graphique

2309

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mars 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 2250) relatif aux nouvelles régulations économiques,

PAR M. ANDRÉ VALLINI,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politique économique.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Noël Mamère, Thierry Mariani, Jean-François Mattei, Roger Meï, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 7

I. -  RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX 8

1. La dimension internationale de la lutte contre le blanchiment des capitaux 9

a) L'action de l'Europe 9

b) Les initiatives internationales 9

2. Des dispositions qui complètent utilement le dispositif français de lutte contre le blanchiment 11

a) Le système TRACFIN 11

b) Les dispositions renforçant la lutte contre le blanchiment proposées par le projet de loi et les propositions de la Commission 13

II. -  AMÉLIORER LA TRANSPARENCE ET LA DÉMOCRATIE AU SEIN DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES 15

1. Le « gouvernement d'entreprise » : un courant de pensée élaboré dans les pays anglo-saxons qui tend à renforcer le droit des actionnaires 15

2. Un projet de loi qui s'inspire des règles du gouvernement d'entreprise 19

a) La dissociation des fonctions de président et de directeur général 19

b) La limitation du cumul des mandats 20

c) La transparence 22

d) Les droits des actionnaires 23

DISCUSSION GÉNÉRALE 24

EXAMEN DES ARTICLES 29

PREMIÈRE PARTIE : RÉGULATION FINANCIÈRE 29

titre iv - amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités criminelles organisées 29

Article 19 (art. 1er de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990) : Champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 29

Article 20 (art. 3 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990) : Extension du champ de l'obligation de déclaration à TRACFIN de certaines sommes et opérations 33

Article additionnel après l'article 20 (art. 11-2 [nouveau] de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990) : Création d'un comité de liaison 36

Article 21 (art. 12 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990) : Restriction des transactions financières en provenance ou à destination de pays ou territoires non coopératifs 36

Article additionnel après l'article 21 : Rapport au Parlement 40

Article 22 (art. 16 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990) : Information de TRACFIN 40

Article 23 (art. L. 310-12 et L. 322-2 du code des assurances) : Commission de contrôle des assurances - Adaptation du code des assurances à la nouvelle incrimination de blanchiment 41

Article 24 (art. 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978) : Immatriculation des sociétés civiles 42

Article 25 (art. 450-1 du code pénal) : Nouvelle définition de l'association de malfaiteurs 43

Articles additionnels après l'article 25 (art. 450-2-1 [nouveau] du code pénal) : Impossibilité de justifier ses ressources tout en étant en relation habituelle avec une personne participant à une association de malfaiteurs 45

(art. 11-1 [nouveau] de la loi n° 90-613 du 12 juillet 1990) : Sanctions pénales en cas de manquement manifeste à l'obligation de déclaration de soupçons 46

Article 26 (art. 324-7 du code pénal et 706-30 du code de procédure pénale) : Saisie et confiscation des biens des personnes condamnées pour blanchiment 47

TROISIÈME PARTIE : RÉGULATION DE L'ENTREPRISE 49

titre ier - droit des sociétés commerciales 49

Article 55 : Introduction des articles relatifs à la réforme du droit des sociétés 49

Chapitre Ier : Equilibre des pouvoirs et fonctionnement des organes dirigeants 49

Article 56 (art. 98 et 113 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Missions du conseil d'administration - Séparation des fonctions de président et de directeur général 49

Article additionnel après l'article 56 (art. 93-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Participation au conseil d'administration des salariés actionnaires 56

Article 57 (art. 115, 115-1, 116, 117 489-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Nomination, pouvoirs et révocation du directeur général - Création de directeurs généraux délégués 56

Article 58 (art. 121 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Révocation des membres du directoire et du directeur général unique 64

Article 59 (art. 100 et 139 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Délibérations du conseil d'administration et du conseil de surveillance par des moyens de visio-conférence 65

Chapitre II : Limitation du cumul des mandats 67

Article 60 (art. 92, 111, 127, 136, 151 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Limitation du nombre des mandats d'administrateurs - Limitation du nombre de mandats de membre de directoire 67

Chapitre III : Prévention des conflits d'intérêts 73

Article 61 (art. 101 à 103, 143 à 145, 262-11 et 262-12 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Conventions passées par la société 73

Chapitre IV : Droits des actionnaires 80

Article 62 (art. 225, 226, 226-1 et 227 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Renforcement des prérogatives des actionnaires minoritaires 80

Article 63 (art. 161-1 et 165 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Elargissement de l'accès des actionnaires aux assemblées générales 84

Article 64 (art. 157-3 [nouveau] de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Transparence des rémunérations 86

Articles additionnels après l'article 64 (art. 108, 109, 110 et 123 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Délibération des conseils d'administration sur la rémunération des dirigeants d'entreprise 92

(art. 157 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Approbation des comptes consolidés 92

Chapitre V : Identification des actionnaires 93

Article 65 (art. 161-2 et 263 à 263-6 [nouveaux] de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Droit de vote et identification des actionnaires non résidents 93

Chapitre VI : Dispositions relatives au contrôle 99

Article 66 (art. 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Extension du contrôle aux actions de concert 99

Chapitre VII : Dispositions relatives aux injonctions de faire 101

Articles 67 et 68 (art. 493 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 1843-3 du code civil et 2 bis de l'ordonnance n°58-1352 du 27 décembre 1958) : Institution d'une procédure de référé-injonction de faire sous astreinte 101

Chapitre VIII : Dispositions diverses et transitoires 105

Article 69 (art. 464-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) : Sanctions pénales applicables aux sociétés par actions simplifiées 105

Article 70 : Dissociation des fonctions de président et de directeur général - Limitation du cumul des mandats - Entrée en vigueur de la loi 107

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 109

LISTE DES AUDITIONS 119

MESDAMES, MESSIEURS,

La réorientation, il y a trois ans, de la politique économique de notre pays, dans le sens d'un soutien plus actif de l'activité et de l'emploi, a porté ses fruits : la croissance est forte, le chômage recule, la confiance des ménages est avérée, une baisse concomitante des déficits publics et des prélèvements obligatoires est désormais possible.

Pourtant, malgré ces performances remarquables, notre pays a encore besoin de réformes. Lorsque des batailles boursières mettent en péril des secteurs importants de l'économie nationale, que les producteurs s'affrontent aux distributeurs et que les dirigeants d'entreprise, les salariés et les actionnaires ne se comprennent plus, la croissance ne peut être ni équilibrée, ni durable.

Ces contradictions ne seront pas dépassées par le fonctionnement spontané du marché : elles témoignent, bien au contraire, de ses insuffisances. Mais le temps des réformes administratives et dirigistes est également révolu. C'est donc entre ces deux orientations contraires qu'il convient de rechercher des solutions appropriées : tel est le sens de la démarche du Gouvernement, qui nous propose d'inventer de nouvelles régulations.

Le projet de loi n° 2250 relatif « aux nouvelles régulations économiques », adopté par le conseil des ministres le 15 mars 2000, se veut ambitieux : il compte 74 articles, qui portent à la fois sur la régulation financière, la régulation de la concurrence et celle de l'entreprise.

Compte tenu de l'importance des dispositions proposées et des enjeux sous-jascents, on ne peut que regretter les conditions dans lesquelles la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale a été conduite a examiner ce texte.

En premier lieu, sa saisine « pour avis » est déjà, en soi, discutable : malgré la tonalité économique évidente de ce projet de loi, une part importante des articles proposés entre dans ses compétences habituelles. A tout le moins, une commission spéciale aurait pu être constituée.

En second lieu, quinze jours seulement auront séparé le passage de ce texte en conseil des ministres et son examen par la commission des lois, ce qui a conduit votre rapporteur à concentrer son travail sur les seules dispositions suivantes :

- les articles 19 à 26 relatifs à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités criminelles organisées (Titre IV de la première partie).

- les articles 55 à 70 sur le droit des sociétés commerciales (Titre Ier de la troisième partie).

Les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de l'argent sale confirment le rôle actif que la France exerce pour combattre des pratiques condamnables, qui menacent la stabilité même du système financier international. Quant aux articles afférents au droit des sociétés, ils visent à mettre fin à une organisation non démocratique de l'entreprise, qui permet à certains de se partager continuellement les richesses que d'autres produisent. Techniques en apparence, les dispositions de ce projet de loi soumises à la commission des lois sont donc éminemment politiques : elles traduisent une approche citoyenne du monde des affaires et de l'entreprise.

I. -  RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX

Les sommes qui transitent par les circuits du blanchiment sont extrêmement difficiles à évaluer, puisqu'elles sont par définition occultes. D'après les experts du Fonds monétaire international, les montants annuels en jeu dépassent 3 000 milliards de francs, soit 2 % du produit intérieur brut mondial. Le GAFI évalue quant à lui à 4 000 milliards de francs sur dix ans le montant des intérêts encaissés résultant du placement de l'argent de la drogue. Le recyclage de l'argent sale est facilité par l'internationalisation du marché des capitaux et par l'émergence de nouveaux moyens informatiques aussi performants qu'anonymes.

Prenant conscience du fait que lutter contre le blanchiment de l'argent sale, c'est lutter contre le développement de la criminalité organisée, la communauté internationale a commencé à se mobiliser au début des années quatre-vingt pour mettre en place une politique d'action commune. Les pays européens ont été les premiers à réagir, avec l'adoption de la recommandation du Conseil de l'Europe du 27 juin 1980, bientôt suivie par le reste de la communauté internationale, sous l'égide du GAFI.

Les articles du titre IV de la première partie du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques s'inscrivent dans ce contexte de mobilisation internationale contre le blanchiment. En renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment des capitaux, conformément aux recommandations des instances européennes et internationales, ils témoignent de la volonté de notre pays d'être un élément moteur dans la lutte contre l'argent sale.

1. La dimension internationale de la lutte contre le blanchiment des capitaux

a) L'action de l'Europe

La première initiative à l'échelle européenne est l'adoption, le 27 juin 1980, par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, d'une recommandation relative aux mesures de lutte contre le transfert et la mise à l'abri des capitaux illicites : ce texte propose d'imposer aux établissements financiers la vérification de l'identité de leurs clients, la limitation des locations de coffres-forts à des personnes dignes de confiance, la constitution de réserves de billets numérotés et la formation du personnel bancaire.

Dix ans après ce texte peu contraignant, le Conseil de l'Europe a adopté à Strasbourg le 8 novembre 1990 une convention visant le dépistage du blanchiment, la saisie et la confiscation des produits du crime, ratifiée par la France le 8 octobre 1996. L'objet principal de cette convention est d'imposer la levée du secret bancaire.

Enfin, la directive n° 91/308 du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux demande aux institutions financières des Etats membre de la Communauté d'identifier les clients pour toutes les transactions supérieures à 95 000 F, de surveiller les opérations inhabituelles ou complexes susceptibles d'être liées à une opération de blanchiment de capitaux et de signaler toutes les transactions liées à une infraction pénale, à l'exception de la fraude fiscale. Cette directive fait actuellement l'objet d'une procédure de révision destinée notamment à élargir son champ d'application à des organismes non financiers.

b) Les initiatives internationales

La déclaration de Bâle du 12 décembre 1988 ou « déclaration de principes du comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires » est la première dénonciation internationale du blanchiment d'argent des organisations criminelles : émanant du comité de Bâle, qui rassemble les représentants des banques centrales et des autorités de contrôle des principaux pays occidentaux (1), cette déclaration pose un certain nombre de règles déontologiques que doivent respecter les établissements financiers : identification des clients, surveillance de certaines opérations suspectes, coopération avec les autorités judiciaires et administratives. Bien que dépourvue de portée légale, cette déclaration est essentielle, car elle témoigne de l'adhésion des organismes financiers à la politique de lutte contre le blanchiment.

La convention de Vienne du 20 décembre 1988, élaborée sous l'égide des Nations-Unies, a pour objectif de réprimer le blanchiment et le recel du produit du trafic de stupéfiants. En imposant l'incrimination du blanchiment des capitaux de la drogue, cette convention est devenue l'un des textes de référence en la matière.

Créé à l'initiative de la France lors du sommet du G7 à Paris en juillet 1989, le groupe d'action financière internationale (GAFI) a pour mission d'évaluer la politique de prévention de l'utilisation du système bancaire aux fins de blanchiment et de proposer des mesures complémentaires. Cet organisme regroupe actuellement vingt-six pays (2) et deux organisations internationales (3) En avril 1990, le GAFI a publié un rapport contenant quarante recommandations, actualisées en 1996, que tous les pays sont invités à mettre en _uvre, en tenant compte de leurs particularités et de leurs cadres constitutionnels respectifs : ces recommandations portent notamment sur l'harmonisation de la définition du délit de blanchiment, afin de renforcer l'efficacité de la coopération judiciaire internationale, sur la modification du droit bancaire permettant de mieux identifier les clients, d'accroître la collaboration entre les professions financières et les autorités administratives et de définir des règles applicables aux relations financières avec les centres financiers « offshore », et sur l'amélioration de la coopération internationale.

