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N° 1957

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 novembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif),

PAR M. GEORGES HAGE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 395 (1997-1998), 14 et T.A. 16 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1198

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - UNE RATIFICATION OPPORTUNE D'UN ACCORD CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS 7

A - UN ACCORD CLASSIQUE ENCOURAGEANT LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN ALGÉRIE 7

1) Une protection accrue des investissements français 7

2) Une reprise significative des investissements français 9

B - LA RELANCE DES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-ALGÉRIENNES 10

1) La relance des relations économiques et commerciales 10

2) La relance du dialogue politique et l'extension de la coopération 11

II - UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DE L'ALGÉRIE 15

A - UN RETOUR REMARQUÉ DE L'ALGÉRIE SUR LA SCÈNE
INTERNATIONALE
15

1) Une politique étrangère ouverte 15

2) Une relance improbable de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) 17

B - DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES SUR LE PLAN INTÉRIEUR 18

1) Une situation politique complexe obérée par le terrorisme 18

2) Une situation sociale et économique préoccupante 23

CONCLUSION 26

EXAMEN EN COMMISSION 27

Mesdames, Messieurs,

La France a signé avec l'Algérie le 13 février 1993 un accord entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Cet accord de facture très classique a été ratifié par l'Algérie dès le 2 janvier 1994. La France était déterminée à procéder très rapidement à sa ratification mais le détournement de l'Airbus d'Air France en décembre 1994 et les aléas des relations bilatérales entre la France et l'Algérie retardait l'examen de cet accord que le Sénat a ratifié le 12 novembre 1998.

Le succès de la visite du Président Jack Lang en février 1998, les déplacements à titre individuel de plusieurs parlementaires français et la visite de la délégation de six membres de la Commission des Affaires étrangères conduite par M. François Loncle en juillet 1998 ont jeté les bases de ce rapprochement souhaité de part et d'autre. Votre Rapporteur, qui fut membre de cette délégation, n'a pas oublié l'accueil chaleureux réservé à cette mission par les députés et les représentants de la société civile algérienne. Au-delà des difficultés que connaissait l'Algérie frappée par un terrorisme aveugle, le désir d'établir un dialogue et d'accroître les échanges franco-algériens dans tous les domaines a été maintes fois exprimé.

Une histoire commune certes compliquée et difficile à assumer devrait conduire l'Algérie et la France vers une coopération exemplaire. Les 800 000 Algériens vivant en France, ainsi que les Français d'origine algérienne y aspirent. La France commence à opérer un travail de mémoire et de réflexion sur ses relations avec l'Algérie. A cet égard, la loi adoptée définitivement le 5 octobre 1999, qualifiant les opérations effectuées en Algérie de guerre d'Algérie constitue un hommage aux combattants ; cependant, bien des épisodes de cette guerre sont encore occultés, telle la répression de la manifestation des Algériens à Paris, le 17 octobre 1961.

Les relations franco-algériennes évoluent ; depuis l'élection du Président Bouteflika, la volonté réciproque de relancer et de reconstruire les relations bilatérales franco-algériennes se concrétise. Sous l'impulsion de son nouveau Président, l'Algérie s'ouvre davantage sur le monde extérieur reprenant progressivement la place qui était la sienne sur la scène internationale. Aussi est-il grand temps que l'accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements entre l'Algérie et la France soit ratifié.

La ratification de cet accord dont l'objectif est la relance des investissements français en Algérie est opportune. Elle intervient au moment où les décideurs économiques reprennent le chemin de l'Algérie qui doit juguler une crise sociale inquiétante et se trouve de nouveau confrontée au terrorisme.

Cette ratification devrait contribuer à conforter la relance des relations bilatérales entre la France et l'Algérie dont la situation intérieure et extérieure évolue.

I - UNE RATIFICATION OPPORTUNE D'UN ACCORD CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS

Le 19 novembre dernier, le Président Bouteflika a affirmé lors d'une conférence de presse tenue en marge du sommet du forum économique de Crans Montana sa volonté d'attirer les investisseurs en Algérie "j'ai besoin d'efficacité, j'ai besoin d'investisseurs. Il y aura toutes les garanties de la loi nationale et de la loi internationale". La ratification de l'accord de protection réciproque des investissements répond clairement à une demande et satisfait à la nécessité de protéger et d'attirer les investissements français en Algérie.

A - Un accord classique encourageant les investissements français en Algérie

Cet accord, qui accroît la protection des investissements français, contribuera à la multiplication des échanges.

1) Une protection accrue des investissements français

Le cadre réglementaire des investissements étrangers en Algérie est favorable. Juridiquement les conditions d'accueil de l'investissement étranger sont définies par une loi du 14 avril 1990 qui permet à un investisseur non-résident de réaliser seul ou en partenariat avec une personne privée ou morale résidente son implantation en Algérie. L'obligation antérieure d'une majorité de capitaux algériens a été annulée. Le rapatriement des capitaux investis et des revenus liés à l'investissement est garanti par la loi. Promulgué en 1993, un code des investissements permet la participation d'étrangers au processus de privatisation. Il simplifie les démarches administratives liées à la réalisation de l'investissement. En outre les déclarations récentes du Président Bouteflika laissent largement entendre que tout sera fait pour attirer les investisseurs car selon lui l'Algérie a un besoin impérieux de capitaux.

La convention de protection réciproque des investissements a, comme celle que la France a signée avec plus de soixante dix autres Etats, l'ambition d'établir un cadre juridique plus sûr favorisant l'implantation des entreprises françaises en Algérie. Son article 1er confère une définition large et non exhaustive à la notion d'investissements et de revenus quelle que soit leur date de réalisation. Un échange de lettres annexé à cet accord précise que celui-ci s'étend aux investissements des sociétés effectués avant son entrée en vigueur, mais ne s'applique pas aux différends dont la naissance serait antérieure à cette date. La protection des investissements n'est accordée qu'à ceux qui sont conformes à la législation de celui des Etats qui les reçoit.

