'on avance ; sinon, ça ne tient pas !!!

Cet impératif judiciaire fait que certaines enquêtes n'ont pas l'air d'aboutir, alors que je peux vous assurer qu'elles sont faites. Et bien faites. Mais il est toujours difficile de mettre un nom, même sur une imprudence, même sur une malveillance.

D'autre part, nous avions un deuxième souci l'an dernier, que nous essayions de combler au fur et à mesure, c'est la difficulté que nous avons, à sensibiliser correctement les parquets au niveau des suites judiciaires des feux ; et secundo, quelques difficultés réglementaires sur le suivi de PV que sont amenés à dresser les services de l'ONF ou forestiers, parce qu'on est à cheval entre deux types de contraventions : 4e et 5e catégorie, etc.

Nous avons commencé à réfléchir au niveau local et central puisque des groupes interministériels ont été créés pour améliorer ceci.

Au niveau des enquêtes, elles sont bien faites ; on va encore cette année, en 1998, donner de nouveaux éléments pour faciliter le travail de l'enquêteur.

N'oublions pas que, dès l'instant où on touche au domaine judiciaire, on n'agit plus que par preuve, on ne peut pas se contenter d'une unique présomption. C'est la raison pour laquelle pas mal d'enquêtes n'aboutissent pas. On arrive à connaître la cause, quant à connaître l'auteur... c'est véritablement un monde tout à fait différent.

M. DAROUZES - J'aurais failli à ma réputation, et J.P. SAEZ n'aurait pas été content de moi. Je ne vais pas poser cette question qui a été évoquée par le Préfet HEGAY et également par le colonel NARDIN, qui me tient à c_ur ; ça n'est qu'une question mais elle va apporter des réponses : sur un feu de forêt, surtout en périurbain, les pompiers ont pour vocation, et parce que c'est leur rôle, de défendre les biens et les personnes.

Et pendant qu'ils défendent les biens et les personnes, la forêt brûle !

La question est simple, je la pose : combien de temps met-on pour reconstruire une maison ? Si tout va bien entre 6 et 10 mois.

Combien de temps met-on à reconstruire une forêt qui a brûlé ? 50 ans !

Voilà la question que je pose, qui peut-être doit interpeller tout le monde, à commencer, monsieur le Député, par les élus. Et j'en suis un ! 

M. le Président - Merci.

M. CHASTEL - L'importance d'un service technique dans la prévention et dans la gestion des espaces naturels.

La ville de Marseille, c'est 24 000 ha ; 9 000 ha d'espaces naturels ; 3 000 ha qui appartiennent en propriété directe à la ville.

L'expérience a été acquise à travers de nombreux incendies durant les 30 dernières années. La moitié de la surface a été balayée par des incendies.

Comment avons-nous réagi ?

Premièrement, prendre en compte les besoins publics. Ces espaces naturels sont de plus en plus fréquentés. Ce sont des lieux de rassemblement, des lieux de manifestations. De plus en plus, on nous demande d'organiser des courses à pied, des épreuves de véhicules motorisés. Chaque fois nous essayons de résister.

Il faut convaincre les élus que la protection des massifs passe aussi par des réponses qui ne sont pas toujours positives, aux demandes.

Devant cette pression du public qui a besoin d'espaces naturels, la nécessité de gestion a amené la création d'un service spécifique des espaces naturels parce que la protection de l'espace naturel, c'est une affaire de spécialistes, en travaillant en partenariat avec la DDAF ; la création d'équipes de débroussailleurs à partir de CES, et la mise en place de crédits : 2 à 3 MF par an.

C'était la réponse à la suite d'incendies.

Autre constat de changement d'état d'esprit, on s'aperçoit qu'il faut également mettre l'accent sur la surveillance estivale. Même si elle n'existait pas ou peu depuis les dernières années, elle a été mise en place. En partenariat avec les scouts de France, par exemple, sont mises en place des vigies.

Nécessité donc de surveiller, l'été, les massifs.

Nécessité de poursuivre les actions de sensibilisation auprès des scolaires, même si les derniers incendies pouvaient laisser penser que les effets sont longs à venir. Il y a une très forte demande de la part des enseignants, des scolaires, pour les informer, les renseigner, les sensibiliser à ces problèmes de protection de la forêt. Cela se fait à travers des séances d'information, des visites pédagogiques.

Sensibilisation qui devrait porter ses fruits à long terme, et peut-être que la génération qui monte sera plus civique à l'égard de cette forêt, si difficile à protéger.

Une autre façon de réagir après un feu : d'abord, observer la nature. Elle réagit souvent très bien. Il faut observer et adapter les réponses techniques aux réponses de la forêt.

Penser autrement aussi la protection puisque, sans mettre en cause qui que ce soit, les massifs que nous gérons sont équipés. Pendant des décennies, on a tracé, dessiné, créé des dizaines de km de pistes. L'Etoile : 80 ha débroussaillés ; 32 km de pistes créées ; 30 barrières de protection ; 7 bouches à incendie. Le feu est quand même passé. Devant l'ampleur du sinistre, les équipements traditionnels ne suffisent pas, il faut donc réfléchir autrement.

On parlera de coupures agricoles, de coupures capables d'arrêter un feu sans intervention humaine. C'est possible. On peut aussi s'orienter vers des rideaux d'eau, il en existe sur la commune, malheureusement, en 1996, le feu l'a franchi. D'autres solutions sont possibles, on poursuit les recherches dans ce domaine-là.

Voilà donc le retour d'expérience dont je peux parler au niveau d'un service technique d'une grande collectivité territoriale comme Marseille.

M. le Président - Y a-t-il une intervention dans la salle ?

M. ETIENNE (INRA) - Je voudrais mentionner qu'il y a quand même d'importants aménagements de prévention des incendies de forêts mis en place depuis une dizaine d'années, essentiellement après les incendies de 1990, qui se sont appuyés sur les dispositifs existants, mais on a essayé de faire cela à des échelles plus grandes. Il y a un groupe de partenaires qui regroupent aussi bien des gens de la recherche de l'INRA, l'association des communes forestières, le DDAF, les sapeurs pompiers, qui essaient de réfléchir à l'efficacité de ces systèmes de prévention.

On essaie de faire de façon globale l'évaluation de ces aménagements, et on essaie d'accumuler les expériences qui pourront servir ensuite pour améliorer ces aménagements de prévention. Pour évaluer ces aménagements, on essaie de mettre en place un suivi de la dynamique comme cela a été mentionné ce matin ; les peuplements forestiers, ça vit, la broussaille, ça pousse et une intervention ponctuelle n'est jamais efficace en soi.

On essaie d'évaluer les différentes techniques utilisées pour contrôler la broussaille, facteur important, mais on va plus loin, on essaie de juger l'efficacité de ces aménagements de prévention, en essayant de mesurer comment ils se comportent face au feu. Quand il y a des incendies qui touchent ces aménagements, on voit comment les pompiers utilisent les aménagements et comment ils ont résisté ou pas au feu.

On essaie de voir qu'est-ce qui a été mis en _uvre dans la conception, et comment les différents partenaires ont été impliqués. Et enfin, on essaie de voir ce que ça coûte. Parce que la prévention, ça coûte cher, très cher.

Il est possible que si on arrive à regrouper différents partenaires, on arrive à mettre en place des aménagements de prévention qui, sur le moyen terme, coûteraient moins cher. Donc, on essaie de voir combien coûte l'ensemble des aménagements et, surtout, qui participe au financement de chacune des étapes qui permettent de les réaliser.

Bien sûr, il y a de la recherche sur les aspect gaz, etc. mais il y a aussi une recherche sur tous les aspects de conceptualisation et de mise en _uvre d'aménagement qui devraient permettre de rendre la forêt moins sensible aux incendies ou d'éviter qu'ils se propagent sur de grandes surfaces.

M. LAFFONT (GROUPAMA) - Je représente également le massif aquitain où je suis responsable de toute la prévention des incendies de forêts dans ce massif. Tout est lié chez nous entre assurances et prévention.

Je voudrais, à ce moment, intervenir pour vous dire que nous avons des points communs et quelques différences.

La plus importante, c'est que notre massif est un massif cultivé mais d'un seul tenant : 1,4 million hectares d'essences de pins maritimes, risque important, et nous ne sommes pas à l'abri de catastrophes. En 1989, 3 000 ha ; en 1990 : 5 000 ha ; l'an dernier, 800 ha en Gironde et 300 dans les Landes.

Je reviendrai sur les recherches.

Nous nous attachons à faire de la prévention, et je suis en permanence en collaboration avec le CIRCOS à Bordeaux. Notre technique, c'est celle de la prévention et nous avons un retour d'expérience de 50 ans. Elle vaut ce qu'elle vaut mais, si on peut vous aider, on essaiera de vous donner quelques renseignements.

En ce qui nous concerne, nous voulons absolument « taper » là où l'implosion se fait ; dès l'instant où le feu est parti, c'est trop tard, et je rejoins les propos tenus. Ce qui nous intéresse, c'est la prévention. On peut se permettre de faire payer aux propriétaires forestiers 15 F par ha et par an pour uniquement de la prévention, et je rejoins des propos qui ont été tenus, de dire que les gens qui souhaitent s'occuper de forêts et intégrer le site forestier en zone urbaine, il faut qu'ils en paient le prix aussi.

Vous avez cité des exemples, il faut également qu'ils assument le risque qu'ils ont de venir dans des zones forestières, mais aussi d'en payer les bons et les mauvais moments et donc le prix fort.

Je reviens sur les deux derniers feux de l'an dernier un de 800 ha dont nous avons pu prouver que la voiture qui circulait sur la piste forestière, strictement interdite, avait la clé de contact et donc la preuve a été faite qu'elle avait mis le feu, et 800 ha sont partis en fumée. Cela a coûté 12 MF à la compagnie d'assurance, réglés dans les 8 mois. Nous avons fait la première procédure dans le sud-ouest. Une seconde avec la SNCF. Tous les ans, nous brûlons et nous avons eu 22 m de front de feu, un incendie qui n'a pu être maîtrisé par les pompiers, et 400 ha détruits. Là, c'est plus compliqué. Les wagons étaient espagnols, loués à une société allemande, qui roulaient sur un réseau ferroviaire qui n'est plus à la SNCF ! Donc, procédure longue mais nous avons tenté la procédure et nous le faisons, car dans le sud-ouest nous en avons assez que 3 feux sur 4 partent des sites urbains : Bordeaux, Mont-de-Marsan. Il faut le dire. Je suis venu vous apporter cette information et vous aider dans vos remarques.

M. SAEZ - La communication, c'est aussi la terminologie. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît qu'un pare-feu, ça n'a jamais ou pratiquement jamais arrêté un feu.

Il y a aussi une appellation qui me gêne. Je regarde en toute amitié ce que font les comités communaux de feux de forêts, l'appellation me gêne un peu à double titre. D'abord, parce que ça s'appelle comités communaux de feux de forêts, ça veut dire que c'est déjà un constat d'échec ; ça veut dire qu'on va lutter contre des feux de forêts. Je préférerais la notion de « prévention », c'est leur mission. Et nous disons aussi, dans le film que vous avez vu, qu'il faut avoir une vision globale et cohérente.

Il serait dommage que les bonnes volontés qui s'expriment ne puissent pas dépasser le strict cadre communal ; les patrouilles des comités de feux de forêts l'été ne devraient pas s'arrêter aux limites communales, et bien intégrer les limites de massifs ; donc, au lieu de comités de feux de forêts, plutôt « comités de massifs, comités de protection de forêts ». Je verrais bien cette terminologie.

M. MARCILLAT (CNRS) - Je suis surpris de ne pas avoir entendu pratiquement le mot « vent ». Je ne l'ai jamais entendu !

Or, il apparaît, je ne vais pas vous l'apprendre, que les gros risques de feux de forêts sont essentiellement initiés et propagés par le vent. Par le mistral pour notre région, et je voudrais signaler au colonel qui parlait de recherche scientifique, qu'à Marseille, nous avons également des laboratoires qui savent définir le vent, refaire de la configuration et des écoulements de vent autour des sites, tridimensionnels, par simulation numérique. Nous existons !... Je n'ai pas toujours l'impression, que ce soit au niveau de monsieur le préfet ou des autorités, qu'on sache exactement qu'il y à Marseille des gens qui sont capables de reproduire le vent, et cela peut essentiellement servir à la prévention. Vous parliez de positionnement de murs de brumisation, quand vous ne connaissez pas le cheminement du vent, ce n'est pas la peine de les mettre, ou alors vous avez beaucoup de chance !

M. HEGAY - Deux remarques, sur les deux dernières interventions.

La première, sur l'intervention de GROUPAMA ; il y a quelque chose de fondamental qu'il faut, cet après-midi à tout prix prendre en compte. On parle de prévention, de lutte, de l'intervention sur la forêt landaise, mais il y a un paramètre qui a été jusqu'à présent soit très mal, ne soit pas du tout pris en compte, c'est la valorisation économique de la forêt méditerranéenne.

Si cette forêt apportait des revenus aux propriétaires, on ne serait peut-être pas là aujourd'hui à discuter des feux de forêts !

Je ne prendrai qu'un seul indicateur : c'est dans le sud-est qu'on a le plus de propriétaires non connus au niveau forestier ; c'est quand même révélateur; c'est-à-dire que les propriétaires ont des propriétés forestières et s'en désintéressent totalement.

Si par des actions et des initiatives, et je pense que J.P. SAEZ pourra nous en parler, à partir du jour où même des résidus de débroussaillement commenceront à être valorisés, rapporteront de l'argent, nous aurons réglé 90 % du problème. J'en suis persuadé.

Pour répondre à monsieur MARCILLAT, nous intégrons le vent. Ne croyez pas que nous sommes au temps des « grenouilles » !... Je pense que nous avons des représentants de Météo-France qui en parleront.

Le maître mot en matière de prévention et de lutte, c'est l'anticipation. Ce n'est pas quelque chose de vain. Ce qui veut dire que 2 fois par jour, au CIRCOS, nous tenons des réunions d'état-major pour déterminer les risques. Pour le soir, c'est le risque du lendemain, pour le matin, c'est le risque du soir qui est défini.

Définir les risques, cela permet avant tout de pré-positionner soit des moyens aériens, soit des moyens terrestres, soit même définir des circuits de « guet armé » aérien pour attaquer les feux naissants.

Cela permet peut-être, si on arrive à éteindre un feu naissant, d'éviter des surcoûts au niveau de la lutte. C'est quand même déjà un objectif important, et le but de ces réunions a des incidences financières et cela va dans le sens des économies budgétaires.

Pour élaborer ces risques, on tient compte de multiples paramètres météo dont, bien entendu, le vent. Il n'y a pas que la pluie ! On tient compte également de la vitesse de propagation du feu, de la sécheresse, du réseau hydrique des végétaux qui a émergé largement depuis 2 ans. Nous tenons compte de ce stock de paramètres, et je vous dirai qu'on ne tient pas nos réunions d'état-major sans avoir la météo spécialisée à tel point qu'au CIRCOS de Valabre, en saison d'été, nous avons en permanence un ingénieur météo. Donc, le risque du vent est intégré.

Ce que vous avez dit est très intéressant, parce que le colonel NARDIN a parlé d'un projet que nous avons qui serait un simulateur de forêt qui serait une première mondiale. Nous sommes à la recherche de tout ce qui peut affiner la simulation. Si nous pouvons arriver à des simulations « vent » qui nous facilitent la chose, on prendra contact avec vous, monsieur, au CNRS.

M. CHASTEL (IPGR) - Si la forêt provençale était rentable, c'est vrai que ce serait plus facile à régler. Dans le cadre des espaces périurbains qui sont très fréquentés, qui sont des espaces communaux considérés comme des espaces complémentaires aux espaces verts traditionnels, la fréquentation du public empêche de la conduire comme il faudrait la conduire. C'est vrai que les ruraux savent ce qu'est de faire de l'agriculture qui constitue des coupe-feux qui sont des motifs de frein à la propagation des feux.

Il faut réapprendre aux urbains qu'il faut couper des arbres sans crier au scandale chaque fois que l'on en coupe un.

Mme BIDET (Météo-France) - Je vais vous parler d'une expérience faite en Malaisie, mission réalisée par Météo-France au moment des grands feux d'Indonésie à un moment où la Malaisie subissait un énorme nuage de fumée. Météo-France a réalisé une première mission de ce type à l'étranger dans le cadre de l'organisation d'une cellule opérationnelle de prévision, destinée à essayer de donner des éléments d'information.

Ce n'est pas la première fois que Météo-France participe à une cellule de crise, elle le fait sur le territoire français pour répondre à des cas de phénomènes dangereux tels qu'inondations, pluies à caractère torrentiel, ou feux de forêts.

Dans le cadre de cette mission en Malaisie, le conseil est différent puisqu'il n'y avait pas de moyens techniques préexistants, et qu'on se trouvait sur un territoire qui est assez peu connu des prévisionnels français.

Il a fallu mettre en place cette mission en 24 h, trouver du personnel, un expert prévisionniste. Il y a eu un gros travail fait par nos services pour mettre à disposition de cet expert prévisionniste, des informations qui ont transité via Internet en particulier. Le CNRS a mis en place un modèle de prévision centré sur cette partie du monde, modèle de prévision qui permettait d'avoir des informations numériques.

Cette cellule a été tenue pendant une quinzaine de jours. Elle a donné quotidiennement, de façon opérationnelle, des prévisions. Le but était d'essayer de donner des éléments concernant l'évolution du nuage de fumée. Je crois que l'opération a été réussie.

Cela prouve que, techniquement, on est capable de mettre en place des moyens rapidement dans un endroit où on n'a pas de structure préexistante et qu'on peut exploiter des éléments de façon objective.

Cette expérience est positive, ce qui veut dire qu'on pourra renouveler peut-être des expériences du même type dans d'autres pays. Il y a un « mais » qui va être lié aux attentes. Dans le cadre de la Malaisie, on avait affaire à des besoins de météorologie générale, c'est-à-dire une quantification de l'état de l'atmosphère de façon grossière. Dans ce contexte, il semble qu'on puisse agir dans d'autres pays.

