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le 31 janvier 2000

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N° 2114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR :

I. - LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce,

II. - LES PROPOSITIONS DE LOI :

1. (n° 156) de M. André Gerin et plusieurs de ses collègues, relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce,

2. (n° 579) de M. Pierre-André Wiltzer et plusieurs de ses collègues, relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil,

3. (n° 1900) de M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues, tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés,

4. (n° 1989) de M. Michel Hunault, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce,

5. (n° 2098) de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative aux prestations compensatoires en matière de divorce,

PAR M. ALAIN VIDALIES,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 151, 400 (1996-1997) 20, 309 et T.A. 87 (1997-1998).

Assemblée nationale : 735.

Etat-civil.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gérin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 7

I. - EN INSTITUANT LA PRESTATION COMPENSATOIRE, LE LÉGISLATEUR
DE 1975 A SOUHAITÉ APAISER LES RELATIONS PÉCUNIAIRES ENTRE
LES EX-ÉPOUX
8

A. LA RÉFORME DE 1975 EST INTERVENUE DANS UN CONTEXTE DE CONFLITS CONTINUELS ENTRE EX-ÉPOUX SUR LE MONTANT DE LA PENSION ALIMENTAIRE 8

1. La pension alimentaire de l'ancien article 301 du code civil a généré de nombreuses insatisfactions 9

2. La prestation compensatoire issue de la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce tend à régler définitivement les conséquences pécuniaires du divorce 10

a) La fixation de la prestation compensatoire est « un art difficile » 10

b) La prestation compensatoire doit être versée sous forme de capital 11

c) La prestation compensatoire ne peut être révisée qu'à titre exceptionnel 14

B. L'APPLICATION DE LA RÉFORME DE 1975 CONDUIT INÉVITABLEMENT À
POSER LA QUESTION D'UNE MODIFICATION DU RÉGIME DE LA
PRESTATION COMPENSATOIRE
14

1. A l'épreuve des faits, la prestation compensatoire n'a pas tenu toutes ses promesses 14

a) La prestation compensatoire ne touche qu'un petit nombre de divorces 14

b) La prestation compensatoire est le plus souvent servie sous forme de rente mensuelle fixe 16

c) Les demandes de révision sont très faibles en raison d'une jurisprudence inflexible 17

2. Les règles fiscales contrecarrent la volonté du législateur d'encourager le règlement de la prestation compensatoire en capital 18

II. - L'APPLICATION DE LA RÉFORME INSTITUANT LA PRESTATION
COMPENSATOIRE A ÉTÉ SOURCE D'INJUSTICES AUXQUELLES IL
CONVIENT DE REMÉDIER
19

A. UN ACCORD SE DÉGAGE POUR RÉFORMER LA PRESTATION COMPENSATOIRE 19

1. Les enjeux de la réforme sont multiples 20

2. Les propositions formulées par le groupe de travail présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez ouvrent des pistes intéressantes 21

B. LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES TENDANT À RÉFORMER LA PRESTATION COMPENSATOIRE SONT NOMBREUSES 23

1. La proposition de loi votée par le Sénat tend à autoriser la révision de la prestation compensatoire en cas de changement substantiel et à encourager le versement d'un capital 23

2. Les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale sous la présente législature assouplissent toutes les conditions de révision 25

a) La proposition présentée par M. André Gerin et l'ensemble des membres du groupe communiste et apparentés prévoit la révision de la prestation compensatoire en cas de changement imprévu et important 26

b) La proposition présentée par M. Pierre-André Wiltzer autorise la révision de la prestation compensatoire en cas de changements imprévus et d'une gravité exceptionnelle 26

c) La proposition présentée par M. Yves Nicolin substitue à la prestation compensatoire une indemnité de séparation révisable 26

d) La proposition présentée par M. Michel Hunault permet de réviser la prestation compensatoire, toujours attribuée pour une durée limitée, en cas de modification substantielle 27

e) La proposition présentée par M. Jean-Marc Ayrault et l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés tend à favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital et autorise la révision des prestations en cours 27

III. - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION 28

DISCUSSION GÉNÉRALE 29

EXAMEN DES ARTICLES 37

Avant l'article 1er 37

Article additionnel avant l'article 1er (art. 272 du code civil) : Critères retenus pour la détermination des besoins et des ressources des époux 37

Article 1er (art. 273 du code civil) : Conditions de révision de la prestation compensatoire 38

Après l'article 1er 41

Article 1er bis (art. 247 du code civil) : Compétence du juge aux affaires familiales pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire 41

Article 1er ter (art. 275 du code civil) : Modalités de versement de la prestation compensatoire sous forme de capital 42

Article 1er quater (art. 276 du code civil) : Substitution d'un capital à une rente 45

Article 2 (art. 276-1 du code civil) : Fixation de la durée de la prestation compensatoire attribuée sous forme de rente 48

Après l'article 2 50

Article 2 bis : Ouverture de l'action en révision aux héritiers du débiteur 50

Articles additionnels après l'article 2 bis (art. 276-3 et 276-4 du code civil) : Révision et transformation en capital des prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère 54

Article 2 ter (art 277 du code civil) : Garanties du paiement de la prestation compensatoire 54

Articles additionnels après l'article 2 ter (art 274, 275-1, 278 et 279 du code civil) : Prestation compensatoire dans un divorce sur demande conjointe - Coordinations - Compétence du juge aux affaires familiales - Abrogations 55

Article 3 56

Après l'article 3 56

Article 4 : Dispositions transitoires 56

Articles additionnels après l'article 4 : Révision et transformation en capital des rentes temporaires en cours de versement - Déduction de la pension de réversion 57

TABLEAU COMPARATIF 59

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 69

ANNEXE 73

Propositions de loi relatives à la prestation compensatoire déposées depuis le début de la XIème législature :

- Proposition de loi relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de
divorce (n° 156) présentée par M. André Gerin et les membres du groupe
communiste et apparentés
73

- Proposition de loi relative à l'assouplissement des conditions de versement de la
prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (n° 579) présentée par
M. Pierre-André Wiltzer
73

- Proposition de loi tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de
séparation entre époux divorcés (n° 1900) présentée par M. Yves Nicolin
73

- Proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce
(n° 1989) présentée par M. Michel Hunault
76

- Proposition de loi relative aux prestations compensatoires en matière de divorce
(n° 2098) présentée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et
apparentés
76

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 79

MESDAMES, MESSIEURS,

Nous sommes appelés à examiner, en première lecture, une proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce adoptée par le Sénat le 25 février 1998. 

Alors même que, dans une belle unanimité, époux débiteurs, praticiens et élus de tous bords s'accordent sur la nécessité de revoir certains aspects du régime de la prestation compensatoire, l'inscription de ce texte à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée a été différée. En effet, la garde des sceaux a souhaité prendre préalablement connaissance des propositions du groupe de travail présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez, constitué en juillet 1998 après la tenue de la Conférence de la famille et chargé de réfléchir à une rénovation du droit de la famille. C'est chose faite depuis septembre 1999, les propositions formulées pour adapter la législation « aux réalités et aux aspirations de notre temps » portant notamment sur l'amélioration de la transparence et de l'équité des règlements pécuniaires entre ex-époux. Par ailleurs, en octobre dernier, le ministère de la justice a rendu publique une étude très complète sur les divorces prononcés en 1996, comportant une analyse des divorces assortis d'une prestation compensatoire, dont sont tirés les chiffres figurant dans le présent rapport.

A ce stade des réflexions, la question se pose de savoir s'il est de bonne méthode législative de retoucher isolément les articles du code civil relatifs à la prestation compensatoire ou s'il n'est pas préférable d'attendre une réforme plus globale des procédures de divorce. Les difficultés majeures étant bien identifiées et les situations insupportables qu'elles ont pu engendrer n'étant pas exceptionnelles, il est souhaitable que le législateur se prononce sans attendre la réforme d'ensemble du droit de la famille que la garde des sceaux envisage de soumettre au Parlement l'année prochaine. Rien n'interdira alors de compléter une première réforme, portant sur la forme et la révision de la prestation compensatoire, par une nouvelle étape législative concernant notamment la définition de cette prestation et son articulation avec le partage des biens des époux. C'est là une évolution souhaitée par toutes les personnes entendues par votre rapporteur.

A l'heure d'engager une réforme de l'une des conséquences pécuniaires du divorce, nous disposons donc, outre les modifications législatives votées par le Sénat il y a deux ans, des réflexions du groupe d'experts présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez et d'une analyse statistique indispensable pour aborder en connaissance de cause un sujet qui n'est pas à l'abri de réactions passionnelles. Votre commission a tenu compte de tous ces éléments, ainsi que des auditions auxquelles a procédé le rapporteur, en gardant à l'esprit les litiges à répétition qui envenimaient l'après-divorce avant le vote de la loi du 11 juillet 1975 et ont conduit à substituer des prestations compensatoires aux pensions alimentaires.

I. - EN INSTITUANT LA PRESTATION COMPENSATOIRE, LE LÉGISLATEUR DE 1975 A SOUHAITÉ APAISER LES RELATIONS PÉCUNIAIRES ENTRE LES EX-ÉPOUX

Posé par l'article 212 du code civil relatif aux devoirs respectifs des époux, le devoir de secours se traduit par une obligation alimentaire. Si pendant la durée du mariage le devoir de secours est occulté par l'obligation de contribuer aux charges du mariage, son caractère pécuniaire réapparaît en pleine lumière lorsque le conjoint survivant fait valoir sa créance d'aliments contre la succession ou lorsque les époux vivent séparés ou divorcent.

Lié au mariage, le devoir de secours prend logiquement fin avec lui. Mais le législateur a toujours tenu compte, même si les dispositions ont varié, de la différence de situation qui peut résulter du divorce pour les ex-époux et en particulier pour la femme. En effet, compte tenu des m_urs, c'est le plus souvent l'épouse qui s'est consacrée à l'éducation des enfants et à l'entretien du foyer, renonçant à travailler ou à développer une carrière professionnelle. Quand la décision de divorce acquiert force de chose jugée, sa situation peut se trouver extrêmement précaire.

A. LA RÉFORME DE 1975 EST INTERVENUE DANS UN CONTEXTE DE CONFLITS CONTINUELS ENTRE EX-ÉPOUX SUR LE MONTANT DE LA PENSION ALIMENTAIRE

Les imperfections du régime de la prestation compensatoire ne doivent pas faire oublier les améliorations contenues dans la réforme de 1975, d'autant que la pratique n'a pas été conforme à l'intention du législateur.

1. La pension alimentaire de l'ancien article 301 du code civil a généré de nombreuses insatisfactions

Avant l'adoption de la loi du 11 juillet 1975, l'article 301 du code civil permettait au tribunal d'accorder une pension alimentaire au conjoint ayant obtenu le divorce. Ce texte, qui datait du Code Napoléon, a été abrogé mais il n'est pas sans intérêt d'en rappeler le contenu et l'application, afin que le législateur de 2000, focalisé sur les imperfections de la réforme de 1975, garde néanmoins présent à l'esprit les difficultés soulevées par le régime précédent. Par ailleurs, cette disposition conserve un intérêt pratique pour les divorces jugés avant le 1er janvier 1976, ou dont la requête initiale a été introduite avant cette date, qu'une pension alimentaire ait d'ailleurs été allouée ou non, car elle peut être demandée postérieurement au divorce.

La pension alimentaire de l'ancien article 301 a un caractère à la fois forfaitaire, indemnitaire et alimentaire. Pour l'obtenir, trois conditions cumulatives doivent être réunies. L'époux qui réclame une pension doit se trouver dans un état de besoin, sa demande étant rejetée ou éventuellement accordée en proportion de ses besoins s'il a des ressources. Cet état de besoin doit être la conséquence du divorce. La pension ne peut être accordée qu'à l'époux innocent, ce droit étant refusé au conjoint fautif même en cas de torts réciproques.

Cette pension, qui ne peut excéder le tiers des revenus de l'époux débiteur, tend à réparer le préjudice résultant de la disparition du devoir de secours ; au décès du débiteur, la charge de la pension est transmise à ses héritiers. Allouée en considération des besoins du demandeur et des ressources du débiteur, elle peut donc varier à la hausse ou à la baisse et même s'éteindre si elle cesse d'être nécessaire ou si l'époux ayant succombé n'a plus de ressources. Enfin, la Cour de cassation a jugé que le remariage de l'époux créancier met de plein droit fin à la pension alimentaire, l'obligation alimentaire passant au nouveau conjoint, tandis que le concubinage est de nature à diminuer l'état de besoin de l'époux créancier.

Dans la pratique, les pensions alimentaires ont donné lieu à un abondant contentieux post-divorce et même à un véritable harcèlement judiciaire entre bon nombre d'ex-conjoints. Certains invoquaient à tout propos la variation de leurs ressources ou de leurs besoins pour obtenir une révision du montant de la pension alimentaire et maintenaient de fait une « situation de lien conjugal », alors même que le divorce l'avait en principe dissout, ainsi qu'un climat d'insécurité juridique.

2. La prestation compensatoire issue de la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce tend à régler définitivement les conséquences pécuniaires du divorce

Soucieux de dédramatiser le divorce et conscient des difficultés suscitées par le caractère périodique et variable des versements, le législateur a, en 1975, profondément modifié les conséquences du divorce entre les époux : il a, sauf exception, substitué à la pension alimentaire le versement définitif et forfaitaire d'une prestation tendant à compenser la disparité des conditions de vie.

Si le divorce a été prononcé pour rupture de la vie commune, le devoir de secours entre les époux ne prend pas fin et, dans ce cas particulier, une pension alimentaire peut être versée par le conjoint ayant pris l'initiative du divorce. Dans les autres cas de divorce (sur requête conjointe, sur demande acceptée, pour faute), une prestation compensatoire peut être fixée pour « compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux (art. 270). Toutefois, l'époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé n'a droit à aucune prestation compensatoire : s'il apparaît contraire à l'équité de lui refuser une compensation pécuniaire, en raison de la durée du mariage et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux, il peut néanmoins obtenir une indemnité à titre exceptionnel (art. 280-1). Lors de son audition par votre rapporteur, M. Dominique Coujard, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, a estimé que la définition de la prestation compensatoire devrait se rapprocher de celle de cette indemnité accordée à l'époux seul fautif.

La prestation compensatoire est fixée par le juge, tant dans sa forme que dans son montant, sauf dans les divorces sur requête conjointe où elle est simplement homologuée par lui : le droit à prestation compensatoire peut donc être reconnu judiciairement ou conventionnellement.

a) La fixation de la prestation compensatoire est « un art
difficile »

La difficulté principale réside dans la détermination de la prestation compensatoire. En pratique, il est difficile de prévoir son montant même si l'article 272 énumère un certain nombre d'éléments que le juge doit prendre en considération. Mais cette liste n'est pas exhaustive et le juge doit, en outre, tenir compte de l'évolution future de la situation des époux (art. 271).

Pour apprécier la disparité dans les conditions de vie respectives des époux résultant de la rupture du mariage, le juge doit se placer à la date du divorce, et non à la date de séparation de fait du couple. Il doit tenir compte des revenus de toutes natures (y compris les rentes d'invalidité, les indemnités de chômage ou les avantages en nature), des charges, de la consistance du patrimoine existant et prévisible de chaque époux. L'appréciation des espérances successorales, du sort des donations consenties en cours de mariage ou de l'étendue du patrimoine après liquidation du régime matrimonial peut se révéler particulièrement délicate.