L'accord encourage les investissements en octroyant aux investisseurs personnes physiques ou sociétés un traitement juste et équitable conforme au droit international et au moins égal à celui accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée. Le régime d'encouragement ne s'étend pas aux avantages consentis à un Etat tiers en raison de son appartenance à une organisation régionale. La Convention protège les investissements en prévoyant d'une part en cas de dépossession une indemnisation adéquate (le montant est évalué par rapport aux conditions économiques prévalant "la veille du jour où les mesures ont été prises" et d'autre part un traitement aussi favorable que celui des nationaux en cas de dommages ou pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles (conflits armés, révolution, état d'urgence). Une garantie de libre transfert s'applique aux revenus et aux produits de la liquidation des investissements ainsi qu'à une fraction de la rémunération de nationaux d'une partie contractante.

Comme dans tous les instruments internationaux de cette catégorie la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre investisseur et pays d'accueil est offerte lorsqu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de six mois. Il en est de même des différends relatifs à l'interprétation de l'accord. Conclue pour une durée initiale de dix ans, la Convention est reconductible tacitement sauf si elle est dénoncée par l'une des parties avec un préavis d'un an. Cependant la protection des investissements effectués durant la période de validité est assurée pendant quinze ans.

Conformément à la loi de finances rectificative de 1971, l'entrée en vigueur d'un accord de protection des investissements ouvre la voie à la mise en _uvre de la garantie publique gérée par la Coface pour le compte de l'Etat. La Convention offre donc une garantie juridique supplémentaire pour les investisseurs français, mais aussi pour la Coface. En effet, son article 9 offre à la Coface la faculté d'exercer un recours subrogatoire contre l'Etat algérien en cas d'indemnisation.

L'Algérie a reproché de façon récurrente à la France le classement par la Coface du risque Algérie dans la catégorie la plus élevée, assimilée par les autorités algériennes à une liste noire. Chaque année l'évaluation de la Coface suscitait des polémiques. Désormais, le classement est harmonisé et décidé trimestriellement dans le cadre de l'OCDE. La France a demandé sans l'obtenir un traitement plus favorable du risque algérien mais s'est heurtée à ses autres partenaires et notamment aux Etats-Unis. La ratification de la convention d'investissement permettra de dissiper ces malentendus et de conforter la reprise des investissements français en Algérie.

2) Une reprise significative des investissements français

Avec un stock évalué à 10 milliards de dollars en 1997, la France est restée hors secteur pétrolier, le premier investisseur étranger en Algérie. La présence de certains investisseurs français est ancienne, plusieurs entreprises non nationalisées dans les années 1960 exercent encore leur activité par l'intermédiaire d'un mandataire algérien. Cependant de 1990 à 1996, les investissements directs français ont été réduits à la seule exception du secteur des hydrocarbures. La société Total, associée à Sonatrach pour l'exploitation du champ de Hamra, a réalisé un investissement de 370 millions de dollars. Un contrat de partage de production a été signé par cette même société en janvier 1996 pour l'exploitation du Champ de Tin Fouyé Tabenkort en association avec Sonatrach (35 %) et la compagnie pétrolière espagnole Repsol (30 %) pour un montant total de 900 millions de dollars.

Depuis 1997, un certain nombre d'investissements ont été réalisés ou engagés, principalement dans le secteur des produits pharmaceutiques et le secteur bancaire. Ainsi, en 1997, les laboratoires Synthelabo et Laphal ont réalisé avec un investisseur privé algérien une usine de production de sirops pour un montant de 5 millions de dollars. Les autorités algériennes ont donné un signal encourageant en choisissant Thomson pour assurer la couverture aérienne civile

Fin 1998 et début 1999, des protocoles d'accord entre des entreprises publiques ou privées algériennes et des laboratoires français qui les engageaient à investir à court terme dans la production de médicaments se sont concrétisés, pour Pierre Fabre et Novo Nordisk (45 millions de dollars), pour Sorephal-Rhone Poulenc (20 millions de dollars) et le groupement pharmaceutique européen (20 millions de dollars).

Dans le secteur bancaire, les implantations de la Société Générale et de Natexis devraient être opérationnelles avant la fin de l'année 1999. L'Agence algérienne de promotion et de suivi des investissements (APSI) a accordé son agrément en 1997 et 1998 à plus de 40 projets de partenariats industriels franco-algériens représentant un investissement global d'environ 400 millions de francs. Parmi ceux-ci, on peut citer les projets de sociétés mixtes entre Schlumberger et l'entreprise nationale des appareils de mesure et de contrôle pour la fabrication de compteurs à gaz, celui des entreprises français Sover entreprises et Tei avec Procim pour la construction de silos, et enfin le partenariat entre CVP et l'Entrprise nationale de fonderie (ENF) dans le secteur de la métallurgie.

Les entreprises françaises sont encouragées à investir en Algérie, notamment dans les secteurs-clés de la modernisation de l'économie algérienne (énergie, eau, télécommunications, matériels et infrastructures de transport, agro-alimentaire). Depuis le début de l'année 1999, les contacts entre partenaires algériens et français se renforcent très sensiblement en vue de concrétiser des opérations d'investissement. Près d'une centaine d'entreprises françaises étaient représentées à la foire internationale d'Alger en octobre dernier, la visite de M. François Huwart, Secrétaire d'Etat au commerce extérieur a, lors de cette manifestation, souligné l'intérêt porté par les autorités françaises à la relance des relations bilatérales avec l'Algérie.

