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le 18 juin 1999

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N° 1702

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 957) relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale,

PAR M. ANDRÉ VALLINI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Droit pénal.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 7

I. - LES RAPPORTS ENTRE LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET LES PARQUETS DOIVENT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE CLARIFIÉS POUR LEVER LES SOUPÇONS D'INTERVENTIONS POLITIQUES 9

A. IL EST LÉGITIME ET NÉCESSAIRE QUE LE GOUVERNEMENT, SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT, DÉFINISSE LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA POLITIQUE PÉNALE 11

1. Le ministre de la justice fait connaître aux parquets les orientations générales de la politique pénale qu'ils devront mettre en _uvre 11

2. Les procureurs généraux sont les garants d'une application réelle et uniforme des orientations générales de la politique pénale dans les ressorts 12

B. IL N'EST PAS ADMISSIBLE QUE LE POUVOIR POLITIQUE PUISSE, DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, PESER SUR LES AFFAIRES EN COURS 14

1. Les réquisitions du parquet doivent être libres pour tout ce qui concerne les cas d'espèce 15

2. Le ministre de la justice n'est cependant pas dépourvu de moyens d'action 16

II. - LA LIBERTÉ D'APPRÉCIER LA SUITE À DONNER AUX PLAINTES ET DÉNONCIATIONS DOIT ÊTRE CONTREBALANCÉE PAR UN ACCROISSEMENT DES GARANTIES OFFERTES AUX JUSTICIABLES 17

A. LES CLASSEMENTS SANS SUITE DOIVENT ÊTRE MOTIVÉS 18

B. LES CLASSEMENTS SANS SUITE DOIVENT POUVOIR FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS 20

III. - LE CONTRÔLE DE LA POLICE JUDICIAIRE INCOMBANT À L'AUTORITÉ JUDICAIRE DOIT DEVENIR PLUS CONSISTANT 20

A. LES RELATIONS ENTRE POLICE JUDICIAIRE ET AUTORITÉ JUDICIAIRE REPOSENT SUR UN ÉQUILIBRE PARFOIS INSTABLE 21

1. Qu'est ce que la police judiciaire ? 21

2. La police judiciaire est soumise à une dualité de tutelle perfectible 23

B. LE PROJET ORGANISE UN LÉGER DÉPLACEMENT DU CURSEUR AU PROFIT DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE 26

1. L'option radicale est rejetée 26

2. L'implication de l'autorité judiciaire est stimulée par des solutions techniques intéressantes et parfois innovantes 27

AUDITION de Madame Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice 31

DISCUSSION GÉNÉRALE 41

EXAMEN DES ARTICLES 49

Chapitre premier : Dispositions relatives à l'action publique en matière pénale 49

Article premier (art. 30 à 30-3 du code de procédure pénale) : Attributions du ministre de la justice 49

Article 30 du code de procédure pénale : Définition des orientations générales de la politique pénale 49

Article 30-1 du code de procédure pénale : Prohibition des instructions dans les affaires individuelles 51

Article 30-2 du code de procédure pénale : Mise en mouvement de l'action publique 52

Article 30-3 du code de procédure pénale : Information du Parlement sur la mise en _uvre de la politique pénale 53

Article 2 (art. 35 à 37 du code de procédure pénale) : Attributions du procureur général 56

Article 35 du code de procédure pénale : Coordination de la mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale 56

Article 36 du code de procédure pénale : Autorité sur les magistrats du ministère public - Droit de requérir la force publique 57

Article 37 du code de procédure pénale : Prohibition des instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique 57

Article 37-1 du code de procédure pénale : Information des magistrats de la cour d'appel sur la mise en _uvre de la politique pénale 58

Article 37-2 du code de procédure pénale : Information du ministre de la justice sur les affaires dont les parquets sont saisis et sur la mise en _uvre de la politique pénale 59

Article 3 (art. 39-1 à 39-4 du code de la procédure pénale) : Attributions du procureur de la République 63

Article 39-1 du code de procédure pénale : Mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale 63

Article 39-2 du code de procédure pénale : Conformité des réquisitions écrites aux instructions - Mise en mouvement de l'action publique à la demande de la commission de recours contre les classements sans suite 63

Article 39-3 du code de procédure pénale : Information des magistrats du tribunal de grande instance sur la mise en _uvre de la politique pénale 64

Article 39-4 du code de procédure pénale : Information du procureur général sur les affaires dont le parquet du tribunal de grande instance est saisi et sur la mise en _uvre de la politique pénale 64

Chapitre II : Dispositions relatives aux classements sans suite 65

Avant l'article 4 65

Article 4 (art. 40-1 du code de procédure pénale) : Motivation des décisions de classement sans suite 65

Article 5 (art. 48-1 à 48-5 du code de procédure pénale) : Recours contre les classements sans suite 67

Article 48-1 du code de procédure pénale : Recours auprès du procureur général 67

Article 48-2 du code de procédure pénale : Ressort territorial et composition des commissions de recours 68

Article 48-3 du code de procédure pénale : Modalités du recours formé devant le procureur général et de la saisine de la commission de recours 69

Article 48-4 du code de procédure pénale : Compétences de la commission de recours 69

Article 48-5 du code de procédure pénale : Saisine abusive de la commission de recours 70

Chapitre III : Dispositions renforçant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire 70

Article 6 : Cadre des activités de la police judiciaire 71

Article 7 : Direction de la police judiciaire par le procureur de la République 72

Article 8 (articles 75-1 et 75-2 du code de procédure pénale) : Contrôle du procureur de la République sur les enquêtes préliminaires 78

Article 9 : Prérogatives du juge d'instruction 82

Article 10 : Portée des décisions prises par la chambre d'accusation en matière disciplinaire 83

Chapitre IV : Dispositions diverses 84

Article 11 : Coordinations 85

Après l'article 11 86

Article 12 : Application de la loi dans les TOM et à Mayotte 86

TABLEAU COMPARATIF 87

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 103

ANNEXE : L'exercice de l'action publique en matière pénale dans les principaux pays de l'Union européenne, en Norvège et en Islande 109

LISTE DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 121

MESDAMES, MESSIEURS,

Dès la déclaration de politique générale du Gouvernement, le 19 juin 1997, le Premier ministre a placé la justice au premier rang des responsabilités de l'Etat, d'un Etat « qui inspire le respect, qui redevienne impartial, qui se conforme au droit ». Dans l'attente des propositions de la commission Truche, il a réaffirmé que le Conseil supérieur de la magistrature doit assurer à la carrière des magistrats du parquet les mêmes garanties qu'à celles des juges du siège et évoqué le rôle du garde des sceaux dans la détermination des orientations générales de la politique pénale. Mais surtout, il a annoncé solennellement que, avant même toute réforme, « plus aucune instruction concernant les affaires individuelles, de nature à dévier le cours de la justice, ne sera donnée par le garde des sceaux et que les projets de nomination de magistrats du parquet, qui recueilleraient un avis défavorable du Conseil supérieur de la magistrature, ne seront pas maintenus par le Gouvernement ». C'est là une ligne de conduite à laquelle il n'a pas été dérogé depuis deux ans et qu'il est proposée au Parlement d'inscrire dans la loi.

Le souci d'assurer l'indépendance de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, a véritablement investi le champ du débat politique depuis une dizaine d'années. Le développement de ce qu'il est convenu d'appeler « les affaires » n'est, bien sûr, pas étranger à cette réflexion sur les relations entre le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire dans une démocratie moderne. Mais cette prise de conscience s'inscrit plus généralement dans un processus de maturation de nos institutions initialement déséquilibrées par la priorité donnée, en 1958, au redressement de l'exécutif : ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les interrogations sur la place des magistrats, et en particulier des membres du ministère public, succèdent à une période marquée par l'enracinement de la justice constitutionnelle dans notre pays, par tradition très rétif à l'affirmation d'un pouvoir judiciaire à parité avec les pouvoirs législatif et exécutif qui tirent leur légitimité de l'élection. Alors que la nomination des magistrats et les relations du ministre de la justice avec les parquets n'ont donné lieu à aucune modification législative pendant trente-cinq ans, le dépôt en 1998 d'un projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature et d'un projet de loi relatif à l'action publique, cinq ans à peine après les modifications constitutionnelles et législatives introduites à l'été 1993, montrent à l'évidence l'intérêt désormais porté à l'autorité judiciaire et les enjeux liés à son fonctionnement.

De droite comme de gauche, tous les partis de gouvernement sont désormais convaincus des dégâts causés dans l'opinion par le soupçon pesant sur l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique, même si les analyses sur les moyens de faire disparaître cette suspicion peuvent différer. Il s'agit en effet d'une absolue nécessité car, comme l'a souligné le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, « le respect du droit est fondamental pour la République et la démocratie. Sans lui le lien social se dissout et les institutions sont discréditées. Aussi la justice doit-elle être indépendante et impartiale ». Les interventions dans les affaires individuelles ont eu un effet d'autant plus dévastateur que nos concitoyens font le plus souvent l'amalgame entre les magistrats du parquet et les juges du siège, alors que ces derniers bénéficient d'ores et déjà de toutes les garanties nécessaires pour être indépendants du pouvoir politique. Par ailleurs, ces quelques interventions dans les dossiers les plus sensibles, qui concernent, en fait, très peu de parquets, focalisent l'attention sur une pratique exceptionnelle qui masque la réalité de la conduite de l'action publique : ainsi, dans le rapport des sénateurs Haenel et Arthuis sur le fonctionnement des services relevant de l'autorité judiciaire, les magistrats du parquet interrogés s'estiment « libres de conduire leurs investigations et leurs poursuites comme ils l'entendent ». L'indépendance des magistrats du parquet, dans les décisions individuelles qu'ils prennent, doit donc être garantie : non pas pour que les membres du ministère public bénéficient d'un privilège ou d'un confort, comme l'a souligné Mme Elisabeth Guigou devant la commission des lois, mais pour que les citoyens soient assurés que ces magistrats, tout comme leurs collègues du siège, se déterminent uniquement en fonction de la loi et de l'intérêt général.

C'est là un des objectifs majeurs du projet relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale, déposé en juin 1998 sur le bureau de l'Assemblée nationale. L'élaboration de ce texte a été précédée par la remise du rapport de la commission Truche en juillet 1997 et par une déclaration du Gouvernement sur la réforme de la justice au Parlement en janvier 1998 puis l'examen et le vote, en termes identiques par les deux assemblées, du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Les modifications du code de procédure pénale proposées par le Gouvernement sont donc mûrement réfléchies et doivent s'apprécier en liaison avec celles que le Parlement souhaite voir apporter aux dispositions de la Constitution relatives aux nominations et à la discipline des magistrats, qui donnent aux membres du ministère public des garanties d'indépendance proches de celles dont bénéficient les magistrats du siège.

Appelé de ses v_ux par le chef de l'Etat, garant de l'indépendance de la magistrature, et initié par le Premier ministre, le projet de loi relatif à l'action publique, comme celui accroissant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature dans la carrière des magistrats du parquet, est discuté au Parlement en période de « cohabitation » au sommet de l'Etat. Ce fut déjà le cas en 1993, la première initiative tendant à rendre la justice plus indépendante venant de François Mitterrand, qui avait chargé une commission présidée par le doyen Vedel de lui faire des propositions : la réforme a été réalisée par le gouvernement d'Edouard Balladur et la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 relative au Conseil supérieur de la magistrature a été votée par le groupe socialiste. Il y a lieu de se féliciter qu'un sujet touchant à l'équilibre des institutions transcende ainsi les clivages partisans.

Après un premier volet consacré à l'instauration d'une justice au service des citoyens (loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale) et un deuxième volet s'attachant à mettre en place une justice au service des libertés (projet de loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes), le projet relatif à l'action publique correspond au troisième volet de la réforme de la justice engagée par le gouvernement : axé sur l'indépendance et l'impartialité, il a été ouvert par les modifications constitutionnelles relatives au Conseil supérieur de la magistrature.

Le présent projet présente donc la caractéristique, non seulement d'être préparé de longue main, mais d'être précédé d'une expérimentation de deux ans pour son chapitre relatif aux relations entre le garde des sceaux et le ministère public. Composé de trois parties, il est animé par une même volonté : renforcer la transparence de l'institution judiciaire et responsabiliser les acteurs de la décision judiciaire dans les rapports avec la hiérarchie (I), avec les justiciables (II) ou avec la police judiciaire (III).

I. - LES RAPPORTS ENTRE LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET LES PARQUETS DOIVENT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE CLARIFIÉS POUR LEVER LES SOUPÇONS D'INTERVENTIONS POLITIQUES

« Interface entre le pouvoir politique et les juges », selon l'expression de M. Pierre Truche, le ministère public est au c_ur des relations, problématiques, entre le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire.

Selon la définition qu'en donne Jean Volff, procureur général près la cour d'appel de Toulouse, dans son ouvrage consacré au ministère public, celui-ci « est un corps permanent de magistrats spécialisés chargés, au nom de la Nation qu'ils représentent, d'agir auprès des tribunaux de l'ordre judiciaire et dans la société civile pour assurer le respect de la loi, la défense de l'intérêt général et la protection de la liberté individuelle. ». Au 1er avril 1998, il comptait 1536 magistrats, soit près du quart de la magistrature française. Domaine d'action privilégié des magistrats du ministère public, l'exercice de l'action publique concentre toutes les exigences nouvelles de l'opinion à l'égard de la justice : indépendance, égalité des citoyens, transparence.

Le projet de loi ne porte que sur le ministère public près les cours d'appel et les tribunaux de grande instance et sur l'action publique en matière pénale. Ses dispositions sont largement inspirées des travaux de la commission Truche, qui avait fait les propositions suivantes au garde des sceaux : le ministre de la justice fixe publiquement les orientations générales de la politique de l'action publique, ne peut pas donner d'instructions aux procureurs dans les dossiers individuels mais peut « dialoguer » avec eux sur ces dossiers, et peut saisir toute juridiction et présenter des observations par l'entremise d'un magistrat de la Chancellerie et d'un avocat ; c'est sur ce dernier point que le projet s'écarte le plus des propositions de ce groupe d'experts. Par ailleurs, conformément aux conclusions de la commission Truche et au choix des assemblées lors du vote du projet relatif au Conseil supérieur de la magistrature, ni l'unité du corps judiciaire, ni le fait que les magistrats du parquet sont placés sous l'autorité du garde des sceaux et sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques ne sont remis en cause. Toutefois, lors de leur audition par votre rapporteur, plusieurs organismes professionnels se sont prononcés pour la création de deux corps de magistrats, les juges étant totalement indépendants et les accusateurs rattachés au ministre de la justice : tel est le souhait du Barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, mais aussi de la Conférence nationale des premiers présidents.

Membre du pouvoir exécutif, le garde des sceaux n'est pas à proprement parler le chef du ministère public et ne fait pas partie de cette institution relevant de l'autorité judiciaire. Placé néanmoins sous l'autorité du garde des sceaux, compte tenu de la spécificité de ses missions au sein de l'autorité judiciaire, le ministère public est chargé de représenter et de défendre la loi et l'intérêt général au nom de la Nation : il ne peut donc ignorer les instructions générales émanant du ministre responsable de la définition et de la mise en _uvre d'une politique pénale nationale qui, avec les lois et les règlements, constitueront le cadre de son action (A). Mais appartenant à l'autorité judiciaire, dont l'indépendance est garantie par la Constitution, le ministère public n'est pas une agence du pouvoir exécutif auprès des tribunaux (B). Le projet mène cette logique à son terme.

A. IL EST LÉGITIME ET NÉCESSAIRE QUE LE GOUVERNEMENT, SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT, DÉFINISSE LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA POLITIQUE PÉNALE

La mission de défenseur de la société et d'organe de la loi du ministère public justifie une organisation particulière, suppose que le Gouvernement puisse faire entendre sa voix pour défendre sa politique mais exige une indépendance totale du ministère public, et pas seulement dans ses observations orales, lorsque ce dernier interprète la loi pour s'en faire l'avocat devant les juridictions. Cette conception est incompatible avec le droit que le ministre de la justice tient aujourd'hui de la loi de donner des instructions dans les affaires individuelles.

Jusqu'à cette législature, le titulaire du portefeuille de la justice se montrait rarement pressé de modifier le lien traditionnel entre la Chancellerie et le parquet, même si quelques aménagements ont été apportés par la loi du 24 août 1993 à l'initiative de M. Pierre Méhaignerie. Après avoir dans les faits mis fin aux instructions particulières et réaffirmé son rôle d'impulsion dans la définition de la politique pénale, Mme Elisabeth Guigou présente aujourd'hui un projet tendant à inscrire dans la loi cette double pratique républicaine.

1. Le ministre de la justice fait connaître aux parquets les orientations générales de la politique pénale qu'ils devront mettre en _uvre

Il revient au ministre de la justice de conduire la politique pénale dans le cadre de la politique judiciaire déterminée par le Gouvernement. A cette fin, il définit des orientations générales qui sont mises en _uvre par les magistrats du parquet placés sous son autorité. Ce rôle d'impulsion et de direction du ministre est consacré dans le projet de loi (article premier) et affirmé encore plus nettement par la Commission (amendements nos 12, 13 et 14). Les membres du ministère public, qui ne s'estimeraient pas tenus par cette prescription légale - ce qui serait particulièrement choquant pour des magistrats dont la mission même est de faire appliquer la loi - s'exposeraient sans ambiguïté à des sanctions disciplinaires. Il appartiendra au garde des sceaux de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en dénonçant les faits motivant les poursuites disciplinaires. Par ailleurs, même si à l'avenir les magistrats du parquet sont nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, le garde des sceaux conserve un pouvoir de proposition.

En déterminant les priorités de la politique pénale, dans un système d'opportunité des poursuites, le ministre rend possible une application coordonnée et cohérente de la loi pénale sur l'ensemble du territoire, conformément au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Depuis deux ans, la ministre de la justice conduit la politique pénale au moyen de ces orientations générales adressées sous forme de circulaires. Elle a ainsi défini des politiques sectorielles (réponses aux violences urbaines, aide aux victimes, lutte contre les sectes, ...) mais aussi donné des directives plus circonscrites (organisation de la Coupe du monde de football, réactions face à la grève des transporteurs, ...). Plus précises que par le passé, quant aux champs d'intervention et aux modes opératoires, et nourries par la remontée d'informations venues des parquets, ces circulaires ont été effectivement appliquées.

Dans un souci de transparence et de contrôle de l'action du garde des sceaux, les orientations générales de politique pénale seront rendues publiques et le ministre devra, tous les ans, rendre compte devant le Parlement, de leur mise en _uvre effective sur le territoire national. Ce sera l'occasion, avec le vote du budget du ministère de la justice, d'un débat général sur le fonctionnement du service public de la justice.

2. Les procureurs généraux sont les garants d'une application réelle et uniforme des orientations générales de la politique pénale dans les ressorts

Les procureurs généraux ont une obligation de loyauté à l'égard du garde des sceaux, qui se traduit notamment par un devoir d'information. En lui rendant compte ponctuellement des affaires dont les parquets sont saisis et, plus généralement, de l'application de la politique pénale dans leur ressort, ils lui permettent d'exercer ses propres attributions. Le procureur général est donc le relais naturel et nécessaire à la mise en _uvre de la politique pénale du Gouvernement, l'agent de liaison officiel entre l'autorité judiciaire et les pouvoirs législatif et exécutif.

Le procureur général coordonne la mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale par les procureurs de la République

Le projet de loi fait du procureur général, qui a autorité sur tous les magistrats de son ressort, le garant d'une application réelle et uniforme des orientations générales de la politique pénale dans le ressort (article 2). Il lui appartiendra de coordonner et d'évaluer la mise en _uvre de ces orientations, dont il peut adapter l'application en fonction des circonstances locales, par les procureurs de la République.

Il devra informer le garde des sceaux de la politique pénale menée dans son ressort, au cas par cas, s'il le juge utile ou si le ministre le lui demande, et en dressant un bilan annuel. Déjà mise en pratique, cette remontée de l'information vers le ministre de la justice est indispensable : d'une part, elle lui permet d'avoir connaissance du déroulement des procédures susceptibles, en raison de leur objet ou de leur médiatisation, de lui valoir une interpellation sur le fonctionnement du service public de la justice ; d'autre part, elle lui permet d'adresser des directives générales sur des sujets nécessitant une particulière vigilance des parquets ou d'adapter les directives déjà données aux parquets en fonction des situations concrètes dans les ressorts. Devant la commission des lois, Mme Elisabeth Guigou a estimé que cette pratique était aujourd'hui entrée dans les m_urs, après une période de désorientation tenant à ce que les demandes ou les envois spontanés d'informations sur les affaires dont les parquets sont saisis n'étaient suivis d'aucune instruction particulière. Plus généralement, ce dialogue sans arrière-pensées politiques contribue à ce que la politique pénale soit crédible et effectivement appliquée dans les ressorts, car elle n'apparaît pas déconnectée des réalités du terrain.

Dans un souci de transparence, le procureur général pourra décider de rendre publique l'information sur les conditions de mise en _uvre de la politique pénale dans le ressort, qu'il doit porter à la connaissance de l'ensemble des magistrats au moins une fois par an. En effet, même si les magistrats du siège n'ont pas à appliquer les directives générales arrêtées par le ministre, qui ne leur sont adressées que pour information, il appartiendra au procureur général de leur faire connaître la politique pénale conduite dans le ressort, ne serait-ce que pour éclairer leurs décisions.

Le procureur général peut donner des instructions aux procureurs de la République

Le procureur de la République est chargé de faire assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance : à cette fin, il met en _uvre les orientations générales de la politique pénale qui lui sont transmises par le procureur général et qu'il peut adapter en fonction des circonstances propres à son ressort. Le procureur de la République conserve donc une marge d'initiative mais devra respecter, dans l'exercice de l'action publique, l'obligation de replacer chaque cas d'espèce soumis à la juridiction dans le contexte fixé par le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, pour proposer une solution conforme à la volonté de la Nation et à l'intérêt général, et cela dans le respect des libertés individuelles : à défaut, il serait, comme on l'a déjà souligné, passible de sanctions disciplinaires. Actuellement, les poursuites disciplinaires ne peuvent être engagées que par le garde des sceaux, mais le projet de loi organique modifiant le statut de la magistrature, qui sera déposé après le vote du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, renforce l'autorité hiérarchique du procureur général : il pourra, en effet, directement dénoncer les faits motivant des poursuites disciplinaires au Conseil supérieur de la magistrature.

Enfin, le procureur général conserve son droit de donner des instructions aux procureurs de la République, écrites et versées au dossier de la procédure, pour leur enjoindre d'engager des poursuites ou de saisir une juridiction de réquisitions qu'il juge opportunes : pour plus de clarté, il est expressément inscrit dans le projet qu'il ne peut jamais donner d'instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. A l'avenir, la nomination du procureur général, non plus en Conseil des ministres mais comme celle de tous les magistrats du parquet sur l'avis conforme du
Conseil supérieur de la magistrature, devraient lever tout soupçon sur leur indépendance de ces magistrats à l'égard du pouvoir exécutif. Mais, si le procureur de la République doit prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données, il peut, en sa qualité d'avocat de la loi, développer librement les observations orales « qu'il croit convenables au bien de la justice ». Enfin, le procureur de la République sera tenu d'engager des poursuites dans une nouvelle hypothèse : lorsque la commission des recours contre les classements sans suite lui intimera de le faire.

Formés dans la même école et soumis à la même déontologie que leurs collègues du siège, ayant souvent exercés des fonctions du siège au cours de leur carrière (au-delà de 25 ans d'ancienneté, près de la moitié des magistrats ont eu une carrière mixte), les parquetiers doivent agir en magistrats indépendants, tout en respectant une obligation de loyauté et de discipline à l'égard de leurs chefs hiérarchiques, car ce ne sont pas des juges.

B. IL N'EST PAS ADMISSIBLE QUE LE POUVOIR POLITIQUE PUISSE, DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, PESER SUR LES AFFAIRES EN COURS

Les organismes professionnels consultés par votre rapporteur ont diversement apprécié la première partie du projet consacrée aux relations entre le ministre de la justice et les parquets. A l'exception de l'Association des avocats pénalistes, les avocats ont souhaité le maintien des dispositions en vigueur, tandis que les magistrats se sont prononcés en faveur des modifications proposées, seule la Conférence nationale des procureurs généraux y étant hostile.

Contrairement à leurs collègues du siège, les magistrats du parquet ne sont pas inamovibles : ils peuvent donc être mutés dans l'intérêt du service et sont placés sous la direction et le contrôle d'une hiérarchie. Longtemps leurs nominations, mutations et promotions ont été à la disposition du garde des sceaux, c'est-à-dire du pouvoir politique, mais progressivement des garanties statutaires leur ont été accordées, limitant les pouvoirs du ministre. Avec le vote du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, leur statut se rapprochera encore de celui des magistrats du siège : à l'avenir, tous les parquetiers seront nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (et non plus sur avis simple), comme c'est le cas pour les magistrats du siège à l'exception des chefs de juridiction et des membres de la Cour de cassation pour lesquels le Conseil fait des propositions ; quant au pouvoir disciplinaire, il sera exercé par le Conseil supérieur de la magistrature, comme c'est déjà le cas pour les magistrats du siège, et non plus par le garde des sceaux après consultation de ce conseil. Depuis juin 1997, la garde des sceaux s'est, par anticipation, conformée aux avis négatifs rendus par le Conseil supérieur de la magistrature sur des propositions de nomination concernant des magistrats du parquet.

1. Les réquisitions du parquet doivent être libres pour tout ce qui concerne les cas d'espèce

L'opinion n'admet plus, pour des raisons de principe et sous l'effet d'une médiatisation croissante, les interventions dans les dossiers dits sensibles, qu'ils concernent les élus ou les « puissants » en général C'est pourquoi, il est indispensable de rompre totalement et définitivement avec ces pratiques qui nourrissent les doutes sur l'indépendance de la justice : celle-ci doit être impartiale, et perçue comme telle, à tous les stades de la procédure, et d'abord lors de l'appréciation des suites à donner aux plaintes et aux dénonciations reçues par les parquets. Il s'agit là d'une rupture profonde, justifiée sur le plan des principes et de la pratique, avec la logique prévalant actuellement dans le code de procédure pénale. En effet, la réforme issue de la loi du 24 août 1993, louable dans ses intentions, semble ne pas avoir reçu d'application pratique : ni la Chancellerie, ni les nombreux magistrats entendus par votre rapporteur n'ont pu faire état d'instructions du garde des sceaux versées au dossier de la procédure. Les interventions dans les affaires individuelles ne supportant pas le plein jour, le projet les interdit donc à tous les stades de la procédure, même lorsqu'elles ne font pas obstacle à la mise en mouvement de l'action publique.

Cette prohibition législative, énoncée par le projet (article 2) et renforcée par un amendement de la Commission (amendement n° 12), consacrera la pratique instaurée par la garde des sceaux depuis deux ans, pratique qui a commencé à restaurer la confiance dans l'indépendance de la justice et l'impartialité de l'Etat. Cette ligne de conduite, jamais enfreinte, a en outre permis à la ministre de la justice de recentrer son action sur les multiples problèmes du service public de la justice et au ministère de la justice d'être enfin perçu par les Français comme le ministère du droit et non plus celui des « affaires ».

C'est à juste titre que, devant la commission des Lois, la garde des sceaux a parlé d'une refondation du lien entre le ministre de la justice et les parquets. En effet, il ne s'agit, ni plus, ni moins, que de faire disparaître la dernière trace de la conception napoléonienne, héritée du code d'instruction criminelle, d'un garde des sceaux chef du ministère public. La fonction des magistrats du parquet est d'appliquer la loi dans l'intérêt général : elle n'est pas de relayer dans leurs réquisitions écrites des consignes politiques pour un intérêt particulier, ce qui s'apparenterait à une rupture du principe d'égalité des citoyens devant la loi et devrait être considéré comme contraire aux idéaux de la Révolution française inscrits dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Si d'aventure, un procureur recevait des instructions, en particulier téléphoniques, contraires à la loi, les nouvelles garanties apportées à son statut lui permettraient de les ignorer sans prendre le risque de condamner sa carrière : d'une part, la commission d'avancement comprend majoritairement des magistrats élus par leurs pairs et, d'autre part, le Conseil supérieur de la magistrature peut par ses refus réitérés contraindre le garde des sceaux a lui faire des propositions permettant la promotion d'un magistrat que le ministre aurait injustement « oublié ».