A la suite de ces quarante recommandations, le GAFI a publié en février dernier un rapport qui énumère vingt-cinq critères permettant d'identifier les pays et territoires jugés non-coopératifs. Une liste de ces pays devrait prochainement être élaborée.

2. Des dispositions qui complètent utilement le dispositif français de lutte contre le blanchiment

a) Le système TRACFIN

Conformément aux recommandations du GAFI et aux dispositions de la convention de Vienne du 20 décembre 1988, la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants a mis en place un système de lutte contre le blanchiment associant étroitement les établissements financiers et fonctionnant autour d'un service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins, baptisé TRACFIN.

La brochure du ministère de l'économie et des finances présente TRACFIN comme un service de renseignement et d'expertise qui permet aux institutions financières de ne pas s'adresser directement aux autorités judiciaires, afin « de préserver au maximum la confidentialité de leurs transactions et de conserver de fait la confiance de leurs clients ». Comme le rappelle ce document, les renseignements fournis à TRACFIN ne peuvent être utilisés à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment.

TRACFIN est une structure relativement légère dépendant de la direction générale des douanes : composée d'une trentaine de personnes (magistrat, agents des douanes), elle est dirigée par le directeur général des douanes, qui est assisté d'un secrétaire général adjoint. TRACFIN dispose d'un budget annuel d'un peu moins de 3 millions de francs, dont une partie est consacrée aux déplacements en France et à l'étranger.

En application des articles 1er et 3 de la loi du 12 juillet 1990, l'ensemble du secteur bancaire et financier (Trésor public, Banque de France, sociétés et courtiers d'assurance et de réassurance, changeurs manuels) et les intermédiaires immobiliers (notaires et agents immobiliers) sont tenus de communiquer à TRACFIN leurs soupçons lorsqu'il apparaît que des sommes ou des opérations financières dont ils ont connaissance pourraient avoir un lien avec le trafic de stupéfiants ou l'activité d'organisations criminelles.

Le champ de la déclaration de soupçon est donc plus étroit que celui du délit de blanchiment (art. 324-1 du code pénal), qui concerne les revenus tirés de tout crime ou délit. Cette différence n'a, semble-t-il, pas d'incidence pratique, les banques ne cherchant pas à connaître l'origine exacte des capitaux et déclarant à TRACFIN toutes les opérations qui leur paraissent suspectes.

L'article 2 de la loi de 1990 oblige, par ailleurs, les autres professionnels qui réalisent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux (huissiers de justice, commissaires-priseurs, commissaires aux comptes...) à dénoncer au procureur de la République les faits de blanchiment du produit du trafic de stupéfiants ou d'activité d'organisations criminelles dont elles ont connaissance. Cette obligation est comparable à celle prévue à l'article 40 du code de procédure pénale pour les fonctionnaires ayant connaissance d'un crime ou d'un délit.

Signalons également que l'article 12 de la loi de 1990 oblige les organismes financiers à s'assurer de l'identité de leur client avant toute ouverture de compte.

Les renseignements reçus par TRACFIN ne peuvent être communiqués qu'à un nombre limité de personnes, elles-mêmes tenues au secret : officiers de police judiciaire spécialisés dans la lutte contre la délinquance financière, service des douanes, autorités de contrôle et services des autres Etats exerçant une compétence analogue. TRACFIN peut faire opposition à l'exécution de l'opération déclarée pour une durée maximale de douze heures. Lorsque les informations recueillies mettent en évidence des faits de blanchiment, TRACFIN transmet le dossier au procureur de la République.

Si la divulgation auprès des auteurs du blanchiment de l'existence d'une déclaration de soupçon est punie d'une amende de 150 000 F, il n'existe aucune sanction pénale spécifique réprimant l'absence de déclaration : l'article 7 de la loi du 12 juillet 1990 prévoit simplement qu'une poursuite fondée sur les règlements professionnels peut être exercée par les autorités ayant le pouvoir disciplinaire lorsque, par suite d'un « grave défaut de vigilance » ou « d'une carence dans l'organisation de ses procédures internes de contrôle », un organisme a omis de faire une déclaration.

En pratique, les poursuites disciplinaires sont rares. D'après les renseignements fournis à votre rapporteur pour avis, la commission bancaire n'a prononcé depuis 1990 que trois sanctions disciplinaires (deux avertissements et un blâme), cinq autres poursuites étant en cours, alors que près de 40 % des banques n'ont jamais fait de déclarations de soupçons.

De février 1991 au 31 décembre 1999, TRACFIN a reçu 7 773 déclarations de soupçons : le nombre de déclarations annuelles est ainsi passé de 179 en 1991 à 1655 en 1999.

Évolution du nombre de déclarations de soupçons reçues par TRACFIN
depuis 1991

graphique

Sur la même période, 425 dossiers ont été transmis à la justice (129 pour 1999). La proportion des dossiers transmis à la justice par rapport aux déclarations de soupçons est comparable à celle des autres pays européens : 8,44 % en 1998 contre 6,89 % pour la CTIF belge et 10,79 % pour le MOT néerlandais.

Les 129 dossiers transmis à la justice en 1999 portent sur un montant avoisinant 2,5 milliards de francs, une vingtaine d'affaires dépassant à elles seules 10 millions de francs.

Il semble que les professionnels soumis à l'obligation de déclaration regrettent de n'être pas informés des suites qui ont été données à leurs déclarations, estimant, à juste titre, que ce retour d'information contribuerait à les aider à mieux appliquer la loi.

b) Les dispositions renforçant la lutte contre le blanchiment proposées par le projet de loi et les propositions de la Commission

-  Les dispositions du projet de loi

Le titre IV de la première partie du projet de loi comporte deux séries de dispositions : la première renforce le dispositif anti-blanchiment mis en place par la loi du 12 juillet 1990 ; la deuxième modifie le code pénal afin de faciliter la répression des faits de blanchiment.

Le projet de loi étend tout d'abord le champ de la déclaration de soupçons instituée par la loi du 12 juillet 1990 : il complète pour cela la liste des professions soumises à cette obligation de déclaration en y ajoutant les experts-comptables, les marchands de biens de grande valeur et les directeurs de casinos (art. 19) ; il modifie également le contenu des déclarations de soupçons en obligeant les organismes financiers à communiquer à TRACFIN les transactions dont le donneur d'ordre ou le bénéficiaire n'a pas pu être clairement identifié malgré les renseignement demandés en application de l'article 12 de la loi de 1990 (art. 20) ; ce même article 20 habilite le Gouvernement à imposer, par décret, la communication des opérations supérieures à un certain montant, également fixé par décret, effectuées avec des personnes établies dans les pays désignés comme non-coopératifs par le GAFI.

Dans le même esprit, l'article 21 autorise le Gouvernement à soumettre les opérations financières avec ces Etats non-coopératifs à des mesures de restriction, qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction.

Enfin, les articles 22 et 23, d'une part, autorisent TRACFIN à recevoir de l'ensemble des pouvoirs publics, des informations utiles pour l'exercice de sa mission, et, d'autre part, indiquent clairement que le contrôle du respect des dispositions de la loi de 1990 fait partie intégrante des missions de la commission de contrôle des assurances.

S'agissant de l'amélioration de la répression des faits de blanchiment, le projet de loi crée une nouvelle infraction, l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement (au lieu de dix ans actuellement), qui permettra de sanctionner en amont non seulement la participation au blanchiment de capitaux, délit puni de cinq ans d'emprisonnement, mais aussi un certain nombre de délits économiques et financiers (art. 25). Les peines prévues en cas de condamnation pour blanchiment de capitaux sont aggravées, avec la possibilité pour le juge de prononcer la confiscation des biens du condamné, même lorsque ce blanchiment ne provient pas du trafic de stupéfiants (art. 26).

-  Les propositions de la Commission

Considérant que le cas des experts-comptables ne pouvait être traité séparément de celui des autres professions du chiffre et du droit, qui ont vocation à terme à entrer dans le champ d'application de la loi de 1990, la Commission les a exclus de la liste des professions soumises à l'obligation de déclaration à TRACFIN. Sur proposition de M. Arnaud Montebourg, elle a étendu l'obligation de déclaration de soupçons aux opérations financières réalisées avec des personnes agissant à travers des fonds fiduciaires ou toute autre entité juridique destinée à masquer leur identité réelle.

Afin de permettre au Parlement d'être informé des mesures prises à l'égard des Etats non-coopératifs en France et à l'étranger, la Commission a prévu le dépôt d'un rapport annuel du Gouvernement sur ce thème.

Constatant le faible nombre de déclarations émanant de certaines professions, la Commission a institué des sanctions pénales en cas de manquement manifeste à l'obligation de déclaration prévue par la loi de 1990.

Elle a, par ailleurs, cherché à améliorer la répression des faits de blanchiment en créant une nouvelle infraction, le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie en étant en relations habituelles avec des personnes participant à une association de malfaiteurs, sur le modèle de ce qui existe à l'article 222-39-1 du code pénal pour les personnes en relation avec des trafiquants de drogue.

II. - AMÉLIORER LA TRANSPARENCE ET LA DÉMOCRATIE AU SEIN DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

1. Le « gouvernement d'entreprise » : un courant de pensée élaboré dans les pays anglo-saxons qui tend à renforcer le droit des actionnaires

En rendant public récemment le montant annuel de sa rémunération ainsi que celui de ses « stock options », le président du MEDEF n'a pas fait montre d'une audace solitaire inconsidérée, mais s'est inscrit dans le vaste mouvement de transparence que préconisent les tenants du « gouvernement d'entreprise ».

Comme l'écrivait en juin 1998 M. Jean Peyrelevade dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise, « les règles du "corporate governance" nous viennent des fonds de pension anglo-saxons et pour cette raison même nous agacent » (4).

Ces règles font l'objet d'une codification dans certains pays de l'OCDE, à l'instar du « code of best practice » élaboré en 1992 par le comité Cadbury en Grande-Bretagne ou des « principles of corporate governance » publiés la même année par l'American Law Institute.

En France, le débat sur le gouvernement d'entreprise s'est organisé autour de la publication des deux rapports du comité Viénot de 1995 et 1999 à l'initiative de l'AFEP et du MEDEF. Sur le fond, le premier rapport Viénot, abordant exclusivement la question de la composition et des missions du conseil d'administration, avait proposé, notamment, une charte de l'administrateur.

Les recommandations du second rapport du même comité vont bien au-delà et traitent de l'ensemble des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des sociétés anonymes. Pour l'essentiel, il formulait les propositions suivantes :

1. Le conseil d'administration doit pouvoir décider de la dissociation ou du cumul des fonctions de président du conseil et de directeur général, ce choix devant toujours être réversible.

2. Dans l'hypothèse ou le conseil d'administration choisit la dissociation des fonctions, le directeur général doit être administrateur, donc actionnaire, et nommé par le conseil.

3. La publicité des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées doit être améliorée, notamment par l'insertion d'un chapitre dans le rapport annuel des comptes, détaillant les rémunérations des dirigeants, identifiant clairement leurs fractions fixes et variables ainsi que le montant global et individuel des jetons de présence versés aux administrateurs.

4. Un chapitre relatif aux options de souscription ou d'achat d'actions des sociétés cotées doit être inséré dans le rapport annuel. Ce chapitre, doit décrire, notamment, la politique d'attribution des options, la périodicité des plans, les conditions posées pour l'exercice des options ainsi que des données relatives au rabais ou à la surcote consentis.

5. Le mandat des administrateurs ne doit pas excéder quatre ans de sorte que les actionnaires soient amenés à se prononcer suffisamment fréquemment sur leur élection. En outre, le rapport annuel doit indiquer clairement les autres mandats détenus dans d'autres sociétés.

6. Les administrateurs exerçant des fonctions exécutives doivent s'interdire d'exercer plus de cinq mandats d'administrateur dans les sociétés cotées françaises ou étrangères extérieures à leur groupe.

7. Le fonctionnement du conseil d'administration doit être renforcé par la présence d'administrateurs indépendants représentant au moins un tiers des membres du conseil d'administration et la majorité des membres des comités des rémunérations.

8. La périodicité et la durée des réunions du conseil d'administration doivent être telles qu'elles permettent un examen approfondi des matières relevant de sa compétence. Afin d'informer les actionnaires du rôle effectif rempli par le conseil, le rapport annuel doit indiquer le nombre de ses séances et donner toute information utile sur la participation des administrateurs.