B - La relance des relations bilatérales franco-algériennes

L'arrivée à la tête du gouvernement algérien en décembre 1998 de M. Smail Hamdani a marqué une inflexion de la position algérienne vis-à-vis de la France et s'est traduite par une volonté de relancer les relations économiques et commerciales. Depuis l'élection du Président Bouteflika en avril dernier, la reconstruction d'une relation bilatérale franco-algérienne solide semble à l'ordre du jour des deux côtés de la Méditerrannée.

1) La relance des relations économiques et commerciales

Lors de la visite de la délégation de la Commission en juillet 1998, les principaux responsables économiques algériens s'étaient montrés désireux d'établir des partenariats avec des opérateurs français. Une présence accrue des entreprises françaises en Algérie était souhaitée et leur désengagement critiqué. Les Algériens le percevaient comme un abandon alors qu'ils faisaient face au terrorisme, au chômage, à une crise économique et sociale alarmante. Malgré ces vicissitudes la France demeure le premier partenaire économique de l'Algérie et son premier fournisseur avec un solde commercial fortement excédentaire en sa faveur depuis 1993. Après un tassement en 1997, les échanges se sont de nouveau développés en 1998 grâce au maillage existant entre les entreprises françaises et les opérateurs privés algériens.

Les exportations françaises vers l'Algérie se sont élevées à 15,7 milliards de francs en 1998, contre 13,4 milliards de francs en 1997 (en progression de 17,2 %) pour une part de marché de 23,7 %. Cette position commerciale forte ne s'est pas érodée depuis le milieu des années 1990. L'Algérie est le dix-huitième client de la France derrière le Maroc (15,9 milliards de francs). Les importations en provenance d'Algérie s'élèvent à plus de 9,2 milliards de francs en 1998, contre 12,6 milliards de francs en 1997 (soit une diminution de 27,6 %). L'Algérie est le vingt-neuvième fournisseur de la France avec 0,54 % du total des achats français à l'étranger. Les biens d'équipements professionnels constituent le premier poste d'exportation avec quatre milliards de francs, suivi des biens de consommation courante en très forte progression (312 %) avec 3,3 milliards de francs et des matériels de transports terrestres avec 3,1 milliards de francs. Le solde commercial qui s'élevait à + 700 millions de francs en 1997 a augmenté en 1998 pour atteindre 6,497 milliards de francs sous l'effet de la baisse des cours du pétrole. Il constitue le douzième excédent français.

Les sept premiers mois de 1999 confirment les tendances constatées en 1998. Il apparaît notamment que les exportations françaises ont enregistré une progression de 5,2 % par rapport aux sept premiers mois de 1998. Depuis le début de l'année, on observe une forte augmentation des contacts entre partenaires français et algériens. Avec la participation d'une centaine d'entreprises, la France était, de loin, le pays le mieux représenté à la dernière Foire internationale d'Alger. Outre le Secrétaire d'Etat au commerce extérieur, plusieurs responsables économiques français se sont récemment rendus en Algérie, notamment le Président du conseil de surveillance de Suez-Lyonnaise des Eaux et le Directeur général de l'Agence française de développement. Les organismes consulaires et professionnels (Medef international, Chambre de commerce et d'industrie régionales) ont organisé ou préparent de nouvelles missions en Algérie et ont d'ailleurs reçu l'an dernier leurs homologues algériens. Les progrès en matière d'échanges économiques et commerciaux ont été suivis par une relance du dialogue politique et par une extension de la coopération culturelle et technique avec l'Algérie.

2) La relance du dialogue politique et l'extension de la coopération

Depuis l'élection du Président Bouteflika les signes de rapprochement entre l'Algérie et la France se multiplient. La visite du Ministre des Affaires étrangères à Alger les 29 et 30 juillet 1999, qui faisait suite à celles du Ministre de l'Intérieur et du Ministre délégué à la coopération, a permis de renouer le dialogue avec les autorités algériennes. Le Premier Ministre a rencontré le Président Bouteflika à New York, le 21 septembre 1999, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette rencontre suivie d'une conférence de presse commune a sans doute contribué à effacer les années d'incompréhension réciproque. Une rencontre entre le Président de la République et le Chef de l'Etat algérien pourrait intervenir en début d'année prochaine. Le Président du Sénat a par ailleurs été invité à se rendre en Algérie par le Président du Conseil de la Nation du 28 au 30 novembre prochain et une délégation de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée Populaire nationale devrait être reçue par la Commission en mars prochain.

L'affirmation par le Président Bouteflika du caractère exceptionnel des liens entre la France et l'Algérie comme son souci d'utiliser le français malgré l'entrée en vigueur de la loi d'arabisation démontre un engagement certain en faveur d'une relation bilatérale rénovée. Selon lui, "tout reste à faire, à inventer et à créer. L'Algérie et la France, si elles venaient ensemble à le décider, pourraient offrir à notre monde incertain une coopération exemplaire".

Côté français, les mesures concrètes que la plupart des députés avaient réclamées pour restaurer les relations bilatérales ont enfin été prises. Depuis 1997, le dispositif de délivrance des visas, dont le nombre est passé de 57 000 à 85 000 en 1998, a été considérablement assoupli et modernisé, ce qui s'est traduit par l'augmentation du nombre de visas pour atteindre probablement 150 000 en 1999 et 200 000 en 2000. La mise en place de procédures simplifiées pour les hommes d'affaires, les personnalités culturelles et intellectuelles et l'amélioration des conditions d'accueil au consulat général d'Alger, qui est désormais l'un des consulats français les plus modernes dans le monde, ont permis cette évolution. La réouverture du consulat d'Annaba devrait intervenir en début d'année prochaine, suivie de celle du consulat d'Oran. La procédure de délivrance des visas serait en cours de réaménagement pour qu'avant la fin de l'année au plus tard, les Algériens n'aient plus à s'adresser au Bureau des Visas Algérie à Nantes, obligation qu'ils trouvaient humiliantes à juste titre. Elle allongeait les délais de délivrance et avait entraîné la chute brutale du nombre des visas accordés aboutissant d'une part à des refus incompréhensibles et d'autre part à des entrées clandestines. Les Algériens menacés par le terrorisme, ou simplement désireux de voir leurs proches n'obtenaient pas leurs visas.

