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N° 1181

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 novembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :

(n° 1059) de M. CLAUDE GOASGUEN visant à créer une commission d'enquête sur la Mutuelle nationale des étudiants de France,

(n° 1100) de M. ANDRÉ ANGOT tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la Mutuelle Nationale des étudiants de France et ses filiales.

PAR

M. Alfred Recours,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Économie sociale.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Mme Raymonde Le Texier, MM. Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

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Pages

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 15

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 9 juillet 1998, M. Claude Goasguen et plusieurs de ses collègues ont déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 1059) visant à créer une commission d'enquête sur la Mutuelle nationale des étudiants de France. Le 30 septembre 1998, M. André Angot a également déposé une proposition de résolution (n° 1100) visant à créer une commission d'enquête sur la gestion de la MNEF et ses filiales.

Selon les auteurs de ces propositions de résolution, la création d'une commission d'enquête est justifiée par divers dysfonctionnements dans la gestion de cette mutuelle et de ses filiales commerciales dont la presse s'est faite l'écho depuis le mois d'avril dernier. Ils font valoir que cette mutuelle, qui demeure la première mutuelle étudiante et la seule mutuelle nationale, exerce une mission de service public et que le Parlement doit donc être pleinement informé de la gestion de cette structure, à laquelle près de 820 000 étudiants sont affiliés.

L'examen de la recevabilité de la demande de création de commission d'enquête nécessite le rappel préalable de quelques faits.

Les auteurs des propositions observent que différentes autorités de contrôle se sont saisies du dossier de la MNEF, à commencer par la Cour des comptes. Dans le cadre de son rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998, la Cour des comptes a en effet choisi d'examiner la gestion des assurances sociales des étudiants dont les principes d'organisation ont été définis par la loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948, étendant aux étudiants certaines dispositions de l'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicables aux assurés des professions non agricoles.

Au vu des contrôles réalisés par les comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale dans les sections locales mutualistes, la Cour a été amenée à porter une appréciation globalement favorable sur la qualité du service rendu par les mutuelles aux étudiants, tant en ce qui concerne la qualité de la liquidation des prestations que pour les délais de remboursement ou les faibles taux d'erreur observés. La Cour a toutefois constaté une coordination imparfaite entre les sections locales des mutuelles, les caisses primaires d'assurance maladie, les URSSAF et les établissements d'enseignement supérieur qui effectuent conjointement les opérations d'affiliation, d'immatriculation, de recouvrement des cotisations et de liquidation des prestations. Cela se traduit par une complication excessive et un manque de transparence des procédures.

S'agissant des relations entre les mutuelles et la CNAM (qui contribue pour 2,775 milliards de francs au financement du régime étudiant, soit à hauteur de 81 %), la Cour des comptes a constaté que les remises de gestion, versées par le régime général pour financer les frais induits par le service des prestations obligatoires aux étudiants par les sections locales, ne correspondaient pas toujours au coût réel du service rendu, avec d'ailleurs de fortes disparités selon les mutuelles. En ce qui concerne la gestion des mutuelles étudiantes proprement dites, la Cour a noté qu'elles ont développé, souvent avec le soutien des pouvoirs publics, un certain nombre de filiales commerciales spécialisées dans l'offre diversifiée de services correspondant à des besoins nouveaux des étudiants (logement, stages, assurances, agences de voyages, magazines,...), mais aussi parfois sans rapport direct avec le monde étudiant (impression, informatique ou communication).

Sur des aspects de la gestion des mutuelles étudiantes qui ne sont pas présentés dans son rapport adressé au Parlement, la Cour a découvert, à l'occasion de ses contrôles, des faits de nature à motiver la saisine de la justice pénale. Conformément à l'article 51 du décret n° 85-199 du 11 février 1985 relatif à la Cour des comptes, elle en a informé le procureur général près la Cour des comptes. Celui-ci a adressé, le 31 juillet 1998, une communication sur ces faits au Garde des sceaux et aux ministres intéressés, à savoir le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Par lettre en date du 2 septembre 1998 adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale, le Garde des sceaux a indiqué avoir transmis le 4 août 1998 au procureur général près la cour d'appel de Paris les éléments recueillis par le procureur général près la Cour des comptes. Sur la base de ces constatations, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a décidé d'ouvrir, le 9 septembre 1998, une information judiciaire contre X des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, recel et conservation illégale d'intérêts sur une partie des faits dénoncés par la Cour des comptes, et d'ordonner sur une autre partie de ces faits une enquête préliminaire.