Une fois le principe de la prestation compensatoire acquis, il est tenu compte du passé familial comme l'atteste la jurisprudence et l'illustre une étude de Mme Sylvaine Courcelle, vice-présidente chargée des affaires familiales, publiée dans la Gazette du palais (18 et 19 mars 1998). Ainsi, la durée de la vie conjugale, l'absence de travail et la perte de droits à la retraite, la maladie rendant difficile la réinsertion professionnelle ou encore la présence d'enfants influent sur la forme de la prestation compensatoire, son montant et sa durée.

Le juge doit, en outre, prendre en compte le futur prévisible. Pour cela, il devra examiner les perspectives de carrière de chacun des époux, les conséquences de la retraite sur leurs revenus, la réinsertion possible du créancier, l'état de fortune du concubin du créancier,...

Bien qu'énoncées de façon objective, beaucoup des conditions retenues pour la fixation de cette prestation font l'objet d'appréciations subjectives, et peuvent donner lieu à des variations d'une juridiction à l'autre ou au sein d'une même juridiction. Toutefois, la pratique s'est développée au sein de plusieurs cours d'appel de publier un recueil des décisions rendues, permettant d'unifier les pratiques, tout en laissant une nécessaire souplesse qu'interdirait par l'instauration de barèmes.

b) La prestation compensatoire doit être versée sous forme de capital

En principe, cette prestation doit être versée sous forme de capital, ce qui permet de compenser une fois pour toutes la disparité dans les conditions de vie résultant du divorce. Le juge est tenu par l'article 275 du code civil, qui définit trois modalités d'exécution : versement d'une somme d'argent, abandon d'usufruit ou de revenus de dépôt de valeur : il n'est donc pas possible d'attribuer, sans l'accord des parties, la pleine propriété d'un bien à titre de prestation compensatoire. Le juge peut également prévoir le paiement du capital en trois annuités (art. 275-1), la jurisprudence ayant admis que chaque annuité peut donner lieu à paiement par mensualité. Enfin, le juge peut imposer une garantie au débiteur de la prestation compensatoire (art. 277).

A titre subsidiaire, le législateur a prévu que la prestation compensatoire peut prendre la forme d'une rente si le capital est inexistant ou insuffisant (art. 276). Le juge n'a pas à en évaluer préalablement le montant en capital (Cass., 2e civ., 11 février 1991). La rente ne peut être assortie d'aucune condition : ainsi est nulle la disposition prévoyant la suppression de la rente en cas de remariage ou de concubinage notoire du créancier. A défaut de fixation d'une durée inférieure par le juge, la rente est attribuée jusqu'au décès de l'époux créancier, la charge en incombant aux héritiers du débiteur si celui-ci décède le premier. Dans le cas d'une rente limitée dans le temps, le juge doit fixer un terme certain. La rente est indexée selon les règles applicables aux pensions alimentaires et le juge ne peut écarter l'indexation. Enfin, le juge peut fixer le montant de la rente de façon uniforme pour toute sa durée ou la faire varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins des parties (art. 276-1) : il semble que cette faculté soit assez peu utilisée, alors qu'elle présenterait un intérêt certain, par exemple pour tenir compte de la mise à la retraite du débirentier.

Le cadre légal des prestations compensatoires fixées par le juge présente donc une certaine rigidité, mais les époux peuvent y échapper en se mettant d'accord sur des dispositions plus proches de leurs souhaits.

Dans le cadre du divorce par consentement mutuel, la liquidation du régime matrimonial devant être homologuée au moment du prononcé du divorce, les époux peuvent trouver des modalités de versement de la prestation compensatoire correspondant plus spécifiquement à leur situation personnelle. Ils apprécient eux-mêmes s'il y a lieu à prestation compensatoire, fixent son montant et ses modalités dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge : ce dialogue permet de trouver un accord sur le bien-fondé de la prestation et d'en adapter la forme au plus près des souhaits de chacun des époux.

Le juge ne peut refuser d'homologuer la convention que si elle fixe « inéquitablement » les droits et obligations des époux (art. 278). Une fois homologuée, la convention a la même force exécutoire qu'une décision de justice et ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux, également soumise à homologation. Toutefois les époux peuvent prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra, en cas de changement imprévu dans ses ressources et ses besoins, demander au juge de réviser la prestation compensatoire (art. 279).

Les clauses les plus utilisées par les époux portent sur la possibilité de réviser la prestation, en fonction d'évènements déterminés ou déterminables. Certains époux prévoient des variations de la rente en cas de baisse de revenu du créancier ou une absence d'indexation. Les époux peuvent également décider de l'attribution d'un bien en pleine propriété ou de la compensation d'une soulte due en raison de la liquidation du régime matrimonial.

c) La prestation compensatoire ne peut être révisée qu'à titre exceptionnel

Si les principes touchant à la fixation d'une prestation compensatoire sont d'une application complexe ceux portant sur sa révision sont d'une brutale clarté : en raison du caractère forfaitaire de cette prestation, affirmé par l'article 273, sa révision est extrêmement difficile car les critères légaux sont extrêmement stricts et la jurisprudence extrêmement sévère ...

Echaudé par le souvenir de l'ancienne pension alimentaire génératrice de contentieux incessants, le législateur de 1975 a posé comme principe l'interdiction de réviser la prestation compensatoire « même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties ». La prestation compensatoire n'étant pas destinée à subvenir aux besoins de son bénéficiaire, comme le ferait une pension alimentaire, mais à compenser la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie, une fois que cette disparité a été appréciée en tenant compte des besoins et des ressources, il n'y a plus à y revenir.

Dans les divorces contentieux, la révision n'est possible que dans les conditions posées par l'article 273 qui, pour être satisfaites, supposent non seulement un changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties mais encore des conséquences d'une « exceptionnelle gravité » en l'absence de révision. Les héritiers de l'époux débiteur peuvent également demander la révision de la rente si l'absence de révision doit avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, appréciée au regard des forces de la succession et non en fonction des ressources des héritiers. Par ailleurs, l'exceptionnelle gravité n'est appréciée qu'au regard de la situation de celui qui l'invoque, la situation de l'autre partie (remariage de l'époux créancier, par exemple) étant sans influence sur l'appréciation du caractère intolérable ou non des difficultés alléguées par le requérant (Cass, 2e civ., 6 janvier 1988).

La révision peut être demandée quelle que soit la forme de la prestation compensatoire. S'il s'agit d'un capital, des reports d'échéance peuvent être sollicités ainsi qu'une suspension pour une durée déterminée. S'il s'agit d'une rente, la suppression d'une garantie peut être demandée. Lorsque l'action en révision aboutit, elle peut se traduire par une augmentation ou une diminution de la prestation compensatoire ou même par une suppression de celle-ci ; la révision peut également n'être que provisoire. En pratique, la révision n'est admise que de façon exceptionnelle par les juridictions, ce qui peut être source d'injustices.

Dans les divorces par consentement mutuel, les parties peuvent prévoir une révision en cas de « changement imprévu » dans leurs ressources et leurs besoins (art. 279, al. 3) ainsi que des situations ouvrant la possibilité de révision (chômage ou retraite, par exemple). Cette faculté ne leur interdit pas de demander au juge, sur le fondement de l'article 273, de réviser la prestation compensatoire convenue dans la convention si l'absence de révision devait avoir pour l'un d'eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

B. L'APPLICATION DE LA RÉFORME DE 1975 CONDUIT INÉVITABLEMENT À POSER LA QUESTION D'UNE MODIFICATION DU RÉGIME DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE

1. A l'épreuve des faits, la prestation compensatoire n'a pas tenu toutes ses promesses

L'étude statistique réalisée par le ministère de la justice à partir des divorces prononcés en 1996 permet de mieux cerner l'application des articles du code civil relatifs à la prestation compensatoire, à la fois pour améliorer le régime légal et tenter de mesurer les perspectives de révision.

a) La prestation compensatoire ne touche qu'un petit nombre de divorces

Les divorces assortis d'une prestation compensatoire restent exceptionnels et cette prestation est presque toujours attribuée à l'ex-épouse.

Seuls 13,7 % des divorces sont assortis d'une prestation compensatoire

En 1996, 16 120 divorces ont été assortis d'une prestation compensatoire soit, une fois exclus les divorces pour rupture de la vie commune pour lesquels seule une pension alimentaire peut être accordée, un peu moins de 14 divorces sur 100. Quand l'époux est l'auteur de la demande en divorce, la part des divorces avec prestation compensatoire monte à 19 %, tandis qu'elle n'est que de 13 % quand la demande émane de l'épouse ou est conjointe.

Les divorces avec prestation compensatoire sont ceux qui interviennent après les durées de mariage les plus longues : la durée moyenne du mariage est proche de 14 ans lors du divorce, mais atteint 19 ans dans les divorces avec prestation compensatoire et tombe à 12 ans dans les divorces sans prestation compensatoire.

La prestation compensatoire est accordée à l'épouse dans 97 % des cas

La prestation compensatoire est accordée à l'épouse dans 97 % des jugements, la femme étant plus souvent sans emploi ou titulaire de revenus moins élevés que l'époux. En outre, cette prédominance est le reflet des demandes : la prestation compensatoire obtenue a été demandée près de six fois sur dix par l'épouse ; quatre fois sur dix, le divorce a été demandé sur requête conjointe et vise alors plus de neuf fois sur dix une attribution à l'épouse.

b) La prestation compensatoire est le plus souvent servie sous forme de rente mensuelle fixe

Contrairement au souhait du législateur, qui voulait favoriser le règlement définitif des conséquences financières du divorce au moment de son prononcé grâce au versement d'un capital, la rente mensuelle fixe est la prestation compensatoire la plus fréquemment allouée et près d'une fois sur trois à vie.

La prestation compensatoire n'est obtenue sous la forme d'un capital seul que dans 20 % des cas

La rente mensuelle fixe apparaît dans 67 jugements sur 100, dont 61 sous cette seule forme. La prestation compensatoire est composée d'au moins un capital dans seulement 25 % des jugements, dont 20 % sous cette seule forme. Cette situation est le reflet de la demande, qui vise sept fois sur dix au moins une rente mensuelle fixe et seulement trois fois sur dix un capital.

La rente mensuelle fixe représente 78 % des prestations accordées par le juge dans le divorce contentieux mais seulement 50 % des prestations prévues dans le divorce gracieux. Dans le divorce sur requête conjointe, où la prestation compensatoire est seulement homologuée par le juge, le capital apparaît dans 37 % des cas et une autre forme dans 18 % des cas (soulte, immeuble en propriété, rente mensuelle variable, jouissance d'un immeuble indivis, ...).

La forme et le montant de la prestation compensatoire obtenue par l'épouse dans les divorces contentieux ne correspondent pas toujours à sa demande

Sur la forme, le juge fait droit à la requête dans 83 % des cas. Les demandes de rente mensuelle fixe seule sont satisfaites à 94 %, celles de capital seul à 83,5 % et celles d'une autre forme à 78 %. En revanche, l'association de plusieurs formes à beaucoup moins la faveur du juge : les demandes conjuguant une rente mensuelle fixe et un capital ne sont obtenues que dans 31 % des cas, celles associant une rente mensuelle fixe et une autre forme dans 40,5 % des cas et celles combinant un capital et une autre forme dans 58 % des cas.

Le juge revoit le plus souvent à la baisse les sommes demandées par l'épouse. La rente mensuelle fixe obtenue est d'un montant moyen de 2 088 francs et le capital obtenu d'un montant moyen de 203 480 francs, soit une révision à la baisse de 32 % dans le premier cas et de 55 % dans le second par rapport aux montants moyens demandés. A titre de comparaison, dans le divorce sur requête conjointe, l'épouse reçoit une rente mensuelle fixe d'un montant moyen de 2 800 francs ou un capital moyen de 169 300 francs.

Dans les rares cas où l'époux présente une contre-proposition, le juge décide alors d'un montant beaucoup plus proche de celui proposé par l'époux que de celui demandé par l'épouse.

Dans 69 % des cas la rente mensuelle fixe est limitée dans le temps

Moins d'un tiers des rentes mensuelles fixes sont des rentes viagères, plus des deux tiers d'entre elles étant versées pour une durée limitée. Sur cent rentes mensuelles fixes, 63 sont versées durant un nombre d'années déterminé, 31 pendant la vie du créancier et 6 jusqu'à ce qu'un événement aléatoire vienne interrompre le versement. Les rentes à vie se retrouvent dans une proportion à peu près équivalente dans tous les types de divorce, à l'exception de ceux prononcés par conversion de séparation de corps dans lesquels elles sont deux fois plus nombreuses en raison d'une durée de mariage plus longue et d'un âge plus avancé des époux. La condition aléatoire est inscrite deux fois plus souvent (13 %) dans les divorces sur requête conjointe que dans les autres.

Quand la durée est déterminée en années, elle est trois fois sur quatre inférieure à dix ans. L'âge de l'épouse au moment du divorce est un facteur déterminant dans la durée du versement de la rente mensuelle fixe : plus les femmes avancent en âge et plus la part des rentes sur un nombre d'années fixes se réduit au profit d'une rente à vie. Ainsi, parmi les épouses divorçant entre 50 et 59 ans, et obtenant une prestation compensatoire avec rente mensuelle fixe, 64,4 % obtiennent une rente à vie contre 26,4 % pour celles divorçant entre 40 et 49 ans.

c) Les demandes de révision sont très faibles en raison d'une jurisprudence inflexible

Les demandes de révision des prestations compensatoires sont rares : 889 en 1994, 878 en 1995, 828 en 1996, 842 en 1997. Loin d'être le reflet d'un après-divorce apaisé, ces faibles chiffres s'expliquent par la fermeté de la jurisprudence, l'époux débiteur étant dissuadé par son conseil d'engager une action en révision vouée à l'échec dès lors que l'absence de révision n'a pas pour lui des conséquences d'une « exceptionnelle gravité ».

En pratique, cette quasi-impossibilité de réviser la prestation compensatoire est de plus en plus mal acceptée par l'ex-époux débiteur et surtout, s'il a refait sa vie, par son nouveau conjoint ou les enfants issus de cette nouvelle union qui, en acceptant sa succession, se voient transmettre la charge de la rente.

C'est sur cette question de la révision des prestations compensatoires que les critiques les plus fortes se sont élevées et que les demandes de modification sont les plus nombreuses.

2. Les règles fiscales contrecarrent la volonté du législateur d'encourager le règlement de la prestation compensatoire en capital

Comme l'ont souligné les praticiens entendus par votre rapporteur, la fiscalité est le moteur de la rente.

Sans rentrer dans le détail de dispositions fiscales particulièrement diversifiées, le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente est aujourd'hui tellement attractif fiscalement, notamment pour les débiteurs les plus aisés, que les praticiens font état de versements en capital déguisés en rente. La rente est, en effet, soumise au même régime fiscal que la pension alimentaire : elle est imposable entre les mains de celui qui la reçoit, après abattement de 10 et 20 % comme pour les salaires ; elle est déductible des revenus de celui qui en est débiteur sans limite de montant. Lorsqu'elle est allouée sous forme d'un capital, le paiement de la prestation compensatoire ne donne lieu à aucune déduction, même si le capital est payable en trois annuités comme le permet l'article 275-1 du code civil. De même, les intérêts de l'emprunt effectué pour payer le capital ne sont pas déductibles. Il faut ajouter à cela que l'ex-épouse peut trouver plus confortable de recevoir une rente mensuelle que de gérer un capital.