2. Le ministre de la justice n'est cependant pas dépourvu de moyens d'action

Contrairement aux critiques entendues, ici et là, le projet de loi ne prive pas le garde des sceaux de moyens d'action, non seulement pour faire appliquer la politique pénale qu'il aura définie, comme on l'a vu, mais aussi pour mettre en mouvement l'action publique dans une affaire individuelle (article premier). Par ailleurs, le garde des sceaux pourra toujours donner au procureur général près la Cour de cassation l'ordre d'introduire un pourvoi dans l'intérêt de la loi contre des actes, arrêts ou jugements considérés comme illégaux et engager une procédure en révision d'une décision pénale définitive.

S'il le prive du droit d'intervenir par le truchement du ministère public, le projet de loi donne au ministre celui d'agir directement en saisissant une juridiction d'instruction ou de jugement. Néanmoins, l'exercice de ce droit devant rester exceptionnel, l'action publique étant par principe mise en mouvement par les magistrats ou la partie lésée, il ne pourra l'exercer que personnellement et dans des circonstances très précises : en l'absence de poursuites pénales et lorsque l'intérêt général le commande. On passe donc d'un système d'instructions, parfois occultes, relayées par des intermédiaires à un système où le ministre agit dans la transparence et sous sa seule responsabilité politique, ce qui est à la fois plus sain et plus digne. Le fondement de cette action est que l'absence de poursuites empêche l'ouverture d'une procédure, et donc le débat judiciaire ; en revanche, lorsque l'action publique a été mise en mouvement, et même si c'est à son initiative, le garde des sceaux, qui n'est ni magistrat, ni partie au procès, n'a aucune légitimité à s'immiscer dans une affaire individuelle. Aussi, à l'avenir et fort logiquement, une fois la procédure déclenchée, la loi ne lui accordera plus aucun moyen de faire entendre sa voix, alors qu'actuellement il peut donner des injonctions de saisir la juridiction de réquisitions qu'il juge opportunes, tendant par exemple à la relaxe d'un prévenu.

Une fois que le ministre aura saisi la juridiction compétente, par voie de réquisitoire ou de citation directe, la procédure se déroulera dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public. Cette solution, calquée sur l'hypothèse où l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, a été préférée à une représentation du ministre, par un avocat ou par un magistrat de la Chancellerie, qui aurait brouillé son rôle.

Afin que le droit du garde des sceaux de saisir une juridiction s'exerce en pleine lumière, il devra chaque année informer le Parlement du nombre et de la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application de cette faculté. A cette fin, les procureurs généraux ont l'obligation de tenir systématiquement le ministre informé du déroulement des procédures pour lesquelles il a usé de son droit d'action.

Estimant qu'il s'agirait en quelque sorte d'un « droit de suite », la Commission a étendu le droit d'action du ministre en l'habilitant à former un recours contre les décisions mettant fin aux poursuites dans une procédure pour laquelle il avait mis en mouvement l'action publique (amendement n° 12).

II. - LA LIBERTÉ D'APPRÉCIER LA SUITE À DONNER AUX PLAINTES ET DÉNONCIATIONS DOIT ÊTRE CONTREBALANCÉE PAR UN ACCROISSEMENT DES GARANTIES OFFERTES AUX JUSTICIABLES

Tout en se prononçant pour le maintien du principe d'opportunité des poursuites, le principe de légalité des poursuites n'étant appliqué dans aucun pays dans toute sa rigueur, la commission Truche a suggéré que les décisions prises par le parquet soient motivées et notifiées aux personnes concernées et qu'un recours contre les classements sans suite puisse être formé devant une commission ad hoc composée de trois magistrats issus des trois plus hautes juridictions, le procureur général près la Cour de cassation ayant un rôle de filtre et cette commission étant également compétente pour contester un refus du parquet d'accorder un réquisitoire supplétif à un juge d'instruction. Sans reprendre à l'identique ces propositions, notamment en ce qui concerne la composition de la commission de recours, le Gouvernement s'en est inspiré étroitement.

Ce volet du projet tend à renforcer la transparence de la justice et à responsabiliser les acteurs de la décision judiciaire dans leurs rapports avec les justiciables, victimes ou personnes justifiant d'un intérêt. Il a été favorablement accueilli par les organisations professionnelles entendues par votre rapporteur, sous réserve de quelques inquiétudes sur la lourdeur éventuelle de la procédure. Il est, en effet, plus que souhaitable que le procureur de la République fasse connaître au justiciable qui lui a adressé une plainte ou une dénonciation, les raisons de droit ou de fait qui l'ont conduit à prendre une décision de classement (A) et que l'intéressé puisse former un recours s'il ne comprend pas cette décision (B). L'étude d'impact jointe au projet de loi prévoit des créations d'emplois de magistrats et de greffiers pour faire face à ces nouvelles obligations imposées aux parquets pour améliorer les relations entre la justice et les justiciables.

A. LES CLASSEMENTS SANS SUITE DOIVENT ÊTRE MOTIVÉS

Les soupçons portés sur le ministère public trouvent, notamment, leur source dans le caractère discrétionnaire de son appréciation de la suite à réserver aux plaintes et aux dénonciations. Or, ce principe de l'opportunité des poursuites est le principal moyen pour le procureur de la République de mener, dans son ressort, une politique pénale conforme aux priorités dégagées par la Chancellerie, adaptée à la situation de la criminalité locale et aux moyens dont il dispose. En rendant obligatoire la motivation des décisions de classement sans suite et possible leur contestation, le projet veut rétablir la confiance par la transparence (article 4) : le classement sans suite étant autorisé par la loi, le procureur de la République n'a pas à l'exercer en catimini et, conformément à une évolution générale de l'administration, il doit pouvoir justifier ses décisions.

Actuellement, les plaignants, ainsi que la victime lorsqu'elle est identifiée, doivent être avisés des classements sans suite. Mais ces avis ne sont obligatoirement motivés que pour certains faits commis contre un mineur et seulement depuis l'adoption de la loi du 17 juin 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs.

Sauf si l'affaire est classée pour cause de non-identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, le projet de loi impose au procureur de la République de motiver tous les avis de classement en distinguant les considérations de droit ou de fait qui l'ont conduit à prendre cette décision. Par ailleurs, l'avis de classement devra également informer les victimes des droits dont elles disposent : se constituer partie civile, obtenir l'aide juridictionnelle, former un recours devant le procureur général et saisir la commission de recours.

D'après les indications communiquées par la Chancellerie, 753 000 procédures concernant des auteurs connus ont été classées sans suite en 1998 et environ 30 % d'entre elles ne comportaient pas de victimes (infractions aux réglementations techniques, par exemple) : potentiellement, 527 000 affaires sont donc concernées par l'obligation de motivation et de notification au plaignant. Cependant, il convient de distinguer les procédures qui sont classées sans aucune action particulière du parquet de celles qui font l'objet d'un classement sans suite après la mise en _uvre d'une mesure alternative : ces mesures (médiation, réparation ou autre condition mise à la charge de l'auteur de l'infraction) nécessitant l'accord et la présence de la victime, la motivation et la notification du classement sans suite sont intégrées de fait dans la procédure. En 1998, 69 000 mesures de médiation et 57 000 mesures de classement sous condition ont été mises en _uvre, soit un total de 126 000 affaires.

En conséquence, environ 400 000 affaires seront véritablement concernées par les dispositions introduites par le projet. Or, bien que non prévues par le droit actuel, les pratiques de motivation et de notification des décisions de classement sans suite ont été massivement mises en _uvre par les parquets. Il semble donc que le projet n'entraînera des changements de pratique que pour environ 80 000 affaires qui ne font pas actuellement l'objet d'une notification de classement sans suite, soit qu'elles aient été initiées sur dénonciation d'une personne n'ayant pas la qualité de victime directe, soit qu'elles aient été classées du fait du comportement de la victime ou en raison d'un préjudice peu élevé.

Souhaitant que la logique d'information des justiciables soit conduite à son terme, la Commission a adopté un amendement rendant obligatoire la motivation des classements, sans exception aucune (amendement n° 15).

B. LES CLASSEMENTS SANS SUITE DOIVENT POUVOIR FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS

Le projet reconnaît aux personnes ayant dénoncé les faits, qui ne peuvent se constituer partie civile mais justifient d'un intérêt suffisant, le droit de former un recours contre la décision de classement sans suite
(article 5) : dans un premier temps auprès du procureur général, puis devant une commission composée de magistrats du parquet et ayant une compétence régionale. A tous les stades, la décision prise sur la suite à donner à une plainte ou à une dénonciation sera motivée, qu'elle émane du procureur de la République, du procureur général ou de la commission de recours. Cette procédure participe de l'idée que le classement sans suite n'est pas « honteux » et peut être justifié en droit ou en fait.

Si le recours est admis, le procureur de la République aura l'obligation d'engager des poursuites. Le plaignant ne devient donc pas partie civile mais peut être à l'origine de la mise en mouvement de l'action publique par le parquet. Par ailleurs, la commission des Lois a adopté un amendement prévoyant expressément que la commission de recours sera compétente pour examiner un refus de réquisitoire supplétif - largement médiatisé ces dernières années dans les affaires sensibles - qui s'analyse comme un classement sans suite (amendement n° 16). La Commission a également adopté un amendement précisant que le recours contre un classement suspend la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés (amendement n° 19)

La Chancellerie a estimé à 5 % du total des classements sans suite avec auteur connu le nombre des affaires susceptibles de faire l'objet d'un recours, soit environ 40 000 procédures.

III. - LE CONTRÔLE DE LA POLICE JUDICIAIRE INCOMBANT À L'AUTORITÉ JUDICAIRE DOIT DEVENIR PLUS CONSISTANT

Le troisième volet du projet de loi a trait au contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire.

Bien que le code de procédure pénale comporte un nombre impressionnant de dispositions plaçant théoriquement la police judiciaire sous la tutelle juridique des magistrats, la pratique semble plus contrastée, comme en atteste la divergence des points de vue exprimés par les différents acteurs de la procédure pénale entendus par votre rapporteur, divergence qui met en lumière un certain nombre de malentendus, voire de frustrations.

Ecartant d'emblée toute option radicale, le projet de loi tente, par le biais d'un certain nombre de mesures techniques, de préciser et d'adapter le partage des responsabilités. Chemin faisant, s'il respecte l'équilibre actuel entre contrôle et direction de la police judiciaire - confiés à la justice - et autorité sur cette dernière - qui incombe à la hiérarchie administrative - il déplace cependant quelque peu le fléau de la balance en faveur du procureur de la République, en particulier, et de l'autorité judiciaire, en général.

A. LES RELATIONS ENTRE POLICE JUDICIAIRE ET AUTORITÉ JUDICIAIRE REPOSENT SUR UN ÉQUILIBRE PARFOIS INSTABLE

1. Qu'est ce que la police judiciaire ?

Au-delà de la vision mythique du fameux « Quai des Orfèvres », la police judiciaire est, en fait, une notion complexe, qui se trouve au confluent de trois éléments de définition.

La police judiciaire est, avant tout, une notion matérielle.

Ainsi, dès le code du 3 brumaire an IV, une différenciation apparaît entre la police administrative, chargée de l'ordre public et de la prévention des délits, et la police judiciaire, qui recherche les délits, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux. Cette dichotomie matérielle de la police, basée sur un critère finaliste, a été entérinée par la jurisprudence dans le célèbre arrêt « consorts Baud » (CE, 11 mai 1951), lui-même confirmé par un jugement du tribunal des conflits (Noualek, TC, 7 juin 1951).

En fait, si cette césure des opérations de police entre, d'une part, la prévention relevant de la police administrative et, d'autre part, la répression, domaine de la police judiciaire a une portée « intellectuelle », elle a aussi une vocation pratique puisqu'elle permet de répartir les contentieux entre les deux ordres de juridiction lorsque se posent des problèmes de réparation à la suite d'une opération de police : le juge administratif est alors compétent pour la police administrative, le juge judiciaire le devenant dans le cas de missions de police judiciaire.

Cette approche satisfaisante pour l'esprit n'est cependant pas parfaitement adaptée pour rendre compte de la réalité et, en définitive, pour définir correctement la police judiciaire. Tout d'abord, les fonctionnaires habilités à exercer des missions de police judiciaire effectuent indifféremment des actes qui relèvent de l'une ou l'autre police. Ensuite, une même opération de police peut changer de nature dans le temps et constituer, successivement ou alternativement, une mission de police administrative, puis de police judiciaire. Enfin, certains actes de police, tels les contrôle d'identité, ont, bien souvent, une nature hybride.

La police judiciaire est aussi une notion fonctionnelle. Cette approche est privilégiée par le code de procédure pénale qui précise les missions de la police judiciaire en distinguant deux situations. Tant qu'une information n'est pas ouverte, la police judiciaire est chargée de constater les infractions, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute alors les réquisitions et délégations du juge d'instruction. Dans tous les cas, la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la République (article 12), sous la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre d'accusation (article 13).

Selon cette acception, la police judiciaire se définit donc essentiellement comme une fonction auxiliaire de la justice, aussi bien en ce qui concerne ses personnels que ses attributions.

Enfin, la police judiciaire est aussi une notion organique, qui correspond à la fois à l'ensemble des personnels habilités à cet effet et aux services de la police nationale ou de la gendarmerie n'effectuant, peu ou prou, que des actes de police judiciaire.

L'article 15 du code de procédure pénale énumère les membres de la police judiciaire. Il s'agit des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints et des fonctionnaires et agents auxquels la loi attribue certaines fonctions de police judiciaire. En fait, ce sont les OPJ qui constituent le rouage essentiel de la police judiciaire : l'article 17 n'accorde qu'à eux seuls la totalité des prérogatives de police judiciaire, que celles-ci résultent du code de procédure pénale ou de lois particulières, les autres catégories de fonctionnaires n'agissant que sur leurs ordres et sous leur contrôle.

Etablissant expressément la distinction entre statut administratif des personnels et qualification judiciaire, l'article 16 octroie la qualité d'officier de police judiciaire (1:

-  aux maires et adjoints ;

-  aux officiers et gradés de la gendarmerie nationale, ainsi qu'aux gendarmes comptant au moins trois ans de service, nominativement désignés par arrêté interministériel et après avis conforme d'une commission ;

-  aux inspecteurs généraux, sous-directeurs de la police active, contrôleurs généraux, commissaires de police et officiers de police nominativement désignés par arrêté interministériel des ministres de l'intérieur et la justice, après avis conforme d'une commission ;

-  aux directeurs ou sous-directeurs de la police judiciaire, directeurs et sous-directeurs de la gendarmerie.

Mis à part les magistrats municipaux, les personnes visées ne bénéficient de la qualité d'OPJ que si elles sont affectées à des missions de police judiciaire. En outre, elles doivent être personnellement habilitées par le procureur général. Enfin, si certains fonctionnaires et militaires sont OPJ de plein droit (officiers de gendarmerie, commissaires et hauts fonctionnaires de police), les gendarmes et officiers de police ne peuvent y prétendre que sur désignation nominative, après avis conforme d'une commission dont la composition est fixée par un décret en Conseil d'Etat, codifié aux articles R. 5 (gendarmerie) et R. 8 (police nationale) du code de procédure pénale.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, la gendarmerie compterait 25 089 OPJ, dont 21 800 sous-officiers et gradés. De son coté, la police nationale emploierait 17 661 OPJ, dont 1 892 commissaires et 15 769 officiers (2).

Sur le plan organique, la police judiciaire est également l'entité qui regroupe les services qui n'effectuent que des missions de police judiciaire, dont, au premier chef, la direction centrale de la police judiciaire, les SRPJ, les brigades centrales de police judiciaire et les cabinets de délégation judiciaires de la Préfecture de police, en ce qui concerne la police nationale et les sections de recherche, pour la gendarmerie. Il faut cependant garder à l'esprit que cette approche par service est très réductrice : ainsi, dans le cadre de la réforme de la police nationale et de la mise en place de la police de proximité, les fonctionnaires de la police nationale affectés au sein de la direction de la sécurité publique, plus polyvalents, sont amenés à investir davantage les missions de police judiciaire, notamment en direction de ce qu'il est convenu d'appeler le « petit judiciaire ».

2. La police judiciaire est soumise à une dualité de tutelle perfectible

Avant de revenir plus en détail sur l'étendue des prérogatives de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire dans le cadre des commentaires d'articles, indiquons à ce stade, que, d'une manière générale, la police judiciaire est exercée sous la direction quotidienne du parquet en application de l'article 12 du code de procédure pénale. Le procureur de la République dispose de compétences propres ; il doit être systématiquement informé et peut diligenter des enquêtes et en prendre lui-même la direction. Dans chaque ressort de cour d'appel, elle est, en outre, placée sous la surveillance du procureur général qui habilite et note les OPJ et peut leur retirer leur habilitation. Elle est, enfin, soumise à la surveillance de la chambre d'accusation, qui dispose à l'égard des policiers et gendarmes habilités d'un pouvoir disciplinaire indépendant de celui qui appartient à l'autorité administrative.

Cette implication juridique de l'autorité judiciaire n'empêche pas, chacun peut le constater, le maintien de l'autorité hiérarchique et opérationnelle confiée, en ce qui concerne la police nationale au ministre de l'intérieur, et pour la gendarmerie, à celui de la défense.

Au total, la loi organise bien une véritable double tutelle sur la police judiciaire, que l'on décline parfois sous de multiples formes : tutelle de la justice, autorité de l'administration ; direction juridique par l'autorité judiciaire, direction administrative par l'autorité hiérarchique.

Cet équilibre subtil fonctionne-t-il correctement ? Assure-t-il un partage harmonieux des responsabilités ou masque-t-il la prépondérance de l'une des deux parties ? Garantit-il une efficacité optimale de l'action publique ?

Au vu des nombreux entretiens auxquels votre rapporteur a procédé, force est de constater que les jugements sont pour le moins contrastés.

Les représentants des policiers ont unanimement mis en exergue la qualité des relations avec les magistrats et le respect scrupuleux des prescriptions légales. Ce bilan positif a été également défendu par les responsables de la police judiciaire rencontrés à la préfecture de police, ceux-ci faisant état de la constance de leur rapport avec les juges, notamment dans le cadre des affaires confiées aux cabinets de délégation judiciaire. La plupart des fonctionnaires interrogés ont cependant reconnu que la gestion de certaines situations pouvaient se révéler délicate, mais ont considéré que celles-ci résultaient d'un manque patent de dialogue, voire de l'absence d'instruction écrite. En outre, plusieurs membres des organisations représentatives d'officiers de police ont regretté l'implication insuffisante de certains procureurs de la République dans le déroulement des enquêtes préliminaires, notamment en raison des moyens insuffisants mis à leur disposition.

En sens inverse, les magistrats et avocats ont presque unanimement plaidé pour une clarification des responsabilités, les règles de partage actuelles confortant, selon eux, la maîtrise effective de l'activité de la police judiciaire par sa hiérarchie administrative. Les organisations professionnelles de magistrats ont ainsi déploré que, dans de nombreux cas, les juges ne puissent obtenir l'exécution de leurs demandes dans des délais raisonnables, les chefs de service définissant, en dernier ressort, les priorités de leurs effectifs. Certains d'entre eux ont également souligné que, dans le cadre de l'architecture actuelle, les OPJ pouvaient être tentés d'informer leur hiérarchie administrative, dont dépend leur carrière, avant le procureur de la République ou, le cas échéant, le juge d'instruction.

Au-delà de ces appréciations divergentes, la réalité est sans doute difficile à appréhender.

On peut légitimement penser que, le plus souvent, les relations entre l'autorité judiciaire et la police judiciaire sont de bonne qualité et permettent d'assurer un travail d'équipe efficace et confiant. Dans ce domaine, les contacts personnels que nouent les uns et les autres, ainsi que la tradition, jouent sans doute un rôle au moins aussi important que les dispositions législatives régissant le contrôle de la police. A cet égard, on admettra bien volontiers que les cabinets de délégation judiciaire de la direction de la police judiciaire de la préfecture de police et les magistrats concernés travaillent en parfaite symbiose, celle-ci étant toutefois grandement facilitée par la tradition, la culture, la spécialisation, voire par des facteurs sociologiques.

Pour autant, sans même évoquer les démêlés entre M. Olivier Foll, alors directeur de la police judiciaire parisienne, et le juge d'instruction M. Eric Halphen, on ne peut raisonnablement nier l'existence, dans certains cas, de tensions entre la hiérarchie policière et les procureurs de la République ou les juges d'instruction. De fait, largement dépendant des relations interpersonnelles et du dialogue entre les parties prenantes, le précaire équilibre assuré par le code de procédure pénale résiste parfois mal à ces tensions. Dans une situation de blocage, la hiérarchie administrative, présente au quotidien et gestionnaire des carrières, tend mécaniquement à prendre le dessus.

En outre, on ne peut ignorer ici les propos tenus par M. Philippe Marchand, ancien ministre de l'intérieur, à l'occasion des entretiens de Saintes, le 6 février dernier, qui attestent, pour le moins, d'un certain malaise : « Je veux maintenant m'exprimer en qualité d'ancien ministre de l'Intérieur. On évoque beaucoup la réglementation de nos institutions, mais il existe, dans ce pays, des pratiques qu'il ne faut pas avoir peur de dénoncer, qui ne doivent plus durer. Dès lors qu'un officier de police judiciaire mandaté par un magistrat interroge quelqu'un et dresse un procès-verbal, est-il normal qu'il le transmette au ministère de l'Intérieur ? Est-il normal qu'un ministre de l'Intérieur se voit poser par le policier la question de savoir quand il « devra » transmettre le document au magistrat qui l'a commis pour procéder à l'enquête ? » (3).

B. LE PROJET ORGANISE UN LÉGER DÉPLACEMENT DU CURSEUR AU PROFIT DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

Quel que soit le jugement porté par les uns et les autres, le gouvernement a pris acte des errements du système actuel puisqu'il propose de le corriger. Ecartant opportunément les mesures extrêmes, le projet de loi suggère de préciser et de compléter les règles en vigueur afin de donner plus de consistance au contrôle que doit exercer l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.

1. L'option radicale est rejetée

Depuis longtemps, de nombreuses voix réclament le rattachement pur et simple de la police judiciaire au ministère de la justice, ce dernier assumant ainsi non seulement la direction juridique, mais aussi la hiérarchie administrative sur les fonctionnaires concernés.

Le sénateur Hubert Haenel plaide continûment et avec conviction pour cette solution radicale, option également soutenue par la plupart des organisations professionnelles représentatives des avocats entendues par votre rapporteur, ainsi que par certains juges d'instruction. De leur côté, les syndicats de magistrats expriment assez largement leur préférence pour un rattachement partiel de la police judiciaire au ministère de la justice, le Syndicat de la magistrature, l'Union syndicale des magistrats et l'Association professionnelle des magistrats suggérant, par exemple, le rattachement de certains services ou le détachement d'un certain nombre d'officiers de police judiciaire auprès des procureurs généraux et qui seraient alors placés sous leur direction administrative.

En revanche, on ne sera pas surpris que les organisations professionnelles de policiers aient fait part de leur opposition déterminée à une telle réforme, le préfet de police de Paris ayant, quant à lui, insisté sur les obstacles pratiques, constitutionnels et d'opportunité qui s'y opposent.

En fait, plusieurs arguments conduisent à rejeter une telle démarche, pour séduisante qu'elle soit a priori.

Tout d'abord, comme on l'a vu, il est difficile de délimiter précisément le périmètre de la police judiciaire. Dans ces conditions, où commencerait et où finirait son rattachement à la Chancellerie ? Reconnaissons toutefois que si cet obstacle rend malaisé la soumission de l'ensemble de la police judiciaire au garde des sceaux, il serait moins dirimant dans le cas d'un rattachement partiel et « ciblé » puisque, d'ores et déjà, certains services de police ou de gendarmerie ont exclusivement des activités judiciaires.

Ensuite, le changement de tutelle administrative se heurterait évidemment à certaines rigidités inhérentes aux différents statuts, aux règles particulières de déroulement de carrière et de mobilité et aux particularités des régimes indemnitaires, questions éminemment sensibles.

Enfin, un tel choix soulèverait des difficultés majeures au regard des traditions et des cultures professionnelles très marquées des policiers et des gendarmes, les premiers étant soudés par l'esprit de la « maison », les seconds attachés à leur statut militaire. On peut sans doute s'interroger sur la pertinence de ces attitudes, mais elles sont compréhensibles et résultent de l'histoire administrative et institutionnelle française ; aussi doivent-elles être prises en compte. A l'évidence, ni la police, ni la gendarmerie, ni même l'autorité judiciaire ne sont prêtes à une mutation de cette importance.

2. L'implication de l'autorité judiciaire est stimulée par des solutions techniques intéressantes et parfois innovantes

Le projet de loi propose un ensemble cohérent de dispositions qui permettent de mieux affirmer la teneur du contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire, en privilégiant le dialogue entre les hommes et l'information entre les services. Relativement peu contraignantes, elles devraient néanmoins contribuer à l'émergence d'un nouvel état d'esprit, notamment en incitant les procureurs de la République à approfondir leur implication dans le suivi des activités de la police judiciaire.

La panoplie de mesures se décline autour de quatre thèmes :

-  La définition des missions de la police judiciaire

En application de l'article 6, il est ainsi désormais explicitement indiqué que les missions de la police judiciaire s'inscrivent dans le cadre des orientations générales émanant du ministre de la justice, telles qu'elles sont précisées par le procureur de la République. Cette nouvelle rédaction de l'article 14 du code de procédure pénale confie donc à l'autorité judiciaire le pouvoir de déterminer les priorités de la police judiciaire.

-  La direction des enquêtes

Aux termes du code de procédure pénale, si le procureur de la République dirige l'action des officiers de police judiciaire, le principe de la direction effective du déroulement des enquêtes n'est pas mentionné en tant que tel. Cette lacune est comblée par l'article 7.

Par ailleurs, cette prérogative est précisée en ce qui concerne les enquêtes préliminaires, qui constituent le droit commun de l'action policière, que celles-ci soient déclenchées à la demande du procureur de la République ou d'office. L'article 8 insère ainsi deux nouvelles dispositions dans le code de procédure pénale prévoyant que le procureur de la République, qui saisit un service pour une enquête préliminaire, doit en fixer le délai, que les officiers de police judiciaire doivent le tenir informé du déroulement des enquêtes lorsque celles-ci sont commencées depuis plus de un an et, enfin, que ces mêmes officiers doivent le saisir dès qu'une personne suspecte est identifiée.

Il semble nécessaire de corriger ces dispositions afin d'accroître leur efficacité. La Commission a ainsi estimé préférable que les officiers de police judiciaire agissant d'initiative rendent compte de l'état d'avancement de leurs enquêtes tous les six mois (amendement n° 24).

-  Un droit de regard sur l'utilisation des effectifs

Beaucoup de magistrats regrettent de ne pas maîtriser l'affectation des ressources humaines aux enquêtes, soulignant que les chefs de services déterminent, par ce biais, leurs priorités, quelquefois au détriment des demandes judiciaires.

Ecartant toute immixtion directe des procureurs de la République dans la gestion proprement dite des effectifs, le projet propose, dans ce domaine, deux dispositions innovantes.

Ainsi, la mise en _uvre des priorités de politique pénale sera facilitée par l'article 7, qui modifie l'article 41 du code de procédure pénale relatif aux prérogatives du procureur de la République, lequel institue une obligation périodique d'information entre ce dernier et les chefs de services compétents en ce qui concerne les moyens à déployer. Ces dispositions en faveur d'une systématisation du dialogue sont judicieuses, même s'il apparaît nécessaire d'en préciser le champ d'application. La Commission a ainsi considéré que cette information devait être organisée au moins une fois par trimestre (amendement n° 22).

Au-delà, le même article précise que, dans le cas d'une enquête complexe, la fixation des moyens sera faite en commun par le procureur de la République et le chef du service saisi. L'idée est intéressante puisqu'elle reconnaît à l'autorité judiciaire une sorte de « droit d'évocation » sur la composition des équipes affectées à une enquête difficile, domaine duquel elle était complètement exclue. Ici encore, le projet de loi joue la carte du dialogue dans la mesure où il faudra bien que procureur de la République et responsables de la police ou de la gendarmerie s'accordent à reconnaître ex ante qu'une enquête peut justifier une telle collaboration.

Notons, par ailleurs, que ces principes sont étendus aux commissions rogatoires au profit du juge d'instruction.

Au total, les mesures proposées par le projet de loi que d'aucuns jugeront sûrement trop timides devraient donner plus de consistance au contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire, sachant que leur efficacité va largement dépendre des conditions locales et de la personnalité de chacune des parties prenantes. Seule la pratique permettra de juger si elles sont aptes à réguler les problèmes là où ils existent.