Il faut bien savoir que ce genre d'expérience ne pourra pas être renouvelé pour des besoins plus fins. Par exemple, ce qui est fait en France au niveau des feux de forêts, prévisions très fines, a priori ne pourra pas être reconduit dans des pays étrangers où la prévision ne peut être suffisamment précise pour obtenir des résultats corrects.

Donc oui, dans certains cas, selon la nature des besoins, s'ils restent généraux au niveau de l'étude de l'atmosphère, non, si les besoins sont trop précis.

Il y a des prévisions très fines à réaliser qui sont la limite du savoir-faire actuel en matière scientifique.

Météo-France réalise des prévisions du danger météo d'incendie deux fois par jour à une échéance qui ne dépasse pas le lendemain. On ne va pas plus loin ; on considère qu'à partir de 48 h et au-delà, les prévisions ne sont pas suffisamment précises pour pouvoir donner des résultats intéressants.

La deuxième limite du savoir-faire, c'est que les prévisions de danger météo sont exprimées sur des petites zones de feux de forêts qui sont des zones climatiques ; il y en a entre 7 et 9 par département, ce qui nous donne des zones qui ont une dimension de 20 à 30 km.

Actuellement, c'est vraiment la limite de ce qui peut être fait.

A partir de ces prévisions météo et d'une analyse de la sécheresse estimée à partir du réseau d'observation, on estime un danger météo incendie, c'est-à-dire la part du risque météo liée aux seules conditions météo.

On ne tiendra pas compte de la végétation sur le terrain. Si vous avez un couvert de mimosas ou de chênes verts, vous n'aurez pas la même restitution sur le risque final d'incendie. Pour faire des prévisions de danger météo, les paramètres intégrés sont : la pluie, le vent, la température, l'humidité de l'air, l'ensoleillement.

C'est une estimation relativement précise qui prend en compte tous les paramètres météo qui influent sur le risque d'incendie. Ces prévisions de danger météo servent à la prévention et à la mise en place des dispositifs préventifs.

Il y a un deuxième aspect qui est l'action de Météo-France dans la lutte contre le feu de forêt, en particulier dans l'été, qui peut être donné aux services incendie pour estimer la propagation du feu et donc mieux intervenir dans la lutte.

Jusqu'à présent, le savoir-faire était moins bon; on était limité par la taille des modèles de prévision ; on travaillait à une échelle de 10 km, largement insuffisante pour faire une analyse fine de ce qui se passe sur un massif.

Actuellement, il y a un modèle de prévision numérique qui est en cours de développement, qui est un modèle produit en coopération conjointe avec le CNRS et Météo-France, qui permet une analyse plus précise des conditions météo et en particulier qui va permettre de faire à terme, quand il deviendra opérationnel, des prévisions météo à une échelle de 200 à 300 m.

M. MICHAUT - Je voudrais vous faire part de l'intérêt que revêtent de tels retours d'expérience pour la défense et la sécurité civile qui s'efforce, avec ses partenaires locaux et interministériels, de développer une telle démarche depuis des années, avec certaines difficultés, parce que les remises en cause sont souvent délicates parce qu'il y a souvent la crainte de culpabilité, mais il y a un intérêt pour cette démarche de retour d'expérience indispensable pour enrichir le dispositif général.

Le colonel NARDIN parlait d'un guide de stratégie élaboré et diffusé par la Direction de la Défense et de la Sécurité Civile. La conclusion de ce guide, c'est de dire que pour faire vivre l'ensemble du système, il faut procéder à des retours d'expérience systématiques de manière à ce qu'aucune cause semblable ne puisse avoir d'effet catastrophique.

Le feu de Septèmes les Vallons est intéressant, on se rend compte qu'il y a un certain nombre de difficultés qui ont pu se produire très rapidement.

Le ministère de l'Intérieur avait souhaité qu'on puisse rechercher certains éléments sur cet incendie, de manière à fiabiliser le dispositif et donc, une mission de retour d'expérience avait été envoyée par le Directeur de la Sécurité Civile. Cela a permis d'identifier certains problèmes pratiques, par exemple les conditions de mobilisation des moyens aériens, qui ensuite vont être redéclinés de manière à ce que le « guet armé », dans certaines périodes de risque, puisse être déclenché plus tôt.

Autre élément de l'opération « Prométhée » notamment l'importance des délais d'intervention. Il faut intervenir très vite, tout le monde le sait, et donc dans les années 1980, on a développé différentes actions permettant de gagner du temps aux services, au niveau du terrain réaliser des pistes d'accès pour les pompiers, ne plus attendre dans les casernes mais sur le terrain, faire de la surveillance, participer à la surveillance.

Pour les avions bombardiers d'eau, faire du « guet armé ». On a donc développé une stratégie qui permet d'intervenir en période de risque, dans les 10 minutes qui suivent un départ d'incendie.

Ce point n'est rendu possible que grâce à des opérations de lutte. Les crédits affectés par le ministère de l'Agriculture et le Conservatoire de la forêt méditerranéenne ont permis d'aider les collectivités à aménager les massifs forestiers.

La politique s'est développée depuis 1987, soit une dizaine d'années, ce qui nous permet d'avoir une estimation des progrès réalisés.

Le retour d'expérience peut être aussi valorisant et on s'aperçoit qu'il y a plutôt une légère tendance à une diminution des incendies de forêts en France, une spectaculaire diminution des surfaces touchées, même si elles sont parfois liées à des conditions météo (diminution par 2 des surfaces touchées par le feu sur 10 ans).

Egalement possibilité de confronter ces données avec ce qui se passe à l'étranger.

Quand on regarde ce qui se passe, la France est un peu au centre du dispositif méridional : Portugal, Espagne, Italie, Grèce, parmi les pays communautaires concernés au premier chef par les incendies de forêts. On se rend compte que les progrès réalisés en France sont sans doute les plus notables sans doute grâce à l'application de cette stratégie d'attaque rapide relativement spécifique à la France.

Tous les pays cherchent à gagner du temps au niveau de l'intervention, mais il n'y a qu'en France qu'on a développé des systèmes qui permettent de mobiliser des moyens de lutte avant le départ du feu.

Nous sommes aidés par le fait que les feux de forêts en France, se centralisent sur la zone méditerranéenne à 80 % en été, donc l'essentiel du dispositif national peut être localisé sur cette zone en priorité, alors que dans d'autres pays comme l'Espagne, ce n'est pas 4 à 5 millions d'hectare à protéger, c'est 20 ou 30 !

Donc, quand on regarde la capacité d'intervention au niveau des moyens lourds, on est à peu près, à volume similaire avec une vingtaine d'avions bombardiers lourds en Espagne et 25 à 27 en France, avec possibilité de pouvoir avoir une attaque plus massive en France et de pouvoir assurer des circuits de « guet armé » plus cohérents.

J'ai eu l'occasion d'aller en Espagne voir ce qui se passe, parce qu'il y a des solutions originales qui sont développées là-bas, mais le fait d'avoir un massif forestier plus restreint, en termes de risques, nous aide quand même à appliquer la doctrine d'attaque rapide qui suppose une mobilisation préventive du dispositif grâce aux données météo que Météo-France nous donne, grâce aussi à des opérations d'analyses sur les végétaux, conduites avec l'ONF.

Il y a un élément que j'ai trouvé étonnant dont on a peu parlé, c'est le développement des friches agricoles. Je pense que c'est un des facteurs les plus pénalisants que l'on trouve aussi bien en France qu'à l'étranger, qui provoque un accroissement de risques considérable, et c'est d'autant plus préjudiciable en Méditerranée que cela empêche d'adopter des solutions.

Il y a des zones de parcs naturels, c'est bien, mais si les zones agricoles sont abandonnées, on regagnera à nouveau des risques et tout ce qui a pu être reconstruit là est soumis à risques importants.

S'agissant de l'action européenne, il y a deux directions qui sont concernées par la protection de la forêt contre l'incendie :

- une première direction, c'est la DG XI, qui s'appelle « Prévention/Protection civile et risques nucléaires ». C'est une direction plutôt orientée sur la lutte dont l'action n'est pas déterminante. Cela permet de mettre des gens en relations, de faire des échanges d'informations, mais elle ne dispose pas de crédits suffisants pour avoir une action quantitative.

- une autre direction, qui est sans doute plus porteuse parce qu'elle dispose de crédits, c'est la DG VI qui s'occupe de la prévention des incendies de forêts, qui a fait appliquer un règlement depuis plusieurs années. En application de celui-ci, un certain nombre d'actions peuvent être soutenues.

Tout le monde en zone sud a bénéficié de crédits de la DG VI pour la protection de la forêt contre l'incendie. A partir du moment où les zones sont localisées en risque élevé, il y a des possibilités de concours ; tous les départements méditerranéens et landais sont dans la zone de risque élevé.

En contrepartie, cette direction a demandé à ce que, pour les régions qui bénéficient des concours, il puisse y avoir l'élaboration d'un système d'information qui est un système de données statistiques qu'on appelle « socle commun ». Pour les pays qui bénéficient des crédits de la Communauté au titre de la prévention des feux de forêts, il doit y avoir transmission de données statistiques sur les feux. Donc, petit à petit, on va réussir à obtenir une base de données importante qui portera sur plusieurs années et plusieurs dizaines de milliers d'incendies et l'on aura ainsi une vaste information sur les délais d'intervention et les causes des feux.

L'idée que développe la DG VI en développant cette opération, est de pouvoir d'une part valider les actions qu'elle soutient, d'autre part également essayer d'identifier des zones confrontées à des problèmes similaires : Corse et Sardaigne, Alpes-de-Haute-Provence, et le Piémont italien ; une approche qui permette de pouvoir identifier si des solutions appliquées avec succès dans un pays pour telle région, peuvent être appliquées dans un autre pays qui connaît des problèmes similaires en termes d'origine de feux, de périodicité.

Il y a également des actions en matière de recherche.

Une direction qui donne des crédits en matière de recherche, c'est la DG XII. Les crédits sont importants mais ne sont pas tout à fait utilisés de manière aussi rationnelle ; il y a un manque de retour d'expérience sur les différents travaux qui ont été engagés sous l'égide de cette direction.

M. BATTESTI - Je dois vous dire que je ne suis plus en service, donc je suis obligé de faire appel à ma mémoire, et par ailleurs, j'ai toujours eu une approche « iconoclaste » et marginale des problèmes qui nous réunissent aujourd'hui !

J'ai été surpris de trouver une invitation à cette journée, mais je reconnais que je représente ici l'Entente Interdépartementale, son secrétaire général m'ayant demandé d'être là à sa place.

Je m'appelle donc BATTESTI, je ne suis plus colonel, je le suis à titre honoraire.

J'ai commandé l'unité de Brignoles pendant 6 ans ; j'ai été chargé de mission à l'Assemblée de Corse pour les incendies, et Directeur des services incendie de la Haute Corse pendant 8 ans. Je parle donc d'expérience, c'est tout. Sur les expériences à l'étranger, Philippe MICHAUT est mieux placé que moi ; ses interventions au titre de l'unité de sécurité civile n'ont pas été dans le cadre des feux de forêts mais pour des tremblements de terre.

M. le Président - J'ai déjà traité les tremblements de terre dans un premier volet de mon rapport.

M. BATTESTI - Nous avons été un certain nombre à travailler sur l'information et le retour d'expérience.

Si ce retour d'expérience n'est pas organisé de manière formelle et institutionnalisé, s'il ne s'appuie pas sur un contexte précis, à définir, on aboutit souvent à des non-dit et on s'éloigne du résultat recherché. Il y a des réussites, en particulier en France.

J'ai toujours plaidé pour la mise en _uvre, d'une part d'un système qui ne soit pas lié aux autorités hiérarchiques mais extérieur, de façon à disposer de la liberté de man_uvre voulue, d'éviter les mises en cause précises, parce que nous savons que nos camarades pompiers sont souvent dans les feux de l'actualité sur ce plan-là (alors que ce sont les derniers responsables). Il faut disposer d'un corps d'observateurs.

On arrive difficilement, après coup, à savoir ce qui s'est passé. Il faut reconstituer, c'est une enquête parfois difficile, les gens n'aiment pas parler.

Dès qu'on voit que les choses commencent à se développer défavorablement, il serait bon d'avoir des observateurs sur place, non liés à ceux qui travaillent dans le cadre de l'opération, qui puissent analyser ce qu'ils ont vu.

De même, il ne serait pas inutile que ces observateurs soient envoyés à l'étranger pour voir ce qui se passe. Cela permettrait d'avoir un retour d'expérience plus vaste, plus riche et à l'origine peut-être de modifications, y compris dans le cadre de notre propre activité.

S'agissant de l'étranger, Philippe MICHAUT l'a dit, nous pouvons considérer que nous sommes en pointe, et les résultats le prouvent malgré nos échecs.

Il y a autour du bassin méditerranéen une conception voisine de la nôtre, même si elle n'en est pas au même stade sur l'utilisation des moyens, sur la stratégie à appliquer. Il y a une conception anglo-américaine, que l'on retrouve aux Etats Unis et au Canada, qui compte tenu des espaces, de la difficulté de gérer les risques, repose beaucoup plus sur une action rapide, immédiate que sur la mise en place préventive de moyens.

Enfin, une dernière catégorie que je connais mieux puisqu'en tant que consultant, on m'a demandé de participer à certaines missions (notamment en Indonésie où j'ai passé 2 mois), où il n'y a rien. Nous sommes à des années lumières de notre système. Le feu est considéré comme un outil de travail depuis des siècles, utilisé pour nettoyer la forêt vierge, pour l'exploiter, et ensuite il n'y a aucun dispositif de prévu concernant la protection de la forêt contre le feu. Quand le feu prend, il s'arrête où il peut, au moment où la mousson apporte les pluies. En dehors de ça, il ne se passe rien. Il y a des centaines de milliers d'hectares qui brûlent de façon totalement libre.

Il a fallu les problèmes de fumées, notamment concernant les pays voisins comme la Malaisie, les Philippines, pour qu'on se « réveille » et pour qu'il y ait une pression internationale visant à obliger le Gouvernement indonésien à faire quelque chose.

Il ne faut pas s'attendre à des modifications dans ces pays avant très longtemps, mais doit-on ne rien faire?

L'intervention de la Communauté internationale est un point important de ce qui peut se faire de cohérent mais pour avoir un engagement commun à la base, même si les obligations sont diversifiées, la communauté internationale a beaucoup de peine à s'organiser dans ce domaine.

Philippe MICHAUT a parlé de la Commission européenne. Il y a des actions, on travaille en harmonie avec eux, mais ça ne dépasse guère ce stade, et la concrétisation est souvent difficile.

Même s'il y a une certaine cohérence, il y a des différences entre l'Italie, la France, l'Espagne et le Portugal. C'est vrai qu'il y a cette difficulté d'avoir un engagement commun. Au-delà de la Commission européenne, il y a plein d'institutionnels, j'ai découvert cela, qui par exemple dans le cas de l'Indonésie apportent leur concours.

Je le signale parce qu'il n'y a pas de rencontres permettant de croiser les expériences pour dire « dans ce pays, il faudrait travailler comme cela ».

Je suis allé à Genève pour une réunion d'experts sur l'Indonésie et j'ai été frappé par la cacophonie des experts, qui sont certainement des gens qualifiés (encore qu'ils ne soient pas tous des praticiens de terrain), et par l'absence d'idées stratégiques.

On parle de moyens, on dit « il faut des hommes, il faut des motopompes, il faut des tuyaux, mais combien faut-il d'hommes ? De l'essence, et pour quoi faire ?

On ne sait pas. On n'est pas capable de le dire, parce qu'il n'y a pas eu d'analyse.

On parle donc de solutions d'urgence.

Or, ce n'est pas tellement de feux périurbains qu'on parle en Indonésie, mais de feux urbains qui sont mis par des gens qui ont faim, qui font passer celui des feux au dernier rang des préoccupations du Gouvernement.

Il y a donc des décalages, et en tout cas le décalage sur lequel je voudrais appeler votre attention, c'est le décalage par rapport à la réalité du terrain et l'absence de stratégie.

S'agissant des feux périurbains, j'ai un peu d'expérience. Lorsque j'étais directeur du service incendie en Haute Corse, le feu à un moment donné entourait Bastia. Les problèmes ne sont pas à la même échelle que celui de Marseille. Nous étions avec le préfet, au balcon en train de regarder brûler le bas de la préfecture, les espèces diverses en bas de la préfecture, alors que tout autour c'était un embrasement général et le préfet me disait : « qu'est-ce qu'on va faire ? ».

Je lui ai dit « vous rentrez, vous allez dormir, je vais sur le terrain, mais ça ne va pas changer grand chose » parce que nous nous trouvions à un stade, comme nous l'avons dit ce matin, où il n'y a plus grand chose à faire, où on gère l'échec.

Donc, si on ne traite pas le problème avant, ou au moment où il se passe, après, on ne fait que gérer l'échec. Echec avec des routes coupées, des touristes sur les routes, des touristes italiens qui étaient largués par bateaux entiers, des milliers de personnes sur la route, alors que le feu descendait vers la route. Cela veut dire que le risque est toujours grand si on ne prend pas les dispositions préparatoires. Il faut à mon avis avoir, y compris en matière de feux périurbains, une stratégie.

Est-ce qu'on peut procéder en priorité à la protection des biens et des personnes ? Ce qui semble être un devoir majeur pour les pompiers. Qu'est-ce qu'on fait par rapport à l'environnement ? Est-ce qu'on peut conduire les deux actions simultanément ? Et, à ce moment-là, avec quels moyens et dans quel ordre ?

Nous avons essayé collectivement, de définir une stratégie nationale. Sur le problème des fumées des feux périurbains, tout le travail reste encore à faire.

Encore que, si on se donnait la peine de consulter et d'interroger ceux qui ont travaillé là-dessus, je pense à certains officiers du bataillon, peut-être que ça permettrait d'aller plus vite dans la recherche de solutions appropriées.