L'existence de ces procédures judiciaires nécessite de mener un examen approfondi de la recevabilité des deux propositions de résolution au regard des dispositions conjointes du troisième alinéa du I de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et du deuxième alinéa de l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui interdisent à l'Assemblée nationale d'enquêter " sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ".

Dans sa lettre précitée, le Garde des sceaux laisse à l'Assemblée nationale " le soin d'apprécier si ces procédures ne sont pas de nature à faire obstacle à la création de la commission d'enquête  ". Cette formule classique est employée par le Garde des sceaux chaque fois qu'il y a des poursuites judiciaires touchant à l'objet de la commission d'enquête. Il ne se prononce de manière catégorique qu'en l'absence totale de poursuites.

Il appartient donc à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, puis à l'Assemblée nationale elle-même, de déterminer si ces procédures judiciaires sont de nature à empêcher la constitution d'une commission d'enquête parlementaire.

Pour éclairer la décision de la commission, il faut rappeler qu'il a été admis, dès 19711, que l'existence de poursuites judiciaires n'était pas à elle seule une cause d'irrecevabilité d'une demande de constitution de commission d'enquête, mais qu'il s'agit d'un élément important à prendre en compte pour limiter les pouvoirs d'investigation de ladite commission, dans la mesure de l'étendue des faits dont est saisie, pour sa part, l'autorité judiciaire. L'Assemblée nationale a ainsi déjà décidé à plusieurs reprises de constituer une commission d'enquête malgré l'existence de poursuites judiciaires, dès lors que ces faits étaient écartés de son champ d'investigation. On peut citer la commission d'enquête sur les activités du service d'action civique en 1982, celle qui s'est penchée sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques en 1991 ou la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais en 1994.

Il ressort de ces précédents que, si la capacité d'enquête de l'Assemblée nationale peut être limitée, elle n'est pas anéantie, à condition que le champ d'investigation de la commission soit défini de manière large et souple. Centrer l'enquête sur la seule MNEF serait prendre le risque de rencontrer constamment l'obstacle résultant du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et, en fin de compte, de mener la commission d'enquête à une impasse.

En revanche, dans l'état actuel des procédures, il apparaît qu'une commission aurait une grande latitude pour enquêter sur le régime étudiant de sécurité sociale, à la lumière des constatations et des observations de la Cour des comptes qui, en conclusion de son étude, note que " le régime étudiant est à la croisée des chemins. "

Il est en effet important que le Parlement se prononce sur l'état actuel et l'avenir du régime de sécurité sociale des étudiants. Celui-ci s'est ouvert à la concurrence dans les années 1970 avec l'apparition de dix mutuelles régionales en plus de la MNEF. Ce régime, qui concerne 1,3 million de personnes, ne doit pas échapper au débat général sur l'évolution du système français de protection sociale et de soins, avec notamment la mise en place de la couverture maladie universelle. Trois options sont en fait ouvertes pour gérer à l'avenir la sécurité sociale des étudiants : soit conserver un système mutualiste étudiant, soit ouvrir ce marché aux assureurs privés, soit le faire gérer directement par la CNAM.

Les organismes mutualistes qui gèrent actuellement le régime étudiant de sécurité sociale sont également concernés par l'harmonisation européenne du droit des mutuelles, qui implique la transposition par la France de deux directives communautaires sur la libre prestation de services dans le domaine de l'assurance, pour laquelle le Gouvernement a confié une mission d'étude à M. Michel Rocard. Enfin, la mise en place du plan social étudiant annoncé par M. Claude Allègre implique d'y associer les mutuelles étudiantes, qui sont directement au contact de la population concernée.

En conclusion, serait recevable, opportune et utile la création d'une commission d'enquête qui envisagerait dans sa globalité le problème du régime étudiant de sécurité sociale.