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En conclusion, comme l'a souligné avec vigueur la garde des sceaux devant la commission des Lois, « toutes les avancées du projet de loi relatif à l'action publique vers plus de transparence et de proximité du citoyen sont autant de leviers vers plus de responsabilisation du magistrat » : plus les décisions sont transparentes, plus les comportements sont identifiés et connus, plus la responsabilité se développe. Enfin, la ministre a souligné que le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, qui sera déposé après l'adoption par le Congrès du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, prévoirait l'institution de commissions d'examen des réclamations des justiciables dans le ressort d'une ou plusieurs cours d'appel. Après le législateur et l'exécutif, l'autorité judiciaire ne peut échapper à cet enchaînement éthique : plus d'indépendance, plus de pouvoir, et donc plus de responsabilité.

Avant d'examiner le projet de loi, la Commission a procédé, le mardi 1er juin 1999, à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

La garde des sceaux a tout d'abord souligné que le projet de loi marquait une rupture avec la tradition de soumission du parquet au pouvoir politique. Elle a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas cependant de couper le lien entre la Chancellerie et le parquet mais de donner une plus grande transparence à l'action publique, tout en responsabilisant davantage les magistrats du parquet.

Abordant en premier lieu le thème de la transparence, elle a rappelé que, depuis deux ans, aucune instruction individuelle n'avait été adressée aux procureurs et observé que le projet de loi avait donc pour objet d'inscrire cette politique dans le code de procédure pénale. Elle a ensuite précisé que le texte confiait au garde des sceaux la mise en _uvre de la politique pénale définie par le Gouvernement par le biais d'orientations générales ayant un caractère public et destinées à être mises en _uvre par les magistrats du parquet. Elle a fait observer que, depuis deux ans, la politique pénale était conduite au travers de circulaires, précisant qu'elle en avait adressé 5 en 1997, 26 en 1998 et 5 au 30 avril pour l'année 1999. Elle a notamment mentionné la circulaire concernant la politique pénale en matière de délinquance juvénile du 5 juillet 1998, celles relatives à l'aide aux victimes du 13 juillet 1998 et à l'incitation à participer à la conclusion des contrats locaux de sécurité des 5 janvier et 9 mars 1998. Elle a également évoqué des actions plus ponctuelles, concernant l'organisation de la coupe du monde ou les violences urbaines et souligné qu'une bonne articulation entre les interventions des services de police et l'action des procureurs avaient produit des résultats très satisfaisants.

S'agissant toujours de la transparence, elle a également insisté sur le devoir d'information que le projet de loi impose aux procureurs généraux et aux procureurs vis-à-vis du garde des sceaux. Précisant qu'elle avait institué cette pratique depuis deux ans, elle a observé qu'elle constituait une rupture avec la situation antérieure dans laquelle l'information de la Chancellerie, liée à ses interventions dans les affaires individuelles, présentait un caractère aléatoire. Elle a souligné que les parquets généraux devaient procéder à l'analyse, à l'évaluation et à la synthèse des informations communiquées par les procureurs, pour qu'elles puissent être utilisées par la Chancellerie, afin d'élaborer une politique pénale adaptée. A cet égard, elle a évoqué l'adoption d'une seconde directive sur les contrats locaux de sécurité, à la suite des informations communiquées par les parquets généraux. Elle a également noté que les analyses adressées par les parquets sur les actes de violence urbaines, à la suite des premiers incidents de Strasbourg en 1997, l'avaient conduit à prendre la directive du 23 décembre 1998, qui s'était traduite par des résultats probants dans le domaine de la sécurité, le renouvellement des violences urbaines à Strasbourg en 1998 ayant donné lieu à des interpellations, contrairement à ce qui s'était passé en 1997.

La ministre a ensuite indiqué que le projet de loi donnait au garde des sceaux le droit d'agir directement en saisissant une juridiction lorsque l'intérêt général commandait des poursuites alors que le procureur, ou la partie lésée, n'avait pas mis en mouvement l'action publique. Elle a souligné que le texte prévoyait que le Parlement serait informé chaque année par le garde des sceaux de la mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale et de l'exercice du droit d'action et ajouté qu'il imposait aux procureurs et aux procureurs généraux de rendre publique les conditions de mise en _uvre des orientations générales.

Abordant le volet de la responsabilité des procureurs, la garde des sceaux a évoqué le renforcement de l'autorité du procureur général sur les procureurs de son ressort et indiqué que les procureurs de la République seraient tenus d'exécuter les instructions écrites données par les procureurs généraux dans le cadre de la mise en _uvre des orientations générales de politique pénale. Elle a remarqué que la responsabilisation passait aussi par l'institution de nouvelles obligations des procureurs vis-à-vis des justiciables et précisé, à ce titre, que les victimes devraient être avisées des décisions de classement sans suite du procureur de la République, que ces décisions devraient être motivées, que les victimes devraient être informées de leurs droits, les personnes intéressées n'ayant pas la possibilité de se constituer partie civile pouvant former un recours devant le procureur général, puis devant une commission des recours.

La ministre a, par ailleurs, indiqué que le projet de loi donnait aux autorités judiciaires un véritable droit de regard sur l'affectation des effectifs de police judiciaire lors des enquêtes, soulignant que l'indépendance des magistrats du parquet supposait qu'ils disposent d'un réel pouvoir de contrôle sur la police judiciaire. A cet égard, elle a souligné que, dans le cadre d'une affaire complexe ou d'une certaine durée, le procureur ou le juge d'instruction définiraient avec le responsable du service de police judiciaire les moyens devant être mobilisés. Elle a ajouté que le procureur pourrait fixer le délai d'exécution de l'enquête, dans le cadre d'une enquête préliminaire et devrait être informé par les enquêteurs dès que l'auteur présumé de l'infraction serait identifié et, plus généralement, être informé par la police judiciaire de l'état de l'avancement de la procédure au bout d'un délai
d'un an.

Poursuivant la réflexion sur les thèmes de l'indépendance et de la responsabilité, la garde des sceaux a indiqué que le projet de loi n'abordait pas la question de l'indépendance des magistrats du siège, observant que cette indépendance était garantie depuis 1808 par le code de l'instruction criminelle. Elle a souligné qu'il garantissait, en revanche, l'indépendance des magistrats du parquet, tout en instituant une véritable contrepartie, par le biais de leur responsabilisation. Elle a remarqué, en effet, qu'à la responsabilité pénale, civile et disciplinaire des magistrats devait s'ajouter une responsabilité fondée sur un système de relations plus transparentes entre le parquet et la Chancellerie, estimant que cette transparence permettrait de sanctionner plus facilement les magistrats ayant failli à leurs devoirs. Elle a ainsi considéré que la mise en place d'un système de recours contre les décisions de classement sans suite était susceptible de prévenir des comportements désinvoltes de la part des magistrats. Elle a estimé, en outre, que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature devait apporter toutes les garanties en ce qui concerne l'indépendance de l'ensemble des magistrats, rappelant que ce projet élargissait les compétences du Conseil supérieur de la magistrature et sa composition par la présence majoritaire de non-magistrats. Elle a ajouté que les deux projets de loi organique qui devaient suivre la révision constitutionnelle, l'un relatif aux modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature, l'autre relatif au statut des magistrats, permettraient de renforcer cette évolution, précisant qu'ils étaient prêts. Rappelant que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée par les deux assemblées, devait maintenant être approuvée par le Congrès, elle a exprimé le souhait que celui-ci soit convoqué à l'automne pour que les projets de loi organique puissent être examinés par les deux assemblées.

En conclusion, la garde des sceaux a insisté sur le fait que le projet de loi s'inscrivait dans un mouvement général de réforme de la justice, tendant à rendre celle-ci plus indépendante, plus proche des citoyens et plus responsable. Elle a rappelé que le projet de loi relatif à la présomption d'innocence introduisait des délais stricts en matière de détention provisoire, pour mettre fin à des situations d'autant plus abusives qu'elles pouvaient se terminer par un non-lieu. Elle a également évoqué la loi du 18 décembre 1998 destinée à faciliter l'accès à la justice. Elle a considéré que l'ensemble de ces textes devait permettre aux différents acteurs du système judiciaire de jouer leur rôle et d'être plus responsables. Evoquant enfin la réforme des tribunaux de commerce et du droit de la famille, la Ministre a souligné que le Gouvernement respectait depuis dix-huit mois le calendrier qu'il s'était fixé en matière de réforme de la justice.

Rappelant que ce texte changerait les conditions de nomination des magistrats du parquet en assurant leur indépendance, Mme Catherine Tasca, présidente, a également souhaité que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, qui doit marquer une étape essentielle dans la mise en _uvre de la réforme proposée par la Garde des sceaux, puisse être rapidement soumis au Congrès.

Le rapporteur a demandé à la garde des sceaux si elle serait favorable à la création, à terme, de deux corps de magistrats, l'un ayant pour fonction d'exercer l'action publique et l'autre de juger, prenant acte du fait qu'une telle perspective n'apparaissait pas dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. Observant que la garde des sceaux ne recourait pas aux instructions individuelles écrites et que le projet de loi entendait prohiber cette pratique, il a souhaité savoir si les prédécesseurs de Mme Elisabeth Guigou avaient recouru à de telles instructions écrites, versées au dossier de la procédure, et quels avaient été leurs effets. Il a également demandé à la garde des sceaux de fournir quelques exemples de cas dans lesquels l'intérêt général pourrait justifier l'action propre du ministre de la justice, ce droit d'action étant une novation juridique proposée par le projet de loi. Il s'est également interrogé sur les modalités de la mise en _uvre de ce droit d'action qui pourrait incomber à un avocat, à un procureur ad hoc ou au directeur des affaires criminelles et des grâces comme certains ont pu le suggérer. Puis il a souhaité savoir si des projections avaient été réalisées pour estimer le nombre de décisions de classement sans suite susceptibles de faire l'objet d'un recours. Enfin, constatant que le projet améliorait le contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire, il a demandé le sentiment de la garde des sceaux sur l'idée de créer des brigades de police judiciaire rattachées au procureur général dans le ressort de chaque cour d'appel.

M. Claude Goasguen s'est interrogé sur la compatibilité du projet de loi avec les articles 20 et 21 de la Constitution. Il a, en effet, estimé que la politique de la Nation, qui relève du Gouvernement, ne devait pas seulement se traduire par des directives de portée générale mais également par des décisions individuelles, en particulier en matière pénale. Illustrant son propos par l'exemple de la condamnation de terroristes qui pourrait entraîner des représailles contre la France, il s'est demandé si, dans une telle hypothèse, il serait illégitime que le Gouvernement puisse intervenir. Il a, en outre, rappelé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 août 1993, avait annulé, comme contraire à l'article 20 de la Constitution, une disposition limitant la faculté pour le Gouvernement de donner des instructions à la Banque de France. Il s'est ensuite interrogé sur la nature juridique des orientations générales de la politique pénale qui seraient arrêtées par le ministre de la justice. Il a souhaité savoir quelles sanctions s'appliqueraient si, dans ces orientations générales, apparaissaient en fait des instructions individuelles, soulignant qu'aucune autorité ne serait compétente pour examiner la légalité de la décision ministérielle qui aurait le caractère d'un acte de Gouvernement insusceptible de recours. Observant que le projet de loi n'apportait nulle réponse à ce problème, il a critiqué le caractère flou du dispositif en la matière. Il a également souhaité savoir ce qui se passerait dans l'hypothèse où le procureur de la République refuserait de déférer à la demande d'explications du garde des sceaux. Concernant les relations entre la police et la justice, il a observé que des conflits pourraient apparaître lors d'une enquête entre le procureur et le commissaire de police et s'est interrogé sur la manière dont ils pourraient se résoudre, alors qu'il appartient au ministre de l'intérieur de gérer les effectifs de police et que le projet de loi reconnaît au procureur, désormais indépendant, un pouvoir accru sur la police judiciaire.

Après avoir rappelé que, dès le début de l'année 1997, le Président de la République avait évoqué la nécessité de trancher le « cordon » entre le parquet et le ministère de la justice, puis chargé une commission conduite par M. Pierre Truche de réfléchir à la réforme de la justice, M. Gérard Gouzes a constaté que le projet de loi s'inspirait en grande partie des conclusions de cette commission. Il a considéré qu'il était normal que le Garde des sceaux puisse définir des orientations générales en matière pénale, prenant l'exemple de la politique à mener pour la poursuite des actes à caractère raciste, dans un contexte où certains n'hésitent pas à prononcer en public des discours relevant de cette définition. Constatant que les justiciables demandaient avec insistance que le Gouvernement fasse avant tout appliquer la loi, il a souligné que l'opinion publique ne distinguait pas toujours cependant le rôle respectif des différents acteurs et leurs responsabilités. Il s'est ensuite demandé si l'on ne pourrait distinguer de l'instruction générale, « l'instruction de partialité », qui permettrait au garde des sceaux de demander le traitement exceptionnel d'un dossier, soulignant, par ailleurs, que lorsqu'un procureur n'avait pas souhaité engager de poursuite, il était difficile d'envisager qu'il le fasse à la demande de la Chancellerie. Il a appelé à éviter le double écueil d'un encadrement trop rigide de l'action du parquet et d'un abandon par le garde des sceaux de son autorité sur la justice, précisant qu'il lui semblait difficile de ne pas imaginer, à terme, une séparation totale du parquet et du siège. Enfin, il a insisté sur la nécessité d'organiser une plus grande transparence dans le domaine pénal et s'est félicité que le projet de loi poursuive cet objectif.

Qualifiant le texte de « trompe l'_il », M. Pascal Clément a regretté, qu'il ne soit pas plus clair sur les intentions du Gouvernement en matière de relations entre la Chancellerie et le parquet ; il a ainsi considéré qu'en permettant au procureur d'évoquer une question auprès de la Chancellerie et au garde des sceaux de demander des renseignements sur une affaire, le texte n'établissait pas de rupture claire entre le parquet et l'exécutif. Rappelant que les procureurs généraux étaient le plus souvent demandeurs d'instructions individuelles, il a estimé que l'interdiction en la matière pourrait en outre toujours être contournée. A cet égard, il a mentionné des propos tenus par le président de la Conférence nationale des procureurs généraux, lors du déplacement de la Commission à la cour d'appel de Grenoble, évoquant une situation dans laquelle le ministère public de Toulon, n'ayant pas obtenu de réponse à des demandes répétées d'instructions, avait cependant constaté qu'une circulaire d'ordre général avait fini par répondre implicitement à ces questions. Il a, par ailleurs, considéré que le texte, en renforçant les responsabilités du procureur, tout en lui garantissant une plus grande indépendance, était contradictoire. Observant que les formations politiques étaient divisées sur la question du lien entre la police judiciaire et les juges, il a estimé qu'un renforcement de ces liens, qui passerait par exemple par un droit de regard du procureur sur les effectifs de la police judiciaire, relèverait du v_u pieux. Concluant que le texte présenté par la garde des sceaux n'était qu'un nouvel habillage des dispositions existantes, il a souhaité qu'une réflexion approfondie soit engagée sur la justice, exprimant sa préférence personnelle pour un système dans lequel les magistrats du parquet relèveraient plus étroitement de l'exécutif et pourraient, à ce titre, mieux défendre les valeurs de la République, tandis que l'indépendance des juges du siège serait accrue.

Se félicitant que le projet de loi instaure un réel équilibre dans les relations entre la Chancellerie et le parquet, M. Jacques Brunhes a exprimé son opposition à l'égard de toute disposition qui marquerait une rupture complète en la matière. Il a souligné que le garde des sceaux conserverait ses compétences puisqu'il pourrait émettre des observations générales, pour la définition des grandes orientations de la politique judiciaire et notamment de la politique pénale, et aurait toujours la possibilité de mettre en _uvre l'action publique. Constatant par ailleurs que ce projet donnait lieu à des critiques, portant en particulier sur les pouvoirs des procureurs généraux, qualifiés par certains de « préfets judiciaires », M. Jacques Brunhes s'est inquiété de certaines modalités pratiques d'application, souhaitant savoir, notamment, si, comme l'évoquait M. Gérard Gouzes, la politique suivie en matière de poursuites contre le racisme relèverait effectivement d'observations générales dans le cadre de la définition de la politique judiciaire. Concernant la question de l'indépendance du procureur, il a constaté que celle-ci ne pourrait être absolue, dans la mesure où elle restait encadrée par les orientations générales données par le garde des sceaux. Concluant sur un problème connexe à ceux évoqués par le projet de loi, M. Jacques Brunhes a suggéré qu'une réflexion approfondie puisse avoir lieu sur la présomption d'innocence et la détention provisoire.

Observant en premier lieu que ce texte ne permettait pas une réelle clarification des liens entre Chancellerie et parquet, M. Renaud Donnedieu de Vabres a souligné qu'il était en fait motivé par une suspicion permanente à l'égard des instructions individuelles données par le garde des sceaux. Considérant que ce type d'instructions étaient plus aisément contrôlables lorsqu'elles devaient être écrites et motivées, il a fait observer que l'équilibre entre le parquet et la Chancellerie apparaissait alors plus clairement. Admettant qu'il y avait pu y avoir des événements provoquant la suspicion, il a regretté néanmoins qu'une législation soit construite sur la seule base de la constatation de quelques dysfonctionnements. Il a également insisté sur le fait que l'exécutif avait des responsabilités en matière judiciaire qu'il se devait d'assumer, soulignant qu'il revenait ensuite au juge du siège de se prononcer en toute indépendance. Considérant que, dans la pratique, le garde des sceaux ne pourrait se priver de donner des instructions, il a noté que le texte comportait sur ce point une ambiguïté évidente, puisqu'il permettait à la Chancellerie d'obtenir des informations sur une affaire. Concluant sur la nécessité pour l'exécutif d'assumer ses responsabilités, M. Donnedieu de Vabres a estimé que le texte n'aurait d'autre effet que d'autoriser, de manière plus déguisée, des pratiques que le Gouvernement affirme pourtant combattre.

Observant que le projet de loi devait être perçu comme un long et patient travail de reconstitution de la crédibilité de l'institution judiciaire, M. Arnaud Montebourg s'est réjoui que l'exécutif ne puisse plus manipuler le cours de la justice, ou même être soupçonné de le faire. Il s'est néanmoins interrogé sur certaines modalités prévues par le texte, évoquant notamment le droit d'action propre conféré au garde des sceaux lorsque l'intérêt général ou la carence de l'institution judiciaire le requièrent, et le cas où le garde des sceaux décide d'intervenir en son nom propre, sans possibilité de délégation de signature.

M. Robert Pandraud s'est interrogé sur les responsabilités qui seraient engagées en matière de respect de l'ordre public, exprimant la crainte que l'intervention du procureur, auparavant sollicité en cas de manifestation ou de menaces à l'ordre public, ne soit amenée à disparaître, compte tenu de la coupure instaurée entre police judiciaire et police administrative. Il s'est également inquiété du fait que le garde des sceaux ne puisse répondre convenablement à la sollicitation de gouvernements étrangers sur des affaires délicates, au motif qu'il ne pourrait plus donner d'instructions.

En réponse aux commissaires, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- En votant, en termes identiques, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, les deux assemblées ont choisi de maintenir un corps unique de magistrats. Revenir sur ce principe supposerait, à terme, un changement complet de la procédure pénale.

- Il apparaît préférable que les membres du ministère public conservent la qualité de magistrat, l'autorité judiciaire étant gardienne de la liberté individuelle, car ils contrôlent la police judiciaire et exercent l'action publique. Néanmoins, il n'est pas interdit de réfléchir aux modalités de passage du siège au parquet, en particulier à l'intérieur d'une même juridiction.

- Si des instructions écrites et versées au dossier de la procédure ont été données sous la législature précédente, sur le fondement de la loi du 24 août 1993, il n'a pas été possible d'en trouver trace à la Chancellerie. Toutefois, la consultation de dossiers remontant à une période bien plus lointaine montre que les instructions pouvaient s'apparenter à des règlements de comptes politiques. Quoi qu'il en soit, depuis l'arrivée en fonction du gouvernement de M. Lionel Jospin, aucune instruction, écrite ou orale, sous quelque forme que ce soit, n'a été donnée ; cette pratique claire et constante a été parfaitement assimilée par les parquets généraux après quelques mois d'adaptation.

- Le garde des sceaux peut déjà saisir une juridiction, la Cour de cassation, dans l'intérêt de la loi. Conditionnée et légitimée par l'absence de poursuites pénales et la défense de l'intérêt général, la mise en mouvement de l'action publique par le ministre sera exceptionnelle et engagera sa responsabilité politique, car il devra en rendre compte devant le Parlement. Il s'agit d'une soupape de sécurité qui pourra être utile, par exemple, dans des affaires concernant la défense des intérêts nationaux, la défense nationale, les crimes contre l'humanité, le terrorisme, le racisme ou l'environnement. Si à la fin de la procédure, la juridiction ne suit pas le garde des sceaux, cela ne sera pas plus problématique que lorsque le Conseil d'Etat annule une décision prise par un ministre. Des améliorations techniques peuvent être recherchées sur les modalités de mise en mouvement de l'action publique, dès lors qu'elles ne donnent pas au garde des sceaux la qualité de partie à la procédure - même par personne interposée - ou un droit d'intervention en cours de procédure, ce qui reviendrait à réintroduire les instructions dans les affaires individuelles.

- La motivation des classements sans suite devrait concerner environ 80 000 procédures et les moyens des parquets seront renforcés pour faire face à cette obligation nouvelle.

- Si, dans l'idéal, un rattachement de la police judiciaire à l'autorité judiciaire peut paraître souhaitable, il se heurte à des difficultés tenant notamment aux perspectives matérielles, moins favorables, que le ministère de la justice peut offrir aux policiers ou aux gendarmes. Le projet privilégie d'autres moyens de parvenir, en pratique, à une amélioration du contrôle de la police judiciaire par les magistrats : l'attribution, le maintien et le redéploiement des effectifs affectés aux investigations et l'information sur l'état d'avancement de l'enquête.

- La loi du 24 août 1993 ne garantit pas l'obéissance absolue aux instructions données par le ministre, car un procureur est toujours libre d'exprimer son désaccord à l'audience. Par ailleurs, si un membre du ministère public viole la loi, notamment celle qui lui fera à l'avenir obligation de mettre en _uvre les orientations générales de la politique pénale, il est passible d'une procédure disciplinaire. En outre, un procureur qui aurait de façon évidente méconnu ces orientations générales dans la conduite de l'action publique ne peut pas espérer, dans la suite de sa carrière, voir sa nomination proposée par le garde des sceaux au Conseil supérieur de la magistrature.

- Le projet donne au Gouvernement la possibilité de déterminer et de conduire sa politique pénale sans le caractère aléatoire qu'introduisaient les instructions dans les affaires individuelles. Le renoncement à toute instruction est une option fondamentale, car c'est le seul moyen de mettre fin au soupçon d'intervention politique : or, maintenir la possibilité de donner des instructions, même « justifiées », revient à légitimer le principe même des instructions. Par ailleurs, il n'y a pas d'incohérence à donner des directives générales de politique pénale et aucune instruction dans les affaires individuelles, comme le prouve une pratique persévérante et constante depuis deux ans, période qui n'a pas été exempte de crises graves ou de conflits sociaux et pendant laquelle la justice a agi en toute indépendance, sans que cela pose problème. Il est donc souhaitable de consacrer dans la loi cette approche de l'action publique, qui garantit, dans la transparence, une meilleure application de la politique pénale et une meilleure défense de l'intérêt général. Cette approche présente, en outre, l'avantage de permettre au garde des sceaux de consacrer son énergie, non pas à la gestion quotidienne de l'action publique, mais aux nombreux problèmes que connaît l'institution judiciaire.

- Les demandes d'information sont légitimes, dès lors qu'elles ne sont pas prétexte à envoi d'instructions. Le garde des sceaux doit être informé le plus précisément possible sur l'état d'une procédure quand il le juge utile.

- Le Gouvernement n'a pas varié dans son analyse des rapports entre le ministre de la justice et l'organisation hiérarchique du ministère public depuis la communication sur la réforme de la justice présentée en Conseil des ministres, le 29 octobre 1997, suivie d'un débat au Parlement en janvier 1998.

-  Il n'est pas admissible qu'un membre du ministère public puisse laisser entendre que des instructions déguisées parviennent au parquet. En conséquence, il sera demandé au procureur général, qui aurait indiqué devant des membres de la commission des Lois que des instructions concernant une affaire individuelle auraient été données par le détour d'une circulaire, de rendre compte de ses propos. En ce qui concerne le magistrat de Toulon condamné au plan pénal, la seule action du garde des sceaux a consisté, après l'intervention de l'inspection générale des services judiciaires, à demander au Conseil supérieur de la magistrature de le condamner au plan disciplinaire pour connivence et violation du secret de l'instruction au profit du Front national.

Soulignant la grande disponibilité de la garde des sceaux depuis le début de la réforme de la justice, la présidente a considéré que les relations constructives entretenues avec la commission des Lois donnaient aux parlementaires la possibilité de participer utilement à l'élaboration d'une réforme fondamentale.

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Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jacques Floch a souligné que ce projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale était sans nul doute le texte le plus important de ceux qui se rapportent à la réforme de la justice, ajoutant qu'il avait, à ce titre, requis de nombreux mois de travail. Constatant cependant que certaines de ses dispositions auraient eu davantage leur place dans d'autres projets examinés précédemment, il a regretté qu'il n'ait pas été possible de présenter la totalité des propositions concernant la réforme de la justice en un seul grand texte d'ensemble. Il a également déploré le retard pris par le Président de la République à réunir le Congrès afin que soit définitivement adopté le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Rappelant que, tant que cette révision constitutionnelle n'était pas achevée, le Parlement se trouvait dans l'impossibilité de procéder à l'examen des deux lois organiques concernant le Conseil supérieur de la magistrature et le statut des magistrats, il a demandé que la commission des Lois exprime officiellement sa désapprobation pour ces méthodes de travail qui imposent l'examen d'un texte renforçant l'indépendance des magistrats sans que puisse être à aucun moment abordée la question de leur statut et de leur responsabilité. Exprimant sur le fond son entière adhésion à un projet qui permet d'instaurer un bon équilibre dans les relations entre le garde des sceaux et le parquet, il a rappelé, en conclusion, que les magistrats étaient des fonctionnaires, d'une nature certes particulière, mais qu'ils devaient, en tant que tels, être placés en situation d'avoir à rendre des comptes aux citoyens.

Soulignant en préambule le travail effectué et les améliorations apportées par le rapporteur sur le projet de loi, M. Louis Mermaz a évoqué le problème de l'indépendance des magistrats, rappelant notamment, à ce propos, que l'autorité de la chose jugée n'empêchait nullement, contrairement à ce qui est couramment avancé, de commenter un jugement. Tout en estimant que le texte soulevait clairement la question de la responsabilité des juges, avec la suppression des instructions individuelles, il a indiqué qu'il faudrait s'efforcer d'obtenir, grâce aux orientations générales définies par le garde des sceaux, une cohérence de la justice et de la politique pénale sur l'ensemble du territoire.

Considérant que ce projet avait davantage une valeur emblématique qu'une réelle portée pratique, puisque seul un nombre restreint d'affaires semblait concerné par ses dispositions, M. Pierre Albertini a rejeté l'idée selon laquelle la réforme envisagée aboutirait à un gouvernement des juges, observant qu'une telle révolution ne semblait pas correspondre à la mentalité des magistrats. Il a, en revanche, manifesté son inquiétude à l'égard du risque que présenterait l'atomisation d'une politique pénale livrée aux seuls procureurs généraux, dont l'indépendance sera accrue, et qui auront à décider de l'opportunité des poursuites. Rappelant que, si la responsabilité disciplinaire existait pour les magistrats, elle n'était que rarement mise en _uvre, il a souhaité que puisse être établie une relation claire entre garde des sceaux et parquet, qui permettrait de garantir l'indépendance du parquet en termes de nominations et de carrière, tout en laissant subsister des instructions individuelles pour le déclenchement des poursuites. Il a observé que ces principes lui paraissaient préférables à ceux proposés par le projet, estimant en l'occurrence que le système de recours contre les classements sans suite deviendrait vite inopérant et que le droit d'action propre attribué au garde des sceaux risquait d'aller à l'encontre de la tradition républicaine.