L'Entente que certains d'entre vous connaissent, vous êtes nombreux à avoir participé au Forum organisé en juin dernier, Forum international avec 20 nations, 700 participants, a permis aux gens de faire des échanges sur des problèmes trop nombreux qu'il faudra réduire.

Il y a eu des enseignements positifs tirés, il figureront dans des actes qui vont paraître dans les 2 mois qui suivent, qui seront adressés à tous ceux qui s'intéressent au problème.

Nous avons l'intention de refaire un Forum en 1999, il se fera sur une formule à négocier avec nos partenaires parmi lesquels la ville de Marseille, le département des Bouches-du-Rhône et la Région PACA qui ont joué un rôle important.

Nous avons l'intention de mettre à l'ordre du jour, dans le cadre de thèmes moins nombreux, celui des feux périurbains parce que nous avons besoin d'avoir des échanges là-dessus et des échanges internationaux qui ne sont pas réalisés (Australie, USA).

Ce sont les perspectives de l'année prochaine.

M. MARTIN (Valabre) - En matière de formation, des tentatives d'échanges entre les différents pays du bassin méditerranéen existent, notamment nous avons, du fait de la proximité géographique, des liens fréquents avec l'Espagne et l'Italie en matière d'échange de formation.

Sans prétention, semble-t-il, le modèle français intéresse beaucoup les étrangers, mais aujourd'hui, nous ne sommes pas capable de leur donner complètement notre méthode, pour différentes raisons : parce qu'elle n'est pas adaptable parfaitement à leur problématique et parce qu'en matière de formation, nous n'avons pas encore achevé nos travaux.

Qu'attendons-nous du retour d'expérience en matière de formation ?

On voudrait essayer de la formaliser au travers d'outils informatiques. Les résultats efficaces en matière de feux font que les sapeurs pompiers d'aujourd'hui n'ont pas l'expérience que pouvaient avoir leurs anciens qui étaient confrontés plus régulièrement aux problèmes.

Donc, il faut avoir une mémoire collective à la disposition de tout le monde, y compris des stagiaires, sous forme d'autoformation.

M. NARDIN - La totalité des pays du Bassin méditerranéen est concernée par les problèmes liés aux feux de forêts. La France est concernée par les départements du sud-est et du sud-ouest, alors que pour l'Espagne c'est la totalité du pays, ainsi que pour le Portugal, la Grèce, la Turquie, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie.

Dans ces pays, il y a une organisation différente. Elle ne se rapproche pas obligatoirement de l'expérience française. Dans certains pays, il y a une organisation sous l'autorité du ministère de l'Agriculture et des Forêts, avec des capacités étendues, comme en Grèce.

Les techniques ne sont pas les mêmes.

En Espagne, c'est l'autorité du ministère de l'Agriculture et de la Forêt et le ministère de l'Intérieur qui sont en charge des feux de forêts. De plus, chaque région est autonome et a ses règles du jeu à mettre en place. Cela peut être aussi le ministère de la Défense, cas de l'Algérie, Tunisie, Libye ou Egypte.

Même s'il y a une cohérence sur le dispositif mis en place, chacun des pays du Bassin diffère selon sa culture sur les moyens susceptibles d'être engagés.

Ce que nous pouvons dire, c'est que nous recevons régulièrement la plupart des acteurs, au niveau du site de Valabre, ce qui nous permet d'échanger et de travailler avec eux dans le cadre des projets Euroméditerranée. Nous assurons un leadership au niveau français dans le cadre de la formation et des échanges de connaissance avec tous nos partenaires du Bassin méditerranéen.

Il existe aussi des accords d'assistance mutuelle réciproque, notamment avec l'Espagne et l'Italie. Plusieurs fois par an, nous avons des interventions mutuelles réalisées tant au niveau de l'envoi de moyens aériens que des moyens terrestres, plus restreints.

Sur le Bassin méditerranéen, les objectifs sont identiques, simplement les ministères de tutelle, les moyens, les personnels affectés ne sont pas les mêmes.

M. ETIENNE (INRA) - Il y a quand même des pays « méditerranéens » ailleurs que dans le Bassin méditerranéen. On a mentionné l'Australie, la Californie. Il y a aussi le Chili qui me semble un pays extrêmement important de par la superficie de son espace forestier, complètement noyé dans les villes. Les villes sont en contigu avec les espaces forestiers.

En ce qui concerne l'Australie, je voudrais rajouter à ce qu'a dit le colonel BATTESTI que les maisons sont en bois en Australie également, mais il y a acceptation du risque.

Le feu de Sydney a été analysé à la Conférence Internationale des feux de collines ; tous les gens qui étaient présents en Australie ont tous dit « on met notre maison dans ces forêts parce que c'est là qu'on a envie de vivre ; nous acceptons de prendre le risque ; nous prenons ce risque ; si notre maison brûle, on la reconstruira, mais on le prend pertinemment parce qu'on veut vivre dans la nature ».

Il y a des sociétés qui acceptent de prendre ce risque-là, qui l'assument totalement, qui ne demandent pas aux gens de s'en occuper. A l'opposé, c'est le Chili où on considère que c'est le propriétaire forestier qui est complètement responsable de sa forêt et des dégâts qu'il pourrait occasionner aux espaces périurbains. Ce sont donc les propriétaires forestiers privés qui prennent en charge la totalité de la prévention, surveillance des incendies. Ils sont propriétaires des avions, des équipes de protection.

La grande différence, c'est la productivité de la forêt chilienne qui est une des meilleures mondiale, ce qui n'a rien à voir avec notre forêt méditerranéenne !

M. le Président - Est-ce que nous parvenons à lutter contre la fragilité, peut-être relative d'ailleurs, de notre forêt . Pourquoi notre forêt est-elle fragile ? Est-ce normal, y a-t-il un certain nombre de facteurs de fragilisation ?

Vous êtes libres de vos propos.

M. DEDIEU (Directeur régional ONF/PACA) - En ce qui concerne la forêt, sur un plan national, la forêt est sensible à un certain nombre de difficultés, de facteurs abiotiques ou biotiques, donc d'événements qui sont , donc aussi bien les atteintes liées à l'homme que celles liées à tous les éléments qui peuvent attaquer les peuplements.

La forêt méditerranéenne est certainement, sur ce plan-là, en pointe. C'est une triste primauté, mais cette primauté provient d'un double aspect.

D'abord, la forêt méditerranéenne pousse dans un contexte climatique et géologique très particulier, qui fait que les circonstances de son implantation sont déjà difficiles, pour des raisons de relief, de sol, de climat ; c'est-à-dire de forte sécheresse, notamment estivale, mais on en connaît à d'autres périodes, et des précipitations qui lorsqu'elles se produisent ont un caractère extrêmement brusque et violent, ce qui accroît encore les risques.

On peut le traduire de façon extrêmement synthétique en termes de production. On parle de production de bois. Monsieur le sous-préfet HEGAY l'a évoqué, alors que l'ensemble de la forêt française produit en gros 5 à 6 m3 par hectare et par an, en forêt méditerranéenne, en moyenne, nous produisons un à 2 m3 par hectare et par an.

Ceci montre donc la grande distance qui sépare une forêt de pins d'Alep ou de chênes verts ou de chênes pubescents, par rapport à une forêt d'épicéas ou de hêtres ou de chênes du centre de la France ou de l'est.

Première difficulté, cette faible production va induire évidemment des difficultés de gestion économique.

Ces difficultés peuvent se doubler également par un certain nombre d'aléas biologiques.

J'en cite un qui touche deux massifs qui ont la caractéristique d'être des massifs siliceux, qui sont dans le Var, les Maures et l'Estérel.

Les pins maritimes qui sont une essence extrêmement présente sur ces deux massifs, ont disparu ou quasiment, attaqués par des cochenilles qui entraînent la disparition complète de ces pins maritimes.

D'autre part, et cette imbrication est à prendre en compte, la forêt méditerranéenne va jusqu'aux contreforts des Alpes, et ceci s'ajoute à une autre difficulté. En région PACA, la plupart des forêts domaniales, c'est-à-dire 170 000 ha sur les 200 000 que nous gérons, sont issues de ce que nous appelons le reboisement des terrains en montagne. Cela permet de faire le lien avec ce qu'on a dit des friches agricoles.

Vers la moitié du siècle dernier, dans les années 1850, il y a eu, suite à une exploitation trop intensive de l'espace de nos montagnes et de nos collines, surpâturage. Il y a eu une très forte dégradation des sols et des catastrophes qu'aujourd'hui tout le monde a oubliées, qui étaient très voisines de ce qu'on a entendu récemment sur l'Italie du sud par exemple.

Ce n'est pas très ancien, ce sont des choses que nous avons perdues de vue mais, dans les années 1850, c'était monnaie courante dans toute la partie des Alpes du Sud, le département des Alpes-de-Haute-Provence notamment.

Ceci a conduit l'Etat à prendre en mains une politique extrêmement dynamique et vigoureuse. Le Parlement a légiféré et l'Etat a mis les moyens en acquérant énormément de territoire : 170 000 ha sur notre région et en les reboisant. On ne voit plus aujourd'hui que ce qui a subsisté, mais le travail fait vers la fin du XIXe siècle est une véritable merveille que nous avons oubliée et que nous pourrions, que nous devrions peut-être redécouvrir dans nos périodes de chômage chronique.

Cette épopée RTM ne touche pas que les Alpes. Le Morvan, toutes les forêts domaniales sont issues de cette acquisition et du reboisement, il y en a même dans le Lubéron.

Chaque fois qu'il y a eu un feu, y compris la Ste Victoire, à chaque fois le risque d'érosion des sols est extrêmement présent et donc cette notion de restauration des terrains en montagne (RTM) au sens large de risque naturel est un élément consubstantiel de nos espaces naturels en PACA.

C'est une réalité incontournable et nous, ONF, qui sommes chargés de gérer des espaces forestiers domaniaux et communaux : 625 000 ha sur la région PACA, en gros le 5e de l'espace du territoire de cette région, nous sommes aussi bien des responsables de la gestion d'espace, que des spécialistes des risques naturels. Les deux choses ne peuvent pas être séparées.

On n'est plus en période où les sols risquaient de partir parce qu'il y avait une pression excessive de l'homme sur ces espaces, au contraire, c'est ce qui a permis cette réalisation de restauration de terrains en montagne. On est dans une phase d'abandon de l'espace rural, de vide de ces espaces et, paradoxalement, cet abandon qui semble dans un premier temps favorable à la forêt puisqu'on la voit s'étendre. Les risques d'érosion, de RTM, et de feu deviennent de plus en plus graves.

Donc, la nature n'est jamais ni tout à fait bonne-mère, ni manichéenne ; elle est à la fois bonne et mauvaise. Il y a, dans l'évolution actuelle, des éléments favorables et des éléments dangereux ; tout cela ne pourra être mené correctement que si une stratégie est clairement définie pour ces espaces.

M. COQUET (DRA) - Aujourd'hui, je représente monsieur BARDO, sous-directeur de la forêt, qui n'a pu être présent qui est à Versailles à une réunion interministérielle. Il m'a demandé d'être son porte-parole, c'est pourquoi il m'appartient d'exposer plus particulièrement ce qu'est la doctrine en matière de défense des forêts contre l'incendie en forêt méditerranéenne.

Cette doctrine s'appuie sur un certain nombre de volets.

Il s'agit d'abord de prévenir les mises à feu, limiter le nombre d'éclosions d'incendies, éteindre les feux déclarés, prévenir de façon passive l'extension des feux, prévenir les dégâts susceptibles de venir du fait des feux, enfin reconstituer après l'incendie les espaces dévastés.

Je distinguerai ce qui est fait dans la forêt traditionnelle de ce qui est fait au niveau des forêts périurbaines, puisqu'aujourd'hui ce sont les espaces périurbains sur lesquels nous nous penchons.

Prévention des mises à feu : la première chose à faire, c'est une bonne connaissance des causes.

Nous avons parlé de PROMETHEE ; au-delà, il y a les enquêtes judiciaires, les études diverses que l'on peut faire.

Une fois que l'on connaît les causes, il faut agir d'abord à travers une réglementation dans le temps ; il a été mis en place une réglementation de l'emploi du feu dans le Code forestier, reprise à l'intérieur des arrêtés préfectoraux applicables dans chaque département.

Il faut faire connaître cette réglementation et sensibiliser les usagers et le public, d'où un effort d'information et d'éducation du public et des usagers, à travers le milieu scolaire, mais aussi associatif, et les médias. Cela se voit moins aujourd'hui mais, il y a quelques années, on utilisait abondamment les médias pour apporter des messages, notamment des avions traînant des banderoles.

Il faut supprimer les installations dangereuses, ce qui paraît le plus à notre portée et c'est étonnant que nous n'y soyons pas arrivés, je pense au nombre de dépôts d'ordures ménagères, les lignes électriques qui continuent à créer des incendies, le chemin de fer.

Rien de particulier pour les zones périurbaines dans cette prévention des feux.

L'extinction des feux déclarés : moyens aériens, terrestres, également des moyens supplétifs à travers les forestiers, sapeurs, et les anciens harkis, et les CCF dont on a dit qu'ils étaient réservés à la prévention, servent aussi beaucoup aux moyens d'extinction.

A l'origine, il s'agissait de mettre en place, dans les communes, des gens capables de conduire les pompiers dans les bois qu'ils connaissaient le mieux, donc ils sont aussi des agents supplétifs très efficaces des moyens d'extinction.

Pour rendre efficaces ces moyens d'extinction, il y a l'aménagement du terrain. Cela c'est le rôle du ministère de l'Agriculture qui met en place des réseaux de route balisés, sécurisés, avec des tranchées pare-feu et sur lesquels sont réparties des citernes d'eau.

Ces équipements doivent faire l'objet de schémas concertés, mais également de cartes largement distribuées pour que les pompiers puissent s'y retrouver. L'objectif est d'arriver le plus vite possible en sécurité sur un feu débutant.

Cette intervention sera d'autant plus efficace qu'elle sera rapide, d'où l'idée de surveiller de près la météo, de mettre en place un dispositif d'alerte météo et de positionner les moyens lorsque les risques deviennent graves. Là non plus, je ne vois pas ce qui serait spécifique de la zone périurbaine.

La prévention passive des extinctions de feu : en matière de prévention, nous aurons des éclosions quoi que nous fassions ; aussi rapides que seront les moyens, on n'arrivera pas toujours à circonscrire un feu dès son départ et, quand les circonstances météo seront défavorables, on aura immanquablement des feux qui déborderont ; on se trouvera donc toujours en face de feux qui, s'ils ne sont pas arrêtés d'une façon passive, risquent d'aller très loin ; d'où l'idée de limiter l'extension des feux d'une façon passive par de grandes coupures cultivées, par des zones forestières très sévèrement débroussaillées, par le brûlage, le petit feu, c'est une idée maintenant en phase opérationnelle qui viendra compléter ce qu'on peut faire avec du débroussaillement mécanique et le brûlage.

Là non plus, je ne vois pas trop comment ça peut s'appliquer en zone périurbaine, parce que ce sont des traitements très sévères.

Prévention des dégâts causés par les feux : en prenant une comparaison avec les inondations, lorsqu'une maison est mise sur pilotis, il y a des inondations qui n'ont pas de conséquences ; est-ce qu'on peut imaginer, en matière de feux de forêts, de vivre avec le feu sans avoir de graves conséquences ?

Il faut distinguer ce qui est forêts et équipements : maisons existantes en forêt.

On peut imaginer un certain nombre de pratiques sylvicoles qui limitent les inconvénients du passage du feu.

Par exemple, dans les forêts de chênes liège, ne pas lever tous les lièges en même temps, ce qui fait que vous n'avez que la probabilité de perdre un tiers si le feu arrive.

Faire du débroussaillement sélectif autour des beaux sujets résineux, de telle sorte que si le feu passe, une régénération soit assurée.

Peut-être faire du débroussaillement généralisé dans un endroit qui, par le paysage, vaut la peine d'être maintenu de cette façon.

Donc, il existe des moyens de prévention des inconvénients du feu ; on peut vivre avec le feu si on prend des dispositions.

Est-ce que les habitations peuvent bénéficier de tels moyens ?

Je crois qu'effectivement on peut prendre un certain nombre de dispositions pour protéger les habitations et les équipements ; c'est là où on trouve tout ce qui intéresse les zones périurbaines.

D'abord, il y a la réglementation de base du débroussaillement autour des habitations et le long des chemins qui accèdent. Mais il faut aller plus loin. Il y a tout ce qui n'existe pas, qui devrait exister en matière de prescriptions architecturales pour que ces maisons soient plus autoprotégées dans un incendie. Il faudrait un CDU incendie de forêt, tel qu'il existe sur le plan sismique.

Il faudrait enterrer systématiquement les lignes électriques, téléphoniques, parce qu'il faut protéger ces équipements.

Il faudrait, enfin, mettre de l'ordre, de façon générale et non pas individuellement, à travers un document inclus dans le POS. La réglementation existe, c'est le PPRI qui à la fois définit la zone interdisant de créer des risques nouveaux en mettant de nouvelles habitations, mais aussi dans les zones où les maisons existent nous mettrons de nouvelles dispositions permettant de vivre avec le feu.

Enfin, il y a la reconstitution après l'incendie.

M. LEGROUX (DDA) - Pour compléter les propos du directeur régional, je souhaite rappeler que nous recensons depuis très longtemps tous les départs de feux du département et qu'à l'évidence, quand nous aurons fait la cartographie, on s'apercevra que les départs de feux sont de plus en plus fréquents au fur et à mesure qu'on est dans des zones urbaines ou périurbaines.

C'est là que se situent les risques dits induits que la forêt encourt du fait de la fréquentation.

Il est clair que, dans ces zones urbaines, nous avons aussi ce que nous appelons des risques forts en cas de départ de feu, les risques pour les personnes et les biens sont aussi très élevés.

La seconde grande idée, au-delà de la fréquentation humaine, c'est le fait qu'il faille bien être conscient que la biomasse de la forêt méditerranéenne augmente fortement.

La forêt n'est plus exploitée, n'est plus pâturée.

