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le 24 mars 2000

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N° 2265

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mars 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 2217) DE M. JEAN-FRANÇOIS MATTEI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, relative à l'adoption internationale,

PAR M. JEAN-FRANÇOIS MATTEI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Famille.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gérin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Jean-Michel Marchand, Jean-François Mattei, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. - L'IMPORTANCE DE L'ADOPTION INTERNATIONALE ET LA PERSISTANCE DES DIFFICULTÉS QU'ELLE SUSCITE JUSTIFIE AUJOURD'HUI L'INTERVENTION DU LÉGISLATEUR 6

A. L'adoption internationale est en France un phénomène de grande ampleur 6

B. L'encadrement des procédures d'adoption internationale n'a pas empêché la persistance de difficultés juridiques 7

1. Des procédures d'adoption internationale encadrées par des dispositions conventionnelles et légales 8

2. Des difficultés juridiques persistantes 10

C. La proposition de loi tend à remédier aux difficultés juridiques que soulève l'adoption internationale et à conforter le statut de l'enfant 11

II. - LE JUGE DOIT EXAMINER LA SITUATION DES ENFANTS DONT LES PARENTS SE SONT DÉSINTÉRESSÉS, AFIN D'APPRÉCIER SI L'INTÉRÊT DE L'ENFANT EST D'ÊTRE DÉCLARÉ ABANDONNÉ EN VUE D'UNE ADOPTION 12

III. - LA COMPOSITION DE L'AUTORITÉ CENTRALE POUR L'ADOPTION DOIT ASSURER UNE REPRÉSENTATION DE L'ENSEMBLE DES INTERVENANTS 13

DISCUSSION GÉNÉRALE 14

EXAMEN DES ARTICLES 17

Avant l'article premier 17

Article premier (art. 353-2 du code civil) : Adoption plénière d'un enfant étranger 18

Article 2 (art. 361 du code civil) : Adoption simple d'un enfant étranger 28

Article 3 (art. 350 du code civil) : Déclaration judiciaire d'abandon 30

Article 4 (art. 350-1 du code civil) : Effets de la déclaration judiciaire d'abandon 37

Article additionnel après l'article 4 : Conseil supérieur de l'adoption 38

Article 5 (art. 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption) : Composition de l'autorité centrale pour l'adoption 39

Titre 40

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 41

TABLEAU COMPARATIF 43

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 51

MESDAMES, MESSIEURS,

La loi du 5 juillet 1996 a rendu plus simple, plus clair et plus juste le droit de l'adoption. Elle n'abordait toutefois que succinctement le sujet de l'adoption internationale car la future entrée en vigueur d'une convention internationale et l'apparente stabilisation de la jurisprudence avaient convaincu le Parlement de ne pas légiférer plus avant en introduisant une norme de conflits. L'Assemblée nationale avait voté une disposition en ce sens en première et deuxième lectures, mais ne l'avait finalement pas retenue, accédant ainsi à une demande pressante du Gouvernement. La loi du 5 juillet 1996 est ainsi demeurée incomplète, ne traitant que partiellement de l'adoption internationale, qui constitue pourtant un aspect essentiel du phénomène de l'adoption en France.

Or, quatre ans plus tard, force est de constater que les difficultés tenant à la conciliation de deux ordres juridiques distincts restent entières : quelle loi, de celle de l'adoptant ou de celle de l'adopté, appliquer ? Comment apprécier la portée du consentement donné dans le pays d'origine en vue de l'adoption de l'enfant ? Dans quelle mesure assurer la conversion d'une adoption simple prononcée dans le pays d'origine en adoption plénière et répondre ainsi au souhait légitime des parents de donner à l'enfant le statut traditionnellement considéré comme le plus protecteur parce qu'il entraîne une rupture complète et irrévocable avec la famille biologique ?

La ratification par la France de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, signée le 29 mai 1993, a permis d'apporter une réponse à ces interrogations lorsque les adoptions concernent des enfants originaires de pays contractants. Mais, en dehors de ce cadre conventionnel, et à défaut de disposition législative, c'est aux juridictions qu'incombe la charge de répondre à ces questions. Or, l'absence d'unité de la jurisprudence, à laquelle la circulaire de la garde des sceaux du 16 février 1999 sur l'adoption internationale n'est pas parvenue à remédier, est loin de donner aux adoptés et à leurs familles toute la sécurité juridique qu'elles sont pourtant en droit d'attendre.

L'intervention du législateur sur un sujet pour lequel son intérêt ne s'est jamais démenti, comme en témoigne le nombre de questions écrites adressées par les parlementaires, est donc aujourd'hui nécessaire et urgente.

Présentée par le groupe démocratie libérale et indépendants, soutenue par l'ensemble des groupes de l'opposition, la proposition de loi relative à l'adoption internationale ne saurait toutefois faire l'objet d'une approche partisane ; le rapporteur se félicite, à cet égard, de la qualité du dialogue qu'il a pu établir avec le Gouvernement à l'occasion de l'élaboration de son rapport.

La proposition de loi que l'Assemblée nationale doit aujourd'hui examiner apporte une solution aux conflits de loi que suscite aujourd'hui l'adoption internationale (I). Elle est également l'occasion de modifier les dispositions du code civil relatives à la décision judiciaire d'abandon d'enfant (II) et de faire aux représentants des organismes agréés pour l'adoption et aux associations de familles adoptives la place qui leur revient au sein de l'autorité centrale pour l'adoption instituée par l'article 56 de la loi du 5 juillet 1996 (III).

I. - L'IMPORTANCE DE L'ADOPTION INTERNATIONALE ET LA PERSISTANCE DES DIFFICULTÉS QU'ELLE SUSCITE JUSTIFIE AUJOURD'HUI L'INTERVENTION DU LÉGISLATEUR

A. L'ADOPTION INTERNATIONALE EST EN FRANCE UN PHÉNOMÈNE DE GRANDE AMPLEUR

Initiée dans les années soixante pendant lesquelles elle revêt essentiellement une dimension humanitaire, l'adoption internationale s'est depuis considérablement développée en France : en 1992, plus de 55 % des adoptions de mineurs ont été réalisés sur le fondement d'une décision ou d'un jugement prononcés à l'étranger.

Le nombre d'enfants nés à l'étranger et adoptés par des Français n'a cessé de s'accroître: 1 000 en 1979, le double en 1983 puis le triple depuis 1994. D'après les informations délivrées par la Mission internationale pour l'adoption, la décision prise par le Gouvernement français de suspendre provisoirement les procédures d'adoption entre la France et le Viêt-nam à compter d'avril 1999 a eu une faible répercussion sur le nombre total de visas délivrés en 1999, qui s'est élevé à 3 592. Au total, plus de 51 000 enfants nés à l'étranger ont été adoptés par des familles françaises depuis 1979. Près de 70 % des enfants qui font l'objet d'une adoption internationale ont moins de trois ans au moment de l'adoption, tandis que les enfants de plus de cinq ans ne représentent, en revanche, que 15 % des cas.

Par ailleurs, on constate la diversité croissante des pays d'origine : inférieur à dix en 1979, leur nombre, qui atteignait la trentaine en 1990, a connu, depuis dix ans, une brutale augmentation puisqu'on dénombre soixante-trois pays d'origine en 1999. Cette évolution tient en grande partie à l'ouverture des pays de l'Est, à la grande pauvreté de certains pays d'Afrique et d'Asie, aux importantes disparités économiques des Etats d'Amérique latine et aux politiques démographiques forcées de certains Etats. L'Asie est traditionnellement le premier continent d'origine, notamment en raison du développement, depuis 1987, des adoptions d'enfants originaires du Viêt-nam, premier pays d'origine des enfants adoptés en 1998, avec près de 1 350 visas délivrés, de même qu'en 1999, malgré la mesure de suspension provisoire des procédures d'adoption entre la France et le Viêt-nam prise en avril dernier. La part des adoptions d'enfants nés en Afrique a considérablement augmenté entre 1979 et 1993, passant de 3,5 % à 20,5 %, puis s'est stabilisée. L'Europe s'ouvre progressivement à l'adoption internationale puisque les enfants qui en sont originaires représentent 24 % des adoptés en 1999, la Roumanie se situant au troisième rang des pays d'origine, avec 302 visas délivrés en 1999. A l'inverse, après avoir fortement augmenté entre 1979 et 1986, passant de 12 % à plus de 30 %, la part relative des adoptions d'enfants originaires d'Amérique du Sud décline. La Colombie qui, à la différence du Viêt-nam, a ratifié la Convention de La Haye et a introduit dans sa législation des dispositions assimilables à celles relatives à l'adoption plénière française, demeure toutefois au deuxième rang des pays d'origine, avec 303 visas accordés en 1999.

La France se situe désormais au deuxième rang mondial pour le nombre d'enfants adoptés, nés à l'étranger, juste derrière les Etats-Unis et au premier rang si l'on rapporte le nombre des adoptions à la population. L'importance du phénomène justifiait son encadrement. Mais la législation qui a été adoptée en 1996 laisse persister des difficultés juridiques qu'il convient aujourd'hui de résoudre.

B. L'ENCADREMENT DES PROCÉDURES D'ADOPTION INTERNATIONALE N'A PAS EMPÊCHÉ LA PERSISTANCE DE DIFFICULTÉS JURIDIQUES

Parce qu'elle peut donner lieu à des pratiques condamnables, voire à l'organisation d'un véritable trafic d'enfants, exploitant la détresse économique des parents biologiques et le désir profond d'enfant qu'ont les adoptants, l'adoption internationale requiert une grande vigilance, ainsi que l'a rappelé l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dans la recommandation qu'elle a adoptée, le 26 janvier dernier, sur le respect des droits de l'enfant dans l'adoption internationale. Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, il convient, en effet, d'assurer la régularité et la transparence des procédures d'adoption internationale, mais aussi d'offrir une sécurité juridique maximale aux enfants ainsi adoptés.

1. Des procédures d'adoption internationale encadrées par des dispositions conventionnelles et légales

Les instruments conventionnels

· La Convention internationale de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale met en place un dispositif destiné à contrôler la réalisation des projets d'adoption entre les Etats contractants.

Ayant comme objectif « d'établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et dans le respect des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international » (art. 1), la convention repose sur une responsabilisation des pays d'accueil et d'origine et prévoit notamment, à cette fin, la création, dans chacun d'entre eux, d'une autorité de contrôle, dite « autorité centrale », chargée de l'ensemble des procédures visant à l'adoption. Aux termes de la convention, il revient donc à l'Etat d'origine de s'assurer que l'enfant est adoptable, que l'adoption internationale répond à son intérêt supérieur et que les consentements requis répondent aux conditions posées dans la convention : information sur les conséquences du consentement, consentement donné librement, constaté par écrit, obtenu sans contrepartie, donné après la naissance de l'enfant s'il s'agit du consentement de la mère (art. 4). Le pays d'accueil doit, pour sa part, s'assurer que les futurs parents adoptifs remplissent toutes les conditions juridiques pour adopter, qu'ils ont été entourés des conseils nécessaires et que l'enfant est autorisé à entrer et séjourner de façon permanente sur son sol (art. 5). La convention impose aux parents qui désirent adopter un enfant de s'adresser à l'autorité centrale de l'Etat de leur résidence habituelle et interdit, par là même, les démarches directes des adoptants auprès des autorités compétentes de l'Etat d'origine de l'enfant (art. 14). Les fonctions conférées à l'autorité centrale peuvent cependant être déléguées à des autorités publiques ou des organismes agréés (art. 22), à condition qu'ils remplissent les conditions fixées dans la convention (art. 10 et 11) (1).

En France, l'autorité centrale, créée par le décret n° 98-863 du 23 septembre 1998, est placée auprès du Premier ministre et composée de représentants des ministères des affaires étrangères, de l'emploi et de la solidarité et de la justice ainsi que de représentants des conseils généraux. Son secrétariat général est assuré par la Mission de l'adoption internationale. Le traitement des demandes d'adoption relève de la compétence de la Mission de l'adoption internationale ou des organismes autorisés pour l'adoption qui sont spécialement habilités pour l'adoption internationale, cette procédure s'imposant à toutes les procédures d'adoption d'enfant né dans un pays d'origine ayant ratifié la convention.

La Convention de La Haye s'efforce, en outre, de concilier les différentes législations en présence : les adoptants doivent respecter les conditions imposées aux adoptants par la législation du pays d'origine de l'enfant, les décisions d'adoptions prononcées sont reconnues de plein droit et les adoptions simples peuvent, sous certaines conditions, être converties en adoptions plénières (cf. examen de l'art. premier).