Par ailleurs, comme l'a souligné le groupe de travail présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez, l'administration fiscale continue de suspecter des libéralités déguisées en cas d'attribution d'un bien personnel ou propre d'un époux à titre de prestation compensatoire et à justifier la fiscalité dissuasive par une comparaison avec la situation du conjoint survivant. Lorsqu'il est constitué en biens de communauté, le versement en capital est assimilé à une opération de partage et ne donne ouverture qu'au droit de 1 % sur la valeur de l'actif net à partager. En revanche, lorsque le versement en capital provient de biens propres à l'époux débiteur, les droits de mutation à titre gratuit sont perçus, comme si on était en présence d'une donation, selon le régime fiscal prévu pour les transmissions entre époux. La nature juridique de la prestation compensatoire, ordonnée par décision judiciaire pour compenser la disparité créée par le divorce, n'a pourtant rien à voir avec les libéralités consenties en toute liberté par un époux envers l'autre. Cette solution est d'autant plus choquante que l'exigibilité de droits de mutation à titre gratuit est contraire aux dispositions de l'article 280 du code civil qui dispose : « Les transferts et abandons prévus au présent paragraphe sont considérés comme participant au régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des donations ».

Pour encourager le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital et pacifier les relations pécuniaires entre les ex-époux, il ne suffit donc pas de modifier le code civil. Le succès de la réforme dépend largement de son volet fiscal comme l'a d'ailleurs souligné le Sénat.

II. - L'APPLICATION DE LA RÉFORME INSTITUANT LA PRESTATION COMPENSATOIRE A ÉTÉ SOURCE D'INJUSTICES AUXQUELLES IL CONVIENT DE REMÉDIER

L'étroitesse des voies de révision de la prestation compensatoire rend nécessaire une réforme à la fois pour les prestations en cours de versement et pour l'avenir.

A. UN ACCORD SE DÉGAGE POUR RÉFORMER LA PRESTATION COMPENSATOIRE

Cette préoccupation reste d'actualité, même si aujourd'hui le mariage entraîne moins souvent que par le passé un retrait pur et simple du marché de l'emploi. En effet, même pour une femme diplômée, il n'est pas évident de trouver rapidement un travail lorsqu'elle n'a pas ou peu d'expérience professionnelle à faire valoir et qu'elle n'est plus dans sa prime jeunesse : en moyenne, sur l'ensemble des procédures, le divorce interrompt quatorze années de mariage, alors que la femme est âgées de trente-huit ans et le mari de quarante ans. De même, lorsqu'elle a interrompu son activité, avec la venue d'un enfant supplémentaire, en pleine phase ascensionnelle de sa carrière, la reprise d'une activité quelques années plus tard ne se fera pas au même niveau de rémunération. Enfin, le fait d'avoir cessé son activité ou d'avoir travaillé à temps partiel pour s'occuper des enfants laisse présager de faibles droits à retraite. Il peut donc être nécessaire d'assurer des moyens de subsistance à l'ex-conjoint, au moins pendant quelques années, le temps qu'il s'adapte à sa nouvelle situation.

1. Les enjeux de la réforme sont multiples

Force est de constater, un quart de siècle après le vote de la loi du 11 juillet 1975, que les conséquences financières du divorce restent un sujet d'insatisfaction. Certes, le contentieux s'est tari, non qu'il n'ait plus lieu d'être mais parce qu'il ne peut plus s'exprimer : cette frustration conduit l'époux débiteur à rejeter le principe même de la prestation compensatoire alors qu'au moment du divorce il avait pu en accepter le principe compte tenu de la disparité entre ses conditions de vie et celles de son ex-épouse.

L'intangibilité de la prestation compensatoire a créé des situations humainement intolérables et un sentiment d'injustice poussant les débiteurs à la révolte quand l'évolution des situations respectives du créancier et du débiteur donne lieu, au fil du temps, à des iniquités inacceptables. Quand la prestation compensatoire est allouée, l'époux débiteur est généralement en activité et la charge de la rente, puisqu'il s'agit quatre fois sur cinq d'une rente, est supportable. Mais plusieurs éléments peuvent conduire à des situations insupportables lorsque les ressources du débirentier baissent à la suite de la perte de son emploi ou de son départ à la retraite, situations qui auraient d'ailleurs eu une incidence sur le train de vie du couple s'il n'avait pas divorcé : la rente étant indexée, elle suit l'évolution du coût de la vie ; lorsqu'elle est viagère, elle est due au crédirentier à vie, cas le plus fréquent lorsque l'ex-épouse est âgée de plus de cinquante ans ; à la mort de l'époux débiteur la charge de la rente passe à ses héritiers, le plus souvent les enfants nés d'une nouvelle union ou le conjoint survivant, sans que puisse en être déduit la pension de réversion éventuellement perçue.

Les exemples de situations kafkaïennes ne sont pas exceptionnels et la presse, par exemple, rend abondamment compte de situations dans lesquelles le débirentier, retraité, chômeur ou malade, voit la majeure partie de ses revenus absorbés par le service de la rente due à une ex-épouse poursuivant une brillante carrière professionnelle ou remariée avec un conjoint fortuné. Cette situation entretient le sentiment que l'époux divorcé est privé du droit de refaire sa vie normalement quand son nouveau conjoint et les enfants issus de leur union doivent « se priver » pour assurer le paiement de la rente. Par ailleurs, la prestation compensatoire ne doit pas être un frein à la « reconversion » de l'ex-épouse ou, la parité progressant, à la reconversion de l'ex-époux ; d'autant que les statistiques sont là pour rappeler que le divorce n'a plus un caractère exceptionnel. Néanmoins, dans une vision équilibrée, il ne doit pas être oublié que pour certaines ex-épouses, en raison de leur âge ou du fait qu'elles se sont consacrées au foyer familial, la prestation compensatoire est la seule ressource dont elles puissent disposer.

Même si peu de divorces donnent lieu à l'attribution d'une prestation compensatoire, ils étaient quand même au nombre de 16 120 en 1996. Il n'est donc pas inutile de légiférer pour favoriser l'attribution en capital et permettre la révision de cette prestation, afin de limiter l'apparition de situations injustes qui n'étaient certes pas voulues par le législateur de 1975. Il est aussi indispensable d'ouvrir la révision aux prestations compensatoires en cours, sans toutefois revenir à l'ancienne pension alimentaire qui entretenait des conflits permanents entre les ex-époux et multipliait les demandes en justice.

Un dénominateur commun apparaît dans la plupart des propositions de modification du régime de la prestation compensatoire qu'elles émanent de praticiens, de parlementaires ou d'époux débiteurs. Il en résulte que le caractère forfaitaire de cette prestation doit être maintenu, le principe du versement en capital réaffirmé et son choix facilité par une modification des règles fiscales ; le choix subsidiaire de la rente doit être spécialement motivé ; la pension de réversion doit s'imputer automatiquement. D'autres propositions ne font pas l'unanimité, comme la suppression de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur ou l'obligation d'allouer la prestation sous forme de capital demandées par l'Association pour la réforme des prestations compensatoires.

2. Les propositions formulées par le groupe de travail présidé par le professeur Dekeuwer-Défossez ouvrent des pistes intéressantes

Le rapport du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, remis à la ministre de la justice en septembre dernier, comporte un intéressant développement sur la prestation compensatoire.

Le groupe de travail ne propose pas de modifier substantiellement les conditions d'attribution. Il suggère néanmoins d'étendre la prestation compensatoire au divorce pour rupture de la vie commune, de ne donner aucune incidence à l'attribution des torts exclusifs à l'un des époux et d'intégrer la durée du mariage au nombre des critères pris en compte par le juge comme l'y invite déjà une jurisprudence bien établie.

En revanche, le groupe de travail a tenté de trouver des solutions au problème posé par le caractère forfaitaire des prestations compensatoires et a fait les propositions suivantes :

- imposer à la prestation compensatoire la forme d'un capital, sauf décision spécialement motivée lorsque le créancier n'a aucune source de revenus ;

- porter à cinq ans la durée de constitution du capital quand la prestation compensatoire prend la forme d'une somme d'argent et en garantir le versement, notamment par une assurance-vie ;

- intégrer le versement de la prestation compensatoire à la liquidation du régime matrimonial ;

- permettre la révision à la baisse des prestations compensatoires sous forme de rente viagère en cas de modification notable de la situation respective des parties ;

- déduire de plein droit le montant de la pension de réversion de la rente au décès du débiteur et prélever le solde sur les biens de la succession ;

- exiger des époux des propositions concrètes au regard du partage des biens et de la prestation compensatoire dès l'introduction de l'instance en divorce ;

- réputer éteinte toute créance entre époux non réclamée au moment du divorce ;

- enfermer la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux dans le délai d'un an après le divorce, pouvant être portée à trois ans par décision du juge aux affaires familiales ;

- procéder à une étude complète des incidences et des règles fiscales actuelles et les repenser dans un esprit de souplesse et d'équité entre les époux divorçants.

Ces intéressantes propositions s'inscrivent donc dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'amélioration de la transparence et de l'équité des règlements pécuniaires entre ex-époux. Le groupe de travail propose de créer un lien entre la prestation compensatoire et le partage des biens des époux, à l'exemple des divorces sur requête conjointe, le versement de cette prestation pouvant être différé jusqu'à la liquidation du régime matrimonial. L'objectif est d'obtenir ainsi que les prestations prennent effectivement la forme d'un capital.

B. LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES TENDANT À RÉFORMER
LA PRESTATION COMPENSATOIRE SONT NOMBREUSES

Au Sénat, comme dans votre assemblée, plusieurs propositions de loi ont été déposées pour réformer la prestation compensatoire.

1. La proposition de loi votée par le Sénat tend à autoriser la révision de la prestation compensatoire en cas de changement substantiel et à encourager le versement d'un capital

Deux propositions de loi sénatoriales sont à l'origine du texte transmis à notre assemblée.

Les deux propositions de loi originelles

En octobre 1997, la Commission des lois du Sénat a examiné deux propositions de loi relatives à la prestation compensatoire en matière de divorce, présentées l'une (n° 151) par M. Nicolas About, membre du groupe des Républicains et Indépendants, et l'autre (n° 400) par M. Robert Pagès, membre du groupe Communiste, Républicain et Citoyen.

M. Nicolas About propose que la prestation compensatoire puisse être révisée « en cas de modification notable de la situation patrimoniale de l'un ou l'autre des conjoints et lorsqu'elle crée des conditions nouvelles que le juge n'avait pu appréhender lors du prononcé du divorce ». Par ailleurs, il souhaite que la rente soit attribuée pour une durée limitée ne pouvant excéder dix ans, sauf si cette limitation est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin, il fait disparaître la charge de la rente à la mort de l'époux débiteur.

M. Robert Pagès se limite à suggérer la révision de la prestation compensatoire « en cas de changement imprévu et important dans les ressources ou les besoins des parties ».

Le texte issu des travaux du Sénat

Le texte adopté, le 25 février 1998, par le Sénat ne remet pas en cause les principes issus de la loi du 11 juillet 1975. Il a pour objectif de mettre fin aux dérives observées dans la pratique et d'adapter le cadre légal aux évolutions sociales et économiques, en favorisant l'attribution de la prestation compensatoire sous forme de capital et en assouplissant les conditions de révision.

Composé de huit articles, le texte sur lequel nous sommes appelés à délibérer, tend à :

- confirmer le principe d'un versement en capital de la prestation compensatoire et, si la consistance des biens de l'époux débiteur ne le permet pas, imposer au juge de fixer la durée de la rente (art. 2) ;

- permettre l'abandon d'un bien en propriété, et pas seulement en usufruit, lorsque la prestation compensatoire prend la forme d'un capital (art. 1er ter) ;

- donner compétence au juge aux affaires familiales pour statuer, après le divorce, sur la modification de la prestation compensatoire (art. 1er bis) ;

- permettre au juge d'imposer à l'époux débiteur la souscription d'un contrat garantissant le paiement de la rente (art. 2 ter) ;

- autoriser la révision de la prestation compensatoire en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties (art. 1er) ;

- permettre aux héritiers de demander la révision la prestation compensatoire versée sous forme de rente (art. 2 bis) ;

- rendre possible la révision des rentes en cours (art. 4).

- permettre au débiteur ou au créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente de saisir, à tout moment, le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente (art. 1er quater) ;

Afin de favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, et le respect de l'intention du législateur, le dispositif issu des travaux de la Commission des lois du Sénat comprenait, en outre, un article doublant l'abattement fiscal prévu dans ce cas. A la demande de la garde des sceaux, qui n'était pas favorable à cette disposition mais s'est engagée à chercher une solution qui réponde au souci de la commission tout en étant « moins pénalisante pour les finances publiques », cet article a été retiré en séance publique. Les principes énoncés par le Sénat vont dans le bon sens ; l'adoption de dispositions complémentaires par notre assemblée devrait permettre d'atteindre pleinement les objectifs poursuivis.

2. Les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale sous la présente législature assouplissent toutes les conditions de révision

Sous l'actuelle législature, la réforme de la prestation compensatoire a donné lieu au dépôt de cinq propositions de loi émanant, par ordre chronologique, de membres des groupes communiste, UDF, DL, RPR et socialiste. Toutes prévoient d'assouplir les conditions de révision de cette prestation.

a) La proposition présentée par M. André Gerin et l'ensemble des membres du groupe communiste et apparentés prévoit la révision de la prestation compensatoire en cas de changement imprévu et important

Enregistrée le 23 juillet 1997, la proposition n° 156 relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce tend à modifier l'article 273 du code civil, afin que la prestation compensatoire puisse être révisée « en cas de changement imprévu et important dans les ressources ou les besoins des parties ».

Tout en considérant que le principe de la prestation compensatoire est juste, l'exposé des motifs souligne que le versement de cette prestation peut dans certains cas engendrer des injustices en raison notamment de la persistance du chômage  : par exemple, lorsque le débiteur devient chômeur et perd une part substantielle de ses revenus alors que le créancier a vu ses revenus augmenter ou sa situation s'améliorer par remariage.

b) La proposition présentée par M. Pierre-André Wiltzer autorise la révision de la prestation compensatoire en cas de changements imprévus et d'une gravité exceptionnelle

Déposée le 17 décembre 1997, la proposition n° 579 relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire modifie également l'article 273 du code civil, la révision de la prestation compensatoire devenant possible « en fonction de changements imprévus et d'une exceptionnelle gravité intervenus dans les ressources ou les besoins des parties ».

