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le 21 décembre 1998

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N° 1275

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 décembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR :

I. — LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (n° 1229) relatif à la Nouvelle-Calédonie ;

II. — LE PROJET DE LOI (n° 1228) relatif à la Nouvelle-Calédonie,

PAR M. RENÉ DOSIÈRE,

Député.

——

TOME I

EXPOSÉ GÉNÉRAL — AUDITION

EXAMEN DES ARTICLES

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

T.O.M. et collectivités territoriales d’outre-mer.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 13

I. —  LE PROCESSUS DE NOUMÉA 15

II. —  UN NOUVEAU CADRE INSTITUTIONNEL 18

III. —  VERS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE APAISÉE EN NOUVELLE-CALÉDONIE 20

IV. —  LA RECONNAISSANCE DE L’IDENTITÉ KANAK : LA COUTUME 23

V. —  UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 25

VI.—  EN ATTENTE D’UN DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ 27

VII. —  LES PROJETS DE LOI ORGANIQUE ET ORDINAIRE 31

AUDITION DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT À L’OUTRE-MER 33

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE 43

Article premier : Organisation géographique, administrative et coutumière de la Nouvelle-Calédonie 43

Article 2 : Institutions de la Nouvelle-Calédonie – Haut-commissaire – Représentation au Parlement et au Conseil économique et social de la République 44

Article 3 : Citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie 45

Article 4 : Signes distinctifs 46

Article 5 : La propriété foncière 47

TITRE PREMIER – STATUT CIVIL COUTUMIER ET PROPRIÉTÉ COUTUMIÈRE 48

Article 6 : Champ d’application de la coutume 48

Article 7 : Registre d’état civil coutumier 48

Article 8 : Rapports juridiques entre personnes de statut civil différent 49

Article 9 : Transmission du statut civil coutumier 49

Article 10 : Octroi du statut civil coutumier à un mineur 50

Article 11 : Octroi du statut civil coutumier aux jeunes majeurs 52

Article 12 : Changement de statut civil 52

Article 13 : Juridiction compétente 54

Article 14 : Action en déclaration du statut 54

Article 15 : Requête pour l’accès ou le retour au statut civil coutumier - Consultation de l’autorité coutumière 55

Article 16 : Effets à l’égard des tiers 55

Article 17 : Les terres coutumières 56

Articles additionnels après le Titre premier : Organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie 57

TITRE II – LES COMPÉTENCES 58

Chapitre Premier : La répartition des compétences entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes 58

Article 18 : Compétences de droit commun des provinces 58

Section 1 : Compétences de l’Etat et de la Nouvelle-Calédonie 59

Article 19 : Compétences de l’Etat 59

Article 20 : Application à la Nouvelle-Calédonie des lois de souveraineté et des lois comportant une mention expresse 62

Article 21 : Compétences de la Nouvelle-Calédonie 63

Article 22 : Transfert d’établissements publics à la Nouvelle-Calédonie 64

Article 23 : Protection du marché du travail local 65

Article 24 : Entrée en vigueur des compétences de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces 71

Article 25 : Entrée en vigueur des compétences transférées à terme 71

Article 26 : Transfert de compétences organisé par une loi organique ultérieure 72

Section 2 : Relations extérieures de la Nouvelle-Calédonie et association de la Nouvelle-Calédonie à des compétences de l’Etat 73

Article 27 : Pouvoirs du gouvernement dans les domaines de compétence de l’Etat 73

Article 28 : Pouvoirs du gouvernement dans les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie 74

Article 29 : Négociations relatives aux relations entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Calédonie 74

Article 30 : Appartenance de la Nouvelle-Calédonie et des organisations internationales 75

Article 31 : Représentations extérieures de la Nouvelle-Calédonie 75

Article 32 : Conventions de coopération décentralisée 76

Article 33 : Consultation du gouvernement en matière d’entrée et de séjour des étrangers 77

Article 34 : Maintien de l’ordre 78

Article 35 : Casinos, cercles, jeux de hasard et loteries 78

Article 36 : Communication audiovisuelle 80

Article 37 : Enseignement supérieur, recherche et enseignement secondaire 81

Section 3 : Compétence minière 82

Article 38 : Schéma de mise en valeur des richesses minières 82

Article 39 : Réglementation minière 83

Article 40 : Comité consultatif des mines 83

Article 41 : Conseil des mines et règles applicables à la prise de décision en matière minière 84

Section 4 : Domanialité 87

Article 42 : Compétences domaniales 87

Article 43 : Consistance du domaine de la Nouvelle-Calédonie 88

Article 44 : Domaine public maritime des provinces et domaine public de la Nouvelle-Calédonie 88

Article 45 : Compétences domaniales des provinces 90

Section 5 : Relations entre les collectivités publiques 90

Article 46 : Délégations de compétences en matière de réglementation, de gestion et de décisions individuelles 90

Article 47 : Création du comité des finances locales 91

Article 48 : Fonctionnement des fonds de péréquation destinés aux communes 92

Article 49 : Approbation par la province des documents d’urbanisme de la commune 96

Article 50 : Conditions de délivrance des autorisations de concessions électriques 96

Article 51 : Assiette des impôts institués au bénéfice des provinces et des communes 97

Article 52 : Conditions de création de sociétés d’économie mixte et de prise de participation au capital de sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général 97

Article 53 : Conditions de création de syndicats mixtes 98

Chapitre II : Les modalités des transferts de compétences 98

Article 54 : Modalités de compensation des charges correspondant aux compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces 98

Article 55 : Conditions de transfert des services de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces 100

Article 56 : Conditions de transfert à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces des biens appartenant à l'Etat et affectés à l’exercice de compétences transférées 100

TITRE III – LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 100

Chapitre Premier : Le congrès 101

Section 1 : Règles de fonctionnement 101

Article 57 : Composition du congrès 101

Article 58 : Bureau du congrès 102

Article 59 : Règles applicables au président du congrès 103

Articles 60 et 61 : Régime des sessions 103

Article 62 : Publicité des séances - Police du congrès 105

Article 63 : Personnel du congrès 105

Article 64 : Représentation du congrès en justice 105

Article 65 : Délégation de pouvoir au président - Rôle d’ordonnateur des dépenses 106

Article 66 : Conditions de validité des délibérations 106

Article 67 : Démission d’un membre du congrès 107

Article 68 : Initiative des lois et délibérations 108

Article 69 : Information des membres du congrès sur les affaires en discussion 108

Article 70 : Fixation de l’ordre du jour 109

Article 71 : Procès-verbal des séances 110

Article 72 : Indemnités et défraiement 110

Article 73 : Constitution et moyens de fonctionnement des groupes politiques 111

Article 74 : Désignation et compétences de la commission permanente 111

Article 75 : Fonctionnement de la commission permanente 112

Article 76 : Droit du haut-commissaire à être entendu par le congrès ou la commission permanente 113

Section 2 : Attributions du Congrès 113

Article 77 : Compétences du congrès 113

Article 78 : Pouvoirs budgétaires de l’assemblée 114

Article 79 : Entrée en vigueur des dispositions fiscales 114

Article 80 : Sanctions pénales et administratives des infractions à la réglementation de Nouvelle-Calédonie 115

Article 81 : Peines d’emprisonnement 115

Article 82 : Réglementation du droit de transaction 116

Article 83 : Consultation du congrès sur les projets de loi autorisant la ratification de certains traités ou accords et certaines propositions d’actes communautaires 117

Article 84 : Consultation du congrès sur les textes législatifs concernant la Nouvelle-Calédonie 118

Article 85 : Résolutions du congrès 120

Article 86 : Régime des délégations de service public 120

Article 87 : Représentation du congrès auprès de l’institut d’émission d’outre-mer 121

Article 88 : Responsabilité du gouvernement devant le congrès 121

Article 89 : Conséquences de l’adoption d’une motion de censure 122

Article 90 : Dissolution du congrès 122

Article 91 : Règlement intérieur du congrès 123

Chapitre II : Les lois du pays 124

Article 92 : Domaine des lois du pays 124

Article 93 : Avis préalable du tribunal administratif sur les projets et propositions de loi du pays 126

Article 94 :Adoption des lois du pays 127

Article additionnel après l’article 94 : Publication d’un rapport écrit 127

Article 95 : Nouvelle délibération 128

Article 96 : Saisine du Conseil constitutionnel 128

Article 97 : Décision du Conseil constitutionnel 131

Article 98 : Promulgation des lois du pays 131

Article 99 : Nature juridique des lois du pays 132

Chapitre III : Le Gouvernement 133

Section 1 : Composition et formation 133

Article 100 : Rôle et durée des fonctions du gouvernement 133

Article 101 : Election des membres du gouvernement 134

Article 102 : Mode de scrutin pour l’élection des membres du gouvernement 135

Article 103 : Inéligibilité ou incapacité en cours de fonction 136

Article 104 : Régime des incompatibilités et des options 137

Article 105 : Contentieux des arrêtés en matière d’inéligibilités, incapacités et incompatibilités 138

Article 106 : Déclaration de situation patrimoniale des membres du gouvernement 138

Article 107 : Election du président et du vice-président du gouvernement 139

Article 108 : Contentieux des élections du président et des membres du gouvernement 139

Article 109 : Déclaration de politique générale 140

Article 110 : Récupération du siège au congrès ou à une assemblée de province 140

Article 111 : Démission du gouvernement 141

Article 112 : Remplacement d’un membre du gouvernement 141

Section 2 : Règles de fonctionnement 142

Article 113 : Réunions du gouvernement 142

Article 114 : Ordre du jour des réunions du gouvernement 142

Article 115 : Secret des réunions 143

Article 116 : Indemnités - Dotation de fonctionnement 143

Section 3 : Attributions du gouvernement 144

Article 117 : Compétences attribuées au gouvernement 144

Article 118 : Pouvoir réglementaire délégué 147

Article 119 : Collégialité 147

Article 120 : Seconde délibération 148

Article 121 : Délégations aux membres du gouvernement 148

Article 122 : Délégations au président du gouvernement 149

Article 123 : Pouvoir de nomination 149

Article 124 : Rôle consultatif 150

Section 4 : Attributions du président du gouvernement 151

Article 125 : Compétences du président du gouvernement 151

Article 126 : Délégations du président du gouvernement 151

Article 127 : Rapports présentés au congrès par le président du gouvernement 153

Chapitre IV : Le sénat coutumier et les conseils coutumiers 153

Section 1 : Le sénat coutumier 153

Article 128 : Composition et mode de désignation du sénat coutumier 153

Article 129 : Durée du mandat 154

Article 130 : Désignation du président 155

Article 131 : Représentation dans les organes extérieurs et désignation des membres de l’académie des langues kanak 155

Article 132 : Constat de la désignation des autorités coutumières 156

Article 133 : Avis sur certaines lois du pays 156

Article 134 : Avis sur les délibérations intéressant l’identité kanak 157

Article 135 : Consultation des conseils coutumiers par le sénat coutumier 158

Article 136 : Initiative des propositions intéressant l’identité kanak 158

Article 137 : Indemnisation des membres du sénat coutumier 159

Article 138 : Moyens du sénat coutumier 160

Article 139 : Règlement intérieur 160

Section 2 : Les conseils coutumiers 160

Article 140 : Principes – Mode de désignation 160

Article 141 : Consultation du conseil coutumier – Litiges de l’interprétation d’un procès-verbal de palabre 161

Article 142 : Indemnités et dotation 162

Article 143 : Règlement intérieur 162

Chapitre V : Le conseil économique et social 162

Article 144 : Composition 163

Article 145 : Mandat des membres du conseil économique et social et modalités de renouvellement 164

Article 146 : Attributions 164

Article 147 : Fonctionnement 165

TITRE IV – LES PROVINCES 166

Chapitre Premier : Les assemblées de province 166

Article 148 : Nature des provinces 166

Article 149 : Compétences de l’assemblée de province 167

Article 150 : Siège de l’assemblée de province 167

Article 151 : Séance constitutive – Bureau d’âge 168

Article 152 : Election du président et du bureau 168

Article 153 : Séances – Délégations de vote 169

Article 154 : Régime indemnitaire 170

Article 155 : Quorum 170

Article 156 : Règlement intérieur 171

Article 157 : Délégations au bureau 171

Article 158 : Ordre du jour 172

Article 159 : Publicité des séances 172

Article 160 : Audition du haut-commissaire - Procès-verbal 172

Article 161 : Dissolution 173

Chapitre II : Le président de l’assemblée de province 174

Articles 162 et 163 : Attributions 174

Article 164 : Police de l’assemblée 175

Article 165 : Documents annuels transmis par le président à l’assemblée de province 175

Article 166 : Remplacement du bureau ou d’un vice-président 176

Article additionnel après l’article 166 : Motion de renvoi du président de l’assemblée de province 177

Chapitre III : Le personnel de la province 177

Article 167 : Participation au fonctionnement des services de province 177

Article 168 : Recours à des contractuels dans les assemblées de province 178

Chapitre IV : Les ressources et le budget de la province 180

Article 169 : Ressources de la province 180

Article 170 : Fixation du montant des dotations versées aux provinces 182

Article 171 : Réglementation des garanties d’emprunts et des cautionnements accordés par les provinces 185

Article 172 : Compétences financières des assemblées de province 186

Article 173 : Procédure de vote du budget 186

TITRE V – LES ÉLECTIONS AU CONGRÈS ET AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE 187

Chapitre Premier : Composition des assemblées et durée du mandat 187

Article 174 : Effectif des assemblées de province 187

Article 175 : Durée du mandat 188

Article 176 : Organisation des élections 189

Chapitre II : Corps électoral et listes électorales 190

Article 177 : Restriction du corps électoral pour les élections provinciales 190

Article 178 : Etablissement de la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province 193

Chapitre III : Mode de scrutin et remplacement des membres des assemblées 195

Article 179 : Circonscriptions provinciales 195

Article 180 : Mode de scrutin 195

Article 181 : Attribution des sièges 195

Article 182 : Vacance des sièges 196

Chapitre IV : Conditions d’éligibilité et incompatibilités 198

Article 183 : Conditions d’éligibilité 198

Article 184 : Inéligibilités 198

Article 185 : Incompatibilités 200

Article 186 Déclaration d’option 200

Chapitre V : Propagande 201

Article 187 : Organisation de la campagne audiovisuelle 201

Article 188 : Prise en charge des dépenses de propagande 201

Chapitre VI : Contentieux 202

Article 189 : Contentieux 202

Chapitre VII : Dispositions diverses 202

Article 190 : Conditions d’application des dispositions du code électoral 202

TITRE VI – LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE ET L’ACTION DE L’ÉTAT 204

Article 191 : Nomination et compétences du haut-commissaire 204

Article 192 : Publication des actes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces par le haut-commissaire 204

Article 193 : Conventions de mise à disposition de services, d’agents et de biens 205

Article 194 : Concours d’établissements publics nationaux 206

TITRE VII – LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL, FINANCIER ET BUDGÉTAIRE 206

Chapitre Premier : Le contrôle de légalité et le tribunal administratif 206

Article 195 : Contrôle de légalité 206

Article 196 : Saisine pour avis du Conseil d’Etat 210

Article 197 : Saisines pour avis du tribunal administratif ou du Conseil d’Etat 211

Chapitre II : La chambre territoriale des comptes et le contrôle budgétaire 212

Article 198 : Contrôle de la chambre territoriale des comptes 212

Articles additionnels après l’article 198 : Rapports de la chambre territoriale des comptes 212

Article 199 : Contrôle des marchés publics et des délégations de service public 213

Article 200 : Budgets du territoire et des provinces 213

TITRE VIII – LE RÉÉQUILIBRAGE ET LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET CULTUREL 215

Article 201 : Promotion du développement économique 215

Article 202 : Aides provinciales aux entreprises 217

Article 203 : Comité consultatif de l’environnement 217

Article 204 : Comité consultatif du crédit 218

Article 205 : Développement culturel de la Nouvelle-Calédonie et promotion de la langue et de la culture kanak 218

TITRE IX – LA CONSULTATION SUR L’ACCESSION À LA PLEINE SOUVERAINETÉ 219

Article 206 : Convocation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté 219

Article 207 : Organisation des consultations sur l’accession à la pleine souveraineté – Date de ces consultations 220

Article 208 : Restriction du corps électoral 222

Article 209 : Liste électorale – Commission de contrôle – Campagne à la radio et à la télévision 225

Article 210 : Recours 228

Article 211 : Fixation des modalités d’application du présent titre par décret en Conseil des ministres 229

TITRE X – DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES 229

Article 212 : Application des dispositions législatives et réglementaires 229

Article 213 : Succession 230

Article 214 : Modifications du code des juridictions financières 230

Article 215 (art. 5 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983) : Jeux de hasard 231

Article 216 (art. 137 bis de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984) : Détachement et intégration des fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie 232

Article 217 (art. 82, 93 et 94 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988) : Coordination et dispositions transitoires 233

Article 218 (art. 7 et 12 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992): Coordination 233

Article 219 : Calendrier de la mise en place des institutions de la Nouvelle-Calédonie 234

Article 220 : Abrogations 235

Article 221 : Renvoi à des dispositions réglementaires 237

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORDINAIRE 239

TITRE PREMIER – LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE ET L’ACTION DE L’ÉTAT 239

Chapitre Premier : Le Haut-commissaire de la République 239

Article premier : Compétences du haut-commissaire de la République 239

Article 2 : Publication par le haut-commissaire des décisions ressortissant à la compétence de l’Etat 240

Chapitre II : L’action de l’Etat pour le rééquilibrage et le développement économique et social 240

Article 3 : Cadre de l’action de l'Etat pour le développement économique 240

TITRE II – DISPOSITIONS APPLICABLES AUX COMMUNES, SYNDICATS MIXTES ET SOCIÉTÉS D’ÉCONOMIE MIXTE 242

Article 4 Extensions des compétences des communes en matière de documents d’urbanisme 242

Article 5 (art. L. 122-20 du code des communes) : Octroi du droit de préemption aux communes 243

Article 6 : Action foncière des communes en faveur du développement économique 243

Article 7 (art. L. 1522-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales) : Régime des sociétés d’économie mixte 244

Article 8 : Conditions de fonctionnement des syndicats mixtes 244

TITRE III – DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPTES 245

Article 9 : Comptables des communes et de leurs établissements publics 245

Article 10 : Contrôle des comptes et de la gestion 246

TITRE IV – DISPOSITIONS APPLICABLES AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NOUVELLE-CALÉDONIE 246

Article 11 (art. L. 2-2, L. 2-5 et L. 2-6 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel) : Fonctionnement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie 246

TITRE V – DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉLECTIONS, AU CONGRÈS ET AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE 248

Article 12 : Déclaration de candidature 248

Article 13 : Enregistrement de la déclaration de candidature 249

Article 14 : Contestation du refus d’enregistrement 250

Article 15 : Accès à la télévision et à la radio pendant la campagne électorale 250

Article 16 : Remboursement de frais de campagne 252

Article 17 : Plafonnement des dépenses électorales 253

Article 18 : Bulletins non comptabilisés 255

Article 19 : Dispositions du code électoral applicables à l’élection des membres du congrès et des assemblées de province 255

TITRE VI – DISPOSITIONS DIVERSES 256

Article 20 : Substitution de références 256

Article 21 (art. 7 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987) : Service public pénitentiaire 256

Article 22 : Admission en Nouvelle-Calédonie 256

Article 23 : Renvoi à des décrets en Conseil d’Etat 259

MESDAMES, MESSIEURS,

« Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun. » C’est ainsi que, tout en rappelant le poids de l’histoire et la marque qu’elle a imprimée dans chacune des communautés, de manière bien différente, le préambule de l’accord de Nouméa a fixé la perspective qui doit fédérer les efforts de tous les Néo-Calédoniens pour construire leur pays. Le 8 novembre dernier, à l’occasion de la consultation organisée en vertu de l’article 76 de la Constitution, les électeurs de Nouvelle-Calédonie ont exprimé massivement leur adhésion à cette communauté de destin choisie. Près de 72 % des électeurs –  Mélanésiens et Européens  – et plus de 51 % des inscrits ont voté « oui » permettant ainsi au processus initié par l’accord de Nouméa de se poursuivre.

Les deux projets de loi organique et ordinaire qui nous sont soumis aujourd’hui par le gouvernement sont destinés à traduire, dans notre droit, les orientations contenues dans l’accord de Nouméa et qui font désormais partie de nos règles constitutionnelles telles que le Congrès du Parlement les a votées le 6 juillet dernier. Ces deux textes constituent le socle sur lequel la Nouvelle-Calédonie se bâtira dans les quinze à vingt années qui viennent. A-t-on besoin d’insister sur l’importance qu’ils revêtent ? Ils établissent les règles de fonctionnement politique, administratif, économique et juridique de cette nouvelle entité dont l’organisation est d’une rare originalité. Le transfert irréversible de compétences traditionnellement détenues par l’Etat, la reconnaissance de la coutume, la création d’un gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la perspective d’un accès éventuel à la souveraineté montrent que ces projets de loi constituent la traduction juridique d’une entreprise ambitieuse et courageuse.

La Nouvelle-Calédonie est une terre de contrastes et de tensions. Le passé a malheureusement souvent prouvé que ces oppositions n’étaient pas toujours créatrices. Aujourd’hui il appartient aux Néo-Calédoniens de montrer que, de ces cultures et de ces aspirations contradictoires, on peut faire surgir une véritable richesse. Le geste des signataires de l’accord de Nouméa, qui renvoie à l’image de la poignée de mains de Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur en 1988, est inspiré par cet objectif. Il importe désormais de mettre en œuvre les conditions juridiques pour qu’il puisse être atteint dans la plus grande sérénité.

L’examen de ces projets de loi supposait que soient entendus les principaux partenaires de l’accord de Nouméa, c’est à dire le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R. Mais il fallait aussi rencontrer les personnes qui animent la vie sociale de la Nouvelle-Calédonie. Dans cette perspective, votre rapporteur s’est rendu sur le territoire du 9 au 16 novembre dernier, alors que les électeurs venaient de ratifier l’accord de Nouméa et que l’avant-projet de loi organique devait être examiné, pour avis, par le congrès du territoire.

Le présent rapport rend compte des entretiens intervenus lors de cette mission. Les Néo-Calédoniens rencontrés ont tous fait part de l’attention particulière avec laquelle ils suivraient les débats parlementaires sur les deux projets de loi. Cette mission a été l’occasion également de mesurer que l’accord autour du texte de Nouméa était réel mais que, pourtant, des tensions persistaient sur un territoire qui connaît une équilibre encore fragile. On en mesurera que mieux notre responsabilité de législateur.

Au cours de sa mission, votre rapporteur s’est évidemment rendu à Nouméa mais également dans la province Nord et dans la Province des îles Loyauté. Il a rencontré à cette occasion :

—  au titre des forces politiques du territoire, M. Jacques Lafleur, président du R.P.C.R., député et président de l’Assemblée de la province Sud, qui était accompagné de M. Pierre Frogier, secrétaire général du R.P.C.R., député, et de M. Simon Loueckhote, sénateur, président du congrès ; M. Roch Wamytan, président du F.L.N.K.S., entouré de MM. Charles Pidjot, membre du bureau politique de l’Union Calédonienne, André Nemia, Jean-Louis d’Angletermes, Moleana Atelemo, Adolphe Digoué et Sylvain Pabouty, membres du bureau politique du F.L.N.K.S ; M. Didier Leroux, président de l’U.N.C.T., accompagné de M. Denis Milliard et Mme Sonia Lagarde ; M. Thierry Valet, président de Renouveau et M. Jean-Claude Legras, vice-président de ce mouvement ; M. Martinez, responsable du Parti socialiste ;

—  s’agissant des provinces, les présidents des trois assemblées, M. Jacques Lafleur, déjà mentionné, pour la province Sud, M. Léopold Jorédié, pour la province Nord et M. Nidoish Naisseline, pour la province des îles Loyauté ; pour ces deux dernières provinces, des réunions de travail ont eu lieu avec les secrétaires généraux et responsables des principaux services ;

—  parmi les élus locaux, M. Jean Lèques, maire de Nouméa, M. Marcel Nedia, maire de Koné, M. Daniel Poingoune, maire de Touho, M. Stéphane Kataoui, maire de Canala, M. Moïse Napoera, premier adjoint au maire de Poindimié, M. Edouard Menrempon, maire de Ponérihouen, M. César Kabeu, deuxième adjoint au maire de Houailou, M. Yvon Koua, deuxième adjoint au maire de Canala, M. Koce, premier adjoint au maire de Maré ;

—  concernant les autorités coutumières, de nombreux chefs coutumiers de Lifou et de Maré, parmis lesquels M. Nidoish Naisseline, également président de la province des Iles ;

—  dans le domaine culturel, économique et social, M. Kasarherou, directeur du service des musées et du patrimoine ; M. le pasteur Daniel Caihe de Lifou et M. le pasteur Lallie, président du conseil régional de l’Eglise évangélique de Lifou ; Mme Denise Kacatr, déléguée aux droits des femmes dans la province des îles Loyauté ; les responsables syndicaux des personnels du haut-commissariat (Syndicat libre unité action, Fédération des fonctionnaires, Force ouvrière) ;

—  pour les autorités juridictionnelles, M. Olivier Aimot, Premier président de la Cour d’appel  et M. Derien, substitut général ; M. Lamarque, président du Tribunal administratif de Nouméa ; M. Muguet, président de la Chambre territoriale des comptes ;

—  au titre, enfin, des responsables administratifs, M. Dominique Bur, délégué du Gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, haut-commissaire de la Nouvelle-Calédonie et ses principaux collaborateurs à Nouméa, M. Martin Jaeger, commissaire délégué pour la province des Iles et M. Bernard Guérin, commissaire délégué pour la province Nord ainsi que leurs collaborateurs ; M. Archambault, trésorier-payeur général ; M. Basseau, proviseur du lycée professionnel de Touho.

De ces nombreux entretiens, il est apparu que le principal enjeu du processus, aujourd’hui poursuivi à l’Assemblée nationale, était non seulement la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel mais aussi d’une société démocratique apaisée, qui sache reconnaître la nature propre de la culture kanak, en particulier à travers la coutume. La réussite de cette entreprise passe aussi par un développement économique plus équilibré qui permette de répondre aux aspirations de la population, en limitant les tensions inhérentes à une société plurielle, en pleine mutation. Les deux projets de loi soumis à l’Assemblée nationale définissent ainsi les règles qui présideront à cette évolution.

I. —  LE PROCESSUS DE NOUMÉA

Le référendum qui est intervenu le 8 novembre dernier a permis aux Néo-Calédoniens d’exprimer avec force leur adhésion au processus initié lors de la signature de l’accord de Nouméa. Sans revenir sur le détail des négociations de cet accord – on renverra sur ce point au rapport n° 972 de Mme Catherine Tasca sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie – il convient cependant de rappeler que l’accord de Nouméa a été signé le 5 mai dernier par le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R. sous l’égide de l’Etat représenté par le Premier ministre, M. Lionel Jospin. Ce texte comportait plusieurs dispositions qui imposaient une révision de la Constitution du 4 octobre 1958. En conséquence, le 6 juillet dernier le Congrès du Parlement a adopté un nouveau titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ». Il fixe le principe du référendum appelant les populations de l’archipel à se prononcer sur l’accord de Nouméa. Ce titre nouveau prévoit également l’intervention d’une loi organique qui « détermine, pour assurer l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par [l’accord de Nouméa] et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre :

—  les compétences de l’Etat qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l’échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ;

—  les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;

—  les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l’emploi et au statut civil coutumier ;

—  les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté. »

Le référendum prévu a eu lieu le 8 novembre dernier avec le succès que l’on sait.

La population mélanésienne a largement ratifié l’accord, le F.L.N.K.S. s’étant fortement mobilisé pour faire campagne dans les tribus. On constate que cette communauté a soutenu plus largement l’accord que la population européenne. A Belep, le « oui » l’a emporté avec 97,41 % des suffrages exprimés, à Yaté, Canala, Hienghène, Maré, Ouvéa ou Pouebo avec 96 %. En revanche, à Nouméa, le « oui » n’a pas mobilisé autant de personnes. Il a néanmoins réuni 57,74 % des suffrages exprimé et dans trois bureaux de vote seulement les « non » l’ont emporté. Si l’on se souvient du rejet qu’avait suscité le référendum national de 1988 à Nouméa, on peut considérer que ces résultats en faveur du « oui » parmi la population européenne sont extrêmement satisfaisants.

CONSULTATION DU 8 NOVEMBRE 1998

Résultats par province

(pourcentage des suffrages exprimés)

 

OUI

NON

Province des îles Loyauté

95,5 %

4,5 %

Province Nord

86,8 %

13,2 %

Province Sud

63 %

37 %

Source : Territoire de la Nouvelle-Calédonie - Haut-commissariat

Parallèlement à la campagne référendaire, les habitants de la Nouvelle-Calédonie ont été tenus informés des négociations menées autour de l’avant-projet de loi organique. La presse locale a ainsi diffusé intégralement le texte de cet avant-projet. Néanmoins, c’est bien sur l’accord de Nouméa que la population néo-calédonienne s’est prononcée et non sur le projet de loi organique.

Le 12 novembre 1998, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis favorable au projet de loi organique. Cet avis était requis par l’article 77 de la Constitution. Les débats dans cette assemblée ont été courts, bien que le texte n’ait pas suscité de véritable consensus. 31 membres du congrès se sont prononcés pour le projet de loi ; 17 se sont abstenus et 3 ont voté contre. On a remarqué, en particulier, l’abstention du F.L.N.K.S. qui, en tant que signataire de l’accord de Nouméa, a estimé que certains articles du projet de loi ne respectaient pas l’esprit et la lettre de l’accord. Cette abstention montre que l’équilibre maintenu jusqu’à ce jour en Nouvelle-Calédonie reste fragile et suppose une attention redoublée. Le Parlement a également une responsabilité à assumer en ce domaine en adoptant une loi organique qui puisse recueillir l’assentiment des deux principales forces politiques de Nouvelle-Calédonie.

Après la signature de l’accord de Nouméa, la révision constitutionnelle et le référendum, nous entamons la quatrième et avant-dernière étape de ce long processus : le vote des lois organique et ordinaire. Lorsque ces textes seront adoptés, les Néo-Calédoniens auront à les mettre en oeuvre au sein de chacune des institutions que le statut prévoit.

II. —  UN NOUVEAU CADRE INSTITUTIONNEL

Le nouveau statut proposé par le projet de loi organique maintient l’existence des provinces au sein desquelles siège une assemblée. De même le territoire est représenté par un congrès qui est constitué par la réunion des assemblées de province, comme la loi référendaire de 1988 l’avait organisé.

Néanmoins, le nombre de membres des assemblées de province est augmenté : pour la province Sud, il passe de 32 à 40, pour la province Nord de 15 à 22, et pour la province des îles Loyauté de 7 à 14. Ces membres supplémentaires ne siégeront pas au congrès, c’est-à-dire à Nouméa. Ces élus, qui resteront dans les provinces, seront ainsi plus disponibles aux élus municipaux et aux administrés.

Les deux principales novations de ce statut – elles sont de taille –consistent en la création d’un gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et d’un sénat coutumier qui remplacera le conseil consultatif coutumier institué en 1988.

Le gouvernement sera collégial et comptera entre cinq et onze membres, élus à la représentation proportionnelle par le congrès parmi des listes présentées par les groupes politiques. Au sein du gouvernement, la figure du président émerge. Il est le seul à disposer de pouvoirs propres qu’il ne peut déléguer aux autres membres. Le caractère collégial de cet organe exécutif est néanmoins fortement accentué. Son fonctionnement quotidien appellera de la part des forces politiques qui y seront représentées un grand sens des responsabilités. Il appartiendra surtout au parti majoritaire – très probablement le R.P.C.R. – de ne pas abuser de sa position dominante. C’est l’intention fermement proclamée par les dirigeants de ce parti, qui ont soutenu l’idée de ce gouvernement d’assemblée dont le fonctionnement s’inscrit dans une logique de cogestion. Soyons conscients que cette institution connaîtra des crises parfois difficiles à surmonter. Mais les différentes forces politiques néo-calédoniennes sont condamnées à vivre ensemble et le gouvernement sera l’expression la plus fidèle de cette communauté de destin. C’est à travers son fonctionnement que l’on pourra juger des engagements de chacun dans la construction de la Nouvelle-Calédonie.

La vie politique néo-calédonienne ne peut cependant se limiter à un tête à tête entre les deux principales forces électorales. Il est sain qu’apparaissent de petites formations qui contribuent, par leur présence, à ce pluralisme qui fonde la démocratie. Le seuil de 5 % des inscrits, introduit dans l’accord de Nouméa et repris dans le projet de loi organique, permettra de donner aux principaux partis politiques – et en particulier au F.L.N.K.S. – plus de cohérence en les contraignant à s’unifier. Pourtant on appellera de nos voeux une forme d’ouverture aux petites organisations politiques qui, elles aussi, doivent prendre leur part dans le travail à accomplir.

A cet égard, le nouveau congrès, dont les compétences seront renforcées, constituera un embryon de parlement néo-calédonien. Le fait qu’il élise un gouvernement et surtout qu’il puisse voter des lois du pays insusceptibles de recours devant les juridictions administratives et qui, avant leur publication, pourront être déférées devant le Conseil constitutionnel, fait de cette institution délibérative – toutes choses égales par ailleurs – l’équivalent des assemblées dans les Etats fédérés américains. L’institution devra donc s’adapter à son nouveau rôle, en particulier dans son organisation. Elle devra peu à peu quitter la logique de l’assemblée locale pour s’établir comme un organe parlementaire à part entière.

C’est dans ce cadre nouveau que le sénat coutumier trouvera sa place. Se substituant au conseil consultatif coutumier, créé en 1988 et dont le fonctionnement a souffert de rivalités entre responsables coutumiers, le sénat fera fonction de seconde chambre mais dans le domaine très circonscrit de la coutume. Il sera consulté sur les questions relatives à la coutume et interviendra dans le processus d’élaboration des lois du pays touchant cette matière. En Nouvelle-Calédonie, l’attention de votre rapporteur a été attirée, par ses interlocuteurs, sur la nécessité d’intéresser réellement les coutumiers au fonctionnement du sénat. Un mécanisme d’indemnités versées en fonction de la présence effective au sénat devrait y contribuer.

Les chefs coutumiers des îles ont semblé inquiets sur le fonctionnement de ce sénat. Ils ont exprimé le souhait que son président soit renouvelé assez fréquemment et qu’il puisse être désigné parmi les grands chefs. Il est vrai que la logique de cette institution de la Nouvelle-Calédonie, comme le définit l’article 2 du projet de loi organique, est, à terme, d’ordre démocratique. Il est en effet envisagé que le sénat coutumier soit élu dans les conditions fixées par une loi du pays. Cette logique est en contradiction avec celle qui structure la coutume. La désignation des chefs se fait par l’hérédité et le fonctionnement du clan renvoie à l’unanimisme, à l’autorité du chef et non à la concurrence électorale et démocratique. L’insertion du sénat coutumier, et donc de la coutume dans la vie publique néo-calédonienne, sera l’un des principaux enjeux de la mise en oeuvre du nouveau statut. Il ne sera pas le plus facile à gérer.

Parmi les autres institutions de la Nouvelle-Calédonie se trouvent le conseil économique et social et les conseils coutumiers représentant les huit aires coutumières. Les communes demeurent, quant à elles, des collectivités territoriales de la République, au sens de l’article 72 de la Constitution. Elles ne sont pas régies par le projet de loi organique.

Le destin commun que les Néo-Calédoniens doivent construire ensemble passe par l’émergence d’une véritable société démocratique. Celle-ci repose sur le principe de l’élection. Ce point est évidemment acquis. Elle nécessite aussi l’adoption de comportements politiques adaptés qui renvoient à l’idée d’une plus grande transparence.

III. — VERS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE APAISÉE EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Dans ce processus, la présence de l’Etat comme médiateur et garant du libre jeu politique est essentielle. Elle est relevée par toutes les forces politiques du territoire, sans exception aucune.

L’Etat a fortement contribué en 1988, lors de la signature des accords de Matignon-Oudinot, et en 1998 avec l’accord de Nouméa, à dégager des solutions conciliant les points de vue et les intérêts de chacun. La voie est souvent étroite. Les discussions autour du projet de loi organique l’ont montré. C’est ce rôle essentiel que l’Etat, représenté par le haut-commissaire, doit assumer avec assurance et parfois fermeté. En vertu de l’article 2 du projet de loi organique, le haut-commissaire est dépositaire des pouvoirs de la République. Le titre VI du projet définit ses missions. Il veille à l’exercice régulier de leurs compétences par les institutions de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ainsi qu’à la légalité de leurs actes. Alors que depuis la loi référendaire de 1988, le haut-commissaire exerçait les fonctions d’exécutif du territoire, il devra désormais se recentrer sur des actions de contrôle. Ce passage d’une administration de gestion à une administration de mission suppose que les moyens en expertise du haut-commissariat soient étoffés. La loi de finances pour 1999 prévoit à ce titre la création de cinq postes d’attachés à Nouméa.

Il importe aussi que le statut des personnels du haut-commissariat soit clarifié. Votre rapporteur a entendu les principaux syndicats de cette administration lors de son séjour dans le territoire : le Syndicat libre unité action (S.L.U.A.) rattaché à la C.F.D.T., la Fédération des fonctionnaires et Force ouvrière. Ces organisations ont attiré son attention sur la confusion qui règne actuellement dans la situation juridique des personnels du haut-commissariat. Alors que les personnels des services de police, des douanes ou de l’administration pénitentiaire bénéficient d’un statut propre, tel n’est pas le cas pour ceux du haut-commissariat. On doit faire face à un imbroglio statutaire, source de difficultés de gestion. Les agents peuvent se trouver dans six situations différentes : les fonctionnaires d’Etat, les agents contractuels bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée (très souvent de catégorie A), les agents allocataires payés en fonction de leurs diplômes et qui, à la différence des précédents, ne bénéficient pas de revalorisation salariales (ce sont essentiellement des agents administratifs), les agents soumis à des conventions collectives du territoire, les cadres territoriaux mis à disposition par le territoire, payés par ce dernier et, enfin, les cadres territoriaux payés par l’Etat.

La question d’un statut unique des personnes du haut-commissariat a fait l’objet d’une récente mission dont les conclusions n’ont pas encore été rendues publiques. La création d’un statut propre pour un personnel aussi restreint n’est pas nécessairement la solution la mieux adaptée. En revanche, il peut être envisagé une intégration au sein du secrétariat d’Etat à l’outre-mer ou du ministère de l’Intérieur. Si dans quinze ou vingt ans, la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté, l’avenir de ces personnels pourra alors être envisagé de manière plus sereine.

Les syndicats entendus par votre rapporteur se sont accordés sur la nécessité de régler cette question dans la loi organique, en proposant aux personnels la possibilité de choisir entre le maintien dans la fonction publique d’Etat et le passage à la fonction publique territoriale pour ceux qui n’y appartiennent pas actuellement. En effet, la fonction publique territoriale présente quelque intérêt puisqu’on peut accéder à la retraite à 50 ans après trente années de service et que le taux de cotisation sociale y est moins élevé que dans la fonction publique d’Etat. En tout état de cause, le règlement de cette question est de nature à renforcer la motivation et l’implication dans leurs missions des personnels du haut-commissariat.

Le maintien de la présence de l’Etat est essentiel pour que la société politique calédonienne puisse se constituer autour de règles démocratiques parfaitement établies.

Au cours de sa mission, l’attention de votre rapporteur a été appelée, tant par les forces politiques, que par les autorités administratives, sur la nécessité de renforcer le contrôle de l’usage des deniers publics dont la masse globale évolue sensiblement.

RESSOURCES DU BUDGET DE L’ÉTAT
DESTINÉES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

En millions de francs CFP

55.917

60.771

72.510

73.899

78.091

80.088

81.668

En milliards de francs

3,07

3,34

3,98

4,06

4,29

4,40

4,49

Source : Trésorerie générale de Nouvelle-Calédonie

Le passage à une telle autonomie suscite des craintes auxquelles fait écho l’appel au maintien du rôle de l’Etat. Au cours de la campagne référendaire, on a entendu, de-ci de-là, les termes, qu’on peut juger outranciers, de « république bananière ». Les responsables des partis politiques ont tous fait part de leur volonté de couper court à ces préventions en organisant des mécanismes de transparence et de contrôle rigoureux.

A cet égard, la situation calédonienne actuelle n’est pas totalement satisfaisante. Par exemple, la réglementation des sociétés d’économie mixte en Nouvelle-Calédonie est fragmentaire. Les règles applicables aux sociétés d’économie mixte en métropole n’ont pas été introduites en droit calédonien. C’est le droit des sociétés qui s’applique aux sociétés d’économie mixte rendant le contrôle par les comptables publics inopérants. Ces sociétés, très nombreuses sur le territoire, se comportent comme des holdings, ce qui n’est pas leur vocation. Ainsi, dans la province Nord, la SOFINOR (Société de financement de la province Nord) contrôle plusieurs filiales dont la société minière du sud pacifique (S.M.S.P.). La chambre territoriale des comptes éprouve de grandes difficultés pour mener à bien ses missions. Les provinces semblent être les institutions qui s’affranchissent le plus volontiers des règles relatives aux marchés publics ou à la comptabilité publique. Cela d’autant plus que les règles imposées en métropole aux collectivités locales n’ont pas été étendues au territoire et aux provinces. Ainsi, la législation en matière de délégations de service public n’est que très partiellement applicable en Nouvelle-Calédonie. Faute de base juridique nettement établie, la chambre territoriale des comptes s’appuie sur les principes généraux en matière de maniement des fonds publics. Elle observe parfois dans certaines collectivités des réticences, voire des manifestations d’hostilité, à l’égard des comptables publics. Par ailleurs, le contrôle des entreprises publiques est extrêmement difficile.

Il existe pourtant une réelle demande des forces politiques locales pour introduire en Nouvelle-Calédonie, par exemple, l’équivalent de la M 14, nouvelle nomenclature comptable. Une expérimentation débutera en janvier 1999 en ce domaine. Des interrogations demeurent et on manque aujourd’hui d’une vision claire sur ce que sera le dispositif comptable du territoire. Quelles garanties seront accordées aux comptables publics territoriaux ? Quelles garanties, eux-mêmes, présenteront-ils ? L’exemple des Etats-Unis qui ont su imposer aux Etats fédérés et mêmes aux Etats associés comme la Micronésie des règles de transparence comptable communes pourrait nous inspirer.

A cause de leur manque de ressources propres, les Etats du Pacifique sont contraints, pour survivre, de recourir au financement international qu’il soit officiel –  dans le meilleur des cas  – ou occulte. Les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie ont fait part de leur volonté de mettre en place les conditions d’émergence d’une société démocratique transparente. C’est à eux qu’il appartiendra de définir les règles qui permettront d’atteindre cet objectif. A cette fin, votre rapporteur considère que le contrôle budgétaire fait partie des compétences régaliennes de l’Etat qui ne peuvent être transférées qu’au moment de l’accession à la souveraineté. En outre, plusieurs propositions de renforcement des pouvoirs de la chambre territoriale des comptes seront faites (en particulier un rapport public annuel). Il est aussi de la responsabilité de la France de contribuer à l’accomplissement de ce dessein.

IV. — LA RECONNAISSANCE DE L’IDENTITÉ KANAK : LA
COUTUME

L’accord de Nouméa a mis au premier rang des éléments constitutifs de l’identité kanak la coutume. Le projet de loi organique place également la question du statut civil coutumier et des terres coutumières au début de son dispositif.

La reconnaissance pleine et entière de la coutume comme élément structurant la société calédonienne est une innovation du processus initié à Nouméa. Elle n’est pas sans poser de difficultés à la fois juridiques et sociales.

En première instance, il faut être conscient que la prise en compte de la coutume dans les relations juridiques entre personnes n’est pas chose aisée pour les juridictions. Par définition, la coutume ne permet pas de se référer à des règles écrites codifiées. La difficulté réside aussi dans le fait qu’il n’existe pas une coutume mais des coutumes différentes selon les aires, les tribus, les clans. La mission du juge n’est donc pas simple. Il doit appliquer des normes dont souvent il ignore tout. Pour l’aider dans sa tâche, il est heureusement assisté, depuis 1982, d’assesseurs coutumiers. Au nombre de cinq par aire, ils complètent les formations juridictionnelles civiles de première instance et d’appel (1). Ce mécanisme fonctionne bien. Certains regrettent qu’il n’existe pas en matière pénale. Il est vrai que l’application du droit pénal est confrontée à des résistances coutumières et soulève de grandes difficultés. Il n’existe pas de justice coutumière constituée. Le pouvoir de correction paternelle est reconnu par la coutume, alors qu’il n’est évidemment pas admis en droit. De plus, certains comportements délictuels ou criminels semblent tolérés dans les tribus ou, tout au moins, leurs auteurs ne sont pas livrés à la police. C’est en particulier le cas de certaines agressions sexuelles. Les quelques tentatives initiées pour instaurer une sorte de maintien de l’ordre coutumier ont échoué. On a aussi envisagé des mécanismes de médiation pénale coutumière en restant dans le cadre de la procédure pénale étatique. Ces pistes doivent être explorées.

L’accord de Nouméa a ouvert la possibilité pour les Kanak, qui ont renoncé au statut civil coutumier, d’opter pour lui à nouveau. L’objectif principal de cette disposition, en rupture avec l’article 75 de la Constitution, est de permettre à des Kanak qui vivent en tribu et qui, pour quelle que cause que ce soit, ont perdu leur statut coutumier, de mieux s’intégrer dans la communauté où ils évoluent, en renouant avec le droit coutumier. Cette possibilité va à l’encontre de l’opinion selon laquelle il s’agirait d’une forme de régression contraire à l’idée de progrès et d’émancipation de l’individu. Il est clair que s’affrontent ici deux logiques. Tout d’abord, celle qui estime que la coutume, ciment de l’identité kanak, est un pôle de stabilité dans une société en proie à des phénomènes déstructurants, comme l’exode rural, le chômage, la drogue ou l’alcoolisme. Mais certains considèrent également que la coutume est le signe d’un archaïsme communautaire, qui interdit aux Kanak de progresser, notamment en matière économique, ou aux femmes mélanésiennes d’accéder à un statut qui les traite à l’égal des hommes. A cet égard, le discours des mouvements politiques kanak n’est pas dénué d’ambiguïté. Ils en appellent à l’identité parce qu’elle est au cœur du combat mené contre les colonisateurs. Mais parce qu’ils fondent aussi leur action sur une pensée progressiste et démocratique, ils ne peuvent accepter la coutume dans ses aspects les plus unanimistes et conservateurs. C’est de cette tension qu’est née l’idée présente dans le projet de loi organique de créer des institutions coutumières –  comme le sénat ou les conseils d’aire  – qui, à terme, pourront être issus d’élections.

Les coutumiers rencontrés en Nouvelle-Calédonie ont fait part à votre rapporteur de leurs interrogations et de leurs inquiétudes vis-à-vis du projet de loi organique. Alors qu’ils avaient adhéré au processus de l’accord de Nouméa, ils se sont sentis exclus – surtout dans les îles – de la négociation relative à la loi. Ils regrettent de ne pas avoir emporté la possibilité, pour le sénat coutumier, de saisir le Conseil constitutionnel des lois du pays relatives à l’identité kanak. Ils sont aussi inquiets de voir que les conseils coutumiers (il en existera un pour chacune des huit aires), qui pourront à terme être élus, auront la possibilité de statuer sur les litiges relatifs à l’interprétation de procès-verbaux de palabres. L’élection pourra conduire à la tête des conseils d’aire des coutumiers de moindre rang que les grands chefs dont la décision est contestée. La logique juridictionnelle se heurte de plein fouet à la logique coutumière. La loi peut-elle mettre en conflit le grand chef et son sujet, au travers d’une institution ? L’aire coutumière est une simple instance de coordination. Que représente-t-elle par rapport aux grands chefs ? On pourrait peut-être – a-t-on suggéré dans la province des îles Loyauté – distinguer deux sortes de palabres : ceux strictement coutumiers qui concernent deux personnes de statut personnel et ceux qui opposent une personne qui a le statut coutumier et une personne soumise au statut civil de droit commun, par exemple un investisseur. Dans le second cas, l’action du Conseil coutumier pourrait être utile, tant il est vrai qu’il est nécessaire d’ouvrir les tribus au développement économique. Les grands chefs n’y sont pas toujours très sensibles et les investissements peuvent être bloqués pour ces raisons.

Mais la tension qui structure la question coutumière existe, plus largement, dans l’ensemble de la société calédonienne mélanésienne.

V. —  UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION

La société kanak est en train de vivre une période de transition que le processus de Nouméa révèle au grand jour. Ce n’est pas le moindre de ses intérêts. Cette société rurale s’ouvre de plus en plus et l’enjeu des deux prochaines décennies sera l’organisation de cette transition en douceur afin d’intégrer notamment une jeunesse en proie à un grand désarroi. Ce passage d’un état à un autre engendre naturellement des crises, des conflits sociaux, générationnels, coutumiers, syndicaux et politiques.

Sans prétendre à une analyse sociologique fine, les contacts que votre rapporteur a pu nouer en Nouvelle-Calédonie ont laissé paraître une jeunesse kanak en manque de repères. Elle est aujourd’hui entrée de plein pied dans la société de consommation. La télévision diffuse des programmes suivis dans les tribus grâce à l’électrification. Les feuilletons américains semblent obnubiler une partie de la population. Loin d’être anecdotique, la fascination éprouvée devant cette fenêtre factice d’une société de luxe artificiel nous a été présentée, par plusieurs interlocuteurs, mélanésiens ou non, comme une grave cause de déstructuration sociale. Hier, on aspirait dans les tribus à la télévision ; désormais, on aspire aux maisons et aux voitures que l’on voit à la télévision. Or, les emplois de jeunes stagiaires pour le développement (J.S.D.), l’équivalent local des contrats emploi solidarité, ne permettent pas d’assouvir les fantasmes nés de la petite lucarne. De là apparaissent des phénomènes de frustration et des dérives alcooliques et toxicomaniaques. Il n’existe pas, en particulier dans la province Nord, d’ascenseur social qui fonctionne correctement. L’administration, qui constitue la seule véritable voie pour échapper à sa condition, ne peut, à elle seule, jouer ce rôle, comme beaucoup l’espèrent. On ne peut développer tout un territoire avec des emplois publics dont la rémunération est artificiellement élevée. Des formations sont dispensées aux jeunes Kanak, par exemple dans les lycées techniques. Mais faute d’emplois, ces jeunes retournent dans leurs tribus et y perdent leurs acquis scolaires. Si le développement économique ne suit pas, on risque de faire de ces jeunes des « ventres creux » livrés à eux-mêmes.

Les femmes mélanésiennes sont également à la croisée des chemins. Leur place traditionnelle dans les tribus est peu conforme à l’idée que nous nous faisons, en Europe, des droits de la femme. La coutume les considère souvent comme partie négligeable. Par exemple, en matière de dévolution successorale, les femmes mariées devenues veuves se voient dépossédées des biens du couple, au profit de la famille du défunt ou du clan. Lorsque le mari meurt, la femme n’a plus de valeur, a-t-on fait remarquer à votre rapporteur. Cette situation est de plus en plus difficilement acceptée parce qu’aujourd’hui, souvent, les femmes ont un travail contrairement parfois à leurs époux. Si celui-ci vient à décéder, sa veuve se voit confisquer le fruit du travail. Le clan peut hériter et l’épouse s’en trouve dépouillée.

Par ailleurs, les femmes subissent, dans les tribus, des violences sexuelles liées, en particulier, au phénomène de l’alcoolisme dans la population masculine. Sans assombrir volontairement le tableau ou laisser entendre qu’on assiste là à une forme d’esclavage contemporain, sans non plus généraliser ce constat, on observe que ces situations existent, qu’elles ont été signalées par plusieurs interlocuteurs mélanésiens à votre rapporteur. Il serait souhaitable que la coutume –  sur ces différents points  – connaisse de notables inflexions et deviennent, pourquoi pas, un lieu protecteur pour les femmes. On peut espérer que le recours à l’élection pour la désignation des membres du sénat ou des conseils coutumiers puisse permettre à certaines femmes de mieux faire entendre leur voix. Mais l’évolution sera sans doute longue. On peut aussi souhaiter que les élections provinciales permettent à de nombreuses femmes d’être présentes sur les listes et même d’être élues.

Déjà, pourtant, des efforts ont été conduits. Depuis les accord de Matignon, des missions des droits des femmes ont été créées dans chacune des trois provinces. Dans le Nord, elles ont été transformées, par la suite, en conseil des femmes et dans les provinces des îles Loyauté, la mission est devenue un service à part entière de la province, rattachée à la direction provinciale de l’action sanitaire et sociale. On soulignera enfin le développement d’associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences sexuelles. Ce genre d’initiative est soutenue, par exemple, dans les îles par les chefs coutumiers.

On peut penser que l’émancipation des femmes, dans le respect des structures locales traditionnelles, aurait un effet bénéfique sur la société mélanésienne et permettrait d’apaiser des tensions qui couvent et s’expriment violemment de temps à autres.

Mais rien ne sera accompli tant que le développement économique ne sera pas au rendez-vous.

VI.—  EN ATTENTE D’UN DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ

Lors de la signature des accords de Matignon, les différents partenaires néo-calédoniens se sont accordés sur le fait qu’il fallait procéder à un rééquilibrage économique au sein du territoire. En effet, c’est autour de Nouméa, dans la province Sud, que l’essentiel de la population, de l’activité économique et des infrastructures se sont toujours concentrées. La mise en œuvre des accords de Matignon a permis d’entamer ce rééquilibrage en intensifiant les actions en faveur de la province Nord et de la province des îles Loyauté.

Ces efforts ont produit des effets bénéfiques. Pourtant, compte tenu du retard accumulé par ces deux provinces depuis la prise de possession du territoire par la France, il demeure une réelle inégalité entre elles et la région de Nouméa.

La province des îles Loyauté a mené une politique de grande ampleur pour améliorer la santé publique et l’éducation. Elle a développé l’aide médicale gratuite dont deux tiers des habitants des Iles Loyauté bénéficient aujourd’hui. Elle a aussi mis en place un système de bourses. Le lycée de Lifou propose aujourd’hui deux sections en terminale ce qui est un progrès. Néanmoins environ 800 enfants originaires des îles Loyauté sont contraints de poursuivre leurs études, en terminale, à Nouméa, faute de filières suffisantes dans leur province.

La province des îles Loyauté doit assumer les coûts liés à son insularité. Il apparaît ainsi que les constructions coûtent 30 % plus cher au mètre carré dans cette province, compte tenu des frais d’acheminement des matériaux. De même, les frais de personnel pour l’administration sont plus élevés que sur la Grande Terre. L’indice de la fonction publique est majoré à Nouméa d’un coefficient de 1,73, alors que dans les îles, il atteint 1,94. En matière médicale, on constate que les dépenses d’évacuation sanitaire vers la province Sud sont importantes. En effet, les équipements de santé à Lifou, Maré et Ouvéa se limitent à de simples dispensaires, qui ne permettent pas de faire face à des cas nécessitant une hospitalisation. Cette situation impose des transports vers le centre hospitalier de Nouméa. Votre rapporteur tient à souligner la disponibilité et la compétence des personnels de ces dispensaires, qu’il a pu mesurer personnellement à l’occasion d’une mission parlementaire antérieure. La province des îles Loyauté assume ces frais, pour l’essentiel, au titre de l’aide médicale gratuite. Même si le coût de l’insularité a été pris en compte dans la répartition des dotations entre provinces –  alors que la population des îles correspond à 12 % de la population néo-calédonienne, les Loyauté reçoivent 18 % de la dotation  – cette contrainte est fortement ressentie dans cette province comme ont pu l’exprimer les personnes rencontrées à Lifou par votre rapporteur.

En dehors de la problématique purement économique, votre rapporteur a pu observer, lors de sa mission, que les habitants et les autorités, politiques ou coutumières, des îles Loyauté ressentaient également une forme d’isolement dans la mesure où ils n’étaient pas véritablement associés aux négociations relatives au projet de loi organique. M. Nidoish Naisseline, président de l’assemblée de la province des îles Loyauté, a ainsi fait part du sentiment de ses concitoyens, qui ont l’impression d’être des « Kanak de seconde zone ». Pourtant l’association des îles au destin de la Nouvelle-Calédonie est absolument indispensable à son équilibre. Comment mieux illustrer cette nécessité qu’en reprenant les propos d’un grand chef coutumier de Lifou : « La Nouvelle-Calédonie est une pirogue dont les îles Loyauté sont le balancier. Sans ce balancier, la pirogue se retournera. ».

La situation de la province Nord ne relève pas de la même problématique. Elle doit actuellement faire face à une situation politique tendue au sein de l’assemblée provinciale. Le président Léopold Jorédié se maintient depuis plusieurs mois à la tête de l’institution, alors que la majorité des membres de l’assemblée réclament son départ. Aucune procédure de renvoi n’étant prévue – le présent projet de loi organique entend combler cette lacune – la province doit faire face à une situation de blocage institutionnel, dont se plaignent les administrés et les élus municipaux. Nonobstant ces difficultés, la province Nord a mené depuis 1988 une politique de développement dont on peut aujourd’hui mesurer les effets. Elle a, en particulier, souhaité porter son effort sur la mise en place d’infrastructures, de manière à offrir aux investisseurs potentiels des conditions correctes de développement. Par exemple, la route transversale Koné–Tiwaka, qui n’est pas encore aujourd’hui totalement achevée, reliera la côte Est et la côte Ouest de la Grande Terre à travers une zone montagneuse particulièrement difficile d’accès. Elle a d’ores et déjà permis à certaines tribus de rompre avec leur isolement. La construction des hôpitaux de Poindimié et de Koumac fait également partie de ces efforts en matière d’infrastructures. Des actions ont été également menées pour améliorer l’équipement des tribus. Celles-ci ont bénéficié de programmes d’électrification, d’assainissement et d’adduction d’eau. Aujourd’hui, dans la province Nord, la plupart des tribus reçoivent l’électricité. Pour l’accomplissement de ces opérations, les communes bénéficient de l’assistance d’une cellule technique qui dépend du commissaire délégué, composée de trois ingénieurs et d’un technicien d’Etat. Cette cellule les aide à mener à bien des opérations de constructions, en renforçant leurs capacités de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre. Globalement on observe, en effet, que les communes sont dirigées par des maires extrêmement volontaires et compétents, mais qui manquent d’une administration locale compétente pour gérer des problèmes administratifs, techniques et juridiques d’une redoutable complexité. L’association des maires de Nouvelle-Calédonie a mis en place des programmes de formation des maires et des initiatives en matière d’assistance technique dont il faut souligner l’intérêt. Les communes souffrent aussi d’un manque de ressources fiscales, faute d’entreprises implantées sur leur territoire et de population ayant des revenus significatifs. Elles dépendent donc presque totalement des ressources issues de la péréquation ce qu’elles supportent parfois mal. Néanmoins, on constate que, grâce à la politique de rééquilibrage menée depuis dix ans, les communes du Nord ainsi que celles des îles ont vu s’implanter sur leur territoire des équipements modernes. Le lycée professionnel de Touho en est un exemple remarquable.

D’autres projets sont actuellement envisagés pour mieux développer cette partie du territoire, tels celui du port de Nepoui, qui devrait permettre aux pêcheurs de débarquer leurs prises dans la province Nord, ce qui n’est pas possible pour le moment. On observe, en effet, que les poissons pêchés au large de cette province sont ensuite ramenés à Nouméa pour être ensuite acheminés par la route vers le Nord. Cela illustre bien l’enclavement dont souffre encore cette province peu peuplée. Par ailleurs, malgré la crise qui affecte actuellement ce minerai, la perspective de l’usine de traitement du nickel, qui devrait s’implanter dans la province Nord, suscite de grands espoirs. Car les autres voies explorées jusqu’alors n’ont pas été à la hauteur des attentes qu’elles avaient suscitées. Dans cette province difficile d’accès – la route est longue et l’avion coûteux – le tourisme de masse ne peut pas trouver un terrain favorable. Il faut sans doute lui préférer le tourisme d’aventure qui attire peu de personnes et apporte moins de ressources financières, même s’il est plus protecteur de l’environnement. Dans cette perspective, on observe le développement de gîtes tribaux à même d’accueillir cette forme de tourisme.