· Pour les Etats d'origine qui n'ont pas ratifié la Convention de La Haye, des conventions bilatérales peuvent également intervenir pour réglementer les procédures d'adoption internationale.

Ainsi, à la suite de la suspension, par la France, le 29 avril 1999, des procédures d'adoption engagées au Viêt-nam, compte tenu des soupçons pesant sur les conditions de régularité de nombreuses adoptions, une convention relative à la coopération en matière d'adoption a été signée le 1er février dernier entre la France et le Viêt-nam, qui ne pourra entrer en vigueur qu'une fois que le Parlement aura autorisé sa ratification. Afin d'assurer la transparence et la sécurité juridique des adoptions réalisées entre ces deux pays, la convention prévoit un système proche de celui défini dans la Convention de La Haye, avec la mise en place dans chacun des Etats d'une autorité centrale chargée de garantir la régularité des adoptions et la définition des compétences respectives de l'Etat d'origine et de l'Etat d'accueil en la matière. L'accord prévoit également la possibilité pour les juridictions françaises de prononcer des décisions d'adoption conformément à notre législation.

Les dispositions légales

Plusieurs dispositifs légaux encadrent la procédure d'adoption internationale afin de contrôler la capacité adoptive des parents et la transparence des démarches qu'ils entreprennent.

Conformément à l'article 100-3 du code de la famille, les adoptants doivent obtenir un agrément délivré par le président du conseil général, qui atteste leur capacité adoptive, la demande d'agrément étant instruite par le service d'aide sociale à l'enfance, chargé de procéder à une enquête sociale et à des investigations psychologiques.

La procédure d'adoption internationale peut donner lieu à une démarche individuelle des adoptants qui font parvenir directement aux autorités locales compétentes leur dossier de demandes d'adoption. Les démarches individuelles, représentent, d'après les informations fournies par la Mission de l'adoption internationale, 65 % des adoptions internationales réalisées depuis 1994. Tout en maintenant la possibilité de ces démarches individuelles, la circulaire de la garde des sceaux du 16 février 1999 généralise l'application du principe, introduit dans le code civil en 1966 et repris dans la Convention de La Haye du 29 mai 1993, selon lequel un enfant de moins de deux ans ne peut être recueilli directement dans sa famille biologique par les adoptants. Il s'agit ainsi d'éviter le développement de pratiques contestables par des intermédiaires peu scrupuleux.

Le recours à des intermédiaires est également encadré. En effet, les articles 100-1 et 100-2 du code de la famille et de l'aide sociale précise que toute personne physique ou toute personne morale de droit privé, qui sert d'intermédiaire pour l'adoption ou le placement en vue de l'adoption de mineurs de quinze ans, doit avoir obtenu une autorisation préalable d'exercer cette activité auprès du président du conseil général, ainsi qu'une habilitation du ministère des affaires étrangères, lorsque l'activité de l'organisme concerne les adoptions internationales. Le non-respect de ces dispositions est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.

Ces dispositifs sont toutefois insuffisants ; il subsiste en matière d'adoption internationale un certain nombre de difficultés qu'il convient de résoudre.

2. Des difficultés juridiques persistantes

Elles tiennent, pour une large part, à la difficulté de concilier la législation française qui connaît deux types d'adoption, simple et plénière, avec de nombreuses législations étrangères qui ignorent cette distinction. Lorsque la décision d'adoption a été prononcée à l'étranger, le principe de l'efficacité de plein droit des décisions étrangères rendues en matière d'adoption ne permet pas cependant de définir sa portée. De la même manière, lorsque la décision d'adoption doit être prononcée en France, il convient de déterminer le type d'adoption que le tribunal doit prononcer. Une adoption plénière peut-elle être prononcée à l'égard d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas ce type d'adoption ou qui même ignore ou prohibe l'adoption ? Force est de reconnaître que, dès que l'on sort du champ d'application des différentes conventions internationales intervenues en la matière, les réponses à ces questions essentielles pour le devenir de l'enfant et de sa famille adoptive ne sont malheureusement pas claires, les inconvénients d'une absence de disposition législative sur ce point n'étant pas compensés par une stabilisation de la jurisprudence : comme le souligne la circulaire de la garde des sceaux du 16 février 1999, « la jurisprudence actuelle souffre d'une absence d'unité. Cette situation conduit à une inégalité de traitement des dossiers individuels qui est la source d'une insécurité juridique particulièrement regrettable dans un domaine où toute décision est lourde de conséquences ».

Les contacts pris par le rapporteur auprès des associations de parents adoptifs et des organismes agréés pour l'adoption, mais aussi sa propre expérience, lui ont permis de mesurer le désarroi des familles. En effet, il arrive que les adoptions d'enfants originaires du même pays et prononcées dans des conditions similaires ne donnent pas lieu, d'une juridiction à l'autre, aux mêmes jugements. De même, on ne peut rester indifférent aux difficultés que peut rencontrer une famille composée de plusieurs enfants adoptés et auxquels les juridictions, au gré de leurs propres hésitations, ont attribué des statuts différents. La présente proposition vise à remédier à ces difficultés.

C. LA PROPOSITION DE LOI TEND À REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS JURIDIQUES QUE SOULÈVE L'ADOPTION INTERNATIONALE ET À CONFORTER LE STATUT DE L'ENFANT

La proposition de loi tend à insérer dans un nouvel article 353-2 du code civil, des dispositions relatives à l'adoption internationale, applicables aux adoptions plénières comme aux adoptions simples (art. premier et 2 de la proposition).

Elles visent tout d'abord à assurer la sécurité juridique des adoptés en posant des normes de conflits de lois : l'article premier confirme ainsi la reconnaissance de plein droit des décisions d'adoption régulièrement prononcées à l'étranger, qui doivent produire les effets prévus par la loi française non seulement lorsque l'adoptant est français, mais également lorsqu'il réside habituellement en France. Il autorise la conversion des adoptions simples en adoptions plénières, dès lors que le consentement requis pour l'adoption a été donné en ce sens. Enfin, il précise les règles applicables en l'absence de législation relative à l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant.

La proposition de loi renforce également la qualité du consentement requis pour le prononcé de l'adoption, en s'inspirant des dispositions de la Convention de La Haye qui doit, le rapporteur en est persuadé, devenir la norme en matière d'adoption internationale. Il s'agit, par là même, d'éviter le développement de pratiques contestables, préjudiciables à l'intérêt de l'enfant.

C'est également le souci de servir au mieux cet intérêt qui justifie la modification des dispositions relatives à la déclaration judiciaire d'abandon d'enfant.

II. - LE JUGE DOIT EXAMINER LA SITUATION DES ENFANTS DONT LES PARENTS SE SONT DÉSINTÉRESSÉS, AFIN D'APPRÉCIER SI L'INTÉRÊT DE L'ENFANT EST D'ÊTRE DÉCLARÉ ABANDONNÉ EN VUE D'UNE ADOPTION

La déclaration judiciaire d'abandon, organisé par l'article 350 du code civil, est sans doute le point le plus sensible, car le plus douloureux, de la procédure d'adoption. A quel moment et selon quelles modalités doit-on transformer un abandon de fait, qu'on veut espérer réversible, en un abandon de droit qui, en rendant l'enfant adoptable, lui donne une chance de trouver une nouvelle famille en mesure de le protéger et de l'éduquer ?

L'article 350 vise, en effet, le cas des enfants pour lesquels un consentement formel à l'adoption n'a pas été donné ou qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pour être admis en qualité de pupille de l'Etat, donc qui ne sont pas adoptables : c'est pourquoi, on parle souvent, à propos de cette catégorie d'enfants, d'enfants « oubliés ». Cet article trouve sa place dans une proposition de loi relative à l'adoption internationale, dans la mesure où la déclaration judiciaire d'abandon peut concerner un enfant étranger, recueilli sur le sol français, qu'il soit né en France ou à l'étranger, dont l'adoption sera ensuite prononcée en France : il s'agit alors d'une adoption dans laquelle existe un élément international, ce qui correspond à la définition de l'adoption internationale.

Les adoptants potentiels et les organismes agréés pour l'adoption, voire les services de l'aide sociale à l'enfance, considèrent que les juges se montrent souvent trop exigeants pour déclarer l'enfant abandonné ; or cette conception restrictive de la notion d'abandon a pour conséquence de priver ces enfants d'un véritable foyer : n'étant pas juridiquement adoptables, ils sont, de fait, ballottés d'institutions en familles nourricières, ou finissent par être déclarés abandonnés à un âge avancé. D'un autre côté, selon le point de vue exprimé notamment par ATD-Quart Monde, des parents en situation d'exclusion (grandes difficultés économiques, maladie, incarcération...) peuvent ne pas être en mesure de s'occuper de leurs enfants, qui sont alors placés. Cette situation ne doit pas être analysée systématiquement comme une preuve de désintérêt manifeste, conduisant le tribunal à déclarer les enfants abandonnés à l'expiration d'un délai d'un an, car l'intérêt de l'enfant peut être de reprendre une vie familiale normale avec ses parents une fois leurs difficultés aplanies. Quoi qu'il en soit, la déclaration judiciaire d'abandon n'est en aucun cas une sanction du comportement des parents mais une décision prise dans l'intérêt de l'enfant.

Face à ce conflit d'intérêts, il est indispensable que le juge ait une marge d'appréciation afin qu'il puisse évaluer, au cas par cas, si l'intérêt de l'enfant justifie l'acceptation ou le rejet de la requête en déclaration d'abandon, alors même que les conditions juridiques sont remplies. Tel est l'objet de l'article 3 de la proposition de loi, qui donne une nouvelle rédaction à l'article 350 du code civil pour restituer une possibilité d'appréciation au juge, afin de replacer l'intérêt de l'enfant au centre de la décision.

Par ailleurs, afin qu'on ne puisse plus parler d'enfants oubliés, il est proposé que le particulier, l'établissement ou le service d'aide sociale auquel un enfant est confié depuis quatre ans, dans le cadre soit d'une mesure d'assistance éducative ordonnée par le juge des enfants, soit d'une tutelle déférée au service de l'aide sociale à l'enfance par le juge des tutelles, transmette une demande de déclaration judiciaire d'abandon. C'est la garantie que la situation de l'enfant sera examinée, le juge appréciant souverainement s'il y a lieu, ou non, dans l'intérêt de l'enfant, de prononcer l'abandon. En pratique, le délai de quatre ans correspond à l'échéance du renouvellement de la mesure éducative exercée par un établissement ou un service de l'ASE sur décision du juge.

Enfin, l'article 4 de la proposition précise que, une fois l'abandon déclaré, le consentement à l'adoption doit être donné par le conseil de famille. En effet, la déclaration d'abandon rend l'enfant adoptable mais ne vaut pas adoption.

III. - LA COMPOSITION DE L'AUTORITÉ CENTRALE POUR L'ADOPTION DOIT ASSURER UNE REPRÉSENTATION DE L'ENSEMBLE DES INTERVENANTS

L'article 5 de la proposition de loi tend à élargir la composition de l'autorité centrale pour l'adoption, dans laquelle siègent déjà des représentants de l'Etat et des conseils généraux, et qui a un rôle de contrôle, d'orientation et de décision dans la politique conduite en matière d'adoption internationale. Il est proposé d'y adjoindre des représentants des organismes agréés pour l'adoption ainsi que des représentants des associations de familles adoptives ayant voix consultative.

Cette proposition repose sur un double constat. Certaines des fonctions dévolues à l'autorité centrale par la Convention de La Haye sont exercées conjointement par la mission de l'adoption internationale, qui assure le secrétariat permanent de l'autorité centrale, et par les organismes agréés pour l'adoption. Les associations de parents adoptifs entretiennent un dialogue régulier avec les pouvoirs publics français, les autorités étrangères et les organismes intermédiaires locaux afin de mieux informer leurs adhérents ; leur rôle en matière de diffusion de l'éthique de l'adoption est fondamental.

Tous les intervenants dans le domaine de l'adoption doivent donc être associés aux décisions prises par l'autorité centrale pour l'adoption, ce qui correspond d'ailleurs à une évolution générale tendant à associer les représentants des usagers aux décisions des pouvoirs publics. Ce travail en commun devrait, en outre, permettre de prévenir les incompréhensions que peuvent parfois susciter les décisions des pouvoirs publics.