Une telle définition du champ de l'enquête ne soulève pas de difficultés au regard de la seconde condition de recevabilité posée par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée et par l'article 140 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui est relative à la définition précise, soit des faits déterminés qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. Le régime étudiant de sécurité sociale dans son ensemble constitue en effet un service public.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur est donc favorable à la création d'une commission d'enquête sur le régime étudiant de sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné les propositions de résolution n° 1059 et n° 1100 au cours de sa séance du jeudi 5 novembre 1998.

Après l'exposé du rapporteur, M. Claude Goasguen a considéré que la proposition du rapporteur d'enquêter sur l'ensemble du régime étudiant de sécurité sociale, à partir de remarques faites par la Cour des comptes sur des dysfonctionnements de ce régime, dénature l'objet des propositions de résolution initiales qui visaient explicitement la MNEF et ses filiales.

L'article 140 du Règlement, qui définit le champ des commissions d'enquête, retient en effet une alternative : celles-ci portent soit sur des faits précis, soit sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale. Pour ce qui est des faits, si ceux-ci existent clairement en ce qui concerne la MNEF, ce n'est pas le cas pour l'ensemble du régime étudiant de sécurité sociale et notamment pour les autres mutuelles étudiantes qui ne sont pas en cause. La proposition du rapporteur, qui vise astucieusement à globaliser le problème, met en fait en cause des organismes qui n'ont rien à se reprocher. Cet amalgame est regrettable. Si l'on s'attache par ailleurs au deuxième critère retenu par l'article 140 du Règlement, la proposition de résolution du rapporteur n'est pas recevable car on ne peut pas considérer que les mutuelles et la sécurité sociale étudiantes sont des services publics.

Plutôt que de se borner à réaliser une étude en complément du rapport de la Cour des comptes, il faut revenir au texte des deux propositions initiales et se concentrer sur le problème de la MNEF, qui est un problème délictueux. Il est clair qu'il existe une réticence politique à traiter du dossier de la MNEF. Le parquet de Paris avance avec une lenteur inacceptable et le Garde des sceaux ne lui a toujours pas donné d'instructions comme elle en a, pour le moment encore, le pouvoir et le devoir. De même, on doit se demander pourquoi un administrateur provisoire n'a toujours pas été nommé.

La proposition du rapporteur qui vise à " noyer le poisson " est donc inacceptable.

M. Jean-Paul Bacquet, tout en déclarant partager l'indignation du précédent orateur sur l'existence d'actes délictueux qui portent préjudice au monde étudiant et au système de protection sociale en général, a estimé nécessaire d'aller au-delà de ces faits et de s'interroger sur la capacité de gestion par les étudiants d'un système de sécurité sociale mutualiste, qui constitue par ailleurs indubitablement un service public.

M. Maxime Gremetz a fait part de ses interrogations au vu des conclusions du rapporteur. L'élargissement du champ d'investigation de la commission d'enquête risque de jeter la suspicion sur les autres mutuelles étudiantes alors que l'on ne dispose d'aucune certitude sur le dysfonctionnement de tout le système. Au nom de la nécessaire transparence politique, il faut enquêter sur des agissements douteux mais, compte tenu des textes, il convient de déterminer au préalable s'il est juridiquement possible ou non de créer une commission d'enquête sur la seule MNEF.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la création d'une commission d'enquête en général ne doit pas avoir pour conséquence de jeter a priori la suspicion sur les organismes étudiés. S'agissant du déroulement de l'enquête préliminaire, on ne dispose officiellement d'aucune information sur son état d'avancement.

M. Claude Goasguen a indiqué qu'une enquête préliminaire, qui n'est pas un acte de justice, a été lancée par le parquet de Paris sur une filiale de la MNEF. Par ailleurs, l'existence de poursuites judiciaires n'est pas un obstacle à la création d'une commission d'enquête mais elle impose seulement une limitation de son champ d'investigation.

M. Alfred Recours, rapporteur, a rappelé les termes du I de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui appartient au système constitutionnel et que ne font que reprendre les articles 140 et 141 du Règlement, selon lesquels les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, et selon lesquels également il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

En l'espèce, des poursuites sont en cours puisque le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a décidé d'ouvrir, le 9 septembre 1998, une information judiciaire contre X des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, recel et conservation illégale d'intérêts. Le déclenchement de cette procédure n'était pas connu des auteurs de la proposition de résolution n° 1059 qui l'ont déposée le 9 juillet 1998. Il n'est donc pas possible de créer n'importe quelle commission d'enquête, sans délimiter précisément son champ d'investigation et sans exclure des faits qui sont déterminés mais qui font l'objet de poursuites judiciaires. Il faut donc s'appuyer sur la deuxième possibilité offerte par l'ordonnance de 1958, c'est-à-dire d'étudier la gestion d'un service public, en considérant - comme l'a d'ailleurs déjà fait le Conseil d'Etat - que la sécurité sociale est un service public.

