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le 9 juillet 1999

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N° 1754

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil,

PAR Mme LOUISE MOREAU,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 552 (1997-1998), 27 et T.A. 20 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1195 et 1196

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I. L'ÉTAT DES RELATIONS FRANCO-BRÉSILIENNES 7

A - LE BRÉSIL APPARAÎT COMME UNE PUISSANCE RÉGIONALE DYNAMIQUE 7

B - LA FRANCE ENTRETIENT DES RELATIONS MULTIFORMES
AVEC CET ACTEUR IMPORTANT DU CONTINENT AMÉRICAIN.
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II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE 9

A - L'ÉTENDUE DE L'ENTRAIDE 9

B - LA NATURE DE L'ENTRAIDE 10

C - LA PROCÉDURE D'ENTRAIDE 10

III. LA CONVENTION D'EXTRADITION 11

A - L'ÉTENDUE DE L'EXTRADITION 11

B - LA PROCÉDURE D'EXTRADITION 12

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

Les deux projets de loi qui nous sont soumis visent à autoriser l'approbation de deux textes conclus entre la France et le Brésil le 28 mai 1996 : une Convention d'entraide judiciaire en matière pénale et une Convention d'extradition. Les deux projets ont été adoptés par le Sénat le 12 novembre 1998.

Avant d'examiner ces deux projets de loi, votre Rapporteur évoquera brièvement l'évolution récente du Brésil ainsi que l'état des relations franco-brésiliennes.

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I. L'ÉTAT DES RELATIONS FRANCO-BRÉSILIENNES

A - Le Brésil apparaît comme une puissance régionale dynamique

Sous la conduite de Fernando Henrique Cardoso, élu à la Présidence en 1994, puis réélu en 1998, le Brésil a engagé des réformes économiques structurelles : création d'une nouvelle monnaie, ancrée sur le dollar, privatisations dans le domaine des mines, des télécommunications, des chemins de fer et de la sidérurgie, libéralisation du commerce extérieur, etc... La maîtrise de l'inflation (passée de plus de 3000% en 1994 à 3% en 1998), une croissance économique régulière ainsi que la venue des investisseurs étrangers (le Brésil est la première destination des flux d'investissements directs étrangers vers l'Amérique latine) témoignent de la réussite économique brésilienne. Le Brésil doit néanmoins faire face aux répercussions de la crise financière asiatique et russe qui l'a contraint à dévaluer puis à laisser flotter sa monnaie au début de l'année 1999.

Malgré ces résultats économiques, les inégalités sociales demeurent très importantes dans ce pays. En effet, les 10% les plus favorisés détiennent 50% de la richesse nationale, tandis que 40% des plus pauvres n'en détiennent que 10%. Ces inégalités expliquent pour une large part la violence urbaine ainsi que les affrontements entre les paysans sans terre et les grands propriétaires. Le dernier de ces affrontements a provoqué la mort de vingt personnes tuées par la police de l'Etat du Para en avril 1996. A la suite de ce massacre, les autorités ont annoncé une relance de la réforme agraire.

Sur le plan international, le Brésil cherche à conforter son statut de puissance régionale en menant une politique étrangère active. Il est candidat à un siège de membre permanent du Conseil de Sécurité. Il participe à l'intégration économique régionale du cône sud avec le Mercosur qui comprend, outre le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. Cet ensemble a signé le 15 décembre 1995 avec l'Union européenne un accord-cadre de coopération économique et commerciale. Le Brésil a accueilli, par ailleurs, à Rio de Janeiro, les 28 et 29 juin 1999, le premier sommet euro-latino-américain. En renforçant ainsi ses liens avec l'Europe, le Brésil contourne le risque d'un face à face exclusif avec les Etats-Unis.

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B - La France entretient des relations multiformes avec cet acteur important du continent américain

Le Brésil est notre premier partenaire en Amérique latine sur le plan de la coopération culturelle, scientifique et technique. La coopération scientifique est particulièrement fructueuse. Elle s'organise sur la base d'accords entre universités et organismes de recherche. On peut citer, à titre d'exemple, le réseau Santos-Dumont, créé en 1994, qui regroupe près de 60 universités françaises et brésiliennes.

Sur le plan économique, le Brésil est notre premier partenaire commercial en Amérique latine. Il est également le premier pays d'accueil des investissements français à l'étranger hors OCDE.

Les relations politiques entre nos deux pays se sont en outre fortement intensifiées depuis 1996. M. Cardoso a effectué au cours de cette année une visite d'Etat en France qui a abouti à la signature d'un nouvel accord-cadre de coopération, créant une Commission générale franco-brésilienne. Le Président de la République s'est, à son tour, rendu au Brésil lors d'une visite d'Etat effectuée au mois de mars 1997.

La signature, le 28 mai 1996, de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la Convention d'extradition s'inscrit dans ce contexte d'approfondissement des relations franco-brésiliennes. On rappellera qu'une Convention d'entraide judiciaire en matière civile a été signée le même jour. Le projet de loi autorisant l'approbation de cette dernière convention fait l'objet d'un rapport distinct de notre collègue, M. André Borel (n° 1755).

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II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE

Les stipulations de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale de 1996 entre la France et le Brésil s'inspirent très largement de celles de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, ratifiée par la France le 23 mai 1967.

Les principales stipulations sont les suivantes :

A - L'étendue de l'entraide

Les deux Etats s'engagent à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante.

Le principe d'entraide est assorti de deux exceptions et de quatre possibilités de refus.

Les exceptions au principe de l'entraide judiciaire concernent l'exécution des décisions d'arrestation et les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

Les possibilités de refus sont de deux types.

Les possibilités de refus classiques s'inspirent de la convention européenne et se rapportent aux infractions politiques et aux demandes d'entraide de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.