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* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Mme Véronique Neiertz a rappelé que la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption avait été adoptée dans un esprit de rassemblement autour de la défense de l'intérêt de l'enfant, observant cependant que le problème du conflit des lois spécifique à l'adoption internationale, même s'il avait été pressenti, n'avait pas été résolu. Elle a souligné qu'une solution ne pouvait être trouvée que par la voie législative, car ni la Convention de La Haye ratifiée par la France le 5 avril 1995, ni la circulaire de la ministre de la justice du 16 février 1999, ni le Conseil supérieur de l'adoption n'avaient pu régler les problèmes rencontrés lorsque les enfants adoptés viennent de pays n'ayant pas ratifié la convention et qui, pour certains, ne la ratifieront jamais.

Considérant que la proposition de loi était utile et nécessaire, M. Gérard Gouzes a cependant regretté que les délais d'examen soient d'une telle brièveté qu'ils ne permettent pas à la Commission de procéder à des auditions. Rappelant que la loi de 1996 ne réglait pas les problèmes posés par l'adoption internationale et que les règles de conflit de lois ont été établis au fil des années par la Cour de cassation sur le fondement de l'article 3 du code civil, il a indiqué que la grande question était de décider quelle place respective devait être faite à la loi des adoptants et à celle de l'adopté, surtout lorsque la loi de l'adopté ignore ou interdit la filiation adoptive. Faisant état d'une étude du professeur Françoise Monéger, il a jugé indispensable d'énoncer une règle de conflits de loi en matière d'adoption internationale, tout en estimant qu'il convenait d'agir avec la plus grande prudence pour ne pas donner le sentiment aux pays dont les enfants sont originaires que la loi française est impérialiste et que leur loi est écartée. Il a, en outre, estimé que la volonté d'apporter des solutions aux personnes vivant des situations douloureuses à l'occasion d'une adoption internationale ne devait pas, à l'inverse du but recherché, placer les enfants dans des situations juridiques inextricables. Enfin, il a souhaité que la proposition règle la situation des enfants sans droits, dont certains sont pourtant rentrés sur notre territoire avec un visa.

M. Jean-Pierre Michel a constaté avec satisfaction que c'était, à l'initiative de députés, que l'Assemblée nationale était saisie d'un sujet très important, prolongeant la réforme de 1996, également d'origine parlementaire, et a estimé que l'impossibilité d'entendre des experts, compte tenu des délais d'examen, ne nuisait en rien à l'examen de cette proposition. Rappelant que le Parlement était resté très hésitant, en 1996, sur l'opportunité d'introduire dans le code civil une règle de conflits de loi en matière d'adoption internationale, il a jugé indispensable de respecter la législation des pays d'origine, y compris quand ils ne reconnaissent pas l'adoption.

Observant que les délais d'examen de la proposition étaient particulièrement brefs pour un sujet de cette importance, Mme Catherine Tasca, présidente, a indiqué qu'elle avait suggéré aux présidents de groupes, en conférence des présidents, que le choix des propositions inscrites à l'ordre du jour mensuel arrêté par l'Assemblée puisse être fait suffisamment en amont de l'examen par les commissions, pour permettre à celles-ci de mener un travail sérieux sur des textes présentant un réel intérêt. Par ailleurs, tout en insistant sur la nécessité d'apporter une réponse à des situations inacceptables, elle a jugé indispensable que les formulations juridiques retenues soient très solides, précisant que ce souci de sécurité juridique était partagé par les associations de parents adoptifs qu'elle a reçues.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  L'adoption est un sujet qui rassemble et, comme en 1996, il est heureux que cette proposition soit examinée dans un climat non partisan et dans un esprit d'ouverture, propices à l'adoption d'un texte.

-  Les avis des professeurs d'université ne sont pas toujours définitifs : ainsi Mme Rubellin-Devichi qui, lors de son audition en 1996 par la commission spéciale chargée d'examiner la réforme de l'adoption, s'était déclarée farouchement hostile à l'introduction d'une règle de conflits de loi dans le code civil, y est désormais favorable.

-  L'adoption est un sujet qui marie le c_ur et la raison : l'amour qui ne veut connaître ni frontière, ni limite, ni carcan juridique ; la raison qui ne peut ignorer les communautés nationales et leurs règles propres.

-  Les délais d'examen de la proposition de loi ne sont pas aussi courts qu'ils le paraissent : nombreux sont les parlementaires qui s'intéressent de longue date à la question de l'adoption, se sont penchés sur la circulaire du 16 février 1999, ont reçu des familles en difficulté ou encore ont posé des questions à la ministre de la justice, et jouent donc leur rôle de législateur en examinant cette proposition de nature à résoudre les difficultés observées.

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EXAMEN DES ARTICLES

La proposition de loi comprend cinq articles : les articles premier et 2 portent sur l'adoption internationale ; les articles 3 et 4 concernent les déclarations judiciaires d'abandon d'enfant tandis que le dernier article modifie la composition de l'autorité centrale pour l'adoption instituée par l'article 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption.

Avant l'article premier

La Commission a été saisie d'un amendement tendant à préciser que l'adoption peut être demandée par deux personnes vivant ensemble, présenté par M. Jean-Pierre Michel qui a rappelé qu'il avait déposé un amendement identique en 1996, lors de la discussion de la proposition de loi relative à l'adoption. Jugeant qu'il convenait désormais de prendre systématiquement en compte la situation des couples non mariés, il a, d'ailleurs, fait état d'un amendement au projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes faisant référence aux personnes liées par un PACS.

M. Jean-Antoine Léonetti a précisé que son groupe voterait contre cet amendement, rappelant que, lors des débats parlementaires sur le PACS, le Gouvernement avait donné l'assurance que la question de l'adoption d'un enfant par deux personnes liées par un PACS ne serait pas abordée à l'occasion de l'examen d'un autre texte. Mme Véronique Neiertz a rappelé qu'en 1996, elle avait déposé un amendement similaire pour permettre aux couples non mariés d'accéder à l'adoption, qui n'avait pas été retenu par la majorité de l'époque. Précisant qu'elle s'était interrogée sur l'opportunité de redéposer cet amendement, elle a considéré que l'adoption de la loi relative au PACS ne permettait plus d'appréhender cette question de la même façon et a donc demandé à M. Jean-Pierre Michel de retirer son amendement. Tout en reconnaissant que cet amendement soulevait une question importante, M. Gérard Gouzes a estimé que celle-ci pouvait difficilement être réglée dans le cadre de la proposition de loi relative à l'adoption internationale, sous peine d'empêcher tout consensus sur ce texte. Il a, par conséquent, souhaité le retrait de cet amendement. M. Jean-François Mattei ayant exprimé une position identique, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement de conséquence présenté par M. Jean-Pierre Michel visant à supprimer le premier alinéa de l'article 346 du code civil.

Puis la Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Jacques Floch tendant à compléter le titre VIII du livre Ier du code civil par un chapitre III, consacré à l'adoption internationale. Son auteur a précisé qu'il s'agissait d'assurer une meilleure lisibilité des dispositions relatives à l'adoption internationale en les regroupant dans un même chapitre. Le rapporteur a fait part de ses réserves sur cet amendement, exprimant la crainte qu'il ne soit interprété comme la volonté d'établir une discrimination à l'égard des enfants faisant l'objet d'une adoption internationale, alors que le droit français ne fait aucune distinction de cet ordre, comme le montre l'article 353-1 du code civil, introduit en 1996, qui met sur le même plan l'adoption d'un pupille de l'Etat et celle d'un enfant étranger lorsque celui-ci n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant. Il a, en outre, jugé plus conforme à l'architecture du code civil de placer les normes de conflit de lois dans le chapitre consacré à d'adoption plénière, dès lors que l'article 361 du code civil, relatif à l'adoption simple, renvoie aux articles consacrés à l'adoption plénière sur de nombreux points.

A l'inverse, M. Gérard Gouzes a estimé préférable de faire figurer dans un chapitre distinct les normes de conflit de lois en matière d'adoption internationale, soulignant que cette mesure de clarification serait sans conséquence sur la nature de l'adoption dont l'enfant étranger pourrait faire l'objet. Rappelant que ce débat avait déjà eu lieu lors de la discussion de la proposition relative à l'adoption en 1996, Mme Véronique Neiertz a considéré que, malgré ses avantages juridiques, l'amendement présenté par M. Jacques Floch semblait symboliquement faire une place à part aux enfants concernés par une adoption internationale. Mme Catherine Tasca, présidente, ayant fait observer qu'il ne semblait pas justifié, après deux chapitres consacrés à l'adoption plénière et à l'adoption simple, de créer, sur le même plan, un chapitre consacré à l'adoption internationale, alors que, pour l'essentiel, elle obéissait aux règles définies dans les deux chapitres précédents, M. Jacques Floch a proposé de rectifier son amendement pour intituler le chapitre III « Des dispositions spécifiques à l'adoption internationale ». M. Jean-Pierre Michel a souligné que la notion juridique d'adoption internationale n'existait pas, le droit français ne connaissant que les adoptions simple et plénière. La Commission a rejeté cet amendement.

Article premier

(art. 353-2 du code civil)

Adoption plénière d'un enfant étranger

Aucune disposition légale ne précise aujourd'hui les règles applicables aux conflits qui surviennent en matière d'adoption internationale entre la loi de l'enfant adopté et celle de l'adoptant. Des solutions sont toutefois apportées par des dispositions conventionnelles, ainsi que par la jurisprudence judiciaire.

La Convention de La Haye du 29 mai 1993

Entrée en vigueur à l'égard de la France depuis le 1er octobre 1998, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, signée le 29 mai 1993, assure la régularité des procédures d'adoption et la cohérence internationale du statut de l'adopté.

En effet, elle prévoit une reconnaissance de plein droit, dans tous les Etats contractants, des décisions d'adoption certifiées conformes à la convention par les autorités compétentes des Etats contractants (art. 23.1), la reconnaissance d'une adoption ne pouvant être refusée dans un Etat contractant « que si l'adoption est manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant » (art. 24). Cette reconnaissance implique la reconnaissance du lien de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs, de leur responsabilité parentale et de la rupture éventuelle du lien de filiation biologique « si l'adoption produit cet effet dans l'Etat contractant où elle a lieu » (art. 26.1), la rupture du lien de filiation biologique ainsi consacrée devant alors être reconnue dans tous les Etats contractants. Cependant, une adoption faite dans l'Etat d'origine, qui n'a pas pour effet de rompre le lien de filiation biologique « peut (...) être convertie en une adoption produisant cet effet » si le droit de l'Etat d'accueil le permet et si les consentements requis (2) pour l'adoption ont été donnés à cet effet (art. 27). A ces conditions, aux termes des dispositions de la Convention de La Haye, les adoptions peuvent donc être assimilées à des adoptions plénières au sens du droit français.

Lorsque les adoptions d'enfants étrangers ne sont pas prononcées dans le cadre de la Convention de La Haye, ce sont les règles de conflits de lois, telles qu'elles sont définies par la jurisprudence judiciaire, qui s'imposent.

Les solutions jurisprudentielles

Lorsque l'adoption de l'enfant étranger est prononcée en France, conformément à la solution dégagée par la Cour de cassation dans l'arrêt Torlet (Civ.1ère, 7 novembre 1984), il est admis que « les conditions comme les effets de l'adoption sont régis, lorsque l'adoption est demandée par une seule personne, par la loi nationale de celle-ci, la loi de l'enfant devant seulement déterminer les conditions du consentement ou de la représentation de l'adopté ». S'il s'agit d'un couple d'adoptants, les conditions et les effets de l'adoption sont déterminés en fonction de leur loi nationale commune (Civ.1ère, 12 novembre 1986) ou, à défaut de nationalité commune, par la loi de leur domicile commun. Il incombe au juge de vérifier la portée du consentement donné par l'adopté ou son représentant, notamment lorsqu'il doit statuer sur une demande d'adoption plénière, le consentement devant, dans ce cas, avoir été donné en vue d'une adoption emportant rupture complète des liens antérieurs de l'enfant et création d'une filiation adoptive irrévocable.