Sans qu'elles constituent véritablement un code de référence appliqué par toutes les entreprises, ces recommandations ont été suivies d'un effet certain qui demeure cependant modeste. Ainsi, d'après une étude de 1998 publiée dans la revue reflets et perspectives de la vie économique, moins de 20 % des sociétés y font référence dans leurs rapports d'activité. Ce constat des limites de l'autorégulation par les entreprises met en lumière l'opportunité d'une réforme législative en matière de droit des sociétés dans certains des domaines abordés par ces rapports.

Autour de la référence au gouvernement d'entreprise, c'est le système par lequel sont dirigées et contrôlées les entreprises qui est en débat, l'idée d'une primauté de l'actionnaire sur les dirigeants étant sous-jacente. Il ne s'agit pas cependant d'affirmer la primauté des petits actionnaires au détriment de la direction des entreprises, mais plutôt de modifier les relations entre celle-ci et les investisseurs institutionnels, dont le poids dans les décisions des grandes entreprises va croissant.

Le courant de pensée en faveur de l'émergence de contre pouvoirs au sein des entreprises et du renforcement du droit et de l'information des actionnaires s'explique principalement par la conjonction de trois phénomènes économiques récents.

D'abord, le développement dans les années quatre-vingt des OPA, et plus particulièrement des OPA hostiles, aux Etats-Unis puis en Europe, s'est traduit, très souvent, par un changement dans la composition de la direction des entreprises, accompagnée d'une valorisation du cours des actions des sociétés visées. Ainsi les actionnaires détenteurs du capital ont bénéficié de substantielles plus-values grâce aux mouvements du marché. Toutefois, ces mécanismes du marché ont démontré que quantité de sociétés possédaient un potentiel inutilisé de progression de leur valeur marchande. Aussi, de nombreux actionnaires ont-ils commencé à s'interroger sur la qualité et les objectifs de la gestion de l'entreprise par ses dirigeants. En constatant que l'équipe dirigeante n'avait pas géré la société dans l'intérêt exclusif des actionnaires mais plutôt dans son propre intérêt, les détenteurs du capital ont progressivement réclamé une meilleure information, une association accrue aux grandes décisions des entreprises et pris conscience de l'existence d'un risque de conflit d'intérêts entre eux et les dirigeants exécutifs.

En second lieu, les années quatre-vingt ont également été marquées par des faillites retentissantes de groupes puissants ; on peut notamment évoquer l'affaire Maxwell, la faillite de la banque BCCI ou les difficultés du Crédit lyonnais. Ces affaires ont contribué à jeter un doute sur la qualité et l'efficacité des contrôles internes, sur la sincérité des comptes présentés aux actionnaires ainsi que sur la véracité des audits internes.

D'une façon générale, la théorie du gouvernement d'entreprise ne remet pas en cause la nécessité d'une délégation de pouvoirs entre les propriétaires du capital et le gestionnaire. En revanche, elle prend en considération l'insuffisance des contrôles existants et préconise, de ce fait, un renforcement des mécanismes internes permettant un meilleur équilibre entre les exigences des actionnaires et les contraintes des dirigeants. Comme l'a justement souligné M. Jean Peyrelevade, « la rémunération du chef d'entreprise doit être conçue de manière à faire converger son intérêt matériel et celui des investisseurs : cela implique qu'elle soit discutée, soumise à approbation formelle et transparente. D'autre part, son action au jour le jour doit être contrôlée dans le même esprit par le conseil d'administration qui est une sorte d'échelon avancé de la collectivité des mandants. Ce dernier organe est donc nécessairement le lieu ou se noue la dualité du pouvoir : pouvoir de gérer confié au chef d'entreprise d'un coté, pouvoir d'approuver ou de désapprouver, pouvoir de contrôler des autres administrateurs qui forment ensemble une sorte de juge de l'action managériale ».

Enfin, le troisième phénomène économique qui a contribué de façon décisive à l'élaboration des règles du gouvernement d'entreprise tient à la montée en puissance financière des fonds de gestion collective de l'épargne. En effet, les fonds de pension américains possèdent 38 % du capital des sociétés nord-américaines tandis que le montant des capitaux qu'ils gèrent représentent environ quatre fois le PIB français. Pour sa part, la France est l'un des pays de l'OCDE où le poids des actions détenues par les non-résidents est le plus élevé, puisqu'il se situe autour de 40 % de la capitalisation boursière nationale.

Or, la force financière même des fonds de pension constitue pour eux une contrainte. En effet, lorsqu'un épargnant individuel désapprouve l'orientation d'une entreprise ou est insatisfait de ses résultats, il peut céder son titre financier et se porter acquéreur d'un actif d'une autre société. Tel n'est pas le cas d'un fonds de pension puisque, compte tenu de sa masse financière, tout désengagement brutal de sa part provoquerait, inévitablement, une baisse du cours du titre de la société dans laquelle il a investi ses capitaux et ce faisant, lui causerait une perte de patrimoine qu'il ne peut assumer vis à vis de ceux qui lui ont confié le soin de gérer leur épargne.

Devant cette impuissance à recourir au marché pour sanctionner une gestion défaillante, les fonds de pension ont été conduits à exiger un renforcement de leurs pouvoirs en tant qu'actionnaires, une amélioration de l'information qui leur était fournie par les dirigeants ainsi qu'une redéfinition des modalités de gestion et de contrôle au sein des entreprises.

Pour autant, faut-il penser que la mise en _uvre par les entreprises des préconisations des théoriciens du gouvernement d'entreprise leur garantirait de meilleurs résultats économiques ? Les études empiriques font apparaître des résultats contrastés : s'il semble délicat d'établir une corrélation entre le résultat en termes de gouvernance d'entreprise et les performances financières sur une durée de cinq ans, en revanche, des tests sur des périodes de dix ans concluent à l'existence d'une telle relation.

Par ailleurs, élaborées par et pour les actionnaires, les recommandations du gouvernement d'entreprise ont aussi un prix de marché puisque selon une étude publiée dans la revue The Mc Kinsey Quaterly en 1996 et menée auprès de 100 investisseurs institutionnels, ces derniers sont prêts à payer une prime de 11 % pour les sociétés faisant état de bonnes pratiques en ce domaine.

Somme toute, le respect de ces recommandations revêt donc, au-delà d'un simple phénomène de mode dont les marchés financiers sont friands, un caractère plus structurel. En effet, la bonne conduite d'une économie au regard des règles du gouvernement d'entreprise peut avoir une influence sur son attractivité aux yeux des investisseurs étrangers mais elle est également susceptible de remettre en cause son système juridique et l'organisation des sociétés commerciales en particulier.

2. Un projet de loi qui s'inspire des règles du gouvernement d'entreprise

a) La dissociation des fonctions de président et de directeur général

Le droit actuel, qui résulte de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966, prévoit le cumul des fonctions de président du conseil d'administration et de celles de directeur général, la dissociation étant l'exception. Ce culte du chef, si particulier à la France, n'est pas favorable à l'émergence de contre-pouvoirs tandis qu'il facilite de nombreuses dérives personnelles qui peuvent être préjudiciables à l'intérêt de la société et de ses actionnaires comme l'a démontré l'histoire récente de certaines grandes entreprises françaises et européennes.

En outre, selon une étude menée auprès d'investisseurs institutionnels (cf. Problèmes économiques, n° 2606, du 3 mars 1999) afin de connaître la hiérarchie dans leur appréciation des pratiques des entreprises, ceux-ci classent au niveau 79, sur une échelle de 100, les critères relatifs à la composition du conseil d'administration, qui recouvre l'existence d'administrateurs indépendants, la distinction des fonctions de président et de directeur général, etc.

C'est pourquoi, l'article 56 du projet de loi réorganise les missions du conseil d'administration en les recentrant sur sa fonction de contrôle, tout en lui confiant la responsabilité de déterminer les orientations stratégiques de la conduite de l'entreprise. Dégagé de la gestion courante de la société, le conseil d'administration sera désormais présidé par une personne physique qui ne cumulera plus cette responsabilité avec celle de directeur général, celui-ci étant une personne physique distincte qui n'est pas forcément membre du conseil d'administration.

En instaurant la dissociation de droit des fonctions de président de celles de directeur général, le projet de loi inverse la règle actuelle et fait du cumul une exception, qui doit être prévue par les statuts de la société. Toutefois, on peut s'interroger sur l'opportunité d'une telle approche. En effet, aux Etats-Unis, terre promise du gouvernement d'entreprise, seules 20 % des sociétés américaines ont distingué les fonctions de président de celles de directeur général. En Europe, les pratiques en la matière sont extrêmement variées : si les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont séparé dans presque 100 % des cas les fonctions de président de celles de directeur général, en revanche l'Italie et la France cumulent dans près de 80 % des cas.

C'est pourquoi, devant une telle diversité et sensible à la nécessité de laisser aux entreprises le choix de leur organisation interne, la commission a adopté un amendement qui offre aux sociétés anonymes la faculté d'opter entre le cumul ou la dissociation des fonctions de président et de directeur général, sans privilégier une forme plutôt qu'une autre.

b) La limitation du cumul des mandats

En matière économique, comme dans d'autres domaines, le cumul de trop nombreux mandats nuit à l'implication des dirigeants et peut conduire à de coupables négligences. En redéfinissant les missions du conseil d'administration, le projet de loi tend parallèlement à restreindre le cumul des mandats d'administrateurs afin de garantir leur engagement dans la vie de la société.

Ainsi, l'article 60 du projet de loi, dispose que nul ne peut exercer simultanément plus de huit mandats d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance. On observera que le plafond reste inchangé par rapport au droit existant mais, en revanche, le dispositif proposé supprime les dérogations actuelles. Toutefois, les mandats exercés par les administrateurs dans les filiales, au sens de l'article 357-1, en tant que représentants permanents de la société mère, ne sont pas pris en compte dans le calcul de ce plafond.

Soucieuse de renforcer davantage la lutte contre l'absentéisme au sein des conseils d'administration, la commission a adopté un amendement abaissant à cinq, au lieu de huit, le nombre de mandats d'administrateurs ou de membres de conseil de surveillance qu'une personne physique peut exercer. De surcroît, la commission a estimé que la dérogation illimitée instaurée par le projet de loi au profit des représentants permanents des personnes morales exerçant leurs mandats au sein d'un même groupe, était excessive. C'est pourquoi, elle a également adopté un amendement limitant à dix le nombre de mandats qu'une personne physique peut exercer au sein d'un même groupe, que ce soit en qualité de représentant permanent de la société mère ou en son nom propre.

S'agissant des directeurs généraux, des directeurs généraux uniques ou des membres du directoire, les articles 57 et 60 du projet de loi instaurent une limite plus sévère que le droit positif puisqu'il prévoit que nul ne peut exercer simultanément plus d'une de ces fonctions et quatre mandats d'administrateurs. Cependant, là aussi, le texte du projet de loi permet de déroger à ces règles et n'instaure aucune limite en ce qui concerne les mandats exercés dans un même groupe. Poursuivant la même logique, la commission a institué un plafond de dix mandats d'administrateurs exercés par une personne physique au sein d'un même groupe.

Par ailleurs, la commission a estimé que l'impossibilité d'exercer plus d'un mandat de directeur général, directeur général unique ou de membre du directoire devait être nuancée en fonction du mode de financement des entreprises. En effet, si pour les sociétés ayant recours à l'appel public à l'épargne, il paraît légitime de restreindre totalement le cumul des fonctions dirigeantes, en revanche, il peut sembler opportun d'assouplir cette règle au profit des sociétés non cotées. C'est pourquoi, la commission a adopté des amendements autorisant le cumul de deux mandats de membre du directoire, de directeur général ou de directeur général unique dans les seules sociétés dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé.

c) La transparence

Au même titre que les dispositions du présent projet de loi qui tendent à assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes dirigeants, la transparence du fonctionnement des sociétés commerciales est, comme on l'a vu, un volet majeur du « gouvernement d'entreprise ».

A cet égard, la publicité des rémunérations des mandataires sociaux, instituée par l'article 64, est une mesure emblématique. D'inspiration anglo-saxonne, elle peut susciter, à juste titre, des réticences, dans un pays comme la France où le montant des revenus personnels est souvent considéré comme un élément de la sphère privée de chaque individu. Mais cette spécificité culturelle a trop été utilisée pour légitimer une opacité dont profitent d'abord les plus puissants, comme l'a montré M. Jean Peyrelevade, en juin 1998, dans son rapport précité sur « Le corporate governance ».

La commission a donc approuvé cette orientation. Dans le même temps, elle a souhaité que le recul de l'opacité s'accompagne d'une collégialité accrue dans la détermination même de ces rémunérations, en imposant aux conseils d'administration de délibérer de l'ensemble de leurs éléments, conformément aux recommandations formulées, récemment, par MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, dans leur rapport au Premier ministre sur l'épargne salariale.