Parallèlement, pour favoriser les réformes en Algérie, notamment dans les domaines de l'économie et de l'éducation, la politique de coopération est en cours de rénovation. La France essaie d'encourager la modernisation administrative et les réformes économiques par une coopération technique ciblée. Elle tente de répondre aux besoins de la société civile par une coopération culturelle adaptée. Ainsi, le centre culturel d'Alger sera rouvert aux chercheurs à partir du 1er janvier 2000. Les autres centres culturels, notamment ceux d'Oran et Constantine pourraient ensuite être réactivés progressivement. La création d'un institut supérieur des affaires est également en cours, avec le soutien de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Ces initiatives doivent être saluées car la coopération doit faire de l'aide à la formation son axe essentiel.

Les actions de la coopération décentralisée impliquant les sociétés civiles algérienne et française constituent un moyen utile et efficace de rapprochement. Les jumelages entre villes algériennes et villes françaises permettent des échanges fructueux. La délégation d'élus qui s'est rendue en Algérie du 12 au 16 novembre 1999 sous l'égide de "Cités unies de France" l'a constaté.

Par ailleurs, les autorités algériennes comme la société civile attendent avec une certaine impatience la reprise des vols d'Air France suspendus depuis 1994 vers l'Algérie. Il semble qu'il ne reste qu'un seul point à régler. Il concerne le contrôle des passagers avant l'embarquement. La reprise le 2 novembre dernier des vols d'Alitalia vers l'Algérie qui devrait être suivie de celle de Swissair est encourageante. Il faut qu'une solution soit trouvée entre Air France et les autorités algériennes car le retour de la Compagnie en Algérie revêt une valeur symbolique pour les Algériens. Ils considèrent que le départ d'Air France qui a eu un effet d'entraînement, a contribué à renforcer l'isolement de leur pays que le Président Bouteflika s'emploie avec succès de briser.

II - UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DE L'ALGÉRIE

Depuis son élection, le Chef de l'Etat algérien tente de redonner à l'Algérie sa place sur la scène internationale et de surmonter les difficultés intérieures. Y parviendra-t-il ?

A - Un retour remarqué de l'Algérie sur la scène internationale

Par des gestes symboliques et de fréquentes visites à l'étranger, le Président Bouteflika s'efforce de mener une politique étrangère plus ouverte à l'égard de ses principaux partenaires sans parvenir toutefois à dissiper certains malentendus avec les pays voisins.

1) Une politique étrangère ouverte

Après la visite en Algérie le 3 novembre dernier d'une délégation de l'Union européenne conduite par M. Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne, les discussions sur un accord de partenariat avec l'Algérie suspendues en mai 1997 ont repris. Elles avaient été interrompues car les dirigeants algériens n'étaient pas satisfaits des propositions européennes. L'Algérie réclamait d'une part la compensation des pertes estimées à 1,2 milliard de dollars induites par le démantèlement de ses tarifs douaniers si elle intégrait dans la zone de libre-échange euro-maghrébine et d'autre part la prise en compte de la "spécificité" de son économie essentiellement exportatrice d'hydrocarbures. Elle souhaitait aussi que la libre circulation des biens dans l'espace euro-maghrébin s'accompagne d'une libre circulation des personnes, ce que refusaient les membres de l'Union européenne qui préfèrent lutter contre l'immigration en aidant les pays du Sud de la Méditerranée à se développer. La situation intérieure de l'Algérie alors marquée par la recrudescence de la violence, avait contribué à l'interruption des négociations que désormais les Européens désiraient reprendre dès le début de l'année 2000 afin de parvenir à un accord d'association similaire à celui qui les lie aux principaux voisins de l'Algérie pour jeter les bases de relations privilégiées, en particulier dans le secteur commercial.

Les pays de l'Union européenne constituent le principal partenaire commercial de l'Algérie qui a réalisé avec eux 56,75 % de ses importations et 63,65 % de ses exportations de janvier à septembre 1999. Or, l'Algérie a le plus faible taux de consommation des enveloppes Meda. Sur l'enveloppe indicative 1996-1999 de 280 millions d'euros, des projets pour 99,6 millions d'euros seulement ont été conclus, sous forme d'ajustement structurel (30 millions d'euros), de bonification d'intérêt (12,6 millions d'euros) et d'appui aux PME (57 millions d'euros). Un projet lié à la restructuration industrielle (38 millions d'euros) devrait être signé prochainement. Deux autres projets sont en cours de négociation : filet social (60 millions d'euros) et appui au secteur financier (15-25 millions d'euros). De son côté, la Banque Européenne d'Investissement a octroyé un prêt de 30 millions d'euros en 1998 pour la construction d'un barrage et projette le financement d'une conduite d'eau pour un montant de 40 à 60 millions d'euros.

Avec les pays européens méditerranéens comme l'Italie, l'Espagne les relations politiques économiques culturelles et humaines sont restées étroites même si ces dernières années elles ont connu comme avec le reste du monde un recul de l'ordre de 20 % au niveau des échanges. Une relance semble amorcée d'autant que les entreprises italiennes et espagnoles, comme les françaises, n'ont jamais déserté l'Algérie, même quand la situation sécuritaire était fortement dégradée. L'Italie est le troisième fournisseur de l'Algérie (8,8 % du total) et, grâce au gazoduc qui relie la Tunisie à la Sicile, son premier client (20,7 %). Pour sa part, l'Espagne fournit 5,9 % des importations algériennes (cinquième rang) et absorbe 9,5 % (quatrième rang) de ses exportations. Les autres pays européens occupent une place plus modeste dans les relations extérieures de l'Algérie. Même si leurs échanges commerciaux avec l'Algérie sont assez réduits, la Belgique et la Suisse utilisent la communauté de langue pour jouer un certain rôle dans ce pays. Leurs ministres des Affaires étrangères viennent de se rendre à Alger et le Président Bouteflika a accordé une importance certaine à ces déplacements.