Si l'adoption de l'enfant étranger a été prononcée dans son pays d'origine au profit d'un adoptant français, la jurisprudence française admet la reconnaissance de plein droit de la décision étrangère d'adoption tant que sa régularité internationale n'a pas été contestée. Celle-ci peut être examinée à plusieurs occasions :

- Tout d'abord, le parquet - en l'espèce le procureur de la République de Nantes (3)- examine l'opposabilité de la décision étrangère d'adoption, lorsque les parents adoptifs lui demandent la mention ou la transcription de la décision étrangère sur les registres de l'état civil. Il revient alors au procureur de la République d'en vérifier la régularité internationale et d'examiner la portée susceptible de lui être reconnue au regard des deux sortes d'adoption prévues par le droit français. Ne sont ainsi assimilées à notre adoption plénière que les décisions prononcées en application d'une loi étrangère prévoyant que l'adoption entraîne une rupture complète et irrévocable des liens antérieurs de l'enfant avec sa famille biologique ou ses autorités de tutelle. Si le jugement étranger est assimilable à une adoption plénière de droit français, le parquet ordonne alors sa transcription sur les registres du service central d'état civil, la transcription tenant lieu d'acte de naissance à l'enfant. Cependant, comme le précise l'instruction générale relative à l'état civil, « il ne saurait être question de demander au magistrat du parquet de se livrer à des examens approfondis relevant de l'office du juge ». Si la régularité de la décision étrangère ne lui paraît pas certaine, la partie requérante est alors invitée à engager une procédure d'exequatur ;

- L'action en exequatur, présentée devant le tribunal de grande instance (4), permet de rendre juridiquement incontestable l'adoption prononcée à l'étranger, en lui conférant l'autorité de la chose jugée en France ; elle donne, en outre, aux parents adoptifs la possibilité de produire un jugement français susceptible de dissiper la méfiance que peut, dans les démarches de la vie courante, susciter la présentation d'une décision étrangère. Cette procédure permet également de déterminer la nature et les effets du jugement d'adoption prononcé à l'étranger. Si celui-ci emporte une rupture complète des liens antérieurs de l'enfant et l'irrévocabilité de la filiation adoptive, l'adoption qu'il prononce est alors assimilée à une adoption plénière française.

Cependant, dans de nombreux cas, l'adoption prononcée dans le pays d'origine de l'enfant ne peut être assimilée qu'à une adoption simple. Il arrive alors fréquemment que, à l'issue du délai de recueil de six mois prévu par l'article 345 du code civil, les adoptants entament en France une procédure d'adoption plénière de l'enfant. La jurisprudence a admis cette pratique : le jugement d'adoption rendu dans le pays d'origine de l'adopté est considéré créer un lien de parenté entre l'adoptant et l'adopté permettant de contourner l'interdiction de recueil direct d'un enfant de moins de deux ans, posée dans l'article 348-5 du code civil ; il permet également d'établir le consentement à l'adoption des parents ou du tuteur légal. L'adoption plénière de l'enfant étranger ne saurait toutefois être prononcée que si le consentement donné par l'adopté ou son représentant légal l'a été en pleine connaissance des effets qu'attache la loi française à ce type d'adoption.

Selon la circulaire de la garde des sceaux du 16 février 1999 sur l'adoption internationale, quarante-six pays ont aujourd'hui une législation prévoyant une adoption assimilable à l'adoption plénière française, qu'il s'agisse soit d'adoptions emportant rupture complète des liens antérieurs de l'enfant et création d'un lien de filiation adoptive irrévocable, soit d'adoptions « prononcées, dans le cadre de la coopération instituée par la convention de La Haye de 1993, en application d`une loi étrangère qui prévoit une adoption normalement assimilable à une adoption simple du droit français, mais auxquels les effets de l'adoption plénière doivent être reconnus en France conformément aux termes de l'article 26-2 de cette convention ».

Les solutions conventionnelles et jurisprudentielles applicables à l'adoption internationale ne sont pas pour autant satisfaisantes.

Tout d'abord, force est de constater que, si elle fait l'objet d'un large mouvement de ratification, la Convention de La Haye n'est appliquée que par 23 pays d'origine et 12 pays d'accueil et ne concerne pas les pays dont les législations ignorent ou prohibent l'adoption (5). Les dispositions de la convention ne sauraient donc permettre de résoudre tous les conflits de lois qui naissent en matière d'adoption internationale.

La jurisprudence judiciaire en matière d'adoption internationale est loin d'être unifiée, comme l'admet la circulaire de la garde des sceaux du 16 février 1999. Les atermoiements des juridictions sur la question de l'adoption d'un enfant dont la loi d'origine prohibe cette procédure sont particulièrement significatifs : dans l'arrêt Fanthou du 10 mai 1995, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a estimé que « deux époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas ou prohibe cette institution, à la condition qu'indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de sa famille d'origine ». Après différents arrêts dans lesquels les juridictions du fond ont appliqué cette jurisprudence, la Cour de cassation, tout en réaffirmant la solution dégagée deux ans auparavant, a cassé une décision ayant prononcé l'adoption plénière en affirmant que « l'autorité publique étrangère, représentant légal du mineur, n'avait pas le pouvoir de consentir à une telle adoption » (civ.1ère, 1er juillet 1997). Suscitant de nombreuses interrogations, cette jurisprudence a contribué à obscurcir la lisibilité des solutions qu'entendent appliquer les juridictions en matière d'adoption internationale.

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Afin d'assurer une plus grande sécurité juridique aux adoptés comme aux familles d'adoptants, le présent article inscrit dans un nouvel article 353-2 du code civil des règles de solution des conflits de lois en matière d'adoption internationale. Ces dispositions sont insérées dans la section du code civil consacrée au placement en vue de l'adoption plénière et au jugement d'adoption plénière ; elles sont donc applicables à cette forme d'adoption. Mais elles concernent également les adoptions simples d'enfants étrangers, par le jeu d'un renvoi de l'article 361 du code civil à l'article 353-2 (cf. art. 2).

Par coordination avec son vote sur l'amendement présenté avant l'article 1er, la Commission a rejeté un amendement de M. Jacques Floch tendant à faire figurer les dispositions relatives à l'adoption internationale dans un article 370-3 du code civil, inscrit dans le chapitre III dont la création avait été proposée.

_  Dans la rédaction que lui donne l'article 1er de la proposition de loi, le premier alinéa de l'article 353-2 du code civil précise que les jugements d'adoption prononcés dans le pays d'origine de l'adopté produisent les effets qu'attachent la loi française aux jugements d'adoption. Il pose ainsi le principe de la reconnaissance de plein droit des jugements d'adoption prononcés à l'étranger. L'affirmation de ce principe est conforme à une jurisprudence constante et ancienne, en vertu de laquelle les jugements étrangers relatifs à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets indépendamment de toute décision d'exequatur (Cass. 3 mars 1930, généralisant le principe posé dans l'arrêt Bulkley du 28 février 1860).

La décision étrangère d'adoption produira les effets prévus par la loi française à deux conditions :

- D'une part, le jugement d'adoption doit avoir été « régulièrement » prononcé, c'est à dire qu'il doit satisfaire aux différents critères dégagés par la jurisprudence pour attester de la régularité internationale d'un jugement étranger (6) ; la décision doit avoir été rendue par l'autorité compétente et en application de la loi compétente ; elle doit, en outre, être conforme à l'ordre public français et ne pas avoir été obtenue à la suite d'une fraude à la loi.

- D'autre part, l'adoptant doit être de nationalité française ou résider habituellement en France. L'adoption est aujourd'hui ouverte aux étrangers sans restriction. La nationalité des demandeurs ne peut donc pas être un motif de retrait ou de refus d'agrément, même si leur loi nationale ne reconnaît pas l'adoption. En effet, aux termes du décret du 23 août 1985, les services de l'aide sociale ne peuvent se fonder que sur une appréciation des « conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur le plan familial, éducatif et psychologique », le Conseil d'Etat ayant considéré, dans un arrêt du 5 juin 1996, que seul le tribunal de grande instance peut vérifier si les conditions de la loi sont réunies et apprécier le droit d'adopter, au regard de la nationalité du ou des demandeurs. Face à l'espoir que fait naître la perspective d'une adoption, il paraît opportun au rapporteur de mettre fin à des situations douloureuses où des parents, ayant obtenu l'agrément des autorités administratives, se voient ensuite refuser le prononcé de l'adoption, le juge faisant application de la loi nationale commune aux adoptants. On relèvera en outre que la notion de résidence habituelle figure dans la Convention de La Haye qui s'applique dès lors que les candidats ont leur résidence habituelle dans l'Etat d'accueil, quelle que soit leur nationalité.

Les dispositions du premier alinéa relèvent de la même logique que celle que fait prévaloir le parquet, lorsqu'il doit examiner les effets d'une décision étrangère d'adoption en vue de sa mention ou de sa transcription sur les registres d'état civil : les effets produits par le jugement d'adoption prononcé à l'étranger varieront selon qu'il a la portée d'une adoption plénière ou simple en droit français. Conformément à la jurisprudence, il sera assimilé à une adoption plénière s'il emporte une rupture complète et irrévocables des liens antérieurs de l'enfant avec sa famille biologique ou ses autorités de tutelle.

Si la décision étrangère donne lieu à une adoption assimilable à l'adoption plénière, l'enfant cesse alors, conformément aux dispositions du code civil, d'appartenir à sa famille par le sang, acquiert dans la famille de l'adoptant les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant légitime. En outre, conformément à l'article 20 du code civil, l'enfant né à l'étranger, adopté sous la forme plénière par des parents dont l'un au moins est français est réputé avoir été français dès sa naissance. Cependant, si un seul de ses parents est français, il aura la faculté de répudier la qualité de français dans les six mois précédant sa majorité et dans les douze mois la suivant (art. 18-1 du code civil).

Si le jugement prononcé à l'étranger concerne une adoption assimilable à une adoption simple, l'adopté dispose des mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime dans sa famille adoptive, est sous l'autorité parentale de l'adoptant et voit le nom de celui-ci être ajouté au sien ou lui être substitué si les requérants en font la demande au tribunal. Cependant, l'adopté conserve dans sa famille biologique tous ses droits ; l'adoption simple est, de surcroît, révocable et ne confère pas la nationalité française de plein droit à l'adopté : lorsque l'adoption simple a été prononcée à l'étranger, l'adoptant de nationalité française peut, après avoir obtenu l'exequatur de la décision étrangère, faire, au nom de l'enfant et pendant sa minorité, une déclaration de réclamation de la nationalité française.

La Commission a adopté un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à préciser que les effets produits par l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté sont ceux qu'attache la loi française aux adoptions simples et plénières, après que le rapporteur se fut interrogé sur l'utilité de cette précision, dès lors que notre droit ne connaît que ces deux formes d'adoption.

_ Le deuxième alinéa de l'article 353-2 envisage le prononcé en France de l'adoption d'un mineur né dans un pays ou un territoire ne relevant pas des dispositions du code civil, soit que la procédure d'adoption internationale prévoie ce prononcé dans le pays d'accueil, soit que l'enfant ait déjà fait l'objet d'une décision d'adoption dans son pays d'origine mais que ses parents adoptifs aient engagé une nouvelle procédure afin d'obtenir le prononcé d'une adoption plénière.

Le deuxième alinéa précise, en outre, que le prononcé de l'adoption suppose le consentement du représentant légal de l'enfant et énumère les conditions que doit remplir ce consentement. Ces conditions reprennent les critères posés dans l'article 4 de la Convention de La Haye selon lesquels les autorités compétentes doivent d'assurer de la nature du consentement donné pour l'adoption. Ces conditions sont extrêmement rigoureuses afin d'assurer la transparence et la régularité des procédures d'adoption internationale : le consentement doit être libre et obtenu sans contrepartie, après la naissance de l'enfant - afin d'éviter la pratique des « mères porteuses » - et éclairé sur les effets qui s'attachent aux adoptions prononcées selon le droit français, particulièrement lorsque le consentement est donné en vue d'une adoption plénière.

Si le consentement du représentant légal de l'enfant répond aux conditions ainsi définies, l'adoption prononcée en France prendra la forme en vue de laquelle le consentement a été donné, ainsi que l'a admis la jurisprudence. On rappellera, en effet, que la Cour de cassation a invité, dans l'arrêt Pistre (civ. 1ère, 31 janvier 1990), « indépendamment des dispositions de la loi nationale de l'adopté, à s'attacher à la volonté expresse ou présumée de la personne qui a consenti ». Comme le souligne la garde des sceaux dans la circulaire du 16 février 1999, « si la demande porte sur une adoption plénière, il conviendra par conséquent de s'assurer que le consentement a bien été donné à une adoption emportant rupture complète des liens antérieurs de l'enfant et création d'un lien de filiation adoptive irrévocable ». Cependant, la circulaire souligne qu'il n'est pas nécessaire « d'exiger que le consentement porte expressément sur une adoption plénière du droit français, si les termes utilisés dans l'acte établissant que la situation résultant d'une telle situation a bien été envisagée et acceptée pat la personne ou l'autorité qui a consenti ».