C'est également sous l'angle de la transparence qu'a été abordé l'article 61. La commission a abaissé à 5 %, au lieu de 10 % dans le texte du Gouvernement, le seuil de détention des droits de vote à partir duquel une convention passée par une société avec l'un de ses actionnaires doit être soumise au régime des conventions réglementées. Elle propose, par ailleurs, de rendre cette transparence plus opérationnelle, en précisant que seules les conventions non réglementées significatives seront portées à la connaissance du conseil d'administration et des commissaires aux comptes.

Enfin, la commission a approuvé l'article 65, qui instaure, à l'égard des actionnaires non résidents, une procédure d'identification destinée à permettre aux entreprises de mieux connaître la composition de leur actionnariat et à combattre l'utilisation abusive de sociétés écrans, conformément aux recommandations du groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI).

d) Les droits des actionnaires

Le renforcement des droits et des prérogatives des actionnaires minoritaires est également au c_ur de la problématique du gouvernement d'entreprise.

Dans cette perspective, le présent projet de loi abaisse, en particulier, de 10 % à 5 %, les seuils de détention du capital à partir duquel les actionnaires ont la possibilité de diligenter un certain nombre d'actions de contrôle, et élargit le champ de ces dernières aux filiales des groupes (article 62).

La commission a adopté un amendement qui abaisse également à 5 % le seuil à partir duquel les actionnaires peuvent demander la convocation d'une assemblée générale.

De même, elle a souhaité offrir aux assemblées d'actionnaires des sociétés commerciales qui contrôlent ou exercent une influence notable sur d'autres entreprises le droit de statuer sur les comptes consolidés du groupe.

Enfin, la commission a approuvé l'article 63, qui facilite l'accès et la participation des actionnaires aux assemblées générales, y compris à travers une utilisation élargie des nouvelles technologies, ainsi que l'article 67, qui institue des « injonctions de faire » destinées à leur permettre de faire valoir, plus efficacement qu'avec des sanctions pénales, leur droit d'accès aux documents sociaux.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jacky Darne a jugé qu'il convenait d'abord de réfléchir aux raisons qui justifiaient que le Parlement soit saisi d'un projet de loi réformant le droit des sociétés ainsi qu'à la logique qui le sous-tendait. Rappelant que ce texte n'était pas la première réforme législative d'envergure en la matière, il s'est référé à la loi du 24 juillet 1867, qui avait permis au système capitaliste français de passer du stade de l'entrepreneur individuel à celui du développement organisé et collectif. Il a également évoqué la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, soulignant qu'elle avait constitué une nouvelle étape dans le développement économique de la France, en permettant aux sociétés de mieux organiser les pouvoirs en leur sein et de recourir, le cas échéant, pour leurs organes de direction, à la forme juridique du conseil de surveillance et du directoire.

Faisant référence aux historiens du développement économique, il a rappelé que ces analystes distinguaient trois modèles d'organisation du financement des entreprises.

S'agissant du modèle dit « anglo-saxon », il a observé que le financement des entreprises étant assuré par l'intermédiaire des marchés financiers, il pouvait exister des divergences d'intérêt entre les actionnaires détenteurs du capital et les dirigeants en charge de la gestion des sociétés. Il a noté que le débat sur la gouvernance d'entreprise découlait de ces conflits d'intérêt éventuels, qui posait la question du choix des objectifs à défendre prioritairement au sein des entreprises.

Dans le cadre du modèle économique qualifié d'« allemand » ou de « japonais » qu'il a ensuite présenté, il a relevé que le financement des entreprises s'opérait par un endettement auprès des établissements bancaires leur donnant un rôle déterminant dans la gestion des entreprises, tandis qu'était privilégié le recrutement interne des dirigeants.

Evoquant enfin la situation du système économique français, il a souligné son originalité tenant à l'intervention puissante des pouvoirs publics dans la structure du tissu industriel, qui explique le nombre élevé des administrateurs de sociétés anonymes issus de la fonction publique. Rappelant que le poids de cette techno-structure était parfois jugé excessif, même si la France avait connu de bons résultats économiques au cours des cinquante dernières années, il a constaté que ce modèle français rencontrait aujourd'hui de sérieuses difficultés résultant, d'une part, de la privatisation des entreprises publiques qui avait renforcé le pouvoir des actionnaires privés et, d'autre part, de la mondialisation des économies qui avait accru le rôle des marchés financiers internationaux. A cet égard, il a observé que les dirigeants actuels des entreprises privilégiaient, dans la détermination de leurs objectifs économiques, une rentabilité maximale à court terme du capital investi tenant précisément à l'ascendant des marchés financiers. Il a jugé que cette logique, favorisant la rentabilité financière immédiate, était intenable à long terme compte tenu de l'écart entre ses exigences et le rythme de croissance de l'économie réelle, notablement inférieur.

Regrettant que le projet de loi n'aborde pas la question de la régulation des marchés, mais se limite à adapter l'organisation des sociétés françaises aux exigences du système « anglo-saxon » favorable aux intérêts des actionnaires, il a également déploré l'absence d'un modèle européen de société commerciale qui serait à même de proposer un équilibre différent entre les exigences du marché, le pouvoir des dirigeants et la participation des salariés. Concluant son propos, il a jugé positif que le projet de loi apporte des améliorations notables en faveur des droits des actionnaires minoritaires, et accroisse la transparence, mais regretté qu'il ne réponde pas aux questions de fond concernant l'organisation du système productif soulignant que les réponses se situaient, non au niveau national, mais mondial.

M. Alain Tourret s'est demandé si le projet de loi allait dans le sens de la mise en place d'un modèle de société commerciale propre aux pays européens ou s'il tendait, au contraire, à aligner les pratiques françaises sur un corpus unique au plan international, inspiré des choix défendus par les pays anglo-saxons.

En réponse, M. Jacky Darne a constaté que le texte proposé par le Gouvernement ne saisissait pas, effectivement, l'occasion historique qui lui était offerte de relancer ce débat sur l'émergence d'un modèle de société commerciale européenne. Il a rappelé que jusqu'à présent, cette orientation avait échoué en raison, principalement, de la pratique divergente du Royaume-Uni, opposée à la participation des salariés et fondée sur une logique contractuelle, par rapport à celle des pays continentaux de l'Union européenne. Il a considéré que, dans un pays comme la France où 37 % du capital des sociétés est détenu par des fonds de pension américains ou britanniques, il était pourtant indispensable de réfléchir aux remèdes à apporter à la contradiction évidente qui oppose les attentes et les logiques d'un actionnariat intéressé par des profits immédiats, d'une part, et la nécessité de favoriser le développement à moyen et long terme des entreprises, d'autre part.

Intervenant à propos des dispositions du projet de loi tendant à renforcer la lutte contre le blanchiment de l'argent, M. Michel Hunault a regretté que le Gouvernement propose de faire peser de nouvelles contraintes administratives ou pénales sur certaines professions, pour des résultats tout à fait hypothétiques.

Avant de présenter les travaux de la mission d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux, M. Arnaud Montebourg, rapporteur de la mission d'information, a tenu à rappeler que celle-ci avait été créée à la suite de la rencontre, en septembre 1998, de plusieurs parlementaires avec les magistrats signataires de l'appel de Genève. Il a précisé que cette initiative se fondait sur le constat de la discordance qui existe entre une Europe économique et monétaire, qui encourage la libération des flux financiers et contribue par là même au démantèlement des instruments de régulation dont disposent les Etats membres, et une Europe judiciaire inexistante. Observant que certains Etats privilégient le secret professionnel au détriment de l'ordre public, contrairement à de nombreux pays européens, dont la France, il a expliqué que la mission avait souhaité examiner la façon dont s'organisait ce secret dans ces pays, qui sont par ailleurs dénoncés par le GAFI. Il a fait part des visites de la mission dans un certain nombre de pays européens ayant mis en place une politique efficace de lutte contre la corruption économique et politique, soulignant que ces expériences étrangères inspireraient les propositions de la mission d'information.

Il a noté que les pays qui ne respectaient pas les normes proposés par le GAFI n'étaient pas pour autant insensibles à certaines pressions, citant le cas de la Suisse, de l'Autriche, du Liechtenstein et de Chypre, qui cherchent à offrir certains gages au GAFI, à l'ONU ou à l'Europe. Il a alors évoqué le travail du GAFI, qui s'apprête à publier une liste de pays non coopératifs, et celui de l'ONU, qui a mis en place un programme de lutte contre la criminalité organisée. Après avoir rappelé que certains de nos partenaires européens utilisaient des moyens de pression juridiques ou diplomatiques pour modifier les pratiques des Etats non coopératifs, il a indiqué que la France avait choisi la voie politique et parlementaire avec la création de la mission d'information. Il a affirmé que l'objectif prioritaire de la mission, outre la collecte d'informations, était d'obliger ces Etats à mieux coopérer, notamment grâce à la publication de rapports ponctuels mettant en exergue les pratiques contestées de certains Etats. Il a, à cet égard, annoncé que la mission avait autorisé la veille la publication d'un rapport sur le Liechtenstein.

M. Arnaud Montebourg a ensuite indiqué qu'il avait abordé le projet de loi proposé par le Gouvernement avec deux préoccupations : rendre plus effectives et rigoureuses les contraintes et les sanctions instaurées à l'encontre des paradis fiscaux et des « centres offshore », et renforcer les outils juridiques dont la France dispose en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent. Il a estimé, en effet, que la France était quelque peu en retard par rapport à des pays comme la Grèce, l'Italie ou l'Espagne, qui se sont dotés récemment de moyens juridiques renforcés pour combattre ces pratiques non coopératives. De ce point de vue, il a jugé qu'il était indispensable d'observer les pratiques suivies par les pays étrangers, justifiant ainsi le souci de la mission d'information de poursuivre ses déplacements à l'étranger afin de ne formuler des propositions qu'à partir d'une observation précise des faits.

Le rapporteur pour avis a salué l'intervention de M. Jacky Darne et a considéré que la réforme du droit des sociétés proposée par le Gouvernement était effectivement partielle. Il a estimé que d'autres initiatives seraient nécessaires pour compléter un dispositif législatif qui demeure inachevé. Il a, lui aussi, souligné la contradiction évidente qui existe entre les intérêts à moyen et long terme des entreprises et les attentes des futurs retraités qui cotisent auprès des fonds de pension. Il a toutefois observé que, sans avoir pour ambition d'adapter le capitalisme français aux nouvelles contraintes de l'économie internationale, ce projet de loi avait néanmoins le mérite de répondre à une exigence forte de notre temps, qui est la nécessité de rendre le gouvernement des entreprises à la fois plus démocratique et plus transparent.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Première partie

Régulation financière

TITRE IV

AMÉLIORATION DE LA LUTTE CONTRE
LE BLANCHIMENT D'ARGENT
PROVENANT D'ACTIVITÉS CRIMINELLES ORGANISÉES

Article 19

(art. 1er de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990)

Champ d'application de la loi du 12 juillet 1990

L'article premier de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux détermine la liste des professions soumises aux dispositions des chapitres Ier et II de cette loi ; le chapitre Ier concerne l'obligation de déclaration auprès de TRACFIN des sommes et opérations qui paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l'activité d'organisations criminelles, tandis que le chapitre II, qui ne concerne que les organismes financiers, prévoit un certain nombre d'obligations de vigilance, comme la nécessité de se renseigner sur l'origine et la destination d'opérations financières qui dépassent un million de francs et se présentent dans des conditions inhabituelles de complexité.

Initialement, cette liste était limitée à des institutions financières : organismes régis par la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, c'est à dire les banques et les institutions financières spécialisées visées aux articles 69 et 99 de cette loi, institutions et services mentionnés à l'article 8 de cette même loi de 1984 (Trésor public, Banque de France, services financiers de la poste, caisse des dépôts et consignations), entreprises d'assurance visées à l'article L. 310-1 du code des assurances, mutuelles de prévoyance visées à l'article L. 111-1 du code de la mutualité, sociétés de bourse et enfin commerçants changeurs manuels. L'article 8 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment a procédé à un premier ajustement en ajoutant aux entreprises d'assurance les courtiers d'assurance et de réassurance.

La liste des professions soumises à l'obligation de déclaration a été élargie en 1998 aux personnes réalisant, contrôlant ou conseillant des opérations immobilières, ces professionnels étant toutefois explicitement exclus des autres obligations de vigilance incombant aux organismes financiers ; par ailleurs, la référence aux sociétés de bourse a été remplacée par un renvoi aux entreprises d'investissement et aux membres des marchés réglementés d'instruments financiers, tandis qu'aux « commerçants changeurs manuels » sont substitués les simples « changeurs manuels ».

