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N° 1955

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 novembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières,

PAR M. RENÉ ANDRÉ,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 32, 105 et T.A. 49 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1308

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet l'autorisation de ratification de la convention d'assistance administrative douanière signée le 29 janvier 1998 entre la France et la Macédoine.

Il s'agit d'une convention de type traditionnel avec cependant quelques particularités techniques qu'il convient de signaler.

Mais surtout, cette convention revêt une importance toute particulière au regard du climat qui règne actuellement dans la région, climat marqué par la crise du Kosovo. Celle-ci a des conséquences indéniables sur la situation économique et financière du pays, sur la scène politique intérieure également, et favorise indirectement le développement des fraudes et autres trafics illicites.

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UNE CONVENTION TYPE AVEC QUATRE PARTICULARITÉS

· L'objectif de la présente convention est de donner une base juridique à la coopération entre les administrations douanières des deux pays afin de favoriser la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières.

Une telle base est utile afin que les renseignements réunis à l'occasion de ces échanges puissent servir de preuves devant les tribunaux et afin de mieux garantir la confidentialité des informations transmises.

En effet, le code des douanes françaises autorise l'administration française des douanes à fournir, sous réserve de réciprocité, des renseignements aux autorités douanières étrangères. Mais cette disposition n'offre qu'une sécurité juridique faible, notamment s'agissant de la protection de la confidentialité.

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· Les dispositions prévues par la présente convention s'inscrivent dans le cadre général de coopération administrative qui sert de base à la trentaine de conventions déjà signées par la France.

Le champ de la convention se limite à l'assistance administrative dans le domaine de la lutte contre les infractions à la législation douanière. Au delà, les arrestations par exemple, la coopération relève de l'entraide judiciaire. Elle ne s'étend pas à la perception par l'administration douanière d'une partie des droits de douane, impôts, taxes, amendes et autres sommes pour le compte de l'administration de l'autre partie (article 3).

La convention prévoit en premier lieu que les administrations peuvent échanger des renseignements, spontanément ou sur demande. Ces renseignements peuvent concerner toutes les opérations constatées ou suspectées présentant un caractère frauduleux, les nouveaux moyens de fraude, les catégories de marchandises connues comme faisant l'objet de trafics, les personnes et les moyens de transports suspects, les nouvelles techniques de lutte contre la fraude. Lorsqu'ils prennent la forme de documents de douane pouvant servir à détecter des infractions, les renseignements ne peuvent être transmis qu'en réponse à une demande écrite (article 4).

La convention prévoit également qu'une partie peut demander à l'autre d'exercer une surveillance spéciale sur des déplacements de personnes, des mouvements de marchandises, des lieux, des moyens de transport, des actes liés au trafic des stupéfiants, quand ceux-ci paraissent suspects (article 5).

La convention autorise par ailleurs le recours d'un commun accord à la méthode des livraisons surveillées (articles 1er et 6). L'article 67 bis du code des douanes français permet aux agents des douanes habilités à cet effet par le ministre de pratiquer des expéditions illicites dans le but d'identifier les personnes impliquées dans les infractions douanières. En Macédoine, des dispositions semblables existent dans le code des douanes et les textes d'application pour la mise en _uvre au plan pratique ont été pris.

Une partie peut demander à l'autre de procéder à des enquêtes sur des opérations en présence, éventuellement, de ses propres agents à la condition que ces derniers ne soient ni armés, ni en uniforme (article 8).

La convention établit des relations directes entre les administrations (article 9).

Elle donne valeur de preuves aux renseignements transmis par une partie devant les tribunaux de l'autre partie et permet aux agents d'une partie de comparaître en qualité de témoins ou d'experts (articles 11 et 12).

Les limites de l'assistance administrative tiennent à la possibilité pour une partie de refuser son assistance lorsque celle-ci serait de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de l'Etat ou impliquerait la violation d'un secret industriel, commercial ou professionnel. Tout refus doit être motivé (article 7).

Par ailleurs, la convention stipule que les informations obtenues dans son cadre ne doivent être utilisées qu'aux fins de la convention, sauf consentement exprès de la partie qui les a transmises. Ces informations bénéficient des mêmes garanties de confidentialité que celles accordées par la législation de l'Etat à ses propres informations de même nature (article 10).

Les articles 2, 13, 14, 15 et 16 n'appellent aucun commentaire particulier.

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· Ces dispositions sont certes similaires à celles des conventions conclues avec d'autres pays d'Europe centrale et orientale (République tchèque, Hongrie, Pologne, Ukraine, Russie, République slovaque...) mais il convient de signaler quelques particularités de cette convention qui cependant ne modifient pas le fond du texte.