On relèvera que cet alinéa vise le prononcé en France de l'adoption d'un mineur né dans « un territoire ne relevant pas des dispositions du présent code », afin de clarifier la situation des enfants nés dans un territoire d'outre-mer, particulièrement en Polynésie, dans lequel il existe un statut civil de droit local.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à autoriser la « conversion » en adoption plénière d'une adoption qui, prononcée dans le pays d'origine de l'adopté, n'aurait pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, à la condition que les consentements requis aient été expressément donnés en connaissance de cause. Elle a également été saisie d'un amendement présenté par M. Emile Blessig définissant les conditions dans lesquelles l'adoption d'un mineur né dans un pays ou un territoire ne relevant pas des dispositions du code civil peut être prononcée en France. M. Gérard Gouzes a souligné que son amendement avait pour objet de faciliter le prononcé d'adoptions plénières, conformément aux v_ux des parents adoptifs. Après avoir exprimé sa satisfaction que soit engagé l'examen de cette proposition de loi, Mme Bernadette Isaac-Sibille a précisé que les conditions prévues par l'amendement de M. Emile Blessig étaient celles définies à l'article 4 de la Convention de La Haye, insistant, à cet égard, sur le rôle joué par les autorités compétentes de l'Etat d'origine pour garantir l'adoptabilité de l'enfant. Constatant que les deux amendements poursuivaient le même objectif, consistant à s'assurer de la réalité du consentement à l'adoption, le rapporteur a exprimé sa préférence pour celui présenté par M. Gérard Gouzes, dont la rédaction lui a paru plus satisfaisante. La Commission a donc rejeté l'amendement de M. Emile Blessig et adopté l'amendement de M. Gérard Gouzes.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à préciser que l'adoption d'un mineur ne peut être prononcée en France que s'il est né dans un pays qui reconnaît l'adoption. Son auteur a, en effet, estimé souhaitable de distinguer clairement la situation des enfants selon qu'ils sont originaires d'un pays dont la législation reconnaît ou, au contraire, ne prévoit pas l'adoption. Il a, en outre, précisé que les pays, tels le Liban ou l'Egypte, qui n'autorisent l'adoption que pour les membres de certaines de ses communautés, entraient dans le champ de cet amendement, soulignant qu'il n'existait, à leur égard, aucune difficulté, dès lors que le consentement du représentant légal de l'enfant était exigé.

M. Jean-Pierre Michel ayant insisté sur la nécessité de respecter la loi personnelle de l'enfant, notamment lorsqu'elle prohibe l'adoption plénière, sous peine de faire du droit français un imperium qui ne respecte pas le statut personnel de l'enfant, le rapporteur s'est interrogé sur la possibilité d'inclure dans cet amendement les pays ne reconnaissant l'adoption que pour certaines de leurs communautés ; il n'a pas jugé souhaitable que la possibilité d'adopter un enfant soit déterminée en fonction de son lieu de naissance, l'essentiel étant son statut personnel, qui dépend de sa nationalité. Il s'est rangé à l'amendement de M. Gérard Gouzes, tout en précisant qu'il poursuivrait sa réflexion sur ce point. La Commission a adopté cet amendement, ainsi qu'un amendement du même auteur écartant toute référence à la notion de territoire, le rapporteur ayant précisé qu'il entendait viser les territoires d'outre-mer, et plus particulièrement la Polynésie, mais reconnaissant que l'adoption de cette disposition exigerait une consultation préalable des assemblées territoriales à laquelle il n'avait pas été procédé. Après avoir adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par M. Gérard Gouzes, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Pierre Michel tendant à préciser que les effets de l'adoption sont ceux de l'adoption plénière si le consentement à l'adoption a été recueilli en pleine connaissance de cause, cet amendement étant déjà satisfait.

_ Enfin, le dernier alinéa de l'article 353-2 énonce la règle de conflit de lois applicable « en l'absence de législation de l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant » : la loi française s'appliquera alors aux conditions et aux effets de l'adoption. Cette solution est conforme à la jurisprudence Torlet dégagée par la Cour de cassation en 1984, qui donne compétence à la loi personnelle de l'adopté pour ce qui a trait à la forme du consentement et à la détermination des personnes ou autorités habilitées à consentir et la loi de l'adoptant en ce qui concerne les conditions et les effets de l'adoption.

Cette disposition revient donc à admettre la possibilité de prononcer l'adoption d'un enfant même si sa loi personnelle ignore ou prohibe cette procédure. L'hypothèse d'une législation qui ignore l'adoption ne soulève pas de difficultés spécifiques ; la circulaire du 16 février 1999 n'écarte pas la possibilité de prononcer l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas l'adoption ; elle se limite à rappeler la nécessité de s'assurer que la famille et les autorités locales « ont été dûment avisées du recueil de l'enfant ainsi que du projet d'adoption et qu'elles ont manifesté leur accord ». Le rapporteur ne méconnaît pas les difficultés et les débats que suscite cette question. Il lui paraît toutefois essentiel d'assurer à l'enfant et à ses parents adoptifs le statut le plus protecteur que reconnaît le droit du pays dans lequel il est désormais appelé à vivre. Cette solution est, de surcroît, conforme à la jurisprudence dégagée en la matière par le Cour de cassation en 1995 (cf. arrêt Fanthou précité) et qui a été suivie par de nombreuses juridictions au fond.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à préciser que la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la législation du pays d'origine autorise l'adoption ou ne la prévoit pas. Après avoir souligné que cet amendement visait le cas de pays dont les législations ne sont pas explicites sur l'adoption et peuvent donner lieu à des interprétations diverses, à l'instar de la kafalah au Maroc, son auteur a insisté sur l'importance d'adopter sur cette question une rédaction extrêmement prudente et a souhaité, dans ce but, compléter son amendement, pour préciser qu'il visait les pays d'origine dont la législation ne prévoit pas l'adoption mais n'y fait pas obstacle.

Soulignant qu'il s'agissait du c_ur de la proposition de loi, mais aussi de son aspect le plus délicat, Mme Véronique Neiertz a rappelé que la question de l'adoption d'enfants originaires de pays dont les législations ne prévoient pas l'adoption avait suscité de nombreuses réflexions et insisté également sur la nécessité de faire preuve de la plus grande prudence en la matière. Estimant qu'en évoquant « l'absence de législation de l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant », la proposition de loi pourrait donner lieu à une interprétation restrictive, elle a approuvé l'amendement, jugeant que sa rédaction permettrait de prendre en compte la situation d'un grand nombre d'enfants ; elle a, en revanche, exprimé les plus vives réserves sur la rectification proposée par M. Gérard Gouzes. Observant que la question relevait du droit international, M. Jacques Floch a considéré qu'il convenait d'adopter des dispositions respectant la législation de tous les pays, soulignant que certains des pays d'origine seraient extrêmement attentifs au droit français sur ce point. M. Alain Vidalies a noté que toute la question était de déterminer s'il était possible de prononcer l'adoption d'enfants originaires de pays dont la législation interdit l'adoption. Estimant que la rédaction proposée par M. Gérard Gouzes écartait cette possibilité, il a jugé, en revanche, que la rédaction du dernier alinéa de la proposition de loi, plus ambiguë, pourrait être interprétée comme autorisant l'application de la loi française dès lors qu'il n'existait pas dans le pays d'origine de dispositions positives sur l'adoption. Soulignant que la France se devait de respecter ses engagements internationaux, il s'est prononcé en faveur de la rédaction proposée par M. Gérard Gouzes.

Le rapporteur a indiqué que, s'il pouvait souscrire à l'amendement présenté, il était, au contraire, hostile à la rectification proposée, qui irait à l'encontre des souhaits des pays d'origine ; rappelant que le juge français était déjà conduit à écarter l'application d'une norme étrangère, par exemple face à des pratiques d'excision, il a fait valoir qu'une jurisprudence se dégageait progressivement sur cette question. M. Gérard Gouzes ayant renoncé à rectifier son amendement, après avoir insisté sur la nécessité de prendre en considération toutes les hypothèses dans une norme de conflit de lois, la Commission l'a adopté ainsi que l'article premier ainsi modifié.

Article 2

(art. 361 du code civil)

Adoption simple d'un enfant étranger

L'article 361 du code civil rend applicables à l'adoption simple de nombreuses dispositions prévues pour l'adoption plénière : conditions relatives aux adoptants (articles 343 à 344), interdiction d'adoptions cumulatives (art. 346) ; conditions d'adoptabilité (art. 347 à 350) ; prononcé de l'adoption (art. 353) ; tierce opposition en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants (art. 353-2) ; date des effets de l'adoption (art. 355) et attribution à l'adopté du nom du mari de l'adoptante (art. 357, dernier alinéa).

_  L'article 2 de la proposition de loi prévoit, tout d'abord, d'appliquer à l'adoption simple les dispositions relatives à l'adoption internationale, inscrites dans le nouvel article 353-2 du code civil, tel qu'il résulte de l'article premier de la proposition de loi : reconnaissance de plein droit des décisions d'adoption prononcées à l'étranger, exigence du consentement du représentant légal de l'enfant pour prononcer son adoption en France, détermination de la loi applicable « en l'absence de législation de l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant ».

_  Cet article clarifie également la référence faite dans l'article 361 du code civil à l'article 353-1 de ce même code.

En effet, la loi du 5 juillet 1996 a introduit un article 353-1 qui fait obligation au tribunal de vérifier, avant de prononcer l'adoption d'un pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, « que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés » et autorise le tribunal à passer outre le refus ou l'absence d'agrément « s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que [l'adoption] est conforme à son intérêt ».

Compte tenu de cette insertion, l'ancien article 353-1 relatif à la tierce opposition est devenu l'article 353-2 (cf. article 11-II de la loi du 5 juillet 1996). Aucune modification de coordination n'a cependant été faite dans l'article 361 du code civil qui renvoyait, avant l'adoption de la loi du 5 juillet 1996, aux dispositions relatives à la tierce opposition prévues dans l'article 353-1 du code.

Afin de remédier à cette situation, il est ici proposé d'inscrire dans l'article 361 du code civil, une référence à l'article relatif à l'exercice de la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption, c'est à dire à l'article 353-3, compte tenu de l'insertion de l'article 353-2 relatif à l'adoption internationale, ainsi qu'une référence à l'actuel article 353-1.

En effet, il apparaît pleinement légitime que le tribunal vérifie l'agrément des adoptants, leur aptitude à accueillir l'enfant ainsi que l'intérêt de celui-ci avant de prononcer une adoption simple. L'obtention d'un agrément, délivré par le président du conseil général atteste en effet la capacité adoptive de la future famille adoptive ; elle apparaît particulièrement indispensable dans une procédure d'adoption internationale, l'article 100-3 du code de la famille précisant que « les personnes qui accueillent, en vue de son adoption, un enfant étranger, doivent avoir obtenu l'agrément prévu à l'article 63 du code de la famille ». L'agrément délivré par l'aide sociale à l'enfance est en outre une condition d'obtention des visas nécessaires pour l'entrée en France des enfants étrangers en vue de leur adoption.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3

(art. 350 du code civil)

Déclaration judiciaire d'abandon

La décision donnant valeur légale à l'abandon de l'enfant peut résulter soit d'une décision prise par la famille d'origine qui consent explicitement à l'adoption, soit d'une déclaration d'abandon prise par l'autorité judiciaire dans les conditions prévues à l'article 350 du code civil.

Introduit par la loi du 11 juillet 1966, cet article repose sur l'idée que les parents qui se désintéressent manifestement de l'enfant consentent implicitement à son adoption. Il a, depuis lors, été modifié quatre fois. Ces tâtonnements législatifs, dus à la difficulté du sujet, rendent l'article 350 peu lisible et difficilement applicable, sa rédaction actuelle étant le fruit de ces multiples ajouts.

La déclaration judiciaire d'abandon aujourd'hui

L'article 350 du code civil détermine le régime de la déclaration judiciaire d'abandon.

Conditions et modalités de la déclaration judiciaire d'abandon

Dans sa rédaction initiale, issue de la loi du 11 juillet 1966, l'article 350 du code civil disposait que l'enfant recueilli par un particulier, une _uvre privée ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande, peut être déclaré abandonné par le tribunal de grande instance.