Le problème essentiel de la province Nord demeure donc l’absence d’emplois, qui laisse une grande partie de la population, souvent jeune, désœuvrée dans les tribus. On a souligné plus haut que ces situations étaient porteuses de tensions.

Au total, on constate que le déséquilibre entre la province Sud et le reste du territoire demeure important. Il est le fruit d’une histoire. Il s’explique aussi par la disproportion démographique entre la région de Nouméa, extrêmement peuplée, et ce large espace vide qu’est la Grande Terre. Les habitants du Sud ne se rendent que peu dans le Nord, hormis pour faire, ce que l’on appelle là-bas, « un coup de chasse ». Pour certains, la province Sud semble se constituer en unité autonome, qui dispose de la capacité de vivre coupée du reste du territoire. D’aucuns craignent même, à terme, le risque d’une partition qui viendrait conclure l’échec du processus initié par l’accord de Nouméa. C’est pourquoi l’accord de Nouméa mentionne clairement que le résultat de la consultation finale « s’appliquera globalement pour l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie et qu’une partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine souveraineté ou conserver seule des liens différents avec la France, au motif que les résultats de la consultation électorale y auraient été différents de résultat global ».

Si le résultat du référendum du 8 novembre dernier peut rendre optimiste sur l’avenir du territoire, il ne saurait masquer les tensions qui apparaissent dans cette société néo-calédonienne fort complexe. Les projets de loi présentés par le Gouvernement auront aussi, à leur juste mesure, à organiser un cadre à même de contenir ces ferments de crise.

VII. — LES PROJETS DE LOI ORGANIQUE ET ORDINAIRE

Conformément au titre XIII de la Constitution et plus particulièrement à son article 77, le Gouvernement présente à l’Assemblée nationale un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire qui déterminent la mise en oeuvre de l’accord de Nouméa. A l’origine, lors des négociations avec les signataires de cet accord, le Gouvernement n’avait proposé à la discussion qu’un projet de loi organique. Après le passage au Conseil d’Etat, le texte a été scindé en deux, pour que soit mieux respectée la répartition entre les dispositions de nature organique et celles relevant du domaine ordinaire. Cette dissociation ne modifie pas l’économie générale du statut de la Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi organique comprend tout d’abord des articles d’introduction qui fixent le cadre géographique, institutionnel et administratif de la Nouvelle-Calédonie. Ils décrivent également les principales institutions du territoire ainsi que le principe d’une citoyenneté, ce qui constitue une des innovations importantes apportées par l’accord de Nouméa. Ils rappellent également les possibilités pour la Nouvelle-Calédonie de créer des signes distinctifs ainsi que le respect du droit de propriété foncière, parallèlement à la propriété publique ou à la propriété coutumière. Le premier titre de ce projet de loi définit le statut personnel des Kanak dénommé « statut civil coutumier ». Il porte également sur la notion et le statut des terres coutumières. Le titre II est relatif aux compétences de l’Etat, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces. Il définit les modalités des transferts de compétence auxquels il sera procédé pendant la période transitoire. Le titre III traite des institutions de la Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire le congrès, le gouvernement et son président, le sénat coutumier et les conseils coutumiers ainsi que le conseil économique et social. Le statut des provinces est réglé par le titre IV du projet de loi organique alors que le titre V porte sur les élections au congrès et aux assemblées de province. Les titres VI et VII définissent le rôle du haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie et les modalités des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires. La question du rééquilibrage et du développement économique, social et culturel est traitée par le titre VIII. Le titre IX définit, quant à lui, les règles applicables à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Enfin, le projet de loi organique se termine par un titre X qui comporte des dispositions diverses et transitoires et prévoit notamment que les élections au congrès et aux assemblées de province auront lieu avant le 1er août 1999.

Alors que le projet de loi organique comporte 221 articles, le projet de loi ordinaire est beaucoup moins volumineux. Ses 23 articles sont répartis dans six titres. Le premier est relatif au haut-commissaire de la République et à l’action de l’Etat, le deuxième comporte diverses dispositions applicables aux communes de la Nouvelle-Calédonie, aux syndicats mixtes et aux sociétés d’économie mixte. Le titre III détermine le régime applicable aux comptes et comptables de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des communes et de leurs établissements publics. Les dispositions régissant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie sont insérées dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par le titre IV du projet de loi ordinaire. Quant au titre V, il porte dispositions relatives à l’élection du congrès et des assemblées de province. In fine, le titre VI recueille les dispositions diverses comme la substitution, dans les lois en vigueur, des références aux nouvelles institutions calédoniennes aux références anciennes, ainsi que des règles relatives au service public pénitentiaire et à l’entrée en Nouvelle-Calédonie des personnes qui n’y sont pas établies.

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Avant d’examiner le projet de loi constitutionnelle, la Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne a rappelé que, après la signature de l’accord de Nouméa, l’Assemblée nationale s’était prononcée à une très large majorité, en faveur du projet de réforme constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie, adopté ensuite par le Parlement réuni en Congrès le 6 juillet dernier, à plus de 95 % des suffrages exprimés. Evoquant le référendum organisé dans le territoire sur la base du nouvel article 76 de la Constitution, il a indiqué qu’il avait abouti à une approbation de l’accord de Nouméa par près de 72 % des suffrages exprimés avec une participation exceptionnelle de 74 % des électeurs inscrits. Il a ainsi souligné la force du consensus politique obtenu en Nouvelle-Calédonie avec le concours de l’Etat. Puis il a rappelé qu’un avant-projet de loi avait été élaboré en concertation avec les partenaires calédoniens, qui avait recueilli un avis favorable du congrès du territoire le 12 novembre dernier, ce texte ayant été scindé, après passage en Conseil d’Etat, en deux projets distincts, l’un de nature organique, l’autre de nature ordinaire.

Le ministre a expliqué que les textes soumis au Parlement s’inscrivaient dans le cadre défini par le nouvel article 77 de la Constitution et qu’ils traduisaient un équilibre politique, résultant de concessions réciproques des partenaires calédoniens. S’agissant de la loi organique, il a indiqué qu’elle devait déterminer : la nature et les modalités des transferts de compétences et de charges entre l’Etat et les institutions de la Nouvelle-Calédonie ; les règles d’organisation et de fonctionnement des nouvelles institutions, ainsi que la nature juridique des actes de l’assemblée délibérante ; les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l’emploi et au statut civil coutumier ; les conditions et les délais dans lesquels sera organisée la consultation relative à l’accession à la pleine souveraineté. S’agissant de la loi ordinaire, il a rappelé qu’elle visait à compléter les dispositions organiques, afin de mettre en œuvre l’intégralité de l’accord de Nouméa. Présentant le choix retenu pour le fonctionnement des institutions du territoire, il a indiqué qu’il s’inspirait largement de la loi référendaire de 1988, tout en s’efforçant de remédier à une instabilité institutionnelle et politique qui pose actuellement d’importants problèmes à la Nouvelle-Calédonie. Soulignant que ces textes devaient s’appliquer jusqu’à l’accession à la pleine souveraineté, il a remarqué qu’ils traduisaient l’irréversibilité des transferts de compétences reconnus par l’accord de Nouméa.

Le ministre a observé que les projets de loi permettaient en premier lieu la pleine reconnaissance de l’identité kanak à travers l’instauration d’un statut civil coutumier dans le prolongement du nouvel article 75 de la Constitution. Il a ainsi expliqué que les kanaks ne bénéficiant pas de ce statut pourraient l’obtenir sous le contrôle du juge, et ajouté que les terres coutumières recevraient un statut défini précisément. Il a déclaré que la représentation de la coutume était reconnue par la création d’un sénat coutumier et de conseils coutumiers dont les compétences sont consultatives, mais obligatoires dans les domaines touchant à l’identité kanak, tels les signes distinctifs, le statut civil coutumier, le régime des terres coutumières ou les modalités d’élection à ces institutions nouvelles. Il a en outre expliqué que le sénat coutumier participerait, par sa représentation, au conseil économique et social, aux conseils d’administration de divers établissements publics et aux conseils consultatifs des mines ainsi qu’à la vie institutionnelle du territoire, le congrès de la Nouvelle-Calédonie étant cependant appelé à statuer définitivement en cas de désaccord sur les projets ou propositions de loi du pays soumis au sénat coutumier.

M. Jean-Jack Queyranne a, par ailleurs, souligné l’importance des transferts de compétences de l’Etat au profit de la Nouvelle-Calédonie. Il a ainsi indiqué que seuls les pouvoirs régaliens, que sont la justice, l’ordre public, la défense, la monnaie, le crédit et le change, restaient dévolus au pouvoir central, la compétence locale de droit commun restant attribuée aux provinces. Abordant la question du calendrier des transferts, il a déclaré que certains d’entre eux interviendront à compter du 1er janvier 2000, les autres devant s’étaler sur la période courant de 2004 à 2014. S’agissant des établissements publics d’Etat, il a précisé que ceux-ci seront transférés à la demande du congrès. Il a par ailleurs observé que certaines compétences seraient exercées conjointement par l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, ajoutant, qu’en matière minière, le transfert serait assorti d’une intervention pour avis de l’Etat, les décisions définitives appartenant aux institutions calédoniennes. En matière d’accès à l’emploi, il a indiqué que le projet de loi organique donnait au congrès le pouvoir de légiférer, ce qui impliquait un contrôle du Conseil constitutionnel ainsi qu’une réforme du traité instituant l’Union européenne. Concluant son propos sur les transferts de compétences, il a déclaré que ceux-ci seraient assortis d’une compensation financière largement inspirée du régime institué en métropole dans le cadre du processus de décentralisation.

Abordant la question des institutions nouvelles, le ministre a observé que celles-ci relevaient des principes d’un régime d’assemblée. Il a indiqué que le congrès demeurerait la réunion des membres des trois assemblées de province, qui auront cependant de nouveaux membres ne siégeant pas au congrès en application d’un régime électoral inspiré de celui qui s’applique aux conseils d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. Il a ajouté que le droit de vote pour les élections aux assemblées de province serait subordonné à une condition de résidence de dix ans sur le territoire, condition permettant la création de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Il a, par ailleurs, souligné que le projet de loi organique, en créant les lois du pays, introduisait une nouvelle catégorie de normes juridiques qui devront, après avis du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie, être adoptées à la majorité absolue des membres du congrès. Précisant que le domaine de ces lois était clairement défini, il a indiqué qu’une seconde délibération ou un contrôle du Conseil constitutionnel serait possible sur demande du haut-commissaire, du gouvernement, du président du congrès, d’une assemblée de province ou d’un tiers des membres du congrès.

Présentant l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie, il a souligné qu’il était transféré à un gouvernement composé de cinq à onze membres, élus par le congrès au scrutin de liste à la proportionnelle. Il a indiqué que ce gouvernement serait collégial, sa responsabilité pouvant être mise en cause par le vote d’une motion de censure par le congrès. Il a par ailleurs ajouté que le haut-commissaire assisterait de plein droit aux séances du gouvernement sans avoir de voix délibérative, mais pourrait demander une deuxième délibération d’un arrêté du gouvernement. Il a enfin indiqué que le président du gouvernement dirigerait l’administration de la Nouvelle-Calédonie, qu’il était l’ordonnateur des dépenses et qu’il pouvait déléguer, sur autorisation du congrès, certaines de ses attributions à un ou plusieurs des membres du gouvernement.

S’agissant des provinces, le ministre a observé qu’elles se trouvaient confortées dans le statut de collectivités disposant d’une compétence de droit commun qui leur a été reconnu, à la suite des accords de Matignon, par la loi référendaire de 1988. Il a indiqué que la seule innovation tenait à la mise en place d’une procédure de censure du président de l’assemblée de province au moment du débat budgétaire.

En matière électorale, outre l’augmentation du nombre des membres des assemblées de province et la définition du corps électoral calédonien, le ministre a indiqué qu’un seuil de 5 % des électeurs inscrits serait requis pour participer à la répartition des sièges afin d’éviter la dispersion des suffrages et l’instabilité des institutions, les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès devant avoir lieu avant le 1er août 1999. Il a par ailleurs précisé que le conseil économique et social était maintenu dans une composition élargie et que les communes demeuraient des collectivités territoriales relevant de l’Etat, au moins jusqu’en 2009, qui pourraient cependant bénéficier, sur décision du congrès, de transferts financiers en provenance du budget du territoire.

Abordant enfin la question de l’accession à la pleine souveraineté, il a déclaré que la date de la consultation serait déterminée au cours du mandat du congrès commençant en 2014 par délibération de cette institution ou, à défaut, par l’Etat. Rappelant que l’accord de Nouméa prévoyait que ce passage à la pleine souveraineté pourrait faire l’objet de trois consultations successives, il a précisé que le projet de loi organique ramenait ce nombre à deux. Il a ajouté que l’accord de Nouméa imposait une condition de résidence de vingt ans pour faire partie du corps électoral appelé à participer à cette consultation.

S’agissant de la question du développement économique, social et culturel, le ministre a indiqué que le titre VIII du projet de loi organique prévoyait, notamment, la conclusion de contrats pluriannuels de développement entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie et les provinces, un accord particulier devant traiter du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou. Il a, par ailleurs, fait part à la Commission de la reconnaissance des langues kanak comme langues d’enseignement et de culture.

Quant aux dispositions du projet de loi ordinaire, M. Jean-Jack Queyranne a souligné qu’elles visaient à déterminer les missions et les attributions du haut-commissaire, à fixer le cadre de l’action de l’Etat pour le développement et le rééquilibrage économique et social de la Nouvelle-Calédonie, à préciser le régime applicable à la comptabilité publique, à définir les règles relatives aux communes, à adapter le fonctionnement du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie à ses attributions nouvelles et à préciser les règles applicables en matière électorale.

Le ministre a conclu son propos en indiquant que les deux projets de loi visaient à établir des rapports nouveaux entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, en répondant à la situation particulière de ce territoire, qui souhaite à la fois partager un destin commun avec la France et assurer son émancipation politique et économique.

Le rapporteur a tout d’abord regretté que le Parlement dispose de délais aussi brefs pour examiner des textes de cette importance, alors que le gouvernement y travaille depuis plusieurs mois, soulignant qu’en dehors d’un « noyau dur » devenu intangible du fait de sa constitutionnalisation, les assemblées disposaient d’une certaine marge de manœuvre sur le contenu des autres dispositions.

Après avoir souhaité que les prérogatives du haut-commissaire soient préservées tout au long du processus, il s’est inquiété du devenir des personnels qui travaillent au haut-commissariat, puis a souligné que, d’une manière générale, les mesures organisant les transferts de compétences n’étaient accompagnées d’aucune dispositions relatives au personnel, contrairement à ce qui a été fait pour le mise en place de la décentralisation en métropole. Il a également évoqué les dispositions de l’article 22 du projet de loi ordinaire, s’étonnant qu’un billet de retour soit exigé des personnes qui se rendent en Nouvelle-Calédonie et exprimant des doutes sur la conformité de ces dispositions à la Constitution.

Abordant ensuite le système de gouvernement proposé par le projet de loi organique, il a admis qu’il était nécessaire de rendre une cohabitation possible, mais a émis le voeux que l’équilibre institutionnel soit cependant renforcé. A cet égard, il a évoqué les lois du pays, estimant opportun d’organiser leur contrôle de constitutionnalité. Illustrant son propos par les conclusions des rapports de la chambre territoriale des comptes, il a insisté sur le fait que l’usage des fonds publics devait être le plus rigoureux possible et a regretté que les dispositions pertinentes qui s’appliquent en métropole ne soient pas transposées en Nouvelle-Calédonie. Il a enfin mis l’accent sur les mesures destinées à encadrer le développement économique du territoire et sur l’organisation des services publics.

M. Dominique Bussereau a également déploré le calendrier d’examen des projets de loi, estimant peu judicieux que les députés soient amenés à en débattre un 21 décembre. Il a ensuite interrogé le ministre sur le retrait d’environ 15.000 électeurs du corps électoral, exprimant la crainte que cette difficulté ne soient utilisée par les opposants à l’accord de Nouméa. Après avoir mis en exergue l’extrême complexité des articles 41 et suivants du projet de loi organique, relatifs aux règles de la domanialité, et estimé que celles-ci seraient difficilement applicables, il a, par ailleurs, fait part de ses réserves sur l’article 121 du même projet de loi, qui permet au gouvernement de mettre fin aux fonctions de l’un de ses membres, souhaitant connaître la nature et la portée d’une telle délibération. Il s’est enfin inquiété de la date précoce retenue pour l’organisation des élections provinciales, exprimant la crainte que la double campagne menée par le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R. ne fragilise le consensus qui est indispensable pour la réussite du processus engagé par l’accord de Nouméa.

Jugeant étranges les conditions dans lesquelles les élus du territoire ont émis leur avis sur le projet de loi organique et s’étonnant notamment des déclarations du F.L.N.K.S., M. Dominique Perben a souhaité connaître l’évolution du climat politique depuis l’organisation du référendum ainsi que les conditions dans lesquelles se poursuivent les négociations, exprimant la crainte que la surenchère politique ne porte atteinte au consensus qui s’était dégagé lors de l’accord de Nouméa. Evoquant le contenu du projet de loi organique, il a, en premier lieu, interrogé le ministre sur le fonctionnement du gouvernement. A cet égard, rappelant que le dispositif était sous-tendu par deux logique, l’une majoritaire, l’autre proportionnelle, il s’est inquiété de la stabilité de l’équilibre institutionnel compte tenu de l’importance des compétences transférées. Ensuite, soulignant que les écarts de développements entre les provinces se creusaient en dépit des efforts consentis, il a douté que l’équilibre des pouvoirs organisé entre les provinces et le territoire ne favorise leur résorption et a souhaité le maintien d’une cohérence d’ensemble. Enfin, il s’est inquiété de la gestion du nickel, insistant sur le fait que cette richesse essentielle du territoire devait échapper à toute mainmise politique, jugeant dramatique l’hypothèse dans laquelle ce potentiel économique serait déstabilisé ou accaparé par des intérêts non européens.

Intervenant en application de l’article 38 du règlement, M. Bernard Grasset a fait part de ses craintes sur le maintien du consensus face aux dérapages auxquels chacune des parties prenantes pourraient se livrer. Jugeant nécessaire que l’accord de Nouméa soit appliqué à la fois dans son esprit et dans sa lettre, il a plaidé pour un rééquilibrage harmonieux des provinces. S’agissant du volet institutionnel, il s’est interrogé sur la possibilité de confier des responsabilités exécutives à des membres du congrès, soulignant que le montage institutionnel devrait s’appliquer en tenant compte des pesanteurs et des contraintes locales.

Mme Catherine Tasca, présidente, a tenu à indiquer qu’elle s’était également inquiétée du calendrier d’examen des projets de loi et précisé que le report de leur discussion à la mi-janvier, un moment envisagé, avait été abandonné, l’ensemble des parties prenantes souhaitant que la mise en place des nouvelles institutions soit aussi rapide que possible.

Partageant les interrogations formulées par le rapporteur, elle a indiqué que le fonctionnement du gouvernement serait déterminant pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, puisqu’il lui reviendrait de prendre les décisions les plus importantes. Soulignant qu’il convenait de faire cohabiter la logique démocratique et la logique de consensus issues de l’accord de Nouméa, elle a exprimé le souhait que le Parlement veille à ce que cet accord, fruit de compromis et d’un consensus local, continue de fonder le consensus national, insistant également sur le fait que le cadre institutionnel devait obliger les parties à l’accord à travailler dans une logique de consensus. Elle a jugé indispensable que soient mis en œuvre les moyens de préserver, pour les vingt prochaines années, ce consensus, grâce à une collégialité obligée par-delà les pondérations électorales à venir.

M. Pierre Frogier a observé que la question du billet aller-retour était ancienne. Il a rappelé que les voyageurs métropolitains qui se rendaient en Nouvelle-Calédonie devaient présenter un tel billet en arrivant sur le territoire alors que, depuis une délibération de 1957, les habitants de Wallis-et-Futuna en étaient exonérés. Il a ajouté que cette question soulevait actuellement des difficultés, indiquant que le F.L.N.K.S. avait souhaité qu’elle soit inscrite dans le texte de loi. Il a tenu également à préciser que l’ensemble du dispositif conçu dans l’accord de Nouméa, transcrit dans le projet de loi organique, était fondé sur un a priori pouvant se résumer à cette formule : la force majoritaire ne fait pas jouer sa majorité. Il a souligné que le parti majoritaire s’obligeait à partager le pouvoir avec la minorité au congrès, notamment avec les partis indépendantistes. Insistant sur le fait que ce dispositif complexe était né d’une demande du R.P.C.R., il a souhaité que l’on cesse de faire des procès d’intention à son mouvement sur la gestion future du congrès. Il a observé que si la logique avait été, dès l’origine, celle d’une gestion commune des affaires par le R.P.C.R. et les partis politiques qui ont appelé à voter « non » au référendum, le dispositif de la loi organique aurait été évidemment différent. Enfin, il s’est inquiété de la question de la disparition de la dotation de compensation en matière d’enseignement et d’aide médicale, qui diminuera les ressources affectées vers les provinces en ce domaine.

Répondant aux différents intervenants, M. Jean-Jack Queyranne a également jugé indispensable la mise en place d’institutions propres à faire perdurer l’équilibre fragile résultant du consensus national, qui s’est manifesté par le vote du congrès, et du consensus local, exprimé par référendum. Il a souligné que les projets de loi étaient un pari sur l’intelligence des hommes et leur capacité à vivre ensemble, qu’ils témoignaient d’une confiance réciproque, toutes les forces politiques ayant contribué à l’expression sans ambiguïté d’une volonté commune, même si des démarches séparées y ont conduit. Il a considéré que les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès seraient un passage important pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il a précisé que des contacts avaient été pris avec le F.L.N.K.S. pour dissiper les malentendus, apaiser les esprits et réaffirmer la volonté de l’Etat de mettre en œuvre loyalement l’accord de Nouméa pour parvenir à des textes de loi susceptibles de recueillir l’approbation des deux parties et susciter un consensus.

Le ministre a constaté qu’effectivement un certain nombre de personnes qui avaient pu voter en 1995 n’avaient pas pu participer au référendum de 1998 et que, si l’on s’en tenait à la lettre de l’accord de Nouméa, ils ne pourraient sans doute pas voter aux élections provinciales de 1999, faute de remplir la condition de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie. Il a rappelé que le F.L.N.K.S. était sensible au fait qu’en 1988 le Conseil d’Etat avait rejeté une disposition limitant le corps électoral alors même que les accords de Matignon avaient prévu une telle restriction. Il a souligné que, pour le F.L.N.K.S., la détermination du corps électoral est un des éléments de cet équilibre mathématique des communautés, parfois un peu artificiel, dans lequel s’opère la réflexion.

Le ministre a ensuite évoqué la question du corps électoral « glissant ». Il a indiqué qu’il lui paraissait légitime, comme il l’a toujours fait savoir au cours des négociations, qu’après dix ans de présence en Nouvelle-Calédonie, on puisse voter aux élections provinciales, c’est-à-dire celles qui déterminent la gestion du pays dans lequel on vit. Il a également estimé que le point de vue du F.L.N.K.S. était tout autant légitime lorsqu’il considère que les personnes de passage sur le territoire peuvent voter aux scrutins nationaux et municipaux, mais pas aux scrutins territoriaux. Il a observé que, sur la possibilité offerte aux personnes installées depuis plus de dix ans de voter aux élections provinciales, il n’existait pas encore de véritable accord et qu’il serait nécessaire de déployer beaucoup d’effort de persuasion pour aboutir.

Concernant la consultation pour l’accession à la souveraineté, il a indiqué que le projet de loi organique prévoyait que le troisième référendum serait suspendu à la réunion des partenaires signataires de l’accord de Nouméa. Il a noté qu’effectivement cette disposition ne s’inscrivait pas tout à fait dans le texte de l’accord.

Concernant l’environnement économique, et en particulier le problème minier, le ministre a souligné que les décisions importantes nécessiteraient un accord entre le gouvernement et les assemblées de province, ajoutant que le haut-commissaire présidait le conseil des mines. Il a précisé que des discussions étaient d’ores et déjà engagées sur les perspectives qui s’offrent en la matière, notamment en ce qui concerne le rôle des opérateurs et l’actionnariat. Il a rappelé que le fait d’être « adossée » à la France avait permis à la Nouvelle-Calédonie, dont le nickel représente plus de 50 % de la richesse, de traverser sans trop de difficultés la crise de 1983.

Concernant les futures institutions du territoire, il a souligné leur caractère original, dans la mesure où le gouvernement était chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence et chargeait chacun de ses membres d’animer et de contrôler un secteur de l’administration. Il a estimé que, une fois les règles définies, il appartiendrait aux femmes et aux hommes de les faire vivre, ajoutant que, dans les faits, toutes les communautés seraient appelées à gérer ensemble le territoire, les différents partenaires étant associés au sein du gouvernement bien qu’ayant fait des campagnes politiques différentes.

Concernant les relations entre le territoire et les provinces, le ministre a estimé qu’une évolution se dessinait, allant d’une logique de provincialisation mise en place en 1988, chacun gérant une partie du territoire, vers une logique de gestion commune du territoire, avec le renforcement de l’échelon central.

Enfin, le ministre a indiqué qu’il n’y avait pas actuellement de statut prévu pour le personnel du haut-commissariat, parce que la consultation obligatoire du Conseil national de la fonction publique aurait allongé les délais ; il a cependant observé qu’un amendement parlementaire pourrait opportunément remédier au silence du projet sur ce point. Puis, il a précisé que le domaine public avait vocation à revenir aux provinces et a ajouté qu’il était ouvert à des amendements sur un meilleur usage des fonds publics en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, il s’est déclaré prêt à étudier la question de la dotation relative à l’enseignement soulevée par M. Pierre Frogier.

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EXAMEN DES ARTICLES

DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Article premier

Organisation géographique, administrative
et coutumière de la Nouvelle-Calédonie

Cet article débute par une énumération des îles qui constituent le territoire géographique de la Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle-Calédonie comprend : la Grande-Terre, l’île des Pins, l’archipel des Bélep, Huon et Surprise, les îles Chesterfield et les récifs Bellone, les îles Loyauté (Maré, Lifou, Tiga et Ouvéa), l’île Walpole, les îles Beautemps-Beaupré et de l’Astrolabe, les îles Matthew et Fearn ou Hunter, ainsi que les îlots proches du littoral. La liste qui est ainsi inscrite au premier article de la loi organique est exhaustive. Elle apparaissait déjà à l’article 4 de la loi référendaire de 1988. On peut toutefois s’interroger sur le fait que l’île Beautemps-Beaupré ne soit pas incluse dans les îles Loyauté alors même qu’elle fait partie de la commune d’Ouvéa. Il s’agit sans doute là d’un détail qui a néanmoins été relevé par les représentants de la province des îles Loyauté.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur intégrant l’île de Beautemps-Beaupré dans la définition du territoire des îles Loyauté (amendement n° 3).

Après avoir fixé le cadre géographique du territoire, l’article premier décrit la délimitation des trois provinces de la Nouvelle-Calédonie. Ce texte correspond à l’article 6 de la loi référendaire de 1988, sauf l’adjonction d’une commune créée par le décret du 25 avril 1995, Kouaoua, qui appartient à la province Nord. On observera aussi que le projet de loi organique mentionne expressément la commune de Poya dont le territoire chevauche les provinces Nord et Sud. Le décret du 26 avril 1989 a organisé la répartition du territoire de cette commune entre les deux provinces. Aux termes de l’article premier, il est prévu qu’un décret en Conseil d’Etat puisse reprendre la répartition du territoire de cette commune entre les deux provinces.

La délimitation des trois provinces n’est pas figée. Selon l’alinéa 8 de l’article premier, elle peut être modifiée par décret en Conseil d’Etat, sur proposition du congrès et après avis des assemblées de province et des conseils municipaux intéressés ainsi que du sénat coutumier. Il va de soi que les avis sollicités avant la prise du décret ne lient pas l’autorité réglementaire. On peut s’interroger sur la portée de telles modifications : n’interviendraient-elles que sur quelques hectares ou pourraient-elles conduire au basculement d’une commune d’une province à une autre ?

Le troisième élément constitutif de l’organisation de la Nouvelle-Calédonie réside dans les aires coutumières. Comme l’indiquait déjà la loi référendaire de 1998, elles sont au nombre de huit : Hoot Ma Whaap, Paici Camuki, Ajié Aro, Xaracuu, Djubea-Kaponé, Nengone, Drehu, Iaai. Deux de ces aires sont situées à la fois dans la province Nord et la province Sud : Ajié Aro et Xaracuu. L’accord de Nouméa a appelé à la valorisation du rôle des aires coutumières en indiquant que l’organisation spatiale de la Nouvelle-Calédonie devra mieux tenir compte de leur existence (point 1.2.2. de l’accord).

La Commission a adopté l’article premier ainsi modifié.

Article 2

Institutions de la Nouvelle-Calédonie - Haut-commissaire -
Représentation au Parlement et au Conseil économique
et social de la République

Cet article établit la liste des institutions de la Nouvelle-Calédonie. Figurent dans ces institutions : le congrès, les assemblées de province, les conseils coutumiers, le gouvernement, le sénat coutumier, les conseils municipaux et le conseil économique et social. En dehors des conseils municipaux seules les deux premières de ces institutions existaient dans le statut de 1988. Les autres sont des créations consécutives à la signature de l’accord de Nouméa. La présence des conseils municipaux peut apparaître paradoxale. En effet, les communes sont des collectivités territoriales de la République, qui ne sont pas régies par la loi organique. Faire référence aux conseils municipaux ne contribue pas à clarifier la notion d’« institution de la Nouvelle-Calédonie ». Or, il est d’autant plus important de bien la définir que, selon le point 2 de l’accord de Nouméa, les restrictions apportées au corps électoral s’appliquent pour les élections aux institutions du pays. Comme il n’a jamais été question de restreindre le corps électoral pour les élections municipales, il importe de distinguer les conseils municipaux des institutions de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant les conseils municipaux de la liste des institutions de Nouvelle-Calédonie et rappelant que les communes sont des collectivités territoriales de la Républiques (amendement n° 4).

Le deuxième alinéa de l’article 2 fait du haut-commissaire le dépositaire des pouvoirs de la République. Il représente le Gouvernement. Cette disposition met en évidence son importance en Nouvelle-Calédonie au moment où celle-ci va accéder à une forme très poussée d’autonomie. Son rôle est décrit au titre VI du présent projet de loi ainsi que dans le titre premier du projet de loi simple.

L’article se conclut par un alinéa qui dispose que la Nouvelle-Calédonie est représentée au Parlement et au conseil économique et social de la République dans les conditions fixées par les lois organiques. Ce texte est un simple rappel traditionnel dans les statuts de l’outre-mer. Sans portée juridique directe, il est utile néanmoins de l’insérer dans ce projet de loi. En effet, la Nouvelle-Calédonie n’est plus un territoire d’outre-mer. Cette disposition, qui va de soi pour les territoires, mérite d’être énoncée pour le cas particulier de cette collectivité sui generis.

La Commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie

L’objet de cet article est d’instituer une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Peuvent en bénéficier les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l’article 177 du présent projet de loi. Il s’agit là d’une innovation majeure de l’accord de Nouméa. Dans son point 2, ce texte indique que « l’un des principes de l’accord politique est la reconnaissance d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisi et s’organiserait, après la fin de la période d’application de l’accord, en nationalité, s’il en était décidé ainsi ».

Pour bénéficier de cette nouvelle citoyenneté, il importe de respecter deux conditions :

—  être de nationalité française ;

—  remplir les conditions fixées à l’article 177 de la loi organique. Cette condition renvoie au deuxième alinéa du point 2 de l’accord de Nouméa. Aux termes de celui-ci, la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions néo-calédoniennes et pour la consultation finale. Si la notion de citoyenneté fonde bien politiquement les restrictions, on observe aussi que ce sont ces restrictions qui permettent en fait de définir juridiquement cette citoyenneté. L’article 177 du projet de loi organique fixe les restrictions apportées au corps électoral pour les élections provinciales.

L’application de cette disposition fera que certains seront citoyens de la République sans être citoyens de la Nouvelle-Calédonie, l’inverse n’étant pas possible. La notion de citoyenneté néo-calédonienne reste fondée néanmoins sur le critère de nationalité. Ce lien ne porte pas atteinte aux dispositions constitutionnelles et législatives qui permettent aux ressortissants communautaires de voter aux élections européennes et municipales y compris en Nouvelle-Calédonie puisque pour participer à ces scrutins la citoyenneté calédonienne n’est pas exigée.

La Commission a adopté l’article 3 sans modification.

Article 4

Signes distinctifs

Cet article prévoit que la Nouvelle-Calédonie pourra déterminer librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité aux côtés de ceux de la République. Ce texte transpose le point 1.5 de l’accord de Nouméa relatif aux symboles qui renvoyait à la notion de signes identitaires. On a préféré ici reprendre le terme de « signes distinctifs » déjà utilisé dans le statut relatif à la Polynésie française en méconnaissant le texte de l’accord. Sur un sujet aussi sensible il ne semble pas souhaitable de rompre avec la lettre de l’accord de Nouméa.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur faisant référence aux signes « identitaires » et non aux signes « distinctifs » de la Nouvelle-Calédonie, M. René Dosière ayant fait valoir que cette modification permettait de respecter les termes de l’accord de Nouméa (amendement n° 5).

La rédaction du premier alinéa mériterait d’être clarifiée dans la mesure où elle sous-entend qu’il existerait également des signes distinctifs de la République. L’article 2 de la Constitution détermine l’emblème national ainsi que l’hymne, la devise et le principe de la République. A aucun moment il ne fait mention de signes distinctifs. En guise de précision, on pourrait substituer à la rédaction proposée par le Gouvernement celle déjà présente dans l’article premier, troisième alinéa, de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française : « aux côtés de l’emblème national et des signes de la République ».

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur allant dans ce sens (amendement n° 6).

Le deuxième alinéa de l’article 4 prévoit également la faculté pour la Nouvelle-Calédonie de modifier son nom. Une telle mesure respecte l’accord de Nouméa qui en prévoit la possibilité au deuxième alinéa du point 1.5.

Le dernier alinéa de l’article 4 précise que les décisions instituant des signes distinctifs ou modifiant le nom de la Nouvelle-Calédonie sont prises par des lois du pays et à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès. La majorité requise ici est particulièrement importante. On rappellera que l’article 89 de la Constitution exige pour la révision de notre loi fondamentale les trois cinquièmes des suffrages exprimés lors de la réunion du Congrès à Versailles. Le choix d’une majorité qualifiée particulièrement contraignante est dicté par la volonté de dégager une forme de consensus autour de ces questions. L’accord de Nouméa évoque la nécessité d’exprimer l’identité kanak mais également « le futur partagé entre tous ». Cette disposition du projet de loi organique répond à cette nécessité.

Puis la Commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

La propriété foncière

Aux termes de cet article, trois types de propriété foncière seront reconnus en Nouvelle-Calédonie : la propriété privée, la propriété publique et les terres coutumières. Au début de l’article, il est rappelé que le droit de propriété est garanti par la Constitution et la référence expresse à la propriété privée a pour objet de rassurer un certain nombre de Calédoniens qui craignaient une forme de collectivisation des terres sur la base d’une revendication coutumière. Il ne peut évidemment s’agir de cela puisque le droit de propriété est solennellement reconnu par notre Constitution dans les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Les terres coutumières sont un élément essentiel de l’identité kanak, comme le préambule de l’accord de Nouméa ainsi que son point 1.4 l’ont affirmé. Le statut de ces terres est défini à l’article 17 du projet de loi organique.

La Commission a adopté l’article 5 sans modification.

TITRE PREMIER

STATUT CIVIL COUTUMIER ET PROPRIÉTÉ COUTUMIÈRE

Article 6

Champ d’application de la coutume

Cet article définit le statut personnel auquel il est fait référence dans l’article 75 de la Constitution. Dans le cadre de ce titre Ier, le statut personnel renvoie au statut civil coutumier kanak. Dans l’ensemble de la loi organique la mention du « statut civil coutumier » ne comprend donc pas, par exemple, le statut coutumier applicable aux Wallisiens-et-Futuniens. L’article 6 indique que les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies en matière civile par leurs coutumes (il existe en Nouvelle-Calédonie plusieurs aires coutumières au sein desquelles s’appliquent des règles coutumières différentes). On rappellera que le premier point de l’accord de Nouméa, qui porte sur l’identité kanak, débute par la question du statut civil coutumier, ce qui en démontre toute l’importance.

Dans la mesure où il n’existe pas de véritable procédure civile coutumière, il apparaît que le statut civil coutumier s’applique au droit civil à l’exclusion de la procédure. C’est pourquoi, dans cet article, il serait préférable de substituer aux termes « en matière civile » ceux de « en matière de droit civil ».

La Commission a adopté un amendement du rapporteur allant dans ce sens (amendement n° 7).

Puis elle a adopté l’article 6 ainsi modifié.

Article 7

Registre d’état civil coutumier

Les personnes qui ont le statut civil coutumier doivent être inscrites sur un registre d’état civil coutumier. Celui-ci est tenu dans chaque commune par les officiers d’état civil. Une délibération n° 424 du 3 avril 1967 a fixé les modalités pratiques d’inscription dans ces registres coutumiers dont l’unité de base est la tribu.

La Commission a adopté l’article 7 sans modification.

Article 8

Rapports juridiques entre personnes de statut civil différent

Le premier alinéa de cet article prévoit que les rapports juridiques entre deux personnes, l’une relevant du droit commun et l’autre du statut civil coutumier, sont soumis au statut civil de droit commun. Conformément à la définition donnée à l’article 6, la notion de statut civil coutumier renvoie à la seule coutume kanak à l’exclusion, par exemple, des coutumes de Wallis-et-Futuna. Le principe de primauté du droit commun en cas de conflit des statuts est classique, dans la mesure où le statut coutumier demeure une exception en matière civile.

Le deuxième alinéa de l’article 8 règle les rapports juridiques entre des parties qui relèvent de statuts personnels différents. Il s’agit, par exemple, de l’hypothèse où seraient opposés, lors d’un litige, un Kanak et un Wallisien, chacun soumis à une coutume propre. Devant une telle situation, là encore, le droit commun s’applique. Il est impossible – en dehors de l’accord des parties – de faire prévaloir une coutume sur une autre. Toutefois la fin de l’alinéa ouvre la possibilité pour les deux parties de choisir, par clause expresse, l’application d’un statut personnel, celui de l’un ou de l’autre. On observera que dans le cas où deux Kanak de statut civil coutumier habitant des aires coutumières différentes contractent entre eux, leurs rapports juridiques restent soumis au statut coutumier. Mais, dans cette hypothèse, c’est la coutume qui détermine les règles de chaque aire qui leur sont applicables concrètement.

La Commission a adopté l’article 8 sans modification.

Article 9

Transmission du statut civil coutumier

Cet article prévoit qu’un enfant légitime, naturel ou adopté plénièrement, dont les deux parents ont le statut civil coutumier, a également le statut coutumier. Cette disposition s’inscrit dans une logique d’intégration communautaire. Il paraît logique qu’un enfant évoluant au sein de la coutume y soit également soumis. Le texte entend couvrir l’ensemble des cas de figures qui peuvent se présenter : la filiation légitime, la filiation naturelle ou l’adoption. Dans ce dernier cas, on constate que le projet de loi organique ne vise que les cas d’adoption plénière. Contrairement à l’adoption simple, l’adoption plénière instaure une coupure complète avec la famille biologique. Il paraît donc de bonne logique de ne viser que ce cas de figure, dans lequel le lien entre les parents adoptifs, soumis à la coutume, et leur enfant est le plus complet d’un point de vue juridique. C’est en effet l’intensité de ce lien qui emporte la transmission du statut coutumier. La référence à l’adoption plénière présente néanmoins une difficulté. En effet, c’est l’adoption d’un enfant par deux personnes de statut coutumier qui est envisagée. Or, dans la coutume, la distinction faite entre les adoptions simple et plénière n’existe pas. En précisant ainsi la nature de l’adoption dans l’article 9, ne risque-t-on pas d’exclure des formes d’adoption coutumière qui s’apparenteraient plutôt, pour ce que l’on peut en juger, à une forme d’adoption simple ? Il conviendrait sans doute de ne pas ignorer, cette réalité, ce à quoi peut conduire la référence à la seule adoption plénière. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur supprimant la référence à l’adoption plénière (amendement n° 8).

Par ailleurs l’expression « les deux parents » n’a pas un caractère très précis. La notion de parents renvoie aussi bien aux ascendants qu’aux collatéraux et aux descendants. Il serait plus judicieux d’y substituer les termes « le père et la mère » utilisés dans le code civil. La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant ces termes (amendement n° 9).

Puis elle a adopté l’article 9 ainsi modifié.

Article 10

Octroi du statut civil coutumier à un mineur

L’objet de cet article est d’organiser l’octroi du statut civil coutumier à un mineur, à la demande de toute personne de statut civil coutumier exerçant l’autorité parentale. Cette demande est présentée devant la juridiction civile de droit commun, comme en disposent les articles 12 et 13.

Il semble souhaitable de préciser la rédaction du premier alinéa en indiquant que la personne qui peut présenter la demande doit être celle qui exerce dans les faits l’autorité parentale. En effet, on observe dans les tribus kanak que, parfois, un parent qui n’exerce pas l’autorité parentale au sens classique du droit civil l’assume pourtant dans les faits. C’est par exemple le cas des oncles utérins, dont l’importance est très particulière dans ces sociétés. Il paraît donc utile d’inciter le juge à rechercher la réalité et la véritable nature des liens qui peuvent s’instituer entre un enfant et certains de ces parents au sens large du terme.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le statut civil coutumier peut être demandé par toute personne exerçant dans les faits l’autorité parentale (amendement n° 10).

Le deuxième alinéa de cet article prévoit les cas où le juge peut rejeter la requête qui lui est présentée. Ce rejet peut intervenir lorsque les intérêts du mineur ou l’un de ses ascendants, descendants ou collatéraux sont insuffisamment préservés. On pense en particulier aux femmes dont les droits sont moindres dans la coutume. Il apparaît utile de protéger leurs droits notamment à l’égard de leurs enfants. On peut aussi imaginer une situation où l’époux de statut coutumier demanderait pour son enfant l’octroi de ce statut afin de limiter les droits de son épouse, soumise quant à elle au droit commun.

A la fin de cet alinéa, le texte prévoit qu’un mineur de plus de treize ans doit être entendu par le juge. La référence à l’âge de treize ans est aujourd’hui datée. Elle existait auparavant en matière de divorce dans le code civil puisque l’ancienne rédaction de l’article 290 du code civil était la suivante : « le juge tient compte : (...) des sentiments exprimés par les enfants. Lorsque ceux-ci ont moins de treize ans, ils ne peuvent être entendus que si leur audition paraît nécessaire et ne comporte pas d’inconvénients pour eux ; lorsqu’ils ont plus de treize ans, leur audition ne peut être écartée que par décision spécialement motivée. » Cette rédaction a disparu avec la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, qui organise l’audition des enfants mineurs dans les conditions prévues à l’article 388-1 du code civil. Celui-ci qui transcrit la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, prévoit que dans toute procédure le concernant le mineur capable de discernement peut (...) être entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet. Cette disposition d’ordre général, qui s’applique donc au-delà même des cas de divorce, ne renvoie plus à un âge précis mais à la capacité de discernement du mineur. Même si actuellement, le code civil est applicable en Nouvelle-Calédonie et donc son article 388-1, la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 10 du projet de loi est utile. Elle rend l’audition du mineur par le juge obligatoire en cas de demande de changement de statut civil alors que l’article 388-1 du code civil ne ferait qu’ouvrir cette faculté sans l’imposer au juge.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur prévoyant que, pour être entendu par le juge, un mineur ne doit pas être âgé de plus de treize ans mais être capable de discernement (amendement n° 11).

Puis elle a adopté l’article 10 ainsi modifié.

Article 11

Octroi du statut civil coutumier aux jeunes majeurs

Aux termes de cet article, les personnes majeures âgées de dix-huit à vingt et un ans et dont au moins l’un des deux parents a le statut civil coutumier peuvent demander ce statut s’ils ont joui pendant au moins cinq ans de la possession d’état de personnes relevant de ce statut. Il s’agit ici de couvrir le cas de jeunes Kanak qui ne sont pas inscrits dans le registre civil coutumier mais qui sont considérés par le clan comme relevant du statut coutumier. On rappellera qu’au terme de l’article 311-1 du code civil, la possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir. La possession d’état doit être continue. Elle constitue une forme de présomption relative à la filiation qui se prouve par tous moyens et que l’on entend ici appliquer non pas à la filiation mais au lien coutumier. L’objectif recherché est, là encore, de permettre la meilleure intégration possible d’une personne dans l’environnement clanique. Comme dans l’article 9, il est fait référence aux parents. On préférera à ce terme ceux de père et de mère pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur allant dans ce sens (amendement n° 12).

Puis elle a adopté l’article 11 ainsi modifié.

Article 12

Changement de statut civil

Cet article organise les changements de statut civil. Dans son premier alinéa, il prévoit qu’une personne de statut civil de droit commun peut y renoncer au profit du statut civil coutumier si elle a eu ce dernier à un moment donné. Peu importe la raison qui l’a conduite à abandonner le statut coutumier. La faculté de renoncer lui est ouverte comme la révision constitutionnelle de juillet 1998 l’a autorisé. En effet, l’article 75 de la Constitution ne permet pas de revenir au statut coutumier lorsqu’on l’a abandonné. L’accord de Nouméa a prévu la possibilité d’un tel retour et le nouveau titre XIII de la Constitution l’a ratifié.

Le deuxième alinéa de l’article 12 ouvre largement la faculté de revenir au statut coutumier, puisque les personnes qui justifient que l’un de leurs ascendants a eu ce statut peuvent renoncer au statut civil de droit commun dans le délai de cinq ans qui suit la promulgation de la présente loi. On considère en effet que, pour permettre à un certain nombre de personnes de mieux s’intégrer dans les tribus où elles vivent, il faut leur laisser la possibilité de revenir au statut coutumier qui régit le fonctionnement de la communauté. Cet alinéa vise les enfants de parents kanak ayant, par exemple pour divorcer, renoncé à leur statut coutumier. Si ces enfants, devenus adultes, continuent à vivre au sein d’un clan, il paraît logique qu’ils puissent être soumis à ses règles coutumières. On observera néanmoins qu’il suffit d’avoir l’un de ses ascendants (grands-parents, arrières-grands-parents) qui a bénéficié du statut coutumier pour pouvoir le revendiquer. Le lien peut donc être plus ou moins lointain.

Le troisième alinéa vise l’option inverse, celle où une personne relevant du droit coutumier souhaite bénéficier du statut civil de droit commun. C’est une hypothèse classique reconnue expressément par l’article 75 de la Constitution.

Les trois derniers des alinéas de l’article 12 organisent la procédure de renonciation à son statut. Tout d’abord, la demande en renonciation doit émaner d’une personne capable, agissant en plein connaissance de cause et se trouvant dans une situation juridique qui ne fasse pas obstacle à son accession au statut demandé. Là encore, le projet de loi introduit une disposition de protection du mineur en mentionnant que, si celui-ci a plus de treize ans et que la demande de renonciation émane d’une personne ayant l’autorité parentale, il doit être entendu par le juge. Comme pour l’article 10, la référence à l’âge de treize ans ne s’impose pas. La Commission a adopté un amendement du rapporteur faisant référence à la capacité de discernement du mineur (amendement no 14)

De même, il convient de préciser que l’on apprécie l’exercice de l’autorité parentale dans les faits. Tel est l’objet d’un deuxième amendement présenté par le rapporteur que la Commission a adopté (amendement no 13).

Le quatrième alinéa limite le pouvoir du juge en la matière. Il se contente de constater la renonciation après avoir vérifié, toutefois, que les conditions sont remplies. Puis il ordonne l’inscription de cette renonciation sur les registres d’état civil.

Enfin, la possibilité de renoncer à plusieurs reprises au statut civil de droit commun est limitée. En la matière, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation puisqu’il doit s’assurer que l’ordre public, la stabilité juridique et l’intérêt des enfants, des parents et des tiers sont suffisamment préservés. L’objectif de cette disposition est d’éviter des fraudes à la loi. C’est l’hypothèse où une personne changerait de statut pour échapper à ses obligations juridiques de droit commun. Cet alinéa évoque la nécessaire « stabilité juridique ». Ces termes renvoient sans doute à l’expression retenue par la cour de cassation. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur reprenant l’expression précise employée par la Cour, c’est-à-dire « la stabilité des situations juridiques » (amendement no 15). Enfin, elle a adopté un autre amendement du rapporteur tendant à substituer au terme « parent » ceux utilisés à l’article 10 du projet de loi : « ascendants, descendants ou collatéraux » (amendement no 16).

Puis la Commission a adopté l’article 12 ainsi modifié.

Article 13

Juridiction compétente

L’objet de cet article est de donner compétence à la juridiction civile de droit commun pour connaître des litiges et des requêtes relatifs au statut civil coutumier. Cette juridiction est le tribunal de première instance qui, en Nouvelle-Calédonie, regroupe le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance tels qu’ils existent en métropole.

L’article 13 prévoit également dans son deuxième alinéa que la juridiction de droit commun, lorsqu’elle statue sur les affaires de droit coutumier, est complétée par des assesseurs coutumiers. Ceux-ci ont été institués par l’ordonnance n° 82-877 du 15 octobre 1982. Il s’agit de Kanak de droit coutumier dont la présence au sein des juridictions permet aux magistrats de mieux cerner la nature des règles coutumières.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 17).

Puis elle a adopté l’article 13 ainsi modifié.

Article 14

Action en déclaration du statut

Cet article donne le droit à toute personne d’agir pour faire déclarer qu’elle a ou qu’elle n’a pas le statut civil coutumier. Cette disposition reprend l’article 29-3 du code civil qui permet à toute personne d’agir pour faire décider qu’elle a ou qu’elle n’a pas la qualité de français. Cette action déclaratoire de nationalité est donc transposée à la question du statut civil coutumier. Elle permettra, par exemple, à une femme à laquelle on oppose des règles coutumières d’exprimer son appartenance au statut civil de droit commun.

La Commission a adopté l’article 14 sans modification.

Article 15

Requête pour l’accès ou le retour au statut civil coutumier -
Consultation de l’autorité coutumière

Aux termes de cet article, une requête qui a pour objet de demander l’accession ou le retour au statut coutumier doit être motivée et doit mentionner le registre d’état civil sur lequel l’inscription sera portée. Cette dernière mention est nécessaire dans la mesure où elle permettra à la juridiction complétée par les assesseurs coutumiers de déterminer précisément à quelle tribu, et donc à quelle coutume, la personne souhaite être rattachée. En effet, les registres d’état civil en matière coutumière sont divisés selon les tribus comme le prévoit la délibération du territoire n° 424 du 3 avril 1967.

Le juge est tenu de consulter l’autorité coutumière compétente en vertu de l’alinéa 2 de cet article. La notion d’autorité coutumière compétente est suffisamment large pour permettre au juge de s’adresser à toute personne susceptible de parler au nom du clan dans lequel le demandeur souhaite être intégré.

La Commission a adopté l’article 15 sans modification.

Article 16

Effets à l’égard des tiers

Cet article reprend une disposition classique en droit civil. Il prévoit que les jugements rendus sur les litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ont effet même à l’égard des tiers. Ceux-ci disposent de la procédure de la tierce opposition, à la condition de mettre en cause le procureur de la République

La Commission a adopté l’article 16 sans modification.

Article 17

Les terres coutumières

Au sein de ce titre, il s’agit du seul article qui porte sur les terres coutumières. Il prévoit que sont régies par la coutume les terres coutumières ainsi que les biens appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier. Après cette définition un peu laconique, l’article poursuit en établissant la liste des terres que l’on peut qualifier de coutumières. Il s’agit des réserves, des terres attribuées au groupement de droit particulier local et les terres qui sont attribuées par les collectivités territoriales ou les établissements publics fonciers (on pense ici à l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier instituée par la loi référendaire) pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre.

La réglementation relative aux terres coutumières remonte à l’arrêté du gouverneur Guillain du 22 janvier 1868. Il prévoyait la délimitation des terres de chaque tribu dont celle-ci avait la jouissance traditionnelle. Plus récemment, une délibération du Territoire n° 116 du 14 mai 1980 a fixé les modalités d’attribution des terres au titre de la réforme foncière complétant ainsi une délibération n° 67 du 10 mars 1959 relative au régime des réserves autochtones. L’article 5 de la délibération de 1980 dispose notamment que « la terre du clan est la propriété commune des groupes familiaux qui le composent. Ces groupes familiaux sont représentés par les chefs de famille coutumiers qui constituent le conseil du clan. Le conseil du clan règle l’usage et la répartition des terres entre les membres du clan ainsi que la constatation, s’il y a lieu, des droits de propriété du clan, selon le droit coutumier. Il peut également, dans le respect des règles coutumières, et selon les modalités qu’il détermine, en autoriser la jouissance à titre gratuit ou onéreux à des personnes étrangères au clan. »

Les accords de Matignon ont pris en considération la revendication foncière des Kanak dépossédés de leurs terres lors de la colonisation.

Un établissement public d’Etat, l’agence de développement rural et d’aménagement foncier (A.D.R.A.F.), a été créé. Cet organisme est chargé de faciliter l’acquisition de terres par les communautés mélanésiennes. Financée par l’Etat, l’agence achète des terres, puis les cède à des particuliers ou au bénéfice d’un groupement de droit particulier local (G.D.P.L.), personne morale qui représente la propriété collective traditionnelle. Depuis 1989, l’A.D.R.A.F. a acquis 26.000 hectares, qui se sont ajoutés aux 86.600 hectares qui lui ont été remis lors de sa création. De la sorte, cette agence a attribué 89.000 hectares en moins de dix ans, dont 77.000 à des Mélanésiens sous forme de G.D.P.L. Ainsi, en neuf ans, le foncier mélanésien s’est accru de 38,5 % sur la Grande Terre. Ces attributions, réalisées par l’agence au bénéfice de particuliers ou de G.D.P.L. , ont été affectées, pour moitié, à des productions vivrières traditionnelles et, pour l’autre moitié, à des projets économiques, en particulier dans le secteur de l’élevage.

On le voit, la question foncière est importante dans la double logique de la reconnaissance de l’identité kanak et du rééquilibre économique du territoire.

Le dernier alinéa de cet article 17 pose le principe selon lequel les terres coutumières sont inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables. Il reprend les termes de l’arrêté du gouverneur Guillain de 1868 et de la délibération du Territoire n° 67 du 10 mars 1959 relative au régime des réserves autochtones. Il rend ainsi compte de la nature juridique toute spécifique des terres coutumières qui dérogent à la notion de propriété classique.

La Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 18).

Puis elle a adopté l’article 17 ainsi modifié.

Articles additionnels après le Titre premier

Organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie

M. François Colcombet a présenté quatre amendements qui insèrent un nouveau titre dans le projet de loi organique consacré à la justice coutumière en Nouvelle-Calédonie, précisent que, lorsque la juridiction de droit commun ou la juridiction d’appel statuent sur des affaires ne relevant pas du droit coutumier, elles sont néanmoins complétées, selon le cas, par un ou deux assesseurs coutumiers, désignés dans les conditions prévues aux articles L. 933-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire, et limitent la nomination des magistrats en Nouvelle-Calédonie à une durée de cinq ans, renouvelable une fois, les indemnités liées à l’éloignement étant supprimées pour la deuxième période. Leur auteur a fait valoir que le système des assesseurs coutumiers permettait aux justiciables d’avoir le sentiment d’être entendus, rapprochait ceux-ci d’une justice souvent mal comprise et favorisait l’exécution des décisions judiciaires. Il a souligné que la limitation du temps de séjour des magistrats professionnels sur le territoire et la suppression des indemnités liées à l’éloignement permettraient de lever tout ambiguïté sur les motivations des magistrats demandant cette affectation. Il a considéré que sa démarche s’inscrivait pleinement dans le rôle d’impulsion que doit jouer le Parlement, tout en reconnaissant que ce dispositif nécessiterait certainement quelques ajustements. Il a ainsi estimé que limiter la durée du séjour pouvait poser des problèmes constitutionnels pour les juges du siège, au regard du principe de l’inamovibilité des magistrats et a donc évoqué la possibilité d’en limiter l’application aux magistrats du parquet.

Tout en se déclarant favorable au principe de ces amendements, le Rapporteur a souligné qu’ils devraient sans doute être modifiés ultérieurement en fonction des observations de la Chancellerie et obtenir en outre l’accord du Sénat. S’agissant de l’amendement limitant la durée de séjour des magistrats en Nouvelle-Calédonie, il a également exprimé des craintes sur sa conformité à la Constitution.

Approuvant l’esprit de ce dernier amendement, Mme Catherine Tasca a estimé qu’il serait regrettable d’en limiter l’application aux magistrats du parquet. Elle a considéré que le principe d’inamovibilité des magistrats, destiné à protéger leur indépendance, s’il faisait obstacle à une mutation individuelle, ne devrait pas interdire au législateur d’adopter une mesure de mobilité d’ordre général. Elle a cependant jugé qu’il serait plus prudent de ne pas prévoir que la durée d’affectation initiale peut être renouvelée une fois.

M. Jacques Floch s’est déclaré favorable à ce dispositif, soulignant que son extension méritait d’être étudiée, notamment pour les magistrats que le gouvernement français met à la disposition d’Etats étrangers.

La Commission a alors adopté les quatre amendements de M. François Colcombet (amendements nos 19, 20, 21 et 125), celui relatif à la durée de séjour des magistrats étant rectifié afin de supprimer toute possibilité de renouvellement.

TITRE II

LES COMPÉTENCES

Chapitre Premier

La répartition des compétences entre l’Etat,
la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes

Article 18

Compétences de droit commun des provinces

Cet article a pour objet de préciser que les provinces détiennent une compétence de droit commun. A celles-ci revient, en effet, l’exercice des compétences qui ne relèvent ni de l’Etat, ni de la Nouvelle-Calédonie, ni des communes.

En revanche, la Nouvelle-Calédonie se substitue aux provinces et aux communes dans les îles qui ne sont pas comprises dans le territoire d’une province, par exemple Matthew et Walpole.

Par a contrario avec les articles 19 et 21 qui définissent respectivement les compétences de l’Etat et de la Nouvelle-Calédonie, peuvent être notamment classées parmi les attributions des provinces, l’aide aux entreprises, l’agriculture, le tourisme, le logement et l’habitat, la culture, tandis que plusieurs matières telles que la jeunesse, la formation professionnelle sont appelées à être partagées avec la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Pierre Frogier énumérant les compétences des provinces. Son auteur a rappelé qu’il s’agissait d’un simple retour au texte initial du projet de loi organique avant son passage devant le Conseil d’Etat, qui avait reçu l’accord des différents partenaires. Après que le rapporteur eut fait valoir qu’il semblait préférable de s’en tenir à préciser les différentes compétences des régions dans le cadre des travaux préparatoires, une énumération dans la loi organique risquant d’être incomplète et étant, en outre, contradictoire avec le principe de leur compétence de droit commun, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l’article 18 sans modification.