Rappelant que ce texte correspondait à l'un des derniers volets de la réforme du système judiciaire, avant l'examen des lois organiques sur le Conseil supérieur de la magistrature et sur le statut de la magistrature, M. Alain Tourret a regretté qu'elle n'ait pu faire l'objet d'un texte unique qui aurait sans nul doute permis un meilleur équilibre de l'ensemble de la réforme. Evoquant les différents chapitres du projet, et notamment son chapitre 1er qui en constitue l'épine dorsale, il a indiqué qu'en rééquilibrant les pouvoirs en faveur de l'autorité judiciaire, le projet risquait de créer un troisième pouvoir, allant en cela à l'encontre de la tradition républicaine jacobine. Tout en reconnaissant que cette notion de pouvoir judiciaire était issue de l'analyse de Montesquieu dans l'Esprit des Lois, il a observé que la République s'était fondée en rupture avec ce concept. Considérant que ce texte soulevait des questions d'ordre constitutionnel, il a indiqué qu'il lui paraissait fondamental que l'ordre public reste de la responsabilité du pouvoir politique, celui-ci étant le seul à pouvoir se prévaloir d'une légitimité. S'élevant contre un projet qui amènerait le pouvoir politique à se défausser sur les magistrats et le garde des sceaux, et indiquant qu'il rejoignait en cela les analyses développées par M. Robert Badinter lors d'un colloque en 1995, M. Alain Tourret a précisé que les radicaux de gauche ne sauraient adhérer à ce texte, non pas tellement pour ce qu'il est en réalité, mais surtout pour ce qu'il représente sur le plan symbolique : la substitution d'un gouvernement des juges à un gouvernement des justes. Il a ajouté que le profond malaise qu'il ressentait à l'égard de ce texte, justifiait le dépôt d'une question préalable qui devrait lui permettre de défendre les principes républicains et de prévenir la majorité contre les risques d'éventuelles dérives que pourrait susciter la création d'un véritable pouvoir judiciaire.

Après avoir indiqué qu'il approuvait pleinement les propos tenus par M. Alain Tourret, M. Pascal Clément a jugé que le rôle du rapporteur était extrêmement difficile puisqu'il devait gérer les contradictions fondamentales du projet de loi. Il a estimé que les ambiguïtés du texte, qui reprend les propositions de la commission présidée par M. Pierre Truche, provenaient de la volonté de cette commission de prendre en compte la demande qui lui avait été faite de réfléchir à la rupture du lien entre le parquet et la Chancellerie, tout en essayant néanmoins de maintenir un certain contrôle sur l'action des procureurs. Il a considéré que, sans les pressions médiatiques liées notamment à l'existence de promesses électorales, la majorité aurait refusé de voter ce texte ambigu. Tout en se félicitant des dispositions relatives au classement sans suite et en approuvant celles sur la police judiciaire, qui permettent aux magistrats de disposer d'un peu plus d'autorité sur ces fonctionnaires, il a critiqué les autres dispositions du texte qui cherchent à maintenir une conduite démocratique de la politique pénale en conférant au garde des sceaux des pouvoirs mal définis. Il a exprimé ses doutes sur la disparition des instructions individuelles, estimant que le dialogue qui doit s'instaurer entre le procureur général et le garde des sceaux se traduirait inévitablement par des instructions informelles, ne serait-ce qu'au travers de silences évocateurs ou de certains commentaires. Tout en considérant que le projet de loi n'apporterait pas de modifications fondamentales par rapport à la situation actuelle, puisqu'il remplacerait, en fait, des instructions écrites versées au dossier par des instructions orales, il a exprimé la crainte que les modifications formelles proposées ne conduisent, à plus ou moins long terme, à une indépendance totale des magistrats du parquet.

Après avoir rappelé le malaise de l'opinion publique qui n'accepte plus l'intervention du pouvoir politique dans certaines affaires, M. Gérard Gouzes a estimé que le projet de loi était nécessaire pour redonner une crédibilité à la justice. Soulignant que le texte se contentait d'inscrire dans la loi la pratique suivie depuis plus de deux ans par la garde des sceaux, il a estimé que les craintes qui s'exprimaient sur les pouvoirs ainsi conférés aux juges n'étaient pas fondées. Il a considéré qu'il était justifié que les magistrats du parquet, qui défendent les libertés publiques, bénéficient d'une protection dans le cadre du Conseil supérieur de la magistrature et rappelé que ces magistrats avaient toujours joui d'une certaine indépendance, notamment au travers du principe d'opportunité des poursuites. Il a fait valoir que le garde des sceaux conserverait le pouvoir de proposer des nominations au CSM, pourrait donner des directives de portée générale dont le Parlement serait informé et disposerait d'un droit d'action propre lui permettant d'intervenir dans certaines affaires quand l'intérêt général le commandera. Se déclarant opposé à une indépendance totale de la justice qui risquerait de conduire à un gouvernement des juges, il a estimé que le projet de loi répondait avant tout à un souci de transparence et d'impartialité.

Rappelant que l'absence d'impartialité et l'inégalité de traitement des justiciables étaient à l'origine de la suspicion de l'opinion publique à l'égard de la justice, Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné l'intérêt majeur, à cet égard, des directives générales prévues par le projet de loi.

M. Claude Goasguen a estimé que le projet de loi n'apportait pas de réponse à la question de l'impartialité de la justice, lui ajoutant, au contraire, celle de l'indépendance de la justice. Il a considéré que le texte revenait à instituer trente-trois procureurs généraux plus ou moins indépendants, multipliant ainsi les risques de partialité, et a fait valoir qu'il risquait d'aggraver les inégalités, la politique pénale risquant d'être différente selon les ressorts. Il a regretté qu'il mette fin à un équilibre, certes instable, qui existe depuis plus de deux siècles. Evoquant le modèle américain, il a souligné que le système proposé par le Gouvernement écartait la question, pourtant cruciale, de la responsabilité des magistrats. Il a regretté l'absence de propositions précises sur cette question, considérant que des dispositions équilibrées permettraient d'éviter certaines dérives et de protéger ainsi les libertés publiques. En conclusion, il a estimé que le seul point intéressant du projet de loi était la possibilité de recours contre les décisions de classement sans suite.

Mme Nicole Catala a dénoncé le caractère illusoire des avantages du projet de loi, faisant valoir que la suppression des instructions individuelles écrites versées au dossier, instaurées en 1993, n'empêcherait en rien la poursuite de la pratique actuelle des instructions orales. Elle a estimé préférable de maintenir la rédaction actuelle de l'article 36 du code de procédure pénale, tout en interdisant au garde des sceaux d'ordonner des classements sans suite. Elle a considéré que le projet de loi conduirait à mettre en place trente-trois gardes des sceaux et à renforcer la hiérarchisation du parquet, le procureur général devenant en quelque sorte l'officier supérieur des procureurs de la République. Elle s'est ensuite interrogée sur la légitimité des magistrats du parquet dans le nouveau système, rappelant que ceux-ci tiraient actuellement leur légitimité de leurs liens avec un garde des sceaux démocratiquement désigné. Critiquant les dérives américaines et notamment l'institution de procureurs indépendants, elle a estimé nécessaire que la politique pénale nationale soit définie par une autorité responsable devant le peuple. Après avoir regretté que le projet de loi transforme le garde des sceaux en un acteur parmi d'autres de la procédure pénale, elle s'est demandé qui soutiendrait l'accusation au cours du procès pénal en cas d'utilisation du droit d'action propre et a estimé logique, dans ces conditions, que le garde des sceaux puisse également intervenir en cas de classement sans suite. Elle s'est enfin interrogée sur l'avenir des instructions individuelles en matière civile.

Appelant les parlementaires à regarder les choses en face, M. Guy Hascoët a estimé que la France était confrontée au « délitement » du lien de confiance entre les citoyens et la justice, soulignant qu'il ne fallait pas, dès lors, s'étonner de l'augmentation du taux d'abstention. Considérant que cette réforme s'inscrivait dans un ensemble de questions abordées globalement par les Verts, il a établi un lien entre le projet de loi proposé par la garde des sceaux et les textes relatifs à la parité, à la limitation du cumul des mandats et au financement de la vie politique. Observant que la principale mesure du projet de loi ne concernait pas n'importe quelle catégorie de citoyens, même s'ils ne représentent qu'un faible pourcentage des justiciables, il a souhaité que la dégradation des liens de confiance entre l'opinion et la justice prenne fin, insistant, à cet égard, sur le rôle du quatrième pouvoir que représentent les médias. Dans cette perspective, il a également estimé qu'il était nécessaire que les magistrats puissent s'appuyer sur des textes clairs. Il a indiqué par ailleurs que les Verts s'attacheraient principalement à deux questions : celle de la responsabilité nouvelle des magistrats, désormais plus autonomes, et celle de l'automaticité des poursuites. Il a enfin appelé de ses v_ux une évaluation de la loi par le Parlement après sa mise en _uvre.

Mme Christine Lazerges a tout d'abord insisté sur le fait que la justice était un service public sur lequel pesait un lourd soupçon. Elle s'est déclarée satisfaite que le projet de loi lève cette suspicion et fasse aussi que la politique pénale du Gouvernement puisse être désormais relayée. Jugeant qu'il était aujourd'hui indispensable de rompre avec la pratique lamentable des instructions individuelles dans des dossiers particuliers, elle a estimé que le projet de loi apportait une excellente réponse à cette question. Elle a considéré également que le contrepoids organisé par le texte à l'indépendance du parquet serait utile, exprimant, à cet égard, le souhait que le droit d'action propre réservé au garde des sceaux demeure limité et soit mis en _uvre dans une transparence totale, et dans le respect de l'intérêt général. Concernant la difficulté d'organiser une véritable politique pénale, elle a pris pour exemple la création, en 1983, des travaux d'intérêt général que les tribunaux ont très peu appliqués et, en tout état de cause, sans cohérence à l'échelon national. Soulignant que le projet de loi permettrait d'organiser une véritable politique pénale, elle a jugé qu'il contribuerait ainsi à un meilleur fonctionnement de ce grand service public qu'est la justice.

Après avoir observé que chacun était d'accord pour améliorer l'image de la justice, notamment dans ses rapports avec le monde politique, M. Jean-Pierre Michel a estimé que le projet de loi proposé par la garde des sceaux était un très mauvais texte. Il a considéré qu'il était fallacieux de lier l'idée d'indépendance de la justice à celle de l'indépendance des magistrats du parquet. Il a déploré également que la discussion de ce texte s'engage indépendamment de celle relative à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que des lois organiques qui doivent en découler. Estimant que la légitimité d'un pouvoir ne pouvait provenir que de son élection, il a rappelé que, constitutionnellement, la justice était une autorité et non un pouvoir, précisément parce qu'elle ne procédait pas d'une légitimité fondée sur l'élection, considérant que cette autorité appartenait à l'appareil d'Etat dont le parquet était le bras séculier. En conséquence, il a jugé que les magistrats du parquet n'avaient aucune légitimité à bénéficier de l'indépendance que prétend leur donner le projet de loi. Constatant que des dérives, tant à droite qu'à gauche, étaient intervenues par le biais d'instructions de ne pas poursuivre, il a néanmoins insisté sur le fait que le pouvoir exécutif pouvait avoir d'excellentes raisons de donner des instructions au parquet dans le cadre de dossiers individuels. Il a étayé son propos en prenant l'exemple de conflits sociaux, tels que ceux des transporteurs routiers, dans lesquels le Gouvernement pourrait légitimement souhaiter que les poursuites à l'encontre des manifestants soient abandonnées ou différées, afin de préserver la possibilité d'une solution au conflit. Il a jugé néfaste la substitution inavouée du principe de légalité à celui de l'opportunité des poursuites qui résulte, en particulier, de l'obligation de motiver les classements sans suite, soulignant que le chemin inverse était suivi en Italie. Concernant la responsabilité des procureurs, il a estimé que sa mise en jeu serait d'autant plus difficile que leur serait conférée une plus grande indépendance, contrairement à une idée reçue et largement diffusée à dessein. Il a donc appelé à d'autres solutions, évoquant notamment l'éventualité d'une séparation complète et radicale du siège et du parquet, soulignant que les magistrats qui y sont respectivement attachés n'exercent pas le même métier. Il a ajouté qu'une telle séparation présenterait de nombreux avantages en renforçant l'indépendance du siège et en facilitant la mise en place d'une procédure accusatoire. Jugeant celle-ci bien meilleure que la procédure inquisitoriale, il a estimé qu'elle permettrait en particulier de régler la question de la présence de l'avocat lors de la garde à vue, puisqu'il ne serait plus nécessaire d'obtenir absolument les aveux de l'accusé, comme c'est le cas aujourd'hui. Il a enfin considéré qu'il était absurde de penser que le ministère de l'intérieur accepterait de mettre pleinement, à la disposition de procureurs devenus totalement indépendants, les forces de police judiciaire.

Considérant que l'indépendance du parquet serait le signe d'une plus grande maturité de la justice, Mme Frédérique Bredin a jugé que cette question ne pouvait être traitée sans que soit abordée de manière concomitante, celle de la responsabilité des magistrats, qui est une condition de la réussite de la réforme. Elle a regretté qu'on ne puisse pas examiner ensemble le présent texte et le projet de loi organique sur le statut de la magistrature, conséquence de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, déplorant à cet égard, le blocage actuel de la révision constitutionnelle. Après avoir constaté que le champ de la responsabilité des magistrats était aujourd'hui très réduit en droit et plus encore dans les faits, elle a souhaité que l'on s'interroge sur la question de la publicité des sanctions disciplinaires infligées à des magistrats qui auraient eu un comportement anormal, indiquant qu'une telle solution semblait être envisagée dans le cadre du projet de loi organique sur le statut de la magistrature. Elle a noté que le fait, pour les magistrats, d'être jugés par leurs pairs soulevait également quelques difficultés. Considérant que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ne permettrait sans doute pas de régler tous les problèmes en la matière, elle a estimé qu'elle allait cependant dans le bon sens. Elle a souhaité également que l'on réfléchisse à la possibilité de permettre aux justiciables, sous réserve d'une procédure de filtrage, de saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour mettre en cause le comportement de certains magistrats. Elle a noté que le champ de réflexion en ce domaine n'était pas clos, ajoutant qu'il convenait sans doute de s'interroger sur l'extension de la responsabilité sans faute des magistrats, une première avancée ayant été faite à cet égard dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence. Elle a également évoqué l'hypothèse d'un passage à une responsabilité pour faute simple des magistrats, s'interrogeant sur l'opportunité d'une pratique plus soutenue des actions récursoires de l'Etat. Elle a constaté que les magistrats se distinguaient des autres fonctionnaires par leur indépendance et par le pouvoir considérable qu'ils détiennent, notamment celui de faire incarcérer les personnes.

En guise de préliminaire, M. Arnaud Montebourg a estimé que le projet de loi proposé par la garde des sceaux était un grand texte républicain, soulignant qu'il avait pour objet de faire progresser le droit et l'égalité de tous devant la loi. Observant qu'il interdit l'immixtion de l'exécutif dans le fonctionnement de la justice, il a considéré que le texte constituait un rempart contre l'arbitraire, c'est-à-dire le privilège conféré au garde des sceaux dans l'appréciation de l'opportunité des poursuites. Faisant référence à des propos de M. Albin Chalandon, ancien garde des sceaux, il a considéré qu'il était grand temps que la fonction de ministre de la justice ne consiste plus à sauver ses amis politiques et à plonger ses ennemis dans le trouble judiciaire. Il a estimé, en outre, qu'il était impossible d'invoquer les grands principes républicains, comme l'a fait M. Alain Tourret, et d'accepter parallèlement que l'exécutif intervienne dans le fonctionnement de la justice. A cet égard, il a rappelé les termes d'un débat à la Chambre des députés en 1882, évoquant notamment les paroles de Georges Clemenceau, pour qui la Révolution s'était perdue par l'empiétement de l'exécutif sur le judiciaire. Il a considéré, par ailleurs, qu'il était impossible de définir une politique pénale au travers d'instructions individuelles, puisque plus de 3 millions d'affaires étaient traitées chaque année, le garde des sceaux étant lui-même saisi de 60 000 demandes. Rappelant qu'un certain nombre d'affaires, touchant notamment la ville de Paris, avaient fait l'objet de classements à répétition, grâce à des procureurs aux ordres constituant une véritable garde prétorienne du pouvoir exécutif, il a estimé que les dispositions du projet de loi permettraient d'éviter que les justiciables ne soient contraints de prendre à témoin l'opinion publique pour résister aux interventions inopinées du pouvoir exécutif. Considérant qu'en l'état actuel, il existait une politique pénale différente pour chaque magistrat du parquet qui, en contrepartie de leur docilité dans les affaires signalées, dispose d'une trop grande liberté dans l'application de la loi, il a observé que les directives générales prévues par le projet de loi remédieraient à cette situation, ce qui constituera un réel progrès, tout comme le recul partiel du principe d'opportunité des poursuites.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Contrairement à certaines allégations, le projet de loi fait réellement avancer la démocratie sans pour autant faire reculer la République. De ce point de vue, il est frappant de constater que le texte suscite des appréciations contradictoires puisque, si certains agitent le fantasme du recul de l'Etat républicain, le syndicat de la magistrature, de son côté, estime, paradoxalement, que le Gouvernement organise la reprise en main du parquet. En fait, au-delà des interrogations légitimes qui ont été soulevées à l'occasion de son dépôt, le projet de loi va permettre de mieux faire appliquer la politique pénale. Enfin, au titre des avancées démocratiques, il faut mentionner d'une part la suppression sans ambiguïté des instructions individuelles, qui ont alimenté les soupçons à l'égard de la justice, et d'autre part l'institution d'une motivation des classements sans suite, qui correspond à une forte demande des justiciables.

-  Les dispositions du projet de loi vont permettre aux citoyens d'échapper non seulement à l'arbitraire politique, mais aussi à celui du magistrat. A cet égard, il faut considérer que, si un membre du parquet enfreint les directives de politique pénale, il encourt alors des poursuites disciplinaires indépendamment de toute mise en cause de sa responsabilité personnelle.

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La Commission a repoussé l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. François Bayrou et les membres du groupe UDF.

EXAMEN DES ARTICLES

Le projet de loi comprend douze articles, qui sont répartis dans quatre chapitres consacrés à l'action publique en matière pénale, aux classements sans suite, au contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire et à des dispositions diverses.

Chapitre premier

Dispositions relatives à l'action publique en matière pénale

Ce chapitre définit les relations entre la Chancellerie et le ministère public en précisant le rôle de chacun des acteurs : le ministre (art. 1er), le procureur général (art. 2), le procureur de la République (art. 3).

Article premier

(art. 30 à 30-3 du code de procédure pénale)

Attributions du ministre de la justice

Le titre I du livre premier du code de procédure pénale comprend trois chapitres respectivement consacrés à la police judiciaire, au ministère public et au juge d'instruction : le présent article y insère un chapitre IER bis relatif au ministre de la justice composé de quatre articles (art. 30 à 30-3).

Article 30 du code de procédure pénale

Définition des orientations générales
de la politique pénale

Sans objet depuis son abrogation en 1993, cet article est utilisé par le projet de loi pour définir le cadre des relations entre le ministre de la justice et le ministère public. Il complète l'article 5 du statut de la magistrature qui place les magistrats du parquet « sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux ».

- La première phrase, qui est la clef de voûte de tout le système, précise que « le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale » : ce rôle essentiel est, pour la première fois, expressément reconnu dans la loi. Ces orientations sont destinées aux magistrats du ministère public, qui requièrent l'application de la loi : leur action individuelle s'inscrira ainsi dans le cadre d'une politique générale définie par le ministre, appliquée de manière coordonnée et dans le respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi. L'exposé des motifs souligne que ces orientations générales seront plus détaillées que les circulaires ne l'étaient par le passé : elles définiront les priorités à mettre en _uvre dans la conduite de l'action publique et les conditions dans lesquelles la loi pénale doit être appliquée : par exemple, le ministre peut juger souhaitable de privilégier les procédures de traitement en temps direct pour tel type de délinquance (comparutions immédiates ou convocation par officier de police judiciaire) ou des réquisitions tendant à proposer un travail d'intérêt général plutôt qu'une peine d'emprisonnement.

Confié par la loi aux magistrats, l'exercice de l'action publique bénéficie ainsi d'une légitimité « en cascade », qui justifie d'ailleurs de maintenir une organisation hiérarchisée du ministère publique et de réaffirmer l'autorité des procureurs généraux sur les procureurs de la République. En effet, l'action publique sera conduite dans le respect des orientations générales de la politique pénale, orientations élaborées par le ministre de la justice dans le cadre de la politique judiciaire, elle-même déterminée par le Gouvernement qui est responsable devant l'Assemblée nationale élue au suffrage universel direct par les Français.

Ce système a déjà fait ses preuves puisque, depuis deux ans, la ministre de la justice a conduit la politique pénale en adressant des circulaires et des notes aux parquets : cinq en 1997, vingt-six en 1998 et cinq pendant les quatre premiers mois de 1999. En raison d'une formulation précise et explicite, ces circulaires qui définissent les axes de la politique pénale, ont effectivement été appliquées, contrairement à bon nombre de circulaires par le passé. Elle a ainsi fait connaître aux parquets les orientations générales à privilégier en matière d'aide aux victimes d'infractions pénales (circulaire du 13 juillet 1998), de délinquance juvénile (15 juillet 1998) et de lutte contre le racisme et la xénophobie (16 juillet 1998). De même, elle a attiré l'attention des parquets sur l'importance qu'elle attachait à la participation de l'institution judiciaire à l'élaboration et à la mise en _uvre des contrats locaux de sécurité (5 janvier et 9 mars 1998). Des actions plus ponctuelles ont également été encadrées par des circulaires, qu'il s'agisse de la sécurité dans les transports publics (2 janvier 1998) ou de l'organisation de la Coupe du monde de football (3 mars 1998).

La loi imposant, à l'avenir, expressément à tout magistrat du parquet de mettre en _uvre les orientations générales de la politique pénale, le non-respect de cette obligation légale s'analyserait comme un « manquement aux devoirs de son état » et constituerait donc une faute disciplinaire qui, pour un membre du parquet, s'apprécie « compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique » (art. 43 du statut de la magistrature). Par ailleurs, en dehors de toute action disciplinaire, les procureurs généraux ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité (art. 44 du statut).

-  La deuxième phrase de cet article dispose que les orientations générales de la politique pénale, qui sont adressées aux magistrats du parquet pour application, « sont portées à la connaissance des magistrats du siège ». Il ne saurait être question pour eux d'exécuter la politique pénale, les juges du siège étant indépendants et ne recevant aucune instruction ni du pouvoir politique, ni de leur supérieur hiérarchique qui n'exercent leur autorité que sur l'organisation et le fonctionnement de la juridiction. Mais il est utile que les magistrats du siège, notamment les juges d'instruction et les juges des juridictions, soient tenus informés de la politique pénale conduite par le ministre, car elle influera directement sur les réquisitions prises devant eux par le ministère public.

D'autre part, dans un souci de transparence, il est précisé que les orientations générales de politique pénale seront rendues publiques, comme le sont déjà les circulaires qui sont publiées au Bulletin officiel du ministère de la justice et consultables sur le site Internet de la Chancellerie. Il est, en effet, particulièrement souhaitable que tous les citoyens puissent avoir connaissance des choix de politique pénale arrêtés par le ministre de la justice.

Article 30-1 du code de procédure pénale

Prohibition des instructions
dans les affaires individuelles

Aux termes de l'article 36 du code de procédure pénale, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 24 août 1993, le ministre de la justice peut enjoindre au procureur général, « par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge utiles ». Pour ce qui est de la saisine initiale d'une juridiction d'instruction ou de poursuite, le ministre peut donc donner des instructions de poursuite mais non de classement, ce qui serait particulièrement choquant puisque la décision de classement sans suite est insusceptible de recours. Par ailleurs, à tous les stades de la procédure, il a le droit de donner des instructions aux parquets, y compris des injonctions de requérir devant les juridictions un non-lieu, une relaxe ou un acquittement.

En imposant que ces instructions écrites soient versées au dossier, le législateur a souhaité clarifier les relations entre le ministre et les parquets et rendre plus transparente la conduite de l'action publique. Or, les contacts verbaux, le plus souvent téléphoniques, ont perduré sous la précédente législature, avec les effets catastrophiques que l'on sait pour l'image de la justice. Par ailleurs, selon les déclarations de la garde des sceaux devant la commission des Lois, il n'a pas été possible de trouver trace, à la Chancellerie, d'instructions écrites versées au dossier de la procédure. Cela confirme les propos tenus à votre rapporteur par les représentants syndicaux des magistrats, qui ont déclaré n'avoir jamais eu connaissance, directement ou indirectement, d'instructions ministérielles versées au dossier. Instructions dans les affaires individuelles et transparence semblent donc inconciliables, comme si l'intérêt même des instructions était leur caractère occulte. En conséquence, le seul moyen de chasser le soupçon sur les interventions du ministre de la justice dans les affaires individuelles, pour de mauvaises raisons puisqu'elles ne sont pas versées au dossier, est de prohiber absolument toute intervention à quelque stade de la procédure que ce soit : telle est la pratique depuis deux ans, telle doit être la loi à l'avenir.

L'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale énonce solennellement que le garde des sceaux ne pourra plus donner d'instructions, de quelque nature que ce soit, dans une affaire individuelle. A supposer que de telles instructions soient néanmoins données, le chef de parquet ne s'exposerait à aucune sanction disciplinaire en n'obéissant pas à un ordre manifestement contraire à la loi. En outre, les garanties nouvelles apportées par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature pour les mutations, l'avancement et les sanctions disciplinaires, lui permettront de prendre ses responsabilités sans craindre la vindicte du ministre.

Article 30-2 du code de procédure pénale

Mise en mouvement de l'action publique

Si le garde des sceaux perd le droit d'adresser des instructions aux parquets, il acquiert celui d'agir directement en saisissant la juridiction pour mettre en mouvement l'action publique. Cette décision, qui ne peut être déléguée se fera donc dans la transparence et sous la responsabilité personnelle du ministre : il agira directement, au vu et au su de tous, et non pas par le truchement de magistrats exécutant des instructions officielles ou officieuses.

-  Le premier alinéa de l'article 30-2 nouveau encadre strictement l'exercice de ce droit. Il s'agit, tout d'abord, d'un droit subsidiaire : le ministre ne pourra saisir la juridiction d'instruction, par voie de réquisitoire, ou la juridiction de jugement, par voie de citation directe, qu'en l'absence de poursuites pénales. Le principe reste donc que, conformément à l'article 1er du code de procédure pénale, l'action publique est mise en mouvement par les magistrats ou par la partie lésée. Par ailleurs, ce droit ne peut être exercé que si l'intérêt général le commande. Il résulte de ces conditions que le ministre ne devrait être amené à en user que très exceptionnellement, mais la possibilité d'y recourir est une pièce maîtresse dans l'équilibre subtil entre la détermination de la politique pénale par le ministre de la justice et la conduite de l'action publique par les parquets. Lors de son audition par la Commission, la garde des sceaux a estimé que des affaires concernant des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, des actes de terrorisme ou des crimes contre l'humanité pourraient particulièrement se prêter à l'exercice de son droit d'action. Plus généralement, c'est aussi le moyen pour le ministre de contrecarrer une inaction du parquet, qui n'aurait pas donné lieu à un recours auprès du procureur général et à une saisine de la commission de recours contre les classements sans suite, et qui serait en contradiction avec les orientations générales de sa politique pénale.

La décision prise par le ministre de mettre, ou de ne pas mettre, en mouvement l'action publique ne pourra pas faire l'objet d'un recours mais engagera sa responsabilité politique, puisqu'elle devra rendre compte chaque année au Parlement de l'exercice de son droit d'action (cf. art. 30-3).

-  Le deuxième alinéa de cet article précise les modalités de la mise en mouvement de l'action publique par le garde des sceaux : une copie de l'acte de poursuite est adressée au procureur de la République compétent par l'intermédiaire du procureur général, mais en cas d'urgence ces transmissions peuvent se faire par tous moyens, l'original de l'acte de poursuite étant joint à la procédure dans les meilleurs délais. La procédure se déroule ensuite dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public, ce qui signifie que le ministre n'est pas partie à la procédure et n'est pas représenté : c'est là techniquement la solution la plus satisfaisante, car la plus simple, et qui sur le plan des principes n'est pas plus perturbante que lorsque l'action publique est mise en mouvement par la partie lésée alors que le ministère public avait opté pour un classement sans suite. Cela signifie aussi que le parquet sera libre de prendre des réquisitions contraires à l'analyse du ministre (il pourra, par exemple, requérir un non-lieu à la fin de l'information) et que la juridiction pourra « donner tort » au ministre, tout comme les juridictions administratives peuvent annuler une décision prise par un ministre.

Article 30-3 du code de procédure pénale

Information du Parlement
sur la mise en _uvre de la politique pénale

Chaque année le ministre de la justice devra informer le Parlement de la mise en _uvre de la politique pénale, lui-même étant tenu informé de son application dans les ressorts par les procureurs généraux qui doivent lui adresser un rapport annuel (art. 37-2). C'est à la fois un gage de transparence mais aussi l'occasion pour le Parlement d'exercer son contrôle sur l'action gouvernementale.

Pour les mêmes raisons, le ministre devra indiquer aux parlementaires le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a usé de son droit de mettre en mouvement l'action publique.