C'est encore le chômage qui est mis en avant, dans l'exposé des motifs, pour souligner l'absurdité de situations dans lesquelles le droit aboutit à l'inverse du but recherché : un ex-époux astreint à verser une prestation compensatoire calculée sur la base d'un salaire qu'il ne perçoit plus peut, en effet, se trouver dans une situation financière plus difficile que la personne à laquelle il doit verser cette prestation.

c) La proposition présentée par M. Yves Nicolin substitue à la prestation compensatoire une indemnité de séparation
révisable

Déposée le 9 novembre 1999, la proposition n° 1900 tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés se fonde sur le constat suivant : les règles actuelles de la prestation compensatoire sont vécues comme une injustice, l'évolution des mentalités a rendu désuet le principe même de la prestation compensatoire, la réforme de cette prestation est attendue par deux millions de personnes, une indemnité de séparation révisable et intransmissible doit s'y substituer.

La prestation compensatoire est donc supprimée au profit d'une indemnité de séparation, destinée à rétablir un équilibre rompu du fait des choix pris par les époux pendant leur mariage (art. 1er). Cette indemnité a un caractère forfaitaire et peut être révisée ou annulée par le juge, qui prend alors en considération le montant total des sommes déjà versées à l'époux créancier et l'évolution de la situation matrimoniale, professionnelle, patrimoniale et financière de chacune des parties (art. 5). Cette indemnité prend la forme d'un capital, dont le versement doit intervenir dans le délai d'un an à compter du prononcé du divorce (art. 8). Elle cesse de plein droit au décès du débiteur et lorsque le créancier se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage (art. 11). Enfin, dans un souci de neutralité fiscale, il est précisé que, nonobstant toute disposition contraire et quel que soit le régime matrimonial des époux, les transferts et abandons prévus au titre des indemnités de séparation ne sont pas assimilés à des donations (art. 15).

d) La proposition présentée par M. Michel Hunault permet de réviser la prestation compensatoire, toujours attribuée pour une durée limitée, en cas de modification substantielle

Enregistrée le 1er décembre 1999, la proposition n° 1989 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce autorise la révision de la prestation compensatoire « en cas de modification substantielle de la situation patrimoniale et des ressources de l'une ou l'autre des parties » (art. 1er). La rente est attribuée pour une durée limitée fixée par le juge et révisable en cas de modification notable des ressources de l'un et l'autre des conjoints (art. 2). A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente peut être transmise à ses héritiers, le cas échéant après révision (art. 3).

e) La proposition présentée par M. Jean-Marc Ayrault et l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés tend à favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital et autorise la révision des prestations en cours

Enregistrée le 19 janvier 2000, la proposition n° 2098 relative aux prestations compensatoires en matière de divorce réaffirme le principe du versement de cette prestation compensatoire sous forme de capital (art. 3). En cas d'impossibilité de paiement immédiat du capital, le juge fixe les modalités de paiement sous forme de versements annuels ou mensuels dans la limite de six années (art. 5). Le montant du capital fixé à l'origine n'est jamais révisable : seules les modalités de paiement peuvent être modifiées en cas de changement notable de la situation du débiteur (art. 2). Le décès du débiteur laisse la charge du paiement du solde du capital aux héritiers, qui ont également la possibilité de demander la révision des modalités de paiement.

Les rentes viagères ne pouvant être totalement écartées, car dans certaines situations c'est la seule solution qui s'impose au juge en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, elles sont maintenues à titre dérogatoire (art. 6). Elles doivent être justifiées par une motivation spéciale et ne peuvent être révisées qu'en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties (art. 8). A la mort du débiteur, la charge de la rente viagère passe à ses héritiers mais déduction faite de la pension de réversion du chef du conjoint décédé ; de plus, les héritiers conservent la possibilité d'exercer l'action en révision en cas de changement important (art. 7).

Enfin, il est prévu que toutes les rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la réforme pourront être révisées.

III. - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

Rejoignant les préoccupations exprimées par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, la Commission a souhaité ne pas limiter l'objet de la proposition de loi au seul assouplissement des conditions de révision de la prestation compensatoire mais y inclure des dispositions modifiant les modalités de versement de cette prestation.

Aux termes des amendements adoptés par la Commission, la prestation compensatoire est, pour les divorces contentieux, versée sous forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge (article 1er). L'attribution d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère n'est possible qu'à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du conjoint et compte tenu des critères de détermination des besoins et des ressources des conjoints fixés dans l'article 272 du code civil ; elle requiert une décision spéciale et motivée du juge (article 2). La possibilité d'allouer une rente temporaire dans le cadre des divorces contentieux se trouve donc de facto supprimée.

Les prestations compensatoires versées sous forme de capital et de rente viagère obéissent à des régimes distincts :

- Lorsqu'elle prend la forme d'un capital, la prestation compensatoire peut, sur décision du juge, être versée sur une durée maximale de huit ans. Le débiteur, en cas de changement notable de sa situation, peut demander la révision de ces modalités de versement, le montant du capital ne pouvant, quant à lui, en aucun cas être révisé. A titre exceptionnel, et par décision spéciale et motivée du juge, la révision peut permettre le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans. Les héritiers du débiteur sont tenus au paiement du solde du capital dans la limite de l'actif successoral et peuvent demander la révision des modalités de paiement du capital dans les mêmes conditions que le débiteur. Ce dernier ainsi que ses héritiers disposent en outre de la possibilité de se libérer à tout moment du solde du capital tandis que le créancier peut saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital après la liquidation du régime matrimonial (article 1er quater).

- Lorsque la prestation compensatoire prend la forme d'une rente viagère, le débiteur et ses héritiers peuvent, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties, en demander la révision à la baisse ou saisir le juge aux fins de substituer un capital à la rente (article additionnel après l'article 2 bis). La charge de la rente viagère passe à l'hérédité, sous déduction de la pension de réversion que percevrait éventuellement la créancière (article 2 bis).

La Commission a, en outre, étendu aux versements en capital les garanties qui peuvent être apportées à la rente conformément à l'article 277 du code civil (article 2 ter) et ajouté la durée du mariage ainsi que la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail parmi les critères pris en compte par le juge pour définir les besoins et les ressources des époux et fixer le montant de la prestation compensatoire (article additionnel avant l'article 1er).

S'agissant des divorces sur demandes conjointes, la Commission a adopté un amendement précisant que les époux peuvent assortir la prestation compensatoire d'un terme extinctif ou d'une condition résolutoire et décider que la prestation prendra la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée (article additionnel après l'article 2 ter).

Enfin, la Commission a adopté des dispositions transitoires applicables aux rentes en cours de versement lors de l'entrée en vigueur de la loi : à la demande du débiteur ou de ses héritiers, les rentes viagères et temporaires versées lors de l'entrée en vigueur de la loi pourront être révisées à la baisse en cas de changement important dans les besoins ou les ressources des parties ou être transformées en capital (articles 4 et article additionnel après l'article 4). Dès l'entrée en vigueur de la loi, les pensions de réversion seront déduites de plein droit des rentes en cours de versement (article additionnel après l'article 4).

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Intervenant dans la discussion générale en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteuse au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a fait part des principales observations de cette Délégation sur le projet de loi. Elle a ainsi indiqué que la Délégation souhaitait que le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital soit réaffirmé et que sa mise en _uvre soit facilitée, notamment par des versements mensuels ou annuels d'une durée limitée, mais suffisamment longue. Elle a ajouté qu'il était nécessaire que la prestation compensatoire soit fixée parallèlement à la liquidation du régime matrimonial et que les règles fiscales applicables à la prestation versée sous forme de capital soient reconsidérées, afin de favoriser ce mode de versement. Estimant que le montant du capital fixé par le juge ne devait pas être révisable, elle a proposé que seules ses modalités de paiement puissent être modifiées en cas de changement notable et imprévu de la situation du débiteur. Elle a également souhaité que le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ne soit prévu qu'exceptionnellement, par une décision spécialement motivée fondée sur des considérations tenant notamment à l'âge du créancier, à la durée du mariage et aux besoins et ressources des parties, cette rente viagère pouvant être révisable en cas de changement imprévu dans les ressources du débiteur ou les besoins du créancier. Elle a enfin demandé qu'au décès du débiteur de la prestation compensatoire, ses héritiers puissent engager une action en révision, l'éventuelle pension de réversion versée au créancier du chef du conjoint divorcé prédécédé devant être déduite de la charge du paiement du solde du capital ou de la rente viagère qui leur est transmise.

Après avoir observé que la prestation compensatoire était versée à 97 % par des hommes, M. Alain Tourret s'est insurgé contre le fait que l'Etat assume, en fait, plus de la moitié de la charge de la prestation versée sous forme de rente par les divorcés fortunés, faisant référence à sa déductibilité de l'impôt sur le revenu qu'il a critiquée. Il a estimé indispensable de ne prévoir aucune exception à la fixation d'un capital, faisant valoir que le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère conduisait en fait, compte tenu de la prolongation de la durée de la vie, au paiement de sommes très importantes, dont la révision était jusqu'à présent quasiment impossible, malgré un assouplissement récent de la jurisprudence. Observant que les magistrats décidaient fréquemment d'allouer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, alors même que la loi de 1975 ne le prévoyait qu'à titre exceptionnel, il a regretté que son montant soit souvent fixé en prenant en compte la pension alimentaire versée pour l'éducation des enfants, ce qui revenait à assimiler dans un calcul global deux prestations ayant des finalités différentes et dont l'instruction ne relève pas des mêmes juridictions. Evoquant les modalités de paiement de la prestation compensatoire, il a jugé nécessaire de prévoir une possibilité de suspension des versements, afin de répondre rapidement à certaines situations d'urgence, telles que le licenciement. Après avoir souligné que la situation de séparation de corps pouvait perdurer, il a proposé d'aligner son régime sur celui du divorce.

M. Richard Cazenave s'est interrogé sur la cohérence du texte proposé par le rapporteur en soulignant qu'il ne réglait pas l'ambiguïté pesant sur le régime de la prestation compensatoire, celle-ci constituant une indemnité et non une pension alimentaire. A ce titre, il a estimé qu'il serait logique de supprimer la possibilité d'octroyer une rente viagère en cas de divorce pour ne prévoir que le versement d'un capital. Il a en outre considéré que l'Etat devait encourager de tels versements par des incitations fiscales. Il a, par ailleurs, indiqué que la disposition permettant au juge de fixer la durée de versement du capital risquait, si ce terme était éloigné, de créer une situation hybride, plaçant les débiteurs dans une situation identique à celle créée par le versement d'une rente viagère. Il s'est enfin demandé quelle marge d'interprétation serait laissée au juge pour prendre en compte l'évolution de la situation du débiteur astreint au versement de la prestation compensatoire sous cette forme.

Répondant à l'observation de M. Alain Tourret sur le caractère contestable de la déductibilité de la prestation compensatoire, M. Jérôme Lambert a souligné que les pertes de recettes fiscales dues au versement de rentes devaient être appréciées au regard du supplément d'impôts payé par le créancier. Il s'est ensuite interrogé sur la liberté qu'il convenait de laisser au juge pour fixer le terme du versement du capital, s'inquiétant de l'absence d'un délai maximal impératif. Il a, par ailleurs, demandé s'il était possible à un débiteur versant une rente d'obtenir un jugement qui permette de la transformer en capital, en prenant en compte les sommes déjà acquittées. Il a enfin soulevé le problème des personnes se plaçant volontairement en situation d'insolvabilité, soulignant qu'aucune disposition du texte ne permettait de répondre à ce cas de figure.

Mme Véronique Neiertz a observé que la question de l'insolvabilité volontaire n'était pas spécifique au versement de la prestation compensatoire, remarquant qu'elle constituait également un moyen de frauder le fisc. Rappelant que les cas d'insolvabilité frauduleuse constituaient des délits, elle a jugé qu'il n'était pas nécessaire de prévoir dans ce texte des dispositions spécifiques sur ce point.

M. Roger Franzoni a estimé que si l'on posait le principe que le versement du capital ne pouvait être étalé sur plus de dix ans, il était cependant souhaitable de laisser au juge la possibilité d'apprécier les cas particuliers pour, le cas échéant, retarder le terme des versements sans qu'une limite maximale ne soit fixée par la loi. Il s'est, en outre, interrogé sur la possibilité de prendre en compte les modifications de situation affectant le créancier.

M. Claude Goasguen a jugé que pour encourager les débiteurs à abandonner le système de la rente viagère au profit de la capitalisation, il était indispensable de mettre en place des incitations fiscales.

M. Gérard Gouzes a souligné que, depuis la réforme de 1975, les prestations compensatoires accordées mélangeaient à la fois les critères indemnitaires et alimentaires, alors même que l'obligation alimentaire pesant sur les époux cesse avec le divorce et que la compensation vise avant tout à indemniser le préjudice causé par la rupture. Citant les articles 271 et 273 du code civil, il a rappelé le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, dont le montant ne peut être révisé que si l'absence de révision a pour le débiteur des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Considérant que la jurisprudence était, sur ce point, trop restrictive puisqu'elle obligeait le débiteur à apporter la preuve de l'exceptionnelle gravité de sa situation, il a jugé indispensable que cette jurisprudence soit infléchie et qu'elle puisse, dans le même temps, tenir compte de l'évolution de la situation du créancier.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Le débiteur d'une prestation compensatoire ayant fait l'objet d'un échéancier de paiement aura la faculté, à tout moment, de se libérer de ses mensualités ou, le cas échéant, de ses annualités, en s'acquittant, par un versement unique, du solde restant dû.

-  Privilégier le versement en capital de la prestation compensatoire en matière de divorce, ce qui constitue le principal objet de la proposition de loi, implique, effectivement, de réfléchir à la mise au point de nouveaux produits d'épargne ainsi qu'aux modalités de transmission de ce capital. Les débiteurs, regroupés en associations, poursuivent des négociations avec les établissements de crédit, d'une part, et avec le ministère de l'économie et des finances, d'autre part : un statut fiscal spécifique devra être élaboré, les règles actuellement en vigueur favorisant la rente par rapport au versement en capital.

-  Bien que les difficultés les plus importantes proviennent des rentes viagères, leur principe ne peut être totalement écarté, certaines situations rendant nécessaire le recours à ce dispositif. Les inconvénients de la subsistance des rentes viagères ne doivent cependant pas être surestimés puisqu'il s'agit, d'ores et déjà, d'un procédé exceptionnel, qui ne concerne qu'environ 3 % des divorces prononcés chaque année.

-  S'agissant de la durée de l'échéancier qui pourra être retenue, le cas échéant, par le juge, pour le paiement de la prestation compensatoire, il semble préférable qu'une limite supérieure, qui pourrait être de dix ans, soit fixée par la loi. Toutefois, une certaine souplesse devra sans doute être introduite dans le dispositif, afin de tenir compte des événements exceptionnels qui peuvent affecter la situation du débiteur dans la phase finale de cet échéancier. La possibilité de suspendre, dans certains cas, le paiement des échéances, pourrait résoudre opportunément ces difficultés, sous réserve que cette faculté soit sans incidence sur le montant total du capital à verser.

-  Il ne paraît pas souhaitable, en revanche, d'ouvrir au débiteur d'une prestation compensatoire la faculté de demander la révision du montant du capital dont il doit s'acquitter, même en cas de changement important de la situation financière de son ex-conjoint. Une telle solution imposerait, en effet, de prévoir un dispositif analogue au profit de ce dernier, et reviendrait, de facto, à rétablir la situation qui prévalait avant le vote de la loi du 11 juillet 1975, en réintroduisant une possibilité de révision, à la baisse mais également à la hausse, du montant du capital fixé à l'origine.