En pratique, conformément aux articles 2 et 5 du décret n° 91-160 du 13 février 1991, ces organismes ont désigné une personne habilitée à faire des déclarations (le déclarant), TRACFIN ayant en son sein un interlocuteur privilégié prêt à répondre rapidement aux éventuelles questions de ce dernier.

En 1999, les informations en provenance des banques représentaient 68 % des 1 655 déclarations reçues. A l'autre bout de l'échelle, les changeurs manuels et les assureurs ne fournissent respectivement que 9 % et 4 % des signalisations. Cette faiblesse du taux de déclaration des changeurs manuels est d'autant plus préoccupante que cette profession est considérée comme un maillon très sensible de la chaîne du blanchiment. Quant aux assureurs, malgré une progression du nombre de leurs déclarations entre 1997 et 1998 (10 %), TRACFIN considère que leur participation à la lutte contre le blanchiment des capitaux est encore insuffisante, en raison notamment de l'inadaptation de leurs structures internes. Les entreprises d'investissement, ancienne dénomination des sociétés de bourse, sont encore moins coopératives, puisqu'elles n'ont fournit entre février 1991 et décembre 1999 qu'une cinquantaine de déclarations de soupçon, soit 0 64 % des 7 763 déclarations reçues sur cette période.

Les professionnels de l'immobilier semblent en revanche s'être rapidement adaptés à leurs nouvelles obligations, effectuant entre juin 1998 et décembre 1999 plus d'une quarantaine de signalisations. Cette collaboration des professions non financières est essentielle pour étayer et recouper les déclarations de soupçons émanant des banques et des autres institutions financières.

DÉCLARATIONS DE SOUPÇONS PAR TYPE D'ORGANISME

graphique

Souhaitant renforcer le dispositif de prévention et de détection des transactions suspectes, le Gouvernement propose d'étendre la liste des professions non financières soumises à l'obligation de déclaration.

Le paragraphe I de l'article 19 du projet de loi complète cette liste en y ajoutant les experts-comptables, les représentants légaux et les directeurs responsables des casinos et les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente des pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'_uvres d'art. L'intérêt principal de ce dernier ajout est, semble-t-il, de permettre un meilleur contrôle du commerce de l'or, fréquemment utilisé en matière de blanchiment et qui ne peut actuellement faire l'objet de déclaration de soupçons que lorsqu'un changeur manuel intervient.

Le paragraphe II complète l'article 11 de la loi du 12 juillet 1990 afin de préciser que les dispositions du chapitre Ier, relatives à l'obligation de communiquer à TRACFIN les informations en lien avec la déclaration initiale (article 4), à la possibilité pour ce service de s'opposer pendant douze heures à l'exécution de l'opération suspecte (article 6), à l'immunité accordée aux opérations exécutées après déclaration (articles 8 et 9) et aux sanctions pénales en cas de violation du secret de la déclaration (article 10), s'appliquent également aux professionnels de l'immobilier, aux experts-comptables, aux directeurs de casinos et aux marchands de biens de grande valeur.

Cette précision paraît cependant redondante avec le paragraphe I, puisque celui-ci complète l'article premier de la loi du 12 juillet 1990 qui détermine les professions soumises aux dispositions des chapitres Ier et II de cette loi. Il semble, en fait, que les auteurs de cette disposition aient voulu corriger une imprécision rédactionnelle ancienne : en 1998, le législateur a, en effet, étendu le champ d'application de la loi de 1990 à des organismes non financiers (les professionnels de l'immobilier), sans pour autant modifier les dispositions du chapitre Ier, qui mentionnent explicitement les organismes financiers, à l'exception de l'article 3 relatif à l'obligation de déclaration qui concerne désormais « les organismes financiers et les personnes visées à l'article premier ».

Cette extension des professions soumises aux obligations de la loi du 12 juillet 1990 rejoint les propositions du Parlement européen et du Conseil pour modifier la directive du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. Il est, en effet, proposé d'étendre les obligations de la directive de 1991 aux « comptables », « marchands d'articles de grande valeur, tels que pierres et métaux précieux » et aux « gérants, propriétaires et directeurs de casinos ».

On observera cependant que la proposition de modification de la directive mentionne également les commissaires aux comptes, les notaires et les autres membres des professions juridiques indépendantes lorsqu'ils achètent des biens immeubles ou des entreprises commerciales, manipulent des actifs appartenant au client ou encore constituent ou gèrent des sociétés. L'exposé des motifs du projet de loi indique d'ailleurs que la liste proposée « aura vocation à être étendue à de nouvelles professions et activités, notamment certaines des professions du chiffre et du droit, pour tenir compte des expertises réalisées au niveau international et des négociations en cours avec certains de nos partenaires (notamment la proposition de directive modificative sur la lutte contre le blanchiment d'argent).

On peut dès lors légitimement s'étonner que les experts-comptables, profession du chiffre et du droit soumise au secret professionnel, aient été inclus dans la liste, sans attendre le résultat de ces expertises et de ces négociations.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur pour avis excluant les experts-comptables de la liste des professions soumises à l'obligation de déclaration de soupçons à TRACFIN (amendement n° 1).

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(art. 3 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990)

Extension du champ de l'obligation de déclaration à TRACFIN
de certaines sommes et opérations

Le présent article propose d'étendre le champ de l'obligation de déclaration de certaines sommes et opérations au service spécialisé compétent (TRACFIN) qui incombe aux organismes financiers et aux personnes entrant dans le champ d'application de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990.

a) Alléger la charge de la preuve

L'article 3 de la loi du 12 juillet 1990 impose à certaines personnes et organismes financiers de déclarer à TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres, ou les opérations qui portent sur ces sommes, quand elles « paraissent provenir » du trafic de stupéfiants ou « de l'activité d'organisations criminelles ». Cette obligation incombe, actuellement, aux établissements de crédit, aux organismes financiers publics, aux entreprises d'assurance, aux entreprises d'investissement, aux commerçants changeurs manuels et aux agents immobiliers. Toutefois, comme on l'a vu, l'article 19 du présent projet de loi tend à compléter cette liste en visant également les experts comptables, les marchands de biens de grande valeur et les opérateurs de casinos.

Le paragraphe I du présent article comporte deux dispositions, qui étendent cette obligation de déclaration.

Il est proposé, en premier lieu, de remplacer l'expression « paraissent provenir », par les mots : « pourraient provenir », afin d'alléger la caractérisation de l'élément matériel à partir duquel la notification à TRACFIN devient obligatoire. Corrélativement, ce changement aura pour effet de réduire la charge de la preuve qui pèse sur les autorités de contrôle et de régulation, au premier rang desquelles figure la Commission bancaire, pour entamer une procédure disciplinaire, sur le fondement de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1990, à l'encontre d'une personne ou d'un établissement qui n'aurait pas respecté ses obligations. Cette nouvelle terminologie est également conforme à celle utilisée par la directive n° 91-308 du 10 juin 1991 relative à la lutte contre le blanchiment.

Il est proposé, en second lieu, de remplacer l'expression « de l'activité d'organisations criminelles », par les mots : « d'activités criminelles organisées ». Cette modification permettra que la question de l'existence d'une organisation criminelle n'ait plus à être posée à chaque étape de la procédure et de mettre l'accent sur la simple existence d'une activité délictuelle impliquant plusieurs personnes.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg tendant à élargir le champ de la déclaration de soupçon aux « activités délictueuses organisées ».

M. Arnaud Montebourg a considéré que les opérations couvertes par la loi du 12 juillet 1990, c'est-à-dire le trafic de stupéfiants et les activités criminelles organisées, étaient trop limitées, puisqu'elles ne recoupaient pas la définition du blanchiment telle qu'elle figure dans le code pénal. Indiquant qu'il avait initialement envisagé d'étendre la déclaration de soupçon à l'ensemble des crimes et délits, il a précisé qu'on lui avait fait observer qu'une telle extension engloberait la fraude fiscale, qui relève d'une autre logique.

Considérant qu'il ne fallait pas faire preuve de mansuétude à l'égard de la fraude fiscale, le rapporteur pour avis a cependant admis que TRACFIN n'était effectivement pas un instrument adapté pour combattre ces pratiques. Il s'est interrogé sur la portée juridique de l'amendement en observant qu'il était possible de donner aux « activités criminelles » une signification générique englobant les activités délictueuses. Il a néanmoins rendu un avis favorable sur cet amendement que la Commission a adopté (amendement n° 3).

b) Renforcer la surveillance des opérations financières réalisées avec des « sociétés écrans » ou des personnes établies dans des Etats ou territoires non coopératifs

Afin d'améliorer la détection des flux financiers suspects, le paragraphe II du présent article propose que les organismes financiers régis par la loi bancaire française soient tenus de déclarer à TRACFIN toutes les opérations ou transactions pour lesquelles l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire n'a pas été clairement établie, malgré les diligences qu'ils doivent effectuer en application de l'article 12 de la loi du 12 juillet 1990. Cette disposition, qui devrait s'appliquer, essentiellement, aux comptes anonymes dits « à numéros », n'impose qu'une obligation de notification, à charge pour TRACFIN, le cas échéant, de réserver aux informations transmises les suites appropriées.

Le paragraphe III prévoit que cette obligation de déclaration pourra être étendue, par décret, aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers qui dépassent un certain montant (également fixé par décret), dès lors qu'elles concernent des personnes physiques ou morales (y compris leurs filiales ou établissements) domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Une liste de ces Etats ou territoires devrait être rendue publique prochainement par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, c'est-à-dire le groupe d'action financière internationale (GAFI) (5).

Ces dispositions auront donc pour effet de placer sous surveillance les transactions réalisées avec des personnes utilisant des techniques juridiques opaques (sociétés écrans) ou les services offerts par les centres « offshore » non coopératifs.

Leur portée réelle doit néanmoins être appréciée au regard des obligations qui incombent déjà aux organismes financiers. On rappellera, en particulier, que l'article 14 de la loi du 12 juillet 1990 prévoit que toute opération importante (supérieure à un million de francs) qui, sans entrer dans la liste des opérations soumises à déclaration, se présente « dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d'objet licite », doit faire l'objet, de la part des organismes financiers, d'un examen particulier : ces derniers doivent se renseigner sur l'origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de la transaction et l'identité de la personne qui en bénéficie. Les caractéristiques de l'opération sont consignées par écrit et conservées durant cinq ans. TRACFIN et l'autorité de contrôle compétente peuvent obtenir communication de ce document et des pièces qui s'y rattachent.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur pour avis, tendant à préciser quelles sont les personnes qui seront tenues d'informer TRACFIN des opérations dont l'identité du donneur d'ordre est douteuse et à accentuer le caractère impératif de la possibilité offerte au Gouvernement d'étendre la déclaration de soupçon aux opérations réalisées avec des personnes établies ou utilisant les services d'un Etat non coopératif, un amendement identique de M. Arnaud Montebourg devenant alors sans objet. Elle a également adopté un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg tendant à élargir le champ de la déclaration de soupçon aux opérations réalisées par les organismes financiers avec des personnes agissant à travers des fonds fiduciaires ou toute autre entité juridique destinée à masquer leur identité réelle, le rapporteur ayant indiqué qu'il serait nécessaire de le fusionner avec le précédent (amendement n° 2).

La Commission a ensuite émis un avis favorable sur l'article 20 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 20

(art. 11-2 [nouveau] de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990)

Création d'un comité de liaison

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg tendant à instituer un comité de liaison réunissant les autorités de contrôle et les services de l'Etat impliqués dans la lutte contre le blanchiment de l'argent et les professionnels entrant dans le champ de la déclaration de soupçon.

M. Arnaud Montebourg a rappelé que le Gouvernement n'avait pas souhaité remettre en cause, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le cadre institutionnel dans lequel les services de l'Etat qui agissent en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent inscrivent leur action. Prenant acte de cette position, il a cependant estimé qu'il était nécessaire de remédier à une faiblesse de ce dispositif, que la mission d'information a noté tout au long de ses travaux, qui est l'isolement de TRACFIN et la faiblesse du dialogue que ce service entretient avec les professionnels qui doivent lui faire part de leurs soupçons.

Le rapporteur pour avis a approuvé cette volonté de favoriser le dialogue mais s'est déclaré sceptique sur la portée pratique du dispositif proposé.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 4).