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La Commission a été saisie d'un amendement présenté par le rapporteur procédant à une réécriture de l'article premier afin d'en clarifier la rédaction, de réaffirmer plus nettement que les magistrats du parquet sont placés sous l'autorité du ministre de la justice et de préciser le contenu du droit d'action du ministre. Le rapporteur a indiqué que son amendement visait, tout d'abord, à substituer la notion de « directive générale » à celle d'« orientation » qui apparaissait trop vague, ensuite à préciser que les directives sont transmises aux magistrats du parquet pour application et, enfin, à distinguer plus clairement les conditions de mise en mouvement de l'action publique par le ministre de ses modalités de mise en _uvre. La Commission a également été saisie de plusieurs amendements qui, à la demande de leurs auteurs, ont été considérés comme des sous-amendements à l'amendement du rapporteur.

Elle a ainsi rejeté un amendement de M. Jean-Pierre Michel précisant que les membres du parquet sont tenus d'appliquer les orientations générales et qu'ils doivent en rendre compte, après que le rapporteur eut indiqué que cette préoccupation était satisfaite par sa propre proposition. Elle a également rejeté un amendement de M. Emile Blessig prévoyant qu'un débat sur les orientations générales de la politique pénale est organisé au Parlement chaque année, le rapporteur faisant observer qu'une procédure équivalente figurait déjà dans le texte du projet de loi.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement présenté par M. Pascal Clément supprimant l'article 30-1 (nouveau) du code de procédure pénale. Après avoir estimé que la différence entre directives et orientations de politique pénale n'avait qu'une portée sémantique M. Claude Goasguen, s'est interrogé sur la nature juridique de ces orientations, soulignant, de surcroît, que la définition d'une politique pénale ne pouvait empêcher les magistrats chargés de l'appliquer d'interpréter les textes. Mme Nicole Catala a fait valoir que la rédaction de l'amendement du rapporteur était impropre dans la mesure où les directives devaient être « formulées » et non « définies ». M. Pierre Albertini a considéré que, si les directives de politique pénale s'imposaient aux membres du parquet sans que ceux-ci conservent une marge d'appréciation, il était hypocrite d'évoquer la neutralité du ministère public. M. Arnaud Montebourg a insisté sur le fait que les directives permettraient de définir un certain nombre de priorités, ces directives, à l'instar des circulaires prises par les préfets pour l'application de la loi, étant insusceptibles de recours pour excès de pouvoir ; il a ajouté que la commission compétente pour se prononcer sur les classements sans suite serait sans aucun doute amenée à fonder ses décisions à partir du contenu de ces directives. Le rapporteur ayant souligné que l'amendement de M. Pascal Clément était contraire à l'esprit du projet de loi, la Commission l'a rejeté.

Elle a également rejeté quatre amendements, le premier de M. Pierre Albertini, le deuxième de M. Emile Blessig, le troisième de M. Pascal Clément et le quatrième de M. Jean-Pierre Michel, prévoyant que le ministre de la justice peut enjoindre au procureur général de poursuivre, mais prohibant, en revanche, toute demande de classement sans suite, bien que M. Pierre Albertini ait estimé que ce retour à l'esprit de la loi du 24 août 1993 procéderait d'une conception plus claire des rapports entre les procureurs et l'autorité judiciaire.

Puis, la Commission a été saisie d'un amendement de M. Alain Tourret permettant au garde des sceaux d'interjeter appel ou de former un pourvoi contre une décision mettant fin aux poursuites. Après avoir rappelé qu'une partie civile ne pouvait faire appel d'un jugement que pour les seuls intérêts civils, M. Alain Tourret a jugé qu'il convenait de donner au ministre de la justice la possibilité de remettre en cause une décision aberrante. Il a estimé que sa proposition constituait un compromis entre les différents points de vue, considérant que l'amendement du rapporteur limitant la faculté d'appel aux seuls cas où le garde des sceaux a lui-même déclenché l'action publique était trop restrictif. Après que M. Arnaud Montebourg eut insisté sur le fait que le droit d'action propre reconnu au ministre avait une vocation subsidiaire et qu'il permettrait d'initier des poursuites et non de les soutenir et eut fait valoir que le problème soulevé par M. Alain Tourret trouverait une meilleure solution dans l'extension de la faculté d'appel reconnue aux parties civiles au-delà de ses seuls intérêts civils, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de Mme Christine Lazerges limitant le droit d'action propre du ministre à la saisine d'une juridiction d'instruction, ainsi qu'un amendement de M. Jean-Pierre Michel prévoyant qu'en cas d'inaction du ministère public, le garde des sceaux peut interjeter appel de toute décision juridictionnelle, son auteur ayant précisé que cet amendement avait pour seul objet de démontrer l'inapplicabilité du droit d'action propre reconnu au garde des sceaux, dès lors qu'on ne pouvait reconnaître au pouvoir politique le droit d'intervenir dans le cours des procédures. Puis elle a rejeté un amendement de M. Alain Tourret indiquant que le ministre de la justice est, dans chaque ressort de la cour d'appel, représenté par un avocat nommé pour trois ans par arrêté ministériel.

La Commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur donnant à l'article premier une nouvelle rédaction (amendement n° 12).

Article 2

(art. 35 à 37 du code de procédure pénale)

Attributions du procureur général

Actuellement, les articles 34 à 38 traitent des attributions du procureur général près la cour d'appel. Seuls l'article 34, sous réserve d'une coordination, et l'article 38 ne sont pas modifiés par le projet de loi : le premier rappelle que le procureur général représente, en personne ou par ses substituts, le ministère public auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises instituée au siège de la cour d'appel ; le second énonce que les officiers et agents de police judiciaire sont placés sous la surveillance du procureur général, qui peut les charger de recueillir tous renseignements utiles à une bonne administration de la justice.

Article 35 du code de procédure pénale

Coordination de la mise en _uvre des orientations
générales de la politique pénale

Actuellement, cet article comporte trois alinéas : le premier confie au procureur général le soin de veiller à l'application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel ; le deuxième précise qu'à cette fin, chaque procureur de la République lui adresse tous les mois un état des affaires de son ressort, exigence trop contraignante pour être effectivement appliquée ; le troisième confère au procureur général le droit de requérir la force publique. Dans la rédaction issue du projet de loi, seul l'alinéa premier est maintenu dans l'article 35, le deuxième étant supprimé au profit de nouvelles modalités d'information (cf. art. 39-4) et le troisième étant déplacé dans l'article 36.

L'article 35 contient, en outre, des dispositions nouvelles, qui confèrent au procureur général le rôle d'animateur de l'action des procureurs de la République et de coordonnateur de la mise en _uvre par ceux-ci des orientations générales de la politique pénale définies par le ministre de la justice. Il devient donc le garant de l'application réelle et cohérente de la politique pénale dans le ressort de la cour d'appel : à cette fin, il peut préciser et, si nécessaire, adapter les orientations générales en fonction des circonstances propres à son ressort. Enfin, il lui revient d'évaluer leur mise en _uvre par les parquets. Cette remontée de l'information vers le procureur général est organisée par l'article 39-4, à la fois au cas par cas et pour un bilan annuel.

Article 36 du code de procédure pénale

Autorité sur les magistrats du ministère public
Droit de requérir la force publique

Aujourd'hui, cet article traite des instructions données par le ministre dans les affaires individuelles. Ces instructions étant prohibées par le projet, l'article change d'objet mais sans apporter d'éléments nouveaux par rapport au droit positif. En effet, il confère au procureur général autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel, disposition figurant actuellement dans le premier alinéa de l'article 37, et lui donne le droit de requérir directement la force publique, comme le prévoit déjà le dernier alinéa de l'article 35.

Article 37 du code de procédure pénale

Prohibition des instructions faisant obstacle
à la mise en mouvement de l'action publique

Actuellement, cet article comporte deux alinéas. Le premier donne autorité au procureur général sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel, disposition que le projet de loi a déplacée dans l'article 36. Procédant par renvoi, le second alinéa confère au procureur général, à l'égard des magistrats du ministère public, les mêmes prérogatives que celles reconnues au ministre de la justice dans les affaires individuelles.

Le projet de loi retirant au ministre le droit de donner des instructions aux parquets, il devient nécessaire d'énoncer explicitement les modalités d'intervention du procureur général en sa qualité de supérieur hiérarchique des procureurs de la République : c'est là l'objet de la première phrase de l'article 37 dans la rédaction que lui donne le projet . Comme aujourd'hui, le procureur général pourra dénoncer aux procureurs de la République les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et leur ordonner d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Ces instructions devront, bien sûr, être écrites et versées au dossier, mais aussi motivées, ce qui est nouveau.

Pour plus de clarté, il est expressément précisé, dans une seconde phrase, que le procureur général ne peut pas donner d'instructions « faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique » : cette formule prohibe non seulement les instructions tendant au classement sans suite (opposition à l'ouverture d'une information judiciaire, à la délivrance d'une citation directe, ...) mais aussi, par exemple, les instructions tendant à la poursuite d'une enquête qui auraient pour seul objet d'empêcher la mise en mouvement de l'action publique. En effet, de telles décisions sont insusceptibles de recours et « bloquent » le déclenchement d'une procédure si le juge d'instruction n'est pas saisi par une plainte avec constitution de partie civile. Après l'adoption du projet (art. 5), toute personne y ayant intérêt pourra contester la décision de classement, pour autant, elle ne pourra pas mettre en mouvement l'action publique, seul le procureur général ou la commission des recours pouvant enjoindre au procureur de la République de le faire. En revanche, pour ce qui est du déroulement de la procédure, les réquisitions prises sur instruction, y compris lorsqu'elles tendent au non-lieu, à la relaxe ou à l'acquittement, ne sont qu'un élément du débat judiciaire : la décision appartient à la juridiction.

Article 37-1 du code de procédure pénale

Information des magistrats de la cour d'appel
sur la mise en _uvre de la politique pénale

De même que le ministre de la justice devra informer chaque année le Parlement de la mise en _uvre de la politique pénale au plan national, cet article nouveau impose au procureur général d'informer au moins une fois par an les magistrats de la cour d'appel, du parquet et du siège, des conditions de mise en _uvre de cette politique dans le ressort. Si les orientations générales évoluent en cours d'année, par exemple à la suite d'un changement de gouvernement, le procureur général pourra juger utile de procéder à une nouvelle information des magistrats.

Cette information ne devrait pas se limiter à l'exécution des orientations générales de la politique pénale par le parquet, mais donner lieu à une analyse de leur incidence sur le fonctionnement des juridictions. Ainsi, si une circulaire incite les parquets à privilégier la comparution immédiate pour réprimer les violences urbaines, le procureur général pourra faire état de l'organisation d'une permanence pénale, du doublement des audiences du siège, des interventions de la protection judiciaire de la jeunesse, d'un taux de condamnation plus élevé, etc. Dans un souci de transparence, le procureur général pourra porter à la connaissance du public tout ou partie de cette information sur la mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale dans le ressort.

Il appartiendra à la chancellerie de réfléchir à un calendrier rendant compatibles dans une même année : l'information des magistrats sur la mise en _uvre de la politique pénale dans les ressorts des cours d'appel (art. 37-1) et des tribunaux de grande instance (art. 39-3), la tenue d'une audience solennelle au début de l'année judiciaire, la réunion en novembre de l'assemblée générale des magistrats des cours et tribunaux et le débat au Parlement sur la mise en _uvre de la politique pénale (art. 30-3). En effet une audience solennelle doit être tenue chaque année dans les cours et tribunaux pendant la première quinzaine du mois de janvier, au cours de laquelle est présenté un exposé de l'activité de la juridiction durant l'année écoulée ; dans les cours d'appel cet exposé peut être précédé d'un discours portant sur un sujet d'actualité ou sur un sujet d'intérêt juridique (art. R. 711-1 du code de l'organisation judiciaire). Par ailleurs, les différentes formations de l'assemblée générale de la cour d'appel doivent être réunies au moins une fois par an au cours du mois de novembre (art. R. 761-3).

Article 37-2 du code de procédure pénale

Information du ministre de la justice
sur les affaires dont les parquets sont saisis
et sur la mise en _uvre de la politique pénale

Cet article nouveau organise la remontée de l'information vers le garde des sceaux, ponctuellement et pour un bilan annuel.

L'information sur les affaires en cours

Comme par le passé, le procureur général informera le ministre des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance, la différence majeure étant que cette information n'a pas pour objet de lui permettre de faire éventuellement usage de son droit de donner des injonctions de poursuite ou d'orienter les réquisitions. Par ailleurs, et cela est bien sûr nouveau, le procureur général devra informer le ministre du déroulement des procédures pour lesquelles la juridiction a été saisie par le ministre lui-même en vertu du droit d'action que lui confère le nouvel article 30-2.

Si cette information sur les affaires les plus significatives et/ou les plus médiatisées, qui peuvent conduire à une interpellation du ministre sur le fonctionnement de la justice ou l'état de la délinquance, ne remonte pas spontanément ou s'il juge utile de connaître plus en détail l'état de la procédure, le ministre pourra demander à être informé de toute affaire dont les parquets sont saisis. Lors de son audition par la Commission des lois, Mme Elisabeth Guigou a ainsi indiqué qu'elle avait récemment demandé à s'entretenir avec le procureur de la République et le procureur général de Paris pour faire le point sur la procédure déclenchée par l'assassinat du préfet Claude Erignac. Plus généralement, elle a insisté sur la nécessité de renforcer l'information venant des parquets vers la Chancellerie, via les parquets généraux, et a dressé un premier bilan de la pratique instaurée depuis deux ans. Elle a estimé que si, dans un premier temps, l'information avait été retenue, car dans le passé elle dissimulait ou sous-entendait trop souvent une demande d'instructions ou un envoi d'instructions, elle s'est peu à peu libérée pour devenir de plus en plus spontanée, fluide et complète. Par ailleurs, elle a souligné que le rôle des parquets s'était renforcé car le traitement de cette information brute par la Chancellerie a permis d'élaborer une réponse en termes de politique pénale, se traduisant par un retour vers les juridictions sous forme de circulaires ou d'informations constituant une aide à la décision.

Ce mode de relations, qui permet au sommet de bénéficier des informations venant du terrain, est le meilleur moyen pour que les politiques pénales soient respectées et appliquées. La ministre de la justice en a donné deux exemples à la Commission des lois. Ainsi, la première directive du 5 janvier 1998 relative aux contrats locaux de sécurité a été suivie, deux mois après, d'une seconde directive du 9 mars 1998 comportant un certain nombre de précisions rendues nécessaires par les informations communiquées par les parquets généraux. Par ailleurs, compte tenu de la convergence des analyses adressées par les parquets sur la manifestation d'actes de violences urbaines, la ministre a demandé aux parquets, par directive du 23 décembre 1998, d'établir des fiches d'alerte pour tous les actes de violence urbaines (ce qui permet une information rapide et fiable), de prendre contact avec les préfets pour constituer des cellules opérationnelles d'urgence, de juxtaposer l'enquête judiciaire avec les opérations de maintien de l'ordre pour permettre l'établissement de procédures pénales exploitables par les tribunaux et, enfin, d'utiliser des procédures en temps réel. Les résultats de cette initiative ont été probants : en l'absence du dispositif prévu dans la directive, les violences urbaines constatées à Strasbourg en 1997, pendant les fêtes de fin d'année, n'ont conduit à aucune interpellation ; en 1998, au contraire, il y a eu une vingtaine d'interpellations et une réponse judiciaire dans toutes les hypothèses, dont sept placements en détention.

Rapport sur la mise en _uvre de la politique pénale dans le ressort

En prolongement de l'article 35 qui charge le procureur général d'évaluer la mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale dans le ressort de la cour d'appel, l'article 37-2 lui fait obligation d'adresser tous les ans au ministre un rapport sur ce sujet. Les rapports des trente-trois procureurs généraux seront utilisés par le ministre pour informer le Parlement sur l'application de la politique pénale et pour élaborer, ou adapter, les directives adressées aux parquets.

*

* *

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par le rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l'article 2 pour procéder aux coordinations rendues nécessaires par les modifications apportées à l'article premier relatives aux directives générales de la politique pénale et à leur application par le ministère public et pour clarifier le régime des compétences du procureur général. Le rapporteur a indiqué que la rédaction proposée pour l'article 2 renforçait le principe d'une politique pénale applicable sur l'ensemble du territoire. Dans ce cadre, il a indiqué que le garde des sceaux pourrait recommander aux magistrats du parquet, au moyen de directives générales, d'être plus sévères sur certaines infractions et plus souples sur d'autres. Il a ensuite précisé que ces directives générales, donnant une interprétation de la loi conforme à la politique pénale du Gouvernement, s'imposeraient aux procureurs, leur méconnaissance pouvant donner lieu à des poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la magistrature. M. Pierre Albertini a estimé que ces directives n'auraient pas de portée juridique, rappelant, à cet égard, la jurisprudence administrative restrictive applicable aux circulaires interprétatives. Il a, par ailleurs, jugé que le garde des sceaux ne pourrait en aucun cas indiquer par directive qu'il conviendrait d'appliquer fermement une loi et d'écarter, en revanche, l'application d'une autre. M. Pascal Clément a pour sa part considéré qu'une directive ne pouvait interpréter la loi, mais uniquement en assurer l'application. Mme Christine Lazerges a contesté ces positions, soulignant que les directives pourraient orienter le choix des sanctions pénales appliquées en privilégiant par exemple, pour certaines catégories d'infractions, le recours aux peines de travail d'intérêt général et, pour d'autres, les mesures privatives de liberté.

La Commission a également été saisie de plusieurs amendements, dont leurs auteurs ont souhaité qu'ils soient examinés sous la forme de sous-amendements à l'amendement du rapporteur. Elle a ainsi rejeté :

-  un amendement de M. Pierre Albertini, supprimant la possibilité pour le procureur général d'adapter les orientations définies par le garde des sceaux selon les circonstances propres à son ressort, son auteur soutenant que cette disposition était de nature à favoriser un émiettement de la politique pénale selon des critères flous, tandis que le rapporteur jugeait, au contraire, qu'elle était de nature à garantir une certaine souplesse indispensable au bon fonctionnement de la justice ;

-  un amendement de M. Pascal Clément, supprimant la rédaction proposée pour l'article 37 du code de procédure pénale, son auteur ayant indiqué que cet article soulevait la question des prérogatives des procureurs généraux et de leur absence de responsabilité et le rapporteur ayant rappelé que les procureurs généraux pouvaient d'ores et déjà donner des instructions aux procureurs ;

-  un amendement de M. Emile Blessig, tendant à informer les citoyens des conditions de mise en _uvre des orientations générales de la politique pénale, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement serait satisfait par l'adoption du sien ;

-  un amendement de M. Pascal Clément, supprimant les dispositions relatives à l'information du ministre de la justice sur les affaires dont les parquets sont saisis et sur la mise en _uvre de la politique pénale ;

-  un amendement de portée rédactionnelle, de M. Pierre Albertini et deux amendements, enfin, de M. Pascal Clément, le premier supprimant la possibilité d'information du ministre sur les affaires dont les parquets sont saisis et le second, imposant le versement au dossier de toute information ou avis concernant un dossier individuel transmis au garde des sceaux.

M. Pascal Clément a considéré qu'il était normal qu'un magistrat informe la Chancellerie sur les affaires sensibles et a jugé qu'à cet égard, les dispositions du projet de loi relevaient de l'hypocrisie. Il a ainsi observé que le procureur général pourrait faire pression sur les procureurs de la République en lieu et place du garde des sceaux, alors même que le pouvoir de proposition du ministre au Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet permet de maintenir un contrôle de l'autorité politique sur ces magistrats. M. Jean-Luc Warsmann a fait remarquer que la suppression des instructions écrites versées au dossier judiciaire n'empêcherait pas l'utilisation du téléphone par le garde des sceaux, d'autant que celui-ci disposera, grâce aux dispositions du projet de loi, d'un pouvoir d'information en temps réel. M. Arnaud Montebourg a regretté le blocage par le Président de la République de la révision constitutionnelle relative à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui retarde l'examen du projet de loi organique relatif au statut des magistrats, exprimant le souhait que ce texte prévoie une mobilité obligatoire des procureurs, ce qui limiterait le pouvoir de blocage des carrières par le garde des sceaux. M. Jacques Floch s'est indigné des propos tenus par l'opposition en considérant que les magistrats agissaient d'abord par conscience professionnelle et non par souci de leur carrière. Faisant observer que de nombreux procureurs ne devenaient jamais procureurs généraux, M. Pierre Albertini a souligné que le passage par l'administration centrale ou les cabinets ministériels était un moyen classique de monter dans la hiérarchie. Il a, par ailleurs, estimé que le pouvoir d'évocation reconnu au garde des sceaux sur toutes les procédures judiciaires donnait aux procureurs un signal équivalent aux instructions individuelles et qu'il illustrait le caractère illusoire de la suppression des pressions politiques sur la justice par la présente réforme.

Rappelant que les pratiques de la Chancellerie avaient changé depuis 1997 puisqu'aucune instruction individuelle n'était plus donnée aux procureurs, le rapporteur a souligné, en outre, que la réforme du CSM donnerait aux magistrats la possibilité de résister aux demandes du ministre de la justice, dans la mesure où celui-ci ne sera plus en charge de leur nomination.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur donnant à l'article 2 une nouvelle rédaction (amendement n° 13).

Article 3

(art. 39-1 à 39-4 du code de la procédure pénale)

Attributions du procureur de la République

Actuellement, les attributions du procureur de la République sont définies par les articles 39 à 44 du code de procédure pénale, que le projet de loi ne modifie pas mais complète par quatre nouveaux articles (art. 39-1 à 39-4).

Article 39-1 du code de procédure pénale

Mise en _uvre des orientations générales
de la politique pénale

Cet article précise que le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance, tandis que le procureur général veille à son application dans le ressort de la cour d'appel (art. 35). A cette fin, le procureur de la République met en _uvre les orientations générales de la politique pénale, définies par le ministre de la justice et transmises par le procureur général, qu'il peut adapter aux circonstances locales : c'est là une nécessaire souplesse.

Article 39-2 du code de procédure pénale

Conformité des réquisitions écrites aux instructions
Mise en mouvement de l'action publique à la demande
de la commission de recours contre les classements sans suite

En écho à l'article 37, tel qu'il est rédigé par le projet, le premier alinéa de cet article rappelle que le procureur de la République doit prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions données par le procureur général : son supérieur hiérarchique peut lui enjoindre d'engager des poursuites ou de saisir la juridictions de réquisitions qu'il juge opportunes. Mais, en application de l'article 33 qui n'est pas modifié, le procureur pourra toujours « développer librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice ».

Le second alinéa de cet article impose au procureur de la République d'engager des poursuites dans une circonstance nouvelle : lorsque le procureur général ou la commission de recours contre les classements sans suite lui enjoint d'engager des poursuites alors que le parquet avait pris initialement une décision de classement sans suite.

Article 39-3 du code de procédure pénale

Information des magistrats du tribunal de grande instance
sur la mise en _uvre de la politique pénale

Comme le procureur général (art. 37-1), le procureur de la République devra informer au moins une fois par an les magistrats de la mise en _uvre de la politique pénale dans le ressort de la juridiction et pourra rendre cette information publique, en tout ou partie.

Article 39-4 du code de procédure pénale

Information du procureur général sur les affaires
dont le parquet du tribunal de grande instance est saisi
et sur la mise en _uvre de la politique pénale

Cet article organise la remontée de l'information des juridictions de première instance vers le procureur général, lui-même chargé de la relayer vers le ministre. Il pourra, par ailleurs, en tenir compte pour adapter les orientations générales de la politique pénale aux circonstances propres au ressort de la cour d'appel.

Afin que le procureur général puisse tenir le ministre informé des affaires dont les parquets sont saisis (art. 37-2), le premier alinéa de cet article impose au procureur de la République d'informer son supérieur hiérarchique des affaires dont il est saisi, soit à son initiative soit sur la demande de celui-ci.

Aux termes du deuxième alinéa, les procureurs de la République devront adresser tous les ans au procureur général un rapport sur la mise en _uvre des orientations de la politique pénale dans le ressort de leur tribunal. A partir de ces informations, ce dernier élaborera un rapport de synthèse sur l'exécution de la politique pénale dans le ressort de la cour d'appel, dont le ministre sera destinataire (art. 30-3).

*

* *

Dans un souci de coordination avec la définition des attributions du procureur général et du procureur de la République ainsi qu'avec les modifications proposées à l'article 1er du projet de loi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une rédaction globale de l'article 3 (amendement n° 14).

Chapitre II

Dispositions relatives aux classements sans suite

Composé de deux articles, ce chapitre impose de nouvelles obligations aux magistrats à l'égard des victimes (art. 4) et des personnes intéressées par la procédure (art. 5). Elles tendent à rendre plus transparente l'action publique en matière pénale et à rapprocher l'institution judiciaire du justiciable.

Rappelons que le classement sans suite d'une plainte, d'un procès-verbal ou d'une procédure d'enquête préliminaire n'est pas un acte juridictionnel et n'a pas l'autorité de la chose jugée. Le procureur, qui a le libre exercice de l'action publique, peut jusqu'à l'expiration du délai de prescription revenir sur son appréciation sans avoir à s'en expliquer et à justifier la survenance de faits nouveaux.

Avant l'article 4

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Pierre Albertini tendant à imposer l'information des plaignants et des victimes en cas de classement sans suite pour des considérations de fait. M. Pierre Albertini ayant indiqué que cette disposition trouverait à s'appliquer en l'absence d'identification des coupables et le rapporteur ayant déclaré que cet amendement était partiellement satisfait par un amendement de Mme Christine Lazerges, il a été retiré.

Article 4

(art. 40-1 du code de procédure pénale)

Motivation des décisions de classement sans suite

Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie les suites à leur donner. Il tient donc de la loi le droit de procéder au classement sans suite et la décision qu'il prend ne peut pas être contestée par le juge. Toutefois, cette liberté d'action du procureur ne va pas sans garde-fous. D'ores et déjà, le procureur général peut lui enjoindre d'engager des poursuites ; en outre, le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction permet de mettre en mouvement l'action publique. A l'avenir, le procureur devra mettre en _uvre les orientations générales de la politique pénale avec un encadrement plus contraignant qu'aujourd'hui (art. 39-1), mais surtout il devra motiver sa décision de classement (art. 40-1), décision que les personnes y ayant intérêt pourront contester auprès du procureur général et d'une commission de recours (art. 48-1 et 48-2).

Aujourd'hui, le procureur de la République a l'obligation d'aviser le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsqu'elle est identifiée ; pour certains faits commis contre un mineur, relevant notamment de la catégorie des agressions sexuelles, l'avis de classement doit non seulement être notifié par écrit mais motivé (art. 40). Conformément à l'évolution qui a conduit l'administration à répondre aux usagers puis à motiver ses décisions, le nouvel article 40-1 impose au procureur de la République de motiver systématiquement l'avis de classement dès lors que l'affaire n'est pas classée pour cause d'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause. Le projet de loi justifie cette restriction par « des raisons évidentes de contentieux de masse à prendre en compte ». La motivation devra indiquer si le classement a été décidé pour des raisons de droit (l'infraction n'est pas constituée, par exemple) ou de fait (un rappel à la loi paraît plus approprié).

Par ailleurs, afin que les justiciables soient informés de leurs droits, l'avis de classement devra indiquer dans quelles conditions la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits pourra :

- engager lui-même des poursuites (par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile) ;

- bénéficier de l'aide juridictionnelle ;

- exercer un recours contre la décision de classement.

Afin de dissuader les procéduriers, l'avis rappellera également les dispositions législatives relatives aux dénonciations calomnieuses, qui sont passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende (art. 226-10 du code pénal) et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires : l'article 91 du code de procédure pénale permet, par exemple, au ministère public de citer, après une décision de non-lieu, la partie civile devant le tribunal correctionnel, qui peut prononcer une amende civile de 100 000 F.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rassemblant dans un seul article les dispositions relatives aux classements sans suite, qui imposent au procureur de la République de notifier et de motiver ces décisions (amendement n° 15). Un amendement de M. Alain Tourret ayant le même objet, s'est ainsi trouvé sans objet.

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5

(art. 48-1 à 48-5 du code de procédure pénale)

Recours contre les classements sans suite

Cet article ouvre une voie de recours contre les classements sans suite, qui jusqu'à présent sont incontestables. Il complète le chapitre II (Du ministère public) du titre I du livre premier du code de procédure pénale par une section V intitulée Des recours contre les classements sans suite, qui comprend cinq articles nouveaux (art. 48-1 à 48-5).