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EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article 1er

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à insérer un titre premier dans lequel figureront les dispositions relatives au nouveau régime de la prestation compensatoire (amendement n° 1).

Elle a ensuite été saisie de deux amendements présentés respectivement par MM. Claude Goasguen et Gérard Gouzes tendant à modifier l'article 270 du code civil. Après avoir présenté son amendement, qui substitue à la prestation compensatoire une indemnité de séparation destinée à permettre à l'époux la percevant de s'adapter à la situation créée par la rupture du mariage, M. Claude Goasguen a fait part de l'intérêt qu'il portait aux propositions faites par le rapporteur et de son souci de privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. M. Richard Cazenave s'est interrogé sur la possibilité de prévoir une indemnité de « réparation » plutôt que de « séparation ». Tout en étant conscient que cette question relèverait davantage d'une discussion générale sur la rénovation du droit de la famille, M. Gérard Gouzes a présenté son amendement visant à conférer un caractère exceptionnel à l'attribution d'une prestation compensatoire, cette définition lui paraissant mieux refléter l'évolution de la société. Le rapporteur ayant estimé que la modification de l'article 270 du code civil aurait des conséquences sur la conception et la procédure du divorce, qui donneront lieu à un débat plus général dans le cadre la réforme du divorce, la Commission a rejeté ces deux amendements. Elle a également rejeté un amendement de conséquence de M. Claude Goasguen tendant à préciser les conditions de fixation de l'indemnité de séparation.

Article additionnel avant l'article 1er

(art. 272 du code civil)

Critères retenus pour la détermination
des besoins et des ressources des époux

La Commission a été saisie de deux amendements tendant à modifier l'article 272 du code civil, qui énumère les critères pris en compte pour définir les besoins et les ressources des époux et fixer le montant de la prestation compensatoire, le premier, présenté par le rapporteur tendant à ajouter la durée du mariage au nombre des critères retenus, le second, présenté par M. Claude Goasguen prévoyant, en outre, la prise en compte de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail et de leurs obligations existantes et prévisibles. Le rapporteur acceptant de retenir, outre la durée du mariage, la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, tandis que M. Claude Goasguen acceptait de renoncer à faire référence aux obligations des époux, la Commission a adopté les deux amendements ainsi modifiés (amendement n° 2).

Article 1er

(art. 273 du code civil)

Conditions de révision de la prestation compensatoire

Révisables en fonction des besoins et des ressources des parties, révocables lorsqu'elles cessaient d'être nécessaires ainsi qu'en cas de remariage du bénéficiaire, les pensions alimentaires octroyées dans les divorces prononcés antérieurement à la loi du 15 juillet 1975 suscitaient, par leur régime même, de nombreux litiges survenant après le divorce, qui étaient sources d'insécurité pour les parties. Aussi le législateur a-t-il souhaité en 1975 permettre le règlement définitif des litiges lors du prononcé du divorce, grâce à l'attribution d'une prestation compensatoire que peut recevoir l'un des époux afin de « compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » (art. 270 du code civil).

L'article 273 du code civil traduit le caractère définitif de la prestation compensatoire en lui conférant un caractère forfaitaire et non révisable. En effet, aux termes de cet article, cette prestation « ne peut être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité ».

Pour les divorces sur requête conjointe cependant, qui représentent 41,4 % des divorces prononcés en 1996, la révision de la prestation compensatoire fixée par les époux dans la convention de divorce qu'ils soumettent à l'homologation du juge (art. 278 du code civil) obéit à un régime distinct. L'article 279 du code civil ouvre en effet une possibilité de révision élargie de la prestation, en permettant aux époux de prévoir dans leur convention de divorce que « chacun d'eux pourra, en cas de changement imprévu dans ses ressources et ses besoins, demander au juge de réviser la prestation compensatoire ». L'article 273 du code civil demeure toutefois applicable si la clause de révision de la prestation ne figure pas dans la convention de divorce (Cass. civ. 2e, 6 février 1985).

Pour les divorces contentieux, le strict encadrement des possibilités de révision de la prestation compensatoire a été conforté par une jurisprudence rigoureuse. Si la demande peut être présentée par le créancier, le débiteur ou ses héritiers et peut porter tant sur la révision du montant de la prestation compensatoire que sur celle de ses accessoires, tels que les garanties, le mode d'exécution retenu ou les conditions d'indexation dans le cas d'une rente, la révision de la prestation compensatoire reste en pratique si rare que les demandeurs éventuels sont découragés.

D'après la jurisprudence, la révision ne saurait, en effet, être fondée sur l'amélioration de la situation de l'ex-conjoint ou sur son remariage, sur la réduction des ressources du débiteur lors de la retraite, ce phénomène étant jugé prévisible, ni sur des difficultés financières qui seraient le résultat de carences dans la gestion du budget. La perte d'un emploi n'emporte pas automatiquement la révision de la prestation compensatoire alors que la maladie semble plus fréquemment considérée par la jurisprudence comme un événement exceptionnellement grave au sens de l'article 273 du code civil. La révision de la prestation compensatoire n'a pu être finalement obtenue que dans des situations telles que la mise au chômage d'un débiteur qui, du fait de son âge, ne peut que difficilement retrouver du travail (1), la cessation d'activité due à une maladie grave (2) ou la liquidation judiciaire étendue aux biens personnels d'un ancien président directeur général, qui justifie une réduction de la prestation compensatoire qu'il devait à son ex-conjoint, compte tenu des ressources réelles du débiteur et du caractère imprévu de leur évolution (3).

Comme le note le groupe de travail présidée par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez dans son rapport sur le droit de la famille remis en septembre dernier au garde des sceaux, « l'intangibilité des prestations compensatoires, voulue en 1975 pour assainir l'après-divorce, a créé à l'expérience des situations humainement intolérables ». Aussi la nécessité d'assouplir les conditions de révision de la prestation compensatoire est-elle aujourd'hui unanimement admise.

Tout en maintenant le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, l'article premier de la proposition de loi adoptée par le Sénat en modifie les conditions de révision : celle-ci sera désormais possible en cas de « changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties ». Conformément à la logique initiale de la prestation compensatoire, la rédaction retenue par le Sénat maintient le caractère en principe non révisable d'une prestation qui a vocation à régler définitivement le divorce et encadre donc ses conditions de révision. Il s'agit ici de ne pas revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires existant avant 1975 qui alimentait de nombreux litiges postérieurs au divorce.

Cet article assouplit cependant sensiblement, à double titre, les conditions de révision de la prestation compensatoire :

- D'une part, la révision sera possible en cas de « changement substantiel dans les besoins ou les ressources des parties » sans qu'il soit désormais nécessaire que le maintien de la prestation compensatoire à son niveau initial ait des conséquences d'une « exceptionnelle gravité ». On peut cependant s'interroger sur le point de savoir si ce changement de formulation sera suffisant pour faire naître une pratique jurisprudentielle nouvelle ;

- D'autre part, la nouvelle rédaction devrait permettre à l'un des conjoints, non seulement d'invoquer un changement de sa situation, mais de se prévaloir de celle de l'autre conjoint pour obtenir une révision de la prestation compensatoire. Il deviendrait, par exemple, possible pour le débiteur d'arguer de l'amélioration de la situation pécuniaire de la créancière pour demander une réduction de la prestation compensatoire qu'il lui verse. On rappellera que la jurisprudence considère aujourd'hui que la révision de la prestation compensatoire ne peut être demandée au prétexte des circonstances touchant l'autre conjoint et que « l'exceptionnelle gravité ne doit être examinée qu'au regard de la situation de celui qui l'invoque » (Cass. civ. 2e, 6 janvier 1988). Il faut souligner que ce changement des conditions de révision pourra également bénéficier aux héritiers du débiteur (cf. art. 2 bis de la proposition).

On relèvera, par ailleurs, que la rédaction retenue par le Sénat permet la révision des prestations compensatoires, qu'elles soient versées sous formes de capital ou de rentes, sans distinguer si cette révision porte sur le montant, les modalités de paiement ou la durée d'attribution des rentes.

La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen affirmant le caractère indemnitaire et forfaitaire de la prestation compensatoire et autorisant sa révision en cas de changement substantiel dans les ressources ou les situations des parties, après que M. Gérard Gouzes eut exprimé des réserves sur le terme « substantiel », susceptible de donner lieu à une interprétation jurisprudentielle restrictive, et que le rapporteur eut fait observer que cet amendement n'était pas compatible avec le dispositif qu'il proposait à la Commission. La Commission a, pour la même raison, rejeté un amendement de M. Emile Blessig, imposant au juge de fixer la prestation en référence à un capital et autorisant sa révision en cas de changement substantiel dans la situation patrimoniale, les ressources, les besoins ou les conditions de vie des parties. Après avoir également rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à supprimer les modalités de révision de la prestation compensatoire telles qu'elles sont prévues à l'article premier de la proposition de loi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge (amendement n° 3), M. Gérard Gouzes et Mme Véronique Neiertz ayant souligné l'extrême importance de cet amendement pour l'avenir.

La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Après l'article 1er

Compte tenu des précédentes décisions prises par la Commission, M. Claude Goasguen a retiré deux amendements tendant à préciser, le premier, les conditions de révision de l'indemnité de séparation, le second à prévoir que l'indemnité de séparation prend la forme d'un capital.

Article 1er bis

(art. 247 du code civil)

Compétence du juge aux affaires familiales pour statuer
sur les demandes de révision de la prestation compensatoire

Aux termes de l'article 247 du code civil, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance est compétent « pour prononcer le divorce, quelle qu'en soit la cause », pour « statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et sur la modification de la pension alimentaire, ainsi que pour décider de confier les enfants à un tiers ».

L'article 1er bis, adopté sur proposition du Gouvernement, modifie l'article 247 du code civil pour étendre sa compétence aux demandes de révision de la prestation compensatoire.

Conforme à la lettre de l'article L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire, qui donne compétence au juge délégué aux affaires familiales pour connaître « du divorce, de la séparation de corps, ainsi que de leurs conséquences dans les cas et conditions prévus aux chapitre III et IV du titre VI du livre premier du code civil », ce choix semble justifié puisque le juge aux affaires familiales est d'ores et déjà compétent pour statuer sur des demandes postérieures au prononcé du divorce.

Cette disposition permettra donc de confier à un même juge le soin de se prononcer sur toutes les demandes de révision de la prestation compensatoire et de clarifier ainsi la répartition des compétences en la matière entre le juge aux affaires familiales et le tribunal de grande instance. En effet, l'article 1084 du nouveau code de procédure civile a déjà étendu la compétence du juge aux affaires familiales aux demandes de révision de la prestation compensatoire mais l'a limitée aux seules demandes de révision formulées par des époux ayant divorcé sur demande conjointe lorsque la convention comportait une clause leur permettant, en cas de changement imprévu dans les ressources et les besoins de l'un d'entre eux, de demander au juge une révision de la prestation compensatoire attribuée (troisième alinéa de l'article 279 du code civil). A contrario, ce n'est donc pas aujourd'hui le juge aux affaires familiales mais le tribunal de grande instance qui est compétent pour statuer sur les demandes de révision d'une prestation compensatoire attribuée dans le cadre d'un divorce sur demande acceptée ou pour faute.

Aux termes du présent article de la proposition de loi, le juge aux affaires familiales sera donc seul compétent pour connaître de l'ensemble des demandes de révision de prestations compensatoires. Il pourra être saisi directement par l'une des parties.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer cet article (amendement n° 4), ses dispositions étant reprises dans un article additionnel après l'article 2 ter.

Article 1er ter

(art. 275 du code civil)

Modalités de versement de la prestation compensatoire
sous forme de capital

Aux termes des articles 274 et 276 du code civil, la prestation compensatoire peut prendre la forme d'un capital ou d'une rente. Dans le premier cas, le versement du capital peut se faire sous différentes formes, limitativement énumérées dans l'article 275 du code civil :

- Il peut tout d'abord s'agir du « versement d'une somme d'argent ». Cette solution est sans doute la plus simple mais elle implique que le débiteur dispose immédiatement des liquidités correspondantes ; aussi l'article 275-1 du code civil prévoit-il la possibilité de constituer le capital en trois annuités, la jurisprudence ayant même admis la possibilité de versements mensuels (Cass. civ. 2e, 14 octobre 1987) ;

- L'exécution de la prestation compensatoire sous forme de capital peut également prendre la forme de « l'abandon de biens en nature ». Il peut s'agir de meubles ou d'immeubles, sans distinction entre des biens propres ou communs aux époux. On relèvera que cet abandon est limité au seul usufruit (4), le créancier pouvant donc utiliser la chose et en percevoir les fruits mais non en disposer. Cet usufruit est supposé attribué pour la durée de vie du créancier dès lors que sa durée n'est pas expressément précisée (Cass. civ. 2e, 23 novembre 1994) ;

- Enfin, le juge peut décider que le capital prendra la forme de « valeurs productives de revenus » déposées entre les mains d'un tiers - une banque ou un notaire par exemple - chargé de verser les revenus à l'époux créancier jusqu'à terme fixé, le débiteur gardant la propriété de ses valeurs.

A l'exception des divorces sur requête conjointe dans lesquels il revient aux époux de fixer les modalités de la prestation compensatoire, c'est le juge qui détermine souverainement sous laquelle de ces trois formes « s'exécutera l'attribution ou l'affectation de biens en capital » ; il ne peut toutefois s'écarter de ces trois modalités légales qu'avec l'accord des parties (Cass. civ. 2e, 25 mai 1993). Ainsi, tandis que l'abandon d'un bien en usufruit peut être imposé au débiteur, son abandon en pleine propriété suppose l'accord du créancier et du débiteur.

Afin de faciliter le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital, l'article 1er ter de la proposition de loi, qui résulte d'un amendement du Gouvernement, élargit la palette des formes que peut prendre son versement : l'abandon de biens en nature pourra non seulement se faire pour l'usufruit mais aussi :

- « Pour l'usage et l'habitation » : cette solution a déjà été admise par la jurisprudence (Cass. civ. 2e, 12 juin 1991) ; elle est en deçà de l'abandon pour usufruit puisque l'usager a le droit d'utiliser la chose et d'en percevoir des fruits mais dans les limites de ses besoins et de ceux de sa famille, les droits d'usage et d'habitation ne pouvant être ni cédés ni loués (art. 631 et 634 du code civil) ;

- « En propriété » : cette solution n'était jusqu'à présent possible que dans les divorces sur requête conjointe si les conjoints en faisaient le choix et dans les divorces contentieux à condition de réunir l'accord des parties (Cass. civ. 2e, 18 mars 1981). Avec cette nouvelle rédaction, l'abandon d'un bien en propriété pourra désormais être imposé par le juge au débiteur.

La Commission a adopté l'article 1er ter sans modification.