Cette relance des relations devrait être confortée par la nette amélioration des relations politiques. Le Chef de l'Etat algérien s'est rendu en Espagne le 24 octobre 1999 pour assister au forum consacré au dialogue méditerranéen et a été chaleureusement accueilli par le Premier Ministre M. Jose Maria Aznar. Il a choisi pour sa première visite d'Etat l'Italie les 16 et 17 novembre. Cette visite a permis de dissiper les malentendus avec l'Italie. Auparavant, le Président Bouteflika s'était longuement entretenu au Vatican avec le Pape confirmant son esprit de tolérance religieuse.

Les Etats-Unis apportent un soutien critique à la démarche du Président Bouteflika. Si le Président Clinton n'a pas reçu le Chef d'Etat algérien lors de son déplacement à New-York à l'occasion de la 54ème assemblée générale, il lui a dépêché à Alger le navire-amiral de la sixième flotte la semaine suivante. Les autorités américaines considèrent qu'il convient de juger le nouveau Président à ses actes. Elles ne manquent d'ailleurs pas de formuler des critiques sans qu'il s'en émeuve. Sur le plan économique et commercial, les investissements importants réalisés dans le domaine des hydrocarbures permettent aux Etats-Unis d'être l'un des premiers investisseurs étrangers et le troisième client de l'Algérie (15,3 % des exportations algériennes). Les ventes américaines à l'Algérie sont en revanche plus limitées (10 % de part de marché, soit la moitié de celle de la France).

La diplomatie algérienne s'est montrée active. Assurant la présidence tournante de l'OUA, elle a reçu les chefs d'Etat africains lors du sommet de cette organisation, affirmant ainsi l'importance qu'elle accorde à ses partenaires du Sud.

Après s'être brièvement entretenu le 25 juillet 1999 avec M. Ehud Barak, Premier ministre israélien, le Président Bouteflika a rencontré en Espagne le 24 octobre 1999 deux ministres israéliens. La normalisation des relations entre Israël et l'Algérie a été évoquée mais le Chef de l'Etat algérien considère que de telles relations ne pourront être établies qu'après le retrait israélien du Liban et du plateau du Golan. Toutefois, une coopération économique entre les deux pays n'est pas exclue si le processus de paix progresse. En revanche les relations intermaghrébines ont peu progressé.

2) Une relance improbable de l'Union du Maghreb Arabe (UMA)

Les échanges algéro-tunisiens sont limités. Les deux Etats entretiennent officiellement de bons rapports. Craignant la contagion de l'islamisme sur leur territoire, les autorités tunisiennes ont engagé une coopération dans le domaine sécuritaire avec Alger et marqué leur soutien à la politique de fermeté menée par les autorités algériennes. A ce jour, le Président tunisien n'a jamais effectué de visite officielle en Algérie, le Président Zéroual s'était rendu à Tunis en 1994. Les échanges commerciaux, qui ont pâti de la situation sécuritaire, ont régressé au cours des dernières années.

Les relations algéro-marocaines sont marquées par la suspicion. L'élection du Président Bouteflika, puis l'avènement du roi Mohammed VI avait suscité un espoir réel de normalisation et de relance de l'UMA. Cet optimisme semble aujourd'hui retombé, d'autant que les échanges maghrébins restent très faibles comparés aux relations trans-méditerrannéennes. L'élection du Président Bouteflika, lié au Maroc par son parcours personnel car il est né dans la ville frontière d'Oujda, avait créé un climat favorable. Mais le 15 août 1999, un commando des GIA a assassiné une quarantaine de voyageurs algériens à Beni Ounif, village proche de la frontière algérienne. Le Président algérien a allégué que les autorités marocaines avaient laissé pénétrer sur leur territoire le commando auteur de l'attaque terroriste puis avaient fermé les yeux sur les trafics de la drogue et d'armes à destination de l'Algérie, ce qui a provoqué un coup de froid entre les deux pays. Si le dialogue n'est pas rompu, le projet d'un sommet entre les deux Chefs d'Etat, comme celui d'ouvrir les frontières, ne paraissent plus d'actualité. Toutefois, le Président Bouteflika a récemment adressé un message au Roi du Maroc afin de lui rappeler les positions algériennes et a déclaré fin octobre en Espagne lors du Forum précité que la stabilité de l'Algérie passait par celle du Maroc. Selon lui l'UMA se constituera à l'image du Nord. Mais dans un tel contexte, la coopération inter-maghrébine se révèle difficile. La perspective d'un sommet de l'UMA fin novembre est reportée à une date indéterminée malgré la pression des Etats-Unis.

La question du Sahara occidental, encore en suspens, est elle aussi susceptible d'envenimer les relations algéro-marocaines. L'Algérie a constamment réaffirmé son soutien de principe au plan de paix de l'ONU et aux accords de Houston. Favorable au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, elle s'est engagée à respecter la décision qu'il prendra par référendum et estime en conséquence que ce dossier, géré par l'ONU, doit être déconnecté de ses relations avec Rabat.

La complexité de la situation intérieure algérienne semble peser sur les relations entre l'Algérie et ses principaux voisins.