Section 1

Compétences de l’Etat et de la Nouvelle-Calédonie

Article 19

Compétences de l’Etat

L’énumération des compétences de l’Etat qui ressort de l’article 19 doit s’apprécier d’abord par rapport aux dispositions de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, mais aussi en fonction des articles du projet de loi qui transfèrent de nouvelles attributions à la Nouvelle-Calédonie, soit à compter de la promulgation de la présente loi, soit à terme.

En réalité, l’analyse de cette nouvelle distribution des pouvoirs fait apparaître quatre sphères de compétences au profit de l’Etat : celles qui sont maintenues, celles qui sont réduites d’emblée, celles qui sont partagées et celles qui sont conservées provisoirement, avant leur transfert à la Nouvelle-Calédonie.

· Les compétences maintenues

Aux termes du I de l’article 19, l’Etat conserve deux sortes d’attributions : celles que lui confère l’exercice de ses fonctions régaliennes et d’autres plus diverses.

Parmi les premières, on peut ranger : la nationalité, la garantie des libertés publiques, les droits civiques et le régime électoral ; la justice, l’organisation judiciaire, l’organisation de la profession d’avocat, les frais de justice pénale et administrative, la procédure pénale et administrative, les commissions d’office et le service public pénitentiaire ; la défense, sans référence explicite d’ailleurs à l’ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense ; les matériels de guerre, armes et munitions, poudres et substances explosives ; la monnaie, le crédit, les changes, les relations financières avec l’étranger et le trésor ; le contrôle de légalité des actes des collectivités locales.

L’Etat conserve également des compétences qui, sans qu’elles puissent être strictement rattachées aux fonctions régaliennes traditionnelles, ne peuvent être exercées que par lui. Il s’agit de la réglementation relative aux substances utiles aux recherches, réalisations et installations relatives à l’énergie atomique ; de la fonction publique de l’Etat ; des marchés publics ainsi que des délégations de service public de l’Etat et de ses établissements publics.

· Les compétences réduites

Le rétrécissement du champ d’intervention de l’Etat se traduit sur plusieurs plans :

—  dans le domaine des communications, les pouvoirs que l’Etat conservent, sans que leur transfert soit envisagé, se voient cantonnés à la desserte aérienne entre la Nouvelle-Calédonie et les autres points du territoire de la République, aux liaisons et communications gouvernementales, de défense et de sécurité s’agissant des postes et télécommunications, à la réglementation des fréquences radioélectriques ainsi qu’au statut des navires et à l’immatriculation des aéronefs, alors qu’il était compétent aux termes de l’article 8, 3°, de la loi du 9 novembre 1988, pour l’ensemble des dessertes extérieures et pour la réglementation de la circulation aérienne et maritime intérieure ;

—  dans le domaine des matières premières, le changement est significatif, puisque l’Etat perd sa compétence en matière de réglementation minière concernant les hydrocarbures liquides ou gazeux, les bitumes, asphaltes, schistes et grès bitumeux, les sels de potasse et les sels connexes, visés aux 2° et 3° du décret n° 54-1110 du 13 novembre 1954 portant réforme du régime des substances minérales dans les territoires d’outre-mer ; le transfert à la Nouvelle-Calédonie de la compétence en matière de réglementation du nickel, explicitement prévue par l’article 20, 11°, est aussi évidemment décisif ;

—  dans le domaine du droit du travail, l’Etat perd toute compétence, alors que la loi du 9 novembre 1988 lui reconnaissait le pouvoir de définir les principes directeurs du droit du travail et de la formation professionnelle ;

—  dans le domaine des ressources de la zone économique exclusive enfin, un grand pas est franchi, puisque l’exploration, l’exploitation, la gestion et la conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques situées dans cette zone sont désormais transférées à la Nouvelle-Calédonie, l’Etat ne conservant, hors des eaux territoriales, que les compétences résultant de conventions internationales.

· Les compétences partagées

Le partage des compétences, prévu par le II de l’article 19, s’applique à de nombreux domaines : les relations extérieures (articles 27 à 32 du projet de loi) ; les conditions d’entrée et de séjour des étrangers (article 33) ; le maintien de l’ordre (article 34) ; la sûreté en matière aérienne ; le droit pénal ; la communication audiovisuelle (article 36) ; l’enseignement supérieur et la recherche (article 37).

· Les compétences conservées jusqu’à leur transfert à la Nouvelle-Calédonie

Sans qu’au demeurant un échéancier précis soit fixé par l’article 25 du projet de loi, puisque celui-ci ne fait que poser le principe d’un transfert de compétences à compter des mandats des membres du Congrès commençant en 2004 et 2009, ont vocation à être transférées par l’Etat à la Nouvelle-Calédonie les matières suivantes : la police et la sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales ; l’enseignement du second degré public et privé, sauf la réalisation et l’entretien des collèges du premier cycle du second degré ; la santé scolaire ; l’enseignement primaire privé ; le régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics ; le droit civil et le droit commercial ; les règles relatives à l’administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, le contrôle budgétaire et financier des provinces, des communes et de leurs établissements publics.

Après avoir adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 22), la Commission a adopté trois amendements du même auteur, l’un qui confie le régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics, en sus du contrôle de légalité, à l’Etat, sous réserve des transferts de compétences prévus à l’article 26 (amendement n° 23) ; le deuxième, qui maintient le contrôle budgétaire dans les compétences de l’Etat, sans prévoir de transfert (amendement n° 24) ; le troisième qui précise que la compétence de l’Etat en matière pénale s’exerce sous réserve de la possibilité pour le congrès d’assortir les infractions aux lois du pays et à ses règlements de sanctions pénales (amendement n° 25). Elle a également adopté un amendement de M. Pierre Frogier indiquant que la compétence de l’Etat en matière de collation et de délivrance des diplômes s’exerce sous réserve de la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d’exercer cette compétence dans les domaines sportifs, socio-éducatifs et culturels, son auteur ayant souligné que cette modification reprenait l’esprit de l’accord de Nouméa (amendement n° 26). La Commission a enfin adopté un amendement de coordination du rapporteur supprimant de la liste des compétences de l’Etat transférables à partir de 2004 le régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics (amendement n° 27).

La Commission a ensuite adopté l’article 19 ainsi modifié.

Article 20

Application à la Nouvelle-Calédonie des lois de souveraineté
et des lois comportant une mention expresse

Cet article n’a d’autre objet que de préciser que sont applicables à la Nouvelle-Calédonie les lois et règlements dits de « souveraineté », qui par nature s’appliquent à l’ensemble du territoire de la République, ainsi que ceux comportant une mention expresse d’application.

La Nouvelle-Calédonie n’étant plus un territoire d’outre-mer, il est nécessaire de transposer les principes résultant de l’article 74 de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La Commission a adopté l’article 20 sans modification.

Article 21

Compétences de la Nouvelle-Calédonie

Les compétences de la Nouvelle-Calédonie se définissent en contrepoint de celles conservées par l’Etat aux termes de l’article 19 du projet de loi. Pour en apprécier la portée, il convient de les comparer à celles que l’article 9 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 reconnaissait au territoire.

Une grande partie des compétences énumérées par l’article 20 était déjà exercée par le territoire. Il s’agit des matières suivantes : impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie ; postes et télécommunications ; réseau routier de la Nouvelle-Calédonie ; réglementation des professions libérales et des officiers publics ou ministériels ; droit des assurances ; procédure civile, aide juridictionnelle et administration des services chargés de la protection judiciaire de l’enfance ; droit du travail et formation professionnelle, sans préjudice des actions des provinces dans ce domaine, cette compétence étant cependant élargie puisque l’Etat ne fixe plus les principes directeurs ; réglementation des poids et mesures et répression des fraudes ; principes directeurs du droit de l’urbanisme ; réglementation zoo-sanitaire et phytosanitaire ; établissements hospitaliers ; statistiques intéressant la Nouvelle-Calédonie ; abattoirs ; production et transport d’énergie électrique, équipements portuaires et aéroportuaires ; météorologie ; équipements sportifs et culturels.

L’apport du projet de loi réside dans l’octroi de nouvelles attributions qui viennent donc compléter le dispositif existant.

Au premier rang de ces nouvelles compétences figure la matière fiscale. En sus des impôts, droits et taxes perçus en sa faveur, la Nouvelle-Calédonie est en effet appelée à intervenir pour la création et l’affectation d’impôts et taxes au profit de fonds destinés à des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes chargés d’une mission de service public ainsi que pour la création d’impôts, droits et taxes provinciaux ou communaux. Elle pourra réglementer en outre les modalités de recouvrement, le contrôle et les sanctions.

Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie reçoit de nouvelles compétences dans des domaines divers : le droit coutumier (statut civil coutumier, terres coutumières et palabres coutumiers, limites des aires coutumières, modalités de désignation du sénat coutumier et des conseils coutumiers) ; le droit du travail (travail des étrangers, inspection du travail, droit syndical), l’Etat n’ayant plus compétence pour fixer ses principes directeurs ; le commerce et les douanes (commerce extérieur à l’exception des prohibitions à l’importation et à l’exportation relatives à des substances relevant de la compétence de l’Etat, régime douanier et réglementation des investissements directs étrangers) ; les transports (navigation et desserte maritime, immatriculation des navires, desserte aérienne sous réserve de celle effectuée entre la Nouvelle-Calédonie et le reste de la République et des compétences de police et de sécurité en matière de circulation aérienne intérieure) ; questions sanitaires avec le contrôle sanitaire aux frontières ; droit de la mer (exploration, exploitation, gestion et conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive) ; matières premières (réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt) ; concurrence ; agriculture (réglementation des prix et organisation des marchés agricoles) ; commerce des tabacs ; formation professionnelle (attributions des diplômes à ce titre) ; enseignement primaire (définition des programmes sous réserve de la compétence des provinces pour leur adaptation en fonction des réalités culturelles et linguistiques, formation des maîtres et contrôle pédagogique) ; droit domanial de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ; droit de la coopération et de la mutualité.

La Commission a adopté un amendement présenté par M. Pierre Frogier visant à limiter les cas dans lesquels des fonds doivent être constitués, lorsque le territoire affecte des impôts ou des taxes à un établissement public ou à un organisme chargé d’une mission de service public (amendement n° 28). Elle a en revanche rejeté un amendement du même auteur prévoyant que la Nouvelle-Calédonie est compétente pour l’attribution de diplômes en matière de formation professionnelle dans les domaines sportifs, socio-éducatifs et culturels après que le rapporteur eut fait observer que cette rédaction était trop restrictive.

La Commission a adopté l’article 21 ainsi modifié.

Article 22

Transfert d’établissements publics
à la Nouvelle-Calédonie

Cet article prévoit le transfert à la Nouvelle-Calédonie de cinq établissements publics. Il sera réalisé par des décrets en Conseil d’Etat, pris sur proposition du congrès, qui en préciseront la date et les modalités.

Sont visés : l’office des postes et télécommunications créé par l’arrêté ministériel n° 21-57 du 25 octobre 1957 ; l’institut de formation des personnels administratifs créé par l’article 82 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ; l’agence de développement rural et d’aménagement foncier créée par l’article 94 de la loi précitée ; l’agence de développement de la culture canaque créée par l’article 93 de la même loi ; le centre de documentation pédagogique de Nouvelle-Calédonie créé par le décret n° 96-483 du 21 mai 1996.

On observera que trois des établissements publics concernés ont été créés par la loi. C’est une première raison de donner aux décrets qui réaliseront le transfert un fondement légal.

Il faut ajouter que l’opération constitue un transfert de propriété de l’Etat à la Nouvelle-Calédonie. Selon une formulation usuelle, en cas de transformation d’établissements publics, le dernier alinéa de cet article précise en effet que le transfert emporte cession à titre gratuit des contrats, droits et obligations de l’Etat. Il ne donne lieu à aucun versement d’honoraire, de salaire, d’émolument ou de taxe.

La Commission a adopté un amendement de M. Pierre Frogier prévoyant que le transfert des établissements publics de Nouvelle-Calédonie donne lieu à compensation des charges correspondantes (amendement n° 29).

Elle a ensuite adopté l’article 22 ainsi modifié.

Article 23

Protection du marché du travail local

La protection du marché du travail local est un élément central de l’accord de Nouméa.

Cette préoccupation se manifeste d’abord dans le préambule, dans lequel on trouve l’affirmation de principe suivante : « Afin de tenir compte de l’étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l’accès à l’emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie ». Le document d’orientation comporte également sur ce sujet des dispositions explicites. Il prévoit que « la notion de citoyenneté ... sera aussi une référence pour la mise au point des dispositions qui seront définies pour préserver l’emploi local » et le chapitre relatif aux compétences immédiatement transférées à la Nouvelle-Calédonie mentionne le droit à l’emploi : « La Nouvelle-Calédonie mettra en place, en liaison avec l’Etat, des mesures destinées à offrir des garanties particulières pour le droit à l’emploi de ses habitants. La réglementation sur l’entrée des personnes non établies en Nouvelle-Calédonie sera confortée. Pour les professions indépendantes le droit d’établissement pourra être restreint pour les personnes non établies en Nouvelle-Calédonie. Pour les salariés du secteur privé et pour la fonction publique territoriale, une réglementation locale sera définie pour privilégier l’accès à l’emploi des habitants. »

L’objet de cet article est de transcrire dans la loi organique le droit de la Nouvelle-Calédonie à prendre les mesures de protection, évoquées par l’accord de Nouméa, à l’égard des catégories professionnelles concernées.

Le premier alinéa autorise en effet la Nouvelle-Calédonie à prendre, au seul bénéfice des personnes qui justifient d’une certaine durée d’installation, et notamment des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, des mesures visant à favoriser leur accès à l’emploi salarié, sous réserve que ces mesures ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient les autres salariés, à la date de leur publication. Empruntée au code du travail (art. L. 132-7, I et L. 132-8, à propos des conventions collectives), cette formulation, qui préserve les avantages acquis par les salariés, a également vocation à s’appliquer à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et à la fonction publique communale ainsi qu’aux professions libérales locales. On notera, s’agissant de cette dernière catégorie, que le projet de loi va moins loin que l’accord de Nouméa qui visait les professions indépendantes.

Il reviendra ensuite aux lois du pays, dont le régime juridique et le champ d’application sont définis au chapitre II du titre III du présent projet de loi organique, de préciser l’objet, la durée et les modalités de chacune de ces mesures, celles-ci devant fixer notamment la durée de domicile requise en Nouvelle-Calédonie pour en bénéficier.

Ces règles doivent être examinées au regard des principes constitutionnels, du droit communautaire et du droit international.

· La conformité de ces règles au regard de la Constitution

Le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie expressément le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »

Par ailleurs, l’article premier de la Constitution prévoit que « la France ... assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

C’est pour lever l’obstacle qui pouvait résulter de ces dispositions que l’article 77, introduit dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, prévoit que : « la loi organique ... détermine, pour assurer l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations de cet accord (accord de Nouméa) et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre ... les règles relatives à la citoyenneté ... à l’emploi ... ».

Compte tenu du caractère particulièrement explicite des termes de l’accord de Nouméa relatifs à la protection du marché local, il est indiscutable que les dispositions de cet article, en habilitant la Nouvelle-Calédonie à prendre des mesures restrictives en matière d’accès à l’emploi local, sont conformes à la Constitution.

· La conformité de ces règles au regard du droit communautaire

Le droit au travail des ressortissants de l’Union européenne est fondé sur les principes de la libre circulation des personnes et de la liberté d’établissement. Mais dans la réalité, cette règle reçoit des applications variables selon que les intéressés travaillent dans le secteur privé ou sont fonctionnaires.

—  Les travailleurs du secteur privé

Parmi les travailleurs du secteur privé, il convient de distinguer les salariés et les travailleurs indépendants.

¨ Les salariés

Il résulte des articles 135 et 277 du traité de Rome que la mise en œuvre de la liberté de circulation dans les pays associés est renvoyée à des conventions qui requièrent l’unanimité des Etats membres. Or, jusqu’à maintenant, en l’absence de telles conventions, les normes européennes relatives à la libre circulation ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie. Il s’ensuit que les travailleurs salariés ne jouissent pas de la liberté de circulation. Les ressortissants de l’Union européenne, qui souhaitent travailler en Nouvelle-Calédonie, en tant que salariés, doivent aujourd’hui déposer une demande de visa de long séjour assortie d’une attestation d’emploi, la Direction territoriale du travail et de l’emploi étant seule compétente pour décider de l’octroi d’un permis de travail en considération du marché local de l’emploi. Ce principe de l’inopposabilité du traité de Rome aux salariés a été rappelé dans un arrêt du Conseil d’Etat du 12 mai 1989, Ministre des D.O.M.-T.O.M. c. Mme Piermont, et dans un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 décembre 1990, Kaefer et Procacci contre Etat français. Celui-ci affirme à propos des travailleurs salariés : « Il résulte de l’article 135 du traité que la libre circulation des travailleurs des pays et territoires d’outre-mer devait être réglée par des conventions. Aucune convention n’étant cependant intervenue en ce domaine, les ressortissants des Etats membres ne peuvent pas se fonder sur le droit communautaire pour exiger le droit d’entrée et de séjour dans un pays ou territoire d’outre-mer pour accéder à un emploi salarié et l’y exercer. »

Par conséquent, au regard de ces règles, le principe de défense des salariés de Nouvelle-Calédonie posé par le premier alinéa de l’article 23 ne fait que confirmer une situation acquise.

¨ Les travailleurs indépendants

Dans la quatrième partie du traité de Rome consacrée à l’association des pays et territoires d’outre-mer, l’article 132, alinéa 5, stipule que « dans les relations entre les Etats membres et les pays et territoires, le droit d’établissement des ressortissants des sociétés est réglé conformément aux dispositions et par application des procédures prévues au chapitre relatif au droit d’établissement et sur une base non discriminatoire », sous réserve d’une période transitoire de cinq ans.

Cependant, l’article 232, a) de la décision du Conseil du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer (P.T.O.M.) à la Communauté économique européenne dispose que « les autorités compétentes d’un P.T.O.M. peuvent établir des réglementations dérogeant, en faveur de leurs habitants et des activités locales, aux règles normalement applicables aux ressortissants, sociétés et entreprises de tous les Etats membres, pour autant que de telles dérogations soient limitées à des secteurs sensibles dans l‘économie du P.T.O.M. concerné et s’inscrivent dans le but de promouvoir ou soutenir l’emploi local ».

Ces dérogations peuvent être accordées par la Commission sur demande des autorités compétentes du P.T.O.M. concerné et après concertation dans le cadre du partenariat Commission-Etat membre-P.T.O.M.

La Cour de justice des communautés européennes dans deux décisions rendues le 12 janvier 1990 (Kaefer et Procacci contre Etat français, déjà cité et Commission des communautés européennes c. République française) reprises par un jugement du Tribunal administratif de Nouméa du 17 novembre 1993 (Nichiosan c. Etat) a toutefois considéré que les ressortissants de l’Union européenne exerçant une activité indépendante échappaient à toute discrimination.

Par conséquent la liberté d’établissement empêche concrètement de refuser un visa de long séjour à n’importe quel ressortissant de l’Union européenne prenant une patente pour exercer une activité. En vertu du principe de non discrimination, il ne peut être exigé de ces étrangers, ni obligation de déclaration de résidence en Nouvelle-Calédonie, ni possession d’aucun document de séjour comme le montre l’analyse de l’article 22 du projet de loi ordinaire sur l’admission au séjour en Nouvelle-Calédonie.

Or, si l’article 23 ne prévoit pas de mesures restrictives d’accès à l’emploi pour les travailleurs indépendants en général, il permet, en revanche, de limiter l’accès aux professions libérales.

Pour justifier ce traitement particulier, on pourrait invoquer leur statut réglementé, qui en fait une catégorie professionnelle à part. Mais cet argument s’oppose au fait que la liberté d’établissement, garantie par le droit communautaire, s’applique à toutes les activités non salariées, qu’elles relèvent de l’industrie, du commerce, de l’artisanat, de l’agriculture ou des professions libérales.

On ajoutera que les « autorités compétentes » visées à l’article 232 de la décision du Conseil – en l’occurrence l’Etat français – n’ont pas jusqu’ici formulé de demandes de dérogations pour les professions libérales.

Il a cependant été indiqué à votre rapporteur que, sans attendre l’adoption des lois du pays protégeant les professions libérales locales, le gouvernement français avait entrepris officieusement des démarches auprès de la Commission européenne pour envisager des adaptations du droit communautaire à la réglementation particulière du marché du travail local telle qu’elle est prévue par l’accord de Nouméa. Le choix de l’instrument communautaire pour traduire cette évolution est encore ouvert. Soit la modification porterait sur l’énoncé de l’article 232 de la décision d’association précitée, soit l’article 226 du traité de Rome, autorisant un Etat membre à prendre des mesures de sauvegarde, au cours de la période transitoire, en cas de difficultés graves et persistantes dans un secteur économique, ferait l’objet d’un protocole additionnel. Dans les deux cas, ces modifications requièrent toutefois l’unanimité des Etats membres.

—  Les fonctionnaires

On doit rappeler que la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, prise en application de l’article 48 du traité de Rome garantissant la liberté de circulation des personnes, a rendu la condition de nationalité inopposable aux ressortissants des autres Etats membres pour l’accès aux corps, cadres d’emplois et emplois dont les attributions sont séparables de l’exercice de la souveraineté et des prérogatives de puissance publique. Même si le risque de voir affluer les candidatures de ressortissants européens aux postes de la fonction publique néo-calédonienne reste faible, il convient de s’interroger sur la compatibilité des restrictions qui pourraient être apportées avec le principe du libre accès à la fonction publique.

On peut cependant invoquer l’article 135 du traité de Rome déjà cité, qui renvoie à des conventions la mise en œuvre de la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les Etats membres. Ces conventions n’ayant pas davantage vu le jour pour les fonctionnaires que pour les salariés, la liberté de circulation ne saurait recevoir encore application.

En outre, les fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie et les fonctionnaires communaux locaux relèvent, non pas du statut général de la fonction publique, au sein duquel est inscrit ce principe de l’accès des ressortissants communautaires (article 5 bis du titre Ier du statut général) mais d’un statut local (statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux), fruit de délibérations successives du congrès du territoire. Par conséquent, les règles qui organisent ce droit par référence expresse au statut général ne sont pas opposables à ce statut local.

· La conformité de ces règles au regard du droit international

La réglementation de l’accès au marché du travail local pourrait également sembler contradictoire avec l’article 2, alinéa 2, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, qui stipule que « les Etats parties au présent pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Par conséquent si les dispositions de l’article 77 de la Constitution, dans la logique de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, garantissent la conformité à la Constitution du choix opéré en faveur de la protection du marché local du travail, une difficulté subsiste au regard de nos obligations communautaires et internationales. C’est la raison pour laquelle, sans remettre en cause les orientations définies par l’accord de Nouméa, votre rapporteur vous propose que l’article 23 reçoive application « sous réserve des engagements internationaux de la République ». La Commission a été saisie d’un amendement en ce sens du rapporteur, clarifiant, par ailleurs, la rédaction de cet article et introduisant l’exigence de critères de répartition géographique des professions libérales, afin d’éviter tout déséquilibre entre les provinces, en particulier en tenant compte, non seulement de la densité territoriale globale, mais également provinciale.

M. Dominique Bussereau a proposé un ajustement rédactionnel, puis a insisté sur la nécessité d’évoquer explicitement le respect des engagements résultant de l’appartenance de la France à l’Union européenne. M. François Colcombet a estimé que la référence aux engagements internationaux était suffisante pour satisfaire les objectifs poursuivis et a jugé que le problème de la répartition des professions sur le territoire ne concernait pas les seules professions libérales. M. Dominique Perben s’est interrogé sur la compatibilité des mesures de protection proposées par le présent article avec les directives européennes relatives au libre établissement et à la libre circulation des personnes et des capitaux. Après que le rapporteur eut rappelé que la France avait la possibilité de demander des dérogations au principe communautaire de la liberté d’établissement, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 30).

Puis elle a adopté l’article 23 ainsi modifié.

Article 24

Entrée en vigueur des compétences
de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces

Cet article a pour objet de fixer au 1er janvier 2000 l’entrée en vigueur des nouvelles compétences attribuées par la loi organique à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces.

La Commission a adopté l’article 24 sans modification.

Article 25

Entrée en vigueur des compétences transférées à terme

Le III de l’article 19 dresse la liste des compétences qui continuent à être exercées par l’Etat jusqu’à leur transfert à la Nouvelle-Calédonie. On rappellera qu’il s’agit de la police et la sécurité en matière de circulation aérienne et de la circulation maritime dans les eaux territoriales, de l’enseignement du second degré public et privé, sauf la réalisation et l’entretien des collègues du premier cycle du second degré, de la santé scolaire, de l’enseignement primaire privé, du régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics, du droit civil et du droit commercial et de la sécurité civile.

Le premier alinéa de l’article 25 prévoit que l’entrée en vigueur de ces transferts de compétences aura lieu au cours de la période correspondant aux mandats du congrès commençant en 2004 et 2009, le congrès ayant toute liberté pour choisir les compétences effectivement transférées ainsi que la date du transfert.

Le second alinéa de cet article précise que la décision et l’échéancier des transferts font l’objet d’une délibération du congrès, adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres ; celle-ci doit intervenir au plus tard le sixième mois suivant le début de chaque mandat, afin d’éviter que ces transferts ne se réalisent en fin de mandat. Il est, en outre, prévu que les modalités de ces transferts seront précisées par décret en Conseil d’Etat.

La Commission a adopté l’article 25 sans modification.

Article 26

Transfert de compétences organisé
par une loi organique ultérieure

Bien que ce dispositif ne figure pas dans l’accord de Nouméa, cet article prévoit qu’à la demande du congrès élu en 2009, une nouvelle loi organique pourra transférer à la Nouvelle-Calédonie trois compétences exercées par l’Etat.

Il s’agit d’abord des règles relatives à l’administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire des provinces, des communes et de leurs établissements publics. On notera qu’aux termes du III, 4°, de l’article 19 le transfert à la Nouvelle-Calédonie de la compétence en matière de régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics est déjà prévu.

L’article 26 prévoit également que pourra être transférée à la Nouvelle-Calédonie la compétence en matière d’enseignement supérieur, de recherche et de communication audiovisuelle qui, aux termes des articles 36 et 37, est déjà exercée par l’Etat en concertation avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur excluant le contrôle budgétaire des compétences susceptibles d’être transférées à compter de 2009 par voie de loi organique et incluant, dans la liste des compétences ainsi transférées, les règles relatives au régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics (amendement n° 31). Elle a également adopté un amendement de M. Pierre Frogier excluant le secteur de la recherche des compétences transférables (amendement n° 32).

La Commission a adopté l’article 26 ainsi modifié.

Section 2

Relations extérieures de la Nouvelle-Calédonie et
association de la Nouvelle-Calédonie à des compétences de l’Etat

Article 27

Pouvoirs du gouvernement dans
les domaines de compétence de l’Etat

Comme on l’a vu à l’article 19, le champ des relations extérieures fait partie des compétences partagées entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie.

L’article 27 met en œuvre concrètement ce partage, qui s’inspire largement de l’article 40 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

Le président du gouvernement, dans les domaines de compétences de l’Etat, peut être habilité par les autorités de la République à négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies. Lorsque ce pouvoir ne lui est pas reconnu, le président du gouvernement ou son représentant peut être associé ou participer au sein de la délégation française aux négociations et à la signature de tels accords. Dans les deux cas de figure, ce dispositif traduit la préoccupation inscrite dans l’accord de Nouméa de prendre en compte les intérêts propres de la Nouvelle-Calédonie dans les négociations internationales conduites par la France et de l’associer à ces discussions.

La Commission a adopté l’article 27 sans modification.

Article 28

Pouvoirs du gouvernement dans
les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie

Cet article définit les pouvoirs de la Nouvelle-Calédonie en matière de relations extérieures, dans les domaines qui relèvent de sa compétence propre. La comparaison avec l’article 41 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française fait ressortir que celui-ci ne prévoit l’intervention de la Polynésie française que pour la signature d’arrangements administratifs, constitutifs des modalités d’application d’un accord, alors qu’aux termes de l’article 28, le congrès peut autoriser, par délibération, le président du gouvernement à négocier des accords, dans le respect des engagements internationaux, avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique ainsi qu’avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies.

Toutefois, les autorités de la République ne sont pas tenues à l’écart des relations extérieures de la Nouvelle-Calédonie. En effet, d’une part, elles sont informées de l’autorisation de négocier et, à leur demande, elles sont représentées à la négociation dans la délégation de Nouvelle-Calédonie ; d’autre part, c’est à elles que revient, à l’issue de la négociation, la décision d’autoriser le président du gouvernement à signer ces accords, sous réserve du respect des engagements internationaux de la République.

Ces accords sont soumis à délibération du congrès. Si celui-ci les autorise, ils sont ensuite soumis à ratification ou à approbation dans les conditions prévues aux articles 52 et 53 de la Constitution.

La Commission a adopté l’article 28 sans modification.

Article 29

Négociations relatives aux relations entre
la Communauté européenne et la Nouvelle-Calédonie

Dans le droit fil des stipulations de l’accord de Nouméa sur les compétences partagées en matière de relations internationales et régionales (3.2.1.), l’article 29 prévoit la participation du président du gouvernement et, le cas échéant, des présidents des assemblées de province ou de leur représentant, aux négociations relatives aux relations entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté un amendement d’ordre rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 33).

Elle a ensuite adopté l’article 29 ainsi modifié.

Article 30

Appartenance de la Nouvelle-Calédonie et
des organisations internationales

L’accord de Nouméa reconnaît à la Nouvelle-Calédonie le droit d’être « membre de certaines organisations internationales ou associées à elles, en fonction de leurs statuts (organisations internationales du Pacifique, O.N.U., U.N.E.S.C.O., O.I.T., etc.) ». L’article 30 concrétise cette nouvelle capacité internationale, en permettant à la Nouvelle-Calédonie, avec l’accord des autorités de la République, d’être membre ou membre associé d’organisations internationales.

Elle pourra ainsi siéger, comme membre à part entière, dans les organisations internationales régionales, propres au Pacifique Sud, et bénéficier, dans les organisations internationales à vocation générale, d’un statut de membre associé qui permet d’être représenté, sans disposer cependant du droit de vote.

On observera que c’est le président du gouvernement ou son représentant qui représentera la Nouvelle-Calédonie au sein des organisations internationales dans lesquelles elle siégera.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de conférer à la Nouvelle-Calédonie le statut d’observateur auprès des organisations internationales (amendement n° 34).

Puis elle a adopté l’article 30 ainsi modifié.

Article 31

Représentations extérieures de la Nouvelle-Calédonie

La filiation de cet article avec l’accord de Nouméa est, une fois encore, évidente. Celui-ci permet en effet à la Nouvelle-Calédonie d’avoir des représentations dans les pays de la zone Pacifique et auprès de certaines organisations internationales et de l’Union européenne.

L’article 31 prend en compte cette préoccupation, les autorités de la République étant informées des Etats, territoires et organisations internationales auprès desquels cette représentation est assurée.

La Commission a adopté l’article 31 sans modification.

Article 32

Conventions de coopération décentralisée

Cet article a manifestement une double inspiration :

—  l’article L. 1112-1 du code général des collectivités territoriales, qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et des engagements internationaux de la France ;

—  l’article 41 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française qui donne au président du gouvernement du territoire les mêmes pouvoirs.

Sur ces modèles, chacun dans leur sphère de compétence, le président du gouvernement ou le président de l’assemblée de province pourront négocier et signer, dans le respect des engagements internationaux de la République, des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales françaises ou étrangères, leurs groupements ou établissements publics.

A l’intérieur de cette sphère de compétences, la négociation et la signature de ces conventions doivent être autorisées, selon le cas, par le congrès ou par l’assemblée de province, à qui il appartient également d’approuver ces textes après leur conclusion.

Par parallélisme avec les articles L. 1112-1 et 41 précités, l’entrée en vigueur de ces conventions est subordonnée à leur transmission au haut-commissaire, dans les conditions définies par l’article 195 du projet de loi organique, qui confie au représentant de l’Etat l’exercice du contrôle de légalité.

L’attribution de ces nouveaux droits devra s’exercer toutefois dans les limites posées par le Conseil d’Etat dans un avis du 16 mai 1980. Il a affirmé en effet que « la collaboration entre collectivités territoriales françaises et collectivités territoriales étrangères ne doit pas porter atteinte à l’ordre des pouvoirs au sein de la République ». Il s’ensuit, notamment, qu’une coopération entre une collectivité locale française et un Etat étranger est exclue.

La Commission a adopté l’article 32 sans modification.

Article 33

Consultation du gouvernement en
matière d’entrée et de séjour des étrangers

L’accord de Nouméa (3.2.2.) associe le gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie à la mise en œuvre de la réglementation relative à l’entrée et au séjour des étrangers, cette compétence entrant, en vertu de l’article 19, II, du projet de loi organique, dans le champ des compétences partagées entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, aux termes de l’article 33, le gouvernement est-il consulté par le haut-commissaire sur la réglementation relative à l’entrée et au séjour des étrangers et sur la délivrance des visas pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, l’avis du gouvernement étant réputé donné s’il n’est pas intervenu dans un délai de trente jours et le gouvernement étant informé des décisions prises.

Parce que l’on ne peut manquer de rapprocher ces règles de l’article 23 relatif à la protection de la main d’œuvre locale et de l’article 22 du projet de loi ordinaire relatif à l’admission des étrangers, cette rédaction soulève plusieurs questions. Elle s’inscrit en effet dans le dispositif de limitation des entrées en Nouvelle-Calédonie pour les ressortissants non néo-calédoniens. Trois mesures contenues dans ces dispositions en témoignent : le fait que le gouvernement est appelé à être consulté, au cas par cas, sur la délivrance des visas de séjour supérieur à trois mois ; le rappel que ces séjours ne font pas l’objet d’un titre de séjour mais d’un visa ; enfin, le fait que les délais exigés pour la consultation du gouvernement sont relativement longs, puisqu’ils sont de trente jours.

Le dispositif prévu dans cet article se distingue de celui qui est applicable en Polynésie française, dans la mesure où celui-ci a confié à un comité consultatif, composé à parts égales de représentants de l’Etat et du territoire la délivrance des visas pour les séjours supérieurs à trois mois (art. 32, 4° de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996).

S’agissant des titres de séjour, on rappellera qu’en Nouvelle-Calédonie, ils sont délivrés en fonction du but poursuivi par le demandeur. En particulier, lors de la demande, l’existence d’un lien avec le territoire doit être prouvée en prenant en considération un des quatre critères suivants : la parenté avec un citoyen français dont la résidence est prouvée ; une attestation d’emploi ; un titre de propriété dans le territoire ; des revenus permettant de séjourner sur le territoire sans y travailler. Il existe deux catégories de cartes de séjour d’étrangers : la carte de résident temporaire renouvelable et la carte de résident permanent renouvelable tous les cinq ans.

La Commission a adopté l’article 33 sans modification.

Article 34

Maintien de l’ordre

Le maintien de l’ordre constitue également un domaine de compétence partagée entre le haut-commissaire et le gouvernement, l’accord de Nouméa confiant au premier le soin d’informer le second. L’article 34 met en pratique ce principe, en précisant le stade auquel s’applique cette information, puisqu’il vise « les mesures prises en matière de maintien de l’ordre ». Il s’agit donc d’une information a posteriori qui intervient une fois les mesures prises.

La Commission a adopté l’article 34 sans modification.

Article 35

Casinos, cercles, jeux de hasard et loteries

La réglementation des casinos, cercles, jeux de hasard et loteries aujourd’hui en vigueur en Nouvelle-Calédonie, résulte de l’article 7 de l’ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cet article rend applicable à la Nouvelle-Calédonie les articles premier à 4 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 modifiée relative aux jeux de hasard, qui régissent respectivement les sanctions relatives aux infractions relatives à l’exploitation de jeux de hasard, le régime des appareils de jeux ainsi que les peines applicables aux personnes physiques et morales coupables d’infraction à cette législation. Il prévoit en outre que l’autorisation temporaire d’ouvrir au public des locaux spéciaux où seront proposés certains jeux de hasard et les appareils de jeux pourra être accordée dans des conditions fixées par arrêté du haut-commissaire. Cet arrêté détermine les caractéristiques des communes dans lesquelles pourra être autorisée l’ouverture d’un casino, ainsi que les jeux de hasard et les appareils de jeux susceptibles d’y être proposés, les règles de fonctionnement des casinos et les conditions d’accès dans les salles de jeux. Il fixe également les règles d’organisation des casinos, qui devront avoir un directeur et un comité de direction responsables, ces dirigeants ainsi que toute personne employée dans les salles de jeux devant être de nationalité française ou ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne. L’arrêté fixe enfin les conditions dans lesquelles les autorisations sont instruites et délivrées, après avis conforme du conseil municipal, par le haut-commissaire en considération d’un cahier des charges établi par celui-ci.

Dans la situation actuelle, seul l’Etat intervient au travers de la réglementation et de son application par le haut-commissaire.

La rédaction proposée pour cet article redistribue les rôles, en faisant également intervenir, sur le modèle retenu en Polynésie (art. 65 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996), le congrès et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. A l’Etat revient le contrôle de l’installation et du fonctionnement des casinos, cercles, jeux de hasard et loteries ; au congrès, échoit la définition, par délibération, des circonstances dans lesquelles l’ensemble de ces jeux peuvent être offerts au public ; enfin, il incombe au gouvernement de prendre les décisions individuelles. Il s’ensuit que si les règles de contrôle par l’Etat de l’installation et du fonctionnement des jeux – qui font notamment intervenir la commission des jeux, chargée d’examiner les demandes d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation de jeux dans les cercles et casinos (article 5 de l’arrêté du haut-commissaire du 27 décembre 1994) – continuent à s’appliquer, le pouvoir d’agrément est transféré au gouvernement.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels présentés par le rapporteur (amendements nos 35 et 36).

Elle a ensuite adopté l’article 35 ainsi modifié.

Article 36

Communication audiovisuelle

L’accord de Nouméa attribue au Conseil supérieur de l’audiovisuel (C.S.A.) un pouvoir de consultation avant toute décision propre à la Nouvelle-Calédonie et prévoit la conclusion d’une convention entre le C.S.A. et la Nouvelle-Calédonie, pour associer cette dernière à la politique de communication audiovisuelle.

De fait, la communication audiovisuelle est classée par l’article 19, II, parmi les compétences partagées entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie.

Ce partage se traduit par la consultation du gouvernement. Deux autorités peuvent être à l’origine de cette consultation :

—  le haut-commissaire, pour toute décision relevant du gouvernement de la République et propre à la Nouvelle-Calédonie ;

—  le C.S.A., sur toute décision réglementaire ou individuelle relevant de sa compétence ou concernant Radio-France outre-mer (R.F.O.), lorsque ces décisions intéressent la Nouvelle-Calédonie.

L’avis est réputé donné, s’il n’est pas intervenu dans un délai de trente jours, qui peut être réduit en cas d’urgence, sur demande du haut-commissaire ou du C.S.A., sans être cependant inférieur à quarante-huit heures.

Enfin, conformément à ce qui était prévu par l’accord de Nouméa, la possibilité d’une convention entre le C.S.A. et le gouvernement portant sur la politique de communication audiovisuelle est effectivement prévue.

On peut s’interroger sur la portée réelle des dispositions faisant intervenir le C.S.A. On sait en effet que depuis une décision 89-260 D.C. du 28 juillet 1989 confirmée le 22 janvier 1990 (89-269 D.C.), le Conseil constitutionnel a entendu encadrer strictement les pouvoirs des autorités administratives indépendantes, au rang desquelles figure le C.S.A., au regard des articles 21 et 13 de la Constitution. Il a en effet affirmé que l’habilitation donnée à ces autorités ne devait concerner que des mesures de portée limitée, tant par leur champ d’application que par leur contenu. Et, de fait, l’essentiel de la compétence réglementaire en matière d’audiovisuel est aujourd’hui entre les mains du Premier ministre. Le C.S.A. ne dispose de tels pouvoirs que dans les matières suivantes : pour les émissions d’expression directe sur les antennes du service public (art. 55 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée) ; pour les émissions électorales sur ces mêmes antennes (art. 16, alinéa 1) ; pour l’organisation du contrôle des messages publicitaires (art. 14) ; pour le téléachat (loi n° 88-21 du 6 janvier 1988). Il intervient en outre dans la désignation et le contrôle des exploitants de services de communication des programmes et remplit une mission de déontologie à l’égard des programmes. Quant à son pouvoir de décision individuelle, l’essentiel se concentre, en l’espèce, sur la désignation des administrateurs et du président de R.F.O. C’est donc dans ces limites qu’une convention en matière d’audiovisuel pourra être conclue entre le C.S.A. et la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 36 sans modification.

Article 37

Enseignement supérieur, recherche
et enseignement secondaire

Aux termes de l’article 19, II, le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche figure parmi les compétences partagées entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, sur le modèle retenu pour la Polynésie française. Les modalités de ce partage sont organisées par l’article 37, qui traite en outre des filières de formation de l’enseignement secondaire.

S’agissant de l’enseignement supérieur, il est prévu d’associer le gouvernement à l’élaboration des contrats d’établissement entre l’Etat et les établissements universitaires intervenant en Nouvelle-Calédonie et de lui permettre de signer des conventions avec ces mêmes établissements.

Les mêmes règles sont applicables aux organismes de recherche. En outre, il est créé un conseil consultatif de la recherche auprès du congrès, dont les conditions d’organisation et de fonctionnement sont fixées par une délibération du congrès ; le haut-commissaire en est membre de droit, tandis que le gouvernement et les provinces y sont représentés. Proche des comités consultatifs régionaux de recherche et de développement technologique placés auprès des conseils régionaux (art. L. 4252-3 du code général des collectivités territoriales), ce conseil devra être informé chaque année par les établissements universitaires et les organismes de recherche de l’orientation de leur action et du bilan de leurs travaux.

Par ailleurs, le dernier paragraphe (III) de cet article traite de la création ou de la suppression de filières de formation, en prévoyant la consultation par le haut-commissaire du gouvernement et des provinces, jusqu’au transfert de compétence de l’Etat à la Nouvelle-Calédonie, qui interviendra ultérieurement en ce domaine.

La Commission a adopté l’article 37 sans modification.

Section 3

Compétence minière

Article 38

Schéma de mise en valeur des richesses minières

Sous l’empire de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, les compétences touchant aux hydrocarbures, aux sels de potasse, au nickel, au chrome et au cobalt étaient exercées par l’Etat.

Conformément aux termes de l’accord de Nouméa, l’article 21 du projet de loi organique concrétise le transfert de cette compétence à la Nouvelle-Calédonie, les substances utiles aux recherches et réalisations concernant l’énergie atomique continuant toutefois à relever de l’Etat, en vertu de l’article 19, II, 7°. Par ailleurs, l’accord de Nouméa précise les modalités d’exercice des compétences minières, en prévoyant que l’élaboration des règles doit incomber à la Nouvelle-Calédonie, tandis que les provinces seraient chargées de leur mise en œuvre. Parallèlement, un conseil des mines, composé de représentants des provinces et auquel assiste le représentant de l’Etat est appelé à être consulté sur les projets de délibérations du congrès ou des provinces en matière minière.

Dans ce contexte de transfert de compétences, la création, par l’article 38, d’un schéma de mise en valeur des richesses obéit à un souci bien compris de rationalisation de la gestion des ressources minières.

Ce schéma devra être arrêté par une délibération du congrès après avis du comité consultatif des mines et du conseil des mines. S’apparentant aux schémas directeurs en matière d’urbanisme (art. L. 121-1 du code de l’urbanisme), il comportera notamment : l’inventaire minier ; les perspectives de mise en exploitation des gisements ; les principes directeurs en matière de protection de l’environnement pour l’exploitation des gisements, le recensement des zones soumises à une police spéciale, c’est-à-dire celles qui sont interdites à la prospection ou ne peuvent faire l’objet que d’une prospection limitée, pour des raisons archéologiques, voire religieuses en raison du caractère sacré de certains sites ; les orientations en matière de développement industriel nécessaires à l’exploitation rationnelle des richesses minières dans une perspective de développement durable ; les principes régissant la politique d’exportation des produits miniers.

Comme la délivrance des permis de construire est subordonnée au respect des documents d’urbanisme, le dernier alinéa de l’article exige que toute décision individuelle, prise dans le cadre de la réglementation minière, soit conforme avec les principes et les orientations du schéma de mise en valeur.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l’établissement du schéma de mise en valeur des richesses minières devra être élaboré d’ici 2004 (amendement n° 37).

Puis elle a adopté l’article 38 ainsi modifié.

Article 39

Réglementation minière

Cet article n’a d’autre objet que de transcrire dans la loi organique la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces, en matière de réglementation minière, telle que la prévoit l’accord de Nouméa.

Au congrès revient la détermination des règles touchant aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt, transférées à la Nouvelle-Calédonie par l’article 21, 11°, du projet de loi organique. Aux assemblées de province échoient les décisions d’application de cette réglementation. Enfin, la police des mines est confiée au président de l’assemblée de province. Elle recouvre la vérification du respect de la réglementation par l’exploitation, par exemple, la stabilité des remblais ou le rejet des eaux boueuses.

La Commission a adopté l’article 39 sans modification.

Article 40

Comité consultatif des mines

L’article 90 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 a créé auprès du haut-commissaire un comité consultatif des mines composé, à parts égales, de représentants de l’Etat, du territoire et des provinces ainsi que des organisations professionnelles et syndicales intéressées. L’article 2 du décret d’application n° 90-813 du 10 septembre 1990 donne une compétence consultative à ce comité sur la fixation et le mode de perception des redevances, droits et taxes touchant à l’industrie minière et métallurgique, sur toute mesure d’intérêt général intéressant l’industrie minière et métallurgique, ainsi que sur tous les cas prévus par la réglementation minière en vigueur.

Tenant compte de l’évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie proposée par le projet de loi organique, cet article se différencie sur deux plans de l’article 90 de la loi précitée du 9 novembre 1988 :

—  d’une part, il élargit la composition de ce comité, en y intégrant des représentants du gouvernement, du congrès, du sénat coutumier, des provinces et des communes ainsi que des représentants et des associations de protection de l’environnement ;

—  d’autre part, il renforce les compétences du comité consultatif des mines qui aura désormais vocation à être consulté par le congrès ou par l’assemblée de province, selon le cas, sur les projets ou propositions de loi du pays et les projets de délibération des assemblées de province relatifs aux hydrocarbures, au nickel, au chrome ou au cobalt, hormis les délibérations qui ont pour objet d’autoriser des investissements directs étrangers en ces matières.

Les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce comité seront déterminées par une délibération du congrès.

La Commission a adopté un amendement de M. Pierre Frogier soustrayant de la compétence du comité consultatif des mines l’ensemble des décisions en matière d’investissements directs étrangers (amendement n° 38).

Elle a ensuite adopté l’article 40 ainsi modifié.

Article 41

Conseil des mines et règles applicables à
la prise de décision en matière minière

L’article 41 comprend cinq paragraphes. Les deux premiers traitent du conseil des mines, les deux suivants fixent les règles applicables à la prise de décision en matière minière et le dernier renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les conditions d’application de l’ensemble du dispositif.

1) Le conseil des mines

Le paragraphe I décrit la composition du conseil des mines et les fonctions qu’y exerce le haut-commissaire. Siègent au sein de cette instance le président du gouvernement, les présidents des assemblées de province ou leur représentant et le haut-commissaire. Si le haut-commissaire préside ce conseil, convoque et fixe son ordre du jour, il n’a pas voix délibérative.

Le paragraphe II définit son pouvoir consultatif. Ce conseil est consulté par le congrès ou une assemblée de province, selon le cas, sur les projets et propositions de loi du pays et sur les projets de délibération des assemblées de province relatifs aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt et aux investissements directs étrangers touchant ces matières premières. Lorsque l’avis du comité consultatif est également requis, celui-ci est joint à l’avis du conseil des mines.

Le conseil des mines se prononce par un vote à la majorité de ses membres. En cas de partage des voix, la voix prépondérante est celle du président du gouvernement, s’il s’agit d’un projet ou d’une proposition de loi de pays, et celle du président de l’assemblée de province dont est issu le projet de délibération, s’il s’agit d’un tel texte.

2) La prise de décision en matière minière

On doit souligner que la procédure applicable aux décisions en matière minière est particulièrement complexe. Elle est différente selon qu’il s’agit de projets ou propositions de loi du pays ou de projets de délibération des assemblées de province.

· Les projets ou propositions de loi du pays

Le projet ou la proposition de loi du pays est transmis d’abord au comité consultatif des mines, si le texte relève de sa compétence, puis au conseil des mines. Après l’expiration d’un délai de huit jours à compter de l’avis du conseil, le texte revient au congrès.

A ce stade, trois possibilités sont ouvertes :

—  Le congrès l’adopte ;

—  Le haut-commissaire demande une seconde délibération au conseil des mines ;

—  Le haut-commissaire, dans le même délai et, le cas échéant, après une seconde délibération, informe le conseil des mines que le projet ou la proposition fera l’objet d’un avis de l’Etat, qui dispose de deux mois pour se prononcer, l’avis qui n’est pas rendu dans ce délai étant réputé favorable. La saisine de l’Etat suspend la procédure.

u Si l’Etat émet un avis favorable, le texte est renvoyé au congrès ;

u Si l’Etat, en revanche, émet un avis défavorable, la décision définitive incombe au gouvernement S’il émet un avis défavorable, la procédure est définitivement interrompue ; s’il adopte le texte dans sa version initiale ou remaniée, le congrès ne peut que l’adopter, sans l’amender, ou le rejeter.

· Les projets de délibération de l’assemblée de province

Le projet de délibération de l’assemblée de province fait l’objet éventuellement d’un avis consultatif du comité consultatif des mines et est présenté ensuite au conseil des mines.

Trois hypothèses sont envisageables :

—  L’avis du conseil des mines est favorable ; après l’expiration d’un délai de huit jours à compter de cet avis, le projet de délibération est soumis à l’assemblée de province dont il émane, celle-ci ne pouvant que l’adopter, sans l’amender, ou le rejeter.

—  L’avis du conseil des mines n’est pas favorable ; le projet de délibération est transmis au gouvernement. S’il approuve le projet, celui-ci est soumis à l’assemblée de province qui peut l’adopter, sans l’amender, ou le rejeter. S’il émet un avis défavorable, la procédure est définitivement interrompue.

—  Le haut-commissaire intervient dans les huit jours suivant l’avis du conseil des mines. Il peut demander une seconde délibération et, dans le même délai, le cas échéant après cette seconde délibération, il informe le conseil des mines que le projet fera l’objet d’un avis de l’Etat, qui dispose de deux mois pour se prononcer, l’avis qui n’est pas rendu dans ce délai étant réputé favorable et cette saisine suspendant la procédure.

u Si l’avis de l’Etat est favorable, le dernier mot revient à l’assemblée de province, qui adopte le projet de délibération, sans l’amender, ou le rejette.

u Si l’avis de l’Etat est défavorable, c’est au gouvernement qu’incombe la décision. Il peut passer outre et renvoyer le texte à l’assemblée de province, qui ne peut que l’adopter, sans l’amender, ou le rejeter. Il peut également émettre un avis défavorable qui a pour effet d’interrompre définitivement la procédure.

Il est évident que la complexité de la procédure qui vient d’être décrite est justifiée par la recherche d’une solution consensuelle. On observera cependant qu’à défaut d’accord, le dernier mot revient au gouvernement.

La Commission a adopté trois amendements de précision présentés par le rapporteur ainsi qu’un amendement du même auteur supprimant le renvoi à un décret en Conseil d’Etat, inutile compte tenu des dispositions du dernier article du projet de loi organique (amendements nos 39, 40, 41 et 42).

Puis elle a adopté l’article 41 ainsi modifié.

Section 4

Domanialité

Article 42

Compétences domaniales

L’article 8 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 confiait à l’Etat l’exercice de « ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime et aérien, à l’exception de la création de réserves ou de parcs naturels ayant pour objet la protection des animaux, des coraux, des minéraux et des végétaux dans les lagons jusqu’au tombant du récif corallien, dans les rades et dans la partie des cours d’eau et des étangs où les eaux sont salées ». Par ailleurs, l’article 25 disposait que le président de l’assemblée de province « gère le domaine de la province ». Quant au domaine du territoire, sa gestion incombait logiquement au haut-commissaire, organe exécutif du territoire, sans qu’aucune disposition explicite ne le précise.

Aux termes de l’article 42, qui comporte des dispositions très proches de celles figurant au premier alinéa de l’article 7 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes exercent, chacun en ce qui le concerne, leur droit de propriété sur leur domaine public et leur domaine privé.

La Commission a adopté l’article 42 sans modification.

Article 43

Consistance du domaine de la Nouvelle-Calédonie

Inspiré des dispositions du deuxième alinéa de l’article 7 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cet article définit le contenu du domaine de la Nouvelle-Calédonie.

Entrent dans son champ, « sauf lorsqu’ils sont situés dans les terres coutumières », les biens vacants et sans maître et ceux des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions ont été abandonnées. Il s’agit d’une simple transposition des termes de l’article 539 du code civil qui prévoit que reviennent à l’Etat « tous les biens vacants et sans maître » et que « ceux des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public », tandis que l’article 713 y ajoute « les biens qui n’ont pas de maître ».

L’article 43 ajoute qu’appartiennent également au domaine de la Nouvelle-Calédonie « les valeurs, actions et dépôts en numéraire atteints par la prescription dans les délais prévus pour l’Etat ». Aux termes de l’article 27 du code des domaines de l’Etat, cette prescription est de cinq ans pour les coupons, intérêts ou dividendes et de trente ans, ou conventionnelle, pour les actions, parts de fondateur, obligations et autres valeurs mobilières, dépôts de sommes d’argent et de titres.

On observe que cette énumération ne prend pas en compte les cours d’eau, lacs, eaux souterraines et sources visées à l’article 7 de la loi précitée relatif au domaine du territoire de la Polynésie française. La Commission a adopté un amendement du rapporteur réparant cette lacune (amendement n° 43).

Elle a ensuite adopté l’article 43 ainsi modifié.

Article 44

Domaine public maritime des provinces et
domaine public de la Nouvelle-Calédonie

L’objet de cet article est de définir les titulaires de la propriété du domaine public maritime, qui revient pour l’essentiel aux provinces, la Nouvelle-Calédonie n’ayant en la matière que des droits restreints, tandis que l’Etat ne conserve qu’une compétence marginale.

· Le champ du domaine public maritime des provinces est identique à celui du territoire de la Polynésie française, sous réserve de l’adjonction des cinquante pas géométriques. Excluant les emprises affectées à la date de la publication de la loi nouvelle à l’exercice des compétences de l’Etat, il comprend, sous réserve des droits des tiers, afin que ce transfert de propriété ne s’analyse pas comme une dépossession, les éléments suivants :

u La zone dite des cinquante pas géométriques, qui existe dans les départements d’outre-mer et représente une portion de terre égale à 81,20 mètres à partir des rivages de la mer aux plus hautes marées ;

u Les rivages de la mer, qui ont une définition précise résultant de l’ordonnance de Colbert sur la marine d’août 1681 : « sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ». La limite des rivages de la mer s’apprécie par rapport à celle qu’atteint le plus grand flot de l’année, abstraction faite des tempêtes et marées exceptionnelles. Comme le précise la jurisprudence, les rivages de la mer trouvent leur limite « au point où les plus hautes mers peuvent s’étendre, en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles » (C.E., 12 octobre 1973, Kreitmann) ;

u Les terrains gagnés sur la mer ;

u Le sol et le sous-sol des eaux intérieures dont ceux des rades et lagons, telles que définies par les conventions internationales, ainsi que le sol et le sous-sol des eaux territoriales. Cette compétence n’est pas neutre lorsque l’on sait que la largeur de la mer territoriale est de 12 milles marins (22,5 km) depuis la loi du 24 décembre 1971. On relèvera cependant qu’en évoquant le sol et du sous-sol des eaux intérieures dont les rades et les lagons, le projet de loi exclut la colonne d’eau. S’agissant des eaux surjacentes de la mer territoriale, leur domanialité reste sous la souveraineté de l’Etat, sauf pour la réglementation et l’exercice des droits d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques ;

· Au regard de la propriété publique des provinces, le champ du domaine public de Nouvelle-Calédonie apparaît très restreint. Il porte sur les îles qui ne sont pas incluses dans le territoire d’une province (Mathew et Walpole, par exemple) ainsi que sur le sol et sous-sol du plan d’eau du port autonome de la Nouvelle-Calédonie. Si le qualificatif de maritime n’a pas été accolé au domaine public en cause, c’est parce que ces mêmes îles ont également un domaine public terrestre.

On observera que le choix des provinces comme propriétaires du domaine public maritime résulte de l’accord de Nouméa. Il s’agit de leur permettre de devenir des collectivités « majeures » en matière de développement économique et d’éviter les déséquilibres que pourrait entraîner entre les provinces la gestion du domaine public par la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 44 sans modification.

Article 45

Compétences domaniales des provinces

L’article 45 confère aux provinces le droit de réglementer et d’exercer les droits d’exploration et d’exploitation des ressources biologiques et non biologiques des eaux intérieures dont celles des rades et lagons, du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale. Cependant l’exercice de ce droit est entouré de garde-fous.

Il doit être compatible, d’une part, avec les compétences de l’Etat en matière de défense (article 19, I, 30) et, d’autre part, avec celles de Nouvelle-Calédonie, qui portent sur l’exploration, l’exploitation, la gestion et la conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive. On sait que la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 définit la zone économique exclusive (Z.E.E.) comme celle située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci dans la limite de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la longueur de la mer territoriale (art. 55 de la convention de Montego Bay). Selon ces critères, la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie représente une surface estimée à 1.450.000 km2.

La Commission a adopté l’article 45 sans modification.

Section 5

Relations entre les collectivités publiques

Article 46

Délégations de compétences en matière de réglementation,
de gestion et de décisions individuelles

Cet article, qui succède à l’article 10 de la loi du 9 novembre 1988, organise des délégations de compétences de trois types :

—  le congrès peut déléguer des compétences de réglementation et de gestion, dans des domaines limitativement énumérés (réglementation de l’hygiène publique, de la santé, de la protection sociale, des transports routiers, gestion des cours d’eau et du réseau routier territorial), aux autorités de la province. Ce transfert se fait soit à la demande d’une assemblée de province, soit avec son accord, ce qui exclut a priori toute obligation imposée aux provinces ;

—  le congrès peut déléguer aux autorités de la province et des communes la compétence d’application (mesures individuelles) des réglementations qu’il édicte ;

—  l’assemblée de province peut déléguer aux communes la compétence de la gestion des autorisations individuelles en matière de débits de boissons.

Il faudra veiller, dans l’application de cet article, à ce que les transferts de compétences ainsi déterminés ne conduisent pas à des transferts de charges de la Nouvelle-Calédonie vers les provinces, et des provinces vers les communes. Dans cette perspective, la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur prohibant le transfert de compétence non accompagné des moyens correspondants (amendement n° 44).

La Commission a adopté l’article 46 ainsi modifié.

Article 47

Création du comité des finances locales

L’objet de cet article est de créer un comité des finances locales. Instance consultative, comme le sont le conseil économique et social, le sénat coutumier ou les conseils coutumiers, le comité des finances locales est cependant d’une autre nature. Il ne fait donc évidemment pas partie des « institutions de la Nouvelle-Calédonie » dont la liste figure à l’article 2 du projet de loi.

Par rapport au comité des finances locales régi par le titre Ier du livre II du code général des collectivités territoriales, cet organisme a des compétences restreintes. En particulier, le projet de loi organique ne lui donne pas une capacité d’expertise globale comparable à celle accordée au comité des finances locales par l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales.