Article 1er quater

(art. 276 du code civil)

Substitution d'un capital à une rente

« A défaut de capital ou si celui-ci n'est pas suffisant », l'article 276 du code civil prévoit l'attribution de la prestation compensatoire sous forme de rente. Si le législateur a souhaité ne conférer à celle-ci qu'un caractère subsidiaire, la pratique montre que la rente est la modalité d'exécution de la prestation compensatoire la plus fréquente : en 1996, la rente mensuelle fixe apparaît dans 67 % des jugements de divorce tandis que la prestation compensatoire n'est versée sous la seule forme d'un capital que dans 20 % des cas. Comme le souligne une analyse statistique des jugements de divorce prononcés en 1996 publiée par le Ministère de la justice, cette situation n'est que « le reflet de la demande, laquelle vise sept fois sur dix au moins une rente mensuelle fixe et seulement trois fois sur dix un capital ». Le choix fait en faveur de la rente se justifie notamment par l'insuffisance du patrimoine du débiteur, par le déséquilibre des régimes fiscaux applicables au versement d'un capital et d'une rente, qui favorise cette dernière, mais aussi par le fait qu'il est plus facile pour le créancier de vivre avec une rente fixe et périodique que de gérer un capital.

Les versements réguliers auxquelles les rentes astreignent, parfois sur de très nombreuses années, le débiteur - et ses héritiers en cas de décès - peuvent être à l'origine de situations difficiles. Aussi, dans la même logique que celle retenue à l'article précédent et afin de favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, le présent article, issu d'un amendement présenté par le Gouvernement, ouvre la possibilité de transformer la rente - qu'elle soit viagère ou temporaire - en un capital qui pourra être versé selon les modalités prévues à l'article 275 du code civil (cf. art. 1er ter) ou en trois annuités, conformément à l'article 275-1 du code civil. Cette « capitalisation » - mais sans doute serait-il plus exact de parler de substitution d'un capital à une rente - peut être demandée « à tout moment », tant par le débiteur que par le créancier. S'agissant du premier, cette faculté lui permettra, s'il vient à disposer d'un capital alors qu'il était astreint à verser une rente, de se libérer de ces versements périodiques ; s'agissant du créancier, il pourra obtenir un capital plutôt qu'une rente si la liquidation du régime matrimonial permet au débiteur de satisfaire cette demande. Il reviendra au juge délégué aux affaires familiales de statuer sur les demandes de capitalisation.

Sans doute la substitution d'une rente à un capital serait-elle aujourd'hui autorisée par le juge dans le cadre de la procédure de révision de la prestation compensatoire prévue à l'article 273 du code civil ; mais elle serait alors soumise aux conditions requises pour obtenir la révision, dont on connaît la rigueur (cf. art. 1er). Aussi est-il proposé, afin de faciliter le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, une procédure spécifique, organisée de façon très souple qui se démarque du régime de révision de la prestation compensatoire prévu dans l'article 1er de la proposition de loi.

On relèvera que, contrairement à la révision de la prestation compensatoire prévue à l'article 273 du code civil, qui est ouverte aux héritiers du débiteur (cf. article 2 bis), cette procédure de « capitalisation » n'est pas explicitement prévue pour les héritiers du débiteur, pour lesquels elle présenterait cependant des avantages.

Après que M. Gérard Gouzes eut exprimé des réserves sur la procédure de capitalisation, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Emile Blessig visant à supprimer cet article. Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Claude Goasguen visant à imposer le versement du capital dans un délai d'un an et d'un amendement du rapporteur tendant à proposer une nouvelle rédaction de l'article 276 du code civil. Soulignant qu'on abordait ici le c_ur du dispositif proposé à la Commission, le rapporteur a précisé qu'il s'agissait, après avoir réaffirmé le principe du versement en capital, de prévoir de nouvelles modalités pour le paiement de celui-ci, qui permettraient au débiteur d'une prestation compensatoire d'échelonner ses versements sur une durée maximale de dix ans. Il a précisé que ces modalités de versement pourraient être révisées à la demande du débiteur en cas de changement notable de sa situation, une révision conduisant au versement du capital sur une durée totale supérieure à dix ans pouvant être consentie à titre exceptionnel et par décision spéciale et motivée du juge. Après avoir fait observer que cette possibilité de révision serait également ouverte aux héritiers du débiteur, tenus au paiement du solde du capital dans la limite de l'actif successoral, le rapporteur a précisé que le débiteur ou ses héritiers pourraient également se libérer à tout moment du solde du capital, tandis que le créancier pourrait saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital après la liquidation du régime matrimonial.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur l'opportunité de cette dernière disposition. Soulignant que les modalités de paiement peuvent pervertir le principe même du versement en capital, Mme Véronique Neiertz a souhaité ne pas laisser au juge la possibilité de fixer des durées de versement du capital trop longues, sous peine de revenir au mécanisme de la rente et d'accroître les risques de modification de la situation du débiteur. Elle a insisté sur la nécessité de fixer le capital au moment du divorce et estimé que, lorsque les époux disposaient d'un patrimoine, le versement du capital pouvait se faire dans un délai très court. Après avoir rappelé que la proposition de loi déposée par le groupe socialiste sur la prestation compensatoire échelonnait les versements en capital sur une durée maximale de six ans, elle a considéré que porter cette durée à dix ans et prévoir la possibilité pour le juge de la dépasser irait à l'encontre de l'objectif de la réforme qui est de privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. M. Richard Cazenave a estimé que le dispositif proposé par le rapporteur pouvait laisser croire au maintien de la rente temporaire et a jugé nécessaire d'entamer une réflexion sur la façon dont le débiteur pourrait se libérer du capital dû, notamment en contractant un emprunt. Il a considéré que la possibilité laissée au juge d'étaler les versements sur une durée très longue pourrait l'inciter à fixer des prestations compensatoires d'un montant très élevé et souligné que l'on ne pouvait négliger les incidences des modalités de paiement du capital sur la détermination de son montant. Mme Marie-Françoise Clergeau a précisé que la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes avait évoqué la possibilité, lors de sa discussion sur la proposition de loi, d'échelonner les versements sur une durée maximale de huit ans, par correspondance avec la durée des produits financiers offerts par les institutions bancaires. Rappelant que l'objectif était de résoudre les difficultés posées par les rentes viagères, M. Claude Goasguen a estimé que le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital était réservé aux ménages disposant d'un patrimoine et souligné qu'à raccourcir les délais de versement, on risquait d'une part de favoriser la rente viagère et d'autre part, d'inciter le juge à réduire le montant du capital. Il a donc marqué son accord avec la fixation d'un délai de versement du capital relativement long, rappelant que, le plus souvent, le capital se constituait progressivement et considérant donc que cette solution était conforme à la logique du dispositif proposé par le rapporteur.

Ce dernier a considéré que la pire des solutions serait de mettre en place une législation inapplicable et a observé qu'imposer le versement du capital sur une durée trop brève pourrait conduire le juge à réduire le montant du capital, puisqu'il le déterminerait en fonction des possibilités de paiement du débiteur. Après avoir indiqué que le délai de dix ans rencontrait l'accord des personnes qu'il a auditionnées, il a rappelé que le juge ne pourrait autoriser le versement du capital sur une durée supérieure à dix ans que lorsque le débiteur aurait demandé la révision des modalités de paiement. Il a enfin souligné que, si la durée de versement était relativement longue, son amendement ouvrait toutefois au débiteur la possibilité de se libérer à tout moment du capital restant dû et au créancier de demander au juge l'accélération du paiement du capital après la liquidation du régime matrimonial. Mme Véronique Neiertz a proposé de sous-amender le texte présenté par le rapporteur pour limiter à huit années la durée de versement du capital, le rapporteur proposant en outre une modification d'ordre rédactionnel. La Commission a donc rejeté l'amendement présenté par M. Claude Goasguen et adopté l'amendement du rapporteur ainsi sous-amendé donnant à l'article 1er quater une nouvelle rédaction (amendement n° 5). De ce fait, un amendement de M. Claude Goasguen visant à supprimer la possibilité pour le créancier de demander la capitalisation de la rente est devenu sans objet.

Article 2

(art. 276-1 du code civil)

Fixation de la durée de la prestation compensatoire
attribuée sous forme de rente

L'article 276-1 du code civil précise le régime de la prestation compensatoire lorsqu'elle est versée sous forme de rente. Il prévoit qu'elle est indexée et que son montant peut être modulé « par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins ». L'objet de l'article est également de préciser que la rente « est attribuée pour une durée égale ou inférieure à la vie de l'époux créancier », selon l'appréciation souveraine des juges du fond.

La rente peut donc être viagère, notamment s'il apparaît que la créancière ne dispose pas d'autres sources de revenus, ou limitée dans le temps, mais sa durée doit alors être certaine : si le jugement n'a pas fixé de durée, la rente est alors considérée comme viagère ; il incombe donc au juge de définir tant la date de début de paiement de la rente que son terme extinctif. Le juge peut donc attribuer une rente pour une durée déterminée ou déterminable, par exemple jusqu'à la majorité du dernier enfant. En revanche, la jurisprudence prohibe les références à une date incertaine telle que la liquidation de la communauté, pour reprendre un exemple fréquemment avancé. De même, en raison du caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, la jurisprudence interdit de subordonner le versement de la rente à une condition quelconque ; il n'est donc pas possible de prévoir la suppression de la rente en cas de remariage ou de concubinage du créancier (Cass. civ. 2e, 26 avril 1984), ces clauses résolutoires étant seulement autorisées dans le cadre des divorces sur requête conjointe.

D'après les informations recueillies par le rapporteur, 3 336 rentes viagères ont été allouées pour près de 120 000 divorces prononcés en 1996. 69 % des rentes mensuelles fixes attribuées sont limitées dans le temps, pour une durée inférieure à dix ans dans 75 % des cas ; elles sont soit versées pendant un nombre d'années déterminé, soit jusqu'à ce qu'un événement vienne interrompre le versement, tel, par exemple, que la retraite ou le décès du débiteur, le remariage ou le concubinage notoire du créancier ou la fin de la prise en charge des enfants par celui-ci. Les rentes viagères - qui représentent 31 % des rentes mensuelles fixes allouées - deviennent prépondérantes pour les femmes ayant plus de cinquante ans lors du divorce.

Le présent article modifie les dispositions relatives à la fixation de la durée de la rente :

- Il maintient la possibilité d'attribuer des rentes viagères ou temporaires ;

- Il précise que le juge fixe la durée de la rente au regard des éléments d'appréciation prévus à l'article 272 du code civil, c'est-à-dire en fonction de l'âge et l'état de santé des époux ; du temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants, de leurs qualifications professionnelles, de leur disponibilité pour de nouveaux emplois, de leurs droits existants et prévisibles, de la perte éventuelle de leurs droits en matière de pensions de réversion ou encore de leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

- Enfin, il est prévu que la charge de la rente s'éteint avec le décès de l'époux créancier s'il survient avant l'échéance finale de la rente temporaire. Sans doute cette disposition va-t-elle à l'encontre du principe de la transmissibilité des créances ; elle trouve cependant sa justification dans la définition même de la prestation compensatoire qui vise à maintenir le niveau de vie de l'époux créancier et lui est donc logiquement attachée. Cette solution apparaît de surcroît conforme à l'esprit de la réglementation actuelle de la rente qui est « au mieux » viagère, selon la lettre de l'article 276-1 du code civil.

M. Claude Goasguen ayant retiré un amendement visant à préciser que la rente et sa durée sont définies en référence à un capital dont le montant est fixé par le juge, la Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur tendant à préciser les conditions dans lesquelles le juge peut fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. L'auteur a précisé que cette possibilité serait ouverte au juge à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, ce qui supposerait une décision spécialement motivée qui prenne en compte les éléments d'appréciation prévus à l'article 272 du code civil. Mme Marie-Françoise Clergeau ayant rappelé que la Délégation souhaitait que la décision d'allouer la prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère prenne également en compte la durée du mariage ainsi que les besoins et les ressources des parties, M. Gérard Gouzes a précisé que ces deux critères étaient satisfaits par l'amendement présenté par le rapporteur. Après que Mme Véronique Neiertz eut souligné l'importance d'adopter une rédaction qui manifeste le caractère dérogatoire et exceptionnel de l'octroi d'une rente viagère, la Commission a adopté cet amendement donnant à l'article 2 une nouvelle rédaction (amendement n° 6).

Après l'article 2

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig tendant à modifier l'article 757 A du code général des impôts afin de doubler l'abattement prévu par l'article 779 du code général des impôts pour la perception des droits de mutation dus sur les versements en capital entre ex-époux. Soulignant que l'auteur avait ainsi entendu poser le problème de la différence de fiscalité existant aujourd'hui entre le paiement de la prestation compensatoire sous forme de rente et sous forme de capital, Mme Nicole Feidt a jugé qu'il était effectivement nécessaire de modifier le régime fiscal du capital si l'on entendait favoriser ce mode de versement de la prestation compensatoire. Après avoir précisé que cet amendement reprenait un article adopté par la commission des Lois du Sénat retiré en séance, et tout en admettant l'importance des aspects fiscaux dans le régime de la prestation compensatoire, le rapporteur a toutefois considéré qu'il était difficile d'apporter une solution à ce problème tant que le cadre juridique de la réforme n'était pas arrêté. Tout en s'opposant au vote de cet amendement, il a indiqué qu'il soulèverait la question de la fiscalité de la prestation compensatoire en séance publique. Après que M. Claude Goasguen eut souligné l'extrême importance de cette question, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement présenté par M. Gérard Gouzes tendant à modifier la rédaction de l'article 271 du code civil afin de préciser que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins et les ressources de chacun des époux, en tenant compte de leur situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

Article 2 bis

Ouverture de l'action en révision aux héritiers du débiteur

Le fait que la charge de la rente soit transmissible aux héritiers du débiteur, en application de l'article 276-2 du code civil, suscite aujourd'hui de nombreuses critiques : comme le note le rapport du groupe de travail sur la rénovation du droit de la famille, « le décès du débiteur oblige ses héritiers à continuer le versement de la prestation, ce qui est très mal vécu lorsque c'est la seconde épouse et les enfants de la seconde union qui doivent assurer une charge financière perçue comme injuste, quand elle n'est pas démesurée ». En outre, dès lors que la prestation compensatoire est destinée à remédier à la disparité que la rupture du mariage provoque dans les conditions de vie des conjoints, il est également soutenu qu'elle devrait rester une charge propre au débiteur et que sa transmission aux ayants-droit du défunt ne se justifierait pas.

Le présent article ne remet pas cependant en cause le principe de la transmission de la charge de la rente aux héritiers du débiteur. Pour le rapporteur, ce choix est essentiellement justifié par le caractère alimentaire que peuvent revêtir les rentes viagères pour des épouses relativement âgées, qui n'ont pas exercé d'activités professionnelles et que le décès de leur ex-mari priverait de tout revenu si la charge de la rente n'était pas transmissible à ses héritiers. Il est, à cet égard, révélateur de constater qu'à partir de cinquante ans, les rentes à vie prennent une part prépondérante : alors que les rentes viagères ne représentent que 26,4 % des rentes mensuelles fixes allouées aux épouses ayant entre 40 et 49 ans lors du divorce, cette proportion s'élève à 64,4 % pour les femmes âgées de 50 à 59 ans et à 87,6 % pour celles de 60 à 69 ans.

S'il convient d'assurer des revenus à l'ex-conjoint bénéficiaire d'une rente viagère en transmettant sa charge aux héritiers du débiteur, il importe également que ceux-ci puissent l'assumer. Aussi le présent article complète-t-il l'article 276-2 du code civil en précisant que les héritiers « peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à l'article 273 », c'est-à-dire en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. L'extension aux héritiers du débiteur de l'action en révision des prestations compensatoires est conforme à la jurisprudence qui admet que les héritiers puissent demander une révision dont l'absence aurait pour eux des conséquences d'une extrême gravité (Cass. civ. 2e, 24 mai 1991).