Article 48-1 du code de procédure pénale

Recours auprès du procureur général

Aux termes de cet article, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République pourra former un recours contre la décision de classement. Cette possibilité est réservée aux personnes justifiant d'un « intérêt suffisant » mais ne pouvant pas se constituer partie civile : ce peut être le cas, par exemple, d'un grand-père qui a porté plainte contre son gendre au motif qu'il bat son petit-fils. Rappelons, en effet, que toute personne se prétendant lésée par un crime ou un délit peut se constituer partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction (art. 85 du code de procédure pénale), mais le préjudice doit être directement causé par l'infraction et personnellement causé à la victime. La constitution de partie civile produit les mêmes effets qu'un réquisitoire du procureur de la République pour la mise en mouvement de l'action publique.

Ce recours comprend trois étapes : la première, décrite par le premier alinéa de l'article 48-1, consiste à saisir le procureur général. Le plaignant qui s'est vu opposer une décision de classement sans suite - à l'avenir motivée, sauf si personne n'est susceptible d'être mis en cause - doit adresser son recours au procureur général dans le mois suivant la notification de l'avis de classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter du moment où le procureur a été saisi de la dénonciation. Après examen du recours, le procureur général peut soit enjoindre au procureur de mettre en mouvement l'action publique pour des raisons de droit ou d'opportunité, soit confirmer la décision prise par le procureur de ne pas engager de poursuites : dans cette dernière hypothèse, il adresse un avis motivé au requérant.

Une deuxième étape peut alors s'ouvrir, selon des modalités définies par le deuxième alinéa de l'article 48-1. Le requérant a, en effet, la possibilité de contester la décision du procureur général en saisissant, dans un délai d'un mois, une commission de recours contre les classements sans suite : ce délai court à compter soit de la notification de la confirmation du classement par le procureur général, soit d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général s'il n'a pas répondu.

La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini proposant un nouveau système de recours contre les classements sans suite auprès du ministre de la justice. Son auteur a considéré que le dispositif à double étage prévu par le projet de loi serait sans effet, le procureur général et la commission de recours risquant de confirmer systématiquement la décision de classement du procureur de la République. Rappelant qu'il existait un courant très fort dans l'opinion publique en faveur d'un contrôle à la fois renforcé et collégial, même si cette demande n'est pas toujours justifiée, Mme Catherine Tasca, présidente, a estimé nécessaire de maintenir les commissions de recours. Elle a également fait valoir que ces commissions infirmeront, quand cela sera nécessaire, les décisions du parquet. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Pascal Clément supprimant la condition « d'intérêt suffisant » pour former un recours, son auteur ayant fait valoir que la notion d'intérêt à agir relève du droit administratif et non du droit pénal, avant de critiquer cette procédure de recours qui risque d'entraîner des abus. Elle a adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg autorisant les recours contre les classements sans suite concernant des faits nouveaux apparus dans le cadre d'une information judiciaire (amendement n° 16).

Article 48-2 du code de procédure pénale

Ressort territorial et composition
des commissions de recours

Cet article traite de la compétence géographique de la commission et de sa composition. « Afin d'instaurer une certaine distance entre le lieu d'examen du recours et le parquet concerné », ainsi que le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, la compétence de la commission s'étendra sur le ressort de plusieurs cours d'appel. Elle sera uniquement composé de magistrats du parquet, ce qui est souhaitable s'agissant d'une instance non juridictionnelle, désignés pour cinq ans et provenant des parquets près les cours d'appel, ce qui est logique puisqu'ils porteront une appréciation sur une décision prise par un procureur général. Le magistrat ayant confirmé la décision de classement ne siégera pas dans la commission car il ne saurait être, si l'on peut dire, juge et partie.

Un décret fixera le nombre des commissions de recours, leur ressort territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui les composent.

Article 48-3 du code de procédure pénale

Modalités du recours formé devant le procureur général
et de la saisine de la commission de recours

Cet article précise selon quelles modalités sont exercés le recours devant le procureur général et la saisine de la commission tendant à obtenir l'infirmation d'une décision de classement sans suite.

Le recours comme la saisine sont conditionnés par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis d'accusé de réception. La lettre doit être accompagnée : dans le premier cas, soit de l'avis de classement du procureur de la République, soit de la copie de la dénonciation des faits au procureur si elle est restée sans réponse ; dans le second cas, de l'avis de classement du procureur et de la décision confirmative du procureur général ou, s'il n'a pas répondu, de la justification du recours qui lui a été adressé.

Article 48-4 du code de procédure pénale

Compétences de la commission de recours

Cet article précise les conditions dans lesquelles statue la commission de recours contre les classements sans suite : en principe, il s'agira d'une procédure écrite, qui pourra nécessiter le concours d'un avocat.

Le premier alinéa indique que la commission statue sur dossier, au vu des avis de classement du parquet et de tous autres documents adressés par le requérant. Elle peut se faire communiquer copie de la procédure d'enquête faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est demandée ou de la procédure d'instruction dans l'hypothèse où le juge d'instruction a communiqué au procureur de la République des faits non visés au réquisitoire et que celui-ci a pris une décision de classement sans suite : elle disposera ainsi des mêmes éléments que le parquet pour fonder son appréciation. En outre, elle peut demander au requérant ou au procureur général tout élément d'information qu'elle juge utile.

Le deuxième alinéa impose à la commission de rendre une décision motivée, en droit ou en opportunité, tout comme l'ont été celles du procureur de la République et du procureur général. Notifiée au requérant et au procureur général, cette décision n'est pas susceptible de recours.

Le troisième alinéa habilite la commission à demander au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique. La personne justifiant d'un intérêt suffisant ne peut donc pas déclencher elle-même l'action publique, ni acquérir la qualité de partie au procès, à la différence de la personne pouvant se constituer partie civile, mais par cette procédure de recours contre les classements sans suite, elle peut être à l'origine d'une décision d'engager des poursuites. Pour que cette procédure présente un intérêt, encore faut-il que les faits ne soient pas prescrits quand la commission demandera au procureur de la République d'engager des poursuites.

Article 48-5 du code de procédure pénale

Saisine abusive de la commission de recours

Pour dissuader les procéduriers, et par parallélisme avec les dispositions relatives aux constitutions abusives ou dilatoires de partie civile (art. 91 du code de procédure pénale), cet article autorise la commission de recours contre les classements sans suite à demander au ministère public de citer l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire devant le tribunal correctionnel. Il sera passible d'une amende civile d'un montant maximal de 100 000 F.

La Commission a adopté deux amendements identiques de M. Pascal Clément et de M. Arnaud Montebourg abaissant de 100 000 à 10 000 F l'amende civile en cas de recours abusif contre un classement sans suite (amendement n° 18), bien que le rapporteur ait estimé que le montant proposé était insuffisant pour freiner le zèle procédural de riches associations et que M. Pascal Clément ait jugé cet argument pertinent. Elle a également adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg (amendement n° 19) précisant que les recours formés contre les classements sans suite suspendent la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés, son auteur ayant fait valoir que l'usage de cette procédure devait être sans incidence sur les possibilités d'engager des poursuites.

Puis, la Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Chapitre III

Dispositions renforçant le contrôle de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire

Le présent chapitre regroupe cinq articles destinés à approfondir le contrôle qu'exercent, ou sont censés exercer, les procureurs de la République et, le cas échéant, les juges d'instruction, sur la police judiciaire.

Comme on l'a précisé dans l'exposé général, ces dispositions ne bouleversent pas l'architecture des rapports entre l'autorité judiciaire et la police judiciaire, en vertu de laquelle la direction juridique de la police judiciaire appartient, en principe, à l'autorité judiciaire alors que sa direction administrative et opérationnelle incombe à la hiérarchie du ministère de l'intérieur ou de celui de la défense. Bien que de nombreuses voix plaident depuis longtemps en ce sens, le Gouvernement a, en effet, exclu d'emblée tout rattachement direct de la police judiciaire au ministère de la justice, préférant s'inscrire dans une démarche pragmatique qui privilégie le dialogue et respecte les traditions et les cultures professionnelles des intéressés. De ce fait, les mesures proposées, de portée largement technique, pourront apparaître à certains décevantes, mais il ne faut sous-estimer ni leur intérêt pratique, ni leur dimension symbolique porteuse d'une évolution des mentalités.

Article 6

Cadre des activités de la police judiciaire

Dans sa rédaction actuelle, l'article 14 du code de procédure pénale fixe le contenu de la police judiciaire, en distinguant selon qu'une information judiciaire est ouverte ou non.

Dans le premier cas, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à ses réquisitions. Elle agit alors exclusivement comme auxiliaire de la justice et non comme autorité de police.

Dans le second, elle constate les infractions, en rassemble les preuves et en recherche les auteurs, ses prérogatives étant variables selon qu'elle intervient dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire diligentée d'office ou à la demande du parquet. Notons que, dans ces cas de figure, la police judiciaire assure ses missions « suivant les distinctions établies au présent titre », c'est-à-dire, d'une part, en fonction de la capacité judiciaire des différents intervenants et, d'autre part, selon le régime juridique propre à chaque type d'enquête.

La « judiciarisation » des actes de police accomplis dans le cadre de l'article 14 est curieusement concrétisée par les articles qui le précèdent. Ainsi, l'article 12 du code de procédure pénale dispose que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République, alors que l'article 13 du même code indique qu'elle est placée sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation.

En tout état de cause, rappelons que ces dispositions, qui organisent essentiellement le cadre d'emploi de la police judiciaire, ne constituent qu'un élément partiel de sa définition. Comme on l'a vu dans la présentation générale, si tant est que la dichotomie entre police judiciaire et police administrative ait un sens, la police judiciaire se définit essentiellement par un critère finaliste - quel est l'objectif de l'acte de police en cause ? - mais également par un critère organique, la police judiciaire étant alors entendue comme l'ensemble de fonctionnaires de police ou des services chargés, à titre principal ou exclusif, de missions de police judiciaire.

En apparence, le présent article ne modifie pas cet environnement juridique puisqu'il se contente de compléter le premier alinéa de l'article 14, afin de préciser que la police judiciaire agit, tant qu'une information n'est pas ouverte, dans le cadre « des orientations mentionnées à l'article 39-1 ».

Aux termes de cette formulation, les orientations auxquelles est désormais subordonnée la police judiciaire sont celles de politique pénale élaborée par le ministre de la justice et visées à l'article 30 nouveau du code de procédure pénale, après qu'elles auront été, le cas échéant, précisées et adaptées par le procureur de la République.

Par ailleurs, la référence aux orientations de politique pénale ne vaut que dans le cadre de l'enquête préliminaire. Cette restriction va de soi puisque, par définition, lorsqu'elle opère sur commission rogatoire, la police judiciaire devient un simple mandataire des décisions prises par un juge d'instruction.

Comme on le constate, cette adjonction n'est pas anodine puisqu'elle renforce la subordination juridique de la police judiciaire à l'autorité judiciaire en général et au procureur de la République en particulier. Dans cet esprit, elle inscrit expressément les missions de la police judiciaire dans le cadre des priorités de politique pénale telles qu'elles sont mises en _uvre par celui-ci compte tenu des circonstances locales. Partant, s'imposant aux chefs de services et à l'autorité hiérarchique administrative, elle conforte le procureur de la République en tant que maître d'_uvre de la prévention et de la répression de la délinquance au plan local.

Après avoir adopté un amendement du rapporteur, substituant par coordination avec la modification apportée à l'article 1er relative aux directives générales de la politique pénale (amendement n° 20), la Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7

Direction de la police judiciaire
par le procureur de la République

Si l'article 40 du code de procédure pénale selon lequel « le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner » fait de celui-ci la clef de voûte de l'action publique, l'article 41, qui lui attribue la direction de la police judiciaire, en fait aussi un acteur essentiel de la politique pénale, dans la mesure où les prérogatives qui lui sont accordées lui permettent, ou devraient lui permettre, d'animer et de coordonner la lutte contre la délinquance.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 41 organise la direction juridique de la police judiciaire autour de quatre dispositions essentielles.

-  Le deuxième alinéa, qui dispose que le procureur de la République « dirige l'activité » des OPJ et APJ dans le ressort de son tribunal, est une déclinaison du principe posé à l'article 12 du même code selon lequel « la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République ».

La notion de « direction » à laquelle il est fait référence dans ces deux articles est, toutefois, en pratique, d'une nature particulière.

D'une manière générale, le code de procédure pénale met en _uvre ce pouvoir de direction à travers un certain nombre de mesures concrètes qui confèrent au procureur de la République, du moins en théorie, une réelle autorité sur les officiers de police judiciaire :

· ceux-ci doivent l'informer des infractions dont ils ont connaissance (art. 19) et lui transmettre les PV, rapports et autres documents ;

· ils sont obligés d'exécuter ses instructions et de se prêter aux mesures de contrôle qu'il ordonne, compétences pour lesquelles il a, notamment, le libre choix de la formation (art. D.2) ;

· le procureur de la République autorise et contrôle la plupart des mesures contraignantes mises en _uvre par les OPJ au cours de l'enquête préliminaire ou de celle de flagrance (cf. contrôle de la garde à vue) ;

· les OPJ ne peuvent recevoir d'instruction que du procureur de la République, sauf lorsqu'ils agissent dans le cadre d'une commission rogatoire ;

· les OPJ sont notés par les procureurs de la République.

Néanmoins, cette subordination juridique coexiste avec la direction administrative et technique reconnue au chef de service - policier ou gendarme - de l'OPJ et, d'une manière générale, à la hiérarchie du ministère auquel il appartient. Cette permanence de l'autorité hiérarchique est d'ailleurs exprimée par un grand nombre de dispositions éparses du code de procédure pénale, même s'il est vrai qu'elle est davantage marquée pour les agents que pour les officiers de police judiciaire, mais aussi par d'autres textes tels que ceux régissant l'organisation de la police nationale (loi n° 66-492 du 9 juillet 1966), voire par le code de déontologie de la police nationale, bien évidemment sous réserve des dispositions du code de procédure pénale.

A priori, la lecture croisée de ces articles fait donc apparaître une dichotomie entre la direction juridique, indiscutablement confiée à l'autorité judiciaire, et la direction technique et opérationnelle, incombant non moins clairement à la hiérarchie administrative. Ce schéma satisfaisant pour l'esprit est cependant nuancé par le code de procédure pénale lui-même qui prévoit que la police judiciaire est placée, d'une part, sous la surveillance du procureur général et, d'autre part, sous le contrôle de la chambre d'accusation.

Compétent, en vertu de l'article 16 du code de procédure pénale, pour habiliter personnellement les OPJ, le procureur général assure la surveillance de la police judiciaire, notamment par le biais de la tenue d'un dossier individuel concernant l'activité d'OPJ de chaque fonctionnaire ayant cette qualité (art. D. 44 à 47 du code de procédure pénale). Par ailleurs, celui-ci doit prévenir les fautes professionnelles des OPJ et en empêcher le renouvellement en prononçant lui-même, le cas échéant, une suspension ou un retrait de l'habilitation accordée à l'OPJ ou en saisissant la chambre d'accusation statuant comme formation disciplinaire.

Le contrôle de la chambre d'accusation, dont le principe est posé par l'article 13 du code de procédure pénale, est organisé par les articles 224 et suivants qui établissent un régime disciplinaire spécifique, sans préjudice des sanctions disciplinaires prises par les autorités hiérarchiques. (cf. infra, article 10).

Comme on le constate, le code de procédure pénale organise, en fait, une véritable dualité de tutelle sur les officiers de police judiciaire pour l'exercice des missions de police judiciaire. Ce subtil équilibre est d'autant plus délicat à appréhender, que les OPJ exercent, le plus souvent, concurremment des missions de police judiciaire et des missions dites de police administrative.

-  Le troisième alinéa de l'article 41 pose le principe selon lequel le contrôle des mesures de gardes à vue incombe au procureur de la République.

Issue de la loi du 4 janvier 1993, cette disposition en constitue une des innovations les plus importantes puisqu'elle renforce le contrôle de l'autorité judiciaire sur une des procédures les plus sensibles menée par la police judiciaire. A cet égard, elle doit être lue à l'aune des articles 63, alinéa 1, et 77, alinéa 1, du code de procédure pénale qui prévoient que l'OPJ doit informer le procureur de la République « dans les meilleurs délais », formule préférée, pour des raisons pratiques, par les rédacteurs de la loi d'août 1993 à celle de « sans délai » utilisée initialement dans la loi du 4 janvier précitée.

Partant, le procureur de la République surveille le déroulement de la procédure : il décide notamment si celle-ci doit être prolongée et comment elle prend fin, soit par la remise en liberté, soit par le déferrement.

Le contrôle des gardes à vue signifie aussi théoriquement, qu'en dehors d'incidents particuliers, le procureur de la République ne doit pas hésiter à se rendre dans les locaux de garde à vue et à en vérifier les modalités d'exécution. En fait, comme l'ont reconnu beaucoup de magistrats et de policiers entendus par votre rapporteur, ces dispositions restent le plus souvent lettre morte en raison de moyens insuffisants, notamment en zone de gendarmerie où les locaux de garde à vue peuvent être fort éloignés les uns des autres.

Conscient de cet état de fait, l'Assemblée nationale a cependant souhaité y remédier en précisant expressément lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi relatif à la protection de la présomption d'innocence, que le procureur de la République visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre.

-  Le quatrième alinéa dispose que le procureur de la République a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire. Contrairement à la solution retenue par le code d'instruction criminelle, le code de procédure pénale ne fait pas du procureur un OPJ en tant que tel, OPJ dont la liste est limitativement fixée par l'article 16.

Concrètement, ces dispositions signifient néanmoins que, doté de tous les attributs de l'OPJ, le procureur de la République peut constater lui-même des infractions, qu'il s'agisse de contraventions, de délits ou de crimes.

-  Le cinquième alinéa précise, enfin, qu'en cas d'infraction flagrante, le procureur de la République exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 68.

En cas de flagrance, le magistrat désigne un service de police judiciaire compétent et décide s'il se transporte sur les lieux. Dans l'affirmative, son arrivée dessaisit l'OPJ et il peut accomplir tous les actes de police judiciaire nécessaires, ou bien laisser les policiers poursuivre leurs opérations.

Une fois encore, les modifications envisagées par la Chancellerie ne bouleversent pas cette architecture, bien que les principes qui les sous-tendent soient intéressants et novateurs.

Trois ajustements d'inégale importance sont ainsi proposés.

Tout d'abord, le présent article propose une remise en forme de l'article 41 dans le but de distinguer plus clairement, d'une part, les prérogatives propres du procureur de la République et, d'autre part, son rôle de direction sur la police judiciaire.

Les trois alinéas relatifs aux pouvoirs personnels du magistrat
- prérogatives attachées à la qualité d'OPJ, compétences en cas de flagrance et contrôle des mesures de gardes à vue - sont ainsi regroupés et ne font l'objet que d'une seule correction de fond : il est ainsi explicitement mentionné que le procureur de la République, outre les mesures de garde à vue, contrôle le déroulement des enquêtes. En fait, cette adjonction ne fait que confirmer et légitimer le rôle de directeur d'enquête que lui confie déjà implicitement le code de procédure pénale au travers des nombreuses dispositions déjà évoquées.

Ensuite, il est rappelé que le procureur de la République dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire, mais aussi qu'il leur donne connaissance des orientations générales de politique pénale devant être mises en _uvre dans son ressort.

On notera que, contrairement à la rédaction actuelle, la direction de l'activité des OPJ est posée en principe général et ne constitue plus une simple modalité d'exercice des compétences du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuites des infractions pénales. En revanche, reste visée la seule direction de « l'activité » des OPJ, ces derniers restant soumis à leur hiérarchie administrative et opérationnelle.

Quant à l'information sur les orientations générales, il s'agit en fait d'une conséquence des dispositions de l'article 14 modifié par le présent projet, selon lequel la police judiciaire exerce ses missions dans le cadre de ces mêmes orientations. Bien entendu, l'information porte sur les orientations générales rédigées par le ministre, transmises au procureur général et mises en _uvre par le procureur de la République après, le cas échéant, précisions et adaptations destinées à tenir compte des circonstances locales.

Par coordination avec ses décisions précédentes, la Commission a adopté un amendement du rapporteur faisant référence à la notion de directive (amendement n° 21).

La troisième innovation consiste en l'insertion de deux alinéas nouveaux dans le corps de l'article 41. Elle représente sans doute l'apport le plus substantiel du projet de loi en la matière, puisque ces mesures traduisent un début d'immixtion de l'autorité judiciaire dans l'organisation et le fonctionnement des services de police ou de gendarmerie, évolution que la plupart des organisations professionnelles de magistrats entendues par votre rapporteur ont souhaitée mais que celles de policiers ont vigoureusement critiquée.

Le premier d'entre eux prévoit ainsi que, « pour le bon déroulement des enquêtes », le procureur de la République et les chefs de service s'informent régulièrement des moyens à mettre en _uvre pour atteindre les objectifs de l'action publique. Le second dispose que, dans le cas d'une enquête complexe, le magistrat et le chef du service saisi définissent en commun les moyens à mettre en _uvre pour procéder aux investigations, moyens qui peuvent être adaptés au cours de l'enquête.

A priori, l'objectif du Gouvernement semble être de distinguer, d'un coté, un principe d'information général et réciproque sur les moyens disponibles, et, de l'autre, une sorte de « droit d'évocation » qui permette au procureur de la République de disposer d'un droit de regard sur l'affectation des effectifs en charge d'une enquête particulière quand celle-ci apparaît complexe.

Force est de constater que la rédaction proposée obscurcit quelque peu cette intention. D'une part, la double référence faite aux enquêtes conduit à un miroitement qui ne permet pas d'isoler clairement le champ d'application de chacune des deux mesures. D'autre part, le concept d'objectifs de l'action publique est flou.

Pour toutes ces raisons, il semble préférable de rédiger différemment ce dispositif, afin de distinguer nettement deux situations :

-  une information générale et périodique du procureur sur les moyens mobilisés pour mettre en _uvre les objectifs qui découlent des orientations générales de politique pénale précisées par celui-ci, auxquelles, rappelons-le, les missions de la police judiciaire sont subordonnées ; le cas échéant, afin d'éviter que cet objectif ne reste un v_u pieu, il pourrait être envisagé de fixer la périodicité de cette pratique, par exemple au moins une fois par trimestre ;

-  la possibilité pour le magistrat du parquet d'intervenir dans la définition des moyens à mettre en _uvre lorsque la durée ou la complexité d'une affaire le justifie, cette faculté étant évidemment ouverte à n'importe quel moment de l'enquête. Notons que la mise en _uvre harmonieuse de cette procédure dépend de la capacité conjointe du procureur de la République et du chef de service à déterminer a priori la complexité d'une enquête. A tout le moins, l'implication du procureur de la République dans la détermination des moyens nécessaires suppose donc l'existence d'un dialogue confiant entre celui-ci et les responsables de la police ou de la gendarmerie.

Si tel est le cas, le dispositif proposé semble de nature à répondre aux critiques formulées par de nombreux magistrats qui déplorent que, dans certains cas, les chefs de service affectent leurs personnels sans prendre en compte les priorités judiciaires, contribuant ainsi à amoindrir l'autorité de principe des magistrats sur la police judiciaire.

Après avoir rejeté deux amendements identiques de MM. Pascal Clément et Pierre Albertini supprimant l'avant-dernier alinéa de cet article, la Commission a donc adopté un amendement du rapporteur procédant à une nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de cet article (amendement n° 22).

En définitive, les solutions proposées par le Gouvernement, telles qu'elles sont corrigées par les suggestions de votre rapporteur, aboutissent à un maintien réaliste de la dualité de tutelle dont les modalités sont complétées, précisées et adaptées. Ce faisant, le projet conduit cependant à un petit déplacement du curseur au profit du procureur de la République, celui-ci pouvant désormais intervenir dans un domaine dont il était jusqu'à présent exclu.

S'il ne faut pas masquer le fait que la portée réelle de ces mesures reste largement fonction de la bonne volonté de chacune des parties prenantes, reconnaissons qu'elles portent néanmoins en germe un changement d'état d'esprit.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

(articles 75-1 et 75-2 du code de procédure pénale)

Contrôle du procureur de la République
sur les enquêtes préliminaires

Le croisement des articles 14 et 17 du code de procédure pénale fait clairement apparaître que la vocation de la police judiciaire est de réaliser des enquêtes, chacune d'entre elle obéissant à un cadre juridique qui lui est propre.

D'une manière générale, on distingue trois principaux types d'enquête : celle menée en cas de crimes ou délits flagrants (l'enquête de flagrance), régie par les articles 53 à 73 du code de procédure pénale, l'enquête préliminaire prévue par les articles 75 à 78 du même code et la commission rogatoire qui fait l'objet des articles 151 à 155. Cette liste peut être complétée par un régime marginal, à savoir les cas de mort suspecte (art. 74).

Pour s'en tenir aux trois premières catégories, le code de procédure pénale organise leur cadre juridique autour de trois critères essentiels.

-  Les modalités de saisine de l'enquêteur : saisi directement par la connaissance de faits en cas de flagrance, l'OPJ peut agir d'office ou sur réquisitions du procureur de la République dans le cas d'une enquête préliminaire ; dans l'hypothèse d'une commission rogatoire, il ne devient compétent qu'une fois diligenté par le magistrat instructeur.

-  Le contrôle de l'enquête : il appartient au procureur de la République dans le cas d'enquête de flagrance ou d'enquête préliminaire et au juge mandant dans le cas d'une commission rogatoire.

-  Le caractère plus ou moins coercitif de l'enquête : la flagrance autorise la mise en _uvre de très larges prérogatives contraignantes (auditions, gardes à vue, perquisitions) alors qu'en situation d'enquête préliminaire l'OPJ devra, dans la plupart des cas, recueillir l'assentiment de la personne concernée ; en revanche, sur commission rogatoire, l'OPJ est un auxiliaire du juge d'instruction et bénéficie, par délégation, de ses très larges pouvoirs coercitifs.

L'enquête préliminaire a été instituée par le nouveau code de procédure pénale en 1958, en lieu et place de l'enquête officieuse, pratique reconnue précocement par la jurisprudence dès lors qu'il fallait bien que la police puisse mener des investigations avant qu'un juge n'intervienne. Notons que, bien qu'elle constitue le modus operandi le plus fréquent de la police, l'enquête préliminaire ne fait l'objet que de quatre articles, regroupés dans le chapitre II du titre deuxième du livre premier du code de procédure pénale.

C'est l'article 75 de ce code qui en fixe les grandes lignes en précisant que les OPJ procèdent à des enquêtes préliminaires sur instruction du procureur de la République ou d'office, celles-ci relevant de la surveillance du procureur général.

Agissant d'office, les OPJ peuvent constater les infractions quelle qu'en soit la nature, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs, comme les y invite l'article 14, étant entendu qu'en application de l'article 19, ils doivent théoriquement informer sans délai le procureur des infractions dont ils ont connaissance. Si ce dernier est préalablement informé d'une infraction, par exemple par le truchement d'une plainte, il saisira alors par réquisition un service afin de procéder à une enquête préliminaire. Dès qu'une information est ouverte, l'OPJ ne peut plus agir qu'en vertu d'une commission rogatoire.

Comme on le constate, le Parquet est l'autorité de tutelle de l'ensemble de la procédure, l'article R.1 ajoutant que c'est de lui que les enquêteurs doivent solliciter ou recevoir des ordres, encore une fois sans préjudice de l'autorité hiérarchique.

Comme on l'a vu précédemment, l'enquête préliminaire se caractérise largement par l'absence de coercition dans les actes auxquels elle peut donner lieu :

-  l'enquêteur peut se transporter sur les lieux, mais il ne peut s'introduire de manière coercitive dans un domicile et toute saisie doit être approuvée par le propriétaire ;

-  il ne peut interpeller l'auteur présumé de l'infraction, étant entendu qu'il peut recourir à un contrôle d'identité, voire à la garde à vue ;

-  il ne peut pratiquer de fouilles à corps ou palpations de sécurité sans l'assentiment de la personne en cause ;

-  il ne peut effectuer de perquisition sans l'accord exprès de la personne chez qui l'opération a lieu ;

-  il ne peut forcer un témoin à déférer à une convocation d'audition ou d'interrogatoire.

En fait, la seule procédure de contrainte à laquelle l'OPJ peut recourir est la garde à vue, dans les conditions prévues à l'article 77 du code de procédure pénale. On ne développera pas ici ce régime ; on observera seulement que, contrairement à ce que prévoit l'article 63 en cas de flagrance, ne peuvent être placés en garde à vue que les seuls suspects, à l'exclusion des témoins.