En revanche, le projet de loi organique lui donne un pouvoir consultatif sur tout « projet ou proposition de loi du pays ou délibération du congrès relatif aux relations financières entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie ». Cette rédaction est très proche de celle utilisée à l’article L. 1211-3 du code général des collectivités territoriales et fixant les missions du comité des finances locales.

L’étendue de ce pouvoir consultatif est cohérent avec l’extension du domaine de compétence réalisée par le projet de loi organique :

—  les articles 21-1°, 21-6° et 26 du projet transfèrent à la Nouvelle-Calédonie la compétence du régime fiscal de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, du régime douanier et des règles relatives à l’administration des collectivités locales ;

—  l’article 2 du projet permet aux « lois du pays » de déterminer les « règles relatives à l’assiette et au recouvrement des impôts, droits et taxes de toute nature », et de fixer la répartition des dotations d’équipement et de fonctionnement entre les provinces. Le comité des finances locales de la Nouvelle-Calédonie sera donc consulté sur la répartition des dotations versées aux provinces. On rappellera que son homologue métropolitain, conformément à l’article 1211-3 du code général des collectivités territoriales, « contrôle la répartition de la dotation globale de fonctionnement ».

Concernant le fonctionnement de cet organisme, et compte tenu des sommes versées aux collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie par l'Etat, soit directement, soit indirectement, il convient de préciser que le haut-commissaire exerce un droit de regard sur son organisation. Tel est l’objet de l’amendement que la Commission a adopté, sur proposition du rapporteur, qui institue une co-présidence de cet organisme, le haut-commissaire étant l’un des deux présidents, tandis que l’autre est élu par le comité en son sein (amendement n° 45).

La Commission a adopté l’article 47 ainsi modifié.

Article 48

Fonctionnement des fonds de péréquation
destinés aux communes

En Nouvelle-Calédonie, lorsque les communes ont été créées, compte tenu du faible niveau de leur développement économique et de leurs bases fiscales réduites, il est apparu nécessaire d’instituer des dotations spécifiques.

La loi n °69-5 du 3 janvier 1969 relative à la création et l’organisation des communes dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, modifiée par la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993 portant dispositions diverses relatives aux départements d’outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, a donc institué en Nouvelle-Calédonie un fonds intercommunal de péréquation (F.I.P.) pour le fonctionnement des communes et un fonds intercommunal de péréquation pour l’équipement des communes (créé par la loi de 1993).

Ces fonds sont alimentés par une quote-part des recettes fiscales du territoire ; cette quote-part se monte à 15 % en ce qui concerne le fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement.

Afin de donner un ordre de grandeur, rappelons que les recettes totales du territoire se sont élevées, pour l’année 1996, à 68.412 millions de francs C.F.P., soit environ 3.762 millions de francs.

Le montant du fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement se monte en 1998 à 429,6 millions de francs alors qu’il s’élevait à 410,5 millions de francs en 1997, celui du fonds intercommunal de péréquation pour l’équipement à 32,24 millions de francs, dont 16,24 millions de francs en provenance de l'Etat, contre 26,24 millions de francs en 1997. L’étude des comptes administratifs 1995 des communes de Nouvelle-Calédonie montre que les dotations du F.I.P.-fonctionnement représentent 48 % de leurs recettes de fonctionnement.

Le fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement est réparti par un comité de gestion comprenant des représentants de l'Etat, du territoire et des communes. Ce comité a adopté des critères de répartition liés, par ordre décroissant d’importance, à la taille de la population, l’importance du réseau routier, les effectifs scolarisés et la superficie de la commune. Ces critères reposent sur des données actualisées annuellement. La part de Nouméa représente évidemment, compte tenu de sa taille par rapport à celle des autres communes, la part la plus importante du F.I.P.

Quant au fonds intercommunal de péréquation pour l’équipement, il est également géré par un comité semblable à celui du fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement. L’enveloppe disponible a été répartie en 1996 à raison de 40 % pour les communes de la province Nord, 40 % pour les communes de la province Sud, et 20 % pour les communes de la province des îles Loyauté.

L’application du système a donné lieu à de nombreuses difficultés.

Un grand nombre d’élus communaux, regrettant le faible niveau des ressources allouées, ont souhaité l’instauration d’une garantie d’évolution minimale de la ressource. Ils ont fait valoir que les mesures d’exonérations fiscales prises par le territoire faisaient diminuer l’assiette de calcul des montants des fonds intercommunaux de péréquation.

Deux contentieux successifs ont opposé des communes de Nouvelle-Calédonie à l'Etat sur la détermination du montant des ressources fiscales affectées au fonds intercommunal de péréquation.

Considérant que le montant du fonds intercommunal de péréquation avait été fixé sur la base des recettes prévisionnelles inscrites aux budgets primitifs, et non sur les recettes perçues qui s’étaient révélées d’un niveau supérieur, le tribunal administratif de Nouméa a condamné l’Etat le 7 août 1995.

Un deuxième contentieux a concerné les modalités de fixation de l’assiette de la quote-part des ressources destinées à alimenter le fonds intercommunal de péréquation. Selon les communes, l’assiette devrait être calculée à partir des recettes fiscales brutes, et non sur la base des recettes nettes après déduction des recettes non recouvrées, ou reversées au profit d’autres collectivités ou organismes. Dans ses jugements du 22 octobre 1997 rendus pour chaque commune, le tribunal administratif de Nouméa a réintégré plusieurs de ces recettes (contribution exceptionnelle de solidarité, vignette...) dans l’assiette de calcul du fonds intercommunal de péréquation. Cependant, considérant que l’Etat n’avait pas fixé pour autant des quotes-parts inférieures au montant légal de 15 %, il a rejeté leur requête.

Le présent article 48, en modifiant la rédaction de l’article 9 issue de la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993, prend en compte ces différents problèmes.

L’article fixe le périmètre de la quote-part constitutive du fonds intercommunal de péréquation. Il intègre les recettes issues de la régie locale des tabacs, en précisant que les frais de fonctionnement et d’achats seront déduits de ces recettes (le deuxième contentieux engagé par les communes portait notamment sur ce sujet). Il exclut de cette base le produit des impôts, taxes et droits affectés au fonds intercommunal pour le développement de l’intérieur et des îles, fonds créé par le paragraphe III de ce même article. Le problème du décalage éventuel entre le montant des recettes prévisionnelles et des recettes perçues est résolu de la manière suivante : l’assiette est composée des « ressources telles qu’elles sont encaissées et comptabilisées par le payeur à la clôture de l’exercice ».

Le montant de la quote-part évolue dans une marge de fluctuation comprise entre 16 et 18 % des ressources précédemment déterminées. Rappelons que le taux fixé par la loi du 3 janvier 1969 était de 15 %.

Le dernier alinéa de l’article 9 de la loi du 3 janvier 1969 modifiée instaure une double garantie d’évolution de la ressource : d’abord, une garantie de stabilité du montant définitif de la quote-part versée au fonds et, ce qui est très sécurisant pour les gestionnaires locaux, une garantie de stabilité de la dotation versée à chaque commune. Une disposition particulière vise à prendre en compte l’effet de variations excessives de l’assiette.

Le fonctionnement et la gestion du fonds ne sont pas modifiés par le projet de loi organique.

La fixation du montant de la quote-part fait l’objet d’une délibération du congrès, ce qui contribuera à écarter la responsabilité de l'Etat, engagée dans les contentieux précédents (l’article 9.1 de la loi de 1969, issu de la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993, dispose que le montant de la quote-part est fixé par décret sur proposition du ministre chargé de l’outre-mer).

Concernant le fonds intercommunal de péréquation pour l’équipement, le texte proposé pour l’article 9.2 de la loi du 3 janvier 1969 modifiée fixe à 0,5 % le montant minimal de la quote-part destinée à l’alimenter. L’assiette est identique à celle du fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement, mais elle inclut les impôts, les droits et les taxes affectés au fonds intercommunal pour le développement de l’intérieur et des îles. L’ancienne rédaction de l’article 9.2 ne fixait pas de pourcentage à la quote-part du fonds intercommunal de péréquation pour l’équipement. A titre indicatif, la quote-part de 0,5 % des recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie produit, sur les bases de l’assiette fiscale de 1997, un montant de 14 millions de francs, auxquels s’ajoute la dotation versée par l'Etat (15 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1999).

La principale innovation apportée par cet article est la création d’un nouveau fonds de péréquation, le fonds intercommunal pour le développement de l’intérieur et des îles. Les critères d’attribution de ces ressources sont identiques au fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement. Le projet de loi organique laisse au congrès le soin de fixer les modalités d’application de cet article, notamment le mode de gestion du fonds et, surtout, le choix des impôts, droits et taxes destinés à l’alimenter.

M. Pierre Frogier a retiré deux amendements, à la demande du rapporteur, qui lui a suggéré de les présenter lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

Puis, la Commission a adopté l’article 48 sans modification.

Article 49

Approbation par la province des documents d’urbanisme
de la commune

Cet article succède, dans des termes quasi identiques, à l’article 24-1 de la loi du 9 novembre 1988.

Rappelons que, conformément à l’article 21 du projet de loi organique, le congrès fixe par délibération les « principes directeurs du droit de l’urbanisme ».

Cet article organise l’approbation par les assemblées de province des documents d’urbanisme présentés par la commune. Il est proposé d’adopter le principe classique de l’approbation tacite, dans ce cas après l’expiration d’un délai d’un an.

Conformément à l’article 4 du projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie, cette approbation est une condition sine qua non de l’attribution aux maires de la délivrance des autorisations de construire et des certificats d’urbanisme.

La Commission a adopté l’article 49 sans modification.

Article 50

Conditions de délivrance des
autorisations de concessions électriques

L’article 24-3 de la loi du 9 novembre 1988 permettait à l’assemblée de province de déléguer aux communes, ou à des groupements de communes, la compétence de la délivrance des concessions de distribution électrique.

Cet article leur attribue cette compétence en prévoyant cependant qu’elles peuvent la déléguer aux provinces.

Le principe de l’attribution de cette compétence aux communes avait été posé par le point 2.4 des accords de Nouméa.

La Commission a adopté l’article 50 sans modification.

Article 51

Assiette des impôts institués au bénéfice des provinces
et des communes

Par cet article, la perception des impôts les plus importants est réservée à la Nouvelle-Calédonie. Il prévoit, en effet, que les impôts, taxes et centimes additionnels institués au bénéfice des provinces et des communes ne peuvent être assis ni sur le chiffre d’affaires, ni sur le revenu des personnes physiques, ni sur le bénéfice des personnes morales.

Cette restriction apportée aux droits des provinces et des communes reprend une disposition ajoutée par la loi organique du 20 février 1995 au 4°) de l’article 32 de la loi du 9 novembre 1988. Elle évite qu’une province n’institue des impôts supplémentaires qui affecteraient le montant des recettes fiscales destinées à être ensuite redistribuées entre les collectivités territoriales de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 51 sans modification.

Article 52

Conditions de création de sociétés d’économie mixte
et de prise de participation au capital de sociétés privées
gérant un service public ou d’intérêt général

Cet article vise à permettre la constitution de sociétés d’économie mixte associant la Nouvelle-Calédonie, les provinces et des personnes privées ou publiques, tandis que l’article 7 du projet de loi ordinaire en fixe le régime juridique, en rendant applicable en Nouvelle-Calédonie les articles L. 1522-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales. Il reprend les termes de l’article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, qui pose le principe de la liberté de la constitution de sociétés d’économie mixte par les collectivités territoriales. La constitution de sociétés d’économie mixte, outil indispensable de gestion des collectivités locales, est ici encadrée par une liste limitative des objectifs qui peuvent être assignés à ces structures.

L’article 52 autorise également la Nouvelle-Calédonie à prendre des participations au capital de sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général. Ce pourrait, par exemple, être le cas de compagnies aériennes locales ou de la banque calédonienne d’investissement (B.C.I.). On notera que cette possibilité n’est pas accordée aux provinces. Cependant, la Commission a adopté un amendement de M. Pierre Frogier selon lequel la Nouvelle-Calédonie et les provinces peuvent participer au capital des sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général (amendement n° 46).

La Commission a adopté l’article 52 ainsi modifié.

Article 53

Conditions de création de syndicats mixtes

Cet article fixe deux conditions de création des syndicats mixtes : d’abord, la création du syndicat doit être utile aux « personnes morales intéressées ». Ensuite, le syndicat doit comprendre au moins une collectivité territoriale ou un syndicat de communes. Ces conditions sont similaires à celles posées par l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales.

Il semble souhaitable de préciser que la création du syndicat est utile « pour chaque personne morale intéressée », afin de compléter le parallélisme entre les deux dispositions. Tel est l’objet de l’amendement adopté par la Commission sur proposition du rapporteur (amendement n° 47).

La Commission a adopté l’article 53 ainsi modifié.

Chapitre II

Les modalités des transferts de compétences

Article 54

Modalités de compensation des charges
correspondant aux compétences transférées
à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces

Cet article pose le principe de la compensation par l'Etat des compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit donc d’une disposition protectrice pour les collectivités territoriales, inspirée de celles qui figurent au du chapitre IV du livre VI du code général des collectivités territoriales, intitulé « Compensation des transferts de compétences ». L’objectif poursuivi est, en effet, très semblable à ceux recherchés par les lois de décentralisation, votées en 1982 et 1983 et à l’article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, qui fixe le principe de la compensation.

Pour toute compétence transférée, l'Etat affectera à la collectivité bénéficiaire une dotation de compensation, d’un montant égal au coût d’exercice de la compétence au moment du transfert. Ensuite, son montant évoluera suivant le mécanisme de revalorisation de la dotation globale de fonctionnement visé à l’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. Conformément à cet article, la dotation globale de fonctionnement évolue en fonction d’un indice égal à la somme du taux prévisionnel d’évolution de la moyenne annuelle du prix à la consommation des ménages (hors tabac) de l’année de versement et de la moitié du taux d’évolution du produit intérieur brut en volume de l’année en cours.

La rédaction de l’article est peu claire : s’agit-il d’une dotation par compétence et par collectivité, ou d’une dotation globale par collectivité ? La loi de finances fixera-t-elle une enveloppe globale de compensation, ou sera-t-il fait un détail par collectivité ? Quoiqu’il en soit, pour renforcer l’effectivité du contrôle parlementaire, il est indispensable de préciser que la loi de finances fixe le montant de chaque dotation de compensation. Tel est l’objet de l’amendement présenté par le rapporteur que la Commission a adopté (amendement n° 49).

L’article pose ensuite le principe d’une évaluation préalable des charges correspondantes à l’exercice des compétences transférées (il reprend les termes de l’article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales). Il dispose que les modalités de l’évaluation feront l’objet d’un décret. La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur précisant qu’il doit être pris en Conseil d’Etat (amendement n° 48).

Afin de renforcer les garanties des collectivités de Nouvelle-Calédonie dans la phase délicate des transferts de compétences, il pourrait être également opportun de créer une commission consultative, composée de représentants de l'Etat, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces. L’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, lors des lois de décentralisation, avait créé un organisme semblable. Cette commission serait consultée sur les modalités du transfert des moyens accompagnant le transfert des compétences. La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à la création de cet organisme (amendement n° 50).

La Commission a adopté l’article 54 ainsi modifié.

Article 55

Conditions de transfert des services de l'Etat
à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces

L’objet de cet article est d’organiser le transfert à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces des services de l'Etat exerçant une compétence attribuée aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie. L’article vise les « services ou parties de services de l'Etat chargés exclusivement de la mise en oeuvre d’une compétence nouvelle ».

C’est une disposition logique dans le cadre d’un transfert de compétences, qui doit s’accompagner du transfert des moyens nécessaires à leur exercice. Il s’agit de transferts, et non pas de mises à dispositions qui sont, par ailleurs, prévues à l’article 167 du présent projet de loi.

La Commission a adopté l’article 55 sans modification.

Article 56

Conditions de transfert à la Nouvelle-Calédonie
et aux provinces des biens appartenant à l'Etat
et affectés à l’exercice de compétences transférées

Cette disposition est cohérente avec les deux articles précédents. Elle est, dans son principe, identique à l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales. Il s’agit ici d’un transfert « en pleine propriété » lorsqu’il s’agit de meubles ou immeubles appartenant à l’Etat.

La Commission a adopté l’article 56 sans modification.

TITRE III

LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Le titre III est consacré aux institutions de l’entité sui generis que constitue désormais la Nouvelle-Calédonie. Il comprend cinq chapitres : congrès, lois du pays, Gouvernement, sénat et conseils coutumiers, conseil économique et social.

Chapitre Premier

Le congrès

Section 1

Règles de fonctionnement

Article 57

Composition du congrès

Après avoir rappelé que le congrès « est l’assemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie », l’article 57 en fixe la composition.

Sous l’empire du statut actuel, le congrès n’est pas élu au suffrage universel direct comme c’est le cas de l’assemblée de la Polynésie ; il est une émanation des assemblées de province ; il n’y a donc pas d’élections locales au niveau de l’ensemble du territoire. Les élections provinciales permettent d’élire les membres des assemblées délibérantes des provinces, d’une part, et de l’assemblée du territoire, d’autre part.

Le projet de loi ne remet pas en cause le caractère indirect de l’élection du congrès qui procède des assemblées de province. Il modifie cependant le statut actuel qui fait du congrès la réunion des trois assemblées de province. Ce ne sera plus le cas désormais puisque le projet de loi organique augmente le nombre des membres des assemblées de province (cf. infra) tout en maintenant le nombre des membres du congrès à 54. Seule une partie des membres élus dans les assemblées des provinces siégera donc au congrès : 7 pour la province des îles Loyauté dont l’assemblée comptera 14 membres, 15 pour la province Nord dont l’assemblée sera composée de 22 membres et 32 pour la province Sud dont l’assemblée comprendra 40 membres.

On peut rapprocher ces dispositions de celles applicables aux conseils municipaux de Paris, Marseille et Lyon, qui ne regroupent qu’une partie des membres des conseils d’arrondissement.

La création de deux catégories d’élus dans les assemblées de province, certains siégeant au congrès, d’autres non, répond à la volonté d’assurer une meilleure présence des élus dans les provinces puisqu’ils ne seront plus tous soumis à l’obligation de siéger au congrès.

Le projet de loi organique reprend ainsi les dispositions de l’accord de Nouméa (point 2.1.1). Il en est de même pour la durée du mandat des membres du congrès et des assemblées de province qui est réduite de six à cinq ans. On observera que la durée du mandat au congrès deviendra ainsi identique à celle des députés au lieu d’être alignée sur celle actuellement applicable aux mandats locaux. Cette mesure s’inscrit dans la logique de l’uniformisation à cinq ans des mandats, annoncée par le Premier ministre comme l’un des éléments de modernisation de la vie politique, également mise en œuvre pour les conseils régionaux dans le cadre du projet de loi relatif à l’élection des conseillers régionaux, qui doit être définitivement adopté par le Parlement avant la fin de l’année.

Le dernier alinéa de l’article reprend une disposition de l’actuel statut en l’adaptant pour tenir compte des modifications qui viennent d’être analysées. Il prévoit que les membres du congrès appartenant à une assemblée de province faisant l’objet d’une dissolution continuent à siéger au congrès jusqu’à l’élection de la nouvelle assemblée de province.

La Commission a adopté l’article 57 sans modification.

Article 58

Bureau du congrès

Cet article précise la composition et les modalités de l’élection du bureau. Il reprend les règles fixées par le statut actuel, la seule innovation consistant à adjoindre des questeurs au bureau qui en était jusqu’ici dépourvu.

Le bureau est composé d’un président, de vice-présidents, de secrétaires et de questeurs dont le nombre n’est pas fixé par le projet de loi organique. Il appartiendra au règlement intérieur du congrès de le déterminer. La Commission a examiné un amendement du rapporteur limitant à onze le nombre des membres du bureau du congrès. Après que M. Dominique Bussereau eut souligné que les accords pouvaient impliquer des montages politiques complexes justifiant un effectif plus nombreux, le rapporteur a retiré son amendement.

Le troisième alinéa précise que cette élection ne peut avoir lieu que si les 3/5e des membres du congrès sont présents. A défaut, l’élection est reportée de trois jours et peut alors avoir lieu sans condition de quorum.

Le dernier alinéa précise que les candidats doivent obtenir la majorité absolue des membres du congrès. A défaut, pour les deux premiers tours de scrutin, une majorité relative suffit au troisième tour.

Si ce mode de scrutin est nécessaire pour l’élection du président, il semble, en revanche, préférable de faire élire les autres membres du bureau au scrutin de liste à la représentation proportionnelle afin de permettre une représentation de toutes les tendances du congrès au sein du bureau. La Commission a adopté deux amendements en ce sens présentés par le rapporteur (amendements nos 52 et 53).

Elle a ensuite adopté l’article 58 ainsi modifié.

Article 59

Règles applicables au président du congrès

Cet article introduit des dispositions nouvelles dans le statut.

La première prévoit une incompatibilité entre les fonctions de président du congrès et de président d’assemblée de province. Il s’agit là d’une obligation non prévue par le statut créé par la loi du 9 novembre 1988.

La seconde soumet le président du congrès à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale. Il convient de noter que cette disposition, si elle ne figure pas dans le statut, s’applique déjà au président du congrès en vertu de la loi du 8 février 1995 relative à la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement ou des titulaires de certaines fonctions dont l’article 2 étend l’obligation de déclaration « au président d’une assemblée territoriale d’outre-mer ». Le congrès cessant d’être une assemblée territoriale d’outre-mer dans le nouveau statut, il était nécessaire d’y faire figurer l’obligation de déclaration du patrimoine. On peut cependant regretter que la formulation retenue par l’article 59 ne fasse pas référence à l’article L.O. 135-1 du code électoral qui fixe les règles relatives à la déclaration de situation patrimoniale exigée des députés. La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 54).

Elle a ensuite adopté l’article 59 ainsi modifié.

Articles 60 et 61

Régime des sessions

L’article 60 fixe le régime des sessions ordinaires. Il apporte peu de modifications au statut issu de la loi référendaire : le congrès tient deux sessions ordinaires d’une durée maximum de deux mois ; l’une, dite session administrative, doit s’ouvrir entre le 1er et le 30 juin ; la seconde, dite session budgétaire, doit s’ouvrir entre le 1er et le 30 novembre.

La durée des sessions, qui n’est pas allongée par le projet, peut paraître brève si l’on considère le rôle accru imparti par le nouveau statut au congrès que la commission permanente n’a pas toujours vocation à suppléer dans l’intervalle des sessions. Il semble toutefois que la durée effective des sessions du congrès soit beaucoup plus brève que ce qui est autorisé par le statut. C’est pourquoi le rapporteur a seulement présenté un amendement tendant à préciser la rédaction du projet, que la Commission a adopté (amendement n° 55).

Dans les limites fixées, c’est au congrès qu’il appartient, comme dans le statut actuel, de fixer la date d’ouverture et la durée des sessions.

L’article 60 modifie le texte actuel sur des points mineurs :

—  il permet au congrès de siéger dans un autre lieu que le chef-lieu de Nouvelle-Calédonie ; une telle pratique serait certainement souhaitable pour que la province Nord et la province des Iles n’aient pas le sentiment d’une prééminence de la province Sud ;

—  en cas de carence du congrès, il donne au gouvernement, et non plus au haut-commissaire qui n’est plus l’organe exécutif de la Nouvelle-Calédonie, la possibilité de modifier par arrêté la période normale de session et de convoquer le congrès en session ordinaire, après avis du président de l’assemblée ; cette modification est la conséquence des changements dans la répartition des compétences qui sont analysées ci-après ;

—  enfin, la réunion de début de mandat aura lieu non plus le deuxième lundi mais le deuxième vendredi suivant l’élection des assemblées de province.

La Commission a adopté l’article 60 ainsi modifié.

L’article 61, en permettant au congrès de se réunir en session extraordinaire, reprend une disposition du statut actuel. La réunion du congrès en session extraordinaire peut être demandée par la majorité des membres du congrès ou le haut-commissaire comme actuellement mais également par le gouvernement qui n’existe pas dans le statut actuel.

Une double limite est fixée à la durée des sessions extraordinaires : chacune d’elle ne peut excéder un mois et la durée cumulée des sessions extraordinaires ne peut être supérieure à deux mois entre deux sessions ordinaires.

Cette double limite ne s’applique pas lorsque la ou les sessions extraordinaires sont tenues à la demande du haut-commissaire.

La Commission a adopté l’article 61 sans modification.

Article 62

Publicité des séances
- Police du congrès

Les deux alinéas de cet article reprennent deux dispositions du statut actuel qui sont d’ailleurs classiques s’agissant d’assemblées délibérantes.

Le premier affirme le caractère public des séances, sauf décision contraire prise à la majorité simple, et prévoit la possibilité de retransmission audiovisuelle.

Le second confie au président la police du congrès dans l’enceinte de celui-ci et lui donne la possibilité de requérir du haut-commissaire le concours de la force publique.

La Commission a adopté l’article 62 sans modification.

Article 63

Personnel du congrès

Cet article contient deux dispositions nouvelles.

Il consacre le pouvoir de nomination du président du congrès aux emplois des services du congrès.

Il définit le statut de ces personnels : ils relèvent du statut de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie dont les règles leur sont applicables.

La Commission a adopté l’article 63 sans modification.

Article 64

Représentation du congrès en justice

L’article 64 attribue au président le pouvoir de représenter le congrès en justice. Cette disposition ne figurait pas dans le statut actuel. Il s’agit là cependant d’une compétence traditionnellement accordée aux présidents d’assemblées délibérantes. C’est le cas notamment en Polynésie française. Il convient de noter que le pouvoir ainsi donné au président du congrès se limite aux actions en justice concernant le congrès. L’article 125 du projet donne en effet au président du gouvernement le pouvoir de représenter la Nouvelle-Calédonie devant les juridictions.

La Commission a adopté l’article 64 sans modification.

Article 65

Délégation de pouvoir au président - Rôle d’ordonnateur
des dépenses

Cet article comporte deux alinéas.

Le premier permet au président de déléguer sa signature aux vice-présidents et aux responsables des services du congrès ainsi que certaines de ses attributions aux vice-présidents. Il s’agit là de délégations habituelles dans les assemblées, qu’elles soient locales (conseil municipal, conseil général) ou territoriales (assemblée de la Polynésie française). La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 56).

Le second alinéa fait du président du congrès l’ordonnateur des dépenses de fonctionnement de cette assemblée et des groupes. Il s’agit là encore d’une compétence habituellement donnée au président d’assemblées délibérantes. On peut cependant s’étonner qu’il ne soit pas fait mention du rôle des questeurs qui sont désormais membres du bureau en vertu de l’article 58. Sur ce point, la Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur tendant à confier aux questeurs, comme il est d’usage, la gestion administrative et financière de l’assemblée sous la direction du bureau. Après que M. Pierre Frogier eut rappelé qu’actuellement le président du congrès est ordonnateur de ses dépenses et qu’en tout état de cause, cette disposition relevait du règlement interne du congrès, le rapporteur a retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 65 ainsi modifié.

Article 66

Conditions de validité des délibérations

Cet article, qui reprend intégralement les dispositions de l’article 46 de l’actuel statut, fixe les conditions de quorum exigées pour la validité des délibérations ainsi que les règles de délégation de vote et de vote par procuration.

S’agissant du quorum, la moitié des membres du congrès doivent être présents ou représentés. Si ce quorum n’est pas atteint, la délibération est reportée de trois jours, s’il s’agit du jour d’ouverture de la session, ou au lendemain pour les autres séances et est valable quel que soit le nombre de présents.

La Commission a adopté l’article 66 sans modification.

Article 67

Démission d’un membre du congrès

Cet article contient des dispositions qui ne figurent pas dans le statut actuel mais qui existent en revanche pour les membres de l’assemblée de Polynésie.

Il comporte deux alinéas. Le premier concerne la démission décidée par un membre du congrès. Elle doit être adressée au président qui en informe le haut-commissaire et le président de l’assemblée de province à laquelle appartient le démissionnaire.

Le second alinéa vise la démission d’office qui peut être prononcée par le tribunal administratif à l’encontre d’un élu qui refuse ou qui s’abstient de remplir ses fonctions. On peut observer que la démission d’office est prononcée par le tribunal administratif alors qu’en Polynésie c’est à l’assemblée elle-même que revient la décision.

On peut, par ailleurs, s’interroger sur les conséquences d’une démission à l’égard du mandat exercé par l’élu dans l’assemblée de province. Reste-t-il en fonction dans l’assemblée de province ou en est-il ipso facto démissionnaire ? Il semble souhaitable de préciser que la démission du congrès entraîne automatiquement la démission de l’assemblée de province puisque les deux mandats sont liés et que les membres du congrès sont d’abord les élus de l’assemblée de province. La Commission a adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 57).

Puis elle a adopté l’article 67 ainsi modifié.

Article 68

Initiative des lois et délibérations

Cet article, qui n’est pas sans rappeler l’article 39 de la Constitution selon lequel « l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement », attribue au gouvernement, d’une part, et aux membres du congrès, d’autre part, l’initiative des délibérations et des lois du pays.

Il établit ainsi clairement une distinction entre les deux catégories d’actes que sera amenée à prendre l’assemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie : les délibérations et les lois du pays.

·  Les délibérations sont les actes par lesquels s’exerce le pouvoir normatif attribué à la Nouvelle-Calédonie par les statuts successifs et qui résulte du transfert de certaines compétences de l’Etat. Même si elles interviennent parfois dans des domaines législatifs – c’est le cas des impôts, droits et taxes perçus dans le territoire –, les délibérations sont des actes administratifs et sont comme telles soumises au principe de légalité et au contrôle du juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir, à celui du juge administratif ou judiciaire lorsqu’une exception d’illégalité est soulevée à l’occasion d’un litige.

Les délibérations étant de nature réglementaire, elles doivent respecter les normes constitutionnelles mais aussi les lois et les principes généraux du droit.

·  Les lois du pays, qui font l’objet des articles 92 à 99, sont une innovation voulue par les accords de Nouméa et elles sont l’expression d’un véritable pouvoir législatif autonome reconnu à la Nouvelle-Calédonie, qui sera analysé au chapitre II.

La Commission a adopté l’article 68 sans modification.

Article 69

Information des membres du congrès
sur les affaires en discussion

Cet article affirme le droit, pour tout membre du congrès « d’être informé des affaires qui font l’objet d’une délibération ».

Il s’agit d’une transposition au congrès des dispositions de même nature qui s’appliquent aux conseillers municipaux (art. L. 212-1) aux conseillers généraux (art. L. 3121-18) et aux conseillers régionaux (art. L. 4132-17).

Le congrès est cependant une assemblée délibérante d’une nature particulière puisqu’il exerce des compétences dans des domaines de nature législative qui lui sont transférés par l’Etat.

La reconnaissance au congrès d’un pouvoir législatif autonome que constituent les dispositions sur les lois du pays va renforcer la spécificité du congrès par rapport aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales. On peut dès lors s’interroger sur l’intérêt d’introduire une telle disposition dans le statut. En tout état de cause, la rédaction doit être modifiée puisque l’information des membres du congrès ne saurait se limiter aux affaires faisant l’objet de délibérations et doit être étendue à celles qui donneront lieu à des lois du pays. Le rapporteur a présenté un amendement précisant la rédaction du projet sur ce point. La Commission l’a adopté (amendement n° 58).

La Commission a adopté l’article 69 ainsi modifié.

Article 70

Fixation de l’ordre du jour

L’article 70 fixe les règles relatives à l’ordre du jour du congrès.

Le premier alinéa reproduit une disposition en vigueur et donne au président du congrès compétence pour fixer l’ordre du jour en y ajoutant cependant la nécessité de consulter le bureau.

Les alinéas suivants apportent quelques limites aux pouvoirs du Président.

Le deuxième alinéa donne au gouvernement le droit de faire inscrire par priorité les projets ou propositions qu’il estime urgent de discuter.

Le dernier alinéa confère également au haut-commissaire le droit de faire inscrire par priorité toute question sur laquelle le congrès doit émettre un avis. C’est le cas par exemple pour les projets de lois contenant des dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. La rédaction du projet est plus restrictive que celle de l’actuel statut qui vise d’une façon générale « les questions » dont l’inscription est demandée par le haut-commissaire.

Enfin le président est tenu d’inscrire toute proposition de loi du pays ou de délibération lorsque la moitié au moins des membres du congrès le demande.

La Commission a adopté l’article 70 sans modification.

Article 71

Procès-verbal des séances

Cet article reprend les dispositions figurant au dernier alinéa de l’article 48 du statut actuel et précise les conditions d’établissement du procès-verbal de chaque séance.

Compte tenu des compétences nouvelles confiées au congrès par le projet de statut, notamment par la création d’un pouvoir législatif autonome, il est souhaitable d’assurer une plus grande publicité des travaux du congrès en précisant que les séances du congrès font l’objet d’un compte-rendu intégral publié au Journal officiel de Nouvelle-Calédonie. Le rapporteur a présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté par la Commission (amendement n° 59).

La Commission a adopté l’article 71 ainsi modifié.

Article 72

Indemnités et défraiement

Le congrès doit fixer les modalités de prise en charge des frais de transport et de mission de ses membres ainsi que l’indemnité de représentation susceptible d’être accordée au président du congrès et à celui de la commission permanente.

Rappelons que les membres du congrès qui sont également membres d’une assemblée de province, ne perçoivent pas d’indemnité pour le mandat exercé au congrès mais seulement pour le mandat exercé auprès de l’assemblée de province. Les modalités de cette indemnité font l’objet de l’article 154 du projet.

S’agissant des frais de transport et de mission, il serait souhaitable qu’ils soient pris en charge en fonction des justificatifs permettant de vérifier la réalité des dépenses engagées.

La Commission a adopté l’article 72 sans modification.

Article 73

Constitution et moyens de fonctionnement
des groupes politiques

Les dispositions de cet article sont nouvelles.

Le premier alinéa fixe les conditions de constitution des groupes : remise d’une déclaration signée par les membres au président du congrès et liste des membres.

Le deuxième alinéa habilite le congrès à réglementer le fonctionnement des groupes par ses délibérations. La fin de l’alinéa n’a pas de raison d’être puisqu’il n’y a pas d’indemnité pour les membres du congrès. Il doit donc être supprimé. Tel est l’objet d’un amendement présenté par le rapporteur qui a été adopté par la Commission (amendement n° 60).

Les deux derniers alinéas donnent au congrès compétence pour décider des moyens de fonctionnement alloués aux groupes. Une limite est fixée au montant des crédits destinés à financer les dépenses de personnel ; ils ne peuvent excéder le quart du montant total des indemnités versées annuellement aux membres des assemblées de province.

Il convient d’observer que les dispositions de cet article, qui donne compétence au congrès pour réglementer les questions relatives au fonctionnement des groupes, semblent en contradiction avec celles de l’article 117 du projet, dont le 5° donne au gouvernement le pouvoir de déterminer les modalités de rémunération « des groupes d’élus du congrès ». Il serait logique cependant que cette compétence revienne au congrès.

Par ailleurs, il conviendrait de modifier la rédaction actuelle qui prévoit l’affectation aux groupes d’agents des services. Il ne paraît pas souhaitable de limiter le personnel ainsi fourni aux seuls agents du congrès. Sur ce point, la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 61).

Elle a ensuite adopté l’article 73 ainsi modifié.

Article 74

Désignation et compétences
de la commission permanente

Cet article reprend dans son premier alinéa les dispositions du statut actuel permettant l’élection d’une commission permanente de sept à onze membres.

Il s’agit là d’une institution traditionnelle dans les assemblées délibérantes de collectivités territoriales.

Le second alinéa délimite les compétences de la commission permanente :

—  elle n’agit que sur délégation du congrès ;

—  certaines matières lui échappent.

Il en est ainsi des matières budgétaires et fiscales ainsi que du compte administratif, ce qui est traditionnel pour ce type d’organisme.

L’article 74 interdit également à la commission permanente de se saisir des projets ou propositions de lois du pays, ce qui se comprend aisément puisqu’il s’agit là d’un pouvoir législatif autonome accordé au congrès. On peut cependant se demander si la brièveté des sessions du congrès ne risque pas d’être un obstacle à l’élaboration des lois du pays.

Enfin, l’article 74 exclut les matières qui seront ou pourront être transférées à la Nouvelle-Calédonie et qui sont énumérées à l’article 19 III et à l’article 26.

En revanche, l’article 74 élargit la compétence de la commission permanente sur un point. Alors que, dans le statut actuel, elle ne peut se substituer au congrès pour donner un avis sur les projets de loi concernant l’organisation particulière du territoire visés à l’article 74 de la Constitution, elle pourra émettre à la place du congrès les avis de même nature prévus à l’article 80 du projet.

Cette évolution est possible dans la mesure où la Nouvelle-Calédonie n’étant plus un territoire d’outre-mer, ne relève plus de l’article 74 de la Constitution. L’interprétation jurisprudentielle de cet article par le Conseil constitutionnel selon laquelle la consultation prévue par l’article 74 de la Constitution relève de la compétence exclusive de l’assemblée délibérante (décision du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française) ne lui est donc plus applicable.

La Commission a adopté l’article 74 sans modification.

Article 75

Fonctionnement de la commission permanente

Cet article reprend en grande partie les dispositions actuelles, notamment en ce qui concerne la fixation de l’ordre du jour, les conditions de validité des délibérations, les procès-verbaux, le pouvoir d’ouvrir des crédits supplémentaires en cas d’urgence. Observons que cette dernière disposition n’a pas pour objet d’accorder à la commission permanente un pouvoir budgétaire qui lui est au demeurant refusé à l’article précédent, mais est destinée à faire face à des événements tels que des catastrophes naturelles ou des calamités agricoles.

Il convient de noter deux dispositions nouvelles. La première résulte de l’institution d’un gouvernement par le projet de statut et donne à ce dernier le droit de demander l’inscription d’une question par priorité. La seconde concerne le caractère public des séances de la commission permanente, sauf décision contraire prise à la majorité des membres. On peut rapprocher cette disposition de celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale pour la commission permanente du conseil régional dans le cadre du projet de loi relatif au fonctionnement des conseils régionaux.

La Commission a adopté l’article 75 sans modification.

Article 76

Droit du haut-commissaire à être entendu
par le congrès ou la commission permanente

Le droit accordé au haut-commissaire d’être entendu à sa demande est analogue à celui qui appartient au représentant de l’Etat devant le conseil régional ou général.

Le statut de la Polynésie française prévoit, de même, que le haut-commissaire est entendu par l’Assemblée du territoire en accord avec son président.

La Commission a adopté l’article 76 sans modification.

Section 2

Attributions du Congrès

Article 77

Compétences du congrès

Cet article attribue au congrès l’exercice des compétences propres de la Nouvelle-Calédonie fixées par le chapitre premier du titre II relatif à la répartition des compétences entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes. Cette formulation s’écarte de celle du statut actuel selon lequel « le congrès règle par ses délibérations les affaires du territoire » qui s’inspirait de la rédaction utilisée pour les assemblées des collectivités territoriales ; elle se rapproche en revanche de celle retenue pour l’assemblée de Polynésie française selon le statut résultant de la loi organique du 12 avril 1996.

Le projet reconnaît ainsi au congrès une compétence de droit commun.

La Commission a adopté l’article 77 sans modification.

Article 78

Pouvoirs budgétaires de l’assemblée

Cet article reprend les dispositions du deuxième alinéa de l’article 56 du statut actuel selon lequel le congrès vote le budget et approuve les comptes de la Nouvelle-Calédonie et renvoie au code des juridictions financières pour la procédure d’adoption du budget.

L’article L.O. 263-3 de ce code est par ailleurs modifié par l’article 214 du projet pour tenir compte des évolutions institutionnelles proposées. Ainsi le projet de budget sera déposé par le président du gouvernement et non plus par le haut-commissaire ; de même le président du gouvernement est substitué au haut-commissaire pour prendre des mesures provisoires d’exécution du budget lorsque celui-ci n’est pas adopté avant le 1er janvier.

Cependant, le haut-commissaire reste compétent pour élaborer le budget s’il n’a pas été adopté au 31 mars de l’année.

La Commission a adopté l’article 78 sans modification.

Article 79

Entrée en vigueur
des dispositions fiscales

Cet article reprend les dispositions de l’article 54 de l’actuel statut en le modifiant pour viser les lois du pays. Il précise les conditions d’entrée en vigueur des règles fixées par le congrès en matière d’impôts directs.

M. Pierre Frogier a soutenu un amendement assouplissant le régime de publication des lois du pays et des délibérations du congrès en matière fiscale. A la demande du rapporteur qui a souhaité approfondir la question en examinant l’amendement lors de la réunion qui se tiendra en application de l’article 88 du Règlement, M. Pierre Frogier a retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 79 sans modification.

Article 80

Sanctions pénales et administratives
des infractions à la réglementation de Nouvelle-Calédonie

Cet article reprend, en les modifiant, des dispositions du statut actuel (article 24). Il autorise le congrès à assortir les infractions à la réglementation qu’il édicte de peines d’amendes et de peines complémentaires n’excédant pas celles prévues pour les contraventions et délits de même nature par la législation et la réglementation métropolitaine et lui permet également de les compléter par des sanctions administratives.

Il supprime la nécessité d’une homologation législative exigée par l’actuel statut pour les peines d’amendes correctionnelles.

Le dernier alinéa de l’article habilite les agents assermentés des institutions de Nouvelle-Calédonie à constater les infractions aux réglementations édictées, non seulement pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour les provinces et les communes.

La Commission a adopté l’article 80 sans modification.

Article 81

Peines d’emprisonnement

Cet article introduit dans le statut de Nouvelle-Calédonie des dispositions nouvelles analogues à celles qui existent dans le statut polynésien.

Il permet au congrès d’assortir les infractions à la réglementation qu’il édicte, qu’il s’agisse de lois du pays ou de règlements, de peines d’emprisonnement respectant la classification des délits et n’excédant pas le maximum prévu par la réglementation métropolitaine. Toutefois, l’application de ces peines est subordonnée à leur homologation par une loi.

Tant que la loi d’homologation n’est pas entrée en vigueur seules les peines d’amende et les peines complémentaires sont applicables.

On peut citer comme exemple la loi n° 91-6 du 4 janvier 1991 portant homologation des dispositions des délibérations de l’assemblée territoriale de la Polynésie française qui a homologué des délibérations prévoyant des peines correctionnelles ou complémentaires dans divers domaines tels que l’aménagement du territoire, la réglementation de l’hygiène des eaux usées, de la pêche, etc.

Il est normal que la mise en œuvre de peines d’emprisonnement par un acte réglementaire, tel que les délibérations du congrès, soit subordonné à une homologation législative conformément au principe de la légalité des délits et des peines proclamé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à l’article 34 de la Constitution.

On pourrait en revanche s’interroger sur l’application de cette disposition aux lois du pays qui auront une valeur législative puisqu’à la différence des autres délibérations du congrès, elles ne sont pas soumises au contrôle du juge.

Cependant il faut rappeler que l’Etat reste compétent en matière de droit pénal. Dès lors, il paraît légitime de maintenir l’homologation des dispositions de lois du pays qui prévoiraient des peines privatives de liberté, lesquelles ne relèvent pas des compétences propres reconnues à la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 81 sans modification.

Article 82

Réglementation du droit de transaction

Cet article reprend des dispositions qui existent dans le statut actuel pour les assemblées de province et le congrès. Le statut de la Polynésie comporte des règles analogues.

Le congrès est autorisé à réglementer le droit de transaction dans les matières de sa compétence : il s’agit principalement du domaine fiscal, douanier et économique.

Par ailleurs, conformément au code pénal qui donne au ministère public la maîtrise des poursuites, l’accord du procureur de la République est nécessaire lorsque la transaction a pour effet d’éteindre l’action publique.

La Commission a adopté l’article 82 sans modification.

Article 83

Consultation du congrès sur les projets de loi
autorisant la ratification de certains traités ou accords
et certaines propositions d’actes communautaires

Cet article reprend des dispositions du statut actuel en les modifiant. En effet, il prévoit que le congrès est consulté sur les projets autorisant la ratification de traités ou accords relevant des domaines de compétence de l’Etat et ayant vocation à s’appliquer en Nouvelle-Calédonie, alors que le statut actuel prévoyait une telle consultation pour les conventions internationales ressortissant à la compétence du territoire ou des provinces.

Le deuxième alinéa prévoit que le congrès doit également être consulté sur les propositions d’actes communautaires qui « concernent la Nouvelle-Calédonie ».

Cette formulation semble moins restrictive que celle utilisée dans le statut de la Polynésie ; celle-ci limite la consultation de l’assemblée aux actes relatifs à l’application de l’accord d’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté qui définit le régime spécial d’application du traité aux pays et territoires d’outre-mer.

Enfin, le dernier alinéa de l’article institue une procédure qui semble inspirée de celle prévue à l’article 88-4 de la Constitution pour l’Assemblée nationale et le Sénat. Il permet en effet au congrès de voter des résolutions à l’occasion des consultations prévues par les alinéas précédents, résolutions adressées au président du gouvernement et au haut-commissaire.

On observe que la rédaction de cet article étend le champ d’application de la consultation du congrès par rapport à celui qui résultait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’application de l’article 74 de la Constitution, lequel prévoit la consultation des assemblées territoriales des territoires d’outre-mer sur les textes relatifs à leur organisation particulière. Le Conseil constitutionnel estimait que la consultation de l’Assemblée territoriale intéressée ne devait être exigée que si le traité est applicable outre-mer et modifie l’organisation particulière du territoire (n° 88-247 DC 17 janvier 1989). Désormais, seule la première de ces conditions trouvera à s’appliquer.

L’article n’impose aucun délai au congrès pour rendre son avis. Il paraît souhaitable de faire figurer à cet article les mêmes conditions que celles prévues à l’article suivant.

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur fixant un délai d’un mois pour que le congrès puisse rendre son avis. M. Dominique Bussereau s’étant interrogé sur l’application de cette disposition en-dehors des sessions du congrès, M. René Dosière a indiqué que la commission permanente pourrait satisfaire au respect du délai introduit par cet amendement. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 62).

Puis elle a adopté l’article 83 ainsi modifié.

Article 84

Consultation du congrès sur les textes législatifs
concernant la Nouvelle-Calédonie

Cet article inscrit dans le statut les règles relatives à la consultation de l’assemblée délibérante des territoires d’outre-mer résultant des dispositions de l’article 74 de la Constitution et de l’interprétation qui en est faite par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La Nouvelle-Calédonie cessant d’être un territoire d’outre-mer, l’article 74 de la Constitution, qui impose la consultation de l’assemblée territoriale sur les lois organiques fixant le statut, d’une part, et sur les lois fixant les « modalités de leur organisation particulière » d’autre part, ne lui est plus applicable. Cette consultation est le corollaire du principe de spécialité législative en vertu duquel les lois et règlements édictés en France métropolitaine ne sont, sauf exception, pas applicables de plein droit dans les territoires d’outre-mer. Les règles de droit qui leur sont applicables résultent soit de textes qui leur sont spécifiques, soit de textes applicables en métropole comportant une mention expresse d’applicabilité aux territoires d’outre-mer.

L’article 84 introduit dans le nouveau statut la procédure de consultation de l’assemblée territoriale qui s’applique aux territoires d’outre-mer. La rédaction retenue s’appuie sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

· Etendue de l’obligation de consultation

Doivent être soumis à consultation les projets de loi ou d’ordonnance (premier alinéa), les propositions de loi (deuxième alinéa), les amendements (troisième alinéa).

S’agissant des amendements, la rédaction du projet reprend la distinction établie par le Conseil constitutionnel selon que le projet de loi qu’ils visent a fait ou non l’objet d’une consultation. Si c’est le cas, les amendements n’ont pas à être eux-mêmes soumis à consultation. En revanche, un amendement portant sur un texte non soumis à consultation et étendant au territoire une disposition doit faire l’objet d’une consultation (n° 81-129 DC 30 et 31 octobre 1981).

Il ne paraît cependant pas utile de reprendre dans le projet de statut de la Nouvelle-Calédonie la jurisprudence rendue par le Conseil constitutionnel sur l’application de l’article 74 de la Constitution aux amendements. La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l’obligation faite aux assemblées parlementaires de soumettre les amendements intéressant la Nouvelle-Calédonie à l’avis du congrès (amendement n° 63).

· Objet des textes soumis à consultation

Ne sont soumis à consultation que les textes qui introduisent, suppriment ou modifient des dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ne donnent donc pas lieu à consultation les textes qui échappent au principe de spécialité, tels que les lois constitutionnelles, les lois organiques, les règles relatives aux grandes juridictions nationales ainsi que ceux qui ne touchent pas à des dispositions spécifiques.

Le Conseil donne une interprétation assez extensive de cette notion puisqu’il a décidé, par exemple, que devaient être soumis à consultation les textes concernant l’organisation spécifique des juridictions pénales, la procédure pénale, la communication audiovisuelle, l’organisation universitaire, la prévention et le règlement amiable des difficultés des entreprises, le code de la santé publique, la nationalité.

Afin d’éviter que la consultation du congrès ne soit utilisée pour empêcher le déroulement de la procédure législative, l’alinéa 1er de l’article reprend les dispositions de l’actuel statut et fixe un délai d’un mois au congrès qui peut être réduit à 15 jours en cas d’urgence à la demande du haut-commissaire. Le délai expiré, l’avis est réputé donné.

Enfin, le dernier alinéa de l’article habilite la commission permanente à rendre les avis à la place du congrès, ce qui, dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, est impossible comme cela a été rappelé à l’occasion de l’examen des compétences de la commission permanente fixées par l’article 74 du projet. Cette extension du champ d’intervention de la commission permanente devrait faciliter la consultation du congrès.

On observera pour conclure que la procédure de consultation devrait trouver de moins en moins à s’appliquer dans la mesure où les compétences transférées le sont de manière définitive conformément aux accords de Nouméa et à l’article 77 de la Constitution, et seront de plus en plus étendues.

La Commission a adopté l’article 84 ainsi modifié.

Article 85

Résolutions du congrès

Cet article reprend une disposition du statut actuel qui permet au congrès d’émettre des vœux dans les matières relevant de la compétence de l’Etat pour demander l’abrogation ou la modification de la réglementation applicable en Nouvelle-Calédonie.

La rédaction du projet introduit deux modifications : l’une, d’ordre sémantique, consiste à remplacer les vœux par des résolutions ; l’autre tire les conséquences des modifications constitutionnelles prévues par le statut et prévoit que les résolutions sont adressées par le président du congrès non plus au seul haut-commissaire mais également au président du gouvernement.

La Commission a adopté l’article 85 sans modification.

Article 86

Régime des délégations de service public

Cet article a pour objet d’adapter les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques afin de les appliquer à la Nouvelle-Calédonie.

Le premier alinéa indique que le congrès se prononce sur le principe de la délégation au vu d’un rapport dont une annexe doit préciser les prestations que doit assurer le délégataire.

Cet alinéa reprend une disposition codifiée à l’article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales.

Le deuxième alinéa de l’article adapte la procédure prévue à l’article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales. Il prévoit que le congrès est saisi après une procédure de publicité et l’avis d’une commission élue en son sein, du choix proposé par le gouvernement entre les entreprises candidates et qu’il doit se prononcer dans les deux mois.

La rédaction de cet article ne donne pas toutes les garanties prévues par la loi précitée pour la délégation de services publics locaux. Même s’il s’agit d’une compétence de la Nouvelle-Calédonie, il convient de préciser que les principes généraux qui gouvernent les délégations de services publics et tendent à garantir la transparence et la concurrence sont applicables aux délégations de services publics de Nouvelle-Calédonie. Le rapporteur a présenté deux amendements tendant à rendre applicables à la Nouvelle-Calédonie les garanties de publicité relatives à la délégation de service public. M. Dominique Perben a estimé que la complexité du régime juridique de la délégation de service public risquait de soulever d’importants problèmes d’application en Nouvelle-Calédonie. Le rapporteur ayant indiqué que l’extension proposée ne portait que sur les principales règles de procédure applicables en matière de délégation de service public, la Commission a adopté ces amendements (amendements nos 64 et 65).

Elle a ensuite adopté l’article 86 ainsi modifié.

Article 87

Représentation du congrès auprès de
l’institut d’émission d’outre-mer

Cet article inscrit dans le statut la représentation du congrès au conseil de surveillance de l’institut d’émission d’outre-mer. Il ne s’agit pas d’une innovation puisqu’un membre du congrès le représente déjà au conseil de surveillance de l’Institut d’émission d’outre-mer.

La Commission a adopté l’article 87 sans modification.

Article 88

Responsabilité du gouvernement
devant le congrès

Les dispositions de cet article sont évidemment nouvelles puisqu’il n’y a pas de gouvernement dans le statut actuel de Nouvelle-Calédonie et que la fonction exécutive est remplie par le haut-commissaire.

L’article 88 institue un mécanisme de responsabilité du gouvernement qui présente des analogies avec le dispositif prévu par l’article 49 de notre Constitution.

· Le congrès met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure qui doit recueillir la signature d’un cinquième au moins de ses membres. Cette proportion est d’un dixième dans la Constitution et de deux cinquièmes dans le statut de la Polynésie qui comporte des dispositions de même nature.

· Le congrès se réunit de plein droit deux jours francs après le dépôt de la motion de censure et vote dans les deux jours qui suivent.

· Ne sont recensés que les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres du congrès.

Enfin le dernier alinéa de l’article limite à une le nombre de motion de censure qu’un membre peut signer au cours d’une même session ordinaire.

La procédure de motion de censure qui existe depuis très longtemps en Polynésie, n’y a – semble-t-il – jamais été utilisée.

La Commission a adopté l’article 88 sans modification.

Article 89

Conséquences de l’adoption
d’une motion de censure

Cet article précise que l’adoption d’une motion de censure met fin aux fonctions du gouvernement qui assure cependant l’expédition des affaires courantes jusqu’à l’élection d’un nouveau gouvernement.

Il s’agit là de dispositions classiques en droit constitutionnel et qui n’appellent pas de commentaires particuliers.

La Commission a adopté l’article 89 sans modification.

Article 90

Dissolution du congrès

Cet article donne au gouvernement de métropole la possibilité de dissoudre le congrès, mais il ne peut user de ce droit que si le fonctionnement de l’assemblée se révèle impossible.

Plusieurs éléments de procédure doivent être respectés :

—  un avis du président du congrès et du gouvernement est nécessaire ;

—  le Parlement doit être immédiatement informé ;

—  la décision doit être prise par décret motivé en conseil des ministres ;

—  le décret doit être notifié au gouvernement de Nouvelle-Calédonie et aux présidents du congrès et des trois assemblées de province.

La dissolution du congrès entraîne celle des assemblées de province puisque le congrès procède des assemblées de province.

Enfin le dernier alinéa précise que le décret de dissolution doit fixer la date des nouvelles élections qui doivent avoir lieu dans les deux mois.

La Commission a adopté l’article 90 sans modification.

Article 91

Règlement intérieur du congrès

Cet article est relatif au règlement intérieur du congrès ; celui-ci fixe les modalités de son fonctionnement non prévues par la loi.

L’article précise que ce règlement peut être déféré au tribunal administratif. Le recours est ouvert à toute personne ayant intérêt à agir.

L’article ne comporte pas de disposition sur la publication du règlement. Il semble nécessaire de prévoir qu’il doit être publié au Journal officiel de Nouvelle-Calédonie.

La Commission a été saisie d’un amendement en ce sens présenté par le rapporteur. M. Pierre Frogier a considéré que cette disposition était redondante avec l’obligation de publication des délibérations du congrès. Le rapporteur ayant rappelé que cette obligation porterait sur le texte intégral du règlement, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 66).

Elle a ensuite adopté l’article 91 ainsi modifié.

Chapitre II

Les lois du pays

Le projet de statut consacre un chapitre à l’une des évolutions institutionnelles prévues par l’accord de Nouméa consistant à doter le territoire d’un pouvoir législatif autonome en conférant à certaines délibérations du congrès le caractère de « lois du pays ». La reconnaissance de ce pouvoir normatif autonome aux institutions calédoniennes, qui soulevait une difficulté au regard des article premier et 3 de la Constitution, a d’ailleurs été l’une des raisons de la révision constitutionnelle adoptée par le congrès en juillet dernier.

Ainsi, dans les domaines définis par le statut, les délibérations du congrès seront des lois du pays et échapperont donc au contrôle juridictionnel qui s’exerce sur les autres délibérations. Celles-ci, même lorsqu’elles interviennent dans des domaines législatifs selon l’article 34, sont susceptibles de recours.

Le projet a prévu cependant un certain nombre de garanties pour assurer le respect de l’État de droit et éviter que les lois du pays ne puissent être utilisées de façon abusive. Ainsi les lois du pays ne peuvent être adoptées qu’à une majorité absolue des membres du congrès (article 94) ; la possibilité de demander une nouvelle délibération est assez largement ouverte (article 95). Enfin, comme les lois nationales, les lois du pays peuvent être soumises au contrôle du Conseil constitutionnel avant leur promulgation.

Article 92

Domaine des lois du pays

L’accord de Nouméa ne donnent aucune précision sur le champ d’application des lois du pays. Pourtant les lois du pays se distinguent des autres délibérations du congrès par les matières dont elles traitent.

L’article 92 a donc pour objet de définir le domaine d’application des lois du pays, d’une façon analogue à l’article 34 de la Constitution qui définit le domaine respectif de la loi.

La caractéristique commune des matières énumérées est de s’inscrire dans les compétences attribuées à la Nouvelle-Calédonie par les articles 21, 23, 25 et 26 du projet de statut sans les englober totalement. En effet, la liste des matières pouvant faire l’objet de lois du pays est beaucoup plus réduite que celle des compétences de la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs l’énumération de l’article 92 établit une distinction entre les matières dont la loi du pays fixe « les règles » et celles dont elle ne fixe que les « principes généraux ». On observera, là encore, que cette distinction est directement inspirée de l’article 34 de la Constitution, dont l’article 92 reprend parfois les termes mot pour mot. On peut cependant s’interroger sur la portée pratique d’une telle distinction qui, au niveau national du moins, semble ne pas en avoir.

Le domaine des lois du pays doit évoluer dans le temps au fur et à mesure que les nouvelles compétences seront effectivement transférées. On devrait donc assister à une mise en œuvre progressive du dispositif.

1°  Domaines dans lesquels les lois du pays pourront être adoptées dès l’entrée en vigueur du statut :

Il s’agit des domaines qui relèvent déjà de la compétence de la Nouvelle-Calédonie tels que l’assiette et le recouvrement des impôts, droits et taxes de toute nature et le droit du travail, à l’exception des principes directeurs qui relevaient jusqu’à présent de l’Etat et sont transférés.

2°  Domaines où les lois du pays pourront intervenir à partir du 1er janvier 2000 :

Ils correspondent à des compétences nouvelles attribuées à la Nouvelle-Calédonie par le projet : cela concerne les signes distinctifs (art. 4 du projet), les principes fondamentaux du droit syndical et du droit de la sécurité sociale (art. 21, 2° et 4°) et les règles particulières relatives à l’accès à l’emploi (art. 23).

3°  Domaines qui pourront faire l’objet de lois du pays à partir de 2004 :

Le domaine visé au 11° de l’article qui concerne la répartition des dotations de fonctionnement et d’équipement fixée par l’article 170 du projet ne pourra faire l’objet de lois du pays qu’à partir du mandat du congrès commençant en 2004.

4°  Enfin, en application de l’article 25 du projet, des lois du pays pourront intervenir entre 2004 et 2014 dans deux domaines : règles relatives à l’état des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et libéralités d’une part et principes fondamentaux concernant le régime de la propriété, droits réels et obligations civiles et commerciales d’autre part.

Sur cet article, la Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur précisant la terminologie relative aux signes identitaires (amendement n° 67).

Puis elle a adopté l’article 92 ainsi modifié.