Entre deux inventaires forestiers nationaux dans les Bouches-du-Rhône, il y a eu plus 30 % de biomasse. Dans la mesure où il n'y a pas d'acteurs ou pas suffisamment pour éliminer cette biomasse ou pour la gérer, nous avons un problème fort d'intensité de risque.

On pourra revenir sur ce qui peut se faire en réintroduisant des activités pastorales, agricoles ou forestières en forêt.

J'insiste sur la fragilité et la vulnérabilité.

M. TOLRON (CEMAGREF) - Un mot sur les problèmes de recherche et d'études sur ces questions.

En 1998, vient d'être signée une convention entre tous les organismes (au moins de la région méditerranéenne) qui travaillent sur les incendies de forêts : c'est la convention de regroupement d'intérêt scientifique sur les incendies de forêts.

Beaucoup d'organismes sont concernés en dehors du CEMAGREF : INRA, CNRS, Ecole des Mines de Paris, Sofia Antipolis, ONF, et l'Université Aix Marseille.

Cela signifie qu'au niveau de la recherche, il est bien clair qu'il a été compris depuis un certain temps que la collaboration sur les différentes thèmes est essentielle.

Pour répondre à la question de l'incendie de forêt en zone périurbaine et du problème de la relation avec les espaces agricoles, je voudrais repartir de l'idée, simple, qu'à la fois la surface et le biovolume forestier augmentent très rapidement et qu'ils arrivent aux portes urbaines, étant entendu que, parallèlement, l'évolution de la ville est telle que la ville monocentrique, avec sa petite couronne maraîchère verte, a disparu et qu'on est maintenant en présence de villes éclatées, polynucléaires et qu'en fait, la ville éclatée voit la forêt pénétrer à l'intérieur des interstices de tous ces espaces laissés libres entre les centres différents.

Cela me paraît modifier profondément les données du problème, et transformer la problématique de défense des forêts contre l'incendie en zone périurbaine en problématique de défense contre l'incendie de forêt, ce qui est différent en termes de stratégie, de demande sociale de la part également des urbains ou des périurbains qui, s'ils ont gardé une demande en termes de paysage, d'espace protégé, de plus en plus aussi ont une demande en termes de protection de leur propre sécurité, et de leurs biens.

Je voudrais dire que dans la zone périurbaine, en particulier en milieu méditerranéen, le problème de l'incendie de forêt se pose en termes de gestion des interfaces. Interface urbain, forestier et agricole.

Les ceintures vertes ont disparu, mais il persiste un certain nombre d'espaces agricoles au sein de ces espace, et il ne faut pas croire que le combat est perdu. Bien sûr, il y a eu des crises, mais il est également possible d'affirmer que les politiques volontaristes et les outils politiques volontaristes existent.

La loi d'orientation agricole concernant les possibilités d'aménagement de contrats territoriaux d'exploitation, permettant d'assigner à un certain nombre d'exploitations des missions autres que la simple production agricole sont des outils qui permettent de reposer un certain nombre d'objectifs et donc de moyens de prévention en termes d'aménagement.

Ceci est une première idée. Pour illustrer cela, je prendrai l'exemple d'Aubagne, zone dans laquelle une politique volontariste relativement importante de maintien d'un secteur agricole, a été conduite avec un certain succès.

Je voudrais également donner un éclairage qui n'a pas été suffisamment développé aujourd'hui, c'est l'aspect sociologique de « culture du risque ».

Dans les zones méditerranéennes où les gens vivent avec le feu, tout le monde a plus ou moins assisté à des feux, il existe une véritable culture du risque, et M. ASSANTE rappelait que lors du feu de Septèmes, les habitants avaient pris un certain nombre de dispositions rapidement, manifestant qu'ils pouvaient intervenir de façon efficace avec leurs propres moyens.

La culture du risque me paraît avoir un aspect paradoxal : c'est quand il y a une certaine connaissance du phénomène, on est capable de vivre avec, mais quand on fait le bilan de la puissance du danger que représente le feu (les dégâts matériels et humains sont globalement relativement réduits), cette culture du risque présente une certaine difficulté pour permettre une évolution rapide de dispositions tendant à faire passer un certain nombre d'idées nouvelles ou corriger un certain nombre d'idées fausses.

Il me paraît important de pouvoir intervenir sur ces aspects en termes de communication, formation, pour améliorer l'efficacité.

M. MIDOUN (CEREN) - Nous avons développé au sein du CEREN une activité environnement, spécialement sur les problèmes d'érosion de sols suite à des incendies de forêts.

Nous avons étudié les problèmes d'érosion sur le massif de l'Etoile, suite à l'incendie de cet été, et nous avons relevé certains problèmes d'érosion du sol.

Nous avons remarqué que la reprise végétale n'est pas importante dans la partie nord où la pente est très forte, la revégétalisation est de niveau 0, il n'y a que de la roche nue ; quand on descend dans les zones plates vers Marseille, le paysage reprend le dessus.

On a dit que la reprise végétale aidait la nature à se régénérer. Or, sur les sols à forte pente, la nature ne pourra pas faire les choses, même si elle est aidée par l'homme. Dans ce cas-là, nous proposons dans notre étude, dans le cadre de la réhabilitation du massif de l'Etoile, de prendre les mesures d'urgence pour essayer de retenir le peu de sol, parce qu'à certains endroits, nous avons 10 cm de sol sur le calcaire et, si on ne prend pas des mesures d'urgence concernant le sol, pour essayer de le retenir là où il est, on ne pourra pas voir un jour reprendre ni un pin ni un chêne kermès.

On peut le voir du côté du Garlaban, là où la roche est nue, ou sur les versants de certains vallons comme l'Amandier avec des zones vertes de chênes kermès au maximum de 50 cm et de la roche nue.

Nous proposons d'exploiter cette roche nue, par exemple les fissures qui renferment un peu de sol, pour essayer d'aider la nature en reboisant dans ces fissures, et laisser par la suite la nature faire les choses en laissant la chance à ces semences de reprendre le dessus.

Ces problèmes d'érosion doivent être traités car, si on ne fait rien pour maintenir le sol sur les versants des vallons et dans les vallons même, soit en mettant des systèmes pour retenir le sol sur le versants, soit des systèmes de terrasses dans les vallons, il y a des risques du type inondation, comme du côté de Marseille et sur la commune d'Allauch.

Au point de vue purement scientifique, nous avons fait des essais de prélèvements de sol sur le feu de l'Etoile, et au laboratoire, et nous avons constaté que suite à l'élévation de température dans le sol, il y a une couche hydrophobe qui se forme aux environs de 2 cm et 7 cm. Dans cette couche hydrophobe, il peut y avoir imperméabilisation du sol à cette profondeur, que l'on ne peut pas voir, donc ruissellement très important de surface suite aux orages. A un moment donné, il peut y avoir des pans entiers de sols qui peuvent s'arracher qui peuvent provoquer des inondations très dangereuses.

Au niveau de l'aménagement du périurbain, toujours dans la réhabilitation de l'Etoile, nous avons proposé de créer une ceinture verte autour de la bordure sud du massif, dans la bordure nord de la ville de Marseille, ainsi que dans les communes d'Allauch et de Plan de Cuques.

Quand on regarde une photo aérienne après le feu, on remarque que le feu est venu ceinturer les maisons.

Le feu est arrivé jusqu'aux maisons. Tout autour de ces maisons il y avait des restanques qui avant étaient cultivées, qui faisaient pare-feu : amandiers, oliviers ou vignes, or on remarque que ces restanques sont envahies par du pin, cela fait donc une continuité entre le massif et les restanques (qui, avant, étaient des coupures), et les maisons.

Nous proposons dans notre étude, de réhabiliter ces restanques afin de constituer une coupure en faisant une analyse de sols pour voir quel type de végétaux peuvent recevoir ces restanques en fonction de leur sol, et de leur accessibilité, en mettant de l'olivier ou de l'amandier ou de la vigne.

En ce qui concerne le massif au sens large, en collaboration avec les marins-pompiers, l'ONF et la société du Canal de Provence, il faut créer des plates-formes de lutte contre le feu. Ces plates-formes seraient constituées d'essences moins inflammables, alimentées en eau. Ces zones-là permettraient aux secours de se déplacer eu fur et à mesure en fonction de l'érologie du massif, du schéma établi par les marins-pompiers, pour essayer de retenir le feu avant qu'il dépasse les 3 500 ha par exemple, et donc la partie périurbaine verte qui viendrait conforter ces plates-formes de lutte, constituerait pour les secours un point d'appui ; plutôt que d'aller protéger les populations et les biens, les secours trouveraient une zone riche en eau, coupures agricoles où ils pourraient combattre le feu, plutôt que de protéger les populations et les biens.

M. COQUET - Vous dites donc protéger en avant ces populations « plus tôt » disons et non pas « plutôt que » ?..

M. MIDOUN - En ce qui concerne la création de la bande verte, les secours pourraient à cet endroit-là, au lieu d'aller protéger les populations et les biens, ils trouveraient là un endroit où il y a de l'eau, des coupures agricoles, cela permettrait d'affronter le feu avant qu'il arrive sur les populations et les biens. Je ne dis pas qu'il délaissent la population et les biens.

M. BONNIER - Les questions que je me pose après toutes ces réflexions, rejoignent des questions que je me pose par ailleurs dans d'autres activités professionnelles ; sur l'espace rural, on est dans un grand tournant ; on est en train de finir de négocier un grand tournant de civilisation ; nous sommes maintenant rentrés presque à coup sûr dans une ère où notre société n'a plus de rapport direct avec l'espace rural ; nous avons encore des rapports symboliques, quelques rapports familiaux mais, dans l'ensemble, on peut penser que la population de nos régions, qu'elle soit indigène ou passagère, n'a plus de rapport avec la campagne. C'est à peu près acquis, ce n'est même pas de la prospective.

La forêt étant dans l'espace rural, fait partie de ce « package » et donc on est dans une société qui n'a plus rien à faire avec sa forêt, qui n'attend plus rien de sa forêt que d'être un « décor ». Alors, c'est un drame parce que, si ce n'était qu'un décor, on pourrait s'en tirer avec un pot de peinture, mais c'est un décor qui pousse, qu'on ne peut pas empêcher de pousser, et la forêt continue de pousser en surface et en quantité.

Tous les discours qu'on tient en disant « on va vers le désert, vers une catastrophe, etc. » sont des discours faux puisque l'expérience montre que la forêt continue de se développer et croît en sagesse et en beauté ; elle se diversifie, elle s'enrichit, elle engraisse.

Donc, on véhicule pour se défendre contre le feu un discours qui ne correspond pas à la réalité et qui ne correspond pas au souhait des gens, et ce sont les seules choses dont on ne se soucie pas !

Aujourd'hui, nous ne savons pas ce que nos contemporains, provençaux et autres, attendent de leur forêt méditerranéenne !

On « présuppose » qu'ils ont envie de la conserver ; on présuppose qu'ils ont envie qu'elle ne brûle pas ; mais en dehors de ça, qu'est-ce qu'on peut bien en faire ?

Les forêts produisent si peu de m3 de bois par ha que ça vaut à peine la peine de passer pour les ramasser ; c'est vrai qu'il y a des parcelles plus productives bien entendu, mais grosso modo, en plus c'est du m3 de bois de chêne kermès, ça sert à quoi le chêne kermès ? Il y a bien longtemps qu'on ne teint plus des pantalons de soldats avec la cochenille !

J'ai entendu dire qu'à Salamanque, il a été signé une convention pour la réhabilitation de la résine ; il paraît que les Espagnols et les Portugais ont trouvé des modes d'exploitation de la résine qui rendaient rentables des exploitations de très faible surface. C'est à surveiller, mais je ne pense pas que ça révolutionnera !

Donc, qu'est-ce que nous pouvons bien faire de notre forêt et à quel titre doit-on la défendre ?

C'est à ça qu'on est confronté.

Ce matin, monsieur le sous-préfet HÉGAY disait « si la forêt devenait rentable  » mais le problème c'est que ce n'est pas prévu pour demain !

Actuellement, j'en suis rendu là de mes réflexions, il nous faut régler le problème de la totalité de l'espace rural régional aujourd'hui dans son devenir. Qu'est-ce qu'on va lui demander, et aussi qu'est-ce qu'on va demander à la forêt ?

On imagine, on raconte tous que, dans la société d'autrefois, les gens étaient extrêmement soucieux de la forêt ; ce n'est pas vrai parce que, s'ils n'avaient pas détruit la forêt, nous n'aurions pas fait le RTM, et ce que nous a décrit monsieur DEDIEU, c'est le résultat d'une surexploitation. On a toujours été dans une société, en région méditerranéenne, qui se « fichait comme d'une guigne » de sa forêt, sauf pour en tirer quelques avantages, mais qui ne la gérait pas !

On était obligé de leur mettre des forestiers aux fesses pour qu'ils ne fassent pas trop de bêtises, et on ne peut même pas retrouver la tradition puisqu'elle n'a jamais existé !

Enfin, sur les petits essais que nous faisons timidement, de dire « on va remettre de l'élevage, de la culture d'olivier, de la culture d'amandiers », si c'était intéressant, les bergers ne seraient pas partis, les oléiculteurs non plus. Il est plus intéressant de faire des métiers citadins en ville, même chômeur, que de faire oléiculteur à temps plein, sauf le dimanche, parce qu'on sait que le soir on va rentrer, qu'il y a le chauffage central à la maison !

On est dans un artificiel complet qu'on en train d'essayer de construire et je suis très sceptique !

M. le Président - Sur les oléiculteurs, j'avoue que je n'y comprends pas grand chose, mais j'ai des oléiculteurs dans ma circonscription qui me disent qu'il y a une reprise du marché de l'olive, et M. COQUET me disait qu'il y a un exemple, Château Virant qui vient de monter son moulin à huile que vous connaissez bien.

Est-ce que, du côté de l'olivier, il n'y a pas une lueur ? Est-ce que vous pensez que c'est aussi fermé que vous le dites ?

M. BONNIER - On trouvera toujours un oléiculteur comme Château Virant qui, dans un système d'exploitation avec du vin de qualité, une vinification moderne, des modes de commercialisation également, peut valoriser un certain nombre d'hectares d'olivettes.

La question c'est qu'aujourd'hui, aller installer de façon totalement artificielle un oléiculteur dans tel ou tel massif du département ou de la région méditerranéenne, me paraît une lourde responsabilité.

Si c'est pour mettre 15 ans à défendre la forêt avec les oliviers, on se sera fait plaisir, mais on sera revenu au problème ; ceci dit, je souhaite à la famille Cheylan de continuer ses activités avec autant de succès que jusqu'à maintenant !

M. ROULE (Météo-France) - Je représente aujourd'hui notre directeur régional.

Comme l'a dit M. DEDIEU, je voudrais rappeler les caractéristiques du climat méditerranéen.

C'est un climat sec et chaud l'été, avec de fortes intensités de précipitations en automne ou à d'autres époques, mais aussi des coups de froid l'hiver. En 1956, les températures avaient chuté au point que tous les oliviers avaient gelé, avec - 17° à Aix.

Donc, climat très contrasté avec de grosses chaleurs l'été, une sécheresse habituelle l'été qui peut durer plusieurs mois, et des fortes intensités de précipitations automnales aussi bien que des vents forts d'origine continentale, ce qui aggrave la sécheresse, qui sont le mistral et la tramontane dans le Languedoc Roussillon.

En plus, ces vents s'accompagnent d'effet de sécheresse locale et d'effets de f_hn qui renforcent les problèmes de stress de la végétation.

Météo-France assure un suivi des divers phénomènes atypiques, type sécheresse au niveau national ou régional d'ailleurs.

Actuellement, il y a un projet européen en cours, dans lequel Météo-France est partie prenante, en collaboration avec le CEREN, dont le but est de mesurer à travers des images satellites le stress hydrique de la végétation. On est au stade expérimental, on peut espérer que d'ici un an on aura deux images par semaine, ce qui permettra d'avoir une bonne idée de la répartition du stress hydrique.

Ces images n'ont pas un gros effet temporel ; si on compare le stress hydrique le premier juin de cette année par rapport à celui de l'an dernier, ça n'apportera pas grand chose.

Il est difficile de comparer, mais l'intérêt est de connaître la répartition géographique du stress hydrique un jour donné.

M. le Président - Nous allons maintenant voir un film qui nous montre quelques-unes des propositions faites par l'Entente Interdépartementale.

(projection .................)

Après ce film, je vais demander aux participants à cette table ronde, de nous dire quelles sont les propositions qui vous paraissent prioritaires à retenir ?

Je vous demande de ramasser vos propos autour des propositions prioritaires et d'avoir le souci de faire émerger ce qui pourrait être les priorités dans vos domaines respectifs, parce que c'est comme cela qu'on pourra construire le catalogue des priorités au niveau national.

M. ETIENNE (INRA) - Je reprends une phrase du film « quelles fonctions doit-on donner à la forêt périurbaine » ?

On peut lui donner un nombre de fonctions différentes : production économique ? Peu probable. Production de loisir ? Je rajouterai production cynégétique, aspect qui n'a pas été évoqué.

Les seules personnes qui sont encore utilisateurs de la forêt, ce sont quand même les chasseurs, et il y a beaucoup de chasseurs en forêt méditerranéenne.

Si on pose la question : « qu'est-ce qu'il faut faire pour prévenir les feux de forêt en milieu périurbain », il faut savoir quelles fonction on veut donner à cette forêt périurbaine.

Toute proposition à partir de là devra se fixer comme objectif de savoir quelles fonction on donne, et essayer de construire un aménagement le plus intégré possible. Qui dit intégré, dit concertation entre les différentes usagers et je répète qu'ils sont multiples en Méditerranée.

Cela pose également des problèmes d'éventuels conflits entre acteurs, en particulier dans la mesure où on a beaucoup évoqué dans la journée l'abandon, c'est-à-dire l'abandon de la forêt méditerranéenne, mais on a oublié que si les activités agricoles ont fortement diminué en forêt méditerranéenne, en compensation de ça il y a eu un afflux de population exogène, les touristes en particulier. On a remplacé une population qui tirait un certain nombre de produits par une population qui ne tire pas un produit mais qui recherche ce qu'on appelle « l'environnement », qui cherche un certain nombre de choses qui ont de la valeur mais que l'on ne sait pas monétariser.