B - Des difficultés persistantes sur le plan intérieur

La situation intérieure de l'Algérie est complexe et marquée par un terrorisme toujours présent alors que l'économie peu performante engendre un malaise social inquiétant.

1) Une situation politique complexe obérée par le terrorisme

Le pouvoir algérien ne paraît plus aujourd'hui directement menacé par le terrorisme, le processus institutionnel et électoral engagé en 1995 par le Président Liamin Zeroual a été mené à son terme mais la situation politique de l'Algérie ne semble pas pour autant stabilisée.

a) Une recherche d'un équilibre politique

De 1995 à 1997 le pouvoir algérien sous l'autorité du Président Zeroual a donné une configuration institutionnelle nouvelle au régime en conférant à l'exécutif les leviers nécessaires à la mise en _uvre de réformes. Les Algériens ont été appelés aux urnes six fois en l'espace de quatre ans. A l'élection présidentielle du 16 novembre 1995, ont succédé le référendum le 28 novembre 1996 portant révision de la Constitution, puis les législatives du 5 juin 1997, les élections locales du 23 octobre 1997, l'élection présidentielle du 15 avril 1999 et enfin le référendum sur la concorde civile du 16 septembre 1999. Les élections législatives du 5 juin 1997 comme les élections locales du 23 octobre 1997 ont vu leurs résultats contestés par les partis politiques de la mouvance islamiste légale, Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), la Nahda et de la mouvance démocratique Front des Forces Socialistes (FFS) et Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD).

Lors des élections présidentielles du 15 avril dernier, sept candidats étaient en lice, dont quatre pouvaient se prévaloir d'une légitimité historique et d'une assise politique réelle dans le pays : M. Abdelaziz Bouteflika, ancien Ministre des Affaires étrangères du Président Boumediène, qui faisait figure de candidat de l'armée ; M. Ahmed Taleb Ibrahimi, également ancien Ministre, nationaliste de sensibilité islamiste ; M. Mouloud Hamrouche, ancien Premier ministre du Président Chadli, réformateur, et M. Hocine Aït Ahmed, dirigeant historique du Front des Forces Socialistes (FFS), fortement présent dans l'électorat kabyle.

Malgré le renforcement du pluralisme du scrutin par rapport à celui de novembre 1995 et une campagne électorale très animée, les six concurrents opposés à M. Bouteflika ont décidé, la veille du scrutin, de se retirer collectivement de la compétition. Ils présumaient l'existence d'une fraude massive, au regard des conditions de déroulement des premières opérations de vote dans les bureaux itinérants du grand sud saharien et les bureaux spéciaux pour les forces armées. Seul candidat en lice, M. Bouteflika a été élu, dès le premier tour, à la Présidence de la République avec 73,8 % des suffrages exprimés. Le taux de participation officielle était de 60,25 %.

b) Des initiatives en faveur de la réconciliation nationale

La loi sur la concorde civile a été le premier acte du Président Bouteflika sur la scène intérieure. Adoptée par le Parlement le 13 juillet dernier, elle prévoit des mesures de clémence et des réductions de peines pour les islamistes repentis qui ne sont pas impliqués dans des crimes de sang, des viols ou des dépôts d'explosifs, s'ils se rendent à la justice avant le 13 janvier 2000. Afin d'obtenir le soutien du peuple algérien, le Président Bouteflika a organisé, le 16 septembre dernier, un référendum sur cette loi. La question posée était la suivante : "êtes-vous d'accord avec la démarche générale du Président de la République visant à la réalisation de la paix et de la concorde civile ?"

Omniprésent dans les media, favorable aux consultations référendaires, le Président Bouteflika s'est employé à établir un dialogue direct avec la population algérienne et a mené seul, sans s'appuyer sur les partis qui l'avaient soutenu pendant les élections présidentielles, la campagne référendaire sur le projet de concorde civile. Les Algériens, y compris dans les zones marquées par le terrorisme, se sont rendus massivement aux urnes. 98,63 % des votants ont répondu favorablement à la question posée. Le taux de participation officielle a été de 85,03 %. Seules les deux wilayas de Kabylie ont accusé une faible participation (Bejaïa 41 %, Tizi Ouzou 38 %). Les résultats du référendum ont clairement souligné l'aspiration à la paix et à la réconciliation nationale de la population et contribué à conforter la légitimité du Président Bouteflika. Auparavant la confirmation publique en juin dernier de la trêve conclue en octobre 1997 entre les militaires et l'Armée islamique du salut (AIS), le bras armé du Front Islamique du Salut, FIS soulignait la volonté de réconciliation nationale.

Près de sept mois après son élection, le 15 avril 1999, le Président Bouteflika s'est acquis une réelle popularité parmi les Algériens et a suscité de grandes attentes. A la plus grande satisfaction de l'opinion, il déclare vouloir moraliser la vie publique et restaurer l'autorité de l'Etat. La dénonciation tous azimuts de la corruption, le limogeage de préfets, la mise en place d'une commission de réforme de la justice sont autant de gages donnés aux Algériens.

Se présentant comme un "briseur de tabous", il n'hésite pas à parler en français ; il a serré la main du Premier ministre israélien aux obsèques d'Hassan II et salué le rôle de la communauté juive en Algérie lors d'un déplacement à Constantine ; il a participé à un colloque organisé par le Haut conseil islamique sur la réforme du code de la famille et du statut de la femme.