La Cour de cassation a été conduite à préciser la portée de ce texte sur deux points. Tout d'abord, le désintérêt ne doit pas être involontaire (Civ. 1re, 23 octobre 1973), étant entendu que, s'il appartient au demandeur à l'action en déclaration d'abandon de prouver que les parents n'ont pas entretenu avec l'enfant les relations nécessaires au maintien de liens affectifs, c'est à ceux qui invoquent, en tant que moyen de défense, le caractère involontaire du désintérêt d'en établir la réalité. L'absence de caractère délibéré peut, par exemple, provenir de la combinaison de difficultés d'ordre matériel, conjugal et d'un mauvais état de santé, de l'ignorance par le père du lieu de résidence de la mère ou encore de l'incarcération du parent. Par ailleurs, même lorsque les conditions d'application de l'article 350 sont réunies, le tribunal n'est pas obligé de prononcer l'abandon, notamment en considération de l'intérêt de l'enfant (Civ. 1re, 29 octobre 1979). Mais si le désintérêt des parents n'est pas établi, l'intérêt de l'enfant n'est pas une condition suffisante pour permettre de déclarer judiciairement l'abandon.

Désireux, d'une part, d'éviter le maintien injustifié d'enfants dans des établissements ou en placement nourricier et, d'autre part, d'augmenter le nombre des enfants juridiquement adoptables, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour assurer une pleine efficacité à l'article 350.

La loi du 22 décembre 1976 relative à l'adoption s'est efforcée de définir la notion d'abandon. Le deuxième alinéa de l'article 350 précise donc que « sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ». Le troisième alinéa indique, en outre, que « la simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivi d'effets de reprendre l'enfant n'est pas une marque suffisante pour motiver de plein droit le rejet de la demande en déclaration d'abandon ». La décision du juge est donc strictement encadrée par la loi : il ne doit pas, pour rejeter la demande, se contenter de relations quelconques et épisodiques, tel que l'envoi d'une carte postale ou d'un cadeau, ni d'une simple rétractation du consentement à l'adoption. En outre, la loi du 8 janvier 1993 relative à la famille et aux droits de l'enfant a précisé que ces démarches n'interrompent pas le délai d'un an.

En 1994, le législateur est intervenu pour mettre en place un dispositif garantissant l'examen par le juge du dossier des enfants pour lesquels les conditions d'une déclaration judiciaire d'abandon se trouvent réunies. Le premier alinéa de l'article 350, complété par loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, prévoit désormais que la demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant à l'expiration du délai d'un an, dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant.

Enfin, la loi du 11 juillet 1996 a réduit davantage encore la liberté d'appréciation du juge, avec l'idée que l'abandon serait prononcé plus facilement : cette décision résulte d'un amendement présenté en séance par MM. Chérioux et Neuwirth, lors de la première lecture au Sénat, rejeté par l'Assemblée nationale mais finalement avalisé par la commission mixte paritaire. Il en résulte que le tribunal doit déclarer l'enfant abandonné dès lors qu'il constate le désintérêt manifeste des parents pendant une durée d'un an et ne peut refuser de prononcer l'adoption que dans deux cas :

- si un membre de la famille, autre que les père et mère, a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier, comme le prévoyait déjà le quatrième alinéa de l'article 350 ;

- en cas de grande détresse des parents, ce qui est un ajout de la loi de 1996 issu de l'amendement précédemment évoqué.

De 1992 à 1998, le nombre annuel moyen de demandes en déclaration d'abandon s'est élevé à 408.

DEMANDES EN DÉCLARATION D'ABANDON

(affaires nouvelles au fond)

TYPE DE JURIDICTION

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Cours d'appel

63

49

40

34

41

52

26

Tribunaux de grande instance

374

371

393

380

388

361

287

TOTAL

437

420

433

414

429

413

313

Sources : Annuaire statistique de la justice.

Les statistiques publiées par le ministère de la justice ne permettent pas de connaître le nombre d'enfants déclarés abandonnés par les tribunaux de grande instance. Toutefois, le nombre des demandes en déclaration d'abandon peut être rapproché de celui des demandes d'adoptions qui, en 1998, se sont élevées à 6 394 pour les adoptions simples (6 310 devant les tribunaux de grande instance et 84 devant les cours d'appel) et à 4 443 pour les adoptions plénières (4 394 devant les tribunaux de grande instance et 49 devant les cours d'appel).

Effets de la déclaration judiciaire d'abandon

La déclaration judiciaire d'abandon a pour conséquence d'investir la personne, l'organisme ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant des droits attachés à l'autorité parentale.

Les deux phases d'abandon et d'adoption sont séparés : la déclaration judiciaire d'abandon n'est pas nécessairement liée à un projet d'adoption, mais elle rend l'enfant adoptable.

La tierce opposition, ouverte aux personnes qui n'ont été ni parties ni représentées dans l'instance et qui souhaitent attaquer la décision du tribunal qui leur fait grief, n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant.

Une étude publiée, en janvier dernier, par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité apporte des précisions intéressantes sur les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance. Entre 1992 et 1998, le nombre d'enfants accueillis à l'ASE dans le cadre de mesures de placements administratifs ou judiciaires est passé de 142 000 à 144 000, soit une augmentation de près de 1 %. Les placements directs par le juge, qui ont concerné 28 000 enfants en 1998, sont en diminution de 7 % par rapport à 1992. Au contraire, sur la même période, le nombre d'enfants confiés à l'ASE augmente de 4 % (116 000 en 1998) : cette augmentation est le fruit d'une double évolution, le nombre de mesures administratives décidées par le Conseil général diminuant de plus de 20 %, celui des placements confiés à l'ASE ordonnés par le juge augmentant de 17 %. Par ailleurs, depuis 1984, la part des enfants confiés à l'aide sociale qui bénéficient de mesures judiciaires s'est progressivement accrue pour atteindre près de 75 % en 1998, alors que de 1970 à 1983 les mesures judiciaires et administratives étaient à parité. Parmi les enfants confiés à l'ASE à la suite d'une mesure judiciaire, plus de 9 enfants sur 10 (+ 17 % depuis 1992) ont été placés par le juge des enfants dans le cadre de l'assistance éducative prévue par l'article 375 du code civil « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ». Enfin, la famille d'accueil reste le mode de placement privilégié des enfants confiés à l'ASE : 60 000 enfants en ont bénéficié en 1998, tandis que le placement en établissement a concerné 40 000 enfants placés en majorité dans des maisons d'enfants à caractère social, les autres formes d'hébergement pour adolescents autonomes restant marginales. Les enfants confiés à l'ASE par l'autorité judiciaire bénéficient davantage d'un placement familial (trois sur cinq) que ceux faisant l'objet d'une mesure administrative (deux sur cinq).

La déclaration judiciaire d'abandon selon la proposition de loi

La proposition de loi apporte plusieurs modifications au régime de la déclaration judiciaire d'abandon. Sur la forme, seules les conditions de la déclaration judiciaire d'abandon sont maintenues dans l'article 350, les effets de l'abandon étant énoncés dans un nouvel article 350-1 (cf. art. 4 du projet).

Sur le fond, le dispositif est rendu plus souple et plus opérationnel.

En disposant que l'enfant « est déclaré abandonné », sauf le cas de grande détresse des parents, la rédaction actuelle de l'article 350, issue de la loi du 5 juillet 1996, limite le pouvoir d'appréciation du juge lorsque les conditions prévues par cet article sont remplies. Dans la rédaction de la proposition de loi, le juge recouvre la plénitude de son pouvoir d'appréciation, puisque l'enfant « peut être déclaré abandonné » : il est, en effet, indispensable d'introduire plus de souplesse dans un domaine où toutes les circonstances de l'espèce doivent pouvoir être appréciées pour prendre la décision qui soit la meilleure pour l'enfant.

En conséquence, l'alinéa énumérant les agissements des parents qui ne sont pas susceptibles de constituer une marque d'intérêt de nature à motiver le rejet de la demande en déclaration d'abandon disparaît. De même, il n'est plus fait référence au comportement des parents qui « n'ont pas entretenu avec [l'enfant] les relations nécessaires au maintien de liens affectifs » mais aux conséquences de leur désintérêt manifeste qui a conduit à ce qu'il « n'existe plus aucun lien affectif entre eux et l'enfant ».

A côté de la possibilité d'engager une procédure d'abandon, dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant pendant un an, la proposition de loi introduit un élément objectif de séjour hors du cadre familial, lorsque le placement provisoire a été ordonné par le juge des enfants au titre de l'assistance éducative (art. 375 du code civil) ou lorsque l'enfant a été confié dans le cadre d'une tutelle déférée au service de l'aide sociale à l'enfance (art. 433). Cela présente l'intérêt de ne pas faire porter aux accueillants la responsabilité d'apprécier le caractère manifeste du désintérêt des parents.

Ainsi, lorsque l'enfant aura été recueilli sur le fondement de l'article 375 ou de l'article 433 du code civil depuis quatre ans au moins, le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance devront transmettre une demande de déclaration judiciaire d'abandon au tribunal, qui vérifie si les conditions de cette déclaration sont réunies. Il est à noter que lorsqu'elle est exercée par un établissement ou un service, la mesure éducative ne peut excéder deux ans et ne peut être renouvelée que par décision motivée : le délai de quatre ans, retenu par la proposition, correspond donc à l'échéance du renouvellement de la décision du juge des enfants d'ordonner le placement de l'enfant.

DÉCISIONS DE PLACEMENT
PRONONCÉES PAR LES JUGES DES ENFANTS

Années

Décisions
de placement

Mineurs concernés
par les placements

 

1995

-

111 913

1996

-

104 228

1997

77 801

111 031

1998

77 895

111 077

Sources : Les chiffres-clés de la justice

Enfin, il est précisé que l'abandon n'est pas déclaré si le tribunal constate qu'il est contraire à l'intérêt de l'enfant, cette notion étant substituée à celle de grande détresse des parents afin de recentrer cette décision sur l'enfant, la déclaration judiciaire d'abandon n'étant, en aucune manière, une sanction appliquée aux parents.

Toutefois, si l'intérêt de l'enfant doit, à l'évidence, être pris en considération par priorité (notamment si la situation a évolué depuis la demande en déclaration d'abandon), votre rapporteur juge souhaitable, à la réflexion, de maintenir la référence à la grande détresse des parents, même si l'interprétation de cette notion donne une très grande latitude au juge. Ainsi que l'a souligné Jacques Massip, conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation, dans une étude publiée le 14 mars 1997 dans Les petites affiches, la situation de grande détresse, qui est de nature à excuser le désintérêt pendant un an et donc à écarter l'abandon, peut aussi jouer comme une clause de dureté, le tribunal s'abstenant de prononcer l'adoption si la décision paraît trop dure en raison de la grande détresse dans laquelle se trouvent les parents. En outre, le juge peut affirmer que les parents sont en grande détresse, dès lors qu'il ne lui apparaît pas souhaitable de couper le lien de filiation : or, la grande détresse des parents est à l'origine de la plupart des abandons de fait. A ce jour, la jurisprudence ne permet pas encore de dégager l'interprétation donnée à cette notion.

Par ailleurs, la proposition maintient l'impossibilité de déclarer l'abandon si un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant, sous réserve que le tribunal juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant.

Un débat s'est engagé sur un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à supprimer cet article. Son auteur a estimé que la déclaration judiciaire d'abandon n'avait pas sa place dans une proposition de loi relative à l'adoption internationale et a souligné que les enfants accueillis par les services d'aide sociale à l'enfance, même s'ils étaient déclarés abandonnés par le tribunal, ne seraient pas, pour beaucoup d'entre eux, adoptés. Le rapporteur a indiqué que beaucoup de ces enfants étaient étrangers et susceptibles, donc, de relever d'une adoption internationale. Il a estimé que l'article 350 du code civil n'était plus applicable en l'état, en raison notamment des modifications introduites en 1996 par le Sénat, dont il résulte que le tribunal doit déclarer l'enfant abandonné lorsque ses parents se sont manifestement désintéressés de lui pendant l'année précédant l'introduction de la demande. Soulignant que ATD Quart-Monde était favorable à la rédaction qu'il proposait, sous réserve d'introduire une référence à la grande détresse des parents, il a indiqué qu'il présenterait un amendement en ce sens à l'article 4. Puis, il a précisé que la proposition rendait au tribunal son pouvoir d'appréciation et introduisait une disposition spécifique pour les enfants « oubliés », le juge ayant l'obligation de se pencher sur leur dossier au bout de quatre ans, mais non de prononcer leur abandon, l'enfant n'étant déclaré abandonné que si tel était son intérêt. C'est pourquoi il a estimé que l'opportunité procurée par l'examen de la proposition de loi devait être saisie pour modifier les règles applicables à la déclaration judiciaire d'abandon, sujet important dont l'examen par le législateur sera, sinon, renvoyé à une date inconnue.