Article 93

Avis préalable du tribunal administratif
sur les projets et propositions de loi du pays

L’article 93 soumet les projets et les propositions de lois du pays à un avis du tribunal administratif préalable à leur adoption et fixe un délai d’un mois au terme duquel l’avis est réputé donné. Les avis sont communiqués au président du gouvernement, au président du congrès, au haut-commissaire et au Conseil constitutionnel.

L’article 93 s’inspire de l’article 39 de notre Constitution, qui soumet les projets de loi, mais non les propositions, à un avis préalable du Conseil d’Etat.

On peut penser que le dispositif de l’article 93 confie au tribunal administratif un rôle qu’il lui sera peut-être difficile d’assurer. Dans la mesure où les lois du pays auront une véritable valeur législative sur le plan local, il semble préférable de délocaliser l’examen des projets et propositions et de le confier au Conseil d’Etat qui pourrait ainsi étendre son rôle à cette nouvelle catégorie de lois. La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur en ce sens.

M. Dominique Bussereau s’est demandé si cet amendement ne risquait pas d’apparaître comme une remise en cause de l’accord de Nouméa. Evoquant l’expérience polynésienne, M. Michel Buillard s’est prononcé en faveur du renvoi pour avis au Conseil d’Etat. M. Pierre Frogier a observé qu’il ne verrait pas d’inconvénient à l’adoption de cet amendement, sauf s’il devait alourdir la procédure. Le rapporteur a indiqué que ce transfert de compétence consultative au Conseil d’Etat ne semblait pas soulever d’hostilité localement. Il a par ailleurs rappelé que, compte tenu de l’importance du domaine des lois du pays, l’intervention du Conseil d’Etat contribuerait à diminuer les risques d’inconstitutionnalité de ces actes législatifs. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 68).

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Pierre Frogier (amendement n° 69) assouplissant les conditions de transmission pour avis des projets ou propositions de loi du pays au Conseil d’Etat. Puis elle a été saisie d’un amendement du rapporteur portant à deux mois le délai imparti au Conseil d’Etat pour rendre ses avis sur les lois du pays. M. Pierre Frogier a estimé que cette disposition était de nature à compliquer le travail du congrès. M. Dominique Perben ayant fait part de son expérience gouvernementale a considéré que ce délai était trop long et a jugé qu’il était disproportionné avec le caractère limité des lois du pays. Le rapporteur a retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 93 ainsi modifié.

Article 94

Adoption des lois du pays

Cet article prévoit que les lois du pays ne peuvent être adoptées qu’à la majorité absolue des membres du congrès.

L’article 94 impose donc une règle de majorité réservée, pour les textes législatifs nationaux, aux lois organiques pour leur adoption en dernière lecture par l’Assemblée nationale lorsqu’il n’y a pas d’accord entre les deux assemblées.

Les auteurs du projet ont ainsi voulu distinguer les lois du pays des simples délibérations et prévoir pour les premières des règles d’adoption plus strictes. Il semble en effet souhaitable que les lois du pays – dans la mesure où elles ont une valeur législative et ne sont pas susceptibles de recours une fois votées – soient adoptées par une majorité qualifiée.

La Commission a adopté l’article 94 sans modification.

Articles additionnels après l’article 94

Publication d’un rapport écrit

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 70) transposant au congrès certaines règles de la procédure législative appliquées en métropole, telles que la désignation d’un rapporteur ou la publication d’un rapport écrit afin que les membres du congrès et, le cas échéant, le Conseil constitutionnel puissent être éclairés sur les projets et propositions de loi du pays.

Article 95

Nouvelle délibération

Cet article donne à plusieurs autorités la possibilité de demander une deuxième délibération d’une loi du pays. Cette demande doit intervenir dans les quinze jours suivant l’adoption du texte.

Elle peut être formulée par le haut-commissaire, le gouvernement, le président du congrès, le président d’une assemblée de province ou dix-huit membres – c’est-à-dire un tiers – du congrès.

La nouvelle délibération peut porter sur tout ou partie de la loi.

Elle ne peut être refusée et ne peut intervenir moins de huit jours après une demande.

S’il n’est pas en session, le congrès est spécialement réuni.

Si l’on compare ces dispositions à celles qui existent dans notre Constitution, dont l’article 10 réserve le droit de demander une nouvelle délibération au seul Président de la République, on ne peut qu’être frappé par le nombre d’autorités habilitées à formuler cette demande pour les lois du pays.

Cependant, le dispositif retenu se justifie ; il s’agit de mettre en place les moyens juridiques pour donner des garanties à l’ensemble des tendances qui composent la Nouvelle-Calédonie et d’assurer le plus large consensus possible sur les lois du pays. A cet égard, on peut considérer que le seuil de dix-huit imposé aux membres du congrès pour demander une nouvelle délibération est trop élevé puisqu’il représente le tiers de ses membres. Il conviendrait donc de l’abaisser. La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 71) tendant à réduire à onze le nombre des membres du congrès requis pour demander une nouvelle délibération.

Puis elle a adopté l’article 95 ainsi modifié.

Article 96

Saisine du Conseil constitutionnel

Cet article transpose aux lois du pays la procédure de saisine du Conseil constitutionnel prévue par l’article 61 de la Constitution pour les lois métropolitaines.

Ce faisant, il met en œuvre une disposition de l’accord de Nouméa qui prévoit que « certaines délibérations du congrès auront le caractère de loi du pays et de ce fait ne pourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel avant leur publication ».

En application de cette disposition, l’article 77 de la Constitution impartit à la loi organique le soin de déterminer « les conditions dans lesquelles certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ».

Tel est l’objet de l’article 96.

· La procédure

—  Le Conseil peut être saisi après un délai de quinze jours suivant l’adoption de la loi, délai durant lequel une éventuelle demande de nouvelle délibération peut être formulée. Le recours est ouvert pendant une durée de dix jours.

—  Les autorités habilitées à saisir le Conseil constitutionnel sont le haut-commissaire, le gouvernement, le président du congrès, le président d’une assemblée de province, ou dix-huit membres du congrès.

La volonté des parties à l’accord de Nouméa a été, en effet, d’ouvrir assez largement le recours au Conseil constitutionnel dont le contrôle sera désormais le seul à s’exercer sur cette catégorie de délibérations, à la différence des autres délibérations qui demeurent des actes réglementaires et sont, comme tels, soumises au contrôle du juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir et à celui du juge administratif et judiciaire lorsqu’une exception d’illégalité est soulevée à l’occasion d’un litige. Les délibérations « ordinaires » peuvent donc être contrôlées à tout moment. Le contrôle du juge constitutionnel ne peut, quant à lui, s’exercer qu’avant la promulgation de la loi. Dans ces conditions, le seuil d’un tiers fixé pour la saisine par les membres du congrès peut paraître élevé. Il est, en tout état de cause, beaucoup plus strict que celui des soixante députés ou soixante sénateurs exigé de l’article 61 de la Constitution pour les lois nationales. Ce seuil représente en effet moins de 10 % du nombre total de parlementaires. Cependant, le projet ne fait que reprendre sur ce point l’accord de Nouméa qui prévoit très clairement que le Conseil constitutionnel peut être saisi par un tiers des membres du congrès. Il paraît donc difficile de modifier cette disposition.

L’article 96 fixe également les modalités pratiques de la saisine en s’inspirant des dispositions prévues par l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : signature, motivation, dépôt au greffe du tribunal administratif, information des autres autorités habilitées à saisir le Conseil et prévoit que celles-ci disposent d’un délai de dix jours pour présenter des observations.

· Nature du contrôle du Conseil constitutionnel

Contrairement à l’article 61 de la Constitution qui précise que le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité des lois à la Constitution, l’article 96 ne précise pas l’objet du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur les lois du pays. On peut cependant déduire du deuxième alinéa de l’article 97 qui vise l’hypothèse où le Conseil constitutionnel constate que « la loi du pays contient une disposition contraire à la Constitution » que le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois du pays a le même objet que celui qu’il exerce sur les lois nationales.

Dès lors, on peut penser que le contrôle du Conseil permettra de vérifier que la loi du pays qui lui est déférée est conforme à ce qu’il est convenu d’appeler le « bloc de constitutionnalité », qui comprend non seulement la Constitution elle-même dans tous ses éléments y compris son préambule, mais aussi le préambule de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les lois organiques et notamment celle portant statut de la Nouvelle-Calédonie.

Il faut également souligner que l’accord de Nouméa, sans que l’on puisse considérer que l’ensemble de ses dispositions a valeur constitutionnelle, sera cependant le socle de ce contrôle de constitutionnalité dans les domaines visés à l’article 77 de la Constitution, ce texte faisant expressément référence à ses orientations. C’est ainsi qu’il conviendra d’apprécier, par exemple, la conformité à la Constitution d’une loi du pays relative à l’accès à l’emploi, non pas seulement au regard des principes constitutionnels qui seraient applicables à une loi nationale, mais aussi en fonction des dispositions de l’accord de Nouméa et de celles de la loi organique que l’article 77 de la Constitution habilite précisément à déroger aux principes constitutionnels classiques.

La Commission a adopté l’article 96 sans modification.

Article 97

Décision du Conseil constitutionnel

Le premier alinéa de l’article 97 fixe le délai imparti au Conseil pour rendre sa décision à trois mois, délai plus long que celui fixé par l’article 61 de la Constitution (un mois). Il est précisé que la décision doit faire l’objet d’une double publication ; l’une au Journal officiel de la République française, l’autre au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

Les trois alinéas suivants précisent les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Deux hypothèses se présentent. Soit le Conseil estime que la loi du pays contient une disposition contraire à la Constitution inséparable de l’ensemble de la loi. C’est alors l’ensemble de la loi qui ne peut être promulgué. Soit la disposition contraire à la Constitution est considérée comme séparable du reste de la loi qui peut, en ce cas, être promulguée partiellement.

Dans ce cas, l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire le gouvernement, peut demander une nouvelle délibération dans les dix jours qui suivent la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cette nouvelle délibération intervient dans les conditions fixées par l’article 95.

Ces dispositions s’inspirent étroitement de celles qui sont fixées par l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 relative au Conseil constitutionnel.

La Commission a adopté l’article 97 sans modification.

Article 98

Promulgation des lois du pays

Cet article précise les conditions de promulgation des lois du pays. L’autorité compétente est le représentant de l’Etat. Toutefois, le contreseing du président du gouvernement est nécessaire. Au niveau national, les lois sont également contresignées par le Premier ministre ou les ministres responsables.

Le deuxième alinéa fixe un délai de dix jours pour la promulgation. Le point de départ du délai est soit la transmission du texte par le président du congrès, soit la publication de la décision du Conseil constitutionnel sur le texte.

La Commission a adopté l’article 98 sans modification.

Article 99

Nature juridique des lois du pays

L’article 99 est le dernier du chapitre consacré aux lois du pays.

Le premier alinéa affirme la valeur législative de ces textes qui ont force de loi, dès lors qu’ils concernent les domaines définis à l’article 92.

Comme on l’a observé précédemment, les lois du pays, comme les lois nationales, ne peuvent faire l’objet d’aucun recours après leur promulgation.

Cet élément les distingue des autres délibérations qui, elles, peuvent faire l’objet de recours après leur adoption, par toute personne ayant intérêt à agir et par le représentant de l’Etat chargé du contrôle de légalité des délibérations du congrès. Outre que le contrôle des délibérations n’est pas limité dans le temps et est plus largement ouvert que le recours devant le Conseil constitutionnel, le contrôle exercé sur les actes réglementaires est aussi plus exigeant puisqu’ils doivent respecter non seulement le « bloc de constitutionnalité » mais aussi les principes généraux du droit qui ne s’imposent pas au législateur.

Le second alinéa règle le problème de la nature juridique des lois du pays qui interviendraient en dehors du domaine défini à l’article 92. Il prévoit une procédure analogue à celle de l’article 37 de la Constitution visant les textes de forme législative mais pris dans le domaine réglementaire.

La première phrase du deuxième alinéa de l’article 99 affirme le principe selon lequel une loi du pays intervenue en dehors des domaines définis par la loi organique a une valeur réglementaire.

Le deuxième alinéa prévoit une procédure de délégalisation des lois du pays lorsque leur caractère législatif est contesté à l’occasion d’un litige ; la juridiction peut alors saisir le Conseil d’Etat qui se prononce sur la nature de la décision en cause dans un délai de trois mois.

A la différence de la procédure prévue par l’article 37 de la Constitution qui confie au Conseil constitutionnel la procédure de « délégalisation », pour les lois postérieures à la Constitution relevant du domaine réglementaire, le projet de loi organique confie cette tâche au Conseil d’Etat pour les lois du pays.

La Commission a adopté l’article 99 sans modification.

Chapitre III

Le Gouvernement

Section 1

Composition et formation

L’un des aspects les plus novateurs du dispositif institutionnel défini par les accords de Nouméa réside dans le rôle et le fonctionnement du gouvernement. L’équilibre qui sera trouvé, à la fois dans les textes et dans la pratique, sera crucial. Or, la position des acteurs locaux est susceptible d’évoluer, entre une logique provincialiste qui tendrait à faire du gouvernement une sorte de commission permanente du congrès, et une logique de renforcement de l’institution selon le modèle ministériel, pour préparer la construction d’un pays à naître.

Article 100

Rôle et durée des fonctions du gouvernement

Cet article a pour objet la transposition directe des stipulations de l’accord de Nouméa qui prévoient, au paragraphe 2.3, que « l’Exécutif de la Nouvelle-Calédonie deviendra un gouvernement collégial, élu par le congrès, responsable devant lui ». La collégialité n’est pas prévue dans cet article, mais résulte des règles de fonctionnement fixées à la section 2 ci-après. A titre de conséquence, l’article dispose que les fonctions du gouvernement et de son président prennent fin à l’expiration du mandat du congrès qui les a élus, sauf anticipation du terme dans quatre cas :

—  adoption d’une motion de censure par le congrès (article 88 ci-avant) ;

—  démission décidée par le gouvernement à la majorité ou résultant de plein droit du décès ou de la démission du président du gouvernement (article 111) ;

—  démission de plein droit faute de pouvoir remplacer un membre du gouvernement dont les fonctions ont pris fin, sans qu’il ait un suivant de liste (article 112, deuxième alinéa) ;

—  révocation par le gouvernement de l’un de ses membres (article 121, troisième alinéa).

Cet article résume le caractère original du type de gouvernement auquel ont abouti les négociations de Nouméa. Comme le Conseil fédéral de la Confédération helvétique, l’exécutif est collégialement élu par l’assemblée délibérante, mais il comporte par rapport à celui-ci deux différences majeures : il est responsable et sa présidence n’est pas « tournante » annuellement.

Responsable devant le congrès comme en régime parlementaire classique et, par ailleurs, disposant de pouvoirs propres non négligeables en vertu de l’article 117, le gouvernement, s’il est soutenu par les forces politiques appelées à collaborer en son sein, peut jouer un rôle central dans le fonctionnement institutionnel. Mais, en même temps, sa position est affaiblie par son mode de désignation, qui le place sous la dépendance étroite du congrès, lequel dispose de compétences prééminentes. Dans le cadre ainsi tracé, différents équilibres politiques sont donc susceptibles d’être trouvés. Il importera que perdure l’esprit de consensus qui a présidé à son élaboration.

La Commission a adopté l’article 100 sans modification.

Article 101

Election des membres du gouvernement

L’accord de Nouméa stipule que « l’Exécutif sera désigné à la proportionnelle par le congrès, sur proposition par les groupes politiques de listes de candidats, membres ou non du congrès ». Afin de permettre l’établissement des listes, cet article prévoit d’abord la fixation préalable par le congrès du nombre des membres du gouvernement. Il ne s’agit à ce stade que de leur nombre, et non de leurs « portefeuilles », répartis au sein du gouvernement par délégation, dans les conditions fixées à l’article 121 ci-après. Le principe de collégialité et l’étendue limitée de leur pouvoir – sauf application ultérieure de l’article 126 – a conduit à ne pas retenir le terme de « ministres ».

L’équilibre voulu à Nouméa suppose un gouvernement resserré. Afin de laisser une marge de choix suffisante au congrès, le présent article prévoit une « fourchette » de cinq à onze membres, soit le président et quatre à dix autres membres. Un nombre impair de membres est préférable, mais non indispensable, puisque le président a voix prépondérante en cas de partage (article 119).

Le congrès procède à l’élection, trois semaines au plus tard après sa première séance, qui se tient elle-même, conformément à l’article 60, le deuxième vendredi après l’élection des assemblées de province, au cours de laquelle ses membres sont élus. Un quorum des trois cinquièmes de ses membres, soit trente-trois, est exigé pour l’élection des membres du gouvernement, faute de quoi l’élection est reportée trois jours ouvrables plus tard, sans quorum.

La Commission a adopté l’article 101 sans modification.

Article 102

Mode de scrutin pour l’élection
des membres du gouvernement

Cet article prévoit les modalités du scrutin, au terme des trois semaines de réflexion du congrès. L’accord de Nouméa prévoit une élection à la représentation proportionnelle sur proposition de listes par les groupes politiques. L’objectif est la constitution d’une équipe comparable à un gouvernement de coalition, voire d’union nationale, sous réserve de moindres pouvoirs propres. La comparaison avec la « cohabitation » sous la Vème République n’est en revanche pas pertinente, puisque les tendances politiques collaborent au sein d’une même instance. Les notions de majorité et d’opposition gouvernementales ne devraient guère avoir de sens. Les deux notions significatives seraient plus probablement :

—  celle de groupe majoritaire au sein du gouvernement, à la fois parce que celui-ci est une instance collégiale décidant à la majorité et parce qu’il désigne en son sein son président, doté de pouvoirs propres (représentation de la Nouvelle-Calédonie, direction de l’administration) ;

—  celle de groupe minoritaire ne passant pas le double seuil permettant de constituer un groupe politique et d’avoir au moins un représentant au gouvernement.

Le présent article, s’agissant de la représentation des groupes politiques, renvoie, à bon escient, au règlement intérieur du congrès pour la fixation du nombre minimal de ses membres permettant de constituer un groupe. Afin de préserver la maîtrise des groupes sur leur représentation, il prévoit que les électeurs ne peuvent ni ajouter des noms aux listes, ni en supprimer, ni modifier l’ordre défini.

Il prévoit également que seuls les groupes disposant d’élus dans deux provinces au moins peuvent présenter des listes. Le bien-fondé de cette disposition mérite d’être réexaminée, dans une perspective de long terme : elle pourrait conduire à éliminer des tendances politiques significatives du seul fait de leur concentration géographique. Le système fonctionnera d’autant mieux qu’il assure une participation large de toutes les sensibilités. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur supprimant cette disposition, Mme Catherine Tasca ayant cependant exprimé ses réserves sur cet amendement, en rappelant que la disposition qu’il s’agissait de supprimer visait à préserver l’unité territoriale (amendement n° 73).

La répartition des restes serait effectuée à la plus forte moyenne. Ce système qui favorise les principales listes doit assurer un minimum de cohérence dans la composition du gouvernement. La représentation proportionnelle au plus fort reste aurait spontanément encouragé à la dispersion des tendances politiques.

Conformément à l’accord de Nouméa qui stipule expressément que les candidats peuvent ne pas être membres du congrès, le présent article pose comme seules conditions pour figurer sur les listes d’être électeur et éligible aux assemblées des provinces, conformément aux articles 177 et 184 ci-après. C’est ainsi, par exemple, qu’une personne domiciliée depuis moins de dix ans en Nouvelle-Calédonie et ne pouvant donc participer au corps électoral restreint des élections provinciales ne peut être proposée pour siéger au gouvernement.

La Commission a adopté un amendement de M. Pierre Frogier précisant que chaque membre du congrès ne peut présenter qu’une seule liste de candidats au gouvernement (amendement n° 72).

Puis elle a adopté l’article 102 ainsi modifié.

Article 103

Inéligibilité ou incapacité en cours de fonction

Conformément à l’article 108, l’élection des membres du gouvernement peut être contestée dans un délai de cinq jours, indépendamment des règles de contestation des élections au congrès ou assemblées de province posées par l’article 189. Le présent article a pour objet de prévoir :

—  que les membres du gouvernement doivent respecter pendant la durée de leurs fonctions les conditions posées par l’article 177 pour être électeur ;

—  que, par arrêté, le haut-commissaire déclare démissionnaire le membre du gouvernement dont l’inéligibilité se révèle après le délai de cinq jours ou qui cesserait d’avoir la qualité d’électeur. Il peut se saisir d’office ou recevoir réclamation de tout électeur.

La Commission a adopté l’article 103 sans modification.

Article 104

Régime des incompatibilités et des options

Cet article soumet le président et les membres du gouvernement aux incompatibilités prévues pour les membres d’une assemblée de province par l’article 185, qui ne porte que sur des fonctions ou mandats publics.

Comme le 1° du paragraphe I de l’article 185 rend le mandat de membre d’une assemblée de province incompatible avec la qualité de membre du gouvernement, du sénat coutumier, du conseil économique et social, afin de lever toute ambiguïté, le présent article :

—  répète en écho qu’un membre du gouvernement ne saurait être membre d’une assemblée de province et, par voie de conséquence, du congrès ;

—  confirme qu’il ne peut être membre du sénat coutumier ou du conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie.

Les autres incompatibilités portent sur : certaines fonctions publiques électives (conseiller général, conseiller régional et mandat assimilés), les fonctions publiques non électives (dont celles de militaire de carrière et de magistrat), les fonctions rémunérées de directeur ou de président d’établissement public.

Par ailleurs, sur le fondement du paragraphe II de l’article 185, pour l’application des dispositions législatives limitant le cumul des mandats, les membres du gouvernement sont assimilés aux conseillers généraux et le président du gouvernement est assimilé à un président de conseil général.

Il apparaît, en définitive, que le présent article ne prévoit pas les incompatibilités applicables aux députés avec les fonctions privées de direction d’entreprises bénéficiant d’aides publiques ou d’entreprises faisant publiquement appel à l’épargne. On comprend mal cette lacune qui affaiblit sensiblement le statut des membres du gouvernement. Il convient de la combler, en renvoyant à l’article L.O. 146 du code électoral. La Commission a adopté sur ce point un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 75).

Le présent article règle en outre le régime des options dans les cas d’incompatibilité, soit lors de l’élection, soit en cours de fonctions. Le président et les membres du gouvernement disposent d’un mois pour déclarer leur option au haut-commissaire. Ce délai est le même que pour les ministres de la République. A défaut d’option dans le délai prévu, ils sont réputés avoir renoncé à leurs fonctions gouvernementales. Le haut-commissaire constate l’option par un arrêté notifié aux présidents du gouvernement et du congrès, ainsi qu’à l’intéressé.

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur (amendement n° 74).

Elle a ensuite adopté l’article 104 ainsi modifié.

Article 105

Contentieux des arrêtés en matière d’inéligibilités,
incapacités et incompatibilités

Cet article de facture classique a pour objet d’attribuer au Conseil d’Etat, statuant au contentieux, compétence pour statuer sur les recours contre les arrêtés du haut-commissaire prévus par les deux articles précédents, et constatant la démission, la renonciation aux fonctions ou l’option des membres du gouvernement.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 106

Déclaration de situation patrimoniale
des membres du gouvernement

La Commission a adopté l’article 106 soumettant le président et les membres du gouvernement à l’obligation de dépôt de déclaration patrimoniale, au même titre que le président du congrès (article 59) et les président et vice-présidents d’assemblée de province (article 152), sous réserve d’un amendement de coordination rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 76).

Article 107

Election du président et
du vice-président du gouvernement

Cet article prévoit l’élection par les membres du gouvernement, au scrutin secret, dans les cinq jours qui suivent leur élection, de leur président et de leur vice-président. Celui-ci a pour fonction d’assurer l’intérim du président en cas d’absence ou d’empêchement.

Afin de favoriser la collaboration entre les membres du gouvernement issus de différents groupes politiques, il paraît judicieux de prévoir que le président et le vice-président sont choisis sur des listes différentes.

Le résultat de l’élection est notifié par le nouveau président au congrès et au haut-commissaire, ce dernier assistant de plein droit aux réunions du gouvernement, ainsi que le prévoit l’article 113.

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur tendant à rendre obligatoire la pluralité des groupes politiques représentés au gouvernement. M. Pierre Frogier a indiqué que cette idée avait été évoquée lors des négociations par les partenaires calédoniens et précisé que l’idée d’une négociation politique avait, en définitive, été préférée à une disposition contraignante. Le rapporteur a donc retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 107 sans modification.

Article 108

Contentieux des élections du président
et des membres du gouvernement

La Commission a adopté sans modification l’article 108 attribuant compétence au Conseil d’Etat pour statuer, dans le délai de cinq jours, sur les requêtes en contestation des élections des membres du gouvernement (article 102), ainsi que de son président et de son vice-président (article 107).

Article 109

Déclaration de politique générale

Afin d’amener le gouvernement, représentatif de sensibilités différentes, voire divergentes, à élaborer collégialement un programme d’action, cet article prévoit que son président présente devant le congrès une déclaration de politique générale au cours de la session consécutive à son élection. Il n’est pas prévu que cette déclaration soit suivie d’un vote, ce qui peut se justifier par deux considérations :

—  un tel vote risque de cristalliser des clivages, au lendemain des élections aux assemblées de province et au congrès, alors que s’ouvre une phase de recherche de consensus ;

—  en cas de désaccord majeur du congrès avec la déclaration de politique générale du gouvernement qu’il vient d’élire, l’issue est le dépôt et le vote d’une motion de censure dans les conditions prévues par l’article 88.

La Commission a adopté l’article 109 sans modification.

Article 110

Récupération du siège au congrès
ou à une assemblée de province

Faisant suite à l’article 104 qui rend incompatible la participation au gouvernement avec la qualité de membre du congrès ou d’une assemblée de province, le présent article prévoit, afin d’éviter l’éventualité d’une élection partielle, que le membre du gouvernement quittant ses fonctions retrouve automatiquement son siège, à la place de son suivant de liste.

La Commission a adopté cet article, complété par un amendement de cohérence du rapporteur destiné à prévoir, en cas de démission d’un membre du gouvernement, le retour à l’assemblée de province de l’élu qui l’avait remplacé au congrès durant ses fonctions gouvernementales (amendement n° 77).

Article 111

Démission du gouvernement

Cet article constitue une autre originalité majeure du dispositif relatif au gouvernement. Responsable devant le congrès conformément à l’accord de Nouméa, le gouvernement peut aussi choisir de démissionner, soit en raison de dissensions internes, soit du fait d’un désaccord avec le congrès. Il est à noter que, dans cette dernière hypothèse, la dissolution du congrès n’est pas possible : l’article 90 ne prévoit de dissolution qu’en cas de paralysie du congrès, au même titre que pour un conseil général.

Le gouvernement peut aussi être considéré comme démissionnaire de plein droit, en cas de démission ou de décès de son président. Les autres cas de démission de plein droit énumérés à l’article 100 n’avaient pas à être répétés au présent article.

Après la démission du gouvernement, si le congrès n’est pas en session, son président le réunit de plein droit dans les quinze jours pour procéder à l’élection d’un nouveau gouvernement.

La Commission a adopté cet article modifié par deux amendements du rapporteur, l’un de cohérence rédactionnelle (amendement n° 78), l’autre indiquant expressément que le gouvernement démissionnaire assure l’expédition des affaires courantes, pour ne pas s’en remettre à la mise en œuvre de la jurisprudence administrative classique (amendement n° 79).

Article 112

Remplacement d’un membre du gouvernement

Cet article est le corollaire du principe de désignation par le congrès des membres du gouvernement sur des listes proposées par les groupes. Un membre du gouvernement dont les fonctions prennent fin par constatation de son inéligibilité, incapacité, incompatibilité, démission, révocation ou décès est remplacé par son suivant de liste. A défaut de suivant de liste, le présent article ne prévoit pas d’élection partielle, mais la démission d’office du gouvernement et son renouvellement global.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 80).

Puis elle a adopté l’article 112 ainsi modifié.

Section 2

Règles de fonctionnement

Article 113

Réunions du gouvernement

Cet article précise que les réunions du gouvernement sont présidées par son président, et à défaut par le vice-président ou, à défaut de vice-président, par un membre qu’il désigne à cet effet. Conformément à l’accord de Nouméa, le haut-commissaire assiste de plein droit aux réunions du gouvernement et est entendu à sa demande.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l’un tendant à employer le terme de « réunion » du gouvernement, pour réserver celui de « séance » aux assemblées délibérantes et à leurs organes (amendement n° 81), l’autre de portée rédactionnelle (amendement n° 82).

Elle a ensuite adopté l’article 113 ainsi modifié.

Article 114

Ordre du jour des réunions du gouvernement

L’accord de Nouméa prévoit : « Le représentant de l’Etat sera informé de l’ordre du jour des réunions du gouvernement (...) ». Cet article a pour objet de mettre en œuvre ces stipulations.

Afin d’assurer à la fois l’information du haut-commissaire et des conditions de travail satisfaisantes au gouvernement, l’ordre du jour arrêté par le président est adressé quarante-huit heures à l’avance au haut-commissaire et le gouvernement ne peut délibérer que sur les questions qui y sont inscrites. En outre, le haut-commissaire peut obtenir l’inscription à l’ordre du jour de toute question relevant de la compétence de l’Etat, ce qui peut concerner des décrets ou des consultations obligatoires.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l’un de coordination (amendement n° 83), l’autre précisant que l’inscription à l’ordre du jour du gouvernement d’une question relevant de la compétence de l’Etat ne peut être refusée au haut-commissaire (amendement n° 84).

Elle a ensuite adopté l’article 114 ainsi modifié.

Article 115

Secret des réunions

Cet article contient des dispositions classiques prévoyant, d’une part, que les réunions du gouvernement n’ont pas un caractère public, d’autre part, que ses membres et l’ensemble des personnes qui les assistent (fonctionnaires ou collaborateurs personnels) sont tenus au secret dans le cadre de leurs fonctions.

La Commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 85).

Article 116

Indemnités - Dotation de fonctionnement

Transposant, comme plusieurs autres articles du présent projet, des dispositions du code général des collectivités locales sur le régime indemnitaire, cet article prévoit d’abord que l’indemnité mensuelle des membres du gouvernement est fixée par le congrès, par référence au traitement de la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie. Selon un dispositif analogue à celui applicable aux ministres, à l’issue de leurs fonctions, il prévoit le maintien de cette indemnité durant trois mois (au lieu de six mois pour les ministres : article 5 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958), sous réserve de deux exceptions :

—  la récupération de leur siège au congrès ou à l’assemblée de province ;

—  la reprise avant expiration des trois mois d’une activité rémunérée, disposition également applicable aux ministres.

En complément, le congrès fixe également :

—  les modalités de prise en charge de leurs frais de mission et de transport ;

—  leur régime de protection sociale ;

—  l’indemnité forfaitaire annuelle de représentation propre au président et au vice-président.

Enfin, le paragraphe II prévoit une dotation budgétaire spécifique au titre des moyens de fonctionnement du gouvernement.

La Commission a adopté l’article 116 sans modification.

Section 3

Attributions du gouvernement

Article 117

Compétences attribuées au gouvernement

L’article 21 énumère les compétences de la Nouvelle-Calédonie et l’article 77 précise que leur exercice relève du congrès, « à l’exception de celles qui sont attribuées par la présente loi au gouvernement ou au président du gouvernement ». Le présent article a pour objet de fixer la liste des compétences dont l’exercice est attribué au gouvernement. Quant à la compétence d’attribution du président du gouvernement, le présent projet en traite aux articles 125 et 126 ci-après. Les autres attributions de la Nouvelle-Calédonie font l’objet de lois du pays, dans les matières prévues à l’article 92.

Le présent article contient l’indication générale du rôle du gouvernement, puis énumère en dix-huit points les compétences qu’il exerce en propre. A titre général, le gouvernement, exécutif de la Nouvelle-Calédonie conformément à l’article 100, prépare et exécute les délibérations du congrès. S’agissant de leur préparation, l’article 119 précise en son deuxième alinéa qu’il arrête les projets de textes soumis au congrès ; pour leur exécution, il dispose, sur habilitation, d’un pouvoir réglementaire dérivé prévu à l’article 118.

La liste des compétences de la Nouvelle-Calédonie exercées par le gouvernement renvoie directement à celle de l’article 21. Quelques grands thèmes la traversent : fonction publique (recrutements, rémunérations, organisation des services) et professions réglementées, services publics (nature et tarif des prestations, conventions de service public, postes et télécommunications), domaine public (ouvrages et travaux publics, gestion des biens, servitudes domaniales, acceptation des dons et legs), gestion financière (placement de la trésorerie, émission d’emprunts), interventions économiques (accès des étrangers au marché du travail, programme des importations, réglementation des prix, prêts et avals, avis sur les projets miniers), codification juridique.

L’ordre de présentation adopté résulte de la correspondance avec les rubriques de l’article 21, selon le tableau ci-après.

CORRESPONDANCE ENTRE LES COMPÉTENCES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
(article 21) ET CELLES EXERCÉES PAR LE GOUVERNEMENT (article 117)

Compétences de la Nouvelle-Calédonie
(article 21)

Dont compétences exercées par le
gouvernement (article 117)

3° Travail des étrangers

1° Décisions individuelles (pour les règles particulières : cf. art. 92-4° : lois du pays)

6° Commerce extérieur , régime douanier

2° Programme des importations (c’est-à-dire réglementation d’application du régime douanier ; cf. formulation de l’article 28-1° du statut d’autonomie de la Polynésie française du 12 avril 1996 : le conseil des ministres « fixe le cas échéant le programme annuel d’importation »).

7° Postes et télécommunications

3° Approbation des tarifs et redevances

14° Fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et des communes

4° Organisation et détermination des programmes des concours d’accès aux emplois publics de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics

5° Modalités d’application de la rémunération des agents ; rémunération des collaborateurs des membres du gouvernement et des groupes d’élus du congrès (cf. amendement)

15° Réglementation des professions libérales et des officiers publics ou ministériels

6° Création des charges, nomination des officiers publics et ministériels, honorariat.

Divers (4° santé, 12° transports routiers, 20° prix agricoles, 24° établissements hospitaliers, etc...)

7° Fixation des prix et tarifs réglementés (cf. encadré ci-après)

23° Organisation des services et des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie

8° Organisation des services de la Nouvelle-Calédonie

9° Nature et tarif des prestations des services publics de la Nouvelle-Calédonie

10° Conventions avec concessionnaires et délégations (cf. amendement) de services publics

23° et 31°

11° Objet et modalités d’exécution ou d’exploitation des ouvrages publics et travaux publics

31° Droit domanial

12° Gestion des biens de la Nouvelle-Calédonie

13° Détermination des servitudes administratives

14° Placement des fonds libres en valeurs de l’Etat ou garanties par lui ; autorisation de l’émission des emprunts de la Nouvelle-Calédonie

15° Acceptation des dons et legs

16° Conventions de prêts et d’avals

17° Avis sur les projets de délibération relatifs aux mines, lorsque le conseil des mines é émis un avis défavorable (cf. article 41-III)

Divers

18° Codification des lois du pays et de la réglementation

Une option possible aurait consisté à distinguer des attributions de plein exercice et d’autres susceptibles d’être conférées sur habilitation du congrès. Une telle source de complexité a fort justement été écartée.

En ce qui concerne la réglementation des prix, visée au 7° de l’article, elle relève actuellement de la compétence du territoire. Le rapporteur a reçu du gouvernement les précisions suivantes en réponse à ses questions sur son contenu effectif.

QUELS PRIX LE TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
PEUT-IL ADMINISTRER ?

Le territoire de la Nouvelle-Calédonie a le droit d’administrer tous les prix, puisqu’il s’agit d’une attribution du territoire. mais dans les faits, il y a des prix qu’il ne peut faire autrement que réglementer et d’autres qu’il a intérêt à ne pas réglementer.

La liste exhaustive n’étant pas connue, pour la raison indiquée ci-dessus (attribution du territoire et pas de l’Etat) on peut, sans trop de risques d’erreurs, donner quelques exemples :

Sont réglementés à coup sûr :

à   le prix des médicaments

à   les tarifs des hôpitaux (hébergement et soins)

à   les tarifs des auxiliaires médicaux

à   le prix de la communication téléphonique publique

à   les tarifs postaux.

Sont très vraisemblablement réglementés :

à   le prix des denrées jugées indispensables (le pain par exemple)

à   le prix des carburants livrés à la pompe

à   les transports publics

à   la course de taxi.

Ne sont vraisemblablement pas réglementés :

à   le prix des boissons alcoolisées, le vin en particulier

à   le prix des automobiles

à   le prix des matériaux, notamment de construction

à   le prix de la chambre d’hôtel et les tarifs des restaurants.

En résumé, il y a une analogie avec la métropole, dans la philosophie au moins, adaptée au contexte local et cela pour une raison aisée à comprendre : les agents chargés de mettre en œuvre la réglementation locale sont, au moins pour l’encadrement, des agents de la D.G.C.C.R.F. effectuant une partie de leur carrière outre-mer.

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur tendant, l’un à exclure des attributions gouvernementales la détermination de la rémunération des collaborateurs des groupes du congrès afin de préserver l’indépendance de ce dernier (amendement n° 86), l’autre à combler une lacune en précisant que le gouvernement conclut les conventions de délégation de service public (amendement n° 87).

Puis elle a adopté l’article 117 ainsi modifié.

Article 118

Pouvoir réglementaire délégué

C’est sur habilitation du congrès ou de la commission permanente que le gouvernement met en œuvre leurs actes respectifs, par arrêtés réglementaires. Ce pouvoir réglementaire délégué diffère du pouvoir réglementaire propre dont le gouvernement dispose dans l’exercice de ses attributions prévues à l’article 117. En tout état de cause, le pouvoir réglementaire est détenu collégialement par le gouvernement, non par ses membres, comme le prévoit l’article 119.

La Commission a adopté l’article 118 sans modification.

Article 119

Collégialité

Cet article a pour objet d’organiser le fonctionnement collégial du gouvernement, dont le principe s’impose dès lors que seront représentés des groupes de sensibilités opposées.

Il exerce solidairement et collégialement ses compétences et prend ses décisions à la majorité, avec voix prépondérante du président en cas de partage.

Il arrête les projets de texte (loi du pays ou délibération), l’article 68 lui accordant un droit d’initiative concurrent de celui des membres du congrès. Quant à l’exercice du pouvoir réglementaire, les arrêtés sont signés par le président, et contresignés, non par tous les membres, mais par ceux chargés d’en contrôler l’exécution, conformément à l’article 121.

Selon une transposition des règles traditionnelles, les arrêtés sont exécutoires de plein droit après publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou notification, pour les décisions individuelles. Mais ils doivent avoir préalablement été transmis au haut-commissaire, conformément à l’accord de Nouméa.

La Commission a adopté l’article 119 sans modification.

Article 120

Seconde délibération

L’accord de Nouméa prévoyait que le haut-commissaire « pourra demander une seconde délibération de l’exécutif ». Sur la base du présent article, le haut-commissaire dispose à cet effet de sept jours ouvrables. Ce n’est qu’après adoption définitive par le gouvernement que l’arrêté devient exécutoire.

La Commission a adopté l’article 120 sans modification.

Article 121

Délégations aux membres du gouvernement

Cet article, déterminant pour le fonctionnement futur du gouvernement, précise la nature des « portefeuilles » confiés à ses membres dans les dix jours suivant leur élection.

Chaque membre du gouvernement est chargé « d’animer et de contrôler un secteur de l’administration », non de le diriger, ce qui eût affaibli la collégialité en s’inscrivant dans une logique ministérielle.

L’article prévoit que les membres du gouvernement sont entendus par le congrès, ses commissions et la commission permanente. En l’absence de précision de temps, cette disposition doit s’entendre comme une faculté permanente, et non pas comme une simple procédure d’audition consécutive à leur désignation.

Enfin, une procédure d’éviction, par le gouvernement, de l’un de ses membres est mise en place, sur simple délibération. Il conviendrait de prévoir un accord préalable du groupe politique qui a proposé la candidature de l’intéressé. A défaut, cette procédure, destinée à répondre à titre exceptionnel à des dysfonctionnements résultant de conflits de personnes, risquerait de couvrir des atteintes, de nature politique, à l’accord de gouvernement tel qu’il s’est exprimé dans la déclaration de politique générale. La Commission a donc adopté en ce sens un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 88).

Puis elle a adopté l’article 121 ainsi modifié.

Article 122

Délégations au président du gouvernement

Cet article prévoit au profit du gouvernement une faculté de délégation à son président, pour « les actes non réglementaires énumérés à l’article 117 ». Il s’agit à la fois des décisions individuelles et des conventions. Parmi les dix-huit points figurant dans la liste de l’article 117, trois catégories peuvent être distinguées :

—  certains ne concernent que des actes susceptibles de délégation, comme le 1°, relatif aux décisions individuelles relatives au travail des étrangers ;

—  d’autres au contraire sont exclusivement de nature réglementaire, ce qui est apparemment le cas de la réglementation des prix prévue au 7° ;

—  mais la plupart des sujets sont de nature à faire l’objet de décisions individuelles ou contractuelles aussi bien que d’actes réglementaires. La gestion des biens de la Nouvelle-Calédonie paraît en fournir une illustration.

La légalité de la délégation devra donc être appréciée pour chaque cas d’espèce, sous le contrôle du juge.

La Commission a adopté l’article 122 sans modification.

Article 123

Pouvoir de nomination

Cet article distingue nettement deux types de nominations à des emplois publics en Nouvelle-Calédonie. Conforme aux principes traditionnels en la matière, il présente des analogies avec l’article 13 de la Constitution, distinguant le pouvoir général de nomination aux emplois civils et militaires détenu par le Président de la République et les nominations aux emplois à la discrétion du Gouvernement, qui sont effectuées en Conseil des ministres.

Cet article dispose que sont nommés par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie les titulaires de fonctions révocables ad nutum : le secrétaire général, les directeurs et chefs de services, les directeurs d’office et d’établissements publics, ainsi que les représentants de la Nouvelle-Calédonie auprès des offices, établissements publics et sociétés.

Il prévoit en second lieu la compétence du président du gouvernement pour les nominations aux emplois publics.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur tendant à prévoir que le gouvernement met fin aux fonctions des fonctionnaires de responsabilité, ce qui paraît plus conforme aux usages que le terme de « révocation » (amendement n° 89).

Puis elle a adopté l’article 123 ainsi modifié.

Article 124

Rôle consultatif

Le dispositif de consultation des institutions du territoire en application de l’article 74 de la Constitution doit être remplacé. Le présent article prévoit les modalités de consultation du gouvernement par le haut-commissaire, étant rappelé que le congrès est consulté sur les projets de loi, conformément à l’article 84.

La consultation est assortie de conditions de délais lorsqu’elle porte, d’une part, sur les projets de décrets comportant des mesures relatives à la Nouvelle-Calédonie, d’autre part, sur les mesures de la compétence de l’Etat en matière d’enseignement : implantation des établissements, contenu des formations et des programmes, cette consultation s’expliquant par les incidences des décisions, en matière de culture et d’aménagement du territoire.

Le délai imparti au gouvernement est d’un mois, ou quinze jours en cas d’urgence, afin de ne pas retarder le processus de décision.

En revanche, les décisions concernant la politique monétaire et le crédit, relevant en partie de la compétence de la Banque de France, ne sont pas soumises à des conditions de délai.

La Commission a adopté l’article 124 sans modification.

Section 4

Attributions du président du gouvernement

Article 125

Compétences du président du gouvernement

L’exécutif collégial est un outil de concertation, mais ne doit pas être facteur d’immobilisme. A la collégialité des décisions du gouvernement répondent les pouvoirs propres non négligeables attribués au président qu’il a élu. Cet article a pour objet de prévoir les compétences de la Nouvelle-Calédonie dont l’exercice relève, par exception, du président du gouvernement conformément à l’article 77.

Le président du gouvernement est le chef de l’exécutif :

—  il représente la Nouvelle-Calédonie, en particulier devant la justice, sauf pour les contentieux concernant le congrès, qui sont du ressort de son président ;

—  il assure la publication des actes des institutions de la Nouvelle-Calédonie ;

—  il dirige l’administration, est ordonnateur des recettes et des dépenses de la Nouvelle-Calédonie, et signe en son nom les contrats ;

—  il peut déléguer sa signature aux fonctionnaires d’autorité.

Les deux derniers points sont de grande portée pour le fonctionnement du dispositif institutionnel mis en place dans l’immédiat : la direction de l’administration incombe au président du gouvernement et à lui seul. Il ne peut déléguer que sa signature à des fonctionnaires, non ses pouvoirs à des membres du gouvernement. Ceux-ci, conformément à l’article 121, n’ont qu’un rôle d’animation et de contrôle de secteurs de l’administration. Le passage à un mode de fonctionnement dans lequel les membres auraient une fonction de direction, comme des ministres à part entière, correspond à une phase ultérieure, prévue à l’article 126.

La Commission a adopté l’article 125 sans modification.

Article 126

Délégations du président du gouvernement

La rédaction de cet article ne le rend pas très explicite.

Il prévoit la faculté pour le congrès, à la majorité, d’autoriser le président du gouvernement a déléguer, non plus sa signature, mais une partie de ses attributions à un ou plusieurs membres du gouvernement. Ce dispositif paraît ouvrir la porte, d’une part, à un dévoiement de la collégialité, d’autre part, à un système complexe, voire confus, de délégations :

— articles 117 et 125 : le gouvernement, collégialement, et le président disposent de pouvoirs propres ;

— article 125, 4e alinéa : le président peut déléguer sa signature aux principaux fonctionnaires d’autorité ;

— article 121 : chaque membre du gouvernement, par délégation, se voit confier un rôle d’animation et de contrôle d’un secteur de l’administration ;

— article 126 : en outre, le président peut être autorisé à accorder des délégations de pouvoirs au sein du gouvernement, mais ne concernant pas nécessairement tous les membres ; ne risque-t-on pas alors de mettre en place un « gouvernement à deux vitesses », composé de « quasi-ministres » délégataires de pouvoirs du président, et de membres privés d’attributions effectives ?

Cet article fait l’objet, de la part du Gouvernement, d’une lecture sensiblement différente. Son objet est de prévoir le support d’une évolution future du mode de fonctionnement du gouvernement de Nouvelle-Calédonie vers une logique ministérielle. La délégation d’attribution autorisée par le congrès porterait sur les parcelles du pouvoir de direction de l’administration détenue par le président.

Toutefois, rien dans le texte n’indique que ce régime correspond à une étape future. Le rapporteur souhaite approfondir sa réflexion sur cette disposition, qu’il envisagerait d’insérer, remaniée, dans l’article 121, afin de mettre en regard le système initial et celui possible ultérieurement. Deux aspects pourraient être réexaminés : la décision du congrès pourrait être prise à la majorité qualifiée et la possibilité de délégation à un membre du gouvernement seulement n’apparaît pas justifiée. S’il juge préférable que cet article soit, dans l’immédiat, adopté dans le texte du projet de loi, il se réserve la possibilité d’en proposer la modification à l’occasion de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement ou au cours de la navette.

La Commission a adopté l’article 126 sans modification.

Article 127

Rapports présentés au congrès par le président du gouvernement

Cet article ne devrait pas modifier le niveau d’information que les membres du congrès sont accoutumés à recevoir de l’exécutif. Il transpose en effet l’article 55 du statut résultant de la loi référendaire de 1988, et l’améliore, en tenant compte du régime des sessions et en clarifiant la distinction des rapports annuels et des autres.

Deux rapports annuels sont prévus : l’un sur la situation générale de la Nouvelle-Calédonie et de ses services publics, l’autre, au cours de la session budgétaire, présentant le bilan d’activité du gouvernement et le programme de la session. Par ailleurs, huit jours avant chaque séance, un rapport sur chaque point de l’ordre du jour est adressé aux membres du congrès.

La Commission a adopté l’article 127 sans modification.

Chapitre IV

Le sénat coutumier et les conseils coutumiers

Section 1

Le sénat coutumier

Article 128

Composition et mode de désignation du sénat coutumier

Le point 1.2.5. de l’accord de Nouméa prévoit que le conseil coutumier de la Nouvelle-Calédonie deviendra un sénat coutumier composé de seize membres (deux par aire coutumière), obligatoirement consulté sur les sujets intéressant l’identité kanak. L’article 128 du projet de loi organique reprend l’accord de Nouméa sur ce point précis. Il indique que le sénat coutumier est composé effectivement de seize membres. Ils sont désignés par chaque conseil coutumier selon les usages reconnus par la coutume, ce qui est déjà le cas aujourd’hui pour le conseil consultatif coutumier institué par la loi référendaire de 1988. Chaque aire coutumière sera représentée par deux membres au sénat coutumier qui, en vertu de l’article 2 du projet de loi organique, est une institution de la Nouvelle-Calédonie.

Le deuxième alinéa de l’article 128 prévoit que le président du gouvernement constate la désignation des membres du sénat coutumier. Il ne peut donc modifier le choix fait par les conseils d’aires.

Le dernier alinéa de cet article indique que pour les renouvellements du sénat coutumier intervenant à compter de 2005, ses membres pourront être élus dans chaque aire coutumière. Il appartiendra à une loi du pays de déterminer les modalités et le collège électoral pour cette élection. Cette disposition, qui n’apparaît pas dans l’accord de Nouméa, consiste à introduire dans la vie coutumière une logique démocratique qui lui est en principe étrangère. On peut penser que le recours à l’élection pourrait permettre par exemple aux femmes de disposer d’une place plus importante au sein de la coutume. Aux termes de la rédaction du dernier alinéa, le collège électoral pour l’élection des membres du sénat coutumier pourra être restreint dans les conditions définies par la loi du pays. Il va de soi que pour une telle élection, seules les personnes vivant dans la coutume pourront voter. On peut néanmoins s’interroger sur les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel exercera son contrôle sur la loi du pays qui déterminera ces modalités. Sa tâche sera sans doute particulièrement délicate.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 90).

Puis elle a adopté l’article 128 ainsi modifié.

Article 129

Durée du mandat

La durée du premier mandat des membres du sénat coutumier sera de six ans alors que les mandats suivants ne dureront que cinq ans. Le gouvernement a souhaité introduire un décalage entre la désignation du sénat coutumier et les élections provinciales. Ces deux événements auront lieu dans un premier temps en 1999. Puis, le sénat coutumier sera renouvelé en 2005 alors que les élections provinciales se dérouleront en 2004. L’article 129 prévoit également que le renouvellement du sénat coutumier interviendra au plus tard dans le mois suivant la fin du mandat de ses membres.

Une disposition originale apparaît dans le deuxième alinéa de cet article. En effet, il est prévu qu’à la demande d’au moins six conseils coutumiers – on rappellera qu’il en existe huit – il est procédé au renouvellement intégral du sénat coutumier. Néanmoins, cette demande ne peut intervenir dans les six mois qui précèdent le renouvellement général. Cette disposition, qui permet une forme d’auto-dissolution de cette institution, est sans doute née des difficultés récentes rencontrées dans le fonctionnement du conseil consultatif coutumier. Les conditions présidant à cette dissolution étant suffisamment rigides, on peut considérer qu’elle ne devrait intervenir que très rarement, ce qui est souhaitable.

Enfin, le dernier alinéa de l’article dispose que les sièges vacants sont pourvus dans les trois mois de la constatation de la vacance. Ce délai peut paraître long mais il laisse aux autorités coutumières le temps de s’organiser pour désigner de nouveaux membres.

La Commission a adopté l’article 129 sans modification.

Article 130

Désignation du président

Il appartient au sénat coutumier de désigner son président et de fixer son siège. Lors de la mission effectuée par votre rapporteur sur le territoire, la plupart de ses interlocuteurs, et en particulier les chefs coutumiers, ont souhaité que la durée du mandat du président soit limitée. C’est pourquoi la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur qui prévoit que le président est désigné pour une année renouvelable (amendement n° 91). On notera que le projet de loi organique ne lui reconnaît pas de pouvoir particulier.

La Commission a adopté l’article 130 ainsi modifié.

Article 131

Représentation dans les organes extérieurs et
désignation des membres de l’académie des langues kanak

Le sénat coutumier est représenté dans plusieurs institutions : le conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie, les conseils d’administration des établissements publics mentionnés aux 3° et 4° de l’article 22 (c’est-à-dire l’agence de développement rural et d’aménagement foncier et l’agence de développement de la culture kanak) et au comité consultatif des mines.

Par ailleurs, le sénat coutumier, après avis des conseils coutumiers, désigne les membres de l’académie des langues kanak dans les conditions fixées par une délibération du congrès. Cette académie est mentionnée au point 1.3.3. de l’accord de Nouméa. Il s’agira d’un établissement local dont le conseil d’administration sera composé de locuteurs désignés en accord avec les autorités coutumières. Cette académie fixera les règles d’usage de ces langues et leur évolution. On rappellera qu’en Nouvelle-Calédonie il existe près de trente langues qui peuvent être extrêmement différentes les unes des autres.

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 92).

Puis elle a adopté l’article 131 ainsi modifié.

Article 132

Constat de la désignation des autorités coutumières

Le sénat coutumier constate la désignation des autorités coutumières. Cette prérogative appartenait jusqu’à maintenant au haut-commissaire. Une fois qu’il l’a constatée, il la notifie au président du gouvernement qui en assure la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie. Cette désignation est également notifiée au haut-commissaire et au président des assemblées de province. Ces modes de publicité sont justifiées par le fait que les autorités coutumières kanak remplissent une mission de service public et qu’elles perçoivent à ce titre des indemnités, comme c’est le cas également pour les responsables coutumiers en Guyane, indemnisés par le conseil général, et à Wallis-et-Futuna, l’Etat prenant en charge leur indemnisation.

La Commission a adopté l’article 132 sans modification.

Article 133

Avis sur certaines lois du pays

Cet article organise une forme de navette entre le congrès et le sénat coutumier. En effet, celui-ci se voit transmettre par le président du congrès tout projet ou proposition de loi du pays relatifs aux signes distinctifs, au statut civil coutumier, au régime des terres coutumières et des palabres coutumières, aux limites des aires coutumières ainsi qu’aux modalités d’élection au sénat coutumier et aux conseils coutumiers. Il appartient au sénat coutumier de délibérer sur le projet ou la proposition qui lui a été transmis dans les deux mois de sa saisine. A l’issue de ce délai, si le sénat coutumier ne s’est pas prononcé, il est réputé avoir adopté le projet ou la proposition de loi du pays. Le texte adopté par le sénat coutumier est ensuite soumis à la délibération du congrès. En cas de désaccord entre les deux institutions le sénat coutumier est saisi à nouveau du texte tel qu’il a été voté par le congrès. S’il ne l’adopte pas en termes identiques dans un délai d’un mois, le congrès statue définitivement. Il a donc le dernier mot face à l’équivalent d’une seconde chambre dont la compétence reste très circonscrite. Il est d’ailleurs remarquable que le sénat coutumier, qui intervient dans ce processus quasi-législatif, ne se soit pas vu reconnaître le droit de saisine du Conseil constitutionnel pour les lois du pays.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 93), reprenant la terminologie fixée par l’accord de Nouméa.

Elle a ensuite adopté l’article 133 ainsi modifié.

Article 134

Avis sur les délibérations intéressant l’identité kanak

Le sénat coutumier est consulté sur les projets ou propositions de délibérations intéressant l’identité kanak. A la différence de l’article précédent qui prévoyait un avis sur certaines lois du pays, la présente disposition porte sur des délibérations. La consultation est faite par le président du gouvernement, par le président du congrès ou par le président d’une assemblée de province. On peut s’interroger sur la signification de ce « ou ». Le début de l’alinéa laisse entendre que cette consultation est obligatoire. Mais en n’indiquant pas clairement quelle est l’autorité qui devra nécessairement consulter le sénat coutumier, quelle sera la portée réelle de cette disposition ?

Il faut comprendre ici que cette consultation est obligatoire mais qu’elle incombe à l’un des trois organes précités selon l’origine de la délibération, territoriale ou provinciale. La compétence concurrente du président du gouvernement et du président du congrès ne soulève pas de difficultés. Mais est-il utile de prévoir que ces deux organes saisissent le sénat coutumier ? Une saisine obligatoire par le président du gouvernement pour les délibérations du territoire et par le président de l’assemblée de province concernée pour les délibérations provinciales devrait suffire.

Le deuxième alinéa de l’article 134 ouvre également la faculté pour les trois autorités précitées de consulter le sénat coutumier sur tout autre projet ou proposition de délibérations qui n’intéressent pas nécessairement l’identité kanak.

Par ailleurs le troisième alinéa prévoit que le haut-commissaire peut aussi consulter cette institution sur les questions de la compétence de l’Etat. Ce pourra être, par exemple, sur des questions de droit civil qui intéressent également les Kanak qui ont le statut civil coutumier.

Le dernier alinéa laisse au sénat coutumier un délai d’un mois à compter de la saisine pour émettre son avis. Ce délai est porté à deux mois lorsque c’est le haut-commissaire qui s’adresse à cette institution.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 94).

Puis elle a adopté l’article 134 ainsi modifié.

Article 135

Consultation des conseils coutumiers par le sénat coutumier

Les coutumes étant fort variées au sein du territoire de la Nouvelle-Calédonie, le sénat coutumier peut ressentir la nécessité de s’adresser aux conseils coutumiers pour recueillir leur avis sur une question particulière. L’article 135 ouvre cette possibilité. Les conseils d’aires saisis par le sénat coutumier disposent d’un mois pour rendre leur avis.

La Commission a adopté l’article 135 sans modification.

Article 136

Initiative des propositions intéressant l’identité kanak

En vertu de cet article, le sénat coutumier peut saisir le gouvernement ou le congrès de toute proposition intéressant l’identité kanak. Cette démarche peut résulter de sa propre initiative ou de la demande d’un conseil coutumier. Cette disposition complète utilement le dispositif permettant au sénat coutumier de veiller au respect de l’identité kanak. Elle existait déjà sous une forme proche pour le conseil consultatif coutumier dans l’article 61 de la loi référendaire de 1988.

La Commission a adopté l’article 136 sans modification.

Article 137

Indemnisation des membres du sénat coutumier

Cet article prévoit que les membres du sénat coutumier perçoivent une indemnité. Cette disposition est classique. En revanche, l’article 137 indique également que cette indemnité tient compte de la présence des membres aux séances plénières et aux commissions. Il s’agit d’inciter fortement les membres du sénat coutumier à assister aux travaux de l’institution afin de donner à celle-ci une réalité.

Le montant de l’indemnité est fixé par le congrès en référence au traitement des agents de la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie. Cette disposition que l’on retrouve dans l’ensemble du projet de loi organique mériterait d’être précisée en inscrivant clairement dans la loi le plafond de l’indemnité ainsi versée.

En sus de l’indemnité, les membres du sénat coutumier pourront voir leurs frais de transport et de mission pris en charge selon des modalités fixées par le congrès, qui détermine également leur régime de protection sociale. La question du remboursement de ces frais est importante compte tenu des distances qui séparent certaines aires coutumières de Nouméa. On observera que le sénat coutumier ne dispose pas d’une véritable autonomie puisque c’est le congrès qui intervient dans ces différentes matières. Ce dispositif a sa logique dès lors que le budget de la Nouvelle-Calédonie est voté par le congrès.

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur précisant les modalités d’indemnisation des membres du sénat coutumier. M. Pierre Frogier s’est interrogé sur l’intérêt de faire figurer cette disposition dans la loi organique et a jugé peu pertinent de fixer le montant des indemnités par référence au traitement des agents de la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 95).

Puis elle a adopté l’article 137 ainsi modifié.

Article 138

Moyens du sénat coutumier

Cet article dispose qu’une dotation spécifique inscrite au budget de la Nouvelle-Calédonie assure le fonctionnement du sénat coutumier. Celui-ci est consulté pour la fixation de cette dotation. Par ailleurs, il bénéficie de la mise à disposition d’agents de la Nouvelle-Calédonie pour fonctionner.