Le troisième considérant, à la demande de la Macédoine, met l'accent sur la nécessité de concilier la lutte contre la fraude et la libre circulation des personnes et des marchandises (avant l'article 1er).

La Macédoine a également tenu à souligner la frontière entre l'assistance administrative et l'entraide judiciaire bien qu'il ne fût pas indispensable de le faire expressément (article 3.3).

Trois types de procédures (enquêtes, procédure administrative, procédure judiciaire) sont distingués pour la Macédoine s'agissant de la présentation devant les instances définies des documents recueillis dans le cadre de l'assistance administrative (article 11.1).

Il est prévu la possibilité de définir des mesures de coopération technique par voie d'arrangement administratif. Après l'entrée en vigueur de la présente convention, les douanes françaises et macédoniennes pourront signer des projets d'arrangement administratif qui ne feront pas l'objet d'une nouvelle convention et sous réserve de rester dans leur domaine de compétence (article 14.2).

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Mais ce qui distingue le plus la coopération douanière franco-macédonienne des coopérations que notre pays a développées avec d'autres pays d'Europe, tient au contexte particulier de la Macédoine marqué par les événements du Kosovo.

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L'IMPACT DE LA CRISE DU KOSOVO SUR LA MACÉDOINE

· La crise du Kosovo a provoqué l'effondrement économique et financier du pays.

La Macédoine avait déjà été victime des sanctions internationales contre la République fédérale de Yougoslavie de 1992 à 1995. Depuis elle s'efforçait de poursuivre un processus de transition difficile (chômage touchant un tiers de sa population, importance du service de la dette, faiblesse des investissements étrangers, PIB de 1 800 dollars par habitant, soit près de la moitié du PIB de 1991, etc.). Ainsi, depuis 1996, elle avait retrouvé une croissance modérée et maîtrisé l'inflation (3 % en moyenne sur 1996-1998), son équilibre budgétaire et sa balance des paiements (6 % du PIB).

Ce n'est pas tant l'afflux des réfugiés kosovars, accueillis et pris en charge par les familles albanaises de Macédoine, que la fermeture du marché yougoslave qui ont provoqué un net ralentissement de l'activité économique. En effet, 23 % des exportations macédoniennes (pour l'essentiel des produits agro-alimentaires) sont destinées à la RFY alors que 45 % transitent sur son territoire. De plus, 40 % des importations macédoniennes sont issues de Yougoslavie (matières premières et surtout produits semi-dérivés destinés à alimenter les industries locales). La diminution des exportations et donc l'augmentation du chômage ont été directement provoquées par la fermeture des liaisons routières, ferroviaires et aériennes avec la Yougoslavie. Certes, des couloirs alternatifs existent via la Bulgarie ou la Grèce mais avec un surcoût important dû à l'allongement des trajets, à la nécessité d'effectuer des transbordements, etc.

Le pays s'attend à de mauvais résultats pour 1999 :

- plus de 700 millions de dollars de déficit de la balance commerciale (572 millions de dollars en 1998),

- déficit de la balance des paiements courants atteignant 9 % du PIB,

- déséquilibre budgétaire,

- régression de 5 à 9 % du PIB contre une prévision initiale de croissance de 5 %, etc.

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· La crise du Kosovo, par l'afflux massif de réfugiés qu'elle a entraîné sur le territoire macédonien, fait courir à ce pays, composé de 65 % de Slavo-Macédoniens orthodoxes et de près d'un tiers d'Albanais (officiellement 23 % mais sans doute plus proche de 30 %), des risques intérieurs considérables.

Le premier tour des élections présidentielles le 31 octobre 1999 et le second tour le 14 novembre ont mis fin à la présidence du « père de l'indépendance » pacifique, Kiro Gligorov, élu par le Parlement en 1991 puis au suffrage universel en 1994.

La coalition gouvernementale de centre droit, dirigée par M. Ljubco Georgievski, premier ministre, regroupe son parti le VMRO-DPMNE (Organisation révolutionnaire interne de Macédoine-Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne) et le DA (Alternative démocratique) de M. Vasil Tupurkovski.

Le DPA, considéré comme le plus radical des partis albanais, est également membre de la coalition gouvernementale. L'entrée du parti albanais au gouvernement a eu lieu à la suite de la conclusion d'une plate-forme de politique intérieure prévoyant l'attribution de postes de responsabilités, l'ouverture de sections universitaires en langue albanaise, la décentralisation, etc.