Tout en déclarant partager les observations du rapporteur et les objectifs poursuivis par cet article, notamment pour ce qui est de restituer au juge un pouvoir d'appréciation, M. Alain Vidalies a jugé préférable que la proposition de loi reste centrée sur les spécificités de l'adoption internationale. Il a, en effet, considéré que la question de l'abandon devait être intégrée dans une réflexion plus générale sur l'adoption, à laquelle donnerait lieu la prochaine réforme du droit de la famille.

Après avoir indiqué qu'elle voterait contre cet amendement de suppression, Mme Véronique Neiertz a évoqué le cas des enfants placés et oubliés, dont les dossiers sont tombés dans une trappe pour n'en jamais ressortir. Elle a estimé que la proposition de loi était l'occasion de traiter un problème réel, celui des enfants abandonnés mais non adoptables, observant que l'examen d'une grande loi réformant l'ensemble du droit de la famille restait aléatoire. Mme Nicole Catala s'est inquiétée du sort réservé aux centaines d'enfants qui, chaque année, arrivent seuls dans des aéroports français, souvent trop âgés pour être effectivement adoptés, mais qui pourraient à l'âge de 13 ans exprimer le souhait de l'être. M. Jean-Pierre Michel a déclaré partager le point de vue de Mme Véronique Neiertz et jugé d'autant plus souhaitable de saisir l'opportunité tenant à l'examen d'une proposition de loi relative à l'adoption pour traiter du grave sujet de la déclaration judiciaire d'abandon, que l'examen de la loi famille avant le terme de la législature n'était pas assuré.

M. Jacques Floch a rappelé qu'un accord s'était dégagé pour traiter de l'adoption internationale et non pas pour rouvrir un débat sur l'adoption en général. Il a estimé que l'introduction de la déclaration judiciaire d'abandon, dans le champ d'une réforme centrée sur l'adoption internationale, présentait un risque non négligeable de faire échouer l'ensemble du texte. Il a donc souhaité que l'Assemblée se concentre sur l'adoption internationale, conformément au titre de la proposition de loi, l'examen de l'article 350 du code civil relevant d'un débat plus général sur la filiation adoptive. Tout en convenant que le cas des enfants dont les parents se désintéressent manifestement n'était pas pris en considération dans des conditions satisfaisantes et que certains enfants étrangers, de nulle part et sans papiers, étaient dans des situations inextricables, il a jugé préférable de réfléchir globalement au sort de ces enfants plutôt que d'aborder les difficultés qu'ils rencontrent par le seul biais de l'article 350.

Rejoignant le point de vue exprimé par M. Jacques Floch, Mme Catherine Tasca, présidente, a souhaité ne pas fragiliser le sort de la proposition, dont l'objet premier est d'introduire une règle de conflits de loi en matière d'adoption internationale, en y ajoutant la question douloureuse de l'abandon. Soulignant que le Parlement se trouvait à l'orée d'une remontée de l'initiative parlementaire, elle a jugé souhaitable, pour assurer l'avenir des textes introduits par le biais de l'ordre du jour réservé, de cibler leur objet avec la plus grande précision, afin que cette initiative ait toute chance d'aboutir. Tout en convenant qu'il pourrait être tentant de saisir l'opportunité d'une proposition de loi relative à l'adoption internationale pour se pencher sur les conditions dans lesquelles les enfants peuvent être déclarés abandonnés, elle a néanmoins souligné que ce vrai problème n'était pas intimement lié au c_ur de la proposition qui tend, avant tout, à introduire dans le code civil une norme de conflits.

Tout en se déclarant satisfait qu'un débat se soit engagé en commission sur le sort de ces enfants oubliés et non adoptables, le rapporteur a souhaité que l'avis négatif du Gouvernement ne soit pas anticipé, le maintien de l'article 3 dans la proposition permettant de lui adresser un message fort en séance, sans le priver de la possibilité de présenter un amendement de suppression une fois que le débat aura eu lieu.

La Commission ayant adopté l'amendement supprimant l'article 3, l'amendement de M. Emile Blessig tendant à donner une nouvelle rédaction à l'article 350 du code civil, afin notamment de laisser au tribunal la possibilité de ne pas déclarer l'abandon dans l'intérêt de l'enfant et de lui imposer de vérifier que la demande de la famille d'assumer la charge de l'enfant a été suivie d'effets, est devenu sans objet. L'amendement du rapporteur, tendant à préciser que l'abandon n'est pas déclaré en raison de la grande détresse des parents, a subi le même sort.

Article 4

(art. 350-1 du code civil)

Effets de la déclaration judiciaire d'abandon

Cet article introduit un article 350-1 dans le code civil portant sur les effets de la déclaration judiciaire d'abandon.

Le premier alinéa de ce nouvel article reprend, sans les modifier, les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'actuel article 350 : en déclarant l'enfant abandonné, le tribunal délègue, par la même décision, les droits d'autorité parentale au particulier, à l'établissement ou au service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou à qui il a été confié.

Le second alinéa apporte des précisions sur le consentement à l'adoption qui est donné :

- soit par le conseil de famille, conformément à l'article 348-2 du code civil aux termes duquel le consentement est donné par ce conseil lorsque les parents ont perdu leurs droits d'autorité parentale ;

- soit par le conseil de famille des pupilles de l'Etat, que l'article 60 du code de la famille et de l'aide sociale charge de la tutelle des pupilles de l'Etat avec le représentant de l'Etat dans le département qui exerce la fonction de tuteur.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, sur 1 151 enfants admis en qualité de pupille de l'Etat en 1997, 258 l'ont été après déclaration judiciaire d'abandon, soit 22 % du nombre des admissions : ils étaient 252 en 1995, 261 en 1993 et 291 en 1991, avec une stabilité dans le pourcentage. Au 31 décembre 1997, sur un effectif de pupilles présents de 3 271, 1 047 avaient été admis au titre de l'article 350 du code civil, soit 32 % : ces chiffres pourraient être le reflet de plus grandes difficultés de placement en vue de l'adoption de ces enfants, en raison de leur âge mais peut-être aussi de leur bonne adaptation dans leur famille d'accueil. Plus généralement, on soulignera que le nombre total des pupilles de l'Etat, encore élevé au début des années quatre-vingts (plus de 17 000 en 1982), a considérablement diminué (3 000 en 1998), du fait notamment du développement de la contraception et des politiques en faveur des parents isolés.

Enfin, il n'est plus fait référence à la tierce opposition, mais l'article 585 du nouveau code de procédure civile précise que tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose pas autrement.

Par coordination avec sa décision à l'article précédent, la Commission a adopté un amendement de M. Gérard Gouzes tendant à supprimer cet article. En conséquence, l'amendement de M. Emile Blessig tendant à préciser les effets de la déclaration judiciaire d'abandon est devenu sans objet.

Article additionnel après l'article 4

Conseil supérieur de l'adoption

Un débat s'est engagé sur un amendement présenté par Mme Véronique Neiertz tendant à donner un fondement législatif au Conseil supérieur de l'adoption, créé par décret en 1975. Evoquant les difficultés qu'elle avait rencontrées en tant que présidente de ce conseil, elle a proposé qu'il soit rattaché directement au Premier ministre, son caractère interministériel ayant contribué à sa paralysie, qu'il se réunisse au moins une fois par semestre et qu'un représentant de la mission pour l'adoption internationale en soit membre. Enfin, elle a estimé qu'une consécration de ce conseil dans la loi serait de nature à affermir son rôle.

M. Gérard Gouzes s'est déclaré très favorable à cet amendement qui élargit, notamment, la composition du Conseil supérieur de l'adoption aux représentants des organismes autorisés ou habilités pour l'adoption et aux représentants des associations de familles adoptives et de pupilles de l'Etat. Tout en se déclarant favorable à cet amendement, M. Jean-Pierre Michel s'est étonné que le groupe socialiste se prononce pour la suppression des articles 3 et 4 au motif qu'ils sont sans lien avec l'adoption internationale et propose d'améliorer le statut du Conseil supérieur de l'adoption, ce qui a pour effet de ne pas limiter l'objet de la proposition à l'introduction d'une règle de conflits de loi en matière d'adoption internationale. La présidente a jugé ce parallèle peu fondé, l'amendement ayant pour objet de fortifier un lieu où l'on parle de l'adoption, y compris de l'adoption internationale. Après avoir rendu hommage à Mme Véronique Neiertz qui, en tant que présidente du Conseil supérieur de l'adoption, s'était heurtée à de grandes difficultés pour faire fonctionner cette instance, le rapporteur s'est déclaré favorable à cet amendement, que la Commission a adopté.

Article 5

(art. 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption)

Composition de l'autorité centrale pour l'adoption

L'article 56 de la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption a institué auprès du Premier ministre une autorité centrale pour l'adoption « chargée d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des autorités compétentes en matière d'adoption internationale ». Responsable de l'application de la Convention de La Haye, elle est constituée par une structure réunissant des représentants du ministère des affaires étrangères, du ministère de la justice, du ministère de l'emploi et de la solidarité ainsi que des présidents de conseils généraux.

La proposition de loi tend à élargir la composition de cette autorité centrale à des représentants des organismes agréés pour l'adoption et à des associations de familles adoptives, ces dernières ayant seulement voix consultative. Cette disposition est de nature à prévenir l'incompréhension que peuvent susciter les décisions des pouvoirs publics et correspond à une évolution générale tendant à associer les représentants des usagers aux décisions administratives.

Le secrétariat permanent de l'autorité centrale est assuré par la mission de l'adoption internationale (MIA), qui est l'interlocuteur du public :

- elle centralise et diffuse l'information ;

- elle habilité et contrôle les organismes français agréés pour l'adoption ;

- elle dialogue avec les administrations des pays d'origine des enfants ;

- elle délivre aux enfants adoptés les visas nécessaires à leu établissement en France ;

- elle assure le traitement et le suivi des procédures individuelles d'adoption internationale, pour les dossiers qui lui sont confiés directement plutôt qu'à un organisme agréé, dans le cadre de la Convention de La Haye ; elle vérifie, notamment, que les requérants remplissent les conditions pour adopter au regard de la loi française et de celle du pays d'origine du pays ou que l'enfant est adoptable ;

- elle participe à l'élaboration des projets de loi et de règlements intéressant l'adoption internationale.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Pierre Michel précisant que l'autorité centrale est, notamment, composée d'un représentant des organismes agréés pour l'adoption et d'un représentant des associations de familles adoptives, après que le rapporteur eut souligné que ces organismes, comme ces associations, ne sont pas regroupés au sein d'une fédération et que la désignation d'un représentant unique par catégorie serait donc problématique. La Commission a adopté cet article sans modification.

Titre

La Commission a rejeté un amendement de M. Emile Blessig tendant à modifier le titre de la proposition, afin de faire référence à l'adoption en général et non à la seule adoption internationale.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi dans le texte ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi
relative à l'adoption internationale

Article 1er

Après l'article 353-1 du code civil, il est inséré un article 353-2 ainsi rédigé :

« Art. 353-2. -  L'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté produit les effets prévus par la loi française pour l'adoption plénière ou l'adoption simple lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

« Lorsque l'adoption prononcée dans le pays d'origine de l'adopté n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, celle-ci peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause de ses effets.

« Le prononcé de l'adoption en France d'un mineur né dans un pays qui reconnaît l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier s'il est donné en vue d'une adoption plénière.

« La loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la législation du pays d'origine autorise l'adoption ou ne la prévoit pas. »

Article 2

Dans l'article 361 du code civil, après la référence : « 353-1, », sont insérées les références : « 353-2 et 353-3 ».

L'article 353-2 devient l'article 353-3.

Article 3

Il est créé auprès du Premier ministre un conseil supérieur de l'adoption.

Il est composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants des conseils généraux, de magistrats, de représentants des organismes autorisés ou habilités pour l'adoption, de représentants des associations de familles adoptives et de pupilles de l'Etat, d'un représentant du service social d'aide aux émigrants, d'un représentant de la mission pour l'adoption internationale, ainsi que de personnalités qualifiées.

Il se réunit à la demande de son président, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires sociales, du ministre des affaires étrangères ou de la majorité de ses membres, et au moins une fois par semestre.