Article 21

(art. 12 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990)

Restriction des transactions financières en provenance

ou à destination de pays ou territoires non coopératifs

Le présent article propose d'autoriser le Gouvernement à restreindre, voire à interdire, les opérations ou transactions réalisées par des organismes financiers établis en France avec des personnes physiques ou morales qui utilisent les services d'un Etat ou d'un territoire désigné comme non coopératif par le groupe d'action financière internationale (GAFI).

a) La publication prochaine d'une « liste noire » des pays ou territoires non coopératifs

Sous des formes diverses, la coordination, au niveau international, des politiques entreprises par certains Etats pour combattre le blanchiment de « l'argent sale », progresse depuis la fin des années 1980. Comme votre rapporteur l'a déjà indiqué dans l'exposé général du présent rapport, le groupe d'action financière internationale (GAFI) s'est imposé comme l'organisation de référence en la matière.

C'est en effet dans le cadre de cet organisme intergouvernemental, qui regroupe 26 Etats, parmi lesquels figurent les principaux pays industrialisés, et deux organisations internationales, dont la Commission européenne, qu'ont été élaborées, en 1990, puis révisées, en 1996, « quarante recommandations », que tous les pays sont encouragés à mettre en _uvre, sur les règles de la justice pénale, l'application des lois, le système financier et sa réglementation, ainsi que sur la coopération internationale.

Déjà, dans ce document, le GAFI considérait que « Les institutions financières devraient porter une attention particulière à leurs relations d'affaires et à leurs transactions avec les personnes physiques et morales (...) résidant dans les pays qui n'appliquent pas ou trop peu les présentes recommandations » (n° 21).

Depuis, de nouveaux progrès ont été réalisés, qui permettent d'envisager, prochainement, la mise en _uvre de mesures coercitives, à l'encontre, en particulier, des centres financiers « offshore », ainsi que d'autres pays ou territoires non coopératifs, dont les pratiques menacent directement les législations nationales de lutte contre le blanchiment.

La France, qui était déjà à l'origine de la création du GAFI, occupe, dans ce domaine spécifique, une position avancée et exemplaire. A l'occasion du séminaire des Nations-Unies qui s'est tenu, à Paris, les 30, 31 mars et 1er avril 1999, M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait identifié les problèmes posés au système financier international par ces pays ou territoires :

-  un secret bancaire très large ;

-  une réglementation insuffisante ;

-  des règles de droit laxistes, qui autorisent la mise en place de toutes les formes de structures ou entités juridiques à vocation économique ou commerciale fictive permettant de masquer l'identité des bénéficiaires de certaines opérations financières ;

-  des stratégies restrictives en matière de coopération internationale administrative ou judiciaire.

En dernier recours, le ministre français admettait déjà que ces pratiques pourraient justifier une interdiction, totale ou partielle, des transactions financières avec les centres offshore et autres territoires non coopératifs qui posent les problèmes les plus graves.

Dans ce sens, le GAFI a rendu public, le 14 février dernier, un « Rapport sur les pays ou territoires non-coopératifs », qui énumère 25 critères, cohérents avec les quarante recommandations précitées, permettant de les identifier. L'élaboration, sur le fondement de ces critères, d'une liste précise de ces pays et territoires, constituera la prochaine étape : une réunion est prévue, en juin, à Paris, sur ce sujet.

A priori, cette liste devrait distinguer les trois sous-catégories suivantes :

-  les pays ou territoires « de toute évidence non coopératifs » (graves déficiences dans nombre de domaines) ;

-  les pays ou territoires « en partie non coopératifs » (obstacles dans plusieurs domaines) ;

-  les pays ou territoires « de facto non coopératifs » (pas d'obstacles significatifs dans les lois et réglementations mais régime inefficace dans la pratique).

Les Etats qui persisteraient à ne pas prendre des mesures constructives seraient soumis à une surveillance, voire à des sanctions particulières :

-  les institutions financières relevant de la juridiction des membres du GAFI seraient tenues d'identifier leurs clients établis ou enregistrés dans des juridictions non coopératives ;

-  les membres du GAFI pourraient déterminer s'il est souhaitable et possible d'assortir de conditions, de restreindre, de cibler voire d'interdire les transactions financières avec ces juridictions, le cas échéant en adoptant les mesures législatives nécessaires à la réalisation de cet objectif.

b) Le Gouvernement français souhaite se doter dès à présent des instruments coercitifs nécessaires pour appliquer les recommandations du GAFI

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui témoignent de la volonté française d'appliquer les recommandations du GAFI. En particulier, l'article 20 dote le Gouvernement des moyens nécessaires pour contraindre les institutions financières relevant de notre juridiction à identifier leurs clients établis ou enregistrés dans les pays ou territoires qui seront désignées comme étant non coopératifs.

Le présent article insère, quant à lui, dans la loi du 12 juillet 1990, un article 12 bis qui autorise le Gouvernement, pour assurer l'application des recommandations émises par « l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent », c'est-à-dire le GAFI, et pour des raisons d'ordre public, à soumettre à des conditions spécifiques, à restreindre ou à interdire, tout ou partie des opérations ou transactions réalisées, pour leur propre compte ou pour compte de tiers, par les organismes financiers établis en France, avec des personnes physiques ou morales domiciliées, enregistrées ou ayant un compte auprès d'un établissement situé dans un Etat ou territoire désigné comme non coopératif.

De ce point de vue, le Gouvernement disposera d'une latitude importante pour décider du moment où il jugera utile de mettre en _uvre ces mesures de restriction et déterminer leur caractère plus ou moins contraignant.

La France sera ainsi le premier pays de l'Union européenne à se doter de tels moyens juridiques. Son initiative n'est pas isolée pour autant. En particulier, le Gouvernement américain a annoncé, le 9 mars dernier, par la voix de son secrétaire au Trésor, Lawrence Summers, son intention de proposer au Congrès l'adoption de mesures équivalentes : pouvoir discrétionnaire du Secretary of treasury d'exiger des institutions financières qu'elles conservent des traces écrites des transactions faisant intervenir des pays suspects, identification des personnes impliquées, interdiction, dans certains cas, des transactions financières entre les Etats-Unis et certains centres financiers off-shore, voire certains pays.

En tout état de cause, le Gouvernement a indiqué très clairement que cette habilitation sera utilisée de façon coordonnée avec les autres pays industrialisés.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 21.

Article additionnel après l'article 21

Rapport au Parlement

La Commission a examiné un amendement du rapporteur proposant que les mesures de déclaration ou de restriction des opérations et des transactions réalisées avec des personnes établies dans un Etat ou territoire non coopératif fassent l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement.

M. Arnaud Montebourg a soutenu cet amendement en soulignant que les rapports au Parlement étaient très utiles à ceux qui ont la volonté de s'en servir.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 5).

Article 22

(art. 16 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990)

Information de TRACFIN

Tout en rappelant que la divulgation des informations recueillies par TRACFIN est punie des peines prévues en cas de violation du secret professionnel (un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende), l'article 16 de la loi du 12 juillet 1990 autorise ce service à communiquer ces informations au service des douanes, aux officiers de police judiciaire spécialisés dans la délinquance financière et aux autorités de contrôle des organismes financiers, qui sont eux-mêmes tenus au secret. Parallèlement, cet article précise que TRACFIN peut recevoir des officiers de police judiciaire et des autorités de contrôle « les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».

TRACFIN ne peut donc actuellement officiellement recevoir du service des douanes des renseignements, alors même que ce service peut être destinataire des informations recueillies par TRACFIN. Il semble qu'en pratique, TRACFIN obtienne sans trop de difficultés les renseignements souhaités, mais de manière officieuse et sans qu'il puisse en faire état dans les dossiers transmis au parquet

Afin d'améliorer l'efficacité de ce service, l'article 22 du projet de loi complète l'article 16 en précisant qu'en plus des officiers de police judiciaire et des autorités de contrôle, l'ensemble des administrations de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pourront communiquer à TRACFIN les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; le secret professionnel de ces différentes administrations ne pourra pas être opposé. TRACFIN aura donc désormais officiellement accès aux informations des services fiscaux, de la direction de la concurrence ou encore de la poste

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, ces informations permettront à TRACFIN « de comprendre ou situer dans leur véritable contexte les transactions suspectes qui lui ont été, par ailleurs, déclarées ». En outre, TRACFIN pourra les utiliser pour transmettre au parquet des dossiers plus complets.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 22.

Article 23

(art. L. 310-12 et L. 322-2 du code des assurances)

Commission de contrôle des assurances - Adaptation
du code des assurances à la nouvelle incrimination de blanchiment

Cet article a un double objet : il rappelle, d'une part, dans le code des assurances que la commission de contrôle des assurances doit veiller à l'application de la loi du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux ; il adapte, d'autre part, le code des assurances à la nouvelle définition du délit de blanchiment adopté en 1996.

a) Le rôle de la commission de contrôle des assurances

Le deuxième alinéa de l'article L. 310-12 du code des assurances dispose que la commission de contrôle des assurances, qui est composée de cinq membres titulaires et de cinq membre suppléants nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances pour une durée de cinq ans, « veille au respect, par les entreprises d'assurance, des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'assurance ».

Malgré le caractère relativement clair de ces dispositions, il semble que la commission refuse de contrôler l'application par les entreprises d'assurance de la loi du 12 juillet 1990, notamment l'obligation de déclaration des sommes suspectes prévue par l'article 3 de cette loi. Cette position paraît d'autant plus contestable que la commission bancaire, malgré l'absence de dispositions spécifiques, remplit la fonction de contrôle que lui assigne la loi du 12 juillet 1990.

Le paragraphe I de l'article 23 complète donc l'article L. 310-12 afin d'indiquer explicitement que la commission doit s'assurer que les dispositions de la loi du 12 juillet 1990 sont appliquées par les entreprises d'assurance et par les personnes physiques ou morales soumises à son contrôle, c'est-à-dire les courtiers d'assurance et de réassurance.

b) L'adaptation du code des assurances à la nouvelle incrimination de blanchiment

L'article L. 322-2 du code des assurances énumère la liste des condamnations et interdictions empêchant une personne physique de fonder, diriger ou administrer une entreprise d'assurance ou de réassurance. Parmi ces incompatibilités figure la condamnation prononcée en application des articles L. 627 du code de la santé publique et 415 du code des douanes. Or le délit de blanchiment du produit de trafic de stupéfiant, qui figurait à l'article L. 627 du code de la santé publique, a été rapatrié en 1992 dans le nouveau code pénal et codifié à l'article 222-38 de ce code. Par ailleurs, la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment a créé une nouvelle infraction de blanchiment du produit d'un crime ou d'un délit (articles 324-1 et 324-2 du code pénal).

Le paragraphe II de l'article 23 remplace les références aux articles L. 627 du code de la santé publique et 415 du code des douanes par un renvoi aux articles 324-1 et 324-2 du code pénal.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis insérant dans la liste des condamnations qui interdisent à une personne physique de diriger une entreprise d'assurance, outre les condamnations pour blanchiment de capitaux, celles pour blanchiment du produit de trafic de stupéfiants ou pour délit douanier de blanchiment (amendement n° 6).

La Commission a ensuite émis un avis favorable sur l'article 23 ainsi modifié.

Article 24

(art. 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978)

Immatriculation des sociétés civiles

La loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil a posé le principe de l'immatriculation des sociétés civiles. L'article 1842 du code civil, créé par cette loi, dispose en effet que les sociétés civiles ne jouissent de la personnalité morale qu'à compter de leur immatriculation.

Le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi du 4 janvier 1978 prévoit toutefois, par dérogation aux dispositions de l'article 1842 du code civil, que les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur de la loi et non immatriculées dans un délai de deux ans après cette date conservent leur personnalité morale et que les dispositions relatives à la publicité ne leur sont pas applicables. Le ministère public ou tout intéressé peut cependant requérir en justice l'immatriculation de ces sociétés.

Il semble que certaines de ces sociétés non immatriculées, dont le nombre est évalué à plusieurs milliers, soient utilisées dans des montages financiers complexes permettant de blanchir de l'argent sale. L'absence de publicité concernant la transmission de parts sociales et la possibilité pour ces sociétés, qui jouissent de la pleine capacité juridique, de transmettre des biens immobiliers, en font un instrument idéal pour le blanchiment.

L'article 24 du projet de loi abroge donc le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi du 4 janvier 1978. Cette abrogation n'entrera toutefois en vigueur que le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la loi. Afin que les sociétés en fonction ne perdent pas brutalement leur personnalité morale faute d'avoir été informées de cette abrogation, l'article 24 indique que les sociétés civile doivent, avant cette date, procéder à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Comme le souligne l'exposé des motifs, cette immatriculation permettra de recenser l'ensemble des sociétés civiles existant en France et d'assurer une publicité de leurs porteurs de parts par l'intermédiaire du registre du commerce et de l'industrie. Les sociétés qui refuseront de s'immatriculer perdront de plein droit leur personnalité morale, et donc leur utilité dans le circuit du blanchiment.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 24.