La Commission a adopté l’article 138 sans modification.

Article 139

Règlement intérieur

L’article 139 précise que les règles de fonctionnement de l’institution sont fixées par son règlement intérieur lorsqu’elles ne le sont pas par la présente loi. Ce règlement, publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, peut être déféré au tribunal administratif. La possibilité d’un tel recours existe dans le code général des collectivités territoriales, par exemple aux articles L. 3121-8 pour le conseil général et L. 4132-6 pour le conseil régional

La Commission a adopté l’article 139 sans modification.

Section 2

Les conseils coutumiers

Article 140

Principes – Mode de désignation

Dans chacune des huit aires coutumières est créé un conseil coutumier aux termes de l’article 140. Ces organes, que, communément, on nomme également conseils d’aire existent déjà puisque la loi référendaire de 1988 les a créés (article 61). La composition des conseils coutumiers est fixée selon les usages propres à chacune des aires. Ces conseils désignent leur président et fixent leur siège. Le nombre de membres de chacun d’entre eux n’est pas déterminé a priori. Il est judicieux de laisser en ce domaine une forme de souplesse qui permet de s’adapter aux règles et aux structures coutumières de chaque aire.

Comme pour le sénat coutumier, le troisième alinéa de l’article 140 prévoit, à compter de l’intervention de la loi du pays relative au sénat, que les membres du conseil coutumier seront élus dans leur aire respective selon des modalités et par un collège électoral déterminé par une autre loi du pays. On constate que le passage d’une logique coutumière dans le mode de désignation des membres des conseils à une logique démocratique ne résulte pas du texte de l’accord de Nouméa. Là encore, le Gouvernement, en accord avec les signataires du 5 mai 1998, entend ouvrir ces institutions en les soustrayant à un pur unanimisme.

La Commission a adopté l’article 140 sans modification.

Article 141

Consultation du conseil coutumier – Litiges de l’interprétation
d’un procès-verbal de palabre

Le paragraphe I de l’article 141 dispose que le conseil coutumier peut être consulté par le haut-commissaire, par le gouvernement, par le président d’une assemblée de province ou par un maire. On rappellera que l’article 135 organise également la possibilité pour le sénat coutumier de s’adresser à un conseil d’aire pour requérir un avis sur une question précise. En outre, le conseil coutumier peut également être consulté par toute autorité administrative ou juridictionnelle sur l’interprétation des règles coutumières. Ce dispositif qui s’ajoute à celui des assesseurs coutumiers permettra au juge de mieux saisir la nature des règles coutumières qu’il est parfois difficile d’interpréter.

Le paragraphe II de cet article crée une forme de recours en cas de litige sur l’interprétation d’un procès-verbal de palabre coutumier. Le conseil coutumier peut être saisi de ce litige. Il rend alors sa décision dans un délai maximum de trois mois. Cette disposition est conforme au point 1.2.1., deuxième alinéa, de l’accord de Nouméa. Néanmoins, lors de sa mission en Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur a été saisi de demandes émanant de chefs coutumiers, en particulier dans la province des îles Loyauté, sur la nature de cette disposition. En effet lorsqu’un litige apparaît sur l’interprétation d’un procès-verbal de palabre rendu, par exemple, par un grand chef, l’autorité de celui-ci peut être mise en cause par une décision contraire du conseil coutumier. Ce risque est d’autant plus grand qu’à terme, le conseil coutumier ne sera plus désigné selon les règles coutumières mais en vertu du principe de l’élection. On peut toutefois penser que les modalités d’élection des conseils coutumiers sauront tenir compte de la réalité coutumière. Un système de grands électeurs où les grands chefs trouveraient toute leur place pourrait être une solution transitoire acceptable et permettrait d’éviter les risques de conflits de légitimité.

La Commission a adopté l’article 141 sans modification.

Article 142

Indemnités et dotation

Selon cet article, les membres du conseil coutumier, comme ceux du sénat, sont remboursés des frais de transport et de séjour qu’ils engagent à l’occasion des sessions ou missions qui leur sont confiées par le conseil. Par ailleurs une indemnité forfaitaire pour frais de représentation est attribuée au président du conseil coutumier. Il appartient au congrès de fixer les modalités d’application de ces dispositions par une simple délibération. Le fonctionnement des conseils coutumiers relève d’une dotation spécifique. Elle est inscrite au budget de la Nouvelle-Calédonie et non des provinces dans la mesure où deux aires coutumières chevauchent le territoire des provinces Nord et Sud (Ajie-Aro et Xaracuu).

La Commission a adopté l’article 142 sans modification.

Article 143

Règlement intérieur

Un règlement intérieur publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie fixe les règles de fonctionnement de chaque conseil coutumier. Comme pour le sénat coutumier, ce règlement peut être déféré au tribunal administratif.

La Commission a adopté l’article 143 sans modification.

Chapitre v

Le conseil économique et social

Le paragraphe 2.1.4 b) des accords de Nouméa prévoit la constitution d’un conseil économique et social, représentant « les principales institutions économiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie ». Le chapitre V du titre III, consacré au conseil économique et social, est l’application de cette disposition.

On rappellera que l’article 2 du projet de loi organique, qui classe le conseil économique et social dans les institutions de la Nouvelle-Calédonie, prévoit que la Nouvelle-Calédonie reste représentée au conseil économique et social de la République.

Article 144

Composition

Le conseil économique et social succède au comité économique et social créé par l’article 59 de la loi référendaire du 9 novembre 1988. Le comité comprenait 31 membres, dont 28 désignés dans le cadres des provinces et 3 membres représentant les organismes consulaires (chambre d’agriculture, chambre des métiers et chambre de commerce et d’industrie). Aux termes du paragraphe IV de l’article 219 du présent projet de loi, ce comité reste en place jusqu’à la première réunion du conseil.

Le nouveau conseil économique et social a une composition élargie mais similaire à celle du comité économique et social : il comprend 39 membres. 28 membres sont désignés dans les provinces, en respectant des proportions identiques à celles retenues dans la loi du 9 novembre 1988 (4 membres pour la province des îles, 8 pour la province Nord et 16 pour la province Sud). Les membres doivent avoir exercé au moins pendant deux ans l’activité qu’ils représentent. La compétence du président du gouvernement se limite à la constation des désignations.

En sus des 28 membres désignés par les provinces, le sénat coutumier désigne deux membres en son sein, et le gouvernement neuf « personnalités qualifiées ».

L’article 104 du projet de loi organique pose le principe de l’incompatibilité entre l’appartenance au gouvernement et le mandat de membre de conseiller économique et social, tandis que l’article 185 instaure une incompatiblité entre le mandat de membre de conseil économique et social et celui de membre d’une assemblée de province.

La Commission a adopté l’article 144 sans modification.

Article 145

Mandat des membres du conseil économique et social
et modalités de renouvellement

Cet article fixe à cinq ans la durée du mandat des membres du conseil économique et social et pose le principe de son renouvellement intégral. Comme la durée du mandat des membres du congrès est également de cinq ans, et qu’aux termes du IV de l’article 219 du projet de loi, le conseil économique et social est désigné dans les trois mois suivant la première réunion des assemblées de province, il y a une bonne coordination entre le calendrier du congrès et celui du conseil économique et social.

Concernant le conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, par une décision 95-364 D.C. du 8 février 1995 sur le projet de loi organique portant dispositions diverses relatives aux territoires d’outre-mer, le conseil constitutionnel a estimé que les « modalités d’indemnisation des membres du conseil économique, social et culturel » relevait de la compétence de la loi organique.

Le projet de loi organique n’abordant pas ce sujet, la Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant au gouvernement la compétence de déterminer, par arrêté, le montant des indemnités de vacation versées aux membres du conseil économique et social (amendement n° 96).

Elle a ensuite adopté l’article 145 ainsi modifié.

Article 146

Attributions

Cet article organise la saisine du conseil économique et social. Concernant les projets ou propositions de loi du pays et les délibérations du congrès « à caractère économique ou social », l’article 146 prévoit une consultation obligatoire du conseil. Cette disposition respecte les termes de l’accord de Nouméa.

Il est proposé d’amender la rédaction du premier alinéa de l’article afin de préciser que la transmission des textes au conseil est décidée par le président du gouvernement, ce qui introduit plus de souplesse dans le mécanisme.

Comme l’indique la formulation adoptée au deuxième alinéa (« peuvent consulter »), l’article prévoit une consultation facultative du conseil économique et social par les assemblées de province, le sénat coutumier ou le gouvernement. Cette faculté de saisine sur des projets et propositions « à caractère économique, social ou culturel » (là encore, l’objet de la consultation est très large), est particulièrement intéressante. Elle permet une consultation « souple » du conseil économique et social.

L’article pose enfin le principe de la publicité des rapports et avis du conseil économique et social.

La Commission a été saisie de deux amendements, le premier présenté par M. Pierre Frogier donnant à la saisine du conseil économique et social sur les lois du pays et les délibérations du congrès et des assemblées de province à caractère économique et social un caractère facultatif, le second du rapporteur prévoyant que le conseil économique et social est saisi par le président du gouvernement. Après l’intervention du rapporteur, qui a apporté à son amendement une rectification formelle, M. Pierre Frogier a retiré son amendement. La Commission a adopté l’amendement du rapporteur (amendement n° 97).

Puis elle a adopté l’article 146 ainsi modifié.

Article 147

Fonctionnement

Cet article vise à régler le fonctionnement du conseil économique et social.

Il dispose dans un premier temps que le budget est assuré par une « dotation spécifique » inscrite au budget de la Nouvelle-Calédonie. L’identification d’une ligne budgétaire dédiée au conseil économique et social est une garantie de sa pérennité et de son indépendance.

L’article renvoie ensuite aux délibérations du congrès pour fixer les règles d’organisation et de fonctionnement du conseil économique et social (le régime des sessions, notamment).

La Commission a adopté l’article 147 sans modification.

TITRE IV

LES PROVINCES

En l’absence de mention particulière dans l’accord de Nouméa, les dispositions relatives aux provinces s’inspirent directement de celles figurant au titre II du statut résultant de la loi référendaire du 9 novembre 1988, moyennant les adaptations liées à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. L’économie générale du dispositif donnant satisfaction à l’ensemble des parties, elle a été conservée dans les articles 148 à 173 ci-après. Le présent titre reprend la subdivision en quatre chapitres, relatifs respectivement aux assemblées de province, à leur président, au personnel de la province, ainsi qu’à ses ressources et son budget.

Chapitre Premier

Les assemblées de province

Les articles 148 à 161, qui composent le chapitre Ier, sont très proches des articles 12 à 24 du statut de 1988, eux-mêmes souvent inspirés du code général des collectivités territoriales. Toutefois, les dispositions de l’article 13, portant sur le nombre des membres des assemblées de province, à leur mode d’élection et à la durée de leur mandat, ont été reprises au sein du titre V relatif aux élections. Le caractère exécutoire des actes, évoqué à l’article 23 du statut de 1988, a été renvoyé à l’article 195 ci-après, au sein des dispositions portant sur le contrôle de légalité.

Article 148

Nature des provinces

Transposant le dispositif de l’article 12 du statut de 1988, cet article maintient pour les provinces la qualification de collectivités territoriales de la République, créées par la loi conformément à l’article 72 de la Constitution. Il est à noter, en revanche, que la Nouvelle-Calédonie relève d’un statut propre qui ne reçoit pas de qualification constitutionnelle explicite. La libre administration des provinces est confiée à leurs assemblées, élues au suffrage direct dans les conditions que fixe le titre V ci-après.

La Commission a adopté l’article 148 sans modification.

Article 149

Compétences de l’assemblée de province

Cet article fait suite à l’article 18, qui attribue une compétence de droit commun à chaque province, dans les matières ne relevant ni de l’Etat ou de la Nouvelle-Calédonie, ni des communes. Le principe actuel, prévu par l’article 7 du statut de 1988, est donc maintenu.

Le premier alinéa du présent article précise que les matières qui sont de la compétence de la province relèvent de l’assemblée de province, ce qui se déduit des articles 18 et 148 ci-avant, sous réserve des pouvoirs propres attribués au président de l’assemblée de province par les articles 162 à 166. Indépendamment de ses attributions concernant l’assemblée, le président est le représentant de la province, le gestionnaire de son domaine, le chef de son administration, et l’ordonnateur de ses recettes et de ses dépenses.

Le second alinéa comporte une version très condensée des dispositions figurant à l’article 24 du statut de 1988 précisant les conditions dans lesquelles l’assemblée de province peut assortir de sanctions les normes qu’elle édicte. Il prévoit que, dans les matières de sa compétence, elle dispose du même pouvoir de sanction que le congrès, puis il renvoie à cet effet aux articles 80 (amendes pénales, peines complémentaires, sanctions administratives), 81 (peines d’emprisonnement après homologation législative) et 82 ci-avant (réglementation du droit de transaction).

La Commission a adopté l’article 149 sans modification.

Article 150

Siège de l’assemblée de province

Cet article régit le lieu des séances, comme l’article 14 du statut de 1988, en reprenant, sous réserve de retouches de forme, ses principales dispositions : le siège se trouve au chef-lieu de province, fixé par le haut-commissaire sur proposition de l’assemblée ; toute délibération prise hors du lieu des séances est nulle. En outre, comme le congrès, conformément au premier alinéa de l’article 60, l’assemblée de province a la faculté de fixer, pour certaines séances, un autre lieu de réunion.

La Commission a adopté l’article 150 sans modification.

Article 151

Séance constitutive – Bureau d’âge

Très proche des deux premiers alinéas de l’article 15 de la loi référendaire de 1988, cet article précise en outre que c’est bien au chef-lieu de province que se tient la première séance consécutive aux élections, le premier vendredi qui suit. Rien n’étant actuellement prévu pour le cas où cette séance constitutive n’aurait pas lieu, le deuxième alinéa confie au haut-commissaire le soin de convoquer l’assemblée de province dans les deux jours ouvrables. Les règles de constitution du bureau provisoire, présidé par le doyen d’âge assisté de deux secrétaires d’âge, reprennent sans changement celles actuellement en vigueur.

La Commission a adopté l’article 151 sans modification.

Article 152

Election du président et du bureau

Président et bureau resteraient élus pour la durée du mandat de l’assemblée. Instance relativement peu nombreuse et réunie au moins tous les deux mois, celle-ci ne comporte pas de commission permanente, à la différence d’un conseil général ou d’un conseil régional dont le rythme minimum de réunion n’est que trimestriel.

Le premier des quatre alinéas de cet article prévoit que seuls les membres de l’assemblée de province siégeant au congrès peuvent être élus à la présidence. Le bureau se composerait en outre de trois vice-présidents, au lieu de deux prévus par le troisième alinéa de l’article 15 de la loi référendaire. Aujourd’hui exclues, les procurations seraient désormais admises pour l’élection du président et du bureau, comme elles le sont pour l’élection du maire, du président de conseil général et du président de conseil régional respectivement par les articles L. 2122-8, L. 3122-1 et L. 4133-1 du code général des collectivités territoriales.

Le quorum reste fixé, par le deuxième alinéa, aux trois cinquièmes des membres de l’assemblée. A défaut, une deuxième séance constitutive est de droit après trois jours ouvrables, le quorum étant alors facultatif.

Le troisième alinéa reprend sans changement les règles actuelles de scrutin : élection du président et de chaque vice-président à la majorité absolue des membres de l’assemblée, et à la majorité relative si un troisième tour est nécessaire, le candidat le plus âgé étant élu en cas d’égalité de voix.

Le quatrième alinéa est nouveau : le président et les trois vice-présidents de l’assemblée de province doivent déposer une déclaration de patrimoine, comme le président – mais non les membres du bureau – du congrès (article 59), le président et les membres du gouvernement (article 106).

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l’un à caractère rédactionnel, l’autre de coordination, renvoyant à l’article L.O. 135-1 du code électoral pour les déclarations patrimoniales du président et des vice-présidents (amendements nos 98 et 99).

Puis elle a adopté l’article 152 ainsi modifié.

Article 153

Séances – Délégations de vote

Comme les assemblées délibérantes de la commune, du département et de la région, mais à la différence du congrès de Nouvelle-Calédonie, l’assemblée n’est pas soumise à un régime de sessions. Les dispositions relatives aux séances sont très proches de celles figurant à l’article 16 de la loi référendaire de 1988, sous réserve de modifications d’ordre rédactionnel.

Compte tenu de la double appartenance d’une fraction des membres de l’assemblée, celle-ci ne peut siéger durant les séances du congrès ; elle peut en revanche se réunir en période de session du congrès.

L’assemblée de province est réunie sur un ordre du jour déterminé, dans l’intervalle des séances du congrès, au moins tous les deux mois. L’initiative de la convocation appartient au président, et, sur demande motivée, au haut-commissaire ou son représentant et à la moitié des membres de l’assemblée. En cas d’urgence, le haut-commissaire ou son représentant peut abréger le délai de convocation, normalement fixé à quinze jours au maximum. Un ajout est prévu par rapport à l’article 16 précité : le haut-commissaire, chargé de veiller au bon fonctionnement des institutions, convoque l’assemblée en cas de carence de son président, de la même façon qu’il convoque l’assemblée en séance constitutive si celle-ci n’a pas eu lieu dans les délais (article 151 ci-avant). Enfin, en cas d’empêchement, un membre peut donner délégation de vote à un autre membre, chaque membre ne pouvant recevoir qu’une procuration.

La Commission a adopté l’article 153 sans modification.

Article 154

Régime indemnitaire

Cet article reprend, moyennant des améliorations rédactionnelles, les dispositions figurant à l’article 17 du statut de 1988. Son premier alinéa est relatif à l’indemnité mensuelle des membres de l’assemblée de province, fixée, sans plus de précision, par référence au traitement de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie (et non plus « des agents publics territoriaux »). Cette indemnité peut faire l’objet de retenues pour absences injustifiées et répétées à l’assemblée ou à ses commissions. Elle n’est pas cumulable avec celles allouées aux députés, aux sénateurs, aux membres du Conseil économique et social de la République, ni avec l’indemnité des membres du Parlement européen, ce qui est une nouveauté par rapport au statut de 1988.

Dans le second alinéa, sont renvoyés implicitement au règlement intérieur de chaque assemblée, prévu à l’article 156 :

—  les modalités de prise en charge des frais de transport et de mission des membres ;

—  leur régime de protection sociale ;

—  les éventuelles indemnités forfaitaires de représentation du président et des vice-présidents.

Le rapporteur se réserve la possibilité, après étude, de proposer ultérieurement à la Commission un amendement tendant à fixer le niveau d’indemnités des membres des assemblées, comme celui des autres types d’indemnités visés par le présent projet, par référence à un indice de rémunération de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie précisément défini.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur imposant aux assemblées de province de déterminer dans leur règlement intérieur les modalités de retenue pour absence sur l’indemnité de leurs membres (amendement n° 100).

Elle a ensuite adopté l’article 154 ainsi modifié.

Article 155

Quorum

Les règles actuelles de quorum, prévues par l’article 18 du statut de 1988, sont maintenues à l’identique. Sont requis :

—  à l’ouverture de chaque séance, la présence ou la représentation de la moitié des membres de l’assemblée de province, la séance étant, à défaut, reportée au troisième jour ouvrable, sans condition de quorum ;

—  lors des votes, le même quorum, sauf après report au troisième jour, le vote étant, faute de quorum, reporté au jour ouvrable suivant, sans condition de quorum ;

—  en cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

La Commission a adopté l’article 155 sans modification.

Article 156

Règlement intérieur

Comme l’article 19 du statut de 1988, cet article renvoie au règlement intérieur de chaque assemblée de province pour ses autres règles de fonctionnement. Le tribunal administratif reste compétent pour les recours formés à son encontre par toute personne ayant intérêt pour agir. Il est à noter que ce règlement intérieur ne fait l’objet d’aucun contrôle préalable à sa mise en application, contrairement au règlement des assemblées parlementaires, soumis au Conseil constitutionnel en vertu du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution.

La Commission a adopté l’article 156 sans modification.

Article 157

Délégations au bureau

Reprenant les termes de la première phrase de l’article 20 de la loi référendaire de 1988, cet article admet la délégation par l’assemblée à son bureau d’une partie de ses attributions, sauf le vote du budget de la province, l’approbation des comptes et l’établissement du règlement intérieur de l’assemblée. C’est à bon escient qu’ont en revanche été supprimées les dispositions superfétatoires selon lesquelles les décisions prises par délégation sont soumises aux règles applicables aux délibérations de l’assemblée.

La Commission a adopté l’article 157 sans modification.

Article 158

Ordre du jour

Les dispositions régissant l’ordre du jour de l’assemblée de province sont faiblement retouchées par rapport à l’article 21 du statut de 1988. La fixation de l’ordre du jour demeure naturellement de la compétence du président, qui doit désormais avoir pris l’avis du bureau. Doivent être portées à l’ordre du jour les questions prioritaires demandées par le haut-commissaire ou son représentant. Quant aux règles relatives au procès-verbal des séances, elles sont renvoyées au deuxième alinéa de l’article 160 ci-après.

Le rapport sur les différentes affaires à l’ordre du jour, adressé par le président à chaque membre huit jours avant la séance (la convocation étant adressée au maximum quinze jours à l’avance : voir l’article 153) doit désormais être « accompagné de tous les documents utiles ». Le délai de huit jours peut faire l’objet de deux types de dérogation : lors de la séance constitutive de l’assemblée et en cas de convocation urgente à l’initiative du haut-commissaire ou de son représentant.

La Commission a adopté l’article 158 sans modification.

Article 159

Publicité des séances

Au principe actuel de publicité des séances, sauf décision contraire à la majorité absolue (article 22 du statut de 1988), cet article ajoute, comme l’article 62 ci-avant pour le congrès, une faculté de retransmission audiovisuelle décidée par le président.

La Commission a adopté l’article 159 sans modification.

Article 160

Audition du haut-commissaire - Procès-verbal

En complément aux dispositions de l’article 159 sur la publicité des débats de l’assemblée de province, cet article ajoute deux dispositions de nature différente.

Son premier alinéa, comblant une lacune du statut de 1988, dispose que le haut-commissaire ou son représentant assiste aux séances et est entendu lorsqu’il le demande. Cette disposition est directement inspirée du premier alinéa de l’article 31 de la Constitution, relatif à l’accès au Parlement des membres du gouvernement. Elle est d’ailleurs plus complète que l’article 76 ci-avant, qui prévoit seulement que le congrès ou sa commission permanente entendent le haut-commissaire à sa demande.

Le second alinéa reprend les dispositions classiques de l’article 21, alinéa 2, du statut de 1988 selon lequel le procès-verbal de chaque séance, signé par le président, est approuvé par l’assemblée.

La Commission a adopté l’article 160 sans modification.

Article 161

Dissolution

Le statut résultant de la loi référendaire de 1988 ne prévoit pas la dissolution de l’assemblée de province. Il paraît pourtant nécessaire d’en prévoir la possibilité, au même titre que pour les assemblées délibérantes de la commune (art. L. 2121-6 du code général des collectivités territoriales), du département (art. L. 3121-5) et de la région (art. L. 4132-3).

Le présent projet envisage deux cas de dissolution :

—  La « dissolution-ricochet », prévue par l’article 90 selon lequel les assemblées de province sont dissoutes de plein droit en cas de dissolution du congrès, qui s’explique par la double appartenance des membres du congrès ;

—  La dissolution répondant à la paralysie de l’assemblée, selon les modalités figurant au présent article. L’approche n’est alors pas celle du droit constitutionnel : la dissolution a pour objet, d’ouvrir une issue, non à un conflit entre institutions, mais à des conflits internes à l’assemblée de province, rendant impossible son fonctionnement.

Comme pour un conseil général, la dissolution est prononcée par décret motivé en Conseil des ministres. Mais le Gouvernement est tenu au préalable de s’entourer d’une série d’avis présentant des analogies avec ceux prévus par l’article 12 de la Constitution : doivent être consultés le président du congrès, le président de l’assemblée de chacune des trois provinces et
– collégialement – le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Le second alinéa prévoit les dispositions classiques et analogues à celles de l’article 90 sur la dissolution du congrès : les élections interviennent dans les deux mois, le décret est notifié aux autorités ayant donné un avis préalable, et le président, qui est aussi chef de l’exécutif de la province, assure l’expédition des affaires courantes au même titre que le président du congrès (article 90) ou celui d’un conseil général dissout.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer la consultation préalable des présidents des deux autres assemblées de province, qui ne paraît pas justifiée (amendement n° 101).

Puis elle a adopté l’article 161 ainsi modifié.

Chapitre ii

Le président de l’assemblée de province

Ce chapitre reproduit, avec des aménagements de portée limitée, les dispositions du chapitre II, de même intitulé, du titre II du statut de 1988.

Articles 162 et 163

Attributions

Ces deux articles n’apportent que des changements de forme aux règles actuelles résultant des articles 25 et 26 du statut résultant de la loi référendaire de 1988. Un double rôle lui est imparti : celui de présider l’assemblée dont il prépare les délibérations selon les règles prévues au chapitre premier et celui d’exécuter ces délibérations. En tant qu’exécutif de la province, il la représente, est l’ordonnateur de ses recettes et de ses dépenses, gère son domaine, dirige l’administration provinciale, dont il nomme les fonctionnaires après création des emplois par l’assemblée. Il est rappelé que, conformément à l’article 39 ci-avant, le président de l’assemblée de province exerce la police des mines.

D’autre part, le président conserve la faculté de déléguer :

—  en toute matière, l’exercice d’une partie de ses attributions, aux trois vice-présidents (au nombre de deux dans le statut de 1988) ;

—  en ce qui concerne la direction de l’administration, sa signature au secrétaire général de la province (poste qui n’était pas évoqué dans la loi référendaire), aux chefs de services et aux fonctionnaires d’Etat mis à disposition, à condition désormais qu’ils soient de grade équivalent.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur à l’article 162 (amendement n° 102) tendant à prévoir que le président de l’assemblée de province assure la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie des actes ressortissant à la compétence de la province, par cohérence avec le dispositif de publication prévu aux articles 125 (publication des actes de la compétence de la Nouvelle-Calédonie) et 192 (publication des actes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces par le haut-commissaire en cas de carence).

Puis elle a adopté l’article 162 ainsi modifié et l’article 163 sans modification.

Article 164

Police de l’assemblée

Les dispositions classiques attribuant au président l’exercice de la police de l’assemblée reprennent, sous réserve de minimes retouches rédactionnelles, celles de l’article 27 du statut de 1988, et sont identiques à celles des deuxième et troisième alinéas de l’article 62 ci-avant relatif au président du congrès.

La Commission a adopté l’article 164 sans modification.

Article 165

Documents annuels transmis par le président
à l’assemblée de province

L’article 158 était relatif au rapport adressé par le président, avant chaque séance, aux membres de l’assemblée, sur les affaires à l’ordre du jour. Le présent article, directement inspiré de l’article 28 du statut de 1988, précise les documents présentés annuellement par le président en tant qu’ordonnateur du budget de la province et chef de son administration. Il s’agit de deux types de documents d’exécution à caractère budgétaire ou financier :

—  le premier doit être soumis au vote de l’assemblée : c’est le projet d’arrêté des comptes de la province, déposé avant le 1er septembre qui suit la fin de l’exercice ;

—  le second n’a que le caractère de document d’information, présenté « lors des réunions budgétaires ». Le présent article prévoit que ce rapport aurait désormais un double objet. Outre le rapport d’activité des services administratifs de la province, il comportera l’état des participations de la province au capital de sociétés et présentera l’activité de celles-ci. Cet ajout s’explique par les compétences dévolues à la province en matière de développement économique, particulièrement dans le domaine minier : l’article 39 ci-avant dispose que les décisions d’application de la réglementation relative aux hydrocarbures, au chrome, au cobalt, et bien sûr au nickel, sont prises par l’assemblée de province.

La Commission a adopté l’article 165 sans modification.

Article 166

Remplacement du bureau ou d’un vice-président

Paradoxalement, la principale disposition institutionnelle de cet article est seulement implicite : la démission du président ou la vacance de son siège entraîne le remplacement de l’ensemble du bureau. La composition du bureau traduit un équilibre politique qui doit être redéfini de façon globale si le président, investi d’importants pouvoirs propres, vient à être remplacé. Il est normal qu’en revanche, le remplacement d’un vice-président n’ait pas les mêmes conséquences sur l’ensemble du bureau.

Cet article est très proche de l’article 29 du statut de 1988, et prévoit, comme lui, le remplacement dans le délai d’un mois du bureau ou d’un vice-président. Plusieurs cas sont envisagés. Si le siège du président devient vacant, l’ensemble du bureau doit être réélu. En l’absence de mention contraire, la procédure d’élection ne peut être que celle prévue à l’article 152, quoique le présent article ne comporte plus de renvoi exprès, celui-ci étant inutile. Durant la vacance du siège, l’un des vice-présidents, dans l’ordre protocolaire qui est celui de leur élection, exerce les fonctions de président. L’article précise désormais que le doyen d’âge exerce ces fonctions à défaut de vice-président. Il incomberait au président par intérim de convoquer l’assemblée pour procéder à l’élection.

Enfin, pour la démission du bureau, qu’elle soit collective ou qu’elle résulte de la démission du président, il est nécessaire de prévoir la convocation du congrès, soit par le doyen d’âge, soit, à défaut, par le haut-commissaire.

La Commission a adopté l’article 166 sans modification.

Article additionnel après l’article 166

Motion de renvoi du président
de l’assemblée de province

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par le rapporteur prévoyant que la responsabilité du président d’une assemblée de province peut être mise en cause par l’adoption d’une motion de renvoi d’un projet de délibération, signée par un tiers des membres de l’assemblée. M. Pierre Frogier a jugé qu’il convenait de distinguer la motion de censure applicable au gouvernement de la motion de renvoi concernant le président de l’assemblée de province. Il a souligné que le fonctionnement du congrès obéissait avant tout à une logique politique alors que celui des assemblées de province relevaient d’une logique de gestion. Il a donc considéré que cet amendement était inutile et que la mise en cause du président de l’assemblée de province à l’occasion du vote du budget était suffisante. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 103).

Chapitre iii

Le personnel de la province

Article 167

Participation au fonctionnement
des services de province

Cet article définit les modalités de la participation des services de l’Etat, de la Nouvelle-Calédonie et de leurs établissements publics à l’exercice des compétences des assemblées de province. Ces types de participation revêtent trois formes : le concours direct, la mise à disposition et le mandat.

Organisé par le premier alinéa de cet article, le concours direct des services de l’Etat et des établissements publics nationaux apporté au président de l’assemblée de province pour la préparation et l’exécution des délibérations s’apparente aux dispositions prévues par les premières phrases des articles L. 3141-1 et L. 4151-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient la mise à disposition respectivement des départements et des régions des services de l’Etat pour la préparation et l’exécution des délibérations de ces collectivités territoriales. Mais à la différence des règles posées par ces deux articles, il s’agit pour les assemblées de province d’un droit. Ces concours reposeront sur des conventions, dont la concrétisation est prévue par les articles 193 et 194 du projet de loi organique, le premier faisant référence à la technique de mise à disposition et le second régissant spécialement le concours susceptible d’être apporté par des établissements publics nationaux. On peut penser que ces conventions seront signées par le président de l’assemblée de province et le représentant de l’Etat ou de l’établissement public national.

La deuxième hypothèse prise en compte par cet article est celle qui correspond à la coopération entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces. Dans ce schéma, la convention passée entre le président de l’assemblée de province et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et, le cas échéant, entre le président de l’assemblée de province et le président de l’établissement public de Nouvelle-Calédonie concerné, visé par exemple à l’article 22 du projet de loi organique, fixe les conditions dans lesquelles des services, des parties de services et des agents de la Nouvelle-Calédonie ou de ses établissements publics sont mis à la disposition de la province.

Enfin la troisième possibilité recouvre l’hypothèse où les services de l’Etat, de la Nouvelle-Calédonie ou de leurs établissements publics ne sont pas mis à la disposition de la province mais mandatés en réalité par celle-ci, par convention, pour mener des actions. Il revient alors à la convention de fixer les modalités de l’exécution de ces actions et les conditions dans lesquelles la province contribue aux dépenses de ces services.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 104).

Puis elle a adopté l’article 167 ainsi modifié.

Article 168

Recours à des contractuels
dans les assemblées de province

Cet article permet aux assemblées de province de recourir à des emplois de contractuels, lorsque celles-ci ne veulent faire appel à des fonctionnaires territoriaux ou créer un cadre d’emplois spécifique, compte tenu de la faiblesse des effectifs concernés.

La comparaison du dispositif proposé avec l’article 31 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 met en lumière l’identité des règles retenues à dix ans d’intervalle. Trois points communs se dégagent de cette comparaison : la création de ces emplois de contractuels n’est possible que dans la limite des crédits budgétaires inscrits à cet effet ; la fixation de leurs modalités de recrutement et de rémunération résulte d’une délibération de l’assemblée de province ; les rémunérations sont plafonnées au niveau de celles versées aux agents de la Nouvelle-Calédonie occupant des emplois équivalents. Dans la logique du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi organique s’écarte toutefois du dispositif de l’article 31, puisqu’il n’envisage pas le détachement de fonctionnaires des trois fonctions publiques auprès des assemblées de province, celles-ci pouvant cependant recourir à la technique de la convention prévue par l’article 167.

Il convient de préciser que, compte tenu de leurs fonctions, les intéressés seront des contractuels de droit public.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l’imputation budgétaire des emplois de contractuels des assemblées de province devrait être effectuée sur des crédits budgétaires de rémunérations (amendement n° 105). Elle a ensuite examiné un amendement de M. Pierre Frogier permettant aux provinces de recourir à l’emploi de fonctionnaires de l’Etat. Précisant qu’il n’avait pas d’hostilité de fond à l’égard de cet amendement, le rapporteur a cependant indiqué qu’il préférerait qu’il soit présenté dans le cadre de la réunion de la Commission en application de l’article 88 du Règlement, afin de disposer du temps nécessaire pour en apprécier l’impact. Mme Nicole Catala a jugé qu’il n’était pas de bonne méthode de renvoyer systématiquement l’examen des amendements à une réunion ultérieure et considéré qu’il serait préférable que la Commission se prononce immédiatement. Mme Catherine Tasca, présidente, a estimé, au contraire, que, compte tenu du calendrier d’examen des deux projets de loi, il semblait préférable que les dispositions n’ayant pas fait l’objet d’un examen suffisant soient examinées dans le cadre de la réunion prévue à l’article 88 du Règlement. M. Dominique Perben a fait part à la Commission de l’intérêt de cet amendement en indiquant que les provinces devaient pouvoir recourir à l’emploi de hauts-fonctionnaires de l’Etat, sans être contraintes par la grille de rémunération des fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie. Soulignant l’importance qu’il attachait à cet amendement, M. Pierre Frogier l’a néanmoins retiré, à l’invitation du rapporteur, en indiquant qu’il le représenterait lors de la prochaine réunion de la Commission.

La Commission a adopté l’article 168 ainsi modifié.

Chapitre iv

Les ressources et le budget de la province

Article 169

Ressources de la province

Cet article succède à l’article 32 de la loi du 9 novembre 1988 qui déterminait les ressources des provinces. Dans l’ancien système, la province recevait trois dotations globalisées :

—  La dotation de fonctionnement (article 33 de la loi du 9 novembre 1988), versée par le territoire suivant une clé de répartition prédéterminée (50 % pour la province Sud, 32 % pour le province Nord et 18 % pour la province des îles). A titre d’exemple, pour la province Nord, en 1997, cette dotation, d’un montant de 569,2 millions de francs (889,4 millions de francs en province Sud, 320,2 millions de francs en province des îles), représentait 90 % des recettes réelles de fonctionnement de la province.

—  La dotation d’équipement (article 35), également versée par le territoire et répartie suivant la proportion suivante : 40 % pour la province Sud (soit 46,7 millions de francs en 1997), 40 % pour la province Nord et 20 % pour la province des îles (soit 23,3 millions de francs en 1997).

—  La dotation spécifique pour les collèges (article 36), financée par le budget de l'Etat, visant à assurer à la fois les dépenses de fonctionnement et d’équipement des collèges. En 1997, la partie « fonctionnement » représentait 7,6 millions de francs, et la partie « équipement », environ 40 millions de francs. Elle était répartie ainsi en 1997 : 31,8 millions de francs pour la province Sud, 9,6 pour la province Nord, et 5,9 pour la province des îles.

A côté de ces trois dotations globalisées, la province recevait de l'Etat, soit directement, soit au travers du budget du territoire, au titre de conventions conclues entre le territoire et l'Etat, ou entre l'Etat et les provinces, des sommes destinées à financer certaines dépenses d’action sociale comme, par exemple, l’aide aux personnes âgées.

La loi du 9 novembre 1988 a transféré aux provinces les compétences de l’aide médicale gratuite et de l’enseignement primaire. Mais l'Etat versait une dotation compensatrice (visée à l’article 34 de la loi) dès que les charges d’enseignement primaire et d’aide médicale gratuite supportées par une province étaient plus élevées que sa part dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement fixée par l’article 33 (50/32/18). Cette dotation n’a été dans les faits versée qu’à la province Sud. Au titre de 1997, le montant de l’indemnité s’est fortement élevé et a atteint 85,5 millions de francs. La province Sud a déposé deux recours contentieux devant le tribunal administratif afin de faire reconnaître les dettes de l'Etat au titre des années 1996 et 1997.

Le mécanisme financier posé par l’article 34 reposait sur l’application aux sommes déboursées en 1989 d’un taux multiplicateur correspondant à l’évolution du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale et du nombre d’élèves scolarisés. Il était dépourvu de contrôles efficaces, notamment en matière de comptabilisation des bénéficiaires de l’aide médicale gratuite dans les provinces. Il a maintenu les déséquilibres d’origine. De plus, la dépense moyenne par élève ou par bénéficiaire de l’aide sociale pouvait être très différente suivant les provinces. Il convenait donc d’adopter un mécanisme plus sain.

Le présent article prend d’abord en compte l’extension des compétences de la Nouvelle-Calédonie prévue notamment par l’article 21 du projet de loi organique. Ainsi, il inclut dans les ressources de la province non seulement les produits des centimes additionnels, mais aussi « le produit des impôts et taxes provinciaux créés au bénéfice des provinces ».

Les provinces disposeront donc de deux dotations globales de fonctionnement :

—  une dotation versée par la Nouvelle-Calédonie et succédant à celle visée à l’article 33 de la loi du 9 novembre 1988 ;

—  une nouvelle dotation de fonctionnement, versée par l'Etat et dont les conditions de fixation sont visées au paragraphe III de l’article 170 de ce projet de loi ; cette dotation regroupe les sommes versées aux provinces au titre de conventions diverses, à laquelle s’ajoute la partie « fonctionnement » de l’ancienne dotation spécifique pour les collèges (article 36 de la loi du 9 novembre 1988) ; elle soumet ces sommes à un mécanisme de revalorisation identique examiné plus loin (taux de croissance de la D.G.F. métropolitaine).

Les provinces disposeront également de deux dotations d’équipement :

—  une dotation d’équipement versée par la Nouvelle-Calédonie, succédant à celle visée à l’article 35 de la loi du 9 novembre 1988 ;

—  une nouvelle dotation globale d’équipement, versée par l'Etat dont les conditions de versement sont décrites au paragraphe IV de l’article 170 de ce projet de loi ; elle correspond à la partie « équipement » de l’ancienne dotation spécifique pour les collèges, visée à l’article 36 de la loi du 9 novembre 1988.

L’article 220 du projet de loi organique dispose que les articles 33 à 36 de la loi du 9 novembre 1988 restent en application jusqu’au 31 décembre 1999. Le nouveau système de détermination des dotations versées aux provinces, détaillé à l’article suivant, ne s’appliquera donc qu’à partir de 2000.

La Commission a adopté l’article 169 sans modification.

Article 170

Fixation du montant des dotations versées aux provinces

L’article fixe les conditions de revalorisation et de répartition des dotations entre les provinces.

Il convient d’examiner d’abord les conditions de fixation du montant de la dotation de fonctionnement versée par la Nouvelle-Calédonie aux provinces.

L’article 33 de la loi du 9 novembre 1988 détermine les modalités de fixation des dotations de fonctionnement des provinces en prenant comme base de calcul une part des dépenses du territoire. Il précise qu’à compter de 1991, la dotation de fonctionnement des provinces évolue comme les recettes fiscales du territoire. En 1997, la somme des trois dotations s’élève à 1.724 millions de francs ; chaque dotation représente entre 80 et 90 % des recettes de fonctionnement des provinces.

Le présent article adopte la solution de l’établissement d’une quote-part des impôts, droits et taxes perçus au profit de la Nouvelle-Calédonie telles qu’ils sont évaluées par le budget primitif. La dotation est triplement garantie :

—  d’abord, elle constitue une dépense obligatoire pour le budget de la Nouvelle-Calédonie ;

—  son montant ne peut être inférieur à 51,5% des ressources déterminées ;

—  il est éventuellement majoré afin d’atteindre le chiffre de 51,5 % des ressources « telles qu’elles sont comptabilisées par le payeur à la clôture de l’exercice » ; cette disposition devrait éviter le développement de contentieux entre les provinces et la Nouvelle-Calédonie sur le montant de la dotation.

Le chiffre retenu de 51,5 % est un plancher; il correspond au niveau de la quote-part constaté en 1997 et 1998. En 1997, l’assiette de la loi organique est de l’ordre de 2,9 milliards de francs, et le montant à prélever de 1,5 milliard de francs, soit approximativement un taux de 51,5 %. Une estimation effectuée sur les chiffres de 1996 donne un chiffre voisin mais un peu plus élevé de 53 %.

En ce qui concerne la répartition des dotations, il est proposé d’adopter une clé identique à celle de l’article 32 de la loi du 9 novembre 1988 : 50 % pour la province Sud, 32 % pour la province Nord, et 18 % pour la province des îles. L’article prévoit que cette clé de répartition, enjeu politique majeur, pourra être modifiée par une loi du pays à partir du mandat du congrès commençant en 2004.

Les conditions de fixation du montant de la dotation d’équipement versée aux provinces par la Nouvelle-Calédonie changent peu.

L’article 35 de la loi n° 88-1208 du 9 novembre 1988 dispose que la somme de ces dotations se monte à 4 % des recettes fiscales du territoire, avec la clé de répartition suivante : 40 % pour la province Sud, 40 % pour la province Nord, 20 % pour la province des îles. Cette dotation contribue au « rééquilibrage » (ainsi, la province Sud, qui compte 64,8 % de la population, perçoit une somme égale à celle versée à la province Nord). En 1997, la somme des trois dotations versées par le territoire s’est montée à 114,5 millions de francs.

Le présent article reprend le chiffre d’une quote-part de 4 % des recettes fiscales inscrites au budget primitif du budget de la Nouvelle-Calédonie, en l’assortissant de la garantie de voir le montant de la quote-part majoré, afin qu’il corresponde aux ressources comptabilisées par le payeur à la fin de l’exercice. Il reprend également la clé de répartition fixée en 1988, en prévoyant qu’elle pourra être modifiée par une loi du pays à partir du mandat du congrès commençant en 2004.

L’article définit ensuite les conditions de versement de la dotation globale de fonctionnement versée aux provinces par l'Etat. Cette nouvelle dotation regroupe, hors celles versées au titre des contrats de développement, les sommes perçues antérieurement par les provinces :

—  pour financer l’aide médicale gratuite ou l’enseignement primaire (dotation compensatrice de l’article 34 de la loi du 9 novembre 1988) ;

—  pour assurer le fonctionnement des collèges (partie « fonctionnement » de la dotation spécifique visée à l’article 36 de la loi du 9 novembre 1988) ;

—  des sommes versées notamment au titre de conventions passées entre l'Etat et le territoire ou entre l'Etat et les provinces.

Les dépenses concernent surtout la santé, l’enseignement ou l’action sociale : personnes âgées, enfance, personnes secourues... Le présent article vise à prendre en compte la compétence provinciale et à organiser un versement direct et globalisé de l'Etat aux provinces. En outre, l’évolution du montant de cette dotation est garantie, ce qui n’était pas le cas des versements effectués au titre des conventions Etat-territoire.

Il est difficile de donner une estimation du montant de la dotation globale de fonctionnement versée en 2000 par l’Etat aux provinces ; en 1997, le montant de l’ensemble des dotations qu’elle globalise est de 380,5 millions de francs.

Le mécanisme d’indexation est le suivant : pour chaque province, la somme constatée en 1999 de ces multiples dotations (y compris la dotation de l’article 34 pour la province Sud) est majorée en 2000 de la même manière que la dotation globale de fonctionnement définie à l’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. Elle évolue ensuite comme cette dernière. Cette revalorisation homogène pourrait cependant ne pas répondre entièrement aux dynamiques différentes des besoins des provinces. Rappelons que les taux de croissance de la D.G.F., en métropole, ont été les suivants sur les trois dernières années : + 1,95 % en 1997, + 1,38 % en 1998 et + 2,51 % en 1999.

Cette dotation succède notamment à la dotation prévue à l’article 34 de la loi référendaire, qui ne disparaît pas ; fondue dans un agrégat plus large, son rythme de croissance sera nécessairement moins élevé que les années précédentes.

Enfin, la nouvelle « dotation globale d’équipement » versée par l'Etat succède à la partie « équipement » de la dotation spécifique des collèges visée à l’article 36 de la loi du 9 novembre 1988, cette dernière comprenant à la fois des dépenses de fonctionnement et d’équipement.

Il est prévu une technique de revalorisation identique à celle de la dotation globale d’équipement des communes, visée à l’article L. 2334-32 du code général des collectivités territoriales. Auparavant, le montant de la dotation spécifique évoluait « en fonction de la population scolaire ». Rappelons que la D.G.E. des communes a suivi les deux dernières années les évolutions suivantes : + 2,50 % en 1998, et + 3,80 % en 1999.

Les conditions de son versement – la répartition entre les provinces par le haut-commissaire reposant sur des critères objectifs – définies par un décret en conseil d’Etat, sont un gage de souplesse et d’impartialité. Elles sont semblables à celles de l’ancienne dotation spécifique pour les collèges, régies par le décret n° 90-296 du 29 mars 1990.

La rédaction proposée par le V de cet article n’apporte pas de changement par rapport au droit existant.

La Commission a adopté l’article 170 sans modification.

Article 171

Réglementation des garanties d’emprunts et des cautionnements
accordés par les provinces

Cet article succède à l’article 37 de la loi du 9 novembre 1988, qui appliquait au territoire les dispositions de l’article 49 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux garanties d’emprunts et aux cautionnements accordés par les départements.

Ce nouvel article rend applicable en Nouvelle-Calédonie les articles L. 3231-4 et L. 3231-4-1 du code général des collectivités territoriales, issus de la loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier n° 96-314 du 12 avril 1996. Ces dispositions réglementent l’octroi par les départements de garanties de cautionnement, en limitant notamment le montant des annuités garanties ou cautionnées.

La Commission a adopté l’article 171 sans modification.

Article 172

Compétences financières
des assemblées de province

Reprenant les termes des articles 38 et 39 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, cet article définit les compétences financières des assemblées de province, en les autorisant à voter le budget et à approuver les comptes de la province. Il renvoie aux articles L.O. 263-1 et L.O. 263-2 du code des juridictions financières pour déterminer les conditions dans lesquelles est élaboré et voté le budget. L’article L.O. 263-1 rappelle notamment la durée de l’exercice budgétaire, la séparation du budget en sections de fonctionnement et d’investissement, la nécessité de son adoption en équilibre réel, l’inscription des dépenses obligatoires, la conformité des opérations au plan comptable, le régime des délibérations budgétaires et l’encadrement des augmentations des dépenses ou des diminutions de recettes. L’article L.O. 263-2, quant à lui, définit les règles applicables au budget si celui-ci n’est pas exécutoire au 1er janvier ou n’est pas voté avant le 31 mars.

La Commission a adopté l’article 172 sans modification.

Article 173

Procédure de vote du budget

Inspirée de celle introduite dans le projet de loi relatif au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, en cours de discussion devant le Parlement, la procédure de vote du budget prévue par cet article est strictement encadrée.

Une motion de renvoi peut être présentée par la majorité absolue des membres de l’assemblée au cours du débat sur le projet de budget. Cette motion de renvoi comporte la liste des signataires ainsi qu’un projet de budget alternatif. Le vote doit avoir lieu dans les cinq jours de son dépôt. Si cette motion est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’assemblée, le projet de budget annexé à la motion de renvoi est adopté et il est procédé à l’élection du bureau conformément à l’article 152. Si la motion de renvoi est rejetée, le projet de budget présenté par le président de l’assemblée de province est considéré comme adopté.

En d’autres termes, cet article met en place une procédure budgétaire de défiance constructive, l’adoption d’une motion de renvoi du projet de budget étant liée à celle d’un budget alternatif. On observera que ces règles sont propres aux assemblées de province et n’ont pas été retenues pour le congrès.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à la suppression de cet article, par coordination avec les dispositions introduites après l’article 66 (amendement n° 116).

TITRE V

LES ÉLECTIONS AU CONGRÈS ET AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE

Chapitre Premier

Composition des assemblées et durée du mandat

Article 174

Effectif des assemblées de province

Cet article fixe, dans son premier alinéa, le nombre de membres de chacune des assemblées de province, dont une partie est également membre du congrès. Les effectifs institués par la loi référendaire de 1988 ont été augmentés conformément au point 2.1.1. de l’accord de Nouméa. Dans chacune des assemblées de province siégeront des élus qui ne seront pas membres du congrès par ailleurs. La volonté des signataires de l’accord de Nouméa était de rendre les membres des assemblées de province plus disponibles en augmentant leur nombre. En effet, les administrés, en particulier des provinces Nord et des îles Loyauté, se sont souvent plaint de l’absence de leurs élus requis à Nouméa pour l’exercice de leurs fonctions au congrès.

• Province des îles Loyauté

14 membres dont 7 siégeront au
congrès

• Province Nord

22 membres dont 15 siégeront au congrès

• Province Sud

40 membres dont 32 siégeront au congrès

Le nombre de membres du congrès reste fixé à 54 élus.

Le deuxième alinéa de l’article 174 permet aux assemblées de province de réduire le nombre de leurs membres. Cette décision est prise par délibération spéciale adoptée à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres de l’assemblée. Néanmoins le nombre des membres de chacune des assemblées de province ne peut être inférieur au nombre des membres de cette assemblée qui siègent au congrès. Cette possibilité a été ouverte par le point 2.1.1. de l’accord de Nouméa. Elle semble en contradiction avec l’objectif de l’alinéa précédent qui consiste à offrir aux administrés des élus plus disponibles. On peut d’ailleurs juger peu probable qu’elle soit mise en œuvre, sauf peut être en province Sud. En effet le congrès siégeant à Nouméa comme l’assemblée de la province, la question de la disponibilité des élus est moins problématique.

La décision de réduire le nombre de membres ne peut intervenir dans les six mois précédant le terme de chaque mandat. Cela peut soulever des difficultés dans la mesure où ce délai n’est pas concordant avec celui mentionné à l’article L. 52-4 du code électoral relatif à la période de l’établissement des comptes de campagne. Aux termes de cet article, pendant l’année précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où l’élection a été acquise, un candidat à cette élection doit recueillir les fonds en vue du financement de sa campagne par l’intermédiaire d’un mandataire financier. On peut imaginer qu’une délibération spéciale réduisant le nombre de membres de l’assemblée de province huit ou neuf mois avant la date de l’élection bouleverse l’échiquier politique provincial et conduise certaines personnes à se présenter sur des listes particulières. La décision de se porter candidat à l’élection intervenant moins d’un an avant l’élection, il est probable que la disposition de l’article L. 52-4 du code électoral ne pourrait être intégralement et correctement respectée. Aligner les deux délais semblerait de bonne logique

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant à un an avant le terme de chaque mandat le délai maximal pendant lequel les membres d’une assemblée de province peuvent réduire le nombre de leurs membres (amendement n° 117).

Puis elle a adopté l’article 174 ainsi modifié.

Article 175

Durée du mandat

Cet article dispose que les membres du congrès et des assemblées de province sont élus pour cinq ans. Le renouvellement des assemblées est intégral. En cas de dissolution, la nouvelle assemblée issue des urnes poursuit jusqu’à son terme le mandat de l’assemblée dissoute. En conséquence, la date des élections provinciales générales ne peut varier. Ce point est essentiel dans le cadre des transferts de compétences, dont le calendrier est déterminé par le projet de loi organique qui les lie explicitement au mandat du congrès et donc des assemblées de province. Il est clair qu’une absence de concordance des élections provinciales affecterait profondément le fonctionnement du congrès et porterait atteinte à l’idée d’unité du territoire.

La Commission a adopté l’article 175 sans modification.

Article 176

Organisation des élections

Cet article introduit des dispositions classiques en matière électorale. Les élections aux assemblées de province se déroulent dans le mois qui précède l’expiration du mandat des membres sortants. En cas de dissolution ou d’annulation globale des opérations électorales dans une circonscription provinciale, les élections doivent avoir lieu dans les deux mois. La convocation des électeurs se fait par un décret pris après consultation du gouvernement, celui-ci rendant un avis simple. Ce décret est publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, quatre semaines au moins avant la date du scrutin. Dans le cas particulier d’élections partielles qui interviennent dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 182 – c’est-à-dire lorsqu’une vacance de siège ne peut être comblée en faisant appel au suivant de liste – la convocation est faite par arrêté du haut-commissaire, qui consulte le gouvernement dans les mêmes conditions que précédemment. Il est procédé à la publication de cet arrêté quatre semaines avant la date du scrutin.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 118).

Puis elle a adopté l’article 176 ainsi modifié.

Chapitre II

Corps électoral et listes électorales

Article 177

Restriction du corps électoral
pour les élections provinciales

L’article 177 résulte directement du point 2.2.1., quatrième alinéa de l’accord de Nouméa. Cette disposition est sans doute l’une de celles qui ont suscité les plus longues négociations entre les partenaires néo-calédoniens. La révision constitutionnelle qui est intervenue en juillet dernier avait pour principal objet d’autoriser le législateur à organiser la restriction du corps électoral pour les élections provinciales ainsi que pour les consultations concernant l’accession à la pleine souveraineté.

· L’accord de Nouméa

Pour mieux saisir la portée de cet article, il convient de rappeler le texte du point 2.2.1. de l’accord de Nouméa :

« Comme il avait été prévu par le texte signé des accords de Matignon, le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint : il sera réservé aux électeurs qui remplissaient les conditions pour voter au scrutin de 1998, à ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l’élection, ainsi qu’aux électeurs atteignant l’âge de la majorité pour la première fois après 1998 et qui, soit justifieront de dix ans de domicile en 1998, soit auront eu un parent remplissant les conditions pour être électeur au scrutin de la fin de 1998, soit, ayant eu un parent inscrit sur un tableau annexe justifieront d’une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection. La notion de domicile s’entendra au sens de l’article 2 de la loi référendaire. La liste des électeurs admis à participer aux scrutins sera arrêtée avant la fin de l’année précédant le scrutin. »

Le texte de l’accord de Nouméa est le fruit d’un compromis. Il indique que le droit de vote aux élections provinciales sera réservé aux électeurs qui, « inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l’élection ».

A quel tableau annexe fait-on référence dans l’accord de Nouméa ? Il est clair qu’il s’agit du tableau qui a été constitué en vue de la consultation référendaire de 1998. Figurent sur ce tableau – et sont donc exclues de la liste électorale spéciale – les personnes qui ne respectent pas la condition fixée par l’article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1998, c’est-à-dire celles qui n’ont pas eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de la date du référendum du 9 novembre 1988 jusqu’à la date de la consultation, qui aurait dû être celle relative à l’autodétermination, de 1998.

L’article 76 de la Constitution, introduit par la révision de juillet dernier, prévoit l’organisation du référendum sur l’accord de Nouméa se substituant au scrutin d’autodétermination. Il indique que « sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l’article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ». Le tableau annexe prévu en 1988 pour le référendum de 1998 a donc été maintenu. La date de référence est ainsi 1998, date d’établissement de ce tableau. Les personnes installées en Nouvelle-Calédonie, après le référendum de 1988 jusqu’à la consultation de 1998, pourront donc voter aux élections provinciales dès qu’elles auront rempli la condition de domicile. Les premières retrouveront ce droit de suffrage en 1999, les dernières à la fin de 2008.

· Le projet de loi organique

Conformément à l’accord, l’article 177 du projet de loi organique fixe les conditions qu’il faudra remplir pour voter aux élections des membres du congrès et des assemblées de province. Elles sont au nombre de trois et ne sont pas cumulatives.

a)  Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998. Cette condition est assez souple dans la mesure où elle permet d’intégrer dans le corps électoral les personnes qui pouvaient être inscrites sur les listes pour le référendum de novembre dernier et qui ont négligé d’effectuer la démarche. Elle renvoie à l’article 2 de la loi référendaire de 1988 qui imposait une condition de domicile de dix ans pour participer au vote de 1998.

b)  Etre inscrit sur le tableau annexe, et domicilié depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection au congrès et aux assemblées de province. Cette condition est identique à celle prévue par l’accord de Nouméa.

c)  Avoir atteint l’âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de ses parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de ses parents inscrit au tableau annexe et justifier d’une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection. Cette dernière condition permet de réintégrer dans le corps électoral les jeunes majeurs qui, compte tenu de leur âge, ne pouvaient pas être inscrits sur les listes électorales, ni sur le tableau annexe, pour la consultation de 1998. Par définition, ils ne peuvent donc pas remplir les deux conditions précédentes (a) et b)). Pourtant, leur lien avec la Nouvelle-Calédonie est réel : soit ils ont vécu dix ans sur le territoire de 1988 à 1998 ce qui est l’équivalent de la première condition imposée au a) ; soit leur père ou leur mère a vécu en Nouvelle-Calédonie pendant cette période et remplit ainsi la condition du a) ; soit, enfin, si leur père ou leur mère a été inscrit sur le tableau annexe de 1998 – c’est-à-dire est arrivé sur le territoire entre 1988 et 1998 – les jeunes majeurs en question justifient eux-mêmes d’une durée de domicile en Nouvelle-Calédonie de dix ans à la date de l’élection. Dans cette dernière hypothèse, ces jeunes gens respectent eux-mêmes la condition de domicile et ce sont leurs parents qui remplissent la seconde condition imposée au b), à savoir l’inscription sur le tableau annexe de 1998. En examinant scrupuleusement ce dispositif, on constate que la notion de tableau annexe ne peut pas se comprendre autrement que comme celui de 1998. Qu’est-ce qui justifierait, en effet, que l’on exige des parents d’un jeune majeur d’être inscrit sur l’un des tableaux annexes postérieurs à 1998 pour accorder à ce dernier le droit de participer au scrutin provincial ? La réponse est évidemment contenue dans la question.

Le dernier alinéa de l’article 177 précise que sont considérées comme ayant eu leur domicile continu en Nouvelle-Calédonie, les personnes qui, habitant sur le territoire, ont dû le quitter momentanément pour accomplir leur service national, suivre des études ou une formation hors de la Nouvelle-Calédonie ou s’en sont absentées pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales. Cette disposition existait déjà dans la loi référendaire. Seules ont été ajoutées les raisons familiales, professionnelles ou médicales. Elle apparaît également à la fin de l’article 208 du présent projet de loi relatif au corps électoral pour la consultation finale.

