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mis en distribution
le 11 juin1999

 
 

N° 1680
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N° 407
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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 8 juin 1999.

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI portant création d'une couverture maladie universelle

PAR M. Jean-Claude BOULARD,

PAR M.Charles DESCOURS,

Député.

Sénateur.

La commission mixte paritaire a d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a nommé :
- M. Jean Delaneau, sénateur, président ;
- M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;
- M. Charles Descours, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Jean-Claude Boulard, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Jean Delaneau, président, a proposé que chacun des rapporteurs rappelle la position de l'assemblée à laquelle il appartenait. Il a également invité MM. Claude Huriet, sénateur, et Alfred Recours, député, qui étaient rapporteurs, pour leur assemblée respective, du titre IV du projet de loi, à compléter, le cas échéant, les propos des rapporteurs.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat avaient montré que l'objectif d'assurer une couverture complémentaire aux personnes titulaires des revenus les plus faibles était unanimement partagé, ce qui suggérait qu'il serait également possible de parvenir à un accord sur les modalités de mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU).
Il a également affirmé que la position du Sénat avait été inspirée, dans une très large mesure, par les études réalisées par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission auprès du Premier ministre. Rappelant que M. Jean-Claude Boulard avait ensuite été désigné rapporteur à l'Assemblée nationale, il a estimé que ces circonstances seraient de nature à faciliter le succès de la commission mixte paritaire.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a ensuite rappelé les objectifs qui avaient guidé le Sénat dans la définition des modalités de mise en oeuvre de la couverture maladie universelle et indiqué que le projet de loi adopté par le Sénat comportait quatre caractéristiques majeures.
Il a ainsi affirmé qu'il s'agissait d'un projet généreux, qui intégrait, en les solvabilisant, plus de six millions de résidents au système de protection sociale, plutôt que de les exclure. Fondé sur la création d'une allocation personnalisée à la santé définie par référence à l'allocation personnalisée au logement, il fonctionne à coût constant, mais s'adresse à un nombre de bénéficiaires plus élevé que le projet du Gouvernement.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a déclaré que le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat était un projet responsabilisant pour ses bénéficiaires et qu'il effaçait les effets de seuil. Il a aussi indiqué qu'il prenait en considération les difficultés particulières rencontrées par les plus démunis, en prévoyant la gratuité totale de la couverture complémentaire des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), et leur prise en charge par les caisses primaires d'assurance maladie.

Enfin, M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a revendiqué le caractère " partenarial " du projet voté par le Sénat, qui ménageait un système où chacun continuait à faire son métier, l'assurance maladie de base gérant la couverture de base et les organismes de protection sociale complémentaire étant chargés de la seule couverture complémentaire.

Puis, M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a souhaité attirer l'attention des députés sur certains amendements adoptés au Sénat mais qui seraient susceptibles d'être également intégrés dans l'architecture retenue par l'Assemblée nationale. Il a ainsi cité, à l'article premier, le régime applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'article 6, l'extension à tous les régimes de sécurité sociale du cas de la mauvaise foi dans le refus de paiement des cotisations sociales, que l'Assemblée nationale n'avait prévu que pour le régime de résidence, les précisions utiles apportées aux articles 7, 16 et 19, ainsi que le circuit financier simplifié résultant des amendements aux articles 9, 10 et 11 sur le financement de la couverture de base. Il a également cité, à l'article 13 bis, la disposition prévoyant un rapport relatif à la réforme des contingents communaux d'aide sociale, à l'article 14, la signification par acte d'huissier de justice et, à l'article 25, une redéfinition de l'assiette de la taxe de 1,75 % sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires. Enfin, il a signalé l'adoption d'un article 31 bis fixant les modalités d'évaluation de l'application de la loi et de l'information du Parlement.