Des interrogations demeurent toutefois sur la démarche du Chef de l'Etat algérien qui n'a pas encore formé son gouvernement ni précisé son programme, en particulier dans le domaine économique et social alors que les attentes de la population algérienne sont fortes. Il dispose de soutien notamment à l'Assemblée populaire nationale où le Rassemblement National Démocratique (RND) et le Front de Libération Nationale (FLN) sont largement majoritaires avec respectivement 156 sièges et 69 sièges sur 380 (le MSP disposant de 69 sièges, la Nahda de 34, le FFS 20 sièges et le RCD 19 sièges). Cette configuration se retrouve au Conseil de la nation élu au suffrage indirect le 25 décembre 1997, le RND y dispose de 80 sièges sur 96, le FLN 10 sièges, le MSI 2 et le FFS 4, les autres partis ne sont pas représentés. Le Président Bouteflika devra sans doute dresser un premier bilan de son action, le 13 janvier 2000, à l'expiration du délai accordé aux islamistes pour bénéficier des mesures de clémence.

Pour la formation de son gouvernement, le Président Bouteflika souhaiterait semble-t-il la création de plusieurs grands ministères d'Etat qu'il confierait à des technocrates proches de lui. On lui prête également la volonté de nommer M. Saïd Sadi, Président du RCD, au poste de Premier Ministre. L'attribution du ministère de la défense poserait problème ainsi que la maîtrise des nominations au sein de l'armée. Questionné à de nombreuses reprises sur ses rapports avec la haute hiérarchie militaire, le Président Bouteflika a souligné qu'il ne rencontrait aucune difficulté et a rappelé le rôle essentiel joué par l'armée dans la lutte contre le terrorisme. Ses relations avec l'armée dont l'influence toujours patente est difficile à cerner, font d'ailleurs l'objet d'interrogations.

Certaines résistances se font jour au sein des partis au pouvoir, comme en a témoigné la lettre très critique que lui a adressée, le 16 octobre dernier, le Président FLN de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée populaire nationale, M. Hadjar. Les partis de la majorité, le RND et le FLN semblent accepter difficilement de perdre des portefeuilles ministériels au profit des nouvelles formations qui pourraient rejoindre la coalition gouvernementale comme le RCD. L'opposition légale reste, quant à elle, très discrète face aux initiatives du Chef de l'Etat. Le FFS considère qu'aucune réforme réelle n'a jusqu'à présent été engagée. Le RCD, qui serait disposé à participer au prochain gouvernement, apporte pour sa part un soutien critique au Président Bouteflika. Sans remettre en cause son soutien au projet de concorde civile, la mouvance islamiste proche de l'ex-FIS semble divisée sur l'attitude à adopter. Afin d'obtenir la libération des principaux détenus islamistes, elle cherche à faire pression sur le Chef de l'Etat et l'armée, en brandissant, via l'AIS, la menace d'un abandon de la trêve. Mais l'assassinat de Abdelkader Hachani, numéro trois du FIS, le 23 novembre, ne sera pas sans conséquence, et rappelle que le terrorisme persiste.

c) Un terrorisme persistant

La situation sécuritaire s'est améliorée depuis le début de l'année 1998. La trêve unilatérale décrétée en octobre 1997 par l'AIS, a marqué une étape importante dans cette évolution. Les troupes de l'AIS (entre 2000 et 5000 hommes) sont, stationnées dans des campements. Les autorités algériennes ont indiqué que les dispositions de la loi sur la concorde civile ne s'appliquaient pas à leurs membres mais qu'un traitement spécifique leur serait réservé.

Les groupes islamistes opposés à la trêve, le Groupe islamiste armé GIA d'Antar Zouabri et le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d'Hassan Hattab, continuent d'être actifs dans la Mitidja et la Grande Kabylie. Des bandes agissent également dans les départements de l'ouest (Sidi Bel Abbès, Saïda, Mascara, Tiaret, Chlef et Tissemsilt) et dans le Sud. Ces deux groupes représenteraient, selon certaines estimations, entre 3000 et 6000 combattants. Ils demeurent très dangereux comme en témoigne la recrudescence récente des attentats qui ont fait plus d'une centaine de victimes depuis la fin octobre, portant à plus de 500 leur nombre depuis le référendum. Cette recrudescence très récente des attentats fait craindre un Ramadan sanglant. Selon le Ministère de l'Intérieur algérien, 1130 islamistes se seraient rendus : 700 depuis le 13 juillet 1999, dont 72 en provenance de l'étranger et 430 avant la promulgation de la loi sur la concorde civile, ce qui semble insuffisant.

Le Président Bouteflika a récemment affirmé qu'il appliquerait la loi dans toute sa rigueur pour éradiquer le terrorisme après le 13 janvier 2000. L'assassinat d'Abdelkader Hachani, lequel, tout en étant hostile à la loi de concorde civile, avait accepté le dialogue et refusé la violence, marque un tournant. Il sonne comme un avertissement et fait craindre la reprise des assassinats de personnalités hostiles au régime, quelle que soit leur appartenance.

d) Des progrès notables dans le domaine des droits de l'Homme

La délégation de la Commission des Affaires étrangères avait constaté l'existence d'un pluralisme politique en Algérie mais la question des disparus et du Code de la famille montrait les limites de l'Etat de droit. Les autorités algériennes ont accepté d'engager un dialogue sur les droits de l'Homme avec la communauté internationale. Elles ont autorisé le Comité International de la Croix Rouge (CICR) à visiter les détenus en prison et invité Amnesty international à se rendre en Algérie ; des instructions fermes ont été données par le Chef de l'Etat de sanctionner les abus commis par les forces de sécurité dans les opérations de maintien de l'ordre. Cependant seule la réussite de la politique de concorde civile pourra conforter ces évolutions, avec à terme la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis février 1992.

Les autorités algériennes font actuellement preuve d'une plus grande ouverture sur la question des disparus. La mission d'information dépêchée en Algérie en août 1998 par le Secrétaire général des Nations Unies, et dirigée par M. Mario Soares, a marqué un tournant. Depuis cette visite, elles ont reconnu l'existence de disparitions, dont le nombre se chiffrerait à plusieurs milliers. Elles ont annoncé la création, dans chaque préfecture, d'un bureau destiné à recevoir les requêtes des familles des disparus. Les cas élucidés restent toutefois rares.