Les possibilités de refus spécifiques à la convention concernent les demandes d'entraide qui se rapportent à des infractions qui ne sont pas punissables à la fois par la loi de l'Etat requérant et celle de l'Etat requis. Elles concernent également les demandes d'entraide dont il existe des raisons sérieuses de croire qu'elles ont été présentées aux fins de poursuivre ou de punir une personne en raison de sa race, de son sexe, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée par l'une ou l'autre de ces raisons. Cette dernière stipulation est empruntée aux conventions d'extradition récemment conclues par la France.

B - La nature de l'entraide

L'Etat requis fait exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les demandes d'entraide qui ont pour objet d'accomplir des actes d'enquête ou d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents.

La Convention précise que l'Etat requis ne donne suite aux demandes de perquisition ou de saisie que si l'infraction est punissable aux termes de sa législation.

La Convention prévoit les formalités relatives à la remise des actes judiciaires et les conditions de comparution des témoins, experts et personnes poursuivies, assorties des restrictions et des garanties habituelles. Une particularité peut néanmoins être relevée : le délai d'envoi d'une citation à comparaître à l'Etat requis avant la date fixée pour la comparution passe de 50 jours, dans la convention européenne, à trois mois dans la convention franco-brésilienne. Ce délai spécifique résulte d'une demande du Brésil qui a fait état des difficultés de surveillance liées à l'étendue de son territoire.

La Convention organise également la communication des extraits de casier judiciaire.

C - La procédure d'entraide

Les demandes d'entraide sont adressées de ministère de la justice à ministère de la justice. La transmission diplomatique qui, pour le Brésil, constitue une garantie d'authenticité, est également possible.

Les demandes relatives au casier judiciaire peuvent être adressées directement par l'autorité judiciaire requérante au service compétent de l'Etat requis.

La Convention fixe les règles concernant le contenu de ces demandes ainsi que la traduction des demandes et des pièces les accompagnant.

L'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu au remboursement d'aucuns frais, à l'exception de ceux résultant d'expertises et de transfèrement des personnes détenues.

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III. LA CONVENTION D'EXTRADITION

La Convention signée le 28 mai 1996 est conforme aux principes généraux du droit français de l'extradition tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des conventions récemment conclues par la France.

A - L'étendue de l'extradition

Les deux Etats s'engagent à se livrer réciproquement toute personne poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine.

L'infraction doit revêtir un certain caractère de gravité : Ne peuvent donner lieu à extradition que les infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans. Si l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins neuf mois. Ce quantum a été demandé par la partie brésilienne. Il est destiné à éviter d'engager des procédures d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées.

On observera que la Convention inclut les infractions à caractère fiscal, alors que la convention européenne n'assure qu'une possibilité d'extradition dans ce domaine.

Les cas de refus d'extradition prévus par la Convention peuvent être de nature différente :

L'extradition doit être refusée dans les hypothèses suivantes.

L'extradition doit être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques ou à des infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun. Elle doit être également refusée lorsque la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif pour infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée. Ces motifs de refus s'inspirent des stipulations de la convention européenne d'extradition.

L'extradition doit être également refusée lorsque la personne réclamée à la nationalité de l'Etat requis. La convention européenne ne prévoit qu'une faculté de refus dans ce domaine.

Les autres cas de refus de droit s'inspirent des conventions d'extradition récemment conclues par la France. L'Etat requis doit refuser l'extradition s'il a de sérieuses raisons de croire que la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques. La même obligation s'impose lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou de protection des droits de la défense.

La convention énumère les cas dans lesquels l'extradition peut être refusée.

Elle peut être refusée pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

L'extradition peut être refusée si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances jugées suffisantes par l'Etat requis, que la peine capitale ne sera pas exécutée. Cette clause est traditionnelle dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale ne soit prévue par la législation française, ni par la législation brésilienne.

Enfin l'extradition peut être refusée lorsque l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat requérant et que la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite d'une infraction de même nature commise hors de son territoire ; ou lorsque la personne réclamée fait l'objet dans l'Etat requis, pour les mêmes faits, de poursuites ou d'un jugement définitif de condamnation, d'acquittement ou de relaxe. Le terme "relaxe" a été ajouté à la demande des autorités brésiliennes.

B - La procédure d'extradition

Un certain nombre de garanties entourent la procédure et la personne extradée. La Convention réaffirme le principe de la spécialité de l'extradition. L'Etat requérant ne saurait tirer profit de la présence de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre, le juger ou le détenir pour des faits différents de ceux ayant motivé l'extradition ou antérieurs à la remise de la personne réclamée, sauf exceptions limitativement énumérées.

La Convention fixe les conditions et la durée de la détention provisoire qui ne doit, en aucun cas, excéder soixante jours. Ce délai est différent de celui de la convention européenne d'extradition qui n'est que de quarante jours. Il a été demandé par le Brésil afin de prendre en compte l'étendue de son territoire.

Les frais de l'extradition sont à la charge de la partie requise, sauf ceux relatifs au transport de la personne réclamée qui sont à la charge de l'Etat requérant.

Les demandes d'extradition sont transmises par la seule voie diplomatique. Ce canal leur confère authenticité.

Les documents sont établis dans la langue de l'Etat requérant et accompagnés de la traduction dans la langue de l'Etat requis.

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Telles sont les principales stipulations des deux Conventions qui nous sont soumises.

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption des deux projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 30 juin 1999.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1195 et 1196).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi (nos 1195 et 1196).

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N° 1754.- Rapport de Mme Louise Moreau (au nom de la commission des affaires étrangères) sur :
- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil,
- le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil.


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