M. Claude Huriet, sénateur, a tout d'abord émis de vives critiques à l'encontre de la procédure choisie par le Gouvernement, qui avait présenté au Parlement un projet de loi très important sur la couverture maladie universelle assorti, à la fois, d'une déclaration d'urgence et d'un titre IV comportant un ensemble de diverses dispositions d'ordre sanitaire et social représentant désormais plus de la moitié des articles du projet de loi.

Evoquant les articles adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture, M. Claude Huriet, sénateur, a souhaité signaler aux députés des amendements adoptés par les sénateurs qui étaient susceptibles de recueillir également leur adhésion. Il a à cet égard évoqué les modifications introduites à l'article 33 concernant le volet de santé de la carte Vitale, indiquant qu'elles tendaient à renforcer les droits des personnes tout en veillant à ce que leur exercice ne puisse pas pénaliser la santé des patients. A l'article 34 bis, il a rappelé que le Sénat avait précisé les conditions de la vérification des connaissances à laquelle devraient se soumettre les aides opératoires et à l'article 37, que le Sénat avait considéré qu'il ne revenait pas à des tiers destinataires d'informations identifiantes, d'assurer la protection des droits des personnes, non plus qu'à la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de juger du " sérieux " ou des " références " du demandeur, comme le prévoyait le projet de loi.

M. Claude Huriet, sénateur, a affirmé qu'à l'article 37 bis, le Sénat avait adopté un amendement précisant que le Groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier serait, pour partie, financé par les quelque 100 millions de francs actuellement bloqués à la Caisse des dépôts depuis la dissolution du Conseil de l'informatique hospitalière et de santé et qui étaient toujours dans l'attente d'une affectation.

Aux articles 37 unvicies et duovicies concernant les professionnels de santé d'origine étrangère ou à diplôme étranger, le Sénat a adopté à l'unanimité des amendements qui vont dans le sens d'une meilleure intégration des praticiens adjoints contractuels ayant exercé à ce titre depuis trois ans. Il a en revanche supprimé les dispositions qui s'apparentaient, selon lui, à des régularisations de personnes qui n'auraient pas présenté le concours de praticien adjoint contractuel (PAC) ou qui ne l'auraient pas réussi.

Enfin, M. Claude Huriet, sénateur, a rappelé que le Sénat avait supprimé, avec l'accord du Gouvernement, les articles 37 quinquies, 37 septies et 37 octies, instituant une procédure dérogatoire pour l'implantation d'équipements sanitaires lourds, car elle était susceptible de remettre en cause les objectifs de planification poursuivis à travers la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire.

M. Claude Huriet, sénateur, a ensuite évoqué les articles additionnels introduits par le Sénat. Ils concernent les soins palliatifs, une utile validation de disposition de l'ordonnance du 24 avril 1996 sur le contentieux des déconventionnements, la maladie d'Alzheimer -cet article additionnel constituant un " message " à l'attention des députés pour leur rappeler qu'une proposition de loi sénatoriale est toujours en instance à l'Assemblée nationale- et une validation d'appels de cotisations de la mutualité sociale agricole (MSA).

M. Claude Huriet, sénateur, a également évoqué les articles additionnels relatifs aux pharmacies hospitalières, aux administrateurs de la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM) et aux indemnités journalières des indépendants, à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments dont il convenait de renforcer les prérogatives du directeur général en des matières où la loi du 1er juillet 1998 n'était pas assez précise, aux comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (CCPPRB), ainsi qu'un article additionnel corrigeant une imperfection de la loi bioéthique modifiant le code civil, qui ne devrait pas faire l'objet d'une réévaluation cette année.

En conclusion de cette énumération, M. Claude Huriet, sénateur, a rappelé l'adoption d'un important amendement gouvernemental concernant l'organisation de la caisse des cultes et celle d'un amendement relatif à la création des officines de pharmacies.