Le rapporteur a indiqué que les articles 177 et 178 donnaient encore lieu à discussion entre les signataires de l’accord de Nouméa. Pour cette raison, il a souhaité que la Commission n’arrête sa position qu’à l’issue des discussions qui se poursuivent et qu’elle adopte, le cas échéant, des amendements dans le cadre de la réunion qu’elle tiendra en vertu de l’article 88 du Règlement. M. Dominique Perben a déclaré que le groupe R.P.R. considérait que le texte du projet de loi, tel qu’il a été adopté en Conseil des ministres avec l’accord du Président de la République, devait servir de référence, spécifiant qu’il n’accepterait, en conséquence, aucun amendement sur ces articles. S’agissant de la composition du corps électoral calédonien, M. Pierre Frogier a fait part de ses interrogations sur la signification des dispositions de l’article 177 relatives à l’absence des personnes domiciliées en Nouvelle-Calédonie ainsi que sur celles de l’article 219 relatives aux demandes d’inscription sur les listes électorales spéciales. M. Jacques Brunhes a estimé souhaitable, les négociations en cours n’ayant pas abouti, de réserver le vote des articles 177 et 178 ou, à défaut, de les rejeter. Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné qu’il n’était pas possible de réserver le vote sur ces articles, tout en se prononçant sur l’ensemble du projet de loi. Pour permettre à la Commission de conclure et de présenter un rapport, elle a suggéré qu’une position soit prise, à titre purement conservatoire, observant que la Commission pourrait y revenir au cours de sa prochaine réunion. M. Bernard Grasset a souligné le risque politique qu’il y avait à adopter ces articles avant l’issue des négociations. Rappelant que la procédure exigeait un vote sur les articles avant qu’il soit procédé à un vote sur l’ensemble, M. Jacques Floch a souhaité, pour éviter une situation de blocage, que la Commission se prononce sur ces deux articles. Considérant que le renvoi du vote sur les dispositions importantes du projet de loi ne constituait pas une bonne méthode de travail, M. Dominique Bussereau a jugé nécessaire que la Commission se prononce sans délai.

Sur la proposition du rapporteur, qui a souligné qu’il s’agissait de se prononcer à titre conservatoire, la Commission a rejeté l’article 177.

Article 178

Etablissement de la liste électorale spéciale
à l’élection du congrès et des assemblées de province

Cet article est la conséquence de l’article 177. Parce que celui-ci restreint le corps électoral, il est nécessaire d’établir une liste électorale spéciale distincte de la liste électorale générale établie pour les scrutins nationaux et municipaux.

Le premier paragraphe de cet article fixe le principe de l’existence de cette liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Elle est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin.

Le paragraphe II crée une commission administrative spéciale chargée, dans chaque bureau de vote, d’établir cette liste électorale spéciale et le tableau annexe qui en découle. Cette commission est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le Premier président de la Cour de cassation. Il a voix prépondérante en cas de partage des voix. La commission comprend aussi un délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire, le maire de la commune ou son représentant, et deux électeurs de la commune, désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Cette commission peut consulter un ou plusieurs représentants de la coutume, désignés selon les usages reconnus, ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux. En pratique, cette consultation est prévue pour permettre d’identifier plus facilement certains électeurs.

La commission est habilitée à procéder ou à faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes investigations utiles.

Par ailleurs, il est prévu que l’Institut territorial de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie tient un fichier général des électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire.

L’ensemble de ce dispositif est identique à celui mis en place par la loi référendaire de 1988.

Aux termes du paragraphe III de l’article 178, la commission administrative spéciale inscrit sur la liste électorale restreinte les électeurs qui remplissent les conditions prévues à l’article 177. Elles doivent cependant produire tous les éléments de nature à prouver qu’elles remplissent effectivement ces conditions. Par ailleurs la commission procède aussi à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de la clôture des listes électorales et remplissant la condition de domicile. Cette inscription d’office est conforme à l’esprit de l’article L. 11 du code électoral introduit par la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997.

Le paragraphe IV prévoit, quant à lui, que les demandes d’inscription sur les listes électorales peuvent être formulées au plus tard vingt jours avant la date du scrutin, en cas d’élection partielle ou consécutive à une dissolution ou à l’annulation globale des opérations électorales.

Enfin, le dernier paragraphe de l’article 178 fixe les délais d’établissement de la liste électorale spéciale et du tableau annexe. Ils sont établis au plus tard le 31 mars de chaque année et, en cas de dissolution ou d’élections partielles, au plus tard quinze jours avant la date du scrutin.

Pour les raisons évoquées lors de l’examen de l’article précédent, jugeant que le présent article ne pouvait être disjoint de l’article 177, la Commission, sur la proposition du rapporteur, a également rejeté, à titre conservatoire l’article 178.

Chapitre III

Mode de scrutin et remplacement des membres des assemblées

Article 179

Circonscriptions provinciales

Chaque province de Nouvelle-Calédonie forme une circonscription pour l’élection des membres du congrès et des membres des assemblées de province. Cette disposition reprend les termes de la loi référendaire de 1988.

La Commission a adopté l’article 179 sans modification.

Article 180

Mode de scrutin

Cet article soumet les élections des membres du congrès et des assemblées de province à un scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, comme c’est toujours le cas en France. Il ne peut être adjoint ou supprimé de nom dans les listes. Celles-ci ne peuvent souffrir de modifications dans l’ordre de présentation des candidats.

La Commission a adopté l’article 180 sans modification.

Article 181

Attribution des sièges

Pour permettre de faire face aux vacances de sièges, le premier alinéa de cet article dispose que chaque liste doit comprendre un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté de dix. Cette marge est suffisamment importante pour limiter l’hypothèse d’élections partielles.

Le deuxième alinéa prévoit que les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste en commençant par les sièges de membres du congrès. Les mouvements politiques organiseront donc leurs listes en fonction de cette règle en plaçant en tête les personnes qu’ils souhaitent voir siéger au congrès. Seules les listes qui auront obtenu au moins 5 % du nombre des électeurs inscrits seront admises à la répartition des sièges. La référence aux électeurs inscrits n’est pas traditionnelle en droit électoral français. Par exemple pour les scrutins régionaux et municipaux, les articles L. 338 et L. 262 du code électoral fixent la règle de 5 % des suffrages exprimés. C’est le point 2.2.2. de l’accord de Nouméa qui a introduit ce seuil particulier afin de « favoriser l’efficacité du fonctionnement des assemblées locales, en évitant les conséquences d’une dispersion des suffrages ». Il est clair que le morcellement des forces politiques représentées rendrait le congrès et les assemblées de province difficiles à gérer. Par ailleurs le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie étant constitué à la représentation proportionnelle, on imagine qu’il serait quasiment impossible de trouver un point d’équilibre entre une multitude de mouvements politiques aux conceptions et aux intérêts divergents.

L’article 181 se termine par un alinéa que l’on trouve habituellement en la matière. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. Dans le cas nécessairement très hypothétique d’une stricte égalité de suffrages, le siège serait attribué au plus jeune des candidats susceptible d’être proclamé élu. Sur ce point particulier, le projet de loi organique innove comme le fait d’ailleurs le projet de loi relatif à l’élection des conseillers régionaux en cours de discussion devant le Parlement. Traditionnellement, c’était le candidat le plus âgé qui était élu. Il faut voir dans cette disposition la volonté de contribuer au renouvellement de la classe politique.

La Commission a adopté l’article 181 sans modification.

Article 182

Vacance des sièges

Cet article organise les modalités pour combler des vacances de sièges au sein du congrès et des assemblées de province.

Le premier alinéa règle la question des vacances de sièges au congrès. Lorsqu’un siège devient vacant, pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le membre d’une assemblée de province venant sur la liste immédiatement après le dernier élu membre du congrès. On voit là l’utilité de disposer de plus de membres d’assemblées de province que de membres du congrès.

Le deuxième alinéa de l’article 182 prévoit que, lorsqu’un siège de membre d’une assemblée de province devient vacant, pour quelque cause que ce soit, c’est le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu qui le pourvoit. Cette disposition ne présente pas d’originalité par rapport à ce qui se pratique habituellement dans les scrutins de liste à la représentation proportionnelle.

Dans les cas exceptionnels où les règles précédentes ne permettraient pas de combler une vacance survenue pour cause de décès, il serait procédé dans les trois mois à une élection partielle au scrutin uninominal à un tour lorsque la vacance porte sur un seul siège. Lorsque plusieurs sièges sont concernés, il sera recouru à la représentation proportionnelle. En principe, compte tenu de la présence sur chaque liste de dix personnes en sus du nombre de sièges à pourvoir, l’application de cette disposition devrait être extrêmement rare. On se limite ici aux cas de vacance survenus pour cause de décès comme le prévoyait déjà l’article 74 de la loi référendaire. Il s’agit d’éviter des formes de manipulation qui, par des démissions collectives, pourraient entraîner des élections partielles. Il est prévu dans l’article 182 qu’aucune élection partielle ne pourra avoir lieu dans le délai de trois mois précédant l’expiration du mandat des membres des assemblées de province. Ce délai qui était de six mois dans la loi référendaire de 1988 a donc été abaissé. Il rejoint celui prévu pour les élections cantonales par l’article L. 221 du code électoral. Cette adaptation est judicieuse, puisqu’elle permet de ne pas laisser un siège vacant pendant une durée trop longue.

L’avant-dernier alinéa de cet article couvre l’hypothèse où il ne serait pas possible de pourvoir un siège vacant dans les conditions de l’alinéa 2, lorsque l’assemblée de province a perdu plus de la moitié de ses membres du fait de vacances simultanées. La notion de vacance simultanée est définie à la fin de cet alinéa. Il s’agit des vacances qui se produisent avant la publication du décret ou de l’arrêté portant convocation des collèges électoraux pour une élection partielle. Dans cette hypothèse, il est procédé au renouvellement intégral des membres de l’assemblée de province et des membres du congrès élus dans la province. Ce renouvellement a lieu dans un délai de deux mois à compter de la dernière vacance. Ce dispositif existe aujourd’hui pour les conseils municipaux et permet d’éviter certaines manœuvres électorales comme des démissions d’office.

Afin d’éviter des échéances électorales décalées, et comme le prévoit déjà l’article 175 du projet de loi en cas de dissolution d’une assemblée de province, l’élection du ou des nouveaux membres du congrès ou des assemblées de province a lieu pour la durée du mandat restant à courir.

La Commission a adopté l’article 182 sans modification.

Chapitre IV

Conditions d’éligibilité et incompatibilités

Article 183

Conditions d’éligibilité

Les accords de Nouméa ne prévoyant pas de restrictions particulières pour faire acte de candidature aux assemblées de province, le présent article ne pose que des conditions minimales. Il suffit d’être inscrit sur la liste électorale spéciale, sans autre condition d’âge que la majorité, alors que, sous réserve des modifications qui pourraient résulter des lois relatives à la limitation du cumul des mandats, en cours de discussion devant le Parlement, il faut avoir vingt-trois ans pour être candidat à l’Assemblée nationale, comme le prévoit l’article L. 44 du code électoral, et vingt et un ans pour l’être à un conseil général (article L. 194). Les candidatures multiples, dans plus d’une province et sur plus d’une liste, sont exclues, ce qui ne fait que transposer la règle de l’article L. 156 du même code, relatif aux élections législatives.

Enfin, les deux députés et le sénateur de Nouvelle-Calédonie sont éligibles dans toutes les circonscriptions, de la même façon que les parlementaires sont éligibles dans toutes les communes du département où ils ont été candidats, conformément à l’article L. 229 du code électoral.

La Commission a adopté l’article 183 sans modification.

Article 184

Inéligibilités

Il est rappelé que les inéligibilités prévues au présent article s’appliquent, non seulement pour l’élection au congrès et aux assemblées de province, mais aussi pour l’élection des membres du gouvernement, en conséquence du troisième alinéa de l’article 102.

Le présent article prévoit deux séries d’inéligibilités, puis la procédure applicable après le délai de recours contentieux. Tout en transposant diverses dispositions classiques de notre droit électoral, il a pris soin d’écarter les conditions inutilement complexes ou restrictives.

Les trois premiers cas d’inéligibilités, regroupés au premier paragraphe, n’ont en commun que d’avoir un caractère absolu, en ce qu’ils s’appliquent à l’ensemble des circonscriptions de Nouvelle-Calédonie. Il s’agit :

—  pour une période d’un an, des titulaires de différents mandats ou fonctions qui n’auraient pas respecté les obligations déclaratives que leur impose la présente loi organique pour le respect de la transparence financière de la vie politique. Cette inéligibilité est analogue à celle de l’article L.O. 128 du code électoral, relatif aux députés. La Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle du rapporteur sur ces obligations (amendement n° 119) ;

—  des personnes rendues inéligibles par décision juridictionnelle, le dispositif étant repris du 1° de l’article L.O. 130 du code électoral, qui s’applique aux députés ;

—  des membres du corps préfectoral en poste en Nouvelle-Calédonie ou y ayant exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans, l’article transposant l’article L.O. 131 du code électoral, en unifiant les délais qui y figurent.

La seconde gamme d’inéligibilités concerne les fonctionnaires de responsabilité, et s’applique de façon relative : ils sont inéligibles seulement dans la circonscription où ils exerçaient leurs fonctions, et jusqu’à expiration d’un délai de six mois à l’issue de ces fonctions.

L’article comporte une liste en sept points, version abrégée de celle qui concerne les candidats à l’Assemblée nationale, figurant à l’article L.O. 133 du code électoral, pour n’en retenir que les aspects essentiels : magistrats, membres des corps d’inspection, officiers, fonctionnaires de police, directeurs de service de l’Etat, du gouvernement et des provinces, agents des services fiscaux et comptables.

En dernier lieu, le présent article prévoit la sanction de l’inéligibilité, lorsqu’elle est constatée après les quinze jours du délai du recours contentieux, ramené à dix jours pour les suivants de liste devenus membres par suite d’une vacance. Comme à l’article 103 pour les membres du gouvernement, le haut-commissaire, saisi par tout électeur ou se saisissant d’office, déclare l’intéressé démissionnaire ; son arrêté est susceptible de recours devant le Conseil d’Etat. Le présent article ajoute une disposition particulière liée au caractère local des élections : l’inéligibilité résultant d’une condamnation juridictionnelle, si elle résulte d’une gestion de fait, ne peut donner lieu à démission d’office que si la gestion de fait n’a pas été régularisée dans les six mois par la production du compte adopté par l’autorité budgétaire. Il s’agit par là d’éviter des conséquences disproportionnées en cas de gestion de fait sans comportements délictueux.

La Commission a adopté l’article 184 ainsi modifié.

Article 185

Incompatibilités

Cet article comporte un triple objet.

Il transpose d’abord les incompatibilités avec des mandats électifs prévues à l’article 78 du statut de 1988 et en ajoute avec les fonctions publiques non électives, y compris les fonctions rémunérées de direction d’établissement public. Il est à noter que l’incompatibilité avec les fonctions de direction d’entreprises bénéficiant d’aides publiques ou faisant publiquement appel à l’épargne, prévue en 1988, n’a pas été maintenue.

En deuxième lieu, le présent article prévoit l’application aux membres du congrès et aux membres des assemblées de province des règles limitant le cumul des mandats pour les conseillers généraux. Par conséquent, la règle est la limitation à deux mandats, comme le prévoit l’article L. 46-1 du code électoral résultant de la loi du 30 décembre 1985. En outre, l’incompatibilité avec les fonctions de militaire de carrière visées au premier paragraphe est couverte par les articles L. 206 et L. 46 du même code.

Enfin, cet article prévoit les conséquences du cas particulier du passage d’un élu, d’une assemblée de province à une autre : il cesse d’appartenir à l’assemblée dont il faisait partie avant l’élection ; en cas de recours contentieux dans les quinze jours, il peut participer aux travaux de sa nouvelle assemblée d’appartenance.

La Commission a adopté l’article 185 sans modification.

Article 186

Déclaration d’option

Cet article, destiné à organiser le régime d’option en cas d’incompatibilité, reprend le dispositif des trois derniers alinéas de l’article 104, relatif aux membres du gouvernement, qui lui-même s’inspirait du régime applicable aux députés, sous réserve d’un délai d’option limité à un mois au lieu de deux. La compétence contentieuse est attribuée au Conseil d’Etat, comme pour les membres du gouvernement sur la base de l’article 105.

La Commission a adopté l’article 186 sans modification.

Chapitre V

Propagande

Article 187

Organisation de la campagne audiovisuelle

L’article 76 du statut de 1988 confiait au Conseil supérieur de l’audiovisuel le soin de fixer les règles relatives à l’organisation de la campagne audiovisuelle sur les ondes publiques, et d’exercer un contrôle en cours de campagne. Plus simplement, le présent article renvoie à la loi les conditions de l’organisation de la campagne audiovisuelle pour l’élection des assemblées de province. Il est seulement permis de regretter qu’il ne se prononce pas sur la prise en charge des dépenses correspondantes. Celle-ci était attribuée à l’Etat par l’article 76 précité ; compte tenu de l’article 188 ci-après, il serait cohérent de la confier désormais à la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 187 sans modification.

Article 188

Prise en charge des dépenses de propagande

Cet article a pour objet de prévoir la prise en charge par la Nouvelle-Calédonie de la commission de propagande qui, conformément à l’article L. 66 du code électoral, assure dans chaque circonscription l’envoi et la distribution des documents de propagande électorale. Les dépenses concernées portent à la fois sur le fonctionnement de cette commission et sur les opérations qu’elle a mission de réaliser. Le présent article transpose en cela les dispositions de l’article L. 167 du même code, relatif à leur prise en charge par l’Etat.

La Commission a adopté l’article 188 sans modification.

Chapitre VI

Contentieux

Article 189

Contentieux

Cet article a pour objet d’organiser les modalités de contestation des élections au congrès et aux assemblées de province. Le délai de recours est de quinze jours, ou dix jours pour l’éligibilité d’un suivant de liste accédant à une assemblée par suite d’une vacance. La saisine est ouverte à tout candidat, à tout électeur et au haut-commissaire. La compétence contentieuse est attribuée au Conseil d’Etat. Celui-ci, en cas de décision d’inéligibilité, proclame l’élection du suivant de liste.

Il est rappelé que l’article 181 prévoit que chaque liste comprend dix noms de plus que le nombre de sièges à pourvoir et que l’article 182 règle les modalités de l’élection partielle au cas où, du fait de vacances successives, la liste serait épuisée.

La Commission a adopté l’article 189 sans modification.

Chapitre VII

Dispositions diverses

Article 190

Conditions d’application des dispositions du code électoral

Mettant en œuvre les accords de Nouméa, les articles 177 et 178 ont prévu les dispositions spécifiques concernant le corps électoral et la liste électorale spéciale en Nouvelle-Calédonie. Mais, pour les autres règles régissant les listes électorales, il était nécessaire d’adapter les dispositions de droit commun, dont certains articles sont contraires aux articles 177 et 178 ou au régime propre à la Nouvelle-Calédonie, et dans lesquels des termes relatifs aux institutions de métropole doivent être transposés.

Plutôt que de réécrire dans la présente loi organique les articles utiles, procédé le plus sûr, le gouvernement a choisi une méthode plus concise, mais aussi plus complexe. Elle consiste à rendre applicable les dispositions de droit commun, à énumérer des exceptions, puis à prévoir un « tableau de passage » transposant les termes pour les adapter aux réalités néo-calédoniennes.

Tel est l’objet de cet article, qui étend en outre deux dispositions en matière d’inéligibilités, allongeant ainsi la liste des inéligibilités au congrès et aux assemblées de province. Il est rappelé que, conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 102, ce régime s’applique aux membres du gouvernement. L’inconvénient de la démarche retenue est de nuire à la clarté de l’article et de comporter un risque de malfaçons rédactionnelles. On se souvient que l’article 75 du statut de 1988 utilisait lui aussi la technique du « tableau de passage », mais, reflétant un cadre juridique plus simple, sa structure était claire.

Le rapporteur se réserve de proposer ultérieurement à la Commission des amendements de clarification rédactionnelle, complétant les trois rectifications que la Commission a adoptées sur sa proposition (amendements nos 120, 121, et 122 ).

Le premier paragraphe de l’article est principalement destiné à préciser quelles dispositions du code électoral régissant les listes électorales sont applicables en Nouvelle-Calédonie. A cet effet, il rend applicables les articles L. 9 à L. 43 de ce code, contenus dans le chapitre II du titre Ier du livre premier, à l’exception des neuf articles contraires en tout ou partie aux accords de Nouméa, et de l’article L. 37 rendu sans objet par le dernier alinéa du II de l’article 178.

Ce paragraphe a d’autre part pour objet, même si sa rédaction n’est pas très claire sur ce point, de rendre applicable l’article L. 118-3 relatif à l’inéligibilité pour défaut de dépôt des comptes de campagne.

Le deuxième paragraphe énumère neuf types d’équivalences pour la lecture des articles transposés au I. Telle est du moins l’intention, car sa rédaction pourrait laisser croire qu’il rend applicable l’ensemble du code électoral, moyennant les équivalences énumérées. Dans la mesure où l’article 74 de la Constitution sur l’adaptation du droit dans les territoires d’outre-mer ne s’applique plus à la Nouvelle-Calédonie, la rédaction de la loi doit être très explicite.

Enfin, le dernier paragraphe a pour objet de rendre expressément applicable aux élections au congrès, aux assemblées de province et au gouvernement, l’inéligibilité pour faillite personnelle ou interdiction de gérer prévue par la loi de 1985 sur les procédures collectives, loi applicable en Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 190 ainsi modifié.

TITRE VI

LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE
ET L’ACTION DE L’ÉTAT

Article 191

Nomination et compétences du haut-commissaire

Cet article précise les modalités de nomination du haut-commissaire de la République et définit une partie de ses compétences.

La loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ne comportait aucune disposition relative à la nomination du haut-commissaire. Cependant, aux termes de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République a le pouvoir de nommer en conseil des ministres, les représentants du Gouvernement dans les territoires d’outre-mer. Dès lors que la Nouvelle-Calédonie ne constitue plus un territoire d’outre-mer mais une collectivité relevant d’un statut dérogatoire, défini par l’article 77 de la Constitution qui renvoie à une loi organique le soin d’en préciser les règles d’organisation, il devient nécessaire de prévoir, comme le fait le premier alinéa de cet article, que le haut-commissaire est désigné par décret du président de la République, délibéré en Conseil des ministres.

Le second alinéa de l’article dispose que le haut-commissaire veille à la régularité de l’exercice des compétences des institutions de la Nouvelle-Calédonie et des provinces et exerce le contrôle de légalité de leurs actes, les modalités de ce contrôle étant précisées dans le titre VII.

Il ne s’agit évidemment, dans cet article, que de définir les attributions du haut-commissaire qui sont en relation avec l’organisation de la Nouvelle-Calédonie. Les compétences qu’il exerce en tant que représentant de l’Etat sont, par ailleurs, définies dans le projet de loi ordinaire.

La Commission a adopté l’article 191 sans modification.

Article 192

Publication des actes de la Nouvelle-Calédonie
et des provinces par le haut-commissaire

Le dernier alinéa de l’article 125 du projet de loi organique charge le président du gouvernement de publier au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie les actes ressortissant à la compétence des institutions de la Nouvelle-Calédonie. En application de l’article 195, ces actes sont transmis au haut-commissaire. L’article 192 n’a d’autre objet que de garantir leur publication, en permettant au haut-commissaire de suppléer le président du gouvernement en cas de défaut de publication de ces actes dans le délai de quinze jours.

La Commission a adopté l’article 192 sans modification.

Article 193

Conventions de mise à disposition de services,
d’agents et de biens

Cet article encadre les conventions passées entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie ou les provinces pour la mise à disposition des services, agents et biens nécessaires à l’exercice de leurs compétences respectives. Signées par le haut-commissaire et le président du gouvernement ou le président de l’assemblée de province, ces conventions, comme toutes celles conclues entre l’Etat et les collectivités territoriales, puisent dans la loi leur force obligatoire à l’égard du gouvernement, de l’administration et des juridictions (83-160 DC, 30 juillet 1983).

Les conventions prévues par cet article organisent des échanges qui se réalisent dans les deux sens, puisqu’elles fixent :

—  les modalités de mise à la disposition de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces, des services, des agents et des biens de l’Etat qui participent à l’exercice d’une compétence territoriale ou provinciale ;

—  les modalités de la mise à disposition de l’Etat, des services, des agents et des biens de la Nouvelle-Calédonie, qui participent à l’exercice de compétences de l’Etat.

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par M. Pierre Frogier prévoyant que les agents de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces mis à disposition de l’Etat demeurent régis par les dispositions légales et réglementaires qui leur sont applicables. M. Pierre Frogier a souligné que cet amendement avait pour objet de régler la situation des fonctionnaires des cadres territoriaux participant à l’exercice de compétences relevant de l’Etat, celui-ci, conforté par la jurisprudence du Conseil d’Etat, refusant d’appliquer certaines règles du statut de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie. Le rapporteur a souhaité que cet amendement soit examiné dans le cadre de la réunion tenue en application de l’article 88, soulignant que la Commission serait saisie à cette occasion d’un amendement relatif à l’intégration des personnels du haut-commissariat. Mme Nicole Catala et M. Dominique Perben ayant à nouveau protesté contre cette méthode de travail, la présidente a rappelé qu’elle résultait des délais d’examen très brefs, précisant que c’était à la demande des partenaires de Nouvelle-Calédonie, et notamment de ses parlementaires, que le texte avait été inscrit à l’ordre du jour avant la fin de l’année. M. Pierre Frogier a retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 193 sans modification.

Article 194

Concours d’établissements publics nationaux

L’article 167 du projet de loi organique prévoit que pour la préparation et l’exécution des délibérations des assemblées de provinces, leur président dispose du concours des services des établissements publics nationaux.

Dans la ligne tracée par l’article 193 pour le dispositif conventionnel entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie ou les provinces, l’article 194 renvoie à des conventions passées entre les établissements publics et la Nouvelle-Calédonie ou les provinces le soin de fixer les modalités du concours apporté par les premiers aux secondes. Ces conventions doivent être visées par le haut-commissaire, ce qui semble logique puisqu’elles impliquent des établissements publics nationaux.

La Commission a adopté l’article 194 sans modification.

TITRE VII

LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL, FINANCIER ET BUDGÉTAIRE

Chapitre Premier

Le contrôle de légalité et le tribunal administratif

Article 195

Contrôle de légalité

Les modalités du contrôle de légalité actuellement applicable en Nouvelle-Calédonie sont définies par les articles 23, 53 et 69 de la loi du 9 novembre 1988. Sous réserve de quelques spécificités tenant à la nature des institutions locales, il obéit aux mêmes règles que le contrôle exercé en métropole sur les actes des collectivités locales.

L’article 195 n’apporte à ce régime d’autres modifications que celles qui résultent des modifications institutionnelles et de l’élargissement des compétences des autorités locales ou de l’évolution de la législation applicable en métropole.

Le principe est que les actes des autorités néo-calédoniennes sont exécutoires de plein droit dès leur publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou leur notification et leur transmission au haut-commissaire ou son représentant dans la province, qui se trouvent ainsi en mesure d’exercer le contrôle de légalité.

· Les actes soumis au contrôle de légalité

La principale modification tient au fait que les actes des deux nouvelles institutions mises en place – le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le sénat coutumier – sont assujetties au contrôle de légalité. En outre, compte tenu de l’élargissement des compétences de la Nouvelle-Calédonie, la liste des actes soumise au contrôle de légalité se trouve étendue. Sont ainsi visés :

—  Pour le congrès, ses délibérations ou celles de sa commission permanente ainsi que les décisions individuelles de son président relatives à la nomination, à l’avancement de grade, à l’avancement d’échelon, aux sanctions soumises à l’avis du conseil de discipline et au licenciement d’agents du congrès.

—  Pour le gouvernement, ses arrêtés réglementaires ou individuels ; les décisions de son président, qu’il s’agisse des actes non réglementaires de l’article 117 pris sur délégation du gouvernement, de ses pouvoirs propres définis à l’article 125 ou de ses délégations de compétences aux membres du gouvernement sur autorisation du congrès en application de l’article 126 et enfin les ordres de réquisition du comptable, compétence classique qui est reconnue à l’exécutif de chaque collectivité territoriale.

—  Pour le sénat coutumier, la désignation des autorités coutumières visée à l’article 132.

—  Pour les assemblées de province, leurs délibérations ainsi que les décisions prises par délégation par leur bureau ; les décisions réglementaires et individuelles de leur président, notamment en matière de mise en œuvre de la réglementation minière – ce qui est une compétence nouvelle des provinces – ou de fonction publique territoriale ; les actes réglementaires pris par les autorités provinciales ; les conventions relatives aux marchés et aux emprunts et les conventions de concession ou d’affermage de revenus publics, industriels et commerciaux ; les décisions individuelles en matière d’urbanisme ; les décisions individuelles relatives à la nomination et à la carrière des fonctionnaires des provinces ; les autorisations préalables aux projets d’investissements directs étrangers ; les ordres de réquisition du comptable ; les décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique, puis, pour le compte des provinces ou d’une institution interprovinciale par les sociétés d’économie mixte locale.

Comme c’est le cas dans le droit commun des collectivités territoriales, d’une part, les actes pris au nom de la Nouvelle-Calédonie ou d’une province, autres que ceux figurant dans la liste précédente sont exécutoires de plein droit, dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification sans transmission au haut-commissaire ou au commissaire délégué et, d’autre part, les actes relevant du droit privé ne sont pas soumis au contrôle de légalité tel qu’il est prévu par l’article 195, mais relèvent des règles qui leur sont propres.

· La procédure de déféré du haut-commissaire

La procédure de déféré du haut-commissaire est alignée sur celle du déféré préfectoral, telle qu’elle résulte des articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales.

La haut-commissaire peut saisir le tribunal administratif de Nouméa dans les deux mois suivant la transmission de l’acte. Dans ce cas, il en informe sans délai l’autorité concernée et lui communique toute précision sur les illégalités invoquées.

Le haut-commissaire peut assortir son recours d’une demande de sursis à exécution, à laquelle il est fait droit si l’un des moyens invoqués dans la requête semble, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, la décision devant intervenir dans le délai d’un mois. Enfin, le haut-commissaire a la possibilité de faire appel du jugement du tribunal administratif et de la décision relative au sursis.

On observera que les régimes spéciaux de demandes de sursis à exécution et de déféré préfectoral font l’objet d’une transposition.

Sont ainsi reprises les dispositions de l’article 27 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 relative à l’aménagement et au développement du territoire qui prévoient la suspension de l’acte ayant fait l’objet de la part du haut-commissaire d’une demande de sursis à exécution dans les dix jours suivant sa réception dans les matières d’urbanisme, de marchés et de délégations de service public, l’acte ne devenant cependant exécutoire au terme d’un délai d’un mois que si le tribunal n’a pas statué.

Il en va de même du régime du sursis à exécution des actes de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle. Pour ceux-ci, le président du tribunal administratif ou un membre délégué à cet effet prononce le sursis dans les quarante-huit heures. La décision relative au sursis est susceptible d’appel devant le Conseil d’Etat dans la quinzaine de sa notification, le président de la section du contentieux ou un conseiller délégué à cet effet devant statuer dans un délai de quarante-huit heures.

Enfin, le dernier alinéa du paragraphe VII retranscrit la procédure d’urgence en matière de défense nationale, issue de l’article 26 de la loi n° 86-29 du 6 janvier 1986, qui figure désormais à l’article L. 1111-7 du code général des collectivités territoriales. Si le haut-commissaire estime qu’un acte pris par les autorités de la Nouvelle-Calédonie ou d’une province, qu’il soit soumis à l’obligation de transmission, est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l’intégrité d’une installation ou d’un ouvrage intéressant la défense nationale, il peut en demander l’annulation pour ce seul motif. L’acte en question est alors déféré dans les deux mois suivant sa publication ou sa notification au Conseil d’Etat qui statue en premier et dernier ressort, son recours pouvant être assorti, si nécessaire, d’une demande de sursis à exécution, le président de la section du contentieux ou un conseiller d’Etat désigné à cet effet statuant dans les quarante-huit heures.

Conformément aux règles identiques posées respectivement dans le cadre communal, départemental et régional par les articles L. 2131-8, L. 3132-3 et L. 4142-3 du code général des collectivités territoriales, une personne physique ou morale lésée par un acte des autorités de la Nouvelle-Calédonie ou provinciales, peut, dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’acte est devenu exécutoire, demander au haut-commissaire de recourir à la procédure de déféré, cette demande ne pouvant, dans un souci de bonne administration de la justice, avoir pour effet de prolonger le délai de recours contentieux du haut-commissaire.

La Commission a adopté trois amendements présentés par le rapporteur, le premier insérant les conventions de délégation de service public dans le champ des actes des assemblées de province soumis au contrôle de légalité (amendement n° 123), le deuxième de précision (amendement n° 124) et le troisième de portée rédactionnelle (amendement n° 106).

Elle a ensuite adopté l’article 195 ainsi modifié.

Article 196

Saisine pour avis du Conseil d’Etat

Cet article s’inspire largement de l’article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif qui instaure une procédure de consultation pour avis du Conseil d’Etat par un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel, lorsqu’ils sont saisis d’une requête présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. Lorsque cette procédure est mise en œuvre, il est sursis à toute décision sur le fond jusqu’à l’avis du Conseil d’Etat qui doit être publié au Journal officiel ou, à défaut, jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois.

L’article 196 étend ce pouvoir de consultation du Conseil d’Etat au tribunal administratif de Nouméa, lorsqu’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre certains actes. Il s’agit des délibérations du congrès ou de la commission permanente, des arrêtés à caractère réglementaire ou individuels du gouvernement, des délibérations ou des décisions des assemblées de province prises par délégation de celles-ci en application de l’article 157, des décisions réglementaires et individuelles de leur président relatives à la police des mines, de leurs attributions propres ou qu’ils peuvent déléguer à un ou plusieurs vice-présidents en vertu de l’article 162, de leurs compétences en qualité de chef de l’administration provinciale et des actes réglementaires pris par les autorités provinciales dans tous les autres domaines relevant de leur compétence.

La consultation du Conseil d’Etat par le tribunal administratif de Nouméa est subordonnée à deux conditions : il faut que le recours ait été dirigé contre les actes précités et qu’il repose sur un moyen sérieux invoquant l’inexacte application de la répartition des compétences entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes ou que ce même moyen soit soulevé d’office par le juge.

Le tribunal administratif de Nouméa transmet alors sans délai le dossier pour avis au Conseil d’Etat par un jugement qui n’est susceptible d’aucun recours. Le Conseil d’Etat examine ensuite la question posée dans un délai de trois mois ; il est sursis à toute décision sur le fond jusqu’à son avis ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai. Dans les deux mois à compter de la publication de cet avis au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou de l’expiration du délai imparti au Conseil d’Etat, le tribunal administratif rend son jugement.

La Commission a adopté l’article 196 sans modification.

Article 197

Saisines pour avis du tribunal administratif ou du Conseil d’Etat

Cet article permet au président du gouvernement, au président du sénat coutumier ou au président d’une assemblée de province de formuler une demande d’avis au tribunal administratif, qui en informe immédiatement le haut-commissaire. Lorsqu’elle porte sur la répartition des compétences entre l’Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes, c’est au Conseil d’Etat que revient le soin d’examiner cette demande d’avis, qui lui est transmise sans délai.

Cette procédure de consultation d’un tribunal administratif est déjà consacrée par l’article R. 242 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et, s’agissant de la Polynésie, par l’article 101 bis de la loi du 6 septembre 1984.

En Nouvelle-Calédonie, la consultation du tribunal administratif risque cependant de se heurter à une difficulté. Composé seulement de trois membres, même si l’article 11 du projet de loi ordinaire l’autorise à s’adjoindre le concours d’un magistrat judiciaire, le tribunal administratif de Nouméa est en effet une juridiction de petite taille. Il est donc possible, sinon probable, que les mêmes magistrats se trouvent appelés à se prononcer au contentieux sur des dossiers dont ils auraient été saisis par ailleurs à titre consultatif ; or, leurs faibles effectifs les empêcheraient de se déporter.

Sans doute le Conseil d’Etat a-t-il admis qu’un tribunal puisse se prononcer au contentieux sur une question qui lui avait été soumise pour avis (CE, 25 janvier 1980, Gadiaga) ; c’est d’ailleurs une situation à laquelle il peut se trouver lui-même confronté.

Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme, s’appuyant sur le principe de l’impartialité du juge consacré par l’article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l’homme, a donné raison à une association qui avait allégué le manque d’impartialité du Conseil d’Etat luxembourgeois, au motif que quatre des cinq membres composant le comité du contentieux ayant statué sur ses recours en annulation avaient auparavant siégé dans la formation consultative du Conseil d’Etat qui s’était prononcée sur le projet de règlement adopté (Procola c. Luxembourg, 28 septembre 1995).

Aussi est-il apparu préférable à votre rapporteur d’écarter les demandes d’avis au tribunal administratif et de transférer l’intégralité de la compétence consultative au Conseil d’Etat.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur qui prévoit donc que le président du gouvernement, le président du congrès, le président du sénat coutumier ou le président d’une assemblée de province peut saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis (amendement n° 107).

Puis elle a adopté l’article 197 ainsi modifié.

Chapitre II

La chambre territoriale des comptes et le contrôle budgétaire

Article 198

Contrôle de la chambre territoriale des comptes

Cet article reprend très précisément le dispositif de l’article 73 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, sous réserve d’une simple adaptation terminologique qui tient compte du fait que la Nouvelle-Calédonie n’est plus un territoire d’outre-mer.

Il prévoit que les dispositions du titre VI du livre II du code des juridictions financières, introduites par la loi organique n° 94-1132 du 27 décembre 1994 relative à certaines dispositions législatives des livres premier et II du code des juridictions financières, régissent la procédure de jugement des comptes de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements publics ainsi que l’examen de leur gestion par la chambre territoriale des comptes.

La Commission a adopté l’article 198 sans modification.

Articles additionnels après l’article 198

Rapports de la chambre territoriale des comptes

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur : l’un aux termes duquel la chambre territoriale des comptes présente au congrès un rapport annuel portant sur la Nouvelle-Calédonie, les provinces, les communes et leurs établissements publics ainsi que sur les établissements, sociétés, groupements et organismes relevant de sa compétence, dans lequel elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être tirés (amendement n° 108) ; l’autre qui prévoit que la chambre territoriale des comptes établit un rapport sur chaque compte de gestion du territoire qui est annexé au compte administratif (amendement n° 109).

Article 199

Contrôle des marchés publics et des délégations de service public

Cet article a pour objet de transposer dans le projet de loi organique les dispositions de l’article L. 234-1 du code des juridictions financières. Ainsi, le haut-commissaire de la République sera habilité à transmettre à la chambre territoriale des comptes les conventions relatives aux marchés publics ainsi qu’aux délégations de service public des collectivités publiques de Nouvelle-Calédonie, régies par le titre premier du livre quatrième de la première partie du code général des collectivités territoriales.

Le second alinéa de l’article rappelle la procédure contradictoire applicable. D’abord, l’autorité concernée est informée par le haut-commissaire de la saisine de la chambre territoriale. Celle-ci ensuite est appelée à formuler ses observations dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Cet avis est transmis à la collectivité ou à l’établissement public intéressé et au haut-commissaire. Conformément à l’article L. 242-2 du code des juridictions financières, auquel il est renvoyé, l’ordonnateur ou son représentant peuvent présenter oralement ses observations et être assisté par une personne de son choix. Enfin, l’assemblée délibérante est informée de l’avis de la chambre territoriale des comptes dès sa plus proche réunion.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 110).

Elle a ensuite adopté l’article 199 ainsi modifié.

Article 200

Budgets du territoire et des provinces

—  Le premier alinéa de cet article transpose dans le nouveau statut les règles de contrôle des actes budgétaires applicables aujourd’hui au territoire et aux provinces et renvoie la définition des obligations et des missions des comptables de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements aux articles L.O. 264-4 à L.O. 264-7 du code des juridictions financières.

S’agissant du contrôle des actes budgétaires, la référence à l’article L.O. 263-4 du code des juridictions financières a pour effet de confier à la chambre territoriale des comptes le soin de proposer les mesures budgétaires nécessaires au rétablissement de l’équilibre budgétaire, lorsque le budget du territoire ou d’une province n’est pas voté en équilibre réel, le budget étant réglé et rendu exécutoire par le haut-commissaire, si le congrès ou l’assemblée de province n’a pas délibéré dans le délai prescrit ou si la délibération ne comporte pas de mesures de redressement jugées suffisantes par la chambre territoriale des comptes. Ce dispositif adapté est repris des règles de droit commun d’adoption et d’exécution des budgets des collectivités territoriales, issues de l’article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales.

Sont également rendus applicables : l’article L.O. 263-5, régissant la procédure d’inscription des dépenses obligatoires, inspirée de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales ; l’article L.O. 263-6, soumettant au contrôle budgétaire du territoire et de la province les établissements publics à caractère administratif du territoire et des provinces ainsi que les établissements publics interprovinciaux dont les règles sont également applicables aux établissements publics des collectivités locales aux termes de l’article L. 1612-20 du code général des collectivités territoriales.

En outre, la référence à l’article L.O. 263-7 a pour effet d’attribuer à la chambre territoriale des comptes, lorsqu’elle intervient au titre du contrôle des actes budgétaires et de l’exécution des budgets, le droit d’obtenir communication des documents des personnes morales de droit public qu’elle contrôle (art. L.O. 262-42). Par ailleurs, les pouvoirs d’investigation dévolus aux magistrats de la Cour des comptes par le titre IV du livre premier du code des juridictions financières (art. L.O. 262-43) et le droit de recourir à l’assistance d’experts désignés par le président (art. L. 262-52) lui sont reconnus. Sont astreints à l’obligation de répondre à la convocation de la chambre territoriale des comptes, par le renvoi à l’article L. 262-46 : les représentants, les administrateurs, les fonctionnaires ou agents des collectivités, établissements, sociétés, groupements et organismes contrôlés ainsi que, pour les besoins du contrôle, tout représentant ou agent de l’Etat en fonctions dans le ressort de la chambre territoriale des comptes et tout membre des services d’inspection et corps de contrôle dont l’audition est jugée nécessaire.

—  Le second alinéa de l’article précise que les comptables de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements publics remplissent leurs fonctions dans les conditions fixées par les articles L.O. 264-4 et L.O. 264-5 du code des juridictions financières.

L’article L.O. 264-4 prévoit que le comptable du territoire ou de la province ne peut subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l’opportunité des décisions prises par l’ordonnateur. Il ne peut soumettre ces actes qu’au contrôle de légalité qu’impose l’exercice de sa responsabilité personnelle et pécuniaire et est tenu de motiver la suspension du paiement.

Quant à l’article L.O. 264-5, il autorise le haut-commissaire ou le président de l’assemblée de province à adresser au comptable un ordre de réquisition, si celui-ci a notifié sa décision de suspension de paiement d’une dépense. L’intéressé est tenu de s’y conformer aussitôt, sauf en cas d’insuffisance de fonds territoriaux disponibles, de dépense ordonnancée sur des crédits irrégulièrement ouverts ou insuffisants ou sur des crédits autres que ceux sur lesquels elle devrait être imputée, d’absence de justification du service fait ou de défaut de caractère libératoire du règlement.

Les présidents des assemblées de province notifient au haut-commissaire leurs ordres de réquisition. Celui-ci informe la chambre territoriale des comptes de ses ordres de réquisition et de ceux des présidents des assemblées de province. En cas de réquisition, l’ordonnateur engage sa responsabilité propre.

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur (amendement n° 111).

Puis elle a adopté l’article 200 ainsi modifié.

TITRE VIII

LE RÉÉQUILIBRAGE ET LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE,
SOCIAL ET CULTUREL

Article 201

Promotion du développement économique

L’accord de Nouméa prévoit la poursuite de la conclusion de contrats de développement entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Le préambule précise en effet que « la Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la mise en oeuvre de la nouvelle organisation de l’aide de l’Etat, en termes d’assistance technique et de formation et des financements nécessaires, pour l’exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social », et le paragraphe 4.2.1 du document d’orientation dispose que « Des contrats de développement pluriannuels seront conclus avec l'Etat », sans préciser l’identité de l’autre cocontractant.

Le paragraphe I du présent article autorise la conclusion de contrats « entre l’Etat d’une part, la Nouvelle-Calédonie et les provinces d’autre part », pour une durée de cinq ans. Cette durée est identique à celle fixée par la loi du 9 novembre 1988.

L’article propose de conserver, à titre principal, la démarche contractuelle menée depuis dix ans entre l'Etat et les provinces, conformément à l’article 84 de la loi du 9 novembre 1988. Cela n’exclut pas la conclusion à titre complémentaire de conventions entre la Nouvelle-Calédonie et l'Etat. Le périmètre d’action de ces contrats concerne :

—  l’accès aux formations et l’insertion des jeunes ;

—  le « développement économique » et l’amélioration des conditions de vie ;

—  enfin, le développement culturel. La mention de ce dernier objectif est cohérente avec l’article 205 du projet de loi, qui prévoit un accord particulier entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie « dans le but de contribuer au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie ».

Le paragraphe II organise une procédure de consultation sur la répartition des crédits du fonds d’équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie (F.E.P.N.C.). Ce fonds a été créé par l’article 87 de la loi du 9 novembre 1988. Il est intégré au sein du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (F.I.D.E.S.) des territoires d’outre-mer (chapitre 68-90 du budget de l’outre-mer). L’article 87 déléguait au haut-commissaire la gestion de ce fonds, le comité consultatif prévu à l’article 68 de la loi du 9 novembre 1988 l’assistant dans cette tâche.

Le présent article prévoit une consultation semblable, menée par le haut-commissaire, et qui concerne dorénavant le président du gouvernement et les présidents des assemblées de provinces.

Le paragraphe III prévoit la participation de l'Etat à un fonds de garantie, structure destinée à faciliter la mise en place de projets de développement sur les terres coutumières. Ce fonds était prévu par le point 4.2.4 de l’accord de Nouméa intitulé « Le financement de l’économie devra être modernisé ». L’Etat y apportera son concours sous des formes qui restent à préciser.

La Commission a adopté l’article 201 sans modification.

Article 202

Aides provinciales aux entreprises

Cet article vise à autoriser les provinces à aider les entreprises, en énumérant de manière limitative les moyens d’action suivants : prêts, avances et bonifications d’intérêt (il s’agit donc d’aides directes au sens de l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales).

Un établissement bancaire, après conclusion d’une convention avec la province, jouera le rôle d’intermédiaire entre la province et les entreprises. Cette disposition est l’application du point 2.2.4 des accords de Nouméa, qui prévoit notamment que « les collectivités, dans la limite de leurs compétences, pourront soutenir le développement des entreprises en collaboration avec le secteur bancaire ».

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux provinces de conclure une convention avec des établissements bancaires ou financiers (amendement n° 112).

Puis, elle a adopté l’article 202 ainsi modifié.

Article 203

Comité consultatif de l’environnement

La composition, les attributions et le fonctionnement de cet organisme original, dont l’existence n’est pas évoquée dans les accords de Nouméa, seront fixés par une délibération du congrès. Il n’est d’ailleurs pas une des « institutions de la Nouvelle-Calédonie » telles qu’elles sont énumérées à l’article 2 du projet de loi.

Le comité comprend des représentants de l’Etat, du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et des provinces.

Le paragraphe 10° de l’article 21 du projet confie à la Nouvelle-Calédonie la compétence de « l’exploration, exploitation, gestion et conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, de la zone économique exclusive », tandis que le paragraphe 11° lui confie la réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt. L’exercice de ces compétences sera probablement l’occasion de recourir au conseil consultatif de l’environnement.

La Commission a adopté l’article 203 sans modification.

Article 204

Comité consultatif du crédit

Cet article vise à reconduire le comité consultatif du crédit placé auprès du haut-commisssaire, mis en place par l’article 89 de la loi du 9 novembre 1988. Aux termes du 5° de l’article 19, la monnaie et le crédit restent des compétences d’Etat. Il est donc logique que ce comité reste placé auprès du haut-commissaire.

Rappelons cependant que, conformément au paragraphe II de l’article 124 de ce projet de loi, le haut-commissaire consulte le gouvernement sur les décisions concernant la politique monétaire et le crédit.

La Commission a adopté l’article 204 sans modification.

Article 205

Développement culturel de la Nouvelle-Calédonie et promotion de la langue et de la culture kanak

Cet article a deux objectifs.

—  D’abord, il autorise la conclusion d’un contrat entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie visant à favoriser le développement culturel de la Nouvelle-Calédonie. Sa durée n’est pas précisée.

Un grand nombre de dispositions de l’accord de Nouméa, particulièrement dans le Préambule et dans le point 1.3 du document d’orientation intitulé « Le patrimoine culturel », sont consacrées à la reconnaissance de l’identité culturelle kanak et au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie.

L’article 205 mentionne comme objectif le « développement culturel de la Nouvelle-Calédonie », ce qui, il faut le souligner, ne se limite pas à la promotion de la culture kanak. D’ailleurs, l’article dispose que ce contrat traite « notamment » du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou.

—  Cet article vise également à promouvoir l’usage et la transmission des nombreuses langues kanak, en les érigeant « langues d’enseignement et de culture ». Cette disposition est cohérente avec le Préambule (« Il convient d’ouvrir une nouvelle étape marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak ») et avec le point 1.3.3 du document d’orientation intitulé « Les langues », qui pose le principe que « les langues kanak sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie ». Rappelons que l’article 131 du projet de loi précise que le sénat coutumier « désigne les membres de l’académie des langues kanak ».

La Commission a adopté l’article 205 sans modification.

TITRE IX

LA CONSULTATION SUR L’ACCESSION À LA PLEINE SOUVERAINETÉ

Article 206

Convocation de la consultation
sur l’accession à la pleine souveraineté

Le paragraphe I de cet article rappelle que la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté est prévue par l’article 77 de la Constitution. Cet article a été introduit dans le nouveau titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » lors de la révision constitutionnelle de juillet 1998. Dans l’avant-dernier alinéa de l’article 77, il est indiqué que la loi organique détermine : « les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté ». Cette disposition constitutionnelle renvoie au point 5 de l’accord de Nouméa portant sur l’évolution de l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie où l’Etat reconnaît la vocation de ce territoire à bénéficier, à la fin de la période transitoire, d’une complète émancipation. L’accession à la pleine souveraineté se concrétiserait par un référendum portant sur le transfert irréversible des dernières compétences détenues par l’Etat telles qu’elles sont décrites à l’article 19 du projet de loi organique. Pour l’essentiel, ces compétences ressortissent à des pouvoirs régaliens.

Le paragraphe II de l’article 206 prévoit que la convocation des électeurs se fait par décret en conseil des ministres, après consultation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. L’avis rendu par ce gouvernement ne lie pas le Gouvernement de la République. On notera que, de façon générale, le gouvernement néo-calédonien est consulté pour tout décret touchant au territoire. Le décret de convocation des électeurs à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté ne fait donc pas exception. Il appartiendra au décret de fixer le texte de la question posée ainsi que les modalités d’organisation du scrutin. Cet acte réglementaire sera publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie au plus tard quatre semaines avant le jour du scrutin. Ce délai est identique à celui fixé pour les élections au congrès.

Le dernier alinéa de cet article précise enfin que le corps électoral se prononce à la majorité des suffrages exprimés.

La Commission a adopté l’article 206 sans modification.

Article 207

Organisation des consultations sur
l’accession à la pleine souveraineté – Date de ces consultations

Cet article fixe les conditions dans lesquelles le ou les référendums seront organisés.

Le premier alinéa dispose que la consultation est organisée au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014. Cette référence est celle figurant au point 5 de l’accord de Nouméa. Cela signifie que la période transitoire, mise en place par le présent projet de loi, durera entre quinze et vingt ans, selon que la consultation aura lieu au début ou à la fin du dernier mandat du congrès. C’est à cette institution qu’il appartiendra de fixer la date de la consultation. Le congrès se prononcera par une délibération adoptée à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres. L’accord de Nouméa prévoyait effectivement une majorité de trois cinquièmes sans préciser s’il s’agissait des suffrages exprimés ou des membres du congrès. Le texte du projet de loi organique renforce la condition de majorité, ce qui se justifie par l’importance de la délibération en cause.

La dernière phrase du premier alinéa revêt une importance particulière dans la mesure où elle prévoit une modalité alternative de fixation de la date de la consultation et renvoie aux conditions prévues au paragraphe II de l’article 206. Cette disposition signifie en fait qu’il sera de la compétence du gouvernement de la République de fixer la date de la consultation, par décret, si les trois cinquièmes du congrès ne réussissent pas à se mettre d’accord. Ce dispositif correspond en partie au texte de l’accord de Nouméa (deuxième alinéa du point 5). Celui-ci dispose : « si le congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’Etat, dans la dernière année du mandat ». On constate que l’accord de Nouméa fixe une date butoir qui est la fin de l’avant-dernière année du quatrième mandat du congrès, soit 2018. Le projet de loi organique ne reprend pas cette date. Pour donner au dispositif plus de clarté, en terme de calendrier, il serait pourtant utile de revenir au texte de l’accord de Nouméa sur ce point particulier.

Le deuxième alinéa de l’article 207 prévoit la possibilité d’une deuxième consultation si la majorité des votants ne s’est pas prononcée en faveur de l’accession à la pleine souveraineté à l’occasion du premier référendum. Cette faculté a été ouverte par l’accord de Nouméa dans le quatrième alinéa du point 5. Conformément au texte de l’accord, l’organisation de la deuxième consultation, sur la même question, se fait à la demande écrite du tiers des membres du congrès. Elle est adressée au haut-commissaire et ne peut être déposée qu’à partir du sixième mois suivant le scrutin. On organise ainsi une sorte de délai de viduité qui permettra de traiter la question de l’accession à la souveraineté de manière réfléchie. La nouvelle consultation doit se dérouler dans les dix-huit mois qui suivent la saisine du haut-commissaire. Si l’on s’en tient à la rédaction actuelle du projet de loi organique, la date de ce second référendum est fixée dans les mêmes conditions que le premier : la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès doit se prononcer, faute de quoi il appartient à l’Etat de déterminer cette date par décret.

Imposer pour cette seconde consultation une majorité de blocage des trois cinquièmes n’est pas conforme à l’accord de Nouméa qui fixe le principe d’un référendum d’initiative minoritaire. C’est pourquoi il semblerait nécessaire de prévoir que la date de la seconde consultation – une fois demandée par un tiers des membres du congrès – sera fixée par le Gouvernement de la République dans les conditions prévues au paragraphe II de l’article 206. En se rapprochant ainsi de l’esprit et de la lettre de l’accord de Nouméa, on clarifierait le dispositif.

On observe aussi que le calendrier des consultations pour l’accession à la pleine souveraineté est défini précisément. L’absence de date butoir pour la fixation de la première consultation est le seul élément manquant dans ce dispositif, ce qui justifierait que le premier alinéa de l’article 207 soit complété.

Le troisième alinéa de cet article interdit qu’une demande de deuxième consultation soit déposée dans les six mois qui précèdent le renouvellement général du congrès. Il s’agit là d’éviter que la campagne référendaire et celle pour les élections au congrès et aux assemblées de province ne se télescopent, ce qui risquerait de troubler le débat sur l’accession à la pleine souveraineté.

Si une majorité de votants rejette l’accession à la pleine souveraineté lors de la deuxième consultation, le quatrième alinéa de l’article 207 prévoit la réunion du comité des signataires de l’accord de Nouméa qui examinera les conditions dans lesquelles sera poursuivie la mise en œuvre des dispositions de l’accord. Lorsqu’on fait référence au comité des signataires, on entend à l’évidence les mouvements politiques et non les personnes qui ont paraphé l’accord du 5 mai 1998.

Le dernier alinéa de l’article 207 interdit enfin qu’une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté soit organisée en cas de dissolution du congrès dans un délai de six mois suivant le renouvellement de cette institution pour permettre à la nouvelle assemblée de se mettre en place.

Au total, cet article évoque l’organisation de deux consultations sur l’accession à la pleine souveraineté. Sur ce point, il ne suit pas strictement l’accord de Nouméa qui pose le principe de trois référendums d’autodétermination. Pour la tenue de la troisième consultation, le projet de loi prévoit la réunion préalable du comité des signataires qui examinera les conditions dans lesquelles sera poursuivie la mise en œuvre des dispositions de l’accord.

Sur cet article, comme sur les articles 177 et 178, le rapporteur a suggéré que la même procédure conservatoire soit retenue. Suivant sa proposition, la Commission a rejeté l’article 207.

Article 208

Restriction du corps électoral

Comme pour les élections au congrès et aux assemblées de province, mais dans des termes différents, l’accord de Nouméa, dans son point 2.1, a prévu la restriction du corps électoral pour les consultations sur l’accession à la pleine souveraineté. Pour pouvoir voter lors du référendum, il faudra remplir au moins l’une des huit conditions suivantes :

—  Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998. Cela signifie qu’il faut avoir été présent en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 comme l’article 2 de la loi référendaire de 1988 l’imposait. Conforme à l’accord de Nouméa, cette condition n’impose pas une présence durable sur le territoire après 1998. On peut imaginer le cas d’une personne qui aurait été présente en Nouvelle-Calédonie pendant dix ans, jusqu’en 1998, puis qui aurait quitté le territoire et qui n’y reviendrait que quelques mois avant la consultation finale. Le projet de loi organique ne s’oppose pas à ce que cette personne participe au référendum. On notera cependant qu’une telle situation semble assez peu probable.

—  N’étant pas inscrit sur les listes électorales pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur. Cette condition couvre le cas des personnes qui, pour une raison ou une autre, n’étaient pas inscrites sur les listes électorales en novembre 1998 – rappelons que jusqu’alors l’inscription sur les listes n’était pas automatique – mais qui remplissaient la condition de dix ans de présence sur le territoire conformément à l’article 2 de la loi référendaire de 1988.

—  N’ayant pas pu être inscrit sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que son absence a été due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales. L’article 2 de la loi référendaire de 1988 disposait qu’étaient réputées avoir leur domicile dans le territoire les personnes qui accomplissaient leur service national, poursuivaient un cycle d’études ou de formation continue hors du territoire et qui avaient antérieurement leur domicile en Nouvelle-Calédonie. On remarquera que la disposition de 1988 ne vise pas les personnes éloignées momentanément de Nouvelle-Calédonie pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales. C’est pourquoi l’article 208 prend en considération ces éléments pour reconnaître le droit de vote au référendum. Cette disposition est conforme au point 2.1 de l’accord de Nouméa, elle y ajoute simplement les raisons médicales.

—  Avoir eu le statut civil coutumier ou, né en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu pendant une durée suffisante le centre de ses intérêts matériels et moraux. Cette disposition a pour objet de réintégrer dans le corps électoral un certain nombre de Néo-Calédoniens réellement attachés au territoire mais qui ont dû s’expatrier. Il appartiendra au juge de vérifier si les personnes concernées ont vraiment eu dans le territoire le centre de leurs intérêts matériels et moraux pendant une durée suffisante.

—  Avoir l’un de ses parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de ses intérêts matériels et moraux. Cette condition est différente de la précédente. Elle n’exige pas d’être né en Nouvelle-Calédonie, mais d’avoir l’un de ses parents, c’est-à-dire son père ou sa mère, né sur le territoire.

—  Pouvoir justifier au 31 décembre 2013, d’une durée de vingt ans de domicile continue en Nouvelle-Calédonie. Cette condition couvre donc le cas des personnes arrivées sur le territoire avant 1994.

—  Etre né avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998.

—  Etre né à compter du 1er janvier 1989, avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de ses parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. Le texte du projet de loi organique diffère ici, ainsi qu’au précédent alinéa, légèrement du point 2.2.1 de l’accord de Nouméa qui mentionnait qu’il fallait être né avant 1988 ou être né après 1988 pour pouvoir, sous certaines conditions voter au référendum. L’accord ne réglait donc pas le cas des personnes nées en 1988. Le projet de loi organique comble cette lacune.