Enfin, il convient d'insister sur le fait que l'enquête préliminaire n'est encadrée par aucun délai, même si rien n'empêche un procureur de la République d'en impartir un au service saisi. La seule contrainte qui pèse sur l'enquêteur est de rendre compte au procureur de la République sans attendre la fin de sa mission, obligation qui n'est toutefois imposée que par une disposition réglementaire figurant à l'article R. 2 du code de procédure pénale. En outre, l'enquête ne peut se poursuivre si une information est ouverte.

A l'instar des autres dispositions intéressant la police judiciaire que comporte le présent projet de loi, il n'est pas proposé de bouleverser ce cadre juridique, mais plutôt de conforter la tutelle de l'autorité judiciaire par le biais d'aménagements techniques de bons sens.

-  L'article 75-1 nouveau, relatif à la durée des enquêtes, n'appelle que peu d'observation.

Il prévoit que le procureur de la République, chargeant un OPJ d'une enquête préliminaire, doit en fixer la durée. Il s'agit en fait de combler une lacune du code de procédure pénale en s'inspirant des dispositions déjà retenues par l'article 151 pour les commissions rogatoires. Dans le cas d'une enquête menée d'office, aucun délai ne peut évidemment être fixé, mais l'article 75-2 ci-après prévoit une information systématique du procureur de la République.

Le dépassement de la durée initialement impartie n'entraîne pas de conséquence juridique particulière. Toutefois, pour des raisons de lisibilité et de stabilité juridique, il semble opportun de prévoir que le délai initial puisse être prorogé par le procureur de la République au vu des justifications fournies par les enquêteurs. Un tel ajustement garantirait une information périodique du procureur sur le traitement d'une enquête qu'il a diligentée, ce qui semble être la moindre des choses. La Commission a donc adopté un amendement en ce sens (amendement n° 23).

-  L'article 75-2 nouveau comporte deux mesures.

La première pose un principe général d'information selon lequel l'enquêteur doit aviser le procureur de la République dès qu'une personne est mise en cause dans une infraction. Malgré une rédaction ambiguë, cette disposition, qui précise l'obligation posée par l'article R.2 déjà cité, concerne aussi bien l'enquête menée d'office que celle menée sur instruction du magistrat du parquet.

La seconde indique que l'OPJ doit également rendre compte de l'état d'avancement de l'enquête lorsque celle-ci est commencée depuis plus d'un an, durée qui peut sembler pour le moins excessive, et qu'il semble opportun de ramener à six mois.

Contrairement à ce que laisse penser la formulation retenue, cette mention ne vaut, par hypothèse, que pour une enquête menée d'office puisqu'en application de l'article 75-1 nouveau, dans le cas où l'OPJ intervient sur instruction du procureur de la République, celui-ci a fixé un délai qui peut, le cas échéant, être inférieur à un an.

Votre rapporteur suggère donc de modifier la présentation de ces dispositions afin d'isoler, d'une part, celles qui organisent une information systématique du procureur de la République quel que soit le mode de déclenchement de l'enquête, et, d'autre part, celles qui régissent la durée de l'enquête.

Au vu de ces observations, la Commission a adopté trois amendements, le premier ramenant à six mois le délai dans lequel l'OPJ doit rendre compte de l'état d'avancement de l'enquête (amendement n° 24), les deux derniers procédant à un ajustement rédactionnel et à une coordination (amendements nos 25 et 26).

La Commission a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

Prérogatives du juge d'instruction

Comme on l'a déjà indiqué, dans le cadre d'une commission rogatoire, les OPJ se comportent comme de véritables auxiliaires de la justice et agissent pour le compte et au nom du juge d'instruction.

Plus encore que les membres du parquet, les magistrats instructeurs font souvent état des difficultés rencontrées pour l'exécution de leurs commissions rogatoires, notamment en raison de l'insuffisance des effectifs mis à leur disposition.

Pour remédier à cette situation, le présent article envisage de conférer aux juges d'instruction un droit de regard dans la composition de l'équipe chargée d'exécuter une commission rogatoire. Pour ce faire, il est donc proposé d'étendre à leur profit les dispositions figurant au septième alinéa de l'article 41 selon lesquelles dans le cas d'une enquête complexe, le procureur de la République et le chef de service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre en _uvre.

On ne peut qu'approuver le principe de cette mesure de nature à résorber un certain nombre de malentendus, sous réserve des observations formulées à l'article 7.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10

Portée des décisions prises par la chambre d'accusation
en matière disciplinaire

D'une manière générale, les OPJ sont soumis à trois régimes disciplinaires, chacune des procédures correspondantes reposant sur des bases juridiques propres et étant autonomes l'une par rapport à l'autre :

-  celui qui appartient au procureur général, lequel assure la « surveillance » de la police judiciaire ;

-  celui confié à la chambre d'accusation qui assure le « contrôle » de l'activité des OPJ ;

-  celui, enfin, qui incombe à l'autorité hiérarchique.

En vertu de son pouvoir général de surveillance, le procureur général peut ainsi, de lui-même, en application de l'article 16, dernier alinéa, du code de procédure pénale, suspendre ou retirer l'habilitation d'un OPJ, mesure d'administration judiciaire à caractère discrétionnaire qui n'a pas à être motivée. Les statistiques montrent que cette prérogative est assez couramment utilisée, puisqu'en 1998, 17 suspensions et 14 retraits ont été prononcés par les procureurs généraux, contre respectivement 10 et 13 l'année précédente.

Les articles 16-2 et suivant organisent toutefois une voie de recours particulière, devant une commission composée de trois magistrats du siège de la Cour de Cassation ayant le grade de président de chambre ou de conseiller. En 1998, cette commission n'a pas été saisie.

Par ailleurs, l'article 13 du code de procédure pénale charge la chambre d'accusation du contrôle de la police judiciaire, selon des modalités arrêtées par les articles 224 à 230.

L'article 225 précise ainsi que la chambre d'accusation est saisie soit par le procureur général, soit par son président, soit d'office à l'occasion de l'examen d'une procédure qui lui est soumise. Elle peut procéder à une enquête, entendre l'OPJ et le procureur général. Elle peut alors soit faire de simples observations à l'OPJ, soit lui interdire d'exercer, définitivement ou temporairement, dans le ressort de la cour d'appel ou sur l'ensemble du territoire.

En tout état de cause, les décisions de la chambre d'accusation sont prises sans préjudice des sanctions disciplinaires pouvant être retenues par l'autorité hiérarchique.

En pratique, l'activité de la chambre d'accusation est très réduite. En 1996, 1 retrait à été prononcé par la chambre de la Cour d'Appel de Lyon, en 1997 une suspension de trois mois par la même chambre et 2 saisines de celle de Versailles ; en 1998, l'activité est un peu plus soutenue puisque l'on dénombre 1 suspension à Aix-en-Provence, 2 saisines à Chambéry, 1 à Colmar, 1 à Douai et 1 à Paris.

La disposition qui est ici proposée ne change en rien ce régime et a pour seule vocation de revenir sur les conséquence d'une décision de la Cour de Cassation relative à l'affaire mettant en cause M. Olivier Foll, ancien directeur de la police judiciaire de la préfecture de police.

A la suite des incidents que l'on connaît, M. Foll a fait l'objet d'un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris lui interdisant, pour six mois, l'exercice des fonctions d'OPJ et de délégué du juge d'instruction, arrêt contre lequel il a formé un pourvoi.

Celui-ci a été rejeté, mais la Cour de Cassation, à cette occasion, s'est prononcée sur les effets du pourvoi. Elle a ainsi considéré que « les décisions juridictionnelles des chambres d'accusation, statuant sur le fondement des articles 224 à 230 du code de procédure pénale, sont susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que, conformément à la règle posée par l'article 569 et en l'absence d'une dérogation expresse de la loi, ce recours a un effet suspensif, à la différence de celui prévu par les dispositions réglementaires de l'article R. 15-16 du même code, concernant les mesures administratives de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de police judiciaire prises par arrêté du procureur général, immédiatement exécutoire. »

Cette décision est juridiquement incontestable mais elle pose évidemment un problème de fond mais aussi de cohérence entre les régimes disciplinaires. Comme l'y invite implicitement la Cour, le Gouvernement propose donc de corriger le droit en vigueur afin de rendre immédiatement exécutoire la décision de la chambre d'accusation.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Chapitre iv

Dispositions diverses

Ce chapitre comporte deux articles prévoyant, pour le premier, un certain nombre de mesures de coordination, et, pour le second, la tradition- nelle extension de la loi aux territoires d'outre-mer et à Mayotte.

Article 11

Coordinations

Les quatre paragraphes de cet article procèdent à des coordinations rendues nécessaires par le projet de loi et à l'abrogation de dispositions devenues sans objet.

I. -  La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale précise que le ministère public est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44.

Comme on l'a vu précédemment, le projet de loi propose, dans son article 2, de réécrire totalement les articles 35 à 37 relatifs au procureur général, en réaffirmant notamment l'autorité de ce dernier sur les procureurs de la République et en lui attribuant la faculté de leur adresser des instructions de poursuites. Il ne semble donc plus nécessaire que l'article 33 fasse référence à ces articles, tant pour des raisons de fond - les principes ne sont plus les mêmes - que de forme - limiter des redondances sources d'ambiguïtés.

De la même manière, il n'est plus utile de prévoir une mention particulière en ce qui concerne l'autorité qu'exerce le procureur de la République sur les officiers du ministère public près les tribunaux de police.

II. -  Dans leur rédaction actuelle, les articles 34 et 39 du code de procédure pénale prévoient que le procureur général et le procureur de la République représentent le ministère public, respectivement auprès de la cour d'appel et de la cour d'assise et auprès du tribunal de grande instance, « sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et 446 du code rural. »

Cette réserve « historique » ne s'impose plus, dès lors que ces articles n'existent plus.

III. -  L'article 80 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République.

Le présent paragraphe complète cet article afin de viser l'ouverture d'une information par réquisitoire du ministre de la justice lorsque celui-ci exerce son droit d'action propre.

IV. -  L'article 551 du code de procédure pénale, relatif à la citation, précise que celle-ci est délivrée à la requête du ministère public, de la partie civile et de toute administration qui y est légalement habilitée.

Ici encore, l'institution d'un droit d'action propre reconnu au ministre de la justice commande de mentionner le cas où la citation est délivrée à la requête de celui-ci.

Par coordination avec ses décisions à l'article 1er et à l'article 3, la Commission a adopté deux amendements du rapporteur (amendements nos 27 et 28), puis l'article 11 ainsi modifié.

Après l'article 11

La Commission a rejeté les amendements nos 1 et 2 de M. Didier Quentin tendant à encadrer l'exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile.

Article 12

Application de la loi dans les TOM et à Mayotte

Selon une formulation habituelle, cet article prévoit l'application de la présente loi dans les territoires d'Outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Il convient également de mentionner expressément la Nouvelle-Calédonie puisque celle-ci dispose désormais d'un statut particulier depuis la réforme constitutionnelle. La Commission a donc adopté un amendement en ce sens (amendement n° 29). Elle a ensuite adopté l'article 12 ainsi modifié.

*

* *

La Commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 957), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à
l'action publique en matière pénale

Article premier

Il est inséré dans le titre Ier du livre 1er du code de procédure pénale, après l'article 29, un nouveau chapitre ainsi rédigé :

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à
l'action publique en matière pénale

Article premier



... un chapitre
...

 

« CHAPITRE IER  BIS

« Du ministre de la justice

« Art.30. -  Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale destinées aux magistrats du ministère public. Ces orientations sont portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

« Art.30. -
... les directives générales
... ... pénale. Il les adresse aux
... ... public pour application
et aux
magistrats du siège pour information.

 

« Art. 30-1. -  Le ministre de la justice ne peut donner d'instructions aux magistrats du ministère public dans les affaires individuelles.

« Il ne peut donner aucune instruction dans ...

 

« Art. 30-2. -  Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il peut mettre en mouvement l'action publique. Il ne peut à cette fin déléguer sa signature.

« Art. 30-1. -  Lorsque ...


... il
met
en mouvement l'action publique.

   

« Lorsque le ministre estime, en l'absence d'appel ou de pourvoi en cassation contre une décision mettant fin aux poursuites dans une procédure pour laquelle il a été fait application des dispositions de l'alinéa précédent, que l'intérêt général commande un tel recours, il interjette appel ou forme un pourvoi en cassation.

 

« Le ministre saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Une copie de l'acte de poursuite est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au procureur de la République compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite à la procédure dans les meilleurs délais. La procédure se déroule dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public.



... compétente. Il ne peut à cette
fin déléguer sa signature.

« Une copie de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi est adressée ...

... au
parquet
compétent. ...

... délais. Les délais d'appel et de pourvoi du ministre de la justice sont les mêmes que ceux du procureur général. La procédure ...

 

« Art. 30-3. -  Le ministre de la justice informe chaque année le Parlement des conditions dans lesquelles les orientations générales de la politique pénale ont été mises en _uvre.

« Il précise également le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application des dispositions de l'article 30-2. »

« Art. 30-2. -  Le ... ...
justice rend publiques les directives générales mentionnées à l'article 30.

« Il informe ... ... conditions
de mise en _uvre de ces directives générales
. Il précise ...


... l'article 30-1. »

(amendement n° 12)

Code de procédure pénale

Article 2

Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :

Article 2


... sont ainsi rédigés :

Art. 35. -  Le procureur général est chargé de veiller à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel.

« Art. 35. -  Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel.

« Art. 35. -  
...
dans le ressort ...

... d'appel. Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

A cette fin, il lui est adressé tous les mois, par chaque procureur de la République, un état des affaires de son ressort.

Le procureur général a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

« Il anime l'action des procureurs de la République de son ressort et coordonne la mise en _uvre par ceux-ci des orientations générales mentionnées à l'article 30. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances propres à son ressort. Il procède à l'évaluation de leur mise en _uvre.

« Art. 36. - Le procureur général anime ... ...
coordonne l'application par ceux-ci des directives générales du ministre de la justice. Il précise ...

... ces directives générales en
... ... propres au
ressort. ... ... leur
application par les procureurs de la République.

Art. 36. -  Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes.

« Art. 36. -  Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a dans l'exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique.

Alinéa supprimé.

Art. 37. -  Le procureur général a autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel.

A l'égard de ces magistrats, il a les mêmes prérogatives que celles reconnues au ministre de la justice à l'article précédent.

« Art. 37. -  Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, leur enjoindre, par des instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique.

« Art. 37. -  


... connaissance.

« Il peut leur enjoindre ... ...
dossier, d'engager ...



... donner
aucune instruction
faisant ...

... publique dans les
affaires individuelles.

 

« Art. 37-1. -  Le procureur général informe au moins une fois par an, au cours d'une assemblée générale, les magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en _uvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.

« Art. 37-1. -
... an,
l'
assemblée des magistrats ...

... ressort,
des directives générales du ministre de la justice.

 

« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.

« Cette information est rendue publique.

 

« Art. 37-2. -  Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2. Le ministre de la justice est informé, à sa demande, de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.

« Art. 37-2. -  

... affaires lui paraissant devoir ...



... l'article 30-1. Le ...

 

« Le procureur général adresse tous les ans au ministre de la justice un rapport sur la mise en _uvre dans son ressort de la politique pénale. »

... adresse
chaque année
au ...

...
ressort, des directives générales du ministre. »

(amendement n° 13)

 

Article 3

Il est inséré, après l'article 39 du même code, quatre articles ainsi rédigés :

Article 3

(Alinéa sans modification).

 

« Art. 39-1. -  Le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort du tribunal de grande instance.

« Art. 39-1. -

... dans le ressort ...
... instance. Il a,
dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

 

« A cette fin, il met en _uvre les orientations mentionnées au 2ème alinéa de l'article 35 qui lui sont transmises par le procureur général. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances locales.

« Art. 39-2. - Il ... ... les
directives générales
mentionnées à
l'article 36, qui ...

... général pour application. Il ...
... ces directives
générales
en fonction des circonstances propres au ressort.

Art. 37. -  Cf. supra, texte du projet de loi.

Art. 48-1 et 48-2. -  Cf. infra, texte du projet de loi.

« Art. 39-2. -  Le procureur de la République prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 37 et 48-1.

« Il met également en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 lui en fait la demande.

« Art. 39-3. -  Le ...





« Il met en ...

 

« Art. 39-3. -  Le procureur de la République informe, au cours d'une assemblée générale, au moins une fois par an, les magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en _uvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.

« Art. 39-4. -  Le ...
... informe, au moins une fois
par an, l'
assemblée générale des magistrats ...

... ressort, des directives
générales du ministre de la justice.

 

« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.

« Cette information est rendue publique.

Art. 30-2. -  Cf.  supra, texte du projet de loi.

« Art. 39-4. -  Le procureur de la République informe le procureur général des affaires dont il est saisi et qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de l'article 30-2. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre affaire dont le procureur est saisi.

« Art. 39-5. -  Le ...

... affaires lui paraissant devoir ...

... l'article 30-1. Le ...

 

« Le procureur de la République adresse tous les ans au procureur général un rapport sur la mise en _uvre dans son ressort de la politique pénale. »

...
adresse chaque année au ...

... ressort, des directives générales du ministre de la justice. »

(amendement n° 14)

 

CHAPITRE II

Dispositions relatives
aux classements sans suite

Article 4

Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article 40-1 ainsi rédigé :

CHAPITRE II

Dispositions relatives
aux classements sans suite

Article 4

(Alinéa sans modification).

Art. 40. -  Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Art. 48-1 à 48-5. -  Cf. infra, texte du projet de loi.

« Art. 40-1. -  Lorsque l'affaire est classée pour un motif autre que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, l'avis prévu par le 1er alinéa de l'article 40 est motivé en distinguant les considérations de fait et de droit.

« L'avis précise les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la décision de classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5.

« Art. 40-1. -  Le procureur de la République notifie par écrit la décision de classement de l'affaire au plaignant, ainsi qu'à la victime lorsque celle-ci est identifiée. Cette décision est motivée en distinguant les considérations de droit et de fait.

« La décision précise ...

 

« Cet avis rappelle également les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires.

« Cette décision rappelle ...

(amendement n° 15)

 

Article 5

Il est inséré, après l'article 48 du même code, une nouvelle section ainsi rédigée :

Article 5

(Alinéa sans modification).

Art. 40-1. -  Cf. supra, texte du projet de loi.

« Section V

« Des recours contre
les classements sans suite

« Art. 48-1. -  Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile, peut, si elle justifie d'un intérêt suffisant, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

« Art. 48-1. -  (Alinéa sans modification).

Art. 80. - Cf. infra.

 

« Ces dispositions sont applicables aux décisions de classement sans suite prises en application des dispositions de l'article 80 du code de procédure pénale.

(amendement n° 16)

 

« Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 40-1.

(Alinéa sans modification).

 

« Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le requérant peut saisir la commission de recours compétente.

(Alinéa sans modification).

 

« Art. 48-2.-  Les commissions de recours sont compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel.

« Art. 48-2. -  (Sans modification).

 

« Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes, il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la commission.

 
 

« Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui les composent.

 
 

« Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.

 
 

« Art. 48-3.-  Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le procureur général en application du deuxième alinéa de l'article 48-1 doit faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.

« Art. 48-3. -  (Sans modification).

 

« La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la justification du recours qui lui a été adressé.

 
 

« Art. 48-4. -  La commission statue sur dossier, au vu des avis de classement du procureur de la République et du procureur général, et des documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut également demander au requérant ou au procureur général des éléments d'information supplémentaires.

« Art. 48-4. -  (Sans modification).

 

« La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

 
 

« Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.

 
 

« Art. 48-5.-  Quand la commission estime qu'elle a été abusivement saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excède pas 100.000 F. »

« Art. 48-5.-






... pas 10.000 F.

(amendement n° 18)

   

« Art. 48-6. - Les recours formés sur le fondement des articles 48-1 et suivants du présent code suspendent la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés. »

(amendement n° 19)

Art. 14. -  Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre, de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte.

CHAPITRE III

Dispositions renforçant le contrôle
de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire

Article 6

A l'article 14 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : « Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre », les mots : « et dans le cadre des orientations mentionnées à l'article 39-1. »

CHAPITRE III

Dispositions renforçant le contrôle
de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire

Article 6





... des directives
générales
mentionnées ...

(amendement n° 20)

Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions.

   

Art. 41. -  Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale.

Article 7

Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :

Article 7

(Alinéa sans modification).

A cette fin, il dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal.

Le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue.

Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire prévus par la section II du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, ainsi que par des lois spéciales.

En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 68.

« Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire prévus par la section II du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, ainsi que par les lois spéciales.

« En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 68.

« Le procureur de la République contrôle le déroulement des enquêtes ainsi que les mesures de garde à vue.

« Il dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort de son tribunal. Il leur donne connaissance des orientations générales de la politique pénale qui doivent être mises en _uvre dans son ressort.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

... des directives générales
...

(amendement n° 21)

 

« Pour le bon déroulement des enquêtes, le procureur de la République et les chefs des services de police et de gendarmerie se tiennent informés régulièrement des moyens à mettre en _uvre pour atteindre les objectifs de l'action publique.

« Le ...

... police ou de
gendarmerie se tiennent informés au moins une fois par trimestre des ...

... objectifs fixés par les directives générales mentionnées à l'article 39-1.

(amendement n° 22)

 

« Lorsque la durée ou la complexité d'une enquête le justifie, le procureur de la République et le chef du service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre en _uvre pour procéder aux investigations nécessaires. Ces moyens peuvent être adaptés au cours de l'enquête. »

(Alinéa sans modification).

Le procureur de la République peut également requérir, suivant les cas, le comité de probation et d'assistance aux libérés, le service compétent de l'éducation surveillée ou toute personne habilitée dans les conditions prévues par l'article 81, sixième alinéa, de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé. En cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction, lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement, ces diligences doivent être prescrites avant toute réquisition de placement en détention provisoire.

   

Le procureur de la République peut enfin, préalablement à sa décision sur l'action publique et avec l'accord des parties, décider de recourir à une médiation s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction et de contribuer au reclassement de l'auteur de l'infraction.

   
 

Article 8

Il est inséré, après l'article 75 du même code, deux articles ainsi rédigés :

Article 8

(Alinéa sans modification).

 

« Art. 75-1.-  Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée.

« Art. 75-1.-  

... effectuée. Il peut le proroger
au vu des justifications fournies par les enquêteurs
.

(amendement n° 23)

   

« Lorsque l'enquête est menée d'office, les officiers de police judiciaire rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois.

(amendement n° 24)

 

« Art. 75-2. -  L'officier de police judiciaire chargé d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit doit aviser le procureur de la République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, est identifiée.

« Art. 75-2. -
... judiciaire qui mène une enquête ...
...
délit avise le ...

(amendement n° 25)

 

« Il doit également rendre compte de l'état d'avancement de l'enquête lorsque celle-ci est commencée depuis plus d'un an. »

Alinéa supprimé.

(amendement n° 26)

 

Article 9

Il est inséré, après l'article 152 du même code, un article 152-1 ainsi rédigé :

Article 9

(Sans modification).

Art. 41. -  Cf. supra.

« Art. 152-1. -  Les dispositions du septième alinéa de l'article 41 sont applicables aux commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction. »

 

Art. 227. -  La chambre d'accusation peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l'officier ou agent de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d'appel, soit sur tout l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de police judiciaire et de délégué du juge d'instruction ou ses fonctions d'agent de police judiciaire.

Article 10

L'article 227 du même code est complété par la phrase suivante :

« Cette décision prend effet immédiatement. »

Article 10

(Sans modification).

Art. 33. -  Il est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44. Il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice.

CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Article 11

I. -  La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale est supprimée.

CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Article 11

I. -  (Sans modification).

     

Art. 34. -  Le procureur général représente en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises instituée au siège de la cour d'appel, sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural. Il peut, dans les mêmes conditions, représenter le ministère public auprès des autres cours d'assises du ressort de la cour d'appel.

II. -  A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les mots : « sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural » sont supprimés.

II. -  (Sans modification).

Art. 39. -  Le procureur de la République représente en personne ou par ses substituts le ministère public près le tribunal de grande instance, sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural.

   

Il représente également en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour d'assises instituée au siège du tribunal.

   

Il représente de même, en personne ou par ses substituts, le ministère public auprès du tribunal de police dans les conditions fixées par l'article 45 du présent code.

   

Art. 42. - Le procureur de la République a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

 

II bis. -  L'article 42 du même code est supprimé.

(amendement n° 27)

Art. 51. - Le juge d'instruction ne peut informer qu'après avoir été saisi par un réquisitoire du procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile, dans les conditions prévues aux articles 80 et 81.

En cas de crimes ou délits flagrants, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 72.

 

II ter. -  Dans le premier alinéa de l'article 51 du même code, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2. »

(amendement n° 28)

Le juge d'instruction a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

   

Art. 80. -  Le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République.

III. -  Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les mots : « ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2 ».

III. -  (Sans modification).

Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée.

   

Lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent.

   

En cas de plainte avec constitution de partie civile, il est procédé comme il est dit à l'article 86.

   

Art. 551. -  La citation est délivrée à la requête du ministère public, de la partie civile, et de toute administration qui y est légalement habilitée.

L'huissier doit déférer sans délai à leur réquisition.

IV. -  La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les mots : « ainsi que du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2 ».

IV. -  (Sans modification).

La citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime.

   

Elle indique le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité de prévenu, de civilement responsable, ou de témoin de la personne citée.

   

Si elle est délivrée, à la requête de la partie civile, elle mentionne les nom, prénoms, profession et domicile réel ou élu de celle-ci.

   

La citation délivrée à un témoin doit en outre mentionner que la non-comparution, le refus de témoigner et le faux témoignage sont punis par la loi.

   
 

Article 12

La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Article 12


... d'outre-mer, en Nouvelle-
Calédonie
et ...

(amendement n° 29)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article premier

(art. 30 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Compléter la première phrase de cet article par les mots : « , ceux-ci sont tenus de les appliquer et doivent en rendre compte ».

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Un débat sur les orientations générales de la politique pénale est organisé au Parlement chaque année. Ce débat ne peut donner lieu à un vote. »

(art. 30-1 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

I. -  Rédiger ainsi cet article :

« Art. 30-1. -  Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites et motivées, versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites. »

II. -  En conséquence, supprimer l'article 30-2.

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Rédiger ainsi cet article :

«Art. 30-1. -  Le ministre de la justice peut dénoncer aux procureurs généraux les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. »

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 30-1. -  Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. »

Amendement présenté par M. Alain Tourret :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 30-1. -  Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il met en mouvement l'action publique. Lorsqu'il estime, en l'absence d'appel ou de pourvoi en cassation contre une décision mettant fin aux poursuites que l'intérêt général commande un tel recours, il interjette appel ou forme un pourvoi en cassation. Il saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Il ne peut, à cette fin, déléguer sa signature.

« Une copie de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au parquet compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi à la procédure dans les meilleurs délais. Les délais d'appel et de pourvoi du ministre de la justice sont les mêmes que ceux du procureur général. La procédure se déroule ou se poursuit dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public. »

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Dans cet article, après les mots : « donner d'instructions », insérer les mots : « de ne pas poursuivre lorsqu'une infraction a été constatée ».

(art. 30-2 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par Mme Christine Lazerges et les commissaires membres du groupe socialiste :

Au début du dernier alinéa de cet article, substituer aux mots : « ou de citation directe la juridiction compétente » les mots : « la juridiction d'instruction compétente ».

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« En cas d'inaction du ministère public, le Garde des Sceaux peut interjeter appel de toute décision juridictionnelle. »

Amendement présenté par M. Alain Tourret :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Le ministre de la justice est, dans chaque ressort de la cour d'appel, représenté par un avocat, désigné pour une durée de trois années par arrêté ministériel. Cet avocat est choisi parmi les bâtonniers ou anciens bâtonniers du ressort de la cour d'appel. Cet avocat agit, dans le cadre de l'action publique diligentée par le ministre de la justice, avec les mêmes droits que le procureur de la République. »

Article 2

(art. 35 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article.

(art. 37 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Supprimer cet article.

(art. 37-1 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :

« Cette information est rendue publique. »

(art. 37-2 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Après le mot : « affaires », rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article : « devant être portées à sa connaissance ».

Amendements présentés par M. Pascal Clément :

·  Supprimer la dernière phrase du premier alinéa de cet article.

·  Compléter le premier alinéa de cet article par la phrase suivante : « Toute information ou avis concernant un dossier individuel devra figurer au dossier de la procédure. »

Avant l'article 4

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Insérer l'article suivant :

« La dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « Il avise le plaignant ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée des considérations de fait qui ont motivé le classement de l'affaire. »

Article 4

(art. 40-1 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Alain Tourret :

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

« Le procureur de la République notifie la décision de classement de l'affaire au plaignant ainsi qu'à la victime lorsque celle-ci est identifiée. Lorsque l'affaire est classée pour un motif autre que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, la décision de classement est motivée. »

Article 5

(art. 48-1 du code de procédure pénale)

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

I. -  Rédiger ainsi cet article :

« Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile, peut, si elle justifie d'un intérêt, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation, auprès du ministre de la justice. Ce dernier peut décider de mettre en mouvement l'action publique dans les conditions prévues à l'article 30-1.