Sur l'ensemble de ces points, M. Claude Huriet, sénateur, a estimé qu'un accord était possible avec l'Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rendu hommage aux travaux accomplis par les rapporteurs de la commission des affaires sociales du Sénat, qui traduisaient une volonté largement partagée d'assurer un meilleur accès aux soins pour les personnes les plus démunies. Il a indiqué à cet égard que l'ensemble des amendements adoptés par le Sénat feraient l'objet d'un examen attentif et que certains d'entre eux pourraient être retenus par l'Assemblée nationale.

Il a exposé les raisons pour lesquelles le scénario qui avait inspiré la proposition du Sénat de création d'une allocation personnalisée à la santé, qu'il avait lui-même proposé, n'avait pas été retenu par le Gouvernement. Trois conditions auraient dû être remplies pour permettre sa réalisation. D'abord, il aurait été indispensable que tous les acteurs de la protection sociale complémentaire s'engagent rapidement et fermement en sa faveur. Or, si certains d'entre eux ont manifesté une réelle adhésion à ce projet, d'autres ont été plus hésitants. Ensuite, il était nécessaire que les associations qui s'occupent, depuis des dizaines d'années, de l'amélioration de la santé des plus défavorisés adhèrent également à ce projet. Or, force est de constater que fait aujourd'hui défaut le climat de confiance, indispensable à la réalisation d'un scénario partenarial, entre le monde associatif et les acteurs complémentaires. Enfin, il aurait fallu surmonter l'attachement à l'idée de gratuité des soins, sur lequel repose le droit en vigueur sur l'aide médicale. La couverture maladie universelle s'analyse en effet comme une consolidation du système d'aide médicale existant, caractérisée par un barème national corrigeant les inégalités géographiques. Les comportements des acteurs conduisaient donc à ne pas retenir la solution partenariale et à lui préférer le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a en revanche affirmé que la question de la solvabilisation des personnes dont les revenus se situent juste au-dessus du seuil serait nécessairement posée à l'avenir et que la réflexion devait se poursuivre en la matière.

Evoquant les dispositions du titre IV du projet de loi, M. Alfred Recours, député, a estimé que si certains articles du projet de loi initial étaient liés à la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle, d'autres ne présentaient avec elle qu'un lien plus indirect. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a voulu éviter une trop forte expansion du titre IV et a demandé l'inscription à l'ordre du jour du Parlement d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.

M. Alfred Recours, député, a ainsi affirmé que, lors des débats à l'Assemblée nationale, la commission avait émis un avis défavorable à l'adoption de certains amendements, non pour des raisons de fond, mais parce que leur adoption ne revêtait pas un caractère d'urgence tel qu'il justifie un alourdissement des dispositions du titre IV du projet de loi. Il a indiqué que cette même logique serait retenue à l'égard des amendements adoptés par le Sénat.

M. Alfred Recours, député, a indiqué qu'à titre personnel, il approuvait à l'article 37 la référence faite par le Sénat aux données personnelles de santé ayant " subi un traitement garantissant qu'elles ne permettront pas l'identification, même indirecte, des personnes qu'elles concernent ". Il a cependant affirmé avoir recensé, sur l'ensemble des articles additionnels après l'article 37, pas moins de quinze points de divergence avec les positions exprimées par l'Assemblée nationale. Il a également signalé de possibles divergences sur des dispositions adoptées par le Sénat avec l'accord du Gouvernement ou avec le soutien du groupe socialiste.

Evoquant enfin les dispositions de l'article 33 du projet de loi, M. Alfred Recours, député, a évoqué de possibles divergences entre le Sénat et l'Assemblée nationale qui avait privilégié, dans ses amendements, le respect de la liberté individuelle.