Article 25

(art. 450-1 du code pénal)

Nouvelle définition de l'association de malfaiteurs

L'incrimination d'association de malfaiteurs est une incrimination ancienne, qui figurait déjà dans le code pénal de 1810. C'est une incrimination-obstacle permettant de prévenir très en amont la réalisation de crimes ou de délits graves.

L'article 450-1 du code pénal définit cette infraction comme le fait de participer à un groupement ou une entente en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement. Les peines encourues sont un emprisonnement de dix ans et une amende d'un million de francs.

L'association de malfaiteurs suppose donc une entente, qui peut être prouvée par la réunion des malfaiteurs ou les actes préparatoires auxquels ils procèdent. La chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé qu'il était indifférent que les infractions projetées aient été réalisées, ou même tentées.

Le but de l'entente doit être la préparation d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Entrent dans cette dernière catégorie le trafic de stupéfiants, le proxénétisme aggravé, les vols commis avec violence, les destructions dangereuses pour les personnes, la corruption de fonctionnaires, les faux et usages de faux en écriture publique ou encore la mise en circulation de la fausse monnaie.

L'action commune adoptée par le Conseil le 21 décembre 1998, relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l'Union européenne, demande que ces Etats incriminent « l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave, que ces infractions constituent une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux et, le cas échéant, influencer indûment le fonctionnement d'autorités publiques ». L'action commune précise en outre que les infractions visées par cette incrimination sont également celles figurant à l'article 2 de la convention Europol et dans l'annexe de cette convention.

Afin de mettre la législation française en conformité avec les dispositions de l'action commune, l'article 25 du projet de loi complète l'article 450-1 du code pénal pour créer une nouvelle incrimination d'association de malfaiteurs, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende, lorsqu'est constituée une entente en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Dans la mesure où l'échelle des peines française ne mentionne pas le seuil de quatre ans d'emprisonnement, le seuil de cinq ans semble, en effet, le mieux adapté.

La définition proposée, en retenant la participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs délits, est identique à celle figurant actuellement à l'article 450-1. On observera toutefois que cette définition est légèrement plus restrictive, puisqu'elle ne vise que les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement figurant aux livres  III et IV du code pénal (infractions contre les biens et contre la nation et la paix publique), alors que l'incrimination « aggravée » d'association de malfaiteurs concerne l'ensemble des crimes et des délits punis de dix ans d'emprisonnement. Cette restriction est en outre en contradiction avec l'action commune, qui, par le renvoi à la convention Europol, vise également les filières d'immigration clandestine, pour lesquelles l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende. Il est, dès lors, préférable que la nouvelle incrimination concerne l'ensemble des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, sans se limiter aux seules infractions mentionnées aux livres III et IV du code pénal.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur pour avis supprimant les références aux livres III et IV du code pénal dans la nouvelle incrimination d'association de malfaiteurs (amendement n° 7).

Cette nouvelle infraction d'association de malfaiteur permettra de sanctionner préventivement les infractions punies de cinq et sept ans d'emprisonnement, qui échappaient jusqu'à présent au dispositif de l'article 450-1. Sont notamment concernés le délit de blanchiment « simple » de capitaux (le blanchiment aggravé est puni de dix ans d'emprisonnement), mais aussi la participation à des activités financières criminelles, comme l'escroquerie, le recel ou les délits de faux utilisés dans le cadre de la fraude aux intérêts communautaires.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 25 ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 25

(art. 450-2-1 [nouveau] du code pénal)

Impossibilité de justifier ses ressources
tout en étant en relation habituelle
avec une personne participant à une association de malfaiteurs

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg, créant une nouvelle infraction, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende, consistant à ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie lorsque l'on est en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes participant à une association de malfaiteurs.

Après avoir rappelé qu'un tel dispositif existait à l'article 222-39-1 du code pénal pour les personnes en relation avec des trafiquants de stupéfiants, son auteur a souligné que cet amendement permettrait, grâce à l'allégement de la charge de la preuve qu'il implique, de poursuivre plus facilement les personnes qui blanchissent de l'argent. Il a rappelé qu'il existait actuellement moins d'une dizaine de condamnations pour ce type de délit, soulignant qu'il était très difficile d'établir la succession d'opérations financières de blanchiment, le lien entre ces opérations financières et la commission d'un crime ou d'un délit et la connaissance de l'origine criminelle ou délictueuse des fonds qui permettent de caractériser le délit de blanchiment.

M. Alain Tourret s'est inquiété du caractère très large de l'incrimination proposée. M. Arnaud Montebourg a fait valoir que le ministère public devrait apporter la preuve des actes matériels visant à la préparation de l'infraction, du caractère habituel des relations, et de l'absence de justification de ressources correspondant au train de vie. Evoquant la décision du Conseil constitutionnel du 16 juin 1999, il a estimé que le législateur pouvait établir une présomption de culpabilité à partir du moment où il n'imposait pas de présomption irréfragable, préservait les droits de la défense et ne visait que des faits permettant d'établir cette présomption de culpabilité.

La Commission a adopté l'amendement de M. Arnaud Montebourg (amendement n° 8).


(art. 11-1 [nouveau] de la loi n° 90-613 du 12 juillet 1990)

Sanctions pénales en cas de manquement manifeste
à l'obligation de déclaration de soupçons

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Arnaud Montebourg insérant dans le code pénal un nouvel article sanctionnant de deux ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende le manquement délibéré aux obligations de vigilance prévues par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1990. Son auteur a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas de sanctionner une simple négligence, mais uniquement un manquement manifeste et délibéré à l'obligation de déclaration.

Le rapporteur pour avis s'est déclaré réservé sur la référence au caractère délibéré du manquement, rappelant qu'en l'absence de dispositions spécifiques contraires, une infraction ne peut être que délibérée, puisque l'article 121-3 du code pénal dispose « qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Il a exprimé la crainte que cette précision inutile ne remette en cause la jurisprudence actuelle sur le délit de blanchiment, que l'on pourrait transformer en délit involontaire puisque le mot « délibéré » n'y figure pas. Il a également regretté que la sanction pénale figure dans le code pénal, et non pas dans la loi de 1990, alors même que la définition de l'obligation de vigilance est inscrite dans cette loi.

M. Alain Tourret a également souligné que la rédaction de cet amendement risquait de conduire à créer une nouvelle catégorie d'incrimination, l'infraction délibérée. M. Jacky Darne a jugé essentiel de montrer que le législateur ne souhaite pas sanctionner une simple négligence, mais un manquement délibéré, manifeste et répété aux obligations de vigilance imposées par la loi. Il a fait valoir qu'en l'absence de précisions complémentaires, les organismes financiers seraient conduits à multiplier les déclarations de soupçons, au risque d'asphyxier TRACFIN. M. Arnaud Montebourg a estimé qu'il était effectivement préférable, d'un point de vue juridique, de remplacer le manquement délibéré par un manquement manifeste et de faire figurer les sanctions prévues dans la loi de 1990.

La Commission a alors adopté l'amendement de M. Arnaud Montebourg ainsi modifié (amendement n° 9).

Article 26

(art. 324-7 du code pénal et 706-30 du code de procédure pénale)

Saisie et confiscation des biens
des personnes condamnées pour blanchiment

Aux termes de l'article 131-21 du code pénal, la peine de confiscation peut porter sur la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou sur la chose qui est en le produit, ou sur tout objet mobilier défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction. L'article 19 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 relative à certaines dispositions d'ordre financier prévoit en outre que la décision judiciaire prononçant la confiscation totale ou partielle d'un patrimoine doit être publiée au Journal officiel et dans un journal d'annonces légales.

Si la confiscation des instruments ou des produits d'un crime ou d'un délit est assez largement prévue, celle portant sur un bien mobilier ou immobilier appartenant à la personne condamnée, parce qu'elle constitue une sanction très lourde, est beaucoup plus rare. Cette peine complémentaire n'est, en effet, prévue dans le code pénal qu'en cas de crime contre l'humanité (article 213-1 de ce code), en cas de constitution d'un groupe de combat (article 431-21) ou encore en cas de trafic de stupéfiants et de blanchiment du produit de ce trafic (article 222-49).

Afin de renforcer l'efficacité du dispositif anti-blanchiment, le paragraphe I de l'article 26 complète l'article 324-7 du code pénal, qui énumère les peines complémentaires applicables aux personnes physiques reconnues coupables du délit de blanchiment, en y ajoutant la peine de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. On observera que la formulation retenue est identique à celle qui figure à l'article 222-49 du code pénal.

Pour permettre l'exécution de cette sanction, le paragraphe II de l'article 26 complète l'article 706-30 du code de procédure pénale, qui permet une saisie conservatoire des biens en cas d'information ouverte pour trafic de stupéfiants ou blanchiment du produit de ce trafic, par une référence au délit de blanchiment (articles 324-1 et 324-2 du code pénal) : ainsi, lorsqu'une instruction portera sur des faits de blanchiment, le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui, sur requête du procureur de la République, pourra ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen ; en cas de condamnation, les saisies conservatoires seront validées. Si une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement est prononcée ou en cas d'extinction de l'action publique, les mesures ordonnées seront levées de plein droit aux frais du Trésor.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 26.

Troisième partie

Régulation de l'entreprise

TITRE Ier

DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Article 55

Introduction des articles relatifs
à la réforme du droit des sociétés

Cet article appelle peu de commentaires puisqu'il se borne à annoncer que la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est modifiée conformément aux articles 56 à 68 du présent projet de loi. Toutefois, on peut s'étonner de cette présentation peu courante qui privilégie une annonce générale en tête des articles révisant cette loi plutôt que l'intégration, dans chaque article modifié, de la référence à ladite loi.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 55.

chapitre ier

Equilibre des pouvoirs et
fonctionnement des organes dirigeants

Article 56

(art. 98 et 113 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Missions du conseil d'administration -
Séparation des fonctions de président et de directeur général

Le constat, fréquemment dressé, de la faiblesse du contrôle exercé par le conseil d'administration et de la prédominance du président dans le droit français et les pratiques entrepreneuriales hexagonales, rendait nécessaire une réforme de la loi sur les sociétés commerciales, afin de clarifier les compétences des différents organes des sociétés, tout en veillant à assurer un meilleur équilibre entre ceux-ci. S'inspirant de certaines règles du « gouvernement d'entreprise », cet article du projet de loi a pour objet, d'une part, de modifier les pouvoirs et les missions du conseil d'administration tels qu'ils sont définis à l'article 98 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et, d'autre part, de permettre la séparation des fonctions de président de celle de directeur général en modifiant l'article 113 de la loi précitée.

a) Article 98 de la loi du 24 juillet 1966 : définition du rôle du conseil d'administration

La rédaction actuelle de l'article 98 de la loi du 24 juillet 1966 accorde au conseil d'administration les plus larges prérogatives. Ainsi, « le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ; il les exerce dans la limite de l'objet social et sous réserve ce ceux expressément attribués par la loi aux assemblées d'actionnaires ». Cette définition très générale des attributions du conseil d'administration a souvent été critiquée par la doctrine en raison de son rapprochement avec la rédaction de l'article 113 de la même loi relatif aux pouvoirs du président. En effet, aux termes de cet article, le président « est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société », sous réserve des attributions que la loi confie expressément aux assemblées d'actionnaires ainsi qu'au conseil d'administration.

Le rapprochement de ces deux dispositions et leur similitude formelle a été dénoncée comme « une source de confusion regrettable » par le rapport du 7 janvier 1999 de M. Guy Pallaruelo de la chambre de commerce et d'industrie de Paris. En pratique, cette confusion des rôles s'est traduite par l'effacement du conseil d'administration au profit d'un président directeur général omnipotent.

Toutefois, certains considèrent que cette confusion ne présente pas que des inconvénients ; ainsi M. Marc Viénot, dans le rapport présenté au nom du MEDEF et de l'AFEP en juillet 1999, estime qu'elle est un élément de souplesse qui comporte des avantages manifestes : « chaque conseil peut adapter au mieux la répartition des compétences aux circonstances ainsi qu'aux caractéristiques et aux besoins propres de l'entreprise, restreindre le champ de ses interventions préalables pour ne pas risquer de gêner inutilement la gestion ou élargir celles qu'il entend se réserver en définissant des catégories d'opérations dont il entend être saisi et, s'il veut formaliser cette répartition, il lui est loisible d'adopter un règlement aussi précis que possible ».