Le président Kiro Gligorov, surnommé le « Renard des Balkans », avait réussi à normaliser les relations avec ses voisins serbe, bulgare, albanais et grec qui tous revendiquaient, plus ou moins ouvertement, une partie de la Macédoine. Sur le plan intérieur, outre quelques débordements, les relations interethniques entre la majorité slave et la minorité albanaise évoluaient favorablement. Son successeur saura-t-il faire preuve des mêmes talents d'équilibriste et de modérateur ?

A l'issue du premier tour, M. Tito Petkovski, héritier politique du président sortant et candidat de l'opposition SDSM (Alliance social-démocrate), et M. Boris Trajkovski, ministre adjoint des Affaires étrangères et candidat du VMRO-DPMNE, sont arrivés en tête avec respectivement 35,5 % et 22,6 % des voix.

Au second tour, les voix albanaises ayant fait la différence, c'est M. Boris Trajkovski qui l'a emporté. Mais la communauté albanaise revendique, outre la reconnaissance de son université parallèle de Tetovo, d'être reconnue comme un peuple « constitutif » du pays au même titre que les Macédoniens. De plus, les formations politiques albanaises appellent à l'indépendance du Kosovo. La campagne présidentielle ayant radicalisé les discours, d'aucuns redoutent que les tensions interethniques ne débouchent sur un conflit armé à l'instar de celui qui vient d'enflammer les Balkans.

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· La Macédoine est devenue un pays sensible en matière de fraudes et autres trafics illicites du fait de sa situation géographique, au c_ur d'une région en proie à des troubles politiques importants.

La fraude classique consiste principalement en la pratique de minoration de valeur des exportations de la France vers la Macédoine (par exemple de volailles) avec pour objectif de diminuer les droits de douane à l'entrée en Macédoine.

L'usage de drogues illicites au sein des pays de l'Europe centrale et orientale n'est devenu préoccupant qu'après les bouleversements politiques des années 1990. Ces derniers ont conduit à la fois à une intensification du trafic de drogues dans plusieurs pays de cette région et à un accroissement de la consommation domestique des drogues importées. Le cannabis est la drogue la plus fréquemment utilisée, mais on a constaté, depuis le début des années 1990, une augmentation de la consommation d'héroïne. Récemment s'est développé l'usage de médicaments pharmaceutiques couplés à des drogues illicites. S'agissant de la cocaïne, le niveau de consommation reste bas mais les saisies augmentent dans certains PECOs.

Ainsi, la chute du Mur de Berlin et des pays de l'Est a ouvert de nouvelles routes et de nouvelles productions (drogues de synthèse, amphétamines) en Europe de l'Est. S'agissant de l'héroïne consommée en Europe de l'Ouest, elle provient du Triangle d'Or, et surtout du Pakistan. Les chemins empruntés sont ceux de la Turquie.

Située sur la route des Balkans, la Macédoine est un pays de transit mais également un pays producteur d'héroïne, des laboratoires ayant été découverts dans la région de Skopje.

La France n'est pas encore directement menacée par ces trafics qui visent plus particulièrement la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne. Cependant, des saisies ont été réalisées en 1997 à Marseille sur des véhicules de transport routier immatriculés en Macédoine. La drogue venait du Maroc et était destinée à la Slovénie.

CONCLUSION

Les pays d'Europe de l'Est se sont efforcés d'adapter leur législation aux normes européennes et ont adopté, pour la plupart depuis 1996, une nouvelle législation dans le domaine de la drogue.

S'agissant plus spécialement de la Macédoine, ses efforts ont porté, en 1996 et dans le cadre d'un programme de coopération avec la France, sur la définition d'un nouveau code des douanes qui comporte des dispositions contre le trafic de stupéfiants.

Des structures spécialisées ont été mises en place pour la lutte contre la drogue et un important effort de formation des personnels a été réalisé avec la collaboration des douanes françaises. Par exemple, les Macédoniens ont été invités à participer à des séminaires organisés par les douanes françaises, en particulier sur la modernisation des services douaniers de lutte contre la fraude à l'attention de fonctionnaires des PECOs et des pays baltes organisé du 28 au 30 juin 1999 à Paris.

En outre, la douane macédonienne a débuté sa restructuration et a, pour ce faire, sollicité l'assistance technique et financière de l'Europe.

Enfin, la Macédoine a d'ores et déjà ratifié la présente convention et sa notification est parvenue à la France dès avril 1998.

Il est donc nécessaire d'apporter assistance et soutien à ce pays afin de l'aider à poursuivre ses efforts en vue de participer à un dispositif de lutte contre la fraude adapté et efficace. C'est pourquoi, votre Rapporteur vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 1999.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1308).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1308).

1955. - RAPPORT de M. René ANDRÉ (commission des affaires étrangères) sur le projet de loi entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières


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