Les femmes restent victimes de discriminations, qui les empêchent d'exercer pleinement leurs droits (travail, études, libre circulation, choix du conjoint). Au regard du code la famille, adopté le 9 juin 1984, la femme est considérée comme une mineure à vie. Avec l'appui direct du Président Bouteflika, une évolution se dessine, sous l'impulsion du nouveau Président du haut conseil islamique, institution consultative créée en 1996, visant à proposer des amendements au code de la famille. L'amélioration du statut de la femme est une urgence pour l'Algérie si elle souhaite se moderniser.

Le Président Bouteflika doit aussi faire face à une situation sociale et économique préoccupante.

2) Une situation sociale et économique préoccupante

a) Une situation sociale marquée par un niveau de chômage inquiétant

Depuis 1986, l'Algérie peine à maintenir le niveau de développement social atteint à la fin des années soixante dix. Le PIB par habitant a diminué au cours des vingt dernières années (- 0,98 % par an en moyenne entre 1980 et 1995) et le chômage se maintient à un niveau très élevé (28 %), soit une situation comparable à celle de 1966 (33 %), mais sensiblement plus dégradée que celle de 1986 (15,3 %). Il frappe plus de 30 % des jeunes, ce qui est inquiétant.

Les phénomènes de grande pauvreté s'aggravent. La baisse en termes de pouvoir d'achat réel des revenus salariaux entre 1986 et 1994 aurait été de plus de 45 %. Ce pouvoir d'achat aurait toutefois légèrement remonté au cours des dernières années. 5,7 % de la population vivaient en 1995 en dessous du seuil de pauvreté extrême, 14 % en dessous du seuil de pauvreté inférieur et 22,6 % en dessous du seuil de pauvreté supérieur. Ces chiffres ont quasiment doublé depuis 1988.

Le système éducatif autrefois performant puisque le taux d'analphabétisme de la population est passé de 74,6 % en 1966 à 38,8 % en 1997 est unanimement critiqué et doit comme la justice être réformé. Le retour à une croissance rapide, qui passe par la poursuite des réformes économiques structurelles, apparaît indispensable pour maintenir l'infrastructure sociale qui distinguait l'Algérie de la plupart des autres pays en développement jusqu'à la fin des années 1970.

b) Une situation économique et financière soumise à la conjoncture pétrolière

Les politiques publiques menées depuis 1994 sous l'égide du FMI ont certes permis la restauration des grands équilibres mais ont contribué à la baisse du niveau de vie des Algériens les plus défavorisés.

L'Algérie dépend, en effet, des hydrocarbures à hauteur de 96,5 % pour ses exportations et de 58 % pour ses recettes budgétaires. Or la rente pétrolière n'est pas un facteur de développement pour l'Algérie. Elle est peu créatrice d'emploi. La chute des cours du pétrole jusqu'à mars 1999 s'est traduite par une situation de double déficit, que l'Algérie n'avait pas connue depuis 1995 : un déficit budgétaire de 3,8 % du PIB (- 2 % du PIB prévu en 1999). La remontée des prix du brut depuis mars 1999 au-dessus de 15 dollars et la signature d'un accord non-conditionnel avec le FMI de 300 millions de dollars en mai 1999 ont stabilisé les réserves de change. Les réformes structurelles engagées jusqu'à présent (libération des prix, déréglementation partielle des changes, mise en place d'un marché financier) n'ont pas permis de réduire la dépendance de l'économie algérienne à l'égard du pétrole. Le processus de privatisation et de restructuration du secteur public a pris du retard. Cette situation est à l'origine d'une croissance économique insuffisante pour augmenter significativement le taux d'activité et résorber le chômage, qui représente 28 % de la population active alors que celle-ci croît de près de 5 % par an.

Pour le Président Bouteflika l'économie algérienne est sinistrée. Il ne cesse de souligner les besoins impérieux en capitaux de son pays en dénonçant parallèlement la déliquescence de l'Etat qui a eu pour corollaire la corruption, la montée des injustices et "l'émergence d'une économie non de marché mais de marché noir".

La reprise des attentats terroristes comme la persistance des difficultés économiques et sociales pourraient mettre fin à l'état de grâce dont jouissait jusqu'ici le Président Bouteflika.

En raison de ses liens profonds avec le peuple algérien, la France doit, au-delà de la ratification de cet accord de facture libérale, proposer une négociation portant sur l'allégement de la dette et accroître son assistance technique pour moderniser les infrastructures.

CONCLUSION

La ratification de cet accord de protection réciproque des investissements s'impose. Elle contribue au rapprochement de l'Algérie et de la France et stimule la coopération bilatérale avec une Algérie qui se bat pour retrouver la paix et la sécurité et sortir d'une situation qui fut dramatique et à laquelle le peuple algérien a su faire face avec un courage et une dignité remarquables.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 1999.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a demandé au Rapporteur si l'accord avait été ratifié par l'Algérie et si les droits d'auteur et les _uvres d'art faisaient partie du champ d'application de ce type de convention.

M. Georges Hage a précisé que l'accord d'investissement signé le 13 février 1993 avait été ratifié par l'Algérie le 2 janvier 1994 et que la France, qui s'apprêtait à faire de même, avait différé la procédure à cause du détournement de l'Airbus d'Air France en décembre 1994.

S'agissant du champ d'application de l'accord d'investissement, il est défini par l'article premier, qui est d'interprétation large, et inclut expressément les biens meubles donc les _uvres d'art et les droits d'auteur et de propriété industrielle.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1198).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1198).

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N° 1957.- Rapport de M. Georges Hage ,au nom de la commission des affaires étrangères , sur le projet de loi adopté par le Sénat autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif).


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