En revanche, il n'est pas prévu que les héritiers puissent bénéficier des dispositions de l'article 1er quater de la proposition, qui permet de saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution d'un capital à une rente. Cette possibilité pourrait cependant être d'un grand intérêt pour les ayants-droit qui, à l'occasion d'une succession, disposeraient d'un capital suffisant pour racheter la rente.

On relèvera que le Sénat n'a pas pris en compte l'éventuelle pension de réversion dont peut bénéficier l'ex-conjoint au décès du débiteur. En application des articles L. 353-1 et L. 353-2 du code de la sécurité sociale, une pension de réversion est en effet attribuée au conjoint de l'assuré décédé (ou disparu depuis plus d'un an) si, d'une part, le conjoint survivant a au moins cinquante-cinq ans et si, d'autre part, le mariage a été célébré au moins deux ans avant le décès ou la disparition de l'assuré ; le conjoint divorcé non remarié est assimilé à un conjoint survivant ; lorsque l'assuré est remarié, la pension de réversion est partagée entre son conjoint survivant et le ou les précédents conjoints divorcés non remariés au prorata de la durée respective de chaque mariage. Dès lors qu'il semble difficilement acceptable que le décès du débiteur soit une source d'enrichissement pour le bénéficiaire de la prestation, il paraîtrait souhaitable au rapporteur de préciser qu'en cas de décès du débiteur, la pension de réversion éventuellement versée à l'ex-conjoint survivant est déduite de plein droit de la rente perçue au titre de la prestation compensatoire. Il s'agit d'ailleurs d'une des propositions figurant dans le rapport du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez.

La Commission a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen faisant cesser de plein droit le versement de la rente lors du décès du débiteur ou lorsque le créancier se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire. Le rapporteur a indiqué que ces nouveaux éléments pourraient être pris en compte par le juge au titre des changements importants susceptibles de donner lieu à une révision à la baisse de la rente viagère. Concernant la transmission de la rente viagère, il a présenté un amendement confirmant que sa charge passe à l'hérédité mais prévoyant que la pension de réversion est déduite de plein droit. M. Gérard Gouzes a rappelé que les héritiers peuvent toujours refuser la succession et qu'il ne devait pas être dérogé au principe selon lequel toutes les dettes patrimoniales se transmettent. Il a estimé que la rente viagère pouvait s'apparenter à une pension alimentaire lorsqu'elle est versée à un ex-conjoint âgé ou malade et jugé qu'il n'était donc pas possible d'y mettre fin en cas de décès du débiteur. Après avoir qualifié la rente viagère de « poison familial » et jugé souhaitable de supprimer le versement de la prestation compensatoire sous cette forme, M. Claude Goasguen a estimé que sa transmissibilité aux héritiers était une puissante incitation à verser la prestation compensatoire sous forme de capital, d'autant qu'il était beaucoup plus facile aujourd'hui que par le passé de constituer un capital en recourant à l'emprunt. Mme Véronique Neiertz a estimé qu'il était de l'intérêt des femmes de prendre conscience que le mariage n'est pas une assurance-vie et qu'il leur faut donc compter sur leurs propres forces, c'est-à-dire avoir un métier et travailler. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur donnant une nouvelle rédaction à cet article (amendement n° 7), après qu'il eut souligné que la rente viagère serait révisable et capitalisable.

Articles additionnels après l'article 2 bis

(art. 276-3 et 276-4 du code civil)

Révision et transformation en capital des prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant possible la révision à la baisse de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties et ouvrant cette action au débiteur et à ses héritiers (amendement n° 8). En réponse à une observation de M. Richard Cazenave, le rapporteur a indiqué qu'il avait à dessein distingué la nature des changements susceptibles d'ouvrir droit à révision, un changement notable suffisant pour obtenir la révision des modalités de paiement du capital tandis qu'un changement important serait nécessaire pour obtenir celle d'une rente viagère. Mme Marie-Françoise Clergeau a souligné que la rente viagère pourrait être révisée à la baisse si la crédirentière voyait sa situation s'améliorer à la suite d'un remariage. La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur permettant au débiteur d'une rente viagère de demander, à tout moment, au juge de substituer un capital à cette rente (amendement n° 9).

Article 2 ter

(article 277 du code civil)

Garanties du paiement de la prestation compensatoire

L'article 277 du code civil énumère les différentes garanties susceptibles d'être offertes pour assurer le paiement de la rente.

Celles-ci sont de deux ordres :

-  Le paiement de la prestation compensatoire versée sous forme de rente est tout d'abord, et de plein droit, garanti par l'hypothèque légale prévue par l'article 2121 du code civil pour le paiement des droits et créances d'un époux sur les biens de l'autre mais aussi par l'hypothèque judiciaire. Définie dans l'article 2123 du code civil comme résultant des « jugements, soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenues », elle permet au créancier bénéficiaire de l'hypothèque d'« inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant actuellement à son débiteur » et de « prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés par la suite dans le patrimoine de son débiteur », celui-ci pouvant toutefois demander leur réduction si ces inscriptions sont excessives (article 2161 du code civil).

-  L'article 277 du code civil réserve, en outre, la faculté pour le juge de demander au débiteur des garanties complémentaires qui peuvent prendre la forme d'un gage ou d'une caution, la jurisprudence interdisant au juge de demander la constitution d'autres garanties que celles prévues dans l'article 277 du code civil (Cass. civ. 2e, 24 novembre 1993).

L'objet de cet article, adopté par le Sénat sur proposition du Gouvernement, est d'inclure les contrats d'assurance parmi les garanties que peut imposer le juge à l'époux débiteur redevable du versement d'une prestation compensatoire sous forme de rente. Cet ajout, conforme à une pratique de plus en plus fréquente, est de nature à consolider les droits du bénéficiaire.

La Commission ayant adopté un amendement du rapporteur permettant au juge de garantir les versements en capital comme le paiement de la rente (amendement n° 10), elle a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen ayant le même objet mais concernant l'indemnité de séparation.

La Commission a adopté l'article 2 ter ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 2 ter

(art 274, 275-1, 278 et 279 du code civil)

Prestation compensatoire dans un divorce sur demande conjointe - Coordinations - Compétence du juge aux affaires familiales - Abrogations

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par le rapporteur précisant que les époux peuvent, en cas de demande conjointe, assortir la prestation compensatoire d'un terme extinctif ou d'une condition résolutoire et décider que la prestation prendra la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée. Mme Véronique Neiertz a jugé dangereux de réintroduire les rentes temporaires dans le cadre de la requête conjointe et a mis en avant le risque que l'un des époux accepte, dans le cadre d'un accord global sur l'ensemble des conséquences du divorce, des modalités de versement de la prestation compensatoire qui lui soit défavorables. Après avoir d'abord exprimé la crainte que cette disposition n'introduise des ambiguïtés, M. Richard Cazenave a estimé que les parties pouvaient librement décider de la forme de la prestation compensatoire dans leur convention. M. Gérard Gouzes a souligné que le juge conservait la faculté de refuser l'homologation de la convention si elle fixait inéquitablement les droits et obligations des époux. Le rapporteur ayant précisé que son amendement avait seulement pour objet de donner un fondement légal à la possibilité pour les parties de choisir une rente temporaire, tout en soulignant qu'il n'était pas souhaitable de limiter le choix des parties si l'on souhaite encourager le recours à la procédure de la requête conjointe, qui permet de favoriser le dialogue entre les époux et de régler au plus près de leurs situations personnelles les conséquences du divorce, la Commission a adopté son amendement (amendement n° 11).

Par coordination avec l'amendement relatif à la révision de la prestation compensatoire allouée sous forme de rente viagère, la Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux époux de prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra demander au juge de réviser la prestation compensatoire en cas de changement, non plus imprévu, mais important dans ses ressources et ses besoins (amendement n° 12).

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur donnant compétence au juge aux affaires familiales pour statuer sur toutes les demandes de révision de la prestation compensatoire, quelle que soit la forme du divorce prononcé (amendement n° 13).

Enfin, la Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 274 du code civil devenu sans objet ainsi que l'article 275-1 prévoyant le versement du capital en trois annuités (amendement n° 14).

Article 3

L'article 3 qui portait sur les dispositions fiscales relatives à la prestation compensatoire a été retiré par le Sénat.

Après l'article 3

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à insérer, dans la proposition de loi, un titre II consacré aux dispositions transitoires (amendement n° 15).

Article 4

Dispositions transitoires

Si la réforme de la prestation compensatoire, telle qu'elle résulte des articles précédents, ne vaut à l'évidence que pour l'avenir, il importe également - voire surtout - de prendre en compte les situations existantes souvent dramatiques dont la presse s'est, à de nombreuses reprises, fait l'écho. La présente proposition de loi répond à une attente qui s'est exprimée fortement en faveur d'une révision du régime actuel.

Ce dernier article de la proposition de loi s'attache donc à préciser les conditions de révision des prestations compensatoires allouées sous forme de rentes avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Aux termes du présent article, ces rentes bénéficieront du nouveau dispositif : leur révision relèvera de la compétence du juge aux affaires familiales, pourra être obtenue par le débiteur ou ses héritiers, ainsi que par le créanciers, « en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties » ; elles pourront être transformées en capital dans les formes prévues par l'article 275 du code civil dans sa nouvelle rédaction, y compris donc par abandon d'un bien en pleine propriété ; enfin, les rentes pourront être garanties par contrat. Il convient de relever que, dans la rédaction du Sénat, cette procédure de révision ouverte au créancier pourrait aboutir à aggraver la charge du débiteur. Elle s'apparenterait ainsi davantage aux pensions alimentaires d'avant 1975 auxquelles le législateur avait voulu mettre fin en affirmant le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur donnant à l'article 4 une nouvelle rédaction pour autoriser la révision, mais seulement à la baisse, des rentes viagères attribuées avant l'entrée en vigueur de la réforme, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties, ainsi que leur transformation en capital, à la demande du débiteur ou de ses héritiers (amendement n° 16).

Quelle sera l'importance de ces demandes de révision ? Selon le rapport rendu par le groupe de travail sur la rénovation du droit de la famille, « il est évident que, tout en cantonnant la possibilité de révision à une modification notable de la situation des parties, un nombre considérable de demandes seront formées, tout au moins dans les premiers mois d'application de la loi ».

Articles additionnels après l'article 4

Révision et transformation en capital
des rentes temporaires en cours de versement - Déduction de la pension de réversion

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant de réviser, sans proroger leur durée initiale, les rentes temporaires versées lors de l'entrée en vigueur de la réforme et de leur substituer un capital, à la demande du débiteur ou de ses héritiers (amendement n° 17).

La Commission a également adopté un amendement du rapporteur prévoyant la déduction de plein droit des pensions de réversion pour les rentes en cours de versement (amendement n° 18).

Enfin, elle a rejeté un amendement de M. Claude Goasguen tendant à préciser que les transferts et abandons effectués pour assurer le versement de l'indemnité de séparation ne sont pas assimilés à des donations.

*

* *

La Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi (n° 735) modifiée par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte adopté par le Sénat
en première lecture

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Propositions de la Commission

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TITRE PREMIER

DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE

[Division et intitulé nouveaux]

(amendement n° 1)

Code civil

Art. 272. -  Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment :

-  l'âge et l'état de santé des époux ;

-  le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants ;

-  leurs qualifications professionnelles ;

-  leur disponibilité pour de nouveaux emplois ;

-  leurs droits existants et prévisibles ;

-  la perte éventuelle de leurs droits en matière de pensions de réversion ;

-  leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

 

Article additionnel

Après le quatrième alinéa de l'article 272 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« -  leur situation professionnelle au regard du marché du travail ;

« -  la durée du mariage ; »

(amendement n° 2)

Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Article premier

L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. »

Article premier

(Alinéa sans modification).

« Art. 273. -  

...

Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »

(amendement n° 3)

Art. 247. -  Le tribunal de grande instance statuant en matière civile est seul compétent pour se prononcer sur le divorce et ses conséquences.

   

Un juge de ce tribunal est délégué aux affaires familiales. Il est plus spécialement chargé de veiller à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

   

Ce juge a compétence pour prononcer le divorce, quelle qu'en soit la cause. Il peut renvoyer l'affaire en l'état à une audience collégiale. Ce renvoi est de droit à la demande d'une partie.

   

Il est également seul compétent, après le prononcé du divorce, quelle qu'en soit la cause, pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et sur la modification de la pension alimentaire, ainsi que pour décider de confier les enfants à un tiers. Il statue alors sans formalité et peut être saisi par les parties intéressées sur simple requête.

Article premier bis

Dans le dernier alinéa de l'article 247 du code civil, après les mots : « la modification de la pension alimentaire », sont insérés les mots : « et la révision de la prestation compensatoire ».

Article premier bis

Supprimé.

(amendement n° 4)

Art. 275. -  Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera l'attribution ou l'affectation de biens en capital :

1.  Versement d'une somme d'argent ;

2.  Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, mais pour l'usufruit seulement, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier ;

Article premier ter

Le troisième alinéa (2) de l'article 275 du code civil est ainsi rédigé :

« 2.  Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier ; ».

Article premier ter

(Sans modification).

3.  Dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers chargé de verser les revenus à l'époux créancier de la prestation jusqu'au terme fixé.

   

Le jugement de divorce peut être subordonné au versement effectif du capital ou à la constitution des garanties prévues à l'article 277.

   

Art. 276. -  A défaut de capital ou si celui-ci n'est pas suffisant, la prestation compensatoire prend la forme d'une rente.

Article premier quater

L'article 276 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le débiteur ou le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1 ».

Article premier quater

... est

ainsi rédigé :

« Art. 276. -  Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

« Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement notable de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

« A la mort de l'époux débiteur, la charge du solde du capital passe à l'hérédité dans la limite de l'actif successoral. Les héritiers peuvent demander la révision des modalités de paiement dans les conditions prévues au précédent alinéa.

« Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital.

« Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital. »

(amendement n° 5)

 

Article 2

Le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

Article 2

I. -  Le ...

Art. 276-1. -  La rente est attribuée pour une durée égale ou inférieure à la vie de l'époux créancier.

« Le juge fixe la durée de la rente, qui peut être viagère, en prenant en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272. Le décès de l'époux créancier avant l'expiration de cette durée met fin à la charge de la rente. »

« A titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, le juge peut, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272. »

Elle est indexée ; l'indice est déterminé comme en matière de pension alimentaire.

 

II. -  En conséquence, le début du deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« La rente est indexée ... (le reste sans changement) ».

(amendement n° 6)

Le montant de la rente avant indexation est fixé de façon uniforme pour toute sa durée ou peut varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins.

   
 

Article 2 bis

L'article 276-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

Article 2 bis

... est ainsi rédigé :

Art. 276-2. -  A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente passe à ses héritiers.