C'est peut-être une question importante qu'il faudra poser : essayer d'évaluer quand on propose l'aménagement, tous les produits que l'aménagement va pouvoir fournir aux personnes qui le mettent en _uvre.

On a beaucoup parlé des problèmes d'embroussaillement, de dynamique de la forêt méditerranéenne ; on a dit que maîtriser les feux de forêts et maîtriser cette dynamique est une proposition qui paraît importante mais il faut avoir les moyens d'entretenir les aménagements que l'on met en place. Une des plus grosses difficultés que l'on a observée au cours des 15 dernières années, c'est qu'en général, on a beaucoup d'argent pour les mettre en place et pas d'argent du tout pour les entretenir, pour faire en sorte qu'ils continuent à fonctionner, parce qu'on est en face d'une végétation qui a une certaine dynamique.

Il faut donc faire des propositions : comment assurer le coût de l'entretien de ces aménagements, et un des points importants dans les analyses de coûts réalisés, c'est que ces aménagements ne fonctionnent dans la durée qu'à partir du moment où il y a une responsabilisation collective par rapport au coût de l'aménagement.

S'il est totalement financé par un seul organisme, tout le reste de la population se désintéresse, se décharge de l'aménagement prévention incendie sur la personne qui a financé, et une des meilleures façons de responsabiliser collectivement l'ensemble des partenaires, c'est de les faire tous participer au coût de l'établissement ou de l'entretien.

Un dernier point, c'est d'essayer, dans la mesure du possible, de développer des partenariats. L'aménagement d'une forêt périurbaine va concerner les forestiers, les populations locales et également les naturalistes qui recherchent dans cette forêt quelque chose d'attractif, éventuellement les activités agricoles.

On a beaucoup parlé d'un abandon de l'agriculture ; depuis ces 10 dernières années, il y a une tendance opposée, surtout en ce qui concerne l'élevage ; on observe un certain retour de l'élevage, en particulier grâce aux mesures environnementales mises en place par la France, suite aux recommandations de l'UE, et on peut citer le fait que depuis une dizaine d'années il y a 6 ou 700 génisses des Alpes qui descendent passer l'hiver et une partie du printemps dans les massifs forestiers méditerranéens. Il y a un certain nombre de systèmes d'élevage associés à la prévention des incendies de forêts, et un certain nombre d'activités agricoles qui participent d'une certaine façon au renforcement des dispositifs de prévention.

Il faut insister sur le fait que ces activités agricoles sont des activités quelquefois particulières qui ne sont pas identiques à celles que l'on connaît. Quand monsieur BONNIER disait que l'oléiculture ça ne tient pas le coup, quand c'est uniquement avec comme objectif unique de prévenir les incendies de forêt, c'est une évidence ; même chose pour l'élevage. Si on veut que l'élevage fasse de la prévention des incendies de forêt, c'est un élevage particulier conçu d'une autre façon, qu'il faut aider, parce qu'on lui impose des contraintes qui ne sont pas des contraintes classiques de l'élevage. C'est la même chose pour l'olive, l'amande...

M. le Président - Est-ce que vous souhaitez rajouter une réflexion ?

M. ETIENNE - La seule chose que j'aurais aimé que l'on discute, mais on n'a peut-être pas le temps, c'est la mise en place de plans intégrés d'aménagement de prévention des incendies de forêts.

J'anime un réseau où on essaie de réfléchir à la façon d'aménager de manière la plus performante possible des espaces forestiers pour qu'ils brûlent le moins possible.

On essaie de regrouper des praticiens : pompiers, forestiers ; des institutions : DDE, ONF, et un certain nombre de techniciens qui ont des connaissances sur l'élevage ou des techniciens de la recherche.

Réfléchir ensemble à ce type d'aménagements est quelque chose d'extrêmement important. Chacun a des exigences particulières, et il faut essayer de trouver un compromis qui permette de faire « la part du feu » , c'est-à-dire de considérer que dans un massif forestier, tant pis si ce morceau-là brûle, essayons de faire que le feu n'arrive pas jusqu'aux maisons, ni que les maisons mettent le feu au reste de la forêt. Il y a des priorités à définir sur l'espace, à partir de ces discussions et recherches en commun.

M. MARCILLAT (CNRS/UMR 6594) - Je me souviens qu'il avait été question de faire des études aérologiques. Le terme « aérologie » n'est pas du tout adapté, parce que l'aérologie c'est l'étude de la haute atmosphère, à plus de 3 000 m. Il faut plutôt parler d'aérodynamique que d'aérologie. Donc, je me suis étonné que la seule équipe dans la région à savoir traiter les problèmes de vent, de mécanique des fluides appliquée aux vent, n'ait pas été consultée, c'est pour cela que je me suis fait connaître ce matin.

Peut-être que l'assemblée ne se rend pas bien compte de pourquoi je suis là ?

J'ai toujours fait de l'aérodynamique dans ma carrière et depuis quelques années, nous arrivons, grâce aux énormes développement de l'informatique, à traiter les équations de la mécanique des fluides qui, par l'analyse mathématique classique, est impossible à résoudre.

Il faut impérativement avoir de très gros moyens informatiques et on sait le faire maintenant.

On a commencé, sous mon impulsion, à traiter les écoulements autour de bâtiments pour en déterminer les efforts qui s'exercent par le vent sur les structures.

Nous sommes sévèrement combattus par certains organismes français, c'est pour cela que nous travaillons plus pour l'étranger que pour la France, c'est vrai que les incendies, quand ils sont importants, je pense que lorsqu'il n'y a pas de vent les services de lutte savent très bien éteindre un incendie mais s'il y a un gros développement d'incendie, c'est bien parce qu'il y a du vent !

Peut-être que monsieur le préfet ne m'a pas très bien compris, mais nous sommes capables, lorsqu'on me donne un site, par exemple la Ste Victoire que nous avons reproduit, nous sommes capables de vous dire exactement quel va être l'écoulement du vent autour de ce massif.

On avait pensé donc aux calanques. On va me dire « pourquoi vous ne le faites pas ? ». Parce que ça coûte très cher, que ça nous savons le faire avec les moyens informatiques que nous avons, mais pour faire ce traitement à grosse échelle il faut encore plus de puissance de moyens informatiques.

Nous sommes capables de vous dire s'il y a des couloirs d'accélération du vent, s'il y a des zones de calme, s'il y a des zones tourbillonnaires, les plus néfastes aux propagations d'incendie. Nous pouvons prévoir.

Il y a un projet européen coordonné par le CEMAGREF auquel je suis associé, pour traiter le transport de particules incandescentes qui peuvent réinitier un incendie à plusieurs centaines de mètres, voire des kilomètres. Tout ça dépend de l'écoulement du vent. Si on ne connaît pas l'écoulement du vent, on ne peut pas prévoir comment va se dérouler la progression de l'incendie.

Si vous avez un sol plat, c'est inutile de traiter cela numériquement, le vent suivra le sol plat. Notre véritable intervention se borne aux terrains accidentés, en particulier les environs de Marseille, très représentatifs à cet égard.

Donc, nous sommes en mesure de reproduire cet écoulement par anticipation. Il est hors de question, si on connaît le point de départ, il est illusoire de nous téléphoner pour nous dire : est-ce que vous pourriez effectuer le calcul du site qui va entourer ce départ de feu, parce qu'un calcul sérieux, il faut savoir que cela représente plusieurs journées, surtout si le site est de grande dimension.

Ce que nous pouvons apporter ? Je ne dis pas qu'on va vous dire exactement que le feu va suivre le parcours du vent, mais il est fortement influencé. Il y a les effets thermiques que nous pouvons prendre en compte. Ce que je propose, c'est mon idée, peut-être qu'il y a des personnes ici qui ont d'autres idées, je les accueille volontiers, mais je pense qu'on peut déterminer par exemple le massif de l'Etoile on peut aussi le prendre à titre préventif, et on peut déterminer l'écoulement autour du massif de l'Etoile, complètement, en fonction du mistral.

On ne peut pas, dans un premier temps, prendre des effets thermiques en compte parce qu'on ne sait pas, a priori, où vont prendre naissance les effets thermiques, mais au moins vous aurez l'écoulement.

Chaque fois que j'ai rencontré des hommes de lutte, chaque fois ils avaient le souci de dire : on va mettre une flèche là parce qu'on pense que le vent va tourner ici, et j'ai 30 ans d'expérience en aérodynamique, c'est illusoire ; on ne peut pas prévoir, surtout quand il s'agit d'un phénomène tridimensionnel. On ne peut pas prévoir la direction du vent dans un système de collines, de vallons, etc.

Peut-être que vous seriez tentés de dire pourquoi avez-vous attendu aujourd'hui pour signaler ceci ? Parce que, comme je le disais, les moyens informatiques jusqu'à il y a 4 ou 5 ans, étaient insuffisants. On utilisait avant des souffleries, ce qui est « idiot », parce que l'écoulement du vent sur un site en modèle réduit à une échelle de 1/1 000ème, ou 1/50 000ème, n'a rien à voir avec l'écoulement autour d'un site en réalité. C'est mathématique. Ceux qui disent le contraire sont des menteurs ou des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent !

Voilà pourquoi nous arrivons seulement à proposer ce genre de traitement de simulation aujourd'hui, parce qu'avant nous ne pouvions pas le faire.

On m'avait demandé il y a une quinzaine d'années, de traiter l'écoulement du vent sur les collines entre Cassis et La Ciotat ; j'avais dit « ça n'est pas sérieux » ! « Cela ne donnera aucune représentation réelle de l'écoulement du vent sur la réalité de ces collines ».

Aujourd'hui, on sait le faire en numérique. Et ici, à Marseille, pas la peine d'aller très loin, cela se fait. En Australie, ils commencent à le faire. En France, je ne veux pas dire qui, ceux qui connaissent ces problèmes le sauront, on n'accepte pas ce genre de chose parce qu'évidemment, ça empêche les secours qui ont coûté très cher, qui ont coûté de l'argent.

Autre remarque : quand vous disiez : l'économie de la forêt. J'ai entendu dire que le chêne liège n'était pas détruit par un incendie. Je voudrais signaler qu'actuellement, nous sommes en plein au cours de cette affaire. La Russie est en train de reconsidérer complètement son programme énergétique et ils commencent à avoir le souci d'isoler leurs habitations, ce qui n'est absolument pas fait. Il paraît qu'il y a un régime de chauffage là-bas qui est absolument délirant ! Ils commencent à se préoccuper de leur isolation. Il existe des gens qui réalisent une isolation extérieure pour une habitation, avec un mélange de liège, de ciment, de résine, qui pourrait avoir des débouchés extraordinaires sur la Russie qui est demanderesse de cela, et je ne vois pas pourquoi, s'il y a des essences à replanter dans des espaces dévastés, on ne pourrait pas avoir l'idée de remettre au goût du jour le liège car j'ai entendu dire qu'on achetait le liège au Portugal.

M. le Président - Nous sommes preneurs de notes techniques sur vos méthodes et vos travaux.

M. MIDOUN - Je ne cesserai de redire l'importance de la préservation du sol.

J'ai parcouru le massif de l'Etoile et j'ai pu faire des cartographies, et j'ai constaté que le sol commence à partir notamment les zones où il atteint une épaisseur de 10 cm ; si on ne fait rien d'urgence pour retenir ce sol, on ne risque pas de revoir un pin ou un chêne reprendre le dessus sur ce massif.

Secundo, je mets l'accent sur la création de cette bande verte en périurbain malgré tous les problèmes que ça peut poser de rendre productives ces plantations d'oliviers mais, si je raisonne sur la protection du massif forestier et du périurbain, je n'ai pas tenu compte du côté productivité et rentabilité de l'olivier ou de l'amandier.

M. BONNIER - J'ai deux priorités à vous proposer concernant la communication.

J'ai dit que j'ai la conviction qu'on communique à tort et à travers ; on ne sait pas à qui on parle ; on ne sait pas le discours qu'attendent les gens, on ne sait pas quel discours tenir ; on est vraiment, à mon avis, dans la petite histoire de la communication. Il y a un effort considérable à faire pour savoir ce que les contemporains attendent de leur espace, ce que les citadins attendent du développement de la forêt périurbaine, ce qu'il attendent des pouvoirs publics, de leurs propres organisations.

Les élus politiques, qui sont au contact tous les jours avec les citoyens, ont le pressentiment de ces choses-là mais il y a une telle complexité qu'à mon avis, il y a un gros effort à accomplir.

J'ai apporté quelques exemplaires de la revue « Forêt méditerranéenne » où il y a le compte rendu de travaux faits en matière de communication, où on a mis le doigt sur cette nécessité absolue d'avoir une bonne connaissance de l'opinion, des projets des politiques. Il y a un travail à faire qui ne me paraît pas très onéreux, ça demande un peu de temps et beaucoup de collaboration entre les différentes personnes que vous avez su réunir, qui savent se réunir par ailleurs.

Secundo, et J.P. SAEZ l'a évoqué mais ça vaut la peine d'y revenir, à différentes reprises depuis 20 ans, notre fondateur le disait déjà, il y a nécessité de monter des conférences de massifs.

On a dit ici que la forêt méditerranéenne concerne une quantité très grande d'intervenants, d'institutions, de personnes, de groupes ; ces gens-là doivent savoir concerter, discuter à tout moment pour qu'on montre qu'il y a des gens qui ont envie de faire, et qu'ils puissent le dire aux autres, et finalement la forêt fonctionne par massifs.

Quand un feu part de Puy Ste Réparade, il va bien finir par arriver à Rognes puisque le mistral souffle dans ce sens. Donc, il faut régler les problèmes d'organisation intercommunale.

Monter des conférences de massifs, définir les massifs dans lesquels il y a une cohérence en matière d'organisation de la forêt contre l'incendie et à l'intérieur de cet espace qu'on aura défini, monter des groupes de gens comprenant les collectivités territoriales et intercommunautaires, mais aussi les pompiers, les forestiers privés qui ne sont pas représentés ici aujourd'hui, les forestiers publics, les administrations, les comités de feux de forêts, les chasseurs et les gens comme vous et moi qui ne sont rien de tout ça mais qui ont envie de dire des choses et qui doivent se concerter entre eux et d'une commune à l'autre.

Tous les ans, une séance de travail devrait se tenir afin de faire le point et permettre de préparer l'année suivante. Ce serait indispensable.

Réfléchir sur la communication donc, avec des moyens, du temps, de la patience, parce que les arbres poussent lentement et les idées encore plus !

Monter des conférences de massifs, au moins à titre expérimental.

M. TOLRON (CEMAGREF) - En termes de priorités, le maître mot c'est la cohérence. En d'autres termes, la priorité c'est peut-être de ne pas définir a priori de priorités mais de bien s'inscrire dans une stratégie générale.

Depuis ce matin, on a évoqué un tas de possibilités d'interventions qui toutes fonctionnent, mais aucune d'entre elles n'est suffisante.

Il est probable qu'il ne faut en éliminer aucune non plus.

Le débroussaillement à lui seul ne suffira pas mais ce n'est certainement pas une méthode à négliger.

Pour partir du plus général au plus particulier, il y a trois objectifs sur lesquels il faut éviter de perdre pied :

- L'aspect sociologique : définir un certain nombre d'objectifs, on ne sait pas très bien ce que veulent les gens finalement vis-à-vis de leur forêt, à quoi va-t-elle servir, qu'est-ce qu'on en attend.

Un projet social qu'il faut peut-être définir ensemble par une meilleure connaissance sociologique.

- Un volet économique : protéger la forêt c'est protéger des choses diverses : des monument classés situés dans le massif ; des écosystèmes ; une biotope ; des choses variées que l'on a beaucoup de mal à hiérarchiser parce qu'on est encore très faible en termes d'évaluation d'économie de l'environnement et, à mon avis, il y a certainement des priorités à faire progresser.

- La gestion des interfaces : il faut d'abord, me semble-t-il bien connaître la façon dont se présentent les interfaces urbanisme/agriculture/forêt ; quelles sont les dynamiques ? Y a-t-il des règles que l'on peut découvrir ? Y a-t-il des moyens d'actions qui permettent de les faire évoluer dans le sens choisi par rapport aux objectifs généraux fixés ?

Monsieur MARCILLAT rappelait qu'il y a encore des domaines où la recherche est pointue et où il y a encore quelques progrès qui pourront rapidement être intégrés dans les modèles opérationnels.

Tous ces volets sont importants ; le plus important est de les gérer en cohérence.

M. le Président - Donc, vous insistez sur la cohérence de l'ensemble des moyens.

M. SAEZ - Un mot pour revenir à la philosophie de la prévention qui est celle qui prévaut en milieu urbain, qui s'appelle le cloisonnement.

Si on a évité des catastrophes en milieu urbain en France, c'est bien parce qu'on a toujours pensé à cloisonner, à éviter que le feu ne gagne un autre compartiment que celui où il avait pris.

Cette philosophie pourrait s'appliquer utilement en milieu rural peut-être, par la remise au goût du jour de ce slogan des années 1970 : « pas de pays sans paysan » en « pas de paysage sans paysan » peut-être ? Donc, appliquer cette philosophie du cloisonnement.

Ensuite, ajouter un élément important sur lequel nous travaillons, c'est la valorisation en énergie des éléments propagateurs de l'incendie.

L'Entente Interdépartementale a bien conscience d'une chose, c'est que les incendies de forêts sont bien souvent plus des feux de broussaille.

Je renvoie ceux qui étaient sur le feu de Ste Victoire ou de l'Etoile, au constat suivant : les arbres, notamment les résineux, portaient toujours leurs aiguilles, certes roussies, mais portaient leurs aiguilles plusieurs jours après l'incendie ; c'est la broussaille qui avait chauffé la couronne des arbres et ils étaient condamnés.