« En cas de recours manifestement abusif, il peut être demandé au ministère public de citer le requérant devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excède pas 100 000 francs. »

II. -  En conséquence, supprimer les articles 48-2 à 48-5 de l'article 5 du projet de loi.

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots : « si elle justifie d'un intérêt suffisant ».

Article 7

Amendements identiques présentés par M. Pascal Clément et par M. Pierre Albertini :

Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

Après l'article 11

Amendements nos 1 et 2 présentés par M. Didier Quentin :

·  Insérer l'article suivant :

« En cas de préjudice indirect, les associations visées aux articles 2-1 à 2-16 du code de procédure pénale, L. 115-8 et L. 421-1 du code de la consommation, 3 du code de la famille et de l'aide sociale, 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, 48-1 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, 12 de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988, par les lois nos 75-229 du 9 avril 1975 et n° 89-432 du 28 juin 1989, aux articles 22-2 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, 42-8 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, L. 238-9 et L. 252-1 du code rural, 42-13 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, L. 484, L. 162-15-1 et L. 355-32 du code de la santé publique, 331-1 du code de la propriété intellectuelle, L. 233 du livre des procédures fiscales, L. 96 du code des débits de boissons, 4 bis de la loi n° 80-532 du 15 juillet 1980 et 21 bis du décret du 9 janvier 1852, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »

·  Insérer l'article suivant :

« Sont versés à une fondation reconnue d'utilité publique, désignée par décret, les dommages et intérêts accordés aux associations qui, en vertu des articles 2-1 à 2-16 du code de procédure pénale, L. 115-8 et L. 421-1 du code de la consommation, 3 du code de la famille et de l'aide sociale, 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, 48-1 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, 12 de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988, des lois nos 75-229 du 9 avril 1975 et n° 89-432 du 28 juin 1989, des articles 22-2 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, 42-8 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, L. 238-9 et L. 252-1 du code rural, 42-13 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, L. 484, L. 162-15-1 et L. 355-32 du code de la santé publique, 331-1 du code de la propriété intellectuelle, L. 233 du livre des procédures fiscales, L. 96 du code des débits de boissons, 4 bis de la loi n° 80-532 du 15 juillet 1980 et 21 bis du décret du 9 janvier 1852, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile.

« Ne sont toutefois concernées que les associations ayant subi un préjudice indirect. »

A N N E X E

L'EXERCICE DE L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE
DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE,
EN NORVÈGE ET EN ISLANDE 
(4)

ALLEMAGNE

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

La procédure judiciaire et le droit pénal relèvent de la compétence législative concurrente de la fédération et des Länder.

Il n'existe pas de possibilité pour le ministre de la justice, qu'il s'agisse du ministre fédéral ou du ministre de la justice du Land, d'intervenir dans le fonctionnement de la justice. Le ministre fédéral de la justice propose seulement un certain nombre de circulaires à la signature de chaque ministre de la justice à l'échelon des Länder. Après leur ratification par ces derniers, ces circulaires ont force obligatoire.

Les magistrats exerçant des fonctions au parquet sont placés sous l'autorité directe du ministre de la justice auprès duquel ils doivent rendre compte des mesures prises. Ils reçoivent la même formation et la même rémunération que les juges du siège.

Les enquêtes préliminaires font l'objet de véritables rapports que dressent ces magistrats à leurs supérieurs que sont les procureurs généraux des Länder. Cependant, dans les faits, les comptes-rendus des substituts, qu'ils portent sur les enquêtes préliminaires, les poursuites ou les décisions de classement, ne concernent que des affaires sensibles. Les réquisitions orales du ministère public à l'audience doivent se conformer aux instructions reçues en présence du "chef administratif", sous l'autorité duquel est placé ce ministère public, lorsque ce "chef" assiste à certains procès, comme il en a la faculté.

Contestation des classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

Le principe de légalité des poursuites

En Allemagne, l'Etat jouit du monopole des poursuites et a l'obligation de mettre en mouvement l'action publique, sous réserve de quelques cas. Ainsi, la poursuite de certaines infractions, comme la violation du domicile, est subordonnée à une plainte préalable de la victime ; celle-ci peut contraindre également le ministère public à poursuivre dans différentes hypothèses, comme les menaces ou la violation du secret de la correspondance.

Par ailleurs, l'égalité des citoyens devant la loi pénale impose au ministère public de poursuivre toutes les infractions. C'est donc le principe de légalité des poursuites qui domine.

Les exceptions au principe

Toutefois, l'opportunité des poursuites peut se substituer au principe de légalité dans plusieurs cas de petite et moyenne délinquance :

-  ainsi, le parquet, avec l'approbation du tribunal compétent, peut décider de classer des petits délits, s'il juge qu'ils n'ont que des conséquences minimes et s'il n'y a pas d'intérêt public à poursuivre ;

-  il peut renoncer également à poursuivre si, par exemple, l'auteur du délit rectifie à temps une fausse déclaration ;

-  il peut procéder de même, s'agissant de délits commis à l'étranger ou de délits politiques ;

-  lorsque plusieurs infractions sont en cause, les poursuites peuvent être abandonnées pour la moins grave des infractions ;

-  l'action publique peut ne pas être déclenchée non plus si la plainte privée préalable ou la question préjudicielle à laquelle l'action publique est liée n'ont pas été déposées.

La procédure

Le procureur peut décider de classer pour des motifs légaux, si la poursuite est considérée comme irrecevable au regard de l'incrimination ou de la procédure. Il en informe l'accusé sans justifier sa décision et l'auteur de la plainte en motivant le classement. Si l'auteur de la plainte est la victime, celle-ci dispose d'un délai de deux semaines pour former un recours hiérarchique auprès du supérieur du procureur. Pour contester éventuellement le rejet de sa requête, l'auteur de la plainte peut intenter un recours devant le tribunal supérieur régional dans le délai d'un mois après la décision de rejet.

Dans les cas où le principe d'opportunité des poursuites est applicable, le ministre de la justice peut donner des instructions de poursuivre ou de ne pas poursuivre mais cette instruction doit avoir un caractère juridique et non politique.

Par ailleurs, le tribunal lui-même peut décider de classer sans suite une plainte privée s'il juge les faits incriminés peu graves. L'ordonnance du tribunal est susceptible d'un recours de la victime ou du ministère public.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Il existe deux catégories de policiers : les fonctionnaires de police et les auxiliaires du ministère public.

En dehors des pouvoirs d'arrestation provisoire et des mesures d'identification reconnus à tous les policiers, les auxiliaires du ministère public peuvent ordonner des saisies et des perquisitions, un examen corporel de l'inculpé et des témoins, ainsi que l'installation de postes de contrôle sur la voie publique. La police intervient de deux manières : elle peut procéder aux investigations de sa propre initiative, dès qu'elle a pris connaissance d'un délit et doit envoyer sans délai ses procès-verbaux au ministère public. Elle agit aussi sur instruction du ministère public qui a la charge des investigations.

Gérés par l'administration de la police qui, en dehors du Bundesgrenzschutz (la police des frontières) et du Bundeskriminelamt (office fédéral de la police criminelle, chargé de la police scientifique), est de la compétence des Länder, les policiers sont affranchis dans la pratique de la tutelle de leur administration, lorsqu'ils collaborent avec le parquet.

BELGIQUE

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

Le ministre de la justice se trouve au sommet de la hiérarchie du personnel judiciaire. S'il ne peut exercer la moindre autorité sur la magistrature assise, il dispose d'un certain pouvoir sur le ministère public qui fait partie de l'ordre judiciaire sans être membre du pouvoir judiciaire et dont les membres sont à la fois organes de l'exécutif et organes judiciaires. Le ministre de la justice peut ainsi donner aux magistrats du Parquet injonction de poursuivre des infractions, prérogative dont il ne fait usage qu'avec une extrême modération. En revanche, il ne peut interdire aux magistrats du ministère public de poursuivre. Par ailleurs, le ministre de la justice peut adresser aux membres du ministère public des directives générales de politique criminelle, qui sont arrêtées après avis du collège des procureurs généraux, chacun de ceux-ci étant chargé de veiller à leur application dans leur ressort.

En première instance, le ministère public est représenté par le procureur du Roi, assisté de substituts. Au niveau de l'appel et de la cour de cassation, le parquet est dirigé par un procureur général assisté d'avocats généraux. A la cour d'assises, le ministère public est exercé par le procureur général près la cour d'appel ou par un membre du parquet de première instance.

Contestation des classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

Le ministère public dispose de la possibilité de classer sans suite les affaires qui, pour différentes raisons, ne lui paraissent pas justifier la mise en _uvre d'une procédure pénale. On estime à environ 60 % le nombre d'affaires qui, en moyenne, font l'objet d'un classement sans suite, mais ce chiffre est variable selon les parquets. Sur ce total, environ un quart des classements sans suite traduisent la prérogative dont dispose le ministère public d'être juge de l'opportunité des poursuites (les autres motifs de classement sans suite étant le fait que l'auteur de l'infraction est resté inconnu ou est en fuite, ou que l'infraction n'est pas établie). Il n'existe aucune possibilité de contester une décision de classement sans suite. Le particulier dont la plainte a été classée sans suite peut toutefois introduire une action en dommages-intérêts devant une juridiction civile ou se constituer partie civile entre les mains d'un juge d'instruction qui sera alors tenu de mener une enquête.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Les officiers de police judiciaire (qui peuvent appartenir à la police ou à la gendarmerie) exercent leur activité sous l'autorité du ministère public siégeant auprès de la cour d'appel. Par ailleurs, les juges d'instruction ayant la qualité d'officiers de police judiciaire, ils sont donc placés sous la surveillance du procureur général près la cour d'appel.

ESPAGNE

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

C'est le Fiscal General (Procureur général) qui est à la tête de la hiérarchie du ministère public en Espagne. Les représentants du ministère public agissent en vertu d'une compétence qui leur est déléguée par leurs supérieurs respectifs, en vertu de la loi n° 50 du 30 décembre 1981 régissant le ministère public.

Le ministère public est considéré comme un organe indépendant du pouvoir exécutif en termes de fonctionnement et de structure, même si c'est le Roi, sur proposition du Gouvernement et après avis du Conseil général de la magistrature, qui nomme le Procureur général. De plus, le Procureur général est révocable à tout moment. Le Gouvernement ne peut donner des ordres au ministère public, il lui est simplement permis de lui adresser des requêtes, dont le bien-fondé doit être apprécié par le Procureur général. Le Procureur général doit établir un rapport annuel sur son activité générale en matière pénale, rapport qu'il adresse au Gouvernement.

Contestation des classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

L'Espagne a opté pour le principe de la stricte légalité des poursuites ; sa situation à cet égard est très proche du système italien.

Le Procureur général est tenu de communiquer, à la demande du Gouvernement, ses décisions concernant l'engagement de poursuites ou le classement sans suite d'affaires mettant en jeu la protection de l'intérêt général.

Le juge pénal, s'il ne peut donner des instructions aux ministère public, peut lancer une instruction de son propre chef, sans avoir à en référer préalablement au ministère public. Le ministère public n'a donc pas le monopole de l'engagement des poursuites ; elles peuvent même être engagées, dans certains cas, par la victime ou une personne agissant en son nom ; en fait toute personne peut intenter une action dite d'« accusation publique ».

Il faut préciser qu'au sein du ministère public, tous ses représentants disposent d'un recours hiérarchique qui les autorise à s'opposer aux ordres ou instructions venant de leur hiérarchie et qu'ils jugent contraires à la loi.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Le juge peut donner des directives à la police au cours de la phase d'instruction de la procédure pénale. La police judiciaire est responsable devant le ministère public des résultats de l'enquête, de la recherche des délinquants et de leur arrestation. Le ministère de l'Intérieur est responsable de l'affectation des moyens de police. C'est le ministère de l'Intérieur et non le ministère public qui donne à la police les orientations générales de politique criminelle.

ITALIE

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

La Constitution du 27 décembre 1947 garantit l'indépendance du ministère public vis-à-vis du pouvoir politique (5).

Comme ceux du siège, les magistrats du parquet sont inamovibles et si la Constitution confie au ministre de la justice le soin "de veiller à l'organisation et au fonctionnement des services qui ont trait à la justice", c'est sous réserve des compétences du Conseil supérieur de la magistrature qui connaît des nominations, affectations, mutations, promotions et mesures disciplinaires, le ministre de la justice disposant, cependant, sur ce dernier point, de "la faculté de mettre en mouvement l'action disciplinaire".

Il résulte de ce statut l'impossibilité pour le ministre de la justice de donner une instruction individuelle ou de solliciter des renseignements sur une affaire déterminée, renforcée par le principe de légalité des poursuites. L'article 112 de la Constitution précise, en effet, que "le ministère public est tenu d'exercer l'action pénale", qu'il ne peut ni interrompre, ni arrêter définitivement, sauf dans des cas expressément prévus par la loi. Par conséquent, les magistrats se trouvent dans l'incapacité légale de définir des priorités répressives ou mettre en _uvre une politique pénale nationale.

Il n'existe pas de hiérarchie entre les différents parquets, les magistrats exerçant leurs compétences de façon autonome. Le procureur général veille au bon fonctionnement du ministère public en assurant la coordination sur les affaires de criminalité organisée ainsi que le respect du principe de la légalité de l'action pénale. Il dispose à cette fin du pouvoir d'évocation : cette compétence, qui revêt un caractère exceptionnel, a pour but de garantir le principe de la légalité des poursuites en cas de retards ou omissions du parquet de première instance. L'exercice de ce pouvoir d'évocation peut être obligatoire ou facultatif selon les cas prévus par le code de procédure pénale.

Les parquets de première instance sont autonomes les uns des autres et à l'intérieur de chacun d'entre eux, on relèvera que le procureur ne peut, de sa propre autorité, retirer un dossier à l'un des substituts, sauf en cas de graves empêchements ou incompatibilité. Il ne peut donner aucune instruction à ses substituts concernant les réquisitions à rendre à l'audience. En revanche, le procureur peut donner à ses subordonnés des instructions à caractère général relatives à l'organisation du parquet, à l'uniformisation de certaines pratiques ou à certaines affaires individuelles. Les instructions de ce type semblent toutefois en pratique rares, les décisions étant prises le plus souvent à l'issue d'un débat interne.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Bien que dépendant organiquement du pouvoir exécutif, la police judiciaire dépend fonctionnellement de l'autorité judiciaire (l'article 109 de la Constitution précise qu'elle « dispose directement de la police judiciaire ») et plus particulièrement du ministère public qui dirige les enquêtes préliminaires. Il existe en effet, auprès de chaque parquet, une section de police judiciaire composée de représentants des différents corps de police. La police judiciaire est tenue de dénoncer tout fait illicite au ministère public (article 347 du code de procédure pénale).

On relèvera que l'article 328 du code de procédure pénale prévoit l'intervention du juge pour les enquêtes préliminaires sur demande du ministère public, ou des parties privées pour tous les actes pris au cours de l'enquête et qui, compte tenu de leurs incidences sur les droits de personne, doivent être soumis à un contrôle juridictionnel.

PORTUGAL

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

Le Procureur Général de la République est nommé pour six ans par le Président de la République sur proposition du gouvernement (article 133 de la Constitution). Il peut être révoqué dans les mêmes conditions avant terme. Ainsi le ministre de la justice peut influer sur la nomination et la révocation du Procureur Général de la République, chef hiérarchique du ministère public.

De même, il apparaît que le Ministre de la justice désigne certains membres du Conseil supérieur du ministère public ; or c'est le Conseil supérieur qui nomme les autres magistrats du ministère public.

La nomination, l'affectation, la mutation et l'avancement des agents du ministère public ainsi que l'exercice de l'action disciplinaire, relève de la Procuradoria -Geral da Republica qui est l'organe supérieur du ministère public, présidé par le Procureur Général de la République (article 219 §5 de la Constitution). Il n'appartient donc pas au ministre de la justice de décider des sanctions disciplinaires à l'encontre des magistrats du ministère public.

Le ministre de la justice dispose de certains pouvoirs spécifiques : il peut notamment faire établir des rapports et demander au Procureur Général de la République des inspections et des enquêtes.

Contestation des classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

Le ministre ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité des poursuites. Plus généralement, il n'a pas le pouvoir de donner des instructions au ministère public.

Seul le Procureur Général de la République pourrait donner des instructions dans les affaires particulières, mais il apparaît que cette situation est exceptionnelle. Par exemple, les instructions relatives à la poursuite doivent obligatoirement intervenir dans les trente jours de la clôture de l'enquête du parquet.

La Constitution dispose en son article 219 que le ministère public, notamment, participe à l'exécution de la politique pénale définie par les organes de souveraineté et exerce l'action pénale selon le principe de légalité.

Si pour les crimes, le principe de la stricte légalité des poursuites s'applique, le parquet est tenu d'ouvrir une information ; en revanche, pour les délits le principe de l'opportunité des poursuites prévaut.

Le juge pénal peut toujours remettre en cause la décision de poursuite ou de non poursuite du ministère public.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Il convient de préciser que le ministère public ne relève pas de l'autorité judiciaire même s'il constitue une magistrature à part entière et indépendante de celle des juges. En effet, la Constitution dispose, en son article 219 "le ministère public bénéficie d'un statut qui lui est propre et jouit de l'autonomie, conformément à la loi." (§ 2) et "les agents du ministère public sont des magistrats responsables intégrés à une hiérarchie..." (§ 4).

C'est toujours un magistrat, ou du siège ou du ministère public, qui dirige le service d'inspection des policiers dépendant du ministre de l'intérieur.

De façon conjointe la police et le ministère public sont compétents pour engager des poursuites, rechercher et produire des preuves.

Par ailleurs le Procureur Général a le pouvoir :

-  de donner des directives générales à la police judiciaire.

-  de demander des renseignements sur l'activité de la police judiciaire.

-  d'ordonner des inspections pour contrôler les conditions d'application des lois

En ce qui concerne les magistrats du siège, le juge d'instruction, qui dirige l'enquête, peut donner des ordres à la police ou faire accomplir certains actes : perquisitions, interceptions téléphoniques, saisies de correspondance, arrestations provisoires.

Le juge pénal, quant à lui, peut intervenir dans l'enquête policière afin d'assurer, si nécessaire, la protection des libertés fondamentales.

ROYAUME UNI

Rapports entre le ministère de la justice
et le ministère public

Le rôle de ministère public est de conception récente en Grande- Bretagne. Alors que le principe prévaut que tout individu puisse prendre l'initiative des poursuites pénales en saisissant les juridictions répressives, la loi de 1985 sur la poursuite des infractions (« Prosecution of Offences Act ») a institué le « Crown Prosecution Service » (CPS), ou Service chargé des poursuites pénales, pour exercer l'action publique au nom du gouvernement.

Le CPS est dirigé par un fonctionnaire, le « Director of Public Prosecutions » (DPP), ou avocat général, nommé par l'Attorney General (ou procureur général). L'Attorney General a lui-même la double qualité d'avocat (« barrister ») et de ministre : en tant qu'avocat, il est placé à la tête du barreau anglais (« head of the english bar » ) ; en tant que membre du Gouvernement, nommé par la Reine, sur proposition du Premier Ministre, il siège à la Chambre des Communes et répond de ses actes devant le Parlement. Ses fonctions consistent à la fois à être le conseil juridique du Gouvernement et à remplir un certain nombre de tâches liées à l'administration de la Justice : représenter la Couronne dans les procédures judiciaires importantes,  exercer l'action publique pour des infractions graves comportant une dimension constitutionnelle ou politique, autoriser le lancement des poursuites pour certaines infractions spécifiques telles que la corruption ou l'inceste, enfin contrôler l'activité du CPS qui est placé sous son autorité - ce qui peut l'amener à donner des instructions concernant l'engagement des poursuites. Si la Couronne ne peut en principe faire appel d'un acquittement, l'Attorney General peut contester, auprès de la Cour d'appel, un des points de droit sur lesquels les juges se sont fondés pour rendre leur décision. La loi de 1988 sur la Justice pénale (« Criminal Justice Act ») a par ailleurs instauré une procédure d'appel au profit de l'Attorney General quand il apparaît à ce dernier que la condamnation est inadéquate eu égard aux faits commis.

Bien qu'il soit membre du Gouvernement, l'Attorney General est réputé exercer ses fonctions judiciaires en toute indépendance sous le seul contrôle du Parlement et dans le seul intérêt du public (« public interest »).

Contestation des classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

-  Le « Code des Procureurs de la Couronne » prévoit que les poursuites ne doivent être engagées contre un individu que s'il existe des éléments de preuve suffisants et un intérêt public. Si ces conditions ne sont pas réunies, le « Crown Prosecution Service »  peut décider de ne pas engager des poursuites, ou même, de mettre fin à une action pénale déjà engagée. Cette décision est susceptible d'être déférée devant les juridictions.

-  L'Attorney General peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un procureur de la Couronne ou d'un accusé, décider de classer une affaire sans suite (« nolle prosequi »). Cette décision est le plus souvent prise dans l'hypothèse d'une incapacité physique ou mentale de l'accusé. Elle a pour effet d'interrompre la procédure pénale mais cette dernière peut être reprise si l'incapacité de l'accusé prend fin.

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

La procédure pénale britannique crée les conditions d'une étroite collaboration entre la police et l'autorité judiciaire. Il revient, en cas d'infraction, à la police de mener l'enquête et de rassembler les preuves à charge. Si la loi de 1985 prévoit que les officiers de police peuvent engager des poursuites, elle donne également compétence au directeur du CPS pour :

-  conduire les procédures criminelles engagées au nom de la police (ou de tout individu) ;

-  et d'engager des poursuites pour des affaires qui lui semblent importantes ou difficiles.

C'est ainsi que l'action publique est exercé au nom du Gouvernement par le CPS qui examine les éléments de l'enquête effectuée par la police et vérifie si les conditions requises pour engager des poursuites sont réunies : si tel n'est pas le cas, le procureur de la Couronne peut interrompre la procédure et demander à la police de continuer ses investigations.

Le CPS joue également un rôle de conseil juridique auprès des forces de police afin de s'assurer le respect des droits des accusés et des règles de la procédure pénale. Des équipes de juristes ont été mise en place en juin 1996 des dans un certain nombre de postes de police pour remplir ce rôle de conseil.

PAYS NORDIQUES

 

DANEMARK

FINLANDE

ISLANDE

NORVÈGE

SUÈDE

graphique

Rapports entre
le ministre de la Justice et le ministère public

Dans tous les pays nordiques, les membres du Parquet sont recrutés séparément des magistrats du siège, n'appartiennent pas au même corps et n'ont aucun rapport statutaire avec eux.

Le ministre de la Justice constitue l'autorité hiérarchique la plus haute du ministère public. Il peut donner des instructions au procureur général, sous forme généralement de circulaires. Ces instructions semblent très générales aussi la politique pénale est en fait arrêtée par le procureur général dont les circulaires s'imposent aux procureurs locaux. Cependant, certaines poursuites ne peuvent être engagées que sur décision du Ministre de la Justice. Il s'agit d'infractions relatives à l'indépendance et à la sécurité de l'Etat.

Le procureur général doit suivre les instructions générales du ministre de la Justice ; le procureur général dispose de prérogatives sur la coordination des affaires, de leur conduite et de la politique à suivre.

Le procureur général a la charge de veiller à la mise en _uvre de la politique à suivre en matière pénale ; il dispose de prérogatives de coordination des affaires en cours d'examen.

Certaines poursuites ne peuvent être lancées que si le Ministre de la Justice le décide. Il s'agit d'infractions relatives à l'indépendance et à la sécurité de l'Etat.

Le ministère de la Justice ne peut émettre de circulaires à destination des parquets (le Roi dispose de cette possibilité, mais ne l'a jamais utilisé). La politique pénale est définie par le procureur général, généralement par voie de circulaire. Dans les affaires les plus sensibles (politiques, etc.) il peut donner instruction de ne pas poursuivre.

Le ministère Public est indépendant du Gouvernement et ce, en application de la Constitution. Cependant, le gouvernement est en mesure de lui indiquer les grandes lignes de la politique en matière pénale qu'il souhaite suivre. Aucune instruction à caractère particulier n'est possible.

Contestation des
classements sans suite,
quand le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites

Dans tous les pays nordiques, le juge pénal n'intervient pas dans la décision de poursuite ou de non-poursuite.

Par ailleurs, le ministère public peut renoncer à l'action pénale à tout moment.

Si la décision de classement sans suite est prise par une autorité supérieure (instruction du procureur général au procureur local, par exemple), il n'y a pas de recours des échelons inférieurs.

   

Le procureur général assure l'appel des décisions de classement sans suite afin d'assurer une cohérence de la politique pénale à l'échelle nationale.

 

 

DANEMARK

FINLANDE

ISLANDE

NORVÈGE

SUÈDE

graphique

Relations entre l'autorité judiciaire et la police

Sauf en Finlande où l'autorité hiérarchique de la police est le ministre de l'intérieur, c'est le ministère de la Justice qui a la charge hiérarchique de la police.

La conduite de l'enquête est soit assurée directement par le ministère public, soit dévolue à la police sous son autorité.

-  Tout membre du parquet commence obligatoirement sa carrière au niveau local par une affectation de trois à quatre ans dans un service où il assure les fonctions de responsable du ministère public et de chef de la police.

-  La police est dans l'obligation de transmettre au ministère public tout fait illicite dont elle a connaissance.

-  Il n'y a pas de liens organiques entre le Ministère public et la police. La définition de la politique criminelle incombe au ministère de l'intérieur.

-  Seules les infractions les plus graves doivent être transmises au ministère public par la police.

-  Les membres du parquet sont affectés aux différents corps de police.

-  Le procureur général de l'Etat et le ministre de la Justice peuvent donner à la police des orientations générales de politique pénale.

-  La police est dans l'obligation de transmettre au ministère public tout fait illicite dont elle a connaissance.

-  Les instances locales du Parquet sont intégrées à la structure des services de police, mais l'autorité hiérarchique est assurée par les représentations régionales du Ministère public.

-  Par ailleurs, le procureur général indique les domaines d'intervention prioritaire en matière criminelle et fixe le cadre général de l'action de la police pour l'instruction des affaires pénales.

-  L'intégration des services du ministère public et des services de police conduit à ce que soit transmis au niveau régional les infractions les plus graves.

-  Les représentants du ministère public sont habilités à prendre les mesures nécessaires pour coordonner et mener des poursuites judiciaires, dès la phase préliminaire de l'instruction

-  Toutefois, il n'y a pas de liens organiques entre le ministère public et la police. Le ministère public n'intervient pas directement dans la politique pénale, qui relève du Gouvernement.

-  La plupart des infractions (notamment les plus graves) doivent être transmises au ministère public par la police ; en pratique, toutes le sont.

LISTE DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES
ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR,

ouvertes à l'ensemble des membres de la Commission

Association des avocats pénalistes

- Conférence des bâtonniers

- Conseil national des barreaux

- Ordre des avocats à la cour de Paris

- Association française des magistrats chargés de l'instruction

Association professionnelle des magistrats

Conférence nationale des premiers présidents

Conférence nationale des procureurs généraux

Syndicat de la magistrature

- Union syndicale des magistrats

Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale

Syndicat national des officiers de police

Synergie officiers

En outre, une délégation de la commission des Lois s'est rendue à la Cour d'appel de Grenoble et le rapporteur s'est déplacé au tribunal de grande instance de Paris, à la préfecture de police et au commissariat central du XIIème arrondissement.

_____________

N° 1702.- Rapport de M. André Vallini (au nom de la commission des lois) sur le projet de loi (n° 957) relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

(1) Cette liste a été complétée par la loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998 au profit de certains agents du corps de maîtrise et d'application de la police nationale (gardiens et gradés) comptant au moins trois années de service dans ce corps, nominativement désignés et habilités.

() Ces personnels se répartiraient de la manière suivante : 7 162 à la direction centrale de la sécurité publique, 1 758 aux renseignements généraux, 808 à la police de l'air et des frontières, 465 dans les CRS, 2 320 à la direction de la police judiciaire, 827 à la DST, 467 en école-formation, 2 976 à la préfecture de police et 878 en divers (coopération,...).

(1) Cités dans « Au nom du Peuple français », les entretiens de Saintes, 6 février 1999, page 47.

() Notes établies par le service des affaires européennes.

() L'article 104 de la Constitution précise que « la magistrature constitue un corps autonome et indépendant de tout autre pouvoir ».


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