Le conseil supérieur de l'adoption émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l'adoption, y compris l'adoption internationale. Il est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises en ce domaine.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

Article 4

Le deuxième alinéa de l'article 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption est ainsi rédigé :

« L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et des conseils généraux, ainsi que de représentants des organismes agréés pour l'adoption et des associations de familles adoptives, ces derniers ayant voix consultative. »

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte de la proposition de loi

___

Conclusions de la Commission

___

 

Article 1er

Après l'article 353-1 du code civil, il est inséré un article 353-2 ainsi rédigé :

Article 1er

(Alinéa sans modification).

 

« Art. 353-2. -  L'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté produit les effets prévus par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

« Art. 353-2. -  

... française pour l'adoption plénière ou l'adoption simple lorsque ...

   

« Lorsque l'adoption prononcée dans le pays d'origine de l'adopté n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, celle-ci peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause de ses effets.

 

« Le prononcé de l'adoption en France d'un mineur né dans un pays ou un territoire ne relevant pas des dispositions du présent code, requiert le consentement du représentant légal de l'enfant, consentement libre et obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur ses conséquences, en particulier s'il est donné en vue d'une adoption plénière.


... pays qui
reconnaît l'adoption
requiert ...

...
l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu ...

... sur les con-
séquences de l'adoption, en ...

 

« En l'absence de législation de l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant, la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption. »

« La ...


... l'adoption, si la législation du pays d'origine autorise l'adoption ou ne la prévoit pas. »

Code civil

Art. 361. -  Les dispositions des articles 343 à 344, 346 à 350, 353, 353-1, 355 et 357, dernier alinéa, sont applicables à l'adoption simple.

Article 2

Dans l'article 361 du code civil après la référence : « 353-1, », sont insérées les références : « 353-2  et 353-3 ».

L'article 353-2 devient l'article 353-3.

Article 2

(Sans modification).

 

Article 3

L'article 350 du code civil est ainsi rédigé :

Article 3

Supprimé.

Art. 350. -  L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sauf le cas de grande détresse des parents et sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant à l'expiration du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant.

« Art. 350. -  Peut être déclaré judiciairement abandonné l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande, au point qu'il n'existe plus aucun lien affectif entre eux et l'enfant.

« Lorsque l'enfant a été recueilli dans les conditions visées par les articles 375 et suivants et 433 du code civil, depuis quatre ans au moins, le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance, doivent transmettre une demande de déclaration judiciaire d'abandon. Le tribunal vérifie si les conditions de cette déclaration sont réunies.

 

Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintient de liens affectifs.

« L'abandon n'est pas déclaré si le tribunal constate qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou si, au cours du délai prévu par l'alinéa 1er de cet article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à son intérêt. »

 

La simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d'une demande en déclaration d'abandon. Ces démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa.

   

L'abandon n'est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier.

   

Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance, à l'établissement ou au particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié.

   

La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant.

   

Art. 375. -  Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.

   

Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.

   

La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.

   

Art. 375-1. -  Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative.

   

Il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée.

   

Art. 375-2. -  Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d'apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu'elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l'enfant et d'en faire rapport au juge périodiquement.

   

Le juge peut aussi subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d'exercer une activité professionnelle.

   

Art. 375-3. -  S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le confier :

   

1°  A celui des père et mère qui n'avait pas l'exercice de l'autorité parentale ou chez lequel l'enfant n'avait pas sa résidence habituelle ;

   

2°  A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

   

3°  A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé ;

   

4°  A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

   

Toutefois, lorsqu'une requête en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou confiant l'enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu'aura le juge aux affaires familiales de décider, par application des articles 287 et 287-1, à qui l'enfant devra être confié. Les mêmes règles sont applicables à la séparation de corps.

   

Art. 375-4. -  Dans les cas spécifiés aux 1°, 2° et 3° de l'article précédent, le juge peut charger, soit une personne qualifiée, soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert d'apporter aide et conseil à la personne ou au service à qui l'enfant a été confié ainsi qu'à la famille et de suivre le développement de l'enfant.

   

Dans tous les cas, le juge peut assortir la remise de l'enfant des mêmes modalités que sous l'article 375-2, deuxième alinéa. Il peut aussi décider qu'il lui sera rendu compte périodiquement de la situation de l'enfant.

   

Art. 375-5. -  A titre provisoire, mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4.

   

En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure.

   

Art. 375-6. -  Les décisions prises en matière d'assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d'office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.

   

Art. 375-7. -  Les père et mère dont l'enfant a donné lieu à une mesure d'assistance éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l'application de la mesure. Ils ne peuvent émanciper l'enfant sans autorisation du juge des enfants, tant que la mesure d'assistance éducative reçoit application.

   

S'il a été nécessaire de placer l'enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de correspondance et un droit de visite. Le juge en fixe les modalités et peut même, si l'intérêt de l'enfant l'exige, décider que l'exercice de ces droits, ou de l'un d'eux, sera provisoirement suspendu. Le juge peut indiquer que le lieu de placement de l'enfant doit être recherché afin de faciliter, autant que possible, l'exercice du droit de visite par le ou les parents.

   

Art. 375-8. -  Les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qui a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative continuent d'incomber à ses père et mère ainsi qu'aux ascendants auxquels des aliments peuvent être réclamés, sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou en partie.

   

Art. 433. -  Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à l'Etat s'il s'agit d'un majeur, et au service de l'aide sociale à l'enfance s'il s'agit d'un mineur.

   
 

Article 4

Après l'article 350 du code civil, il est inséré un article 350-1 ainsi rédigé :

Article 4

Supprimé.

 

« Art. 350-1. -  Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal de grande instance délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale, à l'établissement ou au particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié.

 



Art. 348-2
. -  Lorsque les père et mère de l'enfant sont décédés, dans l'impossibilité de manifester leur volonté ou s'ils ont perdu leurs droits d'autorité parentale, le consentement est donné par le conseil de famille, après avis de la personne qui en fait prend soin de l'enfant.

« Le consentement à l'adoption est donné par le conseil de famille, conformément à l'article 348-2, ou par celui des pupilles de l'Etat, si l'enfant est admis en cette qualité. »

 

Il en est de même lorsque la filiation de l'enfant n'est pas établie.

   
   

Article additionnel

Il est créé auprès du Premier ministre un Conseil supérieur de l'adoption.

   

Il est composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants des conseils généraux, de magistrats, de représentants des organismes autorisés ou habilités pour l'adoption, de représentants des associations de familles adoptives et de pupilles de l'Etat, d'un représentant du service social d'aide aux émigrants, d'un représentant de la mission pour l'adoption internationale, ainsi que de personnalités qualifiées.

   

Il se réunit à la demande de son président, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires sociales, du ministre des affaires étrangères ou de la majorité de ses membres, et au moins une fois par semestre.

   

Le Conseil supérieur de l'adoption émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l'adoption, y compris l'adoption internationale. Il est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises en ce domaine.

   

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

Loi n° 96-604 du 5 juillet 1996
relative à l'adoption

Art. 56. -  Il est institué auprès du Premier ministre une autorité centrale pour l'adoption chargée d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des autorités compétentes en matière d'adoption internationale.

Article 5

Le deuxième alinéa de l'article 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption est ainsi rédigé :

Article 5

(Sans modification).

L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et des conseils généraux.

« L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et des conseils généraux, ainsi que de représentants des organismes agréés pour l'adoption et des associations de familles adoptives, ces derniers ayant voix consultative. »

 

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.

   

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l'article premier

Amendements présentés par M. Jean-Pierre Michel :

·  Insérer l'article suivant :

« L'article 343 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle peut l'être, dans les mêmes conditions, par deux personnes vivant ensemble. »

·  Insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 346 du code civil est supprimé. »

Amendement présenté par M. Jacques Floch et les commissaires membres du groupe socialiste :

Insérer l'article suivant :

« Le titre VIII du livre Ier du code civil est complété par un chapitre III intitulé : "Des dispositions spécifiques de l'adoption internationale". »

Article premier

Amendement présenté par M. Jacques Floch et les commissaires membres du groupe socialiste :

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

« Dans le chapitre III du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 370-3 ainsi rédigé : ».

(art. 353-2 du code civil)

Amendement présenté par M. Emile Blessig [retiré] :

Substituer au deuxième alinéa de cet article les alinéas suivants :

« L'adoption en France d'un mineur né dans un pays ou un territoire ne relevant pas des dispositions du présent code, n'est possible qu'après vérification par le tribunal de grande instance que les autorités compétentes de l'Etat d'origine :

« a) ont établi que l'enfant est adoptable ;

« b) ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l'enfant dans son Etat d'origine, qu'une adoption internationale répond à l'intérêt de l'enfant ;

« c) se sont assurés :

« 1. que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou la rupture, en raison d'une adoption, des liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine,

« 2. que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été donné ou constaté par écrit,

« 3. que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte et qu'ils n'ont pas été retirés, et

« 4. que le consentement de la mère, s'il est requis, n'a été donné qu'après la naissance de l'enfant, et

« d) se sont assurés, eu égard à l'âge et à la maturité de l'enfant,

« 1. que celui-ci a été entouré de conseils et dûment informé sur les conséquences de l'adoption et de son consentement à l'adoption, si celui-ci est requis,

« 2. que les souhaits et avis de l'enfant ont été pris en considération,

« 3. que le consentement de l'enfant à l'adoption, lorsqu'il est requis, a été donné librement, dans les formes légales requises, et que son consentement a été donné ou constaté par écrit, et

« 4. que ce consentement n'a pas été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte. »

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel [retiré] :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Les effets de l'adoption sont ceux de l'adoption plénière si le consentement à une adoption a été recueilli en pleine connaissance de cause. »

Article 3
(art. 350 du code civil)

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 350. -  L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, sans préjudice des dispositions du troisième alinéa. La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance à qui l'enfant a été confié, ou à qui a été déférée la tutelle, ou délégataire de l'autorité parentale, à l'expiration du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant. Le juge des enfants pourra saisir le service de l'aide sociale à l'enfance lorsqu'il constatera que le particulier ou l'établissement ne se sont pas conformés à ses dispositions.

« Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien des liens affectifs. La simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour motiver le rejet d'une demande en déclaration d'abandon. Ces démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa.

« L'abandon n'est pas déclaré si le tribunal constate qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou si, au cours du délai prévu par l'alinéa 1er de cet article ou depuis le dépôt de la requête, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant, et si cette demande est conforme à l'intérêt de l'enfant. Dans ce dernier cas, le tribunal vérifiera, dans les six mois, si la demande a été suivie d'effet, avant de statuer définitivement. »

Amendement présenté par M. Jean-François Mattei, rapporteur :

Dans le troisième alinéa de cet article, après les mots : « intérêt de l'enfant », insérer les mots : « , en raison notamment de la grande détresse des parents, ».

Article 4
(art. 350-1 du code civil)

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. 350-1. -  Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal de grande instance délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant, au service de l'aide sociale à l'enfance, dès lors qu'aucun tuteur n'avait été préalablement désigné. Le consentement à l'adoption est donné par le tuteur sur proposition du conseil de famille des pupilles de l'Etat conformément à l'intérêt de l'enfant. »

Article 5

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel :

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

« L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et de deux conseillers généraux, ainsi que d'un représentant des organismes agréés pour l'adoption et d'un représentant des associations de familles adoptives. »

Titre

Amendement présenté par M. Emile Blessig :

Dans le titre de la proposition de loi, supprimer le mot : « internationale ».

2265- Rapport de M. J-F Mattei relatif à l'adoption internationale (commission des lois)

() Les conditions sont les suivantes : démontrer une « aptitude à remplir correctement les missions qui pourraient leur être confiées », poursuivre uniquement des buts non lucratifs, être dirigés par des personnes « qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou leur expérience pour agir dans le domaine de l'adoption internationale » et voir sa composition, son fonctionnement et sa situation financière être contrôlé par les autorités compétentes de l'Etat contractant.

() L'article 4 de la Convention précise les conditions du consentement. Cf. exposé général.

() Conformément au n° 585-1 de l'instruction générale relative à l'état civil, « le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes est seul compétent pour ordonner la mention ou la transcription de décisions étrangères auprès du service central de l'état civil ».

() L'article L. 311-11 du code de l'organisation judiciaire précise que les demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires étrangères relèvent de la compétence du tribunal de grande instance statuant à juge unique.

() L'article 2.2 de la convention précise qu'elle « ne vise que les adoptions établissant un lien de filiation ».

() Notamment dans l'arrêt Munzer, civ.1ère, 7 janvier 1964.


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