La valorisation de la forêt méditerranéenne passe donc par le bon sens de certains qui ont anticipé sur la réglementation européenne qui interviendra en 2002 ; avec 20 ans d'avance, les scieurs de Lozère se sont posé la question de la valorisation de leurs déchets et ils ont eu l'idée de créer une S.A. en se disant « nous sommes producteurs de déchets, il faut pouvoir brûler ces déchets », et ils se sont donc mis en relation avec la société depuis 1982, 20 ans avant la directive européenne, et les 525 logements HLM de la ville de Mende, l'hôpital de Mende, le lycée de Mende sont chauffés avec ces fameux granulés de bois.

On sait faire du granulé de bois, ça marche aux Etats-Unis, au Canada, sachant qu'au Canada l'électricité est trois fois moins chère et que les Canadiens se mettent à faire du granulé de bois ; peut-on en faire avec d'autres produits de la forêt ? Je ne dis pas « déchets » parce que les forestiers n'aiment pas qu'on appelle « déchets » la broussaille, donc, avec d'autres produits de la forêt ?

Nous avons récolté des bois brûlés, des broussailles, nous avons récolté des rémanents et nous les avons fait produire dans une station et nous avons obtenu un produit adapté et comparable à celui fabriqué en Lozère. La vraie question c'est de dire : est-ce que le rendement énergétique est comparable au produit de Lozère ?

Il est absolument comparable en tous points. La seule différence réside dans le taux de cendres. Il est de 1 % dans le produit fabriqué en Lozère, 2 % dans les produits que nous avons pu tirer de la forêt : broussailles, rémanents, bois brûlés.

Cela ouvre des perspectives, et sans tomber dans le cynisme, on va être peut-être servi par la situation économique et sociale car les vrais problèmes, c'est qu'en Lozère on paie le kW à 14 centimes, alors qu'EDF le vend à 52 !

Nous ne savons pas encore aujourd'hui, nous n'avons pas fait d'étude permettant de dire que les coûts de ce produit le situeraient à hauteur du kW EDF ; on est optimiste.

Il ne s'agit pas pour nous de remettre au goût du jour des systèmes techniques qui avaient été initiées à l'époque, type « scorpion ». Le scorpion était un engin extraordinaire, capable d'extraire la biomasse sans intervention humaine. C'est sûr que ce n'est pas du débroussaillement collectif et bien souvent là où c'est nécessaire, mais elle pouvait être récoltée facilement sans augmenter les coûts d'exploitation de la biomasse. Nous y travaillons. Nous sommes très encouragés, l'Etat a déjà un _il très attentif puisque l'Etat a comme souci la cohésion sociale, si ça peut se concilier avec les démarches de protection de l'environnement que l'Entente conduit, c'est un feu vert.

M. le Président - Merci.

Que peuvent être les priorités dans une ville aussi importante que Marseille sur un sujet de cette nature ?

Est-ce que, d'ores et déjà, une équipe municipale a travaillé à ces priorités après avoir décanté la réflexion sur un incendie aussi important que celui de l'an dernier ?

M. ASSANTE - A partir du moment où le feu est passé et que nous avons vu le paysage lunaire qui s'offrait à nous, il convenait de prendre des dispositions rapidement pour faire en sorte que ce paysage redevienne un paysage magnifique et exemplaire, mais que nous puissions anticiper ce qui s'est passé dans les 10-15 ans à venir.

Le premier point qui m'est apparu, c'est qu'il puisse y avoir une grande cohérence entre les différentes collectivités ayant subi le feu.

Monsieur le préfet envisageait de mettre en place un comité de pilotage ; j'ai fait la proposition que ce comité pourrait se retrouver au travers du PIDAF de l'Etoile constitué ; il a donné immédiatement son accord, ce qui démontrait là une volonté de tous d'être efficace immédiatement et non pas de constituer des comités qui viennent les uns au-dessus des autres ou se marchent dessus.

Deuxième initiative prise, c'était de mettre en place un comité qui puisse rassembler non pas les partenaires institutionnels, mais tous ceux qui avaient un avis à donner sur le massif : associations, CIQ, particuliers, propriétaires privés, chasseurs, tous ceux qui avaient à jouer un rôle sur le massif, et ces deux structures ont marché en parallèle.

Pour pouvoir faire une réflexion prospective, il fallait définir un certain nombre de points.

Je ne sais pas comment on doit dire : études aérologiques ? Courants d'air ? Il fallait bien appréhender cette dimension du vent qui allait, par la suite, jouer un rôle déterminant pour que les équipes plus spécialisées en matière de sécurité puissent nous faire un certain nombre de recommandations.

Enfin, études de sols, parce que lorsque nous ouvrons ce type de réflexions à nos concitoyens, nous avons tout et n'importe quoi et sur les réponses que l'on apporte on n'est pas toujours cru autant qu'on aimerait l'être, donc il faut s'appuyer sur des études.

Quand on nous a dit de planter du chêne liège, il s'est avéré, après études de sol, que c'est impossible, mais si je l'avais dit comme ça, ça n'aurait pas passé. Quand c'est un spécialiste qui le dit, tout le monde écoute et nous ne manquons pas de vous inviter, monsieur MIDOUN, à chacune de nos réunions pour que vous puissiez le dire !

Il fallait aller plus loin et ne pas renouveler les expériences du passé et essayer d'être innovants.

Beaucoup de personnes considèrent les massifs ou la forêt comme un décor et, à partir de là, essayer d'avoir des idées novatrices ou définir une autre orientation devient difficile, parce que tout le monde regarde le massif comme une carte postale à l'intérieur duquel on ne doit rien faire. Il faut laisser la nature ; rien de mieux que la nature, ce qui veut dire qu'entre 10 et 20 ans, ça allait brûler de nouveau.

Tertio, à partir de la particularité de la décharge de Septèmes, nous avions à mettre en place une bande de sécurité pour que nous puissions éviter au moins de rendre moins possible la mise à feu du massif. En partant de cela, ça été accepté rapidement et on a demandé à ce qu'un certain nombre de cartes soient réfléchies pour définir des zones qui pourraient jouer non pas le rôle de coupe-feu car on nous a dits qu'on ne pouvait pas couper les feux, mais des zones tampons qui ralentissent ou permettent l'intervention plus facile à l'intérieur du massif.

Une fois définis un certain nombre de zones qui pouvaient jouer le rôle de tampon, lorsque nous avons le couloir du feu, lorsqu'on doit canaliser le feu soit faire des coupures perpendiculaires, des zones tampons perpendiculaires, on s'est demandé ce qu'on pouvait mettre là et la réflexion s'est faite que nous pouvions arriver à mettre là des zones tampons agricoles : vignes, oliviers.

Ce qui apparaît assez rapidement comme étant une réflexion possible positive de la part des institutionnels et professionnels, devient difficile à faire passer à nos concitoyens qui considèrent que nous dénaturons la nature, qu'on vient modifier l'environnement naturel et que ce n'est pas ce qu'il faut faire ; et là, vous avez raison, monsieur BONNIER, il faut mieux communiquer sur l'histoire de notre propre environnement, car les citadins que nous sommes avons un peu oublié cette histoire qui a fait l'aménagement de nos massifs qui faisait qu'à une certaine époque, on exploitait l'espace forestier non pas comme cela a été dit pour faciliter la nature, mais mieux s'en servir !

On a posé la question de savoir s'il y avait une rentabilité agricole de ces exploitations. Notre démarche n'était pas de rentabiliser une exploitation agricole mais d'essayer de trouver une activité à un chômeur d'aujourd'hui afin qu'il ne soit pas demain dans un contexte différent de ce que les gens ont comme concept aujourd'hui.

Sur ce massif, nous avons la chance d'avoir une vieille bastide que nous sommes en train de rénover et en faire un centre de pédagogie à la nature et là, comme dans les fermes pédagogiques, nous pouvons mettre des agriculteurs mais leur vocation pourrait être une sensibilisation à l'environnement mais la notion de rentabilité n'intervient plus de la même manière puisque la puissance publique assurant les moyens d'existence à l'agriculteur. Il y a à ce moment-là l'aménagement de l'espace pris en partie par la puissance publique et en partie par l'exploitant lui-même qui, lorsqu'il aura mis en rentabilité son massif, pourra équilibrer ses revenus et nous pensons que cela peut être positif.

Une autre réflexion s'est faite à partir de l'eau. Nous ne pouvons pas aménager cet espace pour l'instant s'il n'y a pas possibilité d'avoir de l'eau car, quoi que nous puissions penser, quoi qu'on puisse envisager : exploitation agricole, forestière, aménagement, mise en sécurité du massif, il faut de l'eau et, si on n'a pas d'eau sur un massif, on aura systématiquement toujours des difficultés, à moins qu'il ne devienne totalement calcaire et qu'on ne puisse plus rien y faire.

Donc, la mise en eau d'un massif, c'est extrêmement coûteux et il faut pouvoir se servir des réseaux qui existent aujourd'hui, s'il y en a.

Certains réseaux existent sur le plateau, mais c'est très cher de remettre en surface cette eau. Si on doit se servir de l'eau des Houillères de Gardanne qui viennent se jeter devant, il faut descendre à 315 m. Mais, sans l'eau, on ne fera rien. On ne pourra pas créer une nouvelle dynamique du massif ; si on veut faire de la brumisation, du goutte à goutte, il faudra bien avoir l'eau et donc tous ceux qui auront à intervenir sur ce massif, si on a la possibilité de mettre l'eau à l'intérieur du massif, tout le monde sera dans des conditions plus souples de travail et on pourra faire une exploitation du massif.

Aujourd'hui, nous en sommes à la cartographie de ce que je viens de dire. Une réunion aura lieu le 29 mai, on va arrêter chacune des zones et à partir de là, l'ensemble des partenaires auront à financer chacun des zones ou parties de zones.

Nous pensons que, si nous arrivons à parfaire ce que nous voulons faire sur ce secteur, nous pourrons le mettre en application sur d'autres massifs de Marseille et peut-être d'autres lieux.

Nous avons soulevé un formidable espoir dans une façon de travailler, un acharnement au travail pour innover, être à la hauteur de ce que nous avons soulevé comme aspirations.

M. le Président - Mon colonel, quelles sont les priorités de votre côté ?

Colonel MARTIN - Plusieurs points me semblent essentiels.

1 - L'approche globale du phénomène : feu, mais forêt aussi, à la fois en termes d'espace, de temps et de valorisation. L'approche doit être globale ; personne n'a raison ; la forêt n'appartient à personne, elle appartient à tout le monde, chacun a une part à lui, il faut pouvoir satisfaire l'ensemble des intérêts.

2 - Le retour d'expérience : il ne faut pas perdre ce qu'ont acquis nos anciens, il faut le capitaliser, pour pouvoir le réutiliser ; qu'on capitalise tout cela sous forme de formation.

On parle de debriefing lors d'opérations militaires, on parle de retour d'expérience parce que la mémoire c'est quelque chose de fugitif ; essayons de conserver la mémoire du passé pour faire un présent et surtout un demain, meilleurs.

3 - La Direction de la sécurité civile est très attachée aux plans de prévention des risques et l'approche globale, comme le retour d'expérience, doit s'appliquer aux PPR.

M. le Président - Je me tourne vers les assureurs.

On a entendu dire que, quand on voyait qu'on protégeait une maison pendant que la forêt brûlait, c'est vous qui vous frottiez les mains !

M. CHALVET (MACIF) - Merci, monsieur le député, de nous avoir invités.

Je voudrais faire état de trois manifestations.

J'étais ici le 13 février avec M. BOUDON, délégué à la sécurité routière, qui nous a expliqué les mesures du 27 novembre, qui a parlé de la convention Etat/assureurs de 1994 et du prochain renouvellement de cette convention.

On demande le financement des assureurs au niveau de la MACIF, 65 MF engagés sur 3 ans ; au niveau du syndicat des Mutuelles professionnelles des Mutuelles d'assurances, c'est 200 MF sur les 3 ans.

J'étais avant hier à Paris à une conférence organisée par le CEMAF et le maire de Longjumeau, rapporteur de la Commission urbanisme et prévention, a fait un exposé sur tous les problèmes administratifs et d'urbanisme, et par le biais du fonds BARNIER, il est souhaité que les assureurs là aussi interviennent dans le financement des PPR.

Enfin, aujourd'hui, les assureurs participent au financement de la prévention de la forêt.

Je voudrais rappeler le rôle de l'assureur ; le rôle classique de l'assureur.

Sa mission c'est d'encaisser des primes, de payer les sinistres, en fin d'année de faire des ratios pour voir si son équilibre technique est atteint.

Dans la mission classique de l'assureur, aujourd'hui la prévention n'est pas prévue ; par contre l'assureur a intérêt à faire de la prévention.

Le débroussaillement est prévu par le Code forestier ; pour une maison située à proximité d'un massif, le risque est moindre si elle est débroussaillée.

En matière d'incendie des véhicules, lorsque l'incendie est communiqué par un véhicule à une forêt, ou un bois, jusqu'à un passé récent c'était l'article 1380 alinéa 2 du Code civil, on devait prouver la faute ; aujourd'hui on applique la loi BADINTER du 5 juillet 1985 : à partir du moment où il y a implication d'un véhicule, l'assureur paie la forêt ou le bois.

La MACIF est le premier assureur automobile : 5 millions de véhicules et nous avons grand intérêt à ce que les bords de route ou d'autoroutes soient nettoyés.

L'assureur mutualiste veut aller au-delà ; la MACIF a créé le fonds SOMACIF qui intervient en aval et, en 1994, nous avons créé MACIF PREVENTION qui intervient en amont de l'assurance. Les grandes cibles sont la sécurité routière avec le 0,5 %.

Nous avons le risque nautique puisque nous avons de Béziers à Menton une côte.

Nous avons les risques naturels avec les inondations, et la prévention incendie avec la fondation pour la forêt depuis une dizaine d'années.

Ce qu'on peut dire en matière d'incendie, c'est que le risque a une fréquence très faible, mais une intensité très forte dans un tarif de multirisques ; la MACIF, c'est avant tout l'assureur du particulier, la multirisque, et dans l'incendie c'est une petite part mais pour un risque standard, c'est-à-dire un risque qui n'est pas situé au milieu d'une forêt.

J'ai « fait » l'incendie du Tanneron, j'ai remplacé l'inspecteur et j'ai réglé moi-même les dossiers ; nous avons eu à l'époque 14 maisons tout ou en partie brûlées de 0 à 100 %.

J'ai bien noté que dans l'incendie de la chaîne de l'Etoile, il n'y a pas eu de dégâts ou très peu, ce qui veut dire que le risque est redevenu standard ; il est devenu normal, mais pour nous ce n'est pas un plus par rapport au tarif.

M. BOUDON (MACIF) - C'est vrai que l'assureur intervient à la fin de ces drames, il a une image nocive et pourtant. Je suis ici représentant du groupement des Mutuelles d'assurance et, dans nos univers, nous avons une démarche de responsabilisation de nos adhérents qui est peut-être plus forte mais, lorsqu'on a une communication permanente avec 4 millions de sociétaires, 350 000 en Provence, on a un devoir d'information, de sensibilisation auquel on répond depuis une dizaine d'années ; ce n'est pas J.P. SAEZ et nos amis et partenaires de la Fondation de l'Entente qui nous démentiront.

Il est vrai que les comportements ont beaucoup évolué en France ; dans un certain nombre de domaines qui touchent aux risques incendie, nous n'avons pas fait grand chose.

La MACIF et les Mutuelles d'Assurances ont été très en pointe sur le terrain de la responsabilisation en instaurant des franchises sur le risque dommage automobiles, également en matière de vol on a été très sévère, on impose un certain nombre de contraintes. On sait bien que la MACIF a été turbulente sur le terrain des inondations et risques naturels puisqu'on a été l'assureur mutuelle à exclure de notre portefeuille les résidences qui étaient dans les zones inondables et ça nous a valu, aussi bien avec les élus que la population et la presse, quelques conflits majeurs.

Cela étant, aujourd'hui avec le recul, il est clair que tout le monde sait que nous avions raison et qu'aujourd'hui, lorsque ces sinistres arrivent dans des régions où se sont des crues torrentielles qui se répètent, l'assureur n'a plus une mauvaise image. On sait bien que c'est peut-être au niveau de la prévention qu'on va faire les choses et, si l'assureur n'a pas payé, il avait bien raison de le faire.

Est-ce qu'on peut faire un parallèle et faire le même raisonnement à l'égard des incendies périurbains ?

Je crois qu'il y a deux pistes de réflexions, j'élimine la sensibilisation et l'information qui me paraissent évidentes.

On sait bien qu'information et sensibilisation ne suffisent pas, il faut souvent passer à la contrainte. La contrainte pour un assureur, elle peut se dégager sous forme de 2 armes majeures :

- la sanction indemnitaire (je n'aime pas beaucoup, elle existe) ; c'est en clair : vous n'avez pas débroussaillé, donc c'était dans le contrat on n'indemnise pas.

Cette attitude finalement n'est pas très équitable parce qu'il y a tous ceux qui n'ont pas été touchés par l'événement mais qui, également, n'étaient pas soumis aux obligations, je ne la crois pas très bonne.

- il y en a une qui est beaucoup plus efficace, et je l'ai vu dans un certain nombre de domaines en particulier l'inondation, c'est celle de la sanction tarifaire.

A ce niveau-là, on peut, lorsque quelqu'un vient souscrire un contrat d'assurance, mettre l'accent sur la situation du risque. On est là dans une démarche d'analyse de risque. Si nous les acceptons, nous avons peut-être aussi des raisons de dire « attention, est-ce que vous avez bien débroussaillé ; est-ce que vous n'êtes pas en continuité avec un risque ? ». On peut faire une analyse de risque spécifique et à partir de là surtarifer le risque, sous le biais d'un questionnaire avec évidemment une incitation à l'effort.

Si le sociétaire revient en disant « vous m'aviez mis 10 % de plus, mais j'ai débroussaillé, j'ai mis une piscine, une motopompe », on peut arriver à une espèce de pédagogie de la prévention.

Je parle en mon nom personnel et non pas au nom de la profession, mais je pense que si les sinistres se répètent, l'assuré est comme tout le monde, si ça ne lui coûte pas d'argent, il est moins sensibilisé aussi.