Créer une commission d'enquête pour pallier la lenteur de la justice serait précisément aller à l'encontre de l'ordonnance de 1958 et du principe de séparation des pouvoirs, puisque le Parlement serait ainsi amené à s'immiscer dans le fonctionnement de la justice. Si l'on souhaite vraiment la création d'une commission d'enquête, il faut se garder de lui assigner comme mission l'examen de faits sur lesquels, justement, elle ne pourra mener d'enquête.

Par ailleurs, c'est la commission d'enquête elle-même qui déterminera son programme de travail. Il appartiendra donc à ses membres, et notamment à son président et à son rapporteur, de mener leurs investigations en allant au plus près des faits, en frôlant sans la franchir la " ligne jaune " que constitue le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire.

M. Claude Goasguen a jugé que le dernier argument du rapporteur n'était pas sans intérêt, mais que ses conclusions constituaient néanmoins un véritable " tour de passe-passe " puisqu'elles conduisent à exclure la MNEF du champ d'investigation de la commission d'enquête. La majorité doit donc faire la preuve de sa volonté de faire toute la lumière sur les faits précis concernant la MNEF, en permettant à l'opposition d'accéder à la fonction de président ou de rapporteur de la commission d'enquête, comme ce fut le cas pour la commission d'enquête sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques en 1991.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré convaincu par la démonstration du rapporteur et favorable à ce que l'opposition soit étroitement associée à la conduite de la commission d'enquête.

M. Alfred Recours, rapporteur, a nié que, par l'adoption du texte qu'il propose, la MNEF serait exclue du champ d'investigation de la commission d'enquête. Bien au contraire, la définition large de ce champ permet d'enquêter sur la MNEF. La Cour des comptes a constaté, dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale de 1998, que cette mutuelle a développé, souvent avec le soutien des pouvoirs publics, un certain nombre de filiales commerciales spécialisées dans l'offre diversifiée de services correspondants à des besoins nouveaux des étudiants, mais aussi parfois sans rapport direct avec le monde étudiant. Les aspects non judiciaires de la gestion des filiales des mutuelles étudiantes pourront donc être examinés par la commission d'enquête.

Comme l'indique le II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis et ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service. Toutefois, ils doivent respecter le principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.

M. Bruno Bourg-Broc a indiqué qu'il s'abstiendrait sur le vote des conclusions présentées par le rapporteur, car elles ne correspondent pas à l'objet initial des propositions de résolution, et il a souhaité que la majorité s'engage formellement à ce qu'un député de l'opposition puisse occuper la fonction de président ou de rapporteur de la commission d'enquête.

Le président Jean Le Garrec a pris acte de la demande formulée par MM. Claude Goasguen et Bruno Bourg-Broc, mais il a observé que la répartition des postes au sein de la commission d'enquête ne pouvait évidemment pas se faire dans le cadre du débat, en commission ou en séance publique, sur la proposition de résolution.

La commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur, tendant à créer une commission d'enquête de trente membres sur le régime étudiant de sécurité sociale.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE RÉGIME ÉTUDIANT DE SÉCURITÉ SOCIALE

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement, une commission d'enquête de trente membres sur le régime étudiant de sécurité sociale.

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N° 1181.- Rapport de M. Alfred Recours (au nom de la commission des affaires culturelles), sur les propositions de résolution
- de M. Claude Goasguen visant à créer une commission d'enquête sur la Mutuelle nationale des étudiants de France (n° 1059),
- de M. André Angot tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la Mutuelle Nationale des étudiants de France et ses filiales (n° 1100).

1 Rapport n° 2290 (IVème législature) de M. Le Douarec au nom de la commission d'enquête sur le fonctionnement des sociétés civiles de placement immobilier, p. 162