Chacune des conditions énoncées précédemment repose sur l’existence d’un lien fort, direct ou indirect, avec la Nouvelle-Calédonie. Ce lien peut naître d’une domiciliation continue sur le territoire ou de la présence d’un parent en Nouvelle-Calédonie qui lui-même y demeure durablement.

Le dixième alinéa de l’article 208 mentionne que les personnes domiciliées en Nouvelle-Calédonie sont réputées y conserver leur domicile lorsqu’elles s’en absentent pour les motifs suivants : service national, études, formation, raisons familiales, professionnelles ou médicales. Les dispositions de l’article 2 de la loi référendaire sont reprises ici. Comme on l’a vu précédemment, les raisons familiales, professionnelles ou médicales y ont été ajoutées.

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Pierre Frogier, le premier précisant la définition du corps électoral pour la consultation portant sur l’accession à la pleine souveraineté, le second substituant à la date de 2013, celle de 2014. M. Pierre Frogier a estimé que la date de 2013 figurant dans l’accord de Nouméa résultait d’une erreur matérielle dans la mesure où cet accord ne prendra effet qu’en 1999, date à partir de laquelle le délai de quinze ans devrait donc être décompté. M. Jacques Brunhes ayant souligné que les articles 207 et 208 soulevaient des difficultés connexes, sur la proposition du rapporteur, la Commission a rejeté cet article sans se prononcer sur les amendements présentés par M. Pierre Frogier, celui-ci ayant annoncé son intention de les présenter lors de la prochaine réunion de la Commission.

Article 209

Liste électorale – Commission
de contrôle – Campagne à la radio et à la télévision

Ce long article prévoit les conditions concrètes d’organisation de la campagne et du vote pour la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.

·   La liste électorale spéciale

Le paragraphe I pose le principe d’une liste électorale spéciale à la consultation. Y sont inscrites les personnes qui remplissent les conditions définies à l’article 208. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur – c’est-à-dire la liste qui regroupe les électeurs qui peuvent participer à toutes les élections sur le territoire – et de la liste pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province.

·   Application du code électoral

Dans son paragraphe II, l’article 209 précise que les dispositions du titre Ier du livre Ier du code électoral et du paragraphe II de l’article 190 de la présente loi sont applicables à la consultation. Les dispositions du code électoral visées ici sont celles relatives aux dispositions communes à l’élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux. Le paragraphe II de l’article 190 détermine les adaptations terminologiques du code électoral rendues nécessaires par le changement de statut de la Nouvelle-Calédonie. Le paragraphe II de l’article 209 prévoit également qu’un décret peut déterminer les adaptations imposées par la nature particulière de la consultation. C’est ce qui a été fait, l’été dernier, pour préparer le référendum de novembre par un décret n° 98-733 en date du 20 août 1998.

·   La commission de contrôle

Le paragraphe III de l’article 209 institue une commission de contrôle de l’organisation et du déroulement de la consultation. Comme ce qui a été prévu par le décret précité, cette commission est présidée par un conseiller d’Etat désigné par le vice-président du Conseil d’Etat. Elle est composée de deux membres du Conseil d’Etat ou des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel désignés par le vice-président du Conseil d’Etat ainsi que deux magistrats de l’ordre judiciaire qui sont désignés par le premier président de la Cour de cassation. La mission de la commission de contrôle est de veiller à la régularité et à la sincérité de la consultation. Pour exercer ces contrôles, la commission peut s’adjoindre des délégués.

Les prérogatives de la commission sont proches de celles qui officient en métropole. Elle fait procéder aux rectifications prévues par les articles L. 38 et L. 39 du code électoral en vue d’assurer la régularité de la liste des électeurs admis à participer à la consultation. L’article L. 38 du code donne en principe compétence au préfet pour faire procéder à ces rectifications. Ici, la commission de contrôle se substitue au représentant de l’Etat. En revanche, en vertu de l’alinéa 2 de l’article L. 38, le préfet – en Nouvelle-Calédonie, le haut-commissaire – reste compétent pour saisir le parquet s’il a relevé une infraction aux lois pénales. L’article L. 38 du code électoral donne compétence au maire pour régulariser les situations en cas d’inscription d’un électeur sur deux listes électorales. Là encore, la commission de contrôle se substituera en Nouvelle-Calédonie à l’autorité municipale.

Cette commission est également chargée de dresser la liste des partis et des groupements habilités à participer à la campagne en raison de leur représentativité en Nouvelle-Calédonie. Elle s’apprécie au vu de leur représentation au sein du congrès. Ce critère, sans doute l’un des plus objectifs qui soit, est celui qui a été utilisé dans l’article 20 du décret n° 98-733 du 20 août 1998. On peut estimer qu’une formation représentée, ne serait-ce que par un ou deux membres du congrès, pourrait être considérée comme disposant d’une représentativité suffisante en Nouvelle-Calédonie. Rappelons en effet que pour être élu au congrès, il faut dépasser le seuil de 5 % des inscrits.

La commission de contrôle veille, par ailleurs, à la régularité de la composition des bureaux de vote ainsi qu’à celle des opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de dénombrement des suffrages. Elle garantit aux électeurs le libre exercice de leurs droits.

Il lui incombe de procéder au recensement général des votes. La commission de contrôle proclame ensuite les résultats. Elle annexe au procès-verbal des opérations de vote un rapport contenant ses observations. Ce document est utile au juge en cas de contentieux électoral. Pour exercer correctement leur mission, les membres de la commission ainsi que les délégués doivent pouvoir procéder à tous les contrôles et vérifications utiles. En outre, ils ont accès à tout moment aux bureaux de vote et peuvent exiger l’inscription de toutes observations au procès-verbal, soit avant, soit après la proclamation des résultats du scrutin. Par ailleurs, les autorités qualifiées pour établir les procurations de vote, les maires et les présidents des bureaux de vote ont obligation de fournir tous les renseignements demandés par les membres de la commission ou les délégués. Il leur communique aussi les documents que ceux-ci estiment nécessaires.

Le paragraphe VI de l’article 209 donne compétence à la commission pour trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins. Elle procède aux rectifications nécessaires avant de proclamer les résultats. La décision de proclamation est publiée, tant au Journal officiel de la République française, qu’au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

·   Campagne à la radio et à la télévision

Les mouvements politiques de Nouvelle-Calédonie habilités à participer à la campagne officielle, peuvent utiliser, en vertu du paragraphe IV, les antennes de la société nationale chargée du service public, de la communication audiovisuelle outre-mer. Dans le décret du 20 août 1998, organisant la campagne référendaire de novembre, on a mentionné expressément R.F.O. La consultation sur l’accession à la pleine souveraineté se déroulant dans quinze à vingt ans, il est difficile, dans le projet de loi organique, de faire référence à R.F.O. puisque ce service public pourrait voir son statut évoluer dans les années qui viennent. Trois heures d’émission radio-diffusées et trois heures d’émission télévisées seront mises à disposition des partis et groupements politiques de Nouvelle-Calédonie. La répartition des temps d’antenne entre les mouvements politiques est faite par la commission de contrôle instituée par le présent article en fonction du nombre de membres du congrès qui ont déclaré se rattacher à chaque parti ou groupement. En tout état de cause, chaque organisation politique autorisée à participer à la campagne ne peut disposer de moins de cinq minutes d’antenne.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel intervient également pour fixer les règles relatives aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions dans le cadre de la campagne officielle. Il adresse aux exploitants des autres services de la communication audiovisuelle autorisés en Nouvelle-Calédonie des recommandations pour l’application des principes définis à l’article premier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. A cet effet, le Conseil supérieur de l’audiovisuel délègue un ou plusieurs de ses membres en Nouvelle-Calédonie pendant la campagne.

·   Bulletins de vote

Le dernier alinéa du paragraphe III dispose que si une enveloppe contient plusieurs bulletins de vote, le vote est nul quand les bulletins portent des réponses contradictoires. En revanche, les bulletins multiples qui portent la même réponse comptent pour un seul.

Le paragraphe V de l’article 209 reprend, pour l’essentiel, l’article L. 66 du code électoral. Il détermine les bulletins de vote qui ne peuvent être pris en compte dans le résultat du dépouillement. Il s’agit des bulletins autres que ceux fournis par l’administration – donc, les bulletins blancs – les bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques. Comme dans l’article L. 66, il est indiqué que ces bulletins sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires. Ils sont contresignés par les membres du bureau de vote.

La Commission a adopté l’article 209 sans modification.

Article 210

Recours

La régularité de la consultation peut être contestée par deux types de requérants en vertu de l’article 210 :

—  tout électeur admis à participer à la consultation ;

—  le haut-commissaire.

Les recours sont exercés devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux. A cet effet, ils sont déposés, soit au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, soit auprès du haut-commissaire, dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats. Le délai qui est laissé aux requérants pour saisir la haute juridiction est semblable à celui prévu par l’article L.O. 180 du code électoral pour les élections législatives. On constatera que le recours peut être porté directement devant le Conseil d’Etat sans passer par l’intermédiaire du greffe du tribunal administratif de Nouméa, à la différence de ce qui est organisé pour la saisine du Conseil constitutionnel à propos des lois du pays. Dans la mesure où la requête en contestation peut être adressée au haut-commissariat, cette absence de parallélisme des formes ne soulève pas de difficulté particulière.

La Commission a adopté l’article 210 sans modification.

Article 211

Fixation des modalités d’application du présent titre
par décret en Conseil des ministres

Comme cela a été le cas pour l’organisation du référendum du 8 novembre 1998, les modalités d’application du présent titre relatif à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté seront définies par un décret en Conseil d’Etat délibéré en Conseil des ministres.

La Commission a adopté l’article 211 sans modification.

TITRE X

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 212

Application des dispositions législatives
et réglementaires

Cet article pose trois principes qui se déclinent dans chacun des trois premiers paragraphes.

En prescrivant que les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date de promulgation de la loi, qui ne sont pas contraires à celle-ci, demeurent applicables, le paragraphe I affirme un principe de continuité.

Celui-ci devant s’accommoder des modifications induites par le nouveau statut, le paragraphe II tient compte de cette évolution, en édictant que les lois, ordonnances et décrets intervenus dans les matières qui relèvent désormais des compétences des autorités de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces peuvent être modifiés par leurs institutions dans les conditions et selon les procédures prévues par la loi organique.

Le paragraphe III introduit un principe de cristallisation des dispositions législatives auxquelles la loi organique renvoie, en prévoyant que ces dispositions législatives s’appliqueront dans la rédaction qui est la leur à la date de la promulgation de la loi organique.

Le paragraphe IV, quant à lui, n’a d’autre vocation que de procéder aux coordinations rendues nécessaires par l’entrée en application de la loi organique. A cet effet, plusieurs références sont modifiées dans les textes législatifs et réglementaires en vigueur : au territoire de la Nouvelle-Calédonie succède la Nouvelle-Calédonie ; l’assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie cède la place au congrès de Nouvelle-Calédonie et enfin l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie est remplacé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 212 sans modification.

Article 213

Succession

Cet article prévoit que la Nouvelle-Calédonie succède au territoire de la Nouvelle-Calédonie dans l’ensemble de ses droits, biens et obligations. Emprunté au droit privé, ce dispositif organise la continuité des droits et obligations entre l’ancienne et la nouvelle collectivité territoriale.

Par parallélisme, le second alinéa de l’article consacre sur les mêmes bases juridiques la succession entre les provinces des îles Loyauté, du Nord et du Sud créées par la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 et les trois mêmes provinces instituées par la nouvelle loi organique.

La Commission a adopté l’article 213 sans modification.

Article 214

Modifications du code des juridictions financières

Le livre II du code des juridictions financières, qui porte sur les chambres régionales et territoriales des comptes, comprend une deuxième partie relative aux dispositions applicables aux territoires d’outre-mer, dont le titre VI précise les dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie. C’est à ce titre que renvoie l’article 198 ci-avant.

Le présent article a pour objet de prendre les mesures de coordination nécessaires pour rendre ces dispositions de nature organique compatibles, en la forme et sur le fond, avec le projet de loi. S’agissant des dispositions de nature législative, la même coordination est opérée par les articles 9 et 10 du projet de loi n° 1228.

L’intitulé de la deuxième partie cesse de faire référence à la notion de territoire, qui ne concerne plus que la Polynésie française.

Les autres modifications portent sur des articles du chapitre III relatif au contrôle des actes budgétaires et de l’exécution des budgets. Elles tendent :

—  à l’article 263-1, à exiger une évaluation sincère des recettes et des dépenses pour considérer que le budget a été voté en équilibre réel ;

—  à l’article 263-2, à donner pouvoir au président de l’assemblée de province, qui en est l’ordonnateur, de liquider et mandater par douzième les dépenses de fonctionnement, si le budget n’est pas exécutoire au 1er janvier, et de mandater les dépenses correspondant aux remboursements en capital d’annuités de la dette ;

—  à l’article 263-3, relatif au budget du territoire, à substituer au haut-commissaire le président du gouvernement, à transposer des modifications à l’article L.O. 263-2 et enfin à prévoir un avis préalable donné par le gouvernement au haut-commissaire avant qu’il établisse le budget, en cas de carence.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant, à l’article L. 263-1, à renforcer la rigueur de la notion de budget de la province en équilibre réel, pour préciser que, des recettes propres prises en compte, sont déduits, non seulement le produit des emprunts, mais aussi les subventions spécifiques d’équipement (amendement n° 113).

Puis elle a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 114 et 115).

La Commission a adopté l’article 214 ainsi modifié.

Article 215

(art. 5 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983)

Jeux de hasard

Cet article doit être rapproché de l’article 35 qui introduit la réglementation relative à l’ouverture des casinos et cercles et à l’autorisation des jeux de hasard et loteries dans le champ des compétences partagées entre la Nouvelle-Calédonie et l’Etat. La dernière phrase prévoit que les décisions individuelles – c’est-à-dire celles relatives à l’ouverture des casinos et cercles et à l’autorisation des jeux de hasard et des loteries – sont prises par le gouvernement. Or aujourd’hui, en vertu de l’article 7 de l’ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui modifie l’article 3 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, « l’autorisation temporaire d’ouvrir au public des locaux spéciaux où seront proposés certains jeux de hasard et les appareils de jeux pourra être accordée dans des conditions fixées par arrêté du représentant de l’Etat dans le territoire ... L’arrêté fixe les conditions dans lesquelles les autorisations sont instruites et délivrées, après avis conforme du conseil municipal, par le représentant de l’Etat dans le territoire en considération d’un cahier des charges établi par ce dernier ».

Au regard des transferts de compétences prévus par l’article 35 précité, les deux phases précédentes sont abrogées par le 1° de l’article ; dans le 2°, les pouvoirs du haut-commissaire sont modifiés en conséquence, celui-ci ne conservant qu’un pouvoir réglementaire limité à la détermination des caractéristiques des communes susceptibles d’accueillir les différentes formes des jeux et à la fixation des règles d’organisation des casinos.

La Commission a adopté l’article 215 sans modification.

Article 216

(art. 137 bis de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984)

Détachement et intégration des fonctionnaires
de Nouvelle-Calédonie

Cet article a pour objet de transférer dans un nouvel article 94-1 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 modifiée l’article 137 bis de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie, ce dernier texte étant abrogé par l’article 220.

L’article 137 bis permet aux fonctionnaires appartenant à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie d’être détachés dans des corps et emplois de l’Etat ou des collectivités territoriales de niveau équivalent à ceux auxquels ils appartiennent et d’y être intégrés.

La Commission a adopté l’article 216 sans modification.

Article 217

(art. 82, 93 et 94 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988)

Coordination et dispositions transitoires

Cet article maintient en vigueur trois articles de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 et y apporte des modifications de coordination.

Ainsi, dans l’article 82 relatif à l’institut de formation des personnels administratifs, à la mention « dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie » » est substituée la mention « en Nouvelle-Calédonie ». A l’article 93, qui crée l’agence de développement de la culture canaque, les références « comité consultatif coutumier » et « territoire » sont remplacées par les références « sénat coutumier » et « de la Nouvelle-Calédonie », le dispositif transitoire du quatrième alinéa étant supprimé. La même substitution des mots « Nouvelle-Calédonie » aux mots « du territoire » est opérée à l’article 94, consacré à l’agence de développement rural et d’aménagement foncier.

Par ailleurs, le dernier alinéa de cet article proroge jusqu’au 31 décembre 1999 les articles 33 à 36 de la loi précitée, qui régissent les versements des dotations de fonctionnement, d’équipement, de la dotation spécifique d’enseignement primaire et d’assistance médicale ainsi que ceux de la dotation spécifique pour les collèges.

La Commission a adopté l’article 217 sans modification.

Article 218

(art. 7 et 12 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992)

Coordination

C’est également à une substitution de termes qu’invite cet article. Il propose en effet de remplacer les références « du congrès de la Nouvelle-Calédonie » dans les articles 7 et 12 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux par les mots « du congrès, du gouvernement et des assemblées de provinces de la Nouvelle-Calédonie ». Sont ainsi rendues applicables aux membres du congrès, du gouvernement et des assemblées de province, les règles qui régissent l’exercice du mandat de conseiller général, telles qu’elles résultent des articles 2 à 7 et 10 à 13 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux.

La Commission a adopté l’article 218 sans modification.

Article 219

Calendrier de la mise en place des institutions
de la Nouvelle-Calédonie

Le premier paragraphe de cet article prévoit que les élections au congrès et aux assemblées de province auront lieu avant le 1er août 1999. Cette disposition permet de préciser le calendrier de la fin de la première partie du processus initié par la signature de l’accord de Nouméa. Une fois les lois organique et ordinaire votées, le Conseil constitutionnel aura à se prononcer au moins sur la première d’entre elles en vertu de l’article 46 de la Constitution. Puis, s’ouvrira la période de campagne électorale qui s’achèvera par les élections au congrès et aux assemblées de province. Ce calendrier serré répond au souhait des signataires de l’accord de Nouméa de voir mis en place, dans les meilleurs délais, le nouveau statut du territoire. Le premier paragraphe prévoit également que le mandat des membres des assemblées de province élues le 9 juillet 1995, conformément à la loi référendaire, expirera le jour de la réunion des assemblées élues en application de la présente loi organique. Cette disposition permet de maintenir un cadre institutionnel en Nouvelle-Calédonie sans solution de continuité.

Le paragraphe II de l’article 219 fixe deux délais : le premier concerne les demandes d’inscription sur les listes électorales spéciales pour les élections de 1999 qui peuvent être formulées au plus tard cinquante jours avant le scrutin ; le second a trait au décret de convocation des électeurs qui doit être publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie neuf semaines avant la date du scrutin.

Le paragraphe III détermine le délai dans lequel sont désignés les conseils coutumiers institués par le présent projet de loi organique. Cette désignation doit intervenir dans les deux mois qui suivent la première réunion du congrès. A cet égard, on rappellera que la dotation spécifique qui permettra aux conseils coutumiers de fonctionner est arrêtée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie. C’est également à lui qu’il appartiendra de fixer les modalités d’indemnisation des membres des conseils coutumiers. Il est donc normal que la désignation des conseils suive celle du congrès. Comme précédemment pour les assemblées de province, les anciennes structures coutumières qui existaient en vertu de l’article 61 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 continueront à exercer leurs attributions jusqu’à la désignation des nouveaux conseils.

Cette désignation est la condition préalable à celle du sénat coutumier. Celui-ci sera installé dans le mois qui suit la première réunion des conseils coutumiers qui désignent chacun deux membres du sénat coutumier. L’article 219 précise également que les dispositions des articles 133 à 135 entrent en vigueur à compter de la première réunion du sénat coutumier. Ces articles organisent les procédures de consultation du sénat par le congrès ou des conseils coutumiers par le sénat.

Enfin, le paragraphe IV de l’article 219 précise que la désignation du conseil économique et social intervient dans les trois mois qui suivent la première réunion des assemblées de province, le comité économique et social institué par l’article 59 de la loi référendaire de 1988 continuant à exercer ses attributions jusqu’à cette date. Ce délai de trois mois tient compte du fait que certains membres du conseil économique et social sont désignés indirectement par les assemblées de province, d’une part, et par le sénat coutumier, d’autre part.

La Commission a adopté l’article 219 sans modification.

Article 220

Abrogations

Cet article débute par une disposition générale qu’on pourrait qualifier de « paresseuse » dans la mesure où elle indique que sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi. Il appartiendra donc à chacun de mesurer, au cas par cas, quelles sont les dispositions que l’on peut considérer comme contraires à la loi organique soumise aujourd’hui au Parlement. Cette méthode d’abrogation n’est pas entièrement satisfaisante dans la mesure où elle laisse aux citoyens et aux juridictions la charge d’interpréter la volonté du législateur. Pour atténuer ce défaut, le présent projet de loi établit une liste non exhaustive de dispositions législatives explicitement abrogées :

—  en tant qu’ils s’appliquent en Nouvelle-Calédonie, les articles 8, 9 et 10 de la loi n° 52-130 du 6 février 1952 relative à la formation des assemblées de groupe et des assemblées locales d’Afrique occidentale et du Togo, d’Afrique équatoriale française et du Cameroun et de Madagascar, et les articles 6, 8 et 9 de la loi n° 52-1310 du 10 décembre 1952 relative à la composition et à la formation du conseil général de Nouvelle-Calédonie et dépendances. Ces dispositions des lois de 1952 ne sont pas totalement abrogées car elles s’appliquent encore à Wallis-et-Futuna ;

—  la loi n° 84-756 du 7 août 1984 relative à la composition et à la formation de l’assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie et dépendances. Elle avait été maintenue dans la loi référendaire en tant qu’elle portait sur le régime d’incompatibilité des élus du congrès. Le présent projet de loi organique reprend complètement cette question, ce qui justifie l’abrogation de cette loi de 1984 ;

—  la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances. Elle avait été maintenue dans certains de ses articles relatifs aux tribunaux administratifs, qui sont aujourd’hui codifiés et intégrés dans le projet de loi ordinaire ;

—  la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, à l’exception de ses articles 80, 81, 82, 93, 94, 94-1, 95 et 96. Toutefois, les articles 33 à 36 restent en vigueur jusqu’au 31 décembre 1999.

Il est normal que la loi référendaire du 9 novembre 1988 soit abrogée. On constate pourtant que quelques uns de ses articles demeurent. Il s’agit des articles 80 et 81 portant dispositions d’ordre pénal, relatifs à l’amnistie des infractions commises à l’occasion des événements précédant les accords de Matignon, à l’exception des crimes d’assassinat. L’article 82 qui est également maintenu porte sur la création de l’Institut de formation des personnels administratifs. L’article 93 relatif à l’Agence du développement de la culture kanak connaît le même sort ainsi que les groupements de droit particulier local, dont la personnalité morale a été reconnue par l’article 95 de la loi référendaire. L’article 94-1 de la loi référendaire demeure. On constate que cet article est introduit dans la loi du 9 novembre 1988 par l’article 216 du présent projet de loi organique qui dispose que l’article 137 bis de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances devient l’article 94-1 de la loi référendaire. Cet article 137 bis prévoit que les fonctionnaires appartenant à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie pourront être détachés dans des corps et emplois de l’Etat ou des collectivités territoriales de niveau équivalent à ceux auxquels ils appartiennent et y être intégrés. Enfin, l’article 96 de la loi référendaire restera en vigueur. C’est un article d’abrogation équivalent au présent article. Le mécanisme utilisé pour l’abrogation des dispositions antérieures atteint ici ses limites évidentes.

Seules deux dispositions de la loi référendaire seront maintenues à titre provisoire jusqu’au 31 décembre 1999. Il s’agit des articles 33 et 34 relatifs à la dotation de fonctionnement des provinces et à la détermination des charges d’enseignement primaire et d’assistance médicale gratuite de chaque province.

La Commission a adopté l’article 220 sans modification.

Article 221

Renvoi à des dispositions réglementaires

Aux termes de cet article, des décrets en Conseil d’Etat fixent, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente loi organique. Cette disposition de caractère général reconnaît au pouvoir réglementaire la possibilité d’adapter un certain nombre de textes pour permettre leur application en Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 221 sans modification.

*

* *

La Commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

DU PROJET DE LOI ORDINAIRE

TITRE PREMIER

LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE ET L’ACTION DE L’ÉTAT

Chapitre Premier

Le Haut-commissaire de la République

Article premier

Compétences du haut-commissaire de la République

Dans la mesure où ils ont un rapport avec le statut de la Nouvelle-Calédonie et le fonctionnement de ses institutions, les pouvoirs du haut-commissaire sont définis par la loi organique. C’est le cas, en particulier, du contrôle de légalité qu’il exerce sur les actes des autorités de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces.

Le présent article ne traite donc que des compétences du haut-commissaire en ce qu’elles concernent l’action de l’Etat.

Il prévoit d’abord que le haut-commissaire assume l’exécution des lois et décrets, et prend des règlements dans les matières relevant de sa compétence. En outre, c’est à lui que revient le soin d’assurer, au nom de l’Etat, dans les conditions prévues par la législation ou la réglementation en vigueur, le contrôle des organismes ou personnes publics ou privés bénéficiant de subventions ou contributions de l’Etat. Il est l’ordonnateur des recettes et des dépenses civiles de l’Etat et peut déléguer ses pouvoirs en cette matière à des fonctionnaires relevant de son autorité. En matière de défense, il exerce les fonctions prévues par la législation et la réglementation en vigueur. Il peut proclamer l’état d’urgence dans les conditions prévues par les lois et décrets Il en informe alors le président de l’assemblée de province concernée, le président du congrès et le président du gouvernement, et en rend compte également au ministre chargé de l’outre-mer.

S’agissant des moyens dont dispose le haut-commissaire pour remplir sa mission, l’article premier apporte trois précisions. Il est représenté dans chaque province par un commissaire délégué de la République. Il peut déléguer sa signature. Dans toutes ses fonctions, il est assisté par un secrétaire général du haut-commissariat nommé par décret, auquel il peut déléguer une partie de ses attributions et qui le supplée en cas d’absence ou d’empêchement.

La Commission a adopté l’article premier sans modification.

Article 2

Publication par le haut-commissaire des décisions
ressortissant à la compétence de l’Etat

Cet article n’a autre objet que de donner compétence au haut-commissaire pour publier au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie les décisions ressortissant à la compétence de l’Etat.

La Commission a adopté l’article 2 sans modification.

Chapitre II

L’action de l’Etat pour le rééquilibrage et
le développement économique et social

Article 3

Cadre de l’action de l'Etat pour
le développement économique

1)  Le premier paragraphe de cet article permet à l’Etat et aux communes de conclure des contrats dans le domaine économique, social et culturel.

Bien qu’il existe un contrat de ville entre la ville de Nouméa et l’Etat, signé le 18 février 1993 pour une durée de cinq ans, qui concerne surtout la construction et des actions de prévention contre l’exclusion, les communes ont souvent été considérées comme les « oubliées » du statut de 1988 considéré d’inspiration très « provincialiste ». En particulier, leurs moyens financiers propres souvent très limités placent les communes sous la tutelle des provinces et du territoire dès qu’elles veulent engager des opérations d’envergure. Les communes réclament depuis longtemps la possibilité de conclure des contrats de développement avec l’Etat. A l’exemple de ce qui s’est passé avec les provinces, la démarche contractuelle ainsi engagée permettra de mieux responsabiliser les acteurs locaux. Cette logique est cohérente avec l’accroissement des compétences des communes prévu au point 2.4 de l’accord de Nouméa : « Les compétences des communes pourront être élargies en matière d’urbanisme, de développement local, de concessions de distribution d’électricité et de fiscalité locale. ».

Il semble que les politiques d’investissement menées par les provinces, notamment dans le cadre des contrats de développement, le territoire, l'Etat, voire les communes, ont parfois manqué de cohérence. Les communes ont souvent pâti de cette cohérence insuffisante. L’exigence d’une coordination accrue et d’une perspective pluriannuelle de programmation des investissements rend nécessaire la création d’un schéma d’aménagement de la Nouvelle-Calédonie. Le rapporteur a indiqué qu’il déposerait un amendement dans ce sens lors de la réunion que tiendra la commission en application de l’article 88 du Règlement.

2)  Le point II de l’article dresse la liste des objectifs que pourront viser les contrats conclus entre l’Etat et les communes. Ils sont identiques à ceux mentionnés à l’article 201 du projet de loi organique fixant le cadre des contrats de développement conclus entre l'Etat d’une part, et la Nouvelle-Calédonie et les provinces d’autre part. Cette identité d’objectifs fonde donc la nécessité d’une coopération étroite entre tous les niveaux d’administration concernés.

3)  Le III autorise l’Etat à verser des dotations et des avances à des « organismes de financement » pour permettre la participation au capital d’entreprises. Le terme « organismes de financement » fait référence à l’institut calédonien de participation (I.C.A.P.),. Cette disposition succède, en des termes quasiment identiques, à l’article 86 de la loi du 9 novembre 1988. On notera que l’I.C.A.P. n’est pas un organisme statutaire et qu’il n’est donc pas mentionné dans la loi.

4)  Le IV autorise l’Etat à céder les actions qu’il détient, directement ou indirectement, dans des sociétés exerçant principalement leurs activités en Nouvelle-Calédonie. Cet article permettrait notamment de satisfaire, par la vente d’actions à la Nouvelle-Calédonie, au point 4.4 de l’accord de Nouméa intitulé « Le contrôle des outils de développement » qui prévoit : « Lorsque les organismes n’interviennent pas seulement en Nouvelle-Calédonie, celle-ci devra disposer des moyens de faire valoir ses orientations stratégiques en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie par une participation dans le capital ou les instances dirigeantes ».

Cet article doit permettre la cession directe à la Nouvelle-Calédonie de certaines entreprises comme ENERCAL ou l’I.C.A.P.

La Commission a adopté un amendement d’ordre rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 1).

Elle a ensuite adopté l’article 3 ainsi modifié.

TITRE II

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX COMMUNES, SYNDICATS MIXTES
ET SOCIÉTÉS D’ÉCONOMIE MIXTE

Article 4

Extensions des compétences des communes
en matière de documents d’urbanisme

L’article 21 du projet de loi organique prévoit la compétence du congrès pour la fixation des « principes directeurs du droit de l’urbanisme ».

Conformément au 11° de l’article 9 de la loi du 9 novembre 1988, cette compétence était déjà exercée par des délibérations du congrès; l’article 24 - 2 de cette loi permettait à l’assemblée de province de donner compétence au maire pour l’instruction et la délivrance des autorisations individuelles et certificats d’urbanisme.

Dans le cadre des règles générales d’urbanisme définies à l’article 21, cet article accorde aux maires de Nouvelle-Calédonie, comme c’est le cas en métropole depuis l’entrée en application de la décentralisation, la délivrance des autorisations de construire et les certificats d’urbanisme. Il pose deux conditions :

—  En premier lieu, comme en métropole, cette compétence est subordonnée à l’existence d’un « document d’urbanisme approuvé ». En effet, selon les termes de l’article 49 du projet de loi organique, l’assemblée de province approuve le document d’urbanisme présenté par la commune.

—  La deuxième condition est « l’absence de délibération contraire du conseil municipal ».

L’extension des compétences des maires respecte le point 2.4 des accords de Nouméa qui prévoit notamment que : « Les compétences des communes pourront être élargies en matière d’urbanisme ».

La Commission a adopté l’article 4 sans modification.

Article 5

(art. L. 122-20 du code des communes)

Octroi du droit de préemption aux communes

L’objet de cet article est de donner aux maires des communes de Nouvelle-Calédonie le droit de préemption. Cette compétence, aux termes de l’article L. 122-20 du code des communes, rendu applicable en Nouvelle-Calédonie par la loi n° 77-744 du 8 juillet 1977, est attribuée « par délégation du conseil municipal ».

Le rapporteur a présenté un amendement précisant que les droits de préemption définis par les règlements d’urbanisme sont exercés par le maire sans préjudice des droits de préemption de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier, qu’il a retiré après que M. Pierre Frogier eut fait valoir que les droits de préemption de l’A.D.R.A.F. s’exercent hors zones urbaines.

La Commission a adopté l’article 5 sans modification.

Article 6

Action foncière des communes en faveur
du développement économique

Au travers de cet article, qui autorise les communes à vendre ou louer des terrains ou bâtiment, en accordant le cas échéant des rabais, les communes de Nouvelle-Calédonie pourront utiliser l’outil foncier afin d’encourager l’activité économique.

Deux dispositions visent à éviter des excès :

—  un décret en conseil d’Etat fixera les modalités d’application de l’article ;

—  les communes pourront agir uniquement « lorsque leur intervention a pour objet la création ou l’extension d’activités économiques ».

Cette disposition est similaire à celle qui résulte de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, qui autorise l’octroi de rabais par les collectivités locales lors de leurs opérations foncières.

La Commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7

(art. L. 1522-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales)

Régime des sociétés d’économie mixte

L’article 52 du projet de loi organique pose le principe de la participation de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces à des sociétés d’économie mixte.

Le présent article du projet de loi vise à soumettre les sociétés d’économie mixte de la Nouvelle-Calédonie aux dispositions des articles L. 1522-1 à L. 1522-3 du code général des collectivités territoriales. Ces articles concernent notamment la composition du capital de la société d’économie mixte, les conditions des prises de participation des collectivités territoriales, leurs modalités d’intervention et les conditions d’administration de ces organismes.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que les sociétés d’économie mixte déjà créées devront, à partir du 1er janvier 2000, se conformer aux dispositions des articles L. 1522-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales (amendement n° 2).

Puis elle a adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 8

Conditions de fonctionnement des syndicats mixtes

L’objet de cet article est de soumettre les syndicats mixtes auxquels participent la Nouvelle-Calédonie ou ses provinces à des dispositions du code général des collectivités territoriales qui définissent :

—  l’objet du syndicat mixte (art. L. 5721-5) ;

—  le principe de la publicité des comptes du syndicat mixte (art. L. 5721-6) ;

—  les conditions de sa dissolution (art. L. 5721-7) ;

—  la mise à disposition du public des documents budgétaires (deuxième alinéa de l’article L. 5722-1) ;

—  l’obligation du compte rendu des acquisitions et ventes du syndicat mixte (art. L. 5722-3) ;

—  les conditions de cessions d’immeubles ou de droits réels immobiliers (art. L. 5722-4).

Les dispositions visées s’appliquent aux syndicats mixtes associant des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales et d’autres personnes morales de droit public.

Cet article, qui complète l’article L. 166-1 du code des communes, qui reste applicable en Nouvelle-Calédonie, n’appelle pas de commentaires particuliers.

La Commission a adopté l’article 8 sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPTES

Compte tenu des mesures d’adaptation et de coordination figurant à l’article 214 de la loi organique, les articles 9 et 10 prévoient le régime, respectivement, des comptables des communes et de leurs établissements publics, ainsi que du jugement des comptes et de l’examen de la gestion des différents échelons de personnes publiques de Nouvelle-Calédonie. Ils renvoient aux dispositions actuellement applicables.

Article 9

Comptables des communes
et de leurs établissements publics

Cet article est complémentaire du second alinéa de l’article 200 du projet de loi organique n° 1229. Il se borne à confirmer l’application, aux comptables des communes et de leurs établissements publics , des dispositions actuellement en vigueur du quatrième chapitre, relatif aux comptables, du titre VI du code des juridictions financières portant sur la Nouvelle-Calédonie. Ne concernent ces comptables que l’article L. 264-3, relatif à leur prestation de serment et les articles L. 264-6 et L. 264-7, qui excluent l’appréciation de l’opportunité du paiement et prévoient le régime des ordres de réquisition que peut leur adresser le maire ou le président d’établissement public.

La Commission a adopté l’article 9 sans modification.

Article 10

Contrôle des comptes et de la gestion

Cet article, de portée plus générale que le précédent, soumet globalement le jugement des comptes et l’examen de la gestion de l’ensemble des personnes publiques de Nouvelle-Calédonie aux dispositions actuelles à caractère législatif du titre VI du livre II du code des juridictions financières. Compte tenu du premier alinéa de l’article 200 du projet de loi organique, l’ensemble des articles de ce code propres à la Nouvelle-Calédonie seraient ainsi modifiés et rendus applicables en coordination avec le nouveau dispositif institutionnel.

La Commission a adopté l’article 10 sans modification.

TITRE IV

DISPOSITIONS APPLICABLES AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NOUVELLE-CALÉDONIE

Article 11

(art. L. 2-2, L. 2-5 et L. 2-6 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel)

Fonctionnement du tribunal administratif
de Nouvelle-Calédonie

Article L. 2-2 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel

L’article L. 2-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel institue un régime dérogatoire pour le fonctionnement des tribunaux administratifs des départements d’outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en permettant à des magistrats de l’ordre judiciaire de siéger dans ces juridictions, soit à titre permanent, soit comme suppléants.

L’article 127 de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances a fait bénéficier le tribunal administratif de ces règles, en l’autorisant à faire appel, en cas d’absence ou d’empêchement d’un de ses membres –  au nombre de trois  – à un magistrat du ressort de la cour d’appel de Nouméa.

L’article 11, 1° propose d’insérer cette disposition à l’article L. 2-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Article L. 2-5 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel

L’insertion, à travers le 2° de l’article, d’un article L. 2-5 dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives répond au double souci de rendre applicables à la Nouvelle-Calédonie des articles de ce code et de codifier cette application.

Reçoivent ainsi application à travers ce nouvel article L. 2-5, les articles L. 1er, L. 3, L. 4, premier alinéa, et L. 5 à L. 8 de ce même code.

Aux termes de l’article 128 de la loi du 6 septembre 1984 les jugements du tribunal administratif de Nouméa étaient déjà assujettis aux règles posées par l’article L. 4, alinéa premier, qui prévoit que les formations de jugement sont en nombre impair, l’article L. 5 sur la récusation des juges, l’article L. 6 sur la garantie du secret des délibérations, l’article L. 7 sur la protection des discours parlementaires par l’immunité parlementaire, ainsi que l’article L. 8 sur le caractère exécutoire des jugements des tribunaux administratifs. Le nouvel article L. 2-5 applique en outre à la Nouvelle-Calédonie l’article L. 1er, au terme duquel, les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel rendent leurs jugements au nom du peuple français ainsi que l’article L. 3 attribuant aux tribunaux administratifs une double compétence de jugement, en premier ressort et de conciliation.

On observera que des dispositions strictement identiques sont applicables au tribunal administratif de Papeete.

Article L. 2-6 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d’appel

De même que ses formations de jugement peuvent être élargies aux magistrats de l’ordre judiciaire, le 2° de l’article 11 a pour objet de permettre au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de faire appel à des magistrats de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, détachés dans des fonctions autres que juridictionnelles, pour exercer la mission consultative que lui confère l’article 197 du projet de loi organique. Les conditions de la participation de ces magistrats devraient être définies par décret en Conseil d’Etat.

On observera que, malgré les dispositions de cet article, l’idée de faire appel au tribunal administratif de Nouméa pour émettre des avis à la demande des autorités locales a été écartée par la Commission, qui a jugé préférable que les demandes d’avis soient transmises au Conseil d’Etat.

Par coordination avec sa décision de transférer la fonction consultative du tribunal administratif de Nouméa au Conseil d’Etat, la Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une nouvelle rédaction du 2° afin de supprimer toute référence au concours de magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire (amendement n° 3).

La Commission a adopté l’article 11 ainsi modifié.

TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉLECTIONS,
AU CONGRÈS ET AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE

Article 12

Déclaration de candidature

Cet article détermine les conditions de déclaration de candidature pour les élections au congrès et aux assemblées de province. Il fixe également les mentions qui doivent apparaître dans cette déclaration.

Le paragraphe I de l’article 12 prévoit que la déclaration de candidature collective est revêtue de la signature de tous les candidats. C’est auprès des services du haut-commissaire qu’elle est déposée au plus tard le vingt et unième jour précédant la date du scrutin. A défaut de la signature de l’un des candidats, une procuration émanant de celui-ci peut être produite. Il est donné au déposant un reçu provisoire de la déclaration. Ces dispositions sont classiques en matière de droit électoral ; elles sont similaires à celles des articles L. 346 et L. 347 du code électoral relatifs à la déclaration de candidature pour les élections régionales.

Le paragraphe II de cet article établit les mentions obligatoires contenues dans la déclaration. Doivent apparaître : la circonscription électorale dans laquelle la liste se présente ; les noms, prénoms, dates et lieux de naissance des candidats ; le titre de la liste (dans une même circonscription, plusieurs listes ne peuvent avoir le même titre) ; le cas échéant, la couleur et l’emblème choisis par la liste pour ses bulletins de vote. On notera que la possibilité d’utiliser des bulletins de vote de couleur est une tradition propre aux territoires d’outre-mer. Elle permet aux citoyens qui ont des difficultés à lire d’exercer pleinement leur droit de vote. L’article 18 du présent projet de loi ordinaire prévoit la possibilité de bulletins de couleur en dérogation à l’article L. 66 du code électoral qui l’interdit en métropole. La loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 relative à l’élection des députés des territoires d’outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte a prévu également une telle mesure dans son article 5. L’article indique également que la couleur des bulletins de vote doit être différente de celle des cartes électorales afin d’éviter d’éventuelles confusions.

Le paragraphe III de cet article vise l’hypothèse prévue par l’article 182 du projet de loi organique, à savoir l’impossibilité de faire face à la vacance d’un siège en recourant à un suivant de liste. Dans ce cas, il est procédé à une élection au scrutin uninominal. Les conditions d’enregistrement des candidatures sont alors les mêmes que pour les élections à la proportionnelle. Néanmoins, d’éventuelles adaptations imposées par la nature propre de ce mode de scrutin pourraient être déterminées par voie réglementaire.

La Commission a adopté l’article 12 sans modification.

Article 13

Enregistrement de la déclaration de candidature

Cet article reprend des dispositions classiques du code électoral en matière d’enregistrement des déclarations de candidature. Le haut-commissaire procède à cet enregistrement si les conditions auxquelles elle est soumise sont remplies. Le refus d’enregistrement est motivé, ce qui constitue une garantie pour les personnes qui procèdent à une déclaration de candidature. Là encore, le cas des candidatures pour un scrutin uninominal est soumis aux mêmes conditions d’enregistrement, sous réserve des adaptations imposées par la nature de ce mode de scrutin.

Le haut-commissaire délivre, dans les trois jours du dépôt de la déclaration, un récépissé définitif. Si une liste non enregistrée ou, en cas de scrutin uninominal, un candidat dont la déclaration n’a pas été enregistrée, obtiennent des votes lors de l’élection, ceux-ci sont considérés comme nuls.

La Commission a adopté l’article 13 sans modification.

Article 14

Contestation du refus d’enregistrement

L’objet de cet article est d’organiser la possibilité d’exercer un recours devant le tribunal administratif contre la décision de refus d’enregistrement d’une candidature. Il s’appuie sur les dispositions du code électoral modifiées à la marge pour tenir compte des spécificités de la Nouvelle-Calédonie. Le candidat placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d’un délai de quarante-huit heures pour contester la décision de refus. Ce délai est identique à celui prévu à l’article L. 351 du code électoral pour les élections régionales. La décision du tribunal administratif doit intervenir dans les trois jours qui suivent le recours. Elle ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours contre l’élection.

Lorsque le refus d’enregistrement décidé par le haut-commissaire est motivé par l’inobservation des dispositions relatives aux inéligibilités ou par la présence d’un candidat sur plusieurs listes ou dans plusieurs provinces, la liste dispose de quarante-huit heures pour se compléter. Ce délai court à compter du refus d’enregistrement ou de la décision du tribunal administratif confirmant ce refus.

Le dernier alinéa de cet article envisage le cas où le tribunal administratif n’aurait pas statué dans les délais qui lui sont impartis. Dans cette hypothèse, on considère que l’absence de décision du tribunal administratif bénéficie aux requérants, leur candidature étant enregistrée automatiquement.

La Commission a adopté l’article 14 sans modification.

Article 15

Accès à la télévision et à la radio pendant la campagne électorale

L’objet de cet article est d’organiser la campagne radiophonique et télévisuelle pour les élections au congrès et aux assemblées de province. A cet égard, il est le pendant de l’article 209 du projet de loi organique qui fixe des règles proches pour les campagnes relatives aux consultations sur l’accession à la pleine souveraineté.

Le premier alinéa pose le principe de la mise à disposition des listes des antennes de la société nationale chargée du service public de la communication audiovisuelle outre-mer. On ne renvoie pas ici directement à R.F.O., qui assume actuellement cette mission de service public, dans la mesure où rien ne dit que dans quinze ou vingt ans, cette société aura conservé sa dénomination.

Le paragraphe I de l’article 15 organise l’accès à l’antenne des listes présentées par les partis et groupements politiques représentés au congrès et aux assemblées de province. La durée totale des émissions diffusées dans le cadre de la campagne électorale est de trois heures à la télévision ainsi qu’à la radio. Cette durée totale est répartie par le conseil supérieur de l’audiovisuel entre les différentes listes en fonction de la représentation des partis et groupements politiques au congrès. Pour établir le lien entre une liste et un parti présent dans l’assemblée de Nouvelle-Calédonie, il est nécessaire que chaque élu du congrès déclare son rattachement à une liste électorale. Cette déclaration doit intervenir au plus tard deux mois avant la date d’expiration du mandat du congrès. Ce délai permet d’éviter les manœuvres de dernière minute qui pourraient perturber le scrutin.

Il est prévu également que les listes peuvent décider d’utiliser en commun leur temps de parole. Cette disposition permet à des formations politiques distinctes mais proches de mener en commun leur campagne audiovisuelle et radiophonique. Enfin, le paragraphe I de cet article indique que chaque liste dispose d’au moins cinq minutes aussi bien à la télévision qu’à la radio.

Le paragraphe II arrête le dispositif de la campagne audiovisuelle et radiophonique pour les formations qui ne sont pas représentées au congrès. Une durée totale d’émission de trente minutes est mise à leur disposition tant à la télévision qu’à la radio. Cette durée globale est répartie entre chacune des listes à part égale. Une liste ne peut bénéficier de plus de cinq minutes d’émission.

L’ensemble de ce dispositif est proche, dans son esprit, de celui organisé par l’article 19 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

Aux termes du paragraphe III de l’article 15, il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de fixer les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions de la campagne électorale. Dans ce cadre, cette autorité adresse des recommandations aux exploitants des services de communication audiovisuelle autorisés en Nouvelle-Calédonie qui ne sont pas chargés du service public. En outre, elle désigne un représentant sur le territoire pendant toute la durée de la campagne.

Le dernier paragraphe de cet article traite du cas particulier des élections partielles consécutives à l’annulation globale des opérations électorales dans une circonscription ou à la dissolution d’une assemblée de province. Ces hypothèses, qu’on imagine fort rares, découleraient de l’application des articles 182 et 161 du projet de loi organique. Dans le cas de telles élections partielles, le temps d’antenne est réduit dans les proportions suivantes : de trois heures à une heure pour les listes parrainées par des partis représentés au congrès ; de trente minutes à quinze minutes pour les autres listes. Cette réduction du temps global d’émission est justifiée par le caractère partiel de ces élections qui ne concernent pas l’ensemble du territoire. Le maintien cependant d’une campagne télévisée et radiophonique est justifié par le fait qu’une élection dans une province a des conséquences sur le fonctionnement du congrès. Ce paragraphe réduit également le délai pendant lequel doit être présentée la déclaration individuelle de rattachement à une liste faite par chaque élu sortant du congrès. Il passe de deux mois à huit jours.

La Commission a adopté l’article 15 sans modification.

Article 16

Remboursement de frais de campagne

L’objet de cet article est de prévoir le remboursement de diverses dépenses engagées par les listes lors de la campagne électorale : le coût du papier, l’impression des bulletins de vote, des affiches, des circulaires et des frais d’affichage. Seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés bénéficient de ce remboursement. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie fixe par arrêté le barème et les modalités suivant lesquels ces dépenses sont remboursées par l’Etat. On notera que c’est l’Etat qui prend en charge financièrement ces dépenses, alors que ce n’est pas lui qui détermine le barème des remboursements. C’est également à l’Etat qu’il revient d’assumer les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle. Le terme « audiovisuel » renvoie évidemment à la fois aux émissions télévisées et radiophoniques.

La Commission a adopté l’article 16 sans modification.

Article 17

Plafonnement des dépenses électorales

La loi n° 92-556 du 25 juin 1992 portant extension aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses dispositions intervenues en matière électorale, a institué des plafonds de dépenses électorales pour les élections aux assemblées de province en Nouvelle-Calédonie et des règles particulières pour les frais de transport.

· Les plafonds de dépenses électorales

Les plafonds de dépenses étaient déterminés en francs par l’article 28 de cette loi, inséré dans la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques. Afin de tenir compte de la monnaie locale (le franc C.F.P.), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a accepté la présentation des comptes de campagne en monnaie locale, les plafonds de dépenses déterminés étant convertis en francs C.F.P.

Toutefois cet article 28 a été modifié par l’article 6 de l’ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d’outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. Celui-ci introduit en effet un régime dérogatoire pour la Nouvelle-Calédonie par le biais d’une modification de l’article 75 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988. Cette dérogation vise à instituer un plafonnement des dépenses électorales pour les élections aux assemblées de province, par référence à l’article L. 52-11 du code électoral qui fixe les règles de droit commun du plafonnement des dépenses électorales en métropole.

Identique aux seuils applicables aux élections à l’assemblée de Polynésie française, le plafond par habitant qui a été retenu dans cette ordonnance est le suivant :

Fraction de la population
de la circonscription

Plafond par habitant
(en francs C.F.P.)

n’excédant pas 15.000 habitants

127

de 15.001 à 30.000 habitants

100

de 30.001 à 60.000 habitants

91

de plus de 60.000 habitants

64

Après une conversion en francs français on relève :

—  que, pour tenir compte de la modification de la législation sur le financement des campagnes électorales résultant de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 accordant un remboursement forfaitaire aux candidats, ce plafond est en diminution par rapport à l’ancien ;

—  que par comparaison avec les plafonds métropolitains, il se situe entre le plafond des dépenses électorales des élections régionales et celui des élections municipales pour le premier tour.

L’article 17 du projet de loi reprend ces seuils pour les appliquer non seulement aux élections aux assemblées de province mais également aux élections au congrès. Leur actualisation pour tenir compte de l’évolution du coût de la vie suit les règles fixées par l’article L. 52-11 du code électoral.

· Les frais de transport

L’article 24 de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques exclut du plafond de dépenses électorales les frais de transport maritime et aérien, dûment justifiés, exposés par les candidats aux élections législatives à l’intérieur de chacun des différents départements et territoires d’outre-mer. L’article 31 de cette même loi, dans sa rédaction issue de l’article 8 de la loi n° 92-556 du 25 juin 1992 portant extension aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses dispositions intervenues en matière électorale, étend les règles de l’article 24 aux élections territoriales dans les territoires d’outre-mer. Par conséquent si des comptes de campagne font apparaître un dépassement du plafond légal de dépenses, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques vérifie que le dépassement provient des frais de transport maritime et aérien et le dépassement autorisé par la loi ne donne pas lieu au rejet du compte.

Cette règle est non seulement maintenue mais complétée, puisqu’elle est rendue applicable aux élections au congrès.

La Commission a adopté l’article 17 sans modification.

Article 18

Bulletins non comptabilisés

L’objet de cet article est de déterminer les bulletins qui, lors du dépouillement, ne seront pas comptabilisés pour les élections des membres du congrès et des assemblées de province. Il s’agit des bulletins blancs, des bulletins manuscrits, des bulletins qui ne contiennent pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, des bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe, dans des enveloppes non réglementaires ou dans des enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, des bulletins imprimés sur un papier d’une couleur autre que celle qui est indiquée sur la déclaration de candidature, des bulletins portant des signes autres que l’emblème imprimé qui a pu être mentionné sur la même déclaration et des bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou des tiers.

La Commission a adopté l’article 18 sans modification.

Article 19

Dispositions du code électoral applicables
à l’élection des membres du congrès et des assemblées de province

Cet article dispose que les chapitres Ier et III à VIII du titre Ier du livre Ier du code électoral sont applicables aux élections en Nouvelle-Calédonie. Cette partie du code porte sur les dispositions communes à l’élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux. Le chapitre II du titre Ier du livre Ier porte sur les listes électorales. Il est applicable à la Nouvelle-Calédonie comme le prévoit l’article 190 du projet de loi organique, sous réserve des dispositions relatives aux restrictions du corps électoral.

Sont également applicables en Nouvelle-Calédonie les articles L. 351 à L. 354, L. 359, L. 361 à L. 363 du code électoral. Ces articles sont relatifs aux déclarations de candidature, aux conditions d’organisation de la propagande électorale et au contentieux.

Le paragraphe II de l’article 19 prévoit également les modalités d’adaptation du code électoral en Nouvelle-Calédonie en substituant aux termes habituellement employés en métropole – comme par exemple celui de préfet – les termes adaptés sur le territoire – comme celui de haut-commissaire.

La Commission a adopté l’article 19 sans modification.

TITRE VI

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 20

Substitution de références

L’unique objet de cet article est de tirer les conséquences de la nouvelle terminologie issue du projet de loi organique. Est substituée à la référence au « territoire de la Nouvelle-Calédonie » celle de « Nouvelle-Calédonie », tandis que le « congrès de la Nouvelle-Calédonie » succède à « l’assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie » et que l’« exécutif » est remplacé par le « gouvernement » de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission a adopté l’article 20 sans modification.

Article 21

Service public pénitentiaire


(art. 7 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987)

Cet article applique à la Nouvelle-Calédonie la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, à l’exception des dispositions issues des articles 717 et 719 du code de procédure pénale, qui déterminent, en fonction de la nature de la peine, les établissements dans lesquels les condamnés exécutent leur peine d’emprisonnement.

La Commission a adopté l’article 21 sans modification.

Article 22

Admission en Nouvelle-Calédonie

L’admission en Nouvelle-Calédonie est aujourd’hui régie par un décret du 13 juillet 1937 du président de la République, celui-ci agissant comme législateur colonial sur la base de l’article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854, qui autorisait le chef de l’Etat à régir par décret les colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. Les ressortissants français doivent fournir aujourd’hui à l’entrée une pièce d’identité, un biller aller-retour ou une caution d’un montant égal au prix du retour et une fiche de débarquement. Les étrangers sont assujettis aux mêmes obligations, l’exigence d’un passeport en cours de validité et d’un visa pour les nationaux des pays qui y sont soumis se substituant à la carte d’identité ou au passeport requis des nationaux. En revanche certaines catégories de personnes et leurs familles sont dispensées de cette obligation de billet de retour ou de caution : il s’agit évidemment des originaires de la Nouvelle-Calédonie, des propriétaires fonciers et des agriculteurs, des commerçants, des propriétaires d’industries ou de mines et des salariés des professions précédentes, des professions libérales et de voyageurs en transit pour un séjour supérieur à trois mois.

L’accord de Nouméa prévoit que « la réglementation sur l’entrée des personnes non établies en Nouvelle-Calédonie sera confortée ». C’est dans cette perspective que l’article 22 renvoit à un décret en Conseil d’Etat le soin de reprendre des dispositions inspirées de celles du décret du 13 juillet 1937. A cet effet, il devra fixer les modalités selon lesquelles tout voyageur, pour être admis en Nouvelle-Calédonie, devra, soit produire un titre de transport lui permettant de quitter le territoire, soit une caution de rapatriement. A défaut, l’intéressé devra laisser en consignation au trésor public une somme égale au montant du billet de retour. A l’instar du décret du 13 juillet 1937, ces règles ne seraient applicables ni aux citoyens de la Nouvelle-Calédonie ni aux personnes qui y résident habituellement, ni aux agents publics civils et militaires affectés en Nouvelle-Calédonie, ni aux salariés munis d’un contrat de travail, ni, enfin, aux navigateurs.

L’édiction d’une telle réglementation répond notamment à la volonté de lutter contre l’immigration clandestine qui est une réalité en Nouvelle-Calédonie. En effet, les ressortissants du Vanuatu seraient entre plusieurs centaines et 2.000 à séjourner irrégulièrement aujourd’hui sur le territoire. Les procès-verbaux de constat d’infraction au séjour sont peu nombreux et les moyens de coercition pour faire échec à ces séjours clandestins peu fréquemment utilisés. Il est vrai qu’historiquement, les liens entre les îles de la région sont forts et anciens. Mais la lutte contre cette immigration passe sans doute davantage par une refonte des textes relatifs aux mesures d’éloignement et par l’engagement d’une réflexion dans le cadre des compétences partagées en la matière entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, que par la consécration de règles dont les fondements juridiques sont très contestables.

La réglementation envisagée semble en effet contraire au principe de la liberté d’aller et venir. Le Conseil d’Etat exerce en la matière un contrôle vigilant. Ainsi, il a annulé une délibération de l’assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie qui subordonnait la possibilité pour toute personne de quitter le territoire à la production d’un document attestant la régularité de sa situation fiscale (18 mars 1983, Faure). Il a procédé de même, à propos d’une disposition du budget du territoire de la Polynésie française instituant une taxe de sortie (9 novembre 1992, président du gouvernement du territoire de la Polynésie française et président de l’assemblée territoriale de la Polynésie française). Enfin, et surtout, il a annulé le refus du gouvernement d’abroger cinq articles du décret-loi du 27 avril 1939 réglementant l’admission et le séjour des Français en Polynésie française, au motif qu’ils apportaient à la liberté de circulation des restrictions qui n’étaient pas justifiées par des nécessités propres à ce territoire (20 décembre 1995, Mme Vedel et M. Jannot).

Or, ces restrictions étaient identiques à celles qu’il est envisagé d’instituer par cet article, à savoir l’obligation de production d’une pièce d’identité et l’exigence de dépôt auprès du trésor public d’une somme de 6.000 F pour les personnes qui n’étaient pas munies d’un billet de retour.

On peut donc légitimement penser que l’article 22 a pour objet de valider préventivement le décret de 1939, dont la légalité est aujourd’hui contestée devant le Conseil d’Etat.

La disposition proposée est-elle cependant conforme à la Constitution ?

Sans doute, a-t-on pu admettre que les nécessités propres des territoires d’outre-mer, fondées sur l’article 74 de la Constitution, puissent justifier certaines limitations à la liberté d’aller et venir. Le Conseil constitutionnel a accepté de son côté que l’autorité administrative puisse imposer une déclaration préalable à la sortie du territoire pour certaines catégories de personnes dans un souci de protection de la sécurité nationale (93-325 DC, 13 août 1993). Mais il ne s’agissait pas d’une réglementation de portée générale.

Faut-il considérer que les dispositions précitées de l’accord de Nouméa peuvent fonder une réglementation de l’entrée en Nouvelle-Calédonie qui apporte à la liberté de circulation des personnes une atteinte aussi générale ? Cela est certainement douteux.

On ajoutera que le principe de la liberté d’aller et venir est égalemen garanti par des conventions internationales. L’article 2 du protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l’homme du 16 septembre 1963 et l’article 12-1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 prévoient en effet que « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ».

Pour ces raisons, sur la proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement tendant à la suppression de l’article 22 (amendement n° 4).

Article 23

Renvoi à des décrets en Conseil d’Etat

Cet article renvoie à des décrets en Conseil d’Etat le soin de déterminer, en tant que de besoin, les modalités d’application de cette loi.

La Commission a adopté l’article 23 sans modification.

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La Commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter l’ensemble du projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1229) et l’ensemble du projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 1228) modifiés par les amendements figurant aux tableaux comparatifs dans le tome II du présent rapport.

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N° 1275– Rapport de M. René Dosières (au nom de la commission des lois) sur :
– le projet de loi organique (n° 1229) relatif à la Nouvelle-Calédonie ;
– le projet de loi (n° 1228) relatif à la Nouvelle-Calédonie .
Tome I : exposé général, audition, discussion générale, examen des articles.

() Ordonnance n° 82-877 du 15 octobre 1982 instituant des assesseurs coutumiers dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances au tribunal civil de première instance et à la cour d’appel.