Il n'est pas douteux que, peut-être, on puisse déboucher sur quelque chose qui s'apparente à une approche tarifaire qui va peut-être finalement modifier les comportements, y compris pour les gens qui ont des piscines qui en bouchent l'accès ou qui ne s'équipent pas de motopompes. Il y beaucoup de choses à faire de ce point de vue, c'est une piste de réflexion et non pas une proposition.

M. LAFFONT (GROUPAMA-MISSO) - Notre approche n'est pas différente de celle de nos collègues, je suis un administrateur de la compagnie et, en 1947, ce sont les propriétaires forestiers eux-mêmes qui ont créé cette mutuelle incendie, en même temps que les premières associations syndicales autorisées de prévention car, pour nous, ceci marche de pair.

Tout à l'heure, nous avons de la résine. Je voulais dire qu'à l'époque, un tonneau de résine valait un tonneau de Bordeaux puisque je suis de Bordeaux, et à l'époque ça valait le coup !

Faisant partie de l'Union des viticulteurs du sud de l'Europe, il y a quelques recherches sur la résine mais ça ne sera plus ce que c'était, car s'il y a une région qui cherche à rentabiliser la résine, les Landes sont intéressées.

GROUPAMA et MISSO assurent 500 000 ha de forêt en France : 250 000 en région Aquitaine ; 200 000 autres à l'extérieur, 500 000 en tout, puisque nous avons 500 000 hectares de forêts assurées en France.

Notre approche est une approche forestière, le siège de la propriété forestière est à Bordeaux, et c'est nous qui avons la responsabilité de l'assurance de certaines forêts, même en Méditerranée, nous avons aussi dans d'autres régions de France mais c'est resté à Bordeaux car c'est nous qui faisons l'audit de la situation de la forêt, et nous assurons givre, tempête, neige et une assurance forestière tiers.

Je me situe en tant que forestier et en tant qu'assurance forestière.

Il est évident que, si nous changeons les règles du jeu et que nous donnons une valeur à la forêt différente de celle qui existe par rapport aux bâtiments, nous y réfléchirons et les autres assureurs comme nous y réfléchiront.

Monsieur le Député, je vous remercie de nous avoir invités mais, comme j'ai également le rôle de la prévention en Aquitaine, je voudrais vous donner un sentiment pour votre rapport de synthèse.

Nous avons une forêt cultivée de plus de 1,4 millions d'hectares en Aquitaine, il y a une dualité qui passe très bien et nous travaillons ensemble. Je voudrais qu'en ce qui me concerne, nous ne nous trompions pas d'adversaire. Aujourd'hui, le thème était « les feux périurbains », il ne faudrait pas que la forêt soit accusée et qu'on charge encore le forestier ou les responsables qui ont en charge la forêt et donc, comme l'a dit M. BATTESTI ce matin, qu'il fallait chercher la stratégie à avoir, l'angle d'attaque, savoir à qui l'on s'adresse. D'autres personnes l'ont évoqué. C'est important. Je redis ce qui a été dit ce matin que 2 millions de personnes allaient arriver dans notre région ; s'ils y viennent c'est qu'il y a des attraits, et ces gens-là il faut leur faire prendre conscience, comme dans tout le sud-ouest que, pour avoir ce massif, nous avons payé et nous continuons à payer pour le protéger. Il faudrait peut-être que, pour bénéficier de cette forêt au ras de nos villes et au ras du périurbain, ils participent car nous disons, dans le sud-ouest, que l'acte gratuit n'est pas fédérateur. Quand vous signez un chèque, vous réfléchissez à deux fois lorsque vous le remplissez !

Lorsque, tous ensemble, nous montons un système de formation où les propriétaires forestiers participent à hauteur de 30 %, je peux vous dire que nous réfléchissons et que les feux périurbains nous posent des problèmes qui font réfléchir l'ensemble des acteurs économiques, notamment les élus.

Ouvrir la forêt et certes la forêt landaise est ouverte, on ne la ferme pas avec des barrières, mais on fait réfléchir les gens, et notamment les élus, à la responsabilité de leurs actes.

M. COLLIN (IPGR) - Je m'exprime non pas en qualité de ville de Marseille, mais en qualité de responsable d'un Institut de prévention et de gestion des risques qui comporte un certain nombre de professionnels et nous sommes fortement appuyés par le ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Equipement.

Les assureurs sont malheureusement absents de nos débats, et je lance un appel !

L'objet de l'Institut, c'est fondamentalement d'examiner ce qu'il en est des politiques communales en matière de risques.

Monsieur LAFFONT disait qu'il a lancé des invitations à des maires, or, ils ne sont pas là, ce qui revient à dire que nous touchons là un point fondamental qui mérite d'être amélioré, à savoir la prise en compte par les maires d'une véritable politique de prévention et de gestion des risques.

Evidemment, les maires ne sont pas isolés ; nous sommes dans des contextes de massifs forestiers.

Sur le plan de la gestion communale, il est bon de se souvenir et cela a été dit ce matin, que certains maires ont été condamnés, que le maire dispose de pouvoirs de police et donc de responsabilités. Il faut donc gérer les risques.

Il est facile d'identifier les risques en zone périurbaine ; il est facile également d'avoir des études qui vont permettre de dresser une cartographie de l'aléa.

Quand on connaît cet aléa, on va essayer de le réduire : d'abord, débroussailler, mais surtout gérer l'interface forêt/zone habitée.

Quand on a examiné le zonage de l'aléa, on peut dresser une cartographie de l'aléa qui prenne en compte non seulement le risque incendie mais l'ensemble des risques sur le territoire de la commune, et on peut examiner la vulnérabilité à l'intérieur de la zone d'aléa et construire un système géographique de risques.

Mais quand on a fait cela, on a tous les moyens qui sont fournis aux maires pour faire en sorte que les problèmes d'urbanisation soient traités, c'est-à-dire qu'à l'intérieur des zones qui sont des zones à risques, puissent se trouver des règlements particuliers, en particulier les règlements d'urbanisme.

On tiendra compte de ce qui est en place, de ce que l'on fera, des améliorations, des projets, mais en tout état de cause on doit avoir un droit des sols, c'est toujours du ressort du maire.

En ce qui concerne la veille ? Il y a tout ce qui a été décrit ce matin, c'est-à-dire tous les systèmes de comités de feux de forêts et autres et tous les services de secours qui travaillent.

Je voudrais insister toujours à la charge des maires lorsque l'Etat donne un dossier des risques majeurs, à partir de là on bâtit un dossier communal synthétique des risques majeurs. Quand cela est fait, le maire dispose d'un outil de communication, d'outils de sensibilisation.

L'organisation de la crise ? Selon la taille de la commune, on peut avoir des systèmes différents mais, là encore, on voit de très petites communes, je pense à une commune du Haut-Rhin qui a un risque sismique et qui a su très bien s'organiser.

Autrement dit, en Provence et dans les zones de feux de forêts pour les zones périurbaines, on peut s'organiser.

Enfin, une fois que la crise est passée, il y a la réhabilitation, l'organisation, la gestion, l'assurance, etc.

Il faut véritablement une prise en compte des pouvoirs de police des maires et une véritable gestion des risques sur les territoires communaux.

M. ROUX (Météo-France) - Quelles sont les propositions ? Pour nous, les feux périurbains sont la petite échelle de l'espace.

Qu'est-ce que c'est que cette petite échelle d'espace ? En ce qui concerne la petite échelle d'espace, c'est une échelle qui est une échelle d'un sixième du département. Voilà le domaine vers lequel nous essayons de travailler.

Comment y arrive-t-on ?

Ce qui se passe à cette échelle là est complètement tributaire sur le plan météo de ce qui existe au niveau de l'échelle plus grande. On se rend très vite compte que, pour connaître le temps qu'il fait ou va faire sur une petite région, un cinquième ou un sixième d'un département, il faut connaître les conditions qui existent, qui vont se développer à l'échelle plus grande, et on arrive comme cela très vite pour une région, à 48 h, à avoir à récolter et connaître et traiter un maximum d'informations.

Ceci étant, on a déjà tracé les axes de progrès sur lesquels je reviendrai.

Les conditions de cette petite échelle d'espace, dépendent de la grande échelle, autrement dit plus longue est l'échéance, plus petite est la précision géographique que l'on pourra apporter.

En quoi consiste le travail du service Météo ?

Le travail du service Météo est d'essayer de gagner en précision et en échéance.

Il faut toujours plus de moyens mais il y a un fait positif, c'est que les moyens informatiques coûtent un peu moins chers, mais on a besoin de moyens toujours plus gros... Météo-France est équipée aujourd'hui du plus gros calculateur opérationnel. Quand on parle de volume d'information à traiter, c'est nécessaire si on veut essayer de faire une prévision à moins de temps. Il y a 20 ans, il fallait 24 h de calculs pour une prévision à... 24 h.

Quels sont les progrès ? Ce sont les progrès techniques, scientifiques. Il nous faut des moyens de calculs, des modèles de prévisions, c'est-à-dire un système permettant de passer du temps qu'il faut au temps qu'il devra faire. Plus on complexifie, plus on veut de prévisions, plus il va falloir introduire de connaissances. Elles progressent avec le temps.

Une fois que nous avons sorti le modèle, un gros travail reste à faire, c'est celui de l'expert et nous, météorologistes, nous comptons aujourd'hui beaucoup sur l'expert ; le travail entre la machine et l'homme, nous en sommes là encore pour un certain temps.

En termes de propositions, ce qui existe dans cette région avec l'ensemble des partenaires qui sont plus ou moins représentés aujourd'hui ont montré que ce qui existe à Valabre est unique en Europe. Nous avons là un savoir-faire acquis et exportable avec la Sécurité civile. C'est ma première proposition.

Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour progresser en matière de prévision ; nous entamons la prévision à 7 jours, c'est important. Nous avons appris à exprimer un indice de confiance.

Pouvoir travailler à l'échelle de la semaine quand on sait que les événements en matière de risques d'incendie sont plus forts le week-end, on peut déjà s'y préparer et, si on met ces prévisions dans le domaine opérationnel, dans le circuit public, c'est qu'on y accorde une certaine confiance.

Qu'est-ce que l'on peut faire aussi ? Progressant donc à grande échelle, on va progresser à petite échelle. Tout ce qu'on gagne à grande échelle sera profitable pour la petite échelle et pour la prévision.

Il faut continuer ce qui se fait à Valabre en l'intensifiant, et apprendre sans doute à maintenir des niveaux de compétence acquis, savoir travailler ensemble.

Dans le domaine scientifique et technique, le cloisonnement n'est pas une bonne proposition toutefois !

En amont de tout ça, il y a une participation active à développer de Météo-France sur les plans particuliers aux risques ; nous apprenons à le faire dans d'autres domaines.

Il y a certes des coûts puisque, chaque fois que l'on réduit les échelles, on a plus de précisions et il faut plus de moyens. Il faut travailler en coopération, mais il y a beaucoup à apprendre, à connaître le comportement aérodynamique à petite échelle pour les feux périurbains, pour essayer de mieux prévoir en temps réel.

M. DEDIEU (DR ONF/PACA) - Je ne me suis exprimé tout à l'heure que sur des généralités sur la forêt ; je voudrais développer certains points indispensables.

On a beaucoup parlé et théorisé, et peu parlé des choses sur le terrain.

Je souhaite développer cet aspect. Les feux de forêts sont en rapport avec l'espace et le temps.

Tous les usagers sont concernés ; tout le monde est responsable : les communes, l'Etat, les particuliers. Concrètement, il faut voir que les nécessités sur le terrain de débroussaillement, les obligations, sont ou ne sont pas remplies. Les gens amenés à le faire, je pense à ce qui a été mis en place dans les années 1970, sont maintenant âgés, ils disparaissent, ils partent à la retraite et ne sont pas remplacés ; je pense aux anciens harkis qui ont développé dans cette région un travail considérable.

On est certes dans un domaine lié aux catastrophes et on peut craindre que, tant que les catastrophes n'arrivent pas, on n'est pas responsable de ce qui va se passer.

Il est clair que dans le fond, nous sommes victimes de notre succès, et la puissance publique pense pouvoir se désengager de cette activité. Je tiens à souligner cela ; c'est une politique dangereuse et cela aura à coup sûr des répercussions graves dans l'avenir. On peut être sûr qu'il y aura dans l'avenir des accidents bien pires que celui de l'Etoile.

On a souvent l'habitude dans ce genre de réflexions de dire : qu'est-ce qu'on peut changer dans la loi ?

Beaucoup de gens l'ont dit, les lois existent, les outils existent, encore faut-il avoir la volonté de s'en servir ; secundo, la principale loi, c'est le nerf de la guerre, c'est la loi de finances, c'est celle que vous votez chaque année, c'est celle-là qui est capitale, parce qu'on s'en rend bien compte tous les jours : nous n'avons plus les moyens de travailler correctement, donc ne nous étonnons pas si demain des accidents se produisent.

Je ne veux pas paraître comme étant en butte avec les services de l'Etat avec qui je travaille et qui partagent ce que je dis, mais ils n'ont pas la même liberté de parole que moi !

L'action que nous devons mener doit se traduire sur le court terme, sur le moyen terme et sur le long terme.

Sur le très court terme, c'est le nerf de la guerre, la loi de finances ; on ne fera rien sans cela.

On peut imaginer d'autres méthodes. La gestion forestière est sujette à de multiples contraintes. Ces multiples contraintes font qu'en France, comme dans les autres pays d'Europe, comme même dans les autres pays de la Méditerranée (je sors de mission en Turquie, Albanie), la forêt n'est pas rentable. La forêt ne peut pas s'auto-entretenir, surtout si on veut lui faire jouer plusieurs rôles.

Il faut bien que la société se pose la question de son financement et là, le problème que l'on a pu expérimenter sur le massif de l'Etoile, tout ce qui a été fait après, c'est fort bien, c'est un terrain d'expérience extraordinaire, mais ce qu'il faudrait, c'est anticiper ; c'est faire cela avant que le problème ne se présente. Il faut le faire sur tous les massifs ou ça n'a pas brûlé depuis longtemps et où on sait que ça va brûler.

Donc, anticiper et durer. Cela signifie que, pour le long terme, il faut faire des zonages affichant les responsabilités pour chacun.

Il est scandaleux que, quand un particulier achète une maison au milieu de la forêt, le notaire ne lui signale pas clairement qu'il y a des obligations, des sujétions et que cela fait partie du contrat !

Il est donc essentiel qu'il y ait une péréquation de financement pour les gens qui bénéficient de certaines positions privilégiées sur l'implantation du logement, et on a parlé de taxes à l'artificialisation des sols, etc. Ce qui compte, c'est d'en faire une, peu importe comment elle s'appelle ; de même que qui pollue doit payer, qui demande à être protégé doit payer cette protection d'une manière ou d'une autre.

On pourrait développer maints sujets là-dessus.

M. COQUET (DRA) - J'exprimerai les quelques préoccupations que nous avons pour l'heure, au niveau de mes services, partagées avec celles de la Direction de l'espace rural et de la forêt puisque, très fréquemment, ils nous convoquent à des réunions sur ces sujets. Cela se traduira par 5 propositions :

- La remise en ordre de différentes parties de la réglementation, surtout pas une nouvelle loi, pas de nouvelles mesures, par contre un peu de toilettage, notamment pour préciser et clarifier les responsabilités dans un certain nombre de domaines ; je parle du débroussaillement, du brûlage dirigé, je parle aussi de la poursuite des infractions. On a quelques différences avec les parquets parfois !

- La relance du débroussaillement obligatoire autour des habitations et des autres terrains urbains, en relançant cela au niveau des communes, mais en leur donnant les moyens et nous pouvons profiter d'une opportunité que sont les emplois jeunes, non pas pour faire le débroussaillement eux-mêmes, c'est le rôle des entreprises, mais pour organiser au niveau des communes auprès des maires, le service qui permettra de repérer les zones à débroussailler et à mener toutes les diligences administratives qui s'imposent.

Pour assurer la bonne marche administrative et technique de cette affaire, des services compétents comme ceux de l'ONF peuvent apporter les concours par convention.

Cela me paraît important de relancer ce débroussaillement obligatoire.

- Une mise en _uvre effective des PPR. Pour le moment, la réglementation existe, la pratique est en gestation ; on a quelques dizaines de communes où on l'étudie, et beaucoup ont la volonté d'arriver au bout de cette réglementation, certes lourde, mais qui me paraît indispensable.

- Mise en _uvre effective et généralisée dans l'espace rural de grandes coupures agricoles pâturées, voire débroussaillées manuellement en attendant de les mettre en culture.

Ceci notamment au niveau des interfaces entre zone urbanisée habitée et forêt qui risque de brûler. Là, il faut mettre toutes sortes de moyens et il y en a qui sont relativement simples.

Nous avons parlé de l'olivier ; en France, nous consommons 10 fois plus d'huile d'olive que nous en produisons et si on doublait la surface de nos oliviers on pourrait vendre au même prix, c'est-à-dire très élevé, l'huile de qualité produite. Seulement, il y a un effet pervers d'une réglementation communautaire imposée à la France, c'est de mettre sur une bouteille d'huile d'olive, même faite avec des olives produites en Espagne, « produit français » dès lors que la trituration est faite en France. Ce qui fait que certains importateurs importent des olives et fabriquent de l'huile « française ». Les bons citoyens qui veulent consommer leur huile française, achètent de cette huile-là à des prix bien plus bas, ce qui nuit à nos producteurs et ce qui nuit, surtout, à l'extension de nos oliveraies.

Il faudrait rendre obligatoire de mettre « fabriqué avec des olives étrangères », et non pas « produit français ». Voilà un point de réglementation important.

Les Italiens ont la même préoccupation et les producteurs italiens réclament cela à cor et à cri à leur Gouvernement.

- A la veille du renouvellement des contrats de plan, penser à assurer un financement aussi pérenne que possible des actions en matière de TFCI.

Il faut assurer, sur des périodes longues, un financement sur un niveau mérité ; quand on l'a défini, il faut s'y tenir.