« Ceux-ci peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à l'article 273. »

« Art. 276-2. -  A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente viagère passe à l'hérédité. La pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé est déduite de plein droit de la rente versée au créancier. »

(amendement n° 7)

   

Article additionnel

Après l'article 276-2 du code civil, il est inséré un article 276-3 ainsi rédigé :

   

« Art. 276-3. -  La prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

   

« L'action en révision est ouverte au débiteur et à ses héritiers. »

(amendement n° 8)

   

Article additionnel

Après l'article 276-3 du code civil, il est inséré un article 276-4 ainsi rédigé :

   

« Art. 276-4. -  Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère peut à tout moment saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution à la rente d'un capital déterminé selon les modalités prévues aux articles 275 et 276.

   

« Cette action est ouverte aux héritiers du débiteur. »

(amendement n° 9)

 

Article 2 ter

L'article 277 du code civil est ainsi rédigé :

Article 2 ter

(Alinéa sans modification).

Art. 277. -  Indépendamment de l'hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage ou de donner une caution pour garantir la rente.

« Art. 277. -  Indépendamment de l'hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente. »

« Art. 277. -  

... rente ou du capital. »

(amendement n° 10)

Art. 278. -  En cas de demande conjointe, les époux fixent le montant et les modalités la prestation compensatoire dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge.

 

Article additionnel

Le premier alinéa de l'article 278 du code civil est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« La prestation compensatoire peut être assortie d'un terme extinctif ou d'une condition résolutoire. Elle peut prendre la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée. »

(amendement n° 11)

Le juge, toutefois, refuse d'homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.

   

Art. 279. -  La convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice.

   

Elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux, également soumise à homologation.

   

Les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra, en cas de changement imprévu dans ses ressources et ses besoins, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.

 

Article additionnel

Dans le dernier alinéa de l'article 279 du code civil, le mot : « imprévu » est remplacé par le mot : « important ».

(amendement n° 12)

Art. 247. -  Cf. supra, art. 1er bis du texte adopté par le Sénat.

 

Article additionnel

Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 247 du code civil, les mots : « et sur la modification de la pension alimentaire, » sont remplacés par les mots : « , sur la modification de la pension alimentaire et sur la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement, ».

(amendement n° 13)

Art. 274. -  Lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur de la prestation compensatoire le permet, celle-ci prend la forme d'un capital.

 

Article additionnel

Les articles 274 et 275-1 du code civil sont supprimés.

(amendement n° 14)

Art. 275-1. -  Si l'époux débiteur de la prestation compensatoire ne dispose pas de liquidités immédiates, il peut être autorisé, sous les garanties prévues à l'article 277, à constituer le capital en trois annuités.

   
 

Article 3

Retiré . . . . . . . . . . .

Article 3

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

TITRE II

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

[Division et intitulé nouveaux]

(amendement n° 15)

 

Article 4

La révision des rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions prévues aux articles 1er à 2 ter.

Article 4

... rentes viagères attribuées avant ...

... conditions fixées à l'article 276-3.

   

La substitution d'un capital aux rentes viagères attribuées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions fixées à l'article 276-4.

(amendement n° 16)

   

Article additionnel

La prestation compensatoire versée sous forme de rente temporaire lors de l'entrée en vigueur de la présente loi peut être révisée à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. Sa révision ne peut conduire à proroger sa durée initiale.

   

La prestation compensatoire peut également faire l'objet d'une demande tendant à lui substituer un capital dans les conditions prévues aux articles 275 et 276.

   

Ces actions peuvent être engagées par le débiteur ou ses héritiers.

(amendement n° 17)

   

Article additionnel

Dès l'entrée en vigueur de la présente loi, les pensions de réversion versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit des prestations compensatoires en cours de versement attribuées sous forme de rente.

(amendement n° 18)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l'article premier

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Insérer l'article suivant :

« L'article 270 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 270. -  Sauf lorsqu'il est prononcé en raison de la rupture de la vie commune, le divorce met fin au devoir de secours prévu à l'article 212 du code civil ; mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une indemnité de séparation, destinée à permettre l'adaptation de l'autre époux à la situation créée par la rupture. »

Amendement présenté par M. Gérard Gouzes :

Insérer l'article suivant :

« La deuxième phrase de l'article 270 du code civil est ainsi rédigée :

« Cependant, l'un des époux peut être tenu exceptionnellement de verser à l'autre une prestation destinée à compenser la disparité significative que la rupture du mariage crée dans les conditions de vies respectives. »

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Insérer l'article suivant :

« L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 271. -  L'indemnité de séparation est fixée en fonction des besoins du créancier d'une part, et des ressources du débiteur d'autre part, évalués au moment du prononcé du divorce.

« La consistance des patrimoines propres et communs des époux est établie par les parties ou à défaut par un notaire ou un avocat désigné d'office par le juge en application de l'article 1116 du nouveau code de procédure civile.

« Le notaire ou l'avocat désigné établit un inventaire des patrimoines des époux et dresse un projet de liquidation de la communauté.

« Si aucun accord n'est trouvé, il rend un rapport au juge sur l'état des patrimoines afin qu'il puisse être statué sur l'indemnité de séparation en connaissance de cause. »

Article premier
(art. 273 du code civil)

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère indemnitaire et forfaitaire. Elle peut être révisée ou annulée en cas de changement substantiel dans les ressources ou les situations des parties. »

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Son montant est obligatoirement chiffré en référence à un capital. Il ne peut être révisé qu'en cas de changement substantiel affectant la situation patrimoniale, les ressources, les besoins ou les conditions de vie des parties. »

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Supprimer la dernière phrase de cet article.

Après l'article premier

Amendements présentés par M. Claude Goasguen :

·  Insérer l'article suivant :

« Après l'article 273 du code civil, il est inséré un article 273-1 ainsi rédigé :

« Art 273-1. -  Le juge saisi d'une demande de révision ou d'annulation de l'indemnité de séparation prend en considération :

« - le montant total des sommes déjà versées à l'époux créancier ;

« - l'évolution de la situation matrimoniale, professionnelle, patrimoniale et financière de chacune des parties. »

·  Insérer l'article suivant :

« L'article 274 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 274. -  L'indemnité de séparation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge selon un barème indicatif prévu par décret. »

Après l'article premier ter

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Insérer l'article suivant :

« L'article 275-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 275-1. -  Le versement du capital fixé par le juge doit intervenir dans un délai d'un an à compter de la date où le jugement est devenu définitif. »

Article premier quater

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots : « ou le créancier ».

Article 2

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Rédiger ainsi cet article :

« Le juge détermine la rente compensatoire et sa durée en référence à un capital dont il définit le montant en valeur monétaire. »

Après l'article 2

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Insérer l'article suivant :

« I. -  L'article 757 A du code général des impôts est complété par la phrase suivante : "Dans ce dernier cas, l'abattement prévu à l'article 779 est doublé".

« II. -  Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Amendement présenté par M. Gérard Gouzes :

Insérer l'article suivant :

« L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins et les ressources de chacun des époux, en tenant compte de leurs situations au moment du divorce et de l'évaluation de celle-ci dans un avenir prévisible. »

Article 2 bis

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Rédiger ainsi cet article :

« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. -  Par dérogation à l'article 276-1, le versement de la rente cesse de plein droit :

« - lors du remariage du créancier, ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire ;

« - lors du décès du débiteur. »

Article 2 ter
(art. 277 du code civil)

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Compléter cet article par les mots : « ou de l'indemnité de séparation ».

Après l'article 4

Amendement présenté par M. Claude Goasguen :

Insérer l'article suivant :

« I. -  L'article 280 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 280. -  Nonobstant toute disposition contraire et quel que soit le régime matrimonial des époux, les transferts et abandons prévus au présent paragraphe ne sont pas assimilés à des donations. »

« II. -  La perte de recettes et charges supportées par l'Etat pour l'application du présent article sont compensées par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

ANNEXE

PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES À LA PRESTATION
COMPENSATOIRE DÉPOSÉES DEPUIS LE DÉBUT
DE LA XIème LÉGISLATURE

Proposition de loi relative à l'attribution
de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 156)

présentée par M. André Gerin et les membres du groupe communiste
et apparentés

Article unique

L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle peut être révisée en cas de changement imprévu et important dans les ressources ou les besoins des parties. »

*

Proposition de loi relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (n° 579) présentée par M. Pierre-André Wiltzer

Article unique

L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle pourra toutefois être révisée en fonction de changements imprévus et d'une exceptionnelle gravité intervenus dans les ressources ou les besoins des parties. »

*

Proposition de loi tendant à substituer à la prestation compensatoire
une indemnité de séparation entre époux divorcés (n° 1900)

présentée par M. Yves Nicolin

Article premier

L'article 270 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 270. -  Sauf lorsqu'il est prononcé en raison de la rupture de la vie commune, le divorce met fin au devoir de secours prévu par l'article 212 du code civil ; mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une indemnité de séparation, destinée à rétablir un équilibre rompu du fait des choix pris par les époux pendant leur mariage. »

Article 2

L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 271. -  L'indemnité de séparation est fixée en fonction des besoins du créancier, d'une part, et des ressources du débiteur, d'autre part, évalués au moment du prononcé du divorce. »

Article 3

L'article 272 du code civil est ainsi modifié :

1°  Après le quatrième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« -  leurs situations professionnelles au regard du marché du travail ; »

2°  Dans le sixième alinéa, après les mots : « droits », sont insérés les mots : « et obligations ».

Article 4

L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. -  L'indemnité de séparation a dans tous les cas un caractère forfaitaire. »

Article 5

Il est inséré, après l'article 273 du code civil, un article 273-1 ainsi rédigé :

« Art. 273-1. -  Le juge saisi d'une demande de révision ou d'annulation de l'indemnité de séparation prend en considération :

« -  le montant total des sommes déjà versées à l'époux créancier ;

« -  l'évolution de la situation matrimoniale, professionnelle, patrimoniale et financière de chacune des parties. »

Article 6

L'article 274 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 274. -  L'indemnité de séparation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »

Article 7

Dans le dernier alinéa de l'article 275 du code civil, les mots : « au versement du capital ou » sont supprimés.

Article 8

L'article 275-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 275-1. -  Le versement du capital fixé par le juge doit intervenir dans un délai d'un an à compter de la date où le jugement de divorce est devenu définitif. »

Article 9

Dans l'article 276 du code civil, les mots : « la prestation compensatoire » sont remplacés par les mots : « l'indemnité de séparation ».

Article 10

Le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« La rente est attribuée à titre temporaire pour une durée fixée par le juge qui ne peut excéder dix ans. »

Article 11

L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. -  Par dérogation à l'article 276-1, l'indemnité de séparation versée sous forme de rente cesse de plein droit :

« -  lors du remariage du créancier, ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire ;

« -  lors du décès du débiteur. »

Article 12

Dans l'article 277 du code civil, les mots : « la rente » sont remplacés par les mots : « le versement de l'indemnité de séparation fixée par le juge ».

Article 13

Le premier alinéa de l'article 278 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de demande conjointe, les époux fixent le montant et les modalités de l'indemnité de séparation dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge.

« Lorsque l'indemnité de séparation prend la forme de rente, la convention en fixe la durée, qui ne peut excéder dix ans. »

Article 14

Le deuxième alinéa de l'article 279 du code civil est supprimé.

Article 15

L'article 280 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 280. -  Nonobstant toute disposition contraire et quel que soit le régime matrimonial des époux, les transferts et abandons prévus au présent paragraphe ne sont pas assimilés à des donations. »

Article 16

Dans le premier alinéa de l'article 280-1 du code civil, les mots : « prestation compensatoire » sont remplacés par les mots : « indemnité de séparation ».

Article 17

Les pertes de recettes et charges supportées par l'Etat pour l'application de la présente loi sont compensées par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

*

Proposition de loi relative à la prestation compensatoire
en matière de divorce (n° 1989)

présentée par M. Michel Hunault

Article premier

L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. -  La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle pourra être révisée en cas de modification substantielle de la situation patrimoniale et des ressources de l'une ou l'autre des parties. »

Article 2

L'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-1. -  La rente est attribuée pour une durée limitée fixée par le juge et révisable en cas de modification notable des ressources de l'un et l'autre des conjoints.

« La rente est indexée, l'indice est déterminé comme en matière de pension alimentaire. »

Article 3

L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. -  Le décès de l'époux créancier avant l'expiration de cette durée met fin à la charge de la rente.

« A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente peut être transmise à ses héritiers après une révision dans les conditions prévues à l'article 273. »

*

Proposition de loi relative aux prestations compensatoires
en matière de divorce (n° 2098)

présentée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste
et apparentés

Article premier

Après le premier alinéa de l'article 272 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - la durée du mariage ».

Article 2

La seconde phrase de l'article 273 du code civil est ainsi rédigée :

« Toutefois, les modalités de paiement de la prestation compensatoire fixées en application de l'article 276 sont révisables en cas de changements notables de la situation du débiteur de la prestation compensatoire ».

Article 3

L'article 274 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 274. -  La prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »

Article 4

Le troisième alinéa de l'article 275 du code civil est ainsi rédigé :

« 2. Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles en propriété, en usufruit pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. »

Article 5

L'article 276 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276. -  Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par les articles 275 et 275-1, le juge fixe, dans la limite de six années, les modalités de paiement du capital sous forme de versements mensuels ou annuels indexés comme en matière de pension alimentaire. A la mort de l'époux débiteur, la charge du solde du capital passe à ses héritiers qui peuvent demander la révision des modalités de paiement dans les conditions prévues par l'article 273. Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital restant dû. ».

Article 6

L'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-1. -  Par dérogation à l'article 274, le juge peut, à titre exceptionnel, en considération de l'âge ou de l'état de santé du créancier, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère indexée comme en matière de pension alimentaire.

« La décision prenant en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272 doit être spécialement motivée ».

Article 7

L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. -  A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente viagère passe à ses héritiers sous déduction de plein droit de la pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé.

« Les héritiers du débiteur peuvent engager l'action en révision prévue à l'article 276-3. »

Article 8

Après l'article 276-2 du code civil, il est inséré un article 276-3 ainsi rédigé :

« Art. 276-3. -  La prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties ».

Article 9

Après l'article 276-3 du code civil, il est inséré un article 276-4 ainsi rédigé :

« Art. 276-4. -  Le débiteur ou le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut à tout moment saisir le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1. »

Article 10

Dans le dernier alinéa de l'article 247 du code civil, après les mots : « la modification de la pension alimentaire » sont insérés les mots : « et la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ».

Article 11

La révision des rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions fixées aux articles 7 et 8.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

- Association pour la réforme des prestations compensatoires (ARPEC)

· M. Jean MILLION-RANQUIN, président

· M. Albert PAGLIAI, vice-président

· M. Cyrille AMPRINO

- Conférence des Bâtonniers :

· Me Elisabeth FLICHY-MAIGNE, ancienne bâtonnière de Versailles

- M. Dominique COUJARD, vice-président du tribunal de grande instance de Paris en charge des affaires familiales

- Mme Françoise DEKEUWER-DÉFOSSEZ, professeur à l'Université de Lille II

- Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris :

· Me Clotilde GALY, membre du Conseil de l'ordre

· Me Françoise MOUET BARAT, membre du Conseil de l'ordre

· Me Hélène POIVEZ LECLERCQ

() Montpellier, 6 septembre 1993, juris-data n° 034715.

() Dijon, 8 mars 1990, juris-data n° 046971.

() Cass.2e civ., 6 janvier 1993, Lexilaser.

() Aux termes de l'article 578 du code civil, « l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ».


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