M. Jean Le Garrec, vice-président, a rendu hommage au travail accompli par le Sénat, qui guiderait les travaux de l'Assemblée nationale tant en commission qu'en séance publique. Il a rappelé que l'essentiel du projet de loi concernait la couverture maladie universelle, même si s'y était rajouté un titre IV dont les proportions devaient demeurer modestes. Concernant la couverture maladie universelle, il a jugé estimables les arguments et la solution retenus par le Sénat, rappelant qu'ils n'avaient été retenus ni par le Gouvernement, ni par l'Assemblée nationale.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a observé que la modération du ton des députés s'accompagnait d'une grande fermeté sur le fond et constaté que, si l'on comprenait bien les propos de M. Alfred Recours, député, peu d'amendements sénatoriaux seraient retenus par l'Assemblée nationale. S'adressant à M. Jean-Claude Boulard, il ne s'est pas déclaré convaincu par ses arguments, estimant notamment que l'adhésion des organismes de protection sociale complémentaire serait nécessaire quel que soit le scénario choisi.

Evoquant les propositions du Sénat, il a affirmé qu'elles tendaient à responsabiliser et solvabiliser les bénéficiaires de la couverture maladie universelle et à en faire profiter les personnes titulaires du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés.

M. Claude Huriet, sénateur, a également constaté que les députés semblaient ne vouloir retenir ni les amendements adoptés à l'initiative de la majorité sénatoriale, ni ceux qui avaient été présentés par les sénateurs socialistes.

Rappelant que l'Assemblée nationale avait adopté vingt-trois articles additionnels au titre IV quand le Sénat en a ajouté quinze mais supprimé sept, il a déclaré ne pas comprendre la position des députés, estimant que ceux-ci auraient dû, pour s'y conformer, s'en tenir au texte proposé par le Gouvernement. Il a regretté les propos tenus par M. Alfred Recours qu'il n'a pas estimé atténués par " l'hommage posthume " rendu par M. Jean Le Garrec au travail accompli par le Sénat.

M. Alfred Recours, député, a rappelé que l'objectif de l'Assemblée nationale, dans le cadre du titre IV, était de n'accepter qu'une expansion normale de ses dispositions en tenant compte de leur degré d'urgence respectif. Il a considéré que l'élaboration d'un véritable statut pour les médecins à diplôme étranger et la mise en oeuvre de la restructuration hospitalière constituaient des mesures de modernisation sanitaire urgentes.

M. Claude Huriet, sénateur, lui a demandé de quel degré d'urgence relevait l'insertion par l'Assemblée nationale de l'article additionnel concernant les transferts des cliniques privées dans un même secteur sanitaire, qui visait en fait le cas d'une clinique de La Baule.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard, sénateur, a observé que ce degré lui semblait élevé.

M. Bernard Accoyer, député, a rendu hommage au travail remarquable accompli par le Sénat, dont le texte évitait les effets pervers d'un projet de loi imposé par le Gouvernement à sa propre majorité. Il a observé qu'en réalité, le texte du Sénat faisait l'objet d'un large consensus au sein des deux assemblées et a regretté que la commission mixte paritaire puisse échouer sur un projet de loi concernant l'accès aux soins des plus démunis. Il a considéré que le projet de loi du Gouvernement comportait des effets pervers avec la création d'un panier de soins spécifique pour les bénéficiaires de la CMU et l'existence d'un effet de seuil, conduisant à instituer une sécurité sociale à deux vitesses. Il a souligné le risque d'inconstitutionnalité des dispositions du titre IV du projet de loi. Il a enfin affirmé qu'il voterait en faveur du texte adopté par le Sénat.

Abordant l'examen des articles restant en discussion, la commission mixte paritaire n'a pas adopté, par sept voix contre sept, l'article premier du projet de loi dans la rédaction issue du Sénat et, par le même vote, n'a pas retenu non plus celle de l'Assemblée nationale.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, et M. Claude Huriet, sénateur, ont regretté ce vote et ont rappelé que la majorité sénatoriale était favorable au principe d'une couverture maladie universelle.

Mme Nicole Borvo a regretté que la première phrase du texte initial de l'article premier du projet de loi, qui semblait recueillir une adhésion unanime, n'ait pas pu être adoptée.

M. Jean Delaneau, président, a alors constaté que la commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.

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N° 1680.- Rapport de M.Jean-Claude Boulard, au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.


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