M. MAZEROLLES (représentant M. JORDA) - Nous avons parlé de deux choses sur lesquelles nous travaillons à la direction :

- Météo-France utilise en partie des choses qui viennent de mes recherches, entreprises grâce à la direction des Bouches-du-Rhône, et nous avons à la direction un système qui nous permet de tracer les contours des incendies de forêts. Cela peut servir en prévision opérationnelle et cela peut servir aussi a posteriori pour toutes sortes de véhicules, de savoir s'il y avait quelque chose à tel endroit.

- Nous travaillons pour le compte de l'Entente Interdépartementale à un projet pour les PPR, qui peut servir à autre chose. Le règlement est en cours de diffusion par l'Entente en direction des départements membres de l'Entente. Ce règlement permettrait, en étant appliqué, de résoudre pas mal de problèmes évoqués puisqu'on prévoit la façon de construire les maisons, le débroussaillement, le problème des citernes à gaz, etc., toutes sortes de mesures pour améliorer la situation.

Le colonel JORDA vous adressera par courrier tous ces documents.

Une voix - La remise des crédits de travaux de débroussaillement aux préfectures pour les travaux d'office ne paraissent plus, donc on ne peut plus faire les travaux d'office, il faut que ce soit le maire qui paie.

M. SAEZ - Vous posez une question sur la déductibilité fiscale sur les travaux de débroussaillement : vous pouvez utiliser les entreprises d'insertion et payer ces entreprises avec les chèques emploi service que vous déduirez de vos impôts.

M. DEDIEU - Je crois qu'il faut cesser d'inciter les gens à faire appel à de l'emploi au rabais alors que le problème qu'on veut résoudre, c'est celui du chômage ; on est en train de tuer des emplois pérennes, des emplois qualifiés, en concurrençant avec des emplois au rabais !

M. DOUARD (DPPR) - Cela fait partie des propositions qui ont été faites dans le cadre de la réforme de la fiscalité pour mieux prendre en compte la fiscalité économique, l'idée est de déduire les travaux de prévention des risques, au même titre que l'on déduit les travaux d'isolation thermique ou acoustique ; nous l'avons proposé, nous ne savons pas si l'Assemblée nous suivra.

- La première proposition est de prendre en compte les deux dimensions du risque que sont l'aléa et la vulnérabilité. L'aléa c'est le feu, la vulnérabilité c'est ce qui brûle.

On a beaucoup travaillé sur l'aléa, peut-être moins sur la vulnérabilité, sur la façon de faire en sorte que les forêts brûlent moins et surtout que les maisons aient moins de chance de brûler, la façon de mieux défendre les maisons dans le cadre de l'extension périurbaine ; ça nous paraît un domaine sur lequel il est intéressant de travailler.

On a parlé ce matin du retour d'expérience et, dans ce retour, on a insisté sur le retour en ce qui concerne la lutte, moins en ce qui concerne l'urbanisation, la construction des maisons et la forêt.

- Développer tout ce qui est information, communication. Il n'y a pas un moyen unique, il y en a plusieurs. On peut songer à l'Education nationale, aux assurances.

Le rôle des collectivités locales est fondamental parce que rien ne remplace une communication de proximité.

L'enjeu est de faire comprendre aux gens que le risque zéro n'existe pas ; qu'ils s'approprient en quelque sorte le risque de cultiver la mémoire du risque et faire passer un certain nombre de messages techniques sur les modalités pour réduire le risque.

- La mise en _uvre des PPR, l'utilisation des outils créés par la loi de 1995.

Le PPR est le seul outil qui permette d'agir à la fois sur des dispositions constructives et d'urbanisme. A l'heure actuelle, on sait bien délimiter les secteurs à risque au niveau d'une commune ; il y a plusieurs méthodes techniques ; on arrive à déterminer des zones où il ne faut pas construire parce qu'on ne peut pas assurer une défense contre l'incendie correcte des secteurs à risque, et des secteurs où il faut prendre des précautions.

On a des progrès à faire sur les conseils techniques qu'on peut donner, mais on peut d'ores et déjà donner des recommandations.

- Développer les réflexions techniques sur la maison qui résiste aux incendies dans une certaine mesure.

On a parlé des décharges. Il y en a deux types : celles qui sont des installations classées, et celles qui sont des décharges sauvages ; l'action n'est probablement pas la même.

Les installations classées : il faut essayer de perfectionner les techniques pour prévenir les départs de feux. Des réflexions ont eu lieu ; une étude, un guide technique que met au point l'ADEME. On peut faire mieux que ce qu'on faisait il y a 3 ou 4 ans ; je pense que cela aura été un des effets de l'incendie de Marseille, d'inciter à faire des progrès dans ce sens.

Les décharges sauvages : il n'y a pas d'autres solutions que d'essayer de les fermer en utilisant les pouvoirs de police du maire.

Enfin, la logique de subsidiarité qui semble s'appliquer aux risques incendie de forêt comme à d'autres : il faut commencer en se demandant ce que chacun de nous peut faire au niveau individuel. Ce n'est pas la peine d'aller systématiquement demander de l'aide à la commune, à l'Etat, et on a à partir de ce moment-là un raisonnement logique pour essayer de trouver quelle doit être l'action, la place de chacun.

M. le Président - Merci, officiellement, de l'aide que vous nous apportez dans notre réflexion tant auprès de l'Office que de la décennie.

M. HEGAY - Je présenterai mes réflexions d'une manière non hiérarchisée, en distinguant l'utile, les utilitaires, et les catalyseurs.

D'abord, l'utile, c'est les mesures propres à assurer la défense de la forêt contre l'incendie, les feux de forêts en secteur périurbain, c'est d'éviter qu'il y ait un feu de forêt. Première chose à faire.

Pour l'utile, à mon avis, il faut d'une part qu'on continue sur la voie de l'anticipation pour la prévention, et la lutte.

On a des résultats qui sont très corrects, et ce n'est pas le feu de Septèmes qui va m'affoler outre mesure ; il y a eu un feu de 3 450 ha, et alors ! Il y a plusieurs années, on en brûlait 40 000 et on n'avait pas la prise de conscience sur un seul feu, et ce feu a fait plus de 50 % du budget annuel de l'an dernier. Donc, qu'on en tire des conclusions : qu'on dise sur ce feu, la prévention est à jeter à la poubelle, la lutte à la poubelle ; pas du tout ! Si on est arrivé à ce résultat, c'est bien parce que la prévention et la lutte sont particulièrement efficaces.

Les hommes : formation encore plus forte des professionnels parce que, même si la formation a des contraintes, il faut la payer, il faut que les sapeurs pompiers soient disponibles, mais c'est grâce à une formation intensive qui permet une lutte meilleure et d'éviter ce qu'on a réussi à éviter à Septèmes, de perdre la vie de sapeurs pompiers. C'est important.

Pour l'information du public (je regrette que M. BONNIER soit parti parce que j'avais deux ou trois choses à lui dire !), juste une chose : il ne faut surtout pas croire que d'une part, nous ne faisons aucune campagne d'évaluation de nos plans de communication, et que nos plans de communication sont sortis d'un chapeau, parce que ce n'est pas vrai !

Monsieur BONNIER trouve qu'on n'a jamais fait de retour d'information sur la communication. Erreur.

Il y a un an et demi, nous avons contacté une entreprise spécialisée en communication qui a fait un sondage pour savoir comment était perçue la forêt ; cela nous a permis de mesurer ce qui était bon, moins bon et de s'adapter.

D'autre part, les plans de communication annuels que l'Etat assure ne sont pas le fruit d'une répétition d'année sur année ! Pour établir un plan de communication, je demande à mes collaborateurs d'examiner de très près la base de données PROMETHEE parce que le plan de communication est adapté à la situation vécue, et c'est pour cela qu'il est important de rechercher les causes ; c'est par les causes de feux de forêt qu'on arrivera à mieux cibler.

Donc, qu'il ressente un besoin de mesurer sa communication, d'accord, mais au niveau de l'Etat, je ne peux pas accepter ce type d'argument !

Le matériel et j'ajoute la recherche : par l'intermédiaire du GIF, je les finance au niveau du Conservatoire de la Forêt méditerranéenne et je suis un des gros pourvoyeurs du financement de ce GIF ; si certains ont été oubliés, nous verrons comment ils peuvent s'intégrer.

Je ne financerai jamais non plus, soyons clair, je ne finance pas de recherche scientifique qui n'ait pas trait à la défense de la forêt contre l'incendie. La recherche fondamentale non. Je ne fais que de la recherche appliquée. Je n'ai pas les moyens d'assurer ces financements.

Dans l'utile, je classerai également l'application de la réglementation existante.

Comme le dit M. COQUET, la réglementation existante n'est pas parfaite, mais elle est bien faite. Il faut l'appliquer plus fortement qu'on ne le fait. Certes, il faudrait la dépoussiérer.

Je regrette qu'il n'y ait pas eu beaucoup de maires, parce que je rappelle encore que la principale responsabilité en la matière a été confiée aux maires, et l'Etat n'est qu'en deuxième rideau. Les collectivités également. Il faut quand même resensibiliser les maires, ainsi que tous les citoyens, et là c'est le civisme de tous. Je rappelle aussi que les obligations de débroussailler reposent sur les propriétaires ; ce n'est pas le maire ni l'Etat.

J'ai étudié la manière dont fonctionnait le fonds de débroussaillement. Il est certain qu'à l'heure actuelle, je ne m'engagerai pas et je pense que la Direction des espaces verts et de la forêt me suivra, nous ne nous engagerons pas sur le renouvellement du fonds tel qu'il existait ; je ne finance plus rien à fonds perdus. Je n'ai pas les moyens. Et quand on finance à fonds perdus, on ne récupère jamais.

Si ce fonds doit être conçu comme étant une avance de trésorerie aux municipalités le temps qu'elles fassent les démarches pour se retourner contre les propriétaires défaillants, d'accord. Si c'est pour financer à fonds perdus, il n'en est pas question.

Ce type d'opération n'a pas donné les résultats escomptés, et de loin !

Enfin, résorber les causes de feux clairement identifiés. Si on fait un travail important sur les causes, c'est pour en tirer des choses, et là il y a deux aspects fondamentaux : les décharges, certes les décharges sauvages il faut les supprimer, mais sur les décharges contrôlées je crois qu'il y a à la fois un aspect de réglementation nationale parce que dans le nord ou dans le sud, les décharges doivent répondre aux même normes. En revanche, j'aimerais qu'on tienne compte de la spécificité de la zone sud en la matière, qui doit renforcer le cahier des charges des décharges en zone sud. C'est ce que nous avons fait à l'issue du feu de Septèmes au niveau des décharges de première catégorie, et nous avons des paramètres supplémentaires à prendre en compte, notamment l'emplacement d'une future décharge par rapport à un massif forestier. Evitons de la mettre au vent du massif forestier ! Sous le vent, ce serait déjà mieux.

C'est peut-être « bête », mais c'est avec cela qu'on arrivera à régler d'autres problèmes.

Tout cela fait que la réglementation nationale n'est pas suffisante pour être applicable en zone sud, il nous faut une adaptabilité parce que nous sommes les seuls à avoir ce risque du feu de forêt.

Dans les utilitaires, je rappellerai les mesures pour défendre la forêt : normes de construction au niveau individuel, collectif, mitage ; voirie assez large.

Comme utilitaire, l'aménagement de la zone interface avec peut-être des oliviers, des amandiers, je ne me prononce pas. Il faut bien voir que ce n'est pas une solution unique qui permettra de régler le problème, c'est un stock de petites solutions.

Dans mon esprit, vis-à-vis des assurances, je ne comptais pas leur demander de financer, mais de nous aider sur la voie. Vous avez déjà une surprime si en plus vous pouvez nous aider à assurer une communication supérieure, à faire comprendre aux propriétaires qui ne débroussaillent pas que c'est dangereux pour la forêt et qu'ils sont responsables, ça nous aidera peut-être ; je ne demande rien de plus pour l'instant aux assurances !

Enfin, les catalyseurs : c'est-à-dire tous les modes d'approches nouvelles de la forêt pour lui reconnaître des fonctions multiples ; tout ce qu'on n'a pas fait, qu'on fait peu, notamment la valorisation économique de la forêt. Ce n'est peut-être pas facile mais il y a des axes qui ont été ouverts. Peut-être pas les granulés, mais il y a un tas d'autres choses, parce que je demeure persuadé que si on arrive à trouver une utilisation nouvelle de la forêt (elle a déjà été utilisée sous forme différente à de multiples reprises), un début de valorisation économique de la forêt, on réglera pas mal de soucis !

Enfin, une démarche non quantifiable en termes monétaire : une valorisation écologique.

Jusqu'à présent, la population ne s'émeut que s'il s'agit de la Ste Victoire ou du massif de l'Etoile, parce que ça a touché les marseillais. Si ça brûle en plein milieu ou tout près d'un village perdu, personne n'ira se dire : désastre écologique.

Je voudrais qu'on dédramatise certains feux. Je ne vais pas nier l'importance de la montagne Ste Victoire mais, pour un village, perdre la forêt à côté c'est aussi important que pour les Marseillais de perdre l'Etoile ou Ste Victoire.

Or, cette valorisation écologique de la perte, on a plutôt tendance à bétonner sur des lieux qui sont sensibles et pas sur le reste ! J'estime qu'il n'y a pas de hiérarchisation de forêt ; elle a une valeur partout, la valeur écologique est la même partout.

Tous ces éléments doivent intégrer d'une part le rapport coût/efficacité (parce que nous ne sommes plus en mesure de dépenser de l'argent inutilement) et surtout doivent assurer la pérennité des actions. Il y a trop de coupures vertes qu'on a faites et qu'on n'arrive plus à entretenir après, ça ne sert plus à rien.

Je ne finance plus de pistes nouvelles ; je ne finance que de la mise aux normes parce que j'estime que c'est le projet important et, quand on me demande des pistes nouvelles, je dis non cette année.

Je remercie monsieur DEDIEU de l'avoir dit, la question essentielle, c'est quand même le financement. Quand on regarde ce qu'on est capable de dépenser en matière de prévention, de lutte, d'aménagements et de reforestation, on fait appel à des sommes qui ne sont plus dans les moyens ni de l'Etat ni même des collectivités, sauf à les laisser exsangues.

Comme l'a dit monsieur COQUET, il faut en effet éviter que les crédits DFCI soient fonction des années, parce que sinon on pourrait conclure un effet pervers : qu'on arrive à dire aux services incendie « laissez brûler 4 000 ha, j'aurai plus de crédit l'an prochain, ce sera plus facile !

Heureusement les services d'incendie, je ne leur dis pas cela, même si je le disais ils diraient « le sous-préfet a disjoncté » !

Mais nous sommes jugés sur nos résultats et, comme ils sont bons, nous avons de moins en moins d'argent, et je ne peux pas me contenter d'une enveloppe budgétaire réduite de 43 % sur les 10 dernières années ; ce n'est pas possible. Je n'y arrive pas. J'ai réussi à remonter le Conservatoire de la forêt méditerranéenne de plus de 25 % mais c'est complètement aberrant ; ça demande des mois de travail et je n'ai pas autre chose.

Assurer au moins une stabilité, une pérennité de ces financements, c'est indispensable ; et si nous voulons qu'on aille plus loin, il faut réfléchir à nos modes de financements actuels ou à d'autres modes.

Au départ, le financement du Conservatoire était assuré par une taxe sur le prix des allumettes et donc, en fumant, je suis un protecteur de la forêt.

Créer une taxe parafiscale, c'est quelque chose de quasi impossible à l'heure actuelle ; nous en avons une qui existe, pourquoi ne pas l'étendre sur une taxe parafiscale le cas échéant sur des péages d'autoroute ? Parce que notre forêt, ce sont les Méditerranéens qui en profitent, mais les touristes aussi et ils ne paient pas ; or, c'est en été que ça brûle le plus, qu'on multiplie les risques parce que les gens sont dans la forêt. Parfois, ils ne connaissent pas les risques et nos campagnes d'information sont plus ciblées sur le sud de la France parce qu'on n'a pas les moyens de faire des campagnes nationales car elles sont trop cher, et l'accès aux médias télévisuels est démentiel !

Sur les méthodes de financement, je de demande pas la lune ! D'une part, une stabilité et je m'adresse directement à vous, monsieur le Député, parce que vous faites partie de ceux qui discutent la loi de finances, il faut pouvoir bien la discuter, y compris sur le Conservatoire de la forêt méditerranéenne à hauteur de ce qu'ils étaient quand il a été créé. Je ne dis même pas dans les grandes années. Il était prévu qu'ils étaient à 100 MF avec plus 25 % ; je suis à 62 MF et dans le même temps on a perdu 167 MF de crédit sur la défense de la forêt contre l'incendie.

Je ne demande pas la lune ; je ne dis pas « donnez-moi 1 milliard » mais qu'au moins, on puisse restaurer les crédits à hauteur de ce qu'ils étaient il y a même 5 ans, ça me suffira. On n'a pas besoin d'énormes crédits. Sachant, et c'est un point sur lequel j'insiste, on aura beau mettre en place un stock de crédits ; des mesures et des mesures et mobiliser l'effort de tous, je ne vous garantirai jamais que la forêt ne brûlera pas. Je ne vous garantirai jamais qu'on n'aura pas de feux catastrophe. J'ai appris une chose depuis que je m'occupe de forêt, c'est l'humilité que l'on doit avoir face aux forces de la nature.

On a eu une bonne année, c'est vrai parce qu'on n'est pas trop mauvais dans la lutte, on a même certains corps spécifiques de métier considérés comme les meilleurs du monde mais, si ça brûle trop, ce n'est pas parce qu'on est devenu mauvais mais il y a des forces de la nature contre lesquelles on ne peut rien, et le risque zéro, y compris en feux de forêts je ne connais pas ! Et quelqu'un qui dirait « vous avez une courbe descendante il faut arriver à brûler 2 000 ha par an dans les 5 années à venir », je ne m'engage pas dans cette voie-là et je rendrais mon « tablier » immédiatement parce que c'est strictement impossible, malgré tous nos efforts.

M. le Président - Merci.