La prééminence du président tient d'abord au caractère permanent de ses fonctions, alors que le conseil d'administration ne se réunit que périodiquement. En outre, le fait qu'il bénéficie des mêmes attributions que ce dernier et que les clauses limitatives de ses pouvoirs soient inopposables aux tiers, en application du quatrième alinéa de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction actuelle, renforcent sa domination sur les autres organes sociaux et, ce faisant, le déséquilibre des rapports au sein de la société.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 98 de la loi précitée tente de remédier à ces inconvénients en clarifiant les compétences du conseil d'administration par rapport à la gestion de l'entreprise. Ainsi, le premier alinéa précise que le conseil d'administration « détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur application. » Cette rédaction confie au conseil le soin de fixer les orientations stratégiques de la société, tout en le dégageant de sa gestion quotidienne. En effet, il semble peu réaliste d'investir un organe non permanent et collégial de pouvoirs étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société comme le dispose la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article 98 de la loi précitée. En revanche, il apparaît souhaitable de conforter le conseil dans sa mission de contrôle de l'application de ses décisions ; c'est pourquoi le projet de loi prévoit qu'il veille à leur mise en _uvre.

Afin de disposer des moyens nécessaires à sa mission ainsi définie, il est précisé au quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 98 qu'à toute époque, le conseil d'administration reçoit toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission et se fait communiquer les documents qu'il estime utiles. Par ailleurs, il peut procéder à toutes les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société.

On observera que le droit d'autosaisine ainsi reconnu au conseil peut s'exercer nonobstant l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 113, qui précisent que le président du conseil « organise et dirige » les travaux de celui-ci.

Il est d'ailleurs cohérent avec le principe de la responsabilité des administrateurs telle qu'elle est prévue par le quatrième alinéa de l'article 98 modifié par le présent projet de loi. En effet, les administrateurs étant responsables des éventuelles fautes commises dans leur gestion, ils doivent pouvoir, à tout moment, saisir le conseil d'un problème qu'ils auraient pu déceler dans la gestion de la société, en dehors même de la convocation de celui-ci par le président. Les modalités pratiques de mise en _uvre de cette autosaisine sont, dans le silence de la loi, organisées par l'article 83 du décret du 23 mars 1967, qui dispose que le tiers des administrateurs peut convoquer le conseil d'administration sur un ordre du jour déterminé si celui-ci ne s'est pas réuni depuis plus de deux mois.

Afin de renforcer les prérogatives des administrateurs, la Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que ce sont les administrateurs membres du conseil d'administration, pris individuellement, qui ont pour fonction de contrôler le bon fonctionnement de la société et non le conseil d'administration en tant qu'organe collégial, comme le prévoit le texte du projet de loi (amendement n° 11). Puis, elle a adopté un amendement du même auteur donnant la possibilité au directeur général, désormais en charge de la gestion courante de la société, de provoquer une réunion du conseil d'administration sur un ordre du jour déterminé dans l'hypothèse où les affaires de la société l'exigeraient (amendement n° 12).

Le texte proposé pour l'article 98 prévoit, par ailleurs, que le conseil d'administration règle par ses délibérations « les affaires de la société » ; cette disposition appelle quelques remarques. En effet, il ne saurait être question de confier au conseil d'administration la charge de la gestion courante des affaires de la société. Comme on l'a dit plus haut, le conseil en tant qu'organe non permanent, même présidé par une personne physique qui ne cumulerait plus cette fonction avec celle de directeur général, ne peut assurer par ses délibérations la gestion quotidienne de l'entreprise. Dès lors le texte proposé peut être la source d'une certaine ambiguïté ; s'il n'a pas d'autre sens que de réaffirmer la compétence générale reconnue au conseil pour déterminer les orientations de l'activité de la société, il paraît quelque peu redondant.

C'est pourquoi La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que le conseil d'administration détermine l'orientation des activités de la société et veille à leur application en supprimant la référence à sa compétence pour décider des affaires de la société afin de ne pas laisser à penser qu'il est chargé de sa gestion quotidienne (amendement n° 10).

Le conseil d'administration, dont les attributions sont précisées et qui est doté des moyens de les mettre en _uvre, peut engager par ses actes la responsabilité de la société vis-à-vis des tiers, même lorsque ceux-ci ne relèvent pas de l'objet social. Cette sécurité juridique au profit des tiers qui figure déjà dans le texte actuel de l'article 98 est repris par le projet de loi. Notons que la société peut décliner sa responsabilité résultant des actes du conseil si elle prouve que le tiers savait qu'ils dépassaient l'objet social, ou s'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, « étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ».

La responsabilité de la société pour les actes du conseil en tant qu'organe collégial n'exclut pas, pour autant, celle de ses membres. Ainsi le quatrième alinéa de l'article 98 dans sa rédaction issue du projet de loi, dispose que les administrateurs, qui sont obligatoirement des actionnaires en application de l'article 95 de la loi du 24 juillet 1966, sont responsables envers la société et envers les tiers dans les conditions prévues à l'article 244 de la loi précitée. Ce texte précise que les administrateurs sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. L'application de l'article 244 étant de droit, cette référence est, d'ailleurs, surabondante.

Le rapprochement de la nouvelle rédaction proposée pour la compétence du conseil d'administration, qui détermine les orientations de l'activité de la société, et de la responsabilité des administrateurs pour les fautes commises dans leur gestion, renforce la cohérence d'ensemble du dispositif, qui tend à recentrer, dans la transparence, les pouvoirs et les devoirs du conseil et de tous ses membres pris individuellement.

Par ailleurs, le projet de loi institutionnalise la pratique suivie par la plupart des conseils d'administration en imposant l'établissement d'un règlement intérieur pour les sociétés faisant appel public à l'épargne. Le contenu de ce document est également évoqué puisque le projet de loi dispose que les règles relatives à la fréquence des réunions du conseil ainsi qu'à la fixation de l'ordre du jour doivent notamment y figurer. Le texte ne va pas au-delà de ces prescriptions et renvoie à un décret le soin de définir les conditions de sa publication.

Cette dernière disposition est essentielle et se justifie par la volonté de fournir aux actionnaires et aux éventuels investisseurs, le moyen d'évaluer le rôle effectif du conseil d'administration des sociétés faisant appel public à l'épargne. Cette dernière notion a été précisée par la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 qui a modifié l'article 72 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Antérieurement, les sociétés étaient considérées comme faisant appel public à l'épargne, dès lors que les titres étaient distribués auprès de plus de trois cents personnes. Désormais seules sont visées les sociétés dont l'un des instruments financiers fait l'objet d'une cotation sur un marché réglementé ou bien celles qui diffusent leurs titres par le biais de publicité, de démarchage ou par l'intermédiaire d'établissements de crédit ou tout autre prestataire d'investissement.

Le recours public à l'épargne reposant sur la confiance des épargnants légitime, en contrepartie, des prescriptions légales supplémentaires et, en l'espèce, la diffusion d'une information objective sur la réalité du contrôle exercé par le conseil ainsi que le respect de ses missions telles qu'elles sont définies par la présente loi. Dès lors votre rapporteur juge souhaitable que le décret définisse des modalités satisfaisantes afin d'organiser une publicité large et transparente de l'information.

Somme toute, la clarification des attributions du conseil ne peut produire tous ses effets que si, par ailleurs, il est présidé par une personne physique qui ne cumule plus les fonctions de président du conseil et celle de directeur général en charge de la gestion quotidienne de la société.

b) Article 113 de la loi du 24 juillet 1966 : fonctions du président du conseil d'administration

Le premier alinéa de l'article 113 actuel de loi du 24 juillet 1966 disposant que « le président du conseil d'administration assume, sous sa responsabilité la direction générale de la société », le cumul de ces deux fonctions est de droit. Toutefois, l'article 115 de la loi précitée prévoit que, sur proposition du président, le conseil d'administration peut donner mandat à une personne physique d'assister celui-ci au titre de directeur général.

Ce principe du chef, si spécifique à la France est, selon une note de la fondation Saint-Simon rédigée en juin 1998 par M. Jean Peylerevade, « un reflet de nos m_urs : personnalisation du pouvoir, pérennité des situations acquises » qui peut toutefois conduire à de fréquents abus en raison de l'absence de contre pouvoirs.

Préconisée par les tenants français du « corporate governance », la dissociation des fonctions de président de celles de directeur général fait débat en France depuis le milieu des années 1990. Le rapport Viénot de juillet 1999, sans s'opposer à la suppression du cumul, recommandait une possibilité de « choix ouvert entre le cumul et la dissociation des fonctions de président et de directeur général » et insistait sur la nécessaire souplesse de toute réforme législative en cette matière, tout comme l'avait fait avant lui le rapport de M. Philippe Marini (6). Le projet de loi s'inspirant partiellement des propositions avancées par ces rapports, tend à la dissociation des fonctions de président et de directeur général en procédant à une réécriture complète de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966.

Aux termes du premier alinéa de l'article 113 nouveau, le président représente non plus la société, fonction désormais dévolue au directeur général en vertu de la nouvelle rédaction de l'article 117 proposée à l'article 57 du projet de loi, mais le seul conseil d'administration. Ainsi recentré sur le conseil d'administration, le président organise et dirige ses travaux et rend compte de ceux-ci à l'assemblée générale.

Afin que les membres du conseil d'administration puissent exercer pleinement leurs fonctions telles qu'elles sont définies par l'article 98, le projet de loi attribue au président, au-delà de sa compétence générale de veiller du bon fonctionnement des organes de la société, la charge de s'assurer que les administrateurs sont en mesure de « remplir leur mission ». Débarrassé de la charge de la gestion quotidienne de la société, le président du conseil d'administration devra se concentrer exclusivement sur la bonne marche du conseil et sera nécessairement attentif à sa fonction de contrôle. L'objectif d'un rééquilibrage entre les pouvoirs de gestion, attribués au directeur général, et le respect de l'intérêt des actionnaires, dont le conseil d'administration est l'émanation, est donc pleinement atteint au travers de la redéfinition des pouvoirs du président, qui est désormais le garant du bon fonctionnement de cette nouvelle dyarchie.

Il convient de remarquer que la rédaction proposée par le projet de loi pour l'article 113 ne reprend pas son troisième alinéa actuel, qui disposait que le président engage, par ses actes, la responsabilité de la société vis à vis des tiers, alors même que ceux-ci ne relèvent pas de l'objet social à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou ne pouvait l'ignorer, compte tenu des circonstances, la seule publication des statuts ne suffisant pas à constituer cette preuve. Cette solution semble logique ; si les actes du conseil d'administration continuent à engager la responsabilité de la société (cf. supra art. 98), il n'y aurait plus de justification à ce qu'il en aille de même pour ceux du président dès lors qu'il n'est plus en charge de la gestion quotidienne de la société.

Si le premier alinéa de l'article 113 tel qu'il est modifié par le présent projet de loi scinde la fonction de président de celle de directeur général, le second alinéa dispose qu'il ne s'agit pas d'une règle absolue, le cumul demeurant possible si les statuts de la société le prévoient. Dans ce cas, le président se voit appliquer le régime juridique de droit commun relatif au directeur général.

Ces dispositions instituent donc un régime de droit commun dual et permettent le cumul à titre d'exception. Toutefois, soucieuse d'offrir aux sociétés la plus grande latitude dans leur organisation interne, la Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne tendant à offrir aux sociétés anonymes la possibilité de choisir entre le cumul des fonctions de président et de directeur général et leur dissociation selon des modalités que leurs statuts doivent prévoir, après que le rapporteur eut souligné que cet amendement apportait davantage de souplesse au texte du projet de loi (amendement n° 13). Toutefois, cette présentation ne serait pas complète sans la prise en compte des dispositions figurant à l'article 70 du projet de loi qui distingue, pour l'entrée en vigueur de ce dispositif, les sociétés cotées des sociétés non-cotées.

Pour les premières, les présidents assurant la direction générale de la société cesseront de présider le conseil d'administration à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de la date de publication de la présente loi. Toutefois, le caractère automatique de cette disposition en faveur du régime dualiste est tempéré par la possibilité donnée aux sociétés, dans ce même délai, de convoquer une assemblée extraordinaire afin de modifier ou préciser leurs statuts. Ainsi, parce qu'elles sont davantage exposées aux exigences des marchés internationaux de capitaux, les sociétés cotées auront l'obligation de renoncer au monisme du « PDG » à la française, à moins qu'elles ne procèdent expressément à la révision de leurs statuts pour conserver cette organisation.

Pour ce qui est des sociétés anonymes dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé et qui étaient immatriculées au registre du commerce avant la date de publication de la présente loi, elles peuvent conserver le cumul des fonctions, sans délibération particulière de leur assemblée générale.

Puis, la Commission a émis un avis favorable sur l'article 56 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 56

(art. 93-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Participation au conseil d'administration des salariés actionnaires

La Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne tendant à rendre obligatoire la nomination au conseil d'administration d'administrateurs représentant les salariés actionnaires détenant collectivement au moins 5 % du capital de la société, le rapporteur pour avis ayant cependant estimé qu'il s'inscrirait mieux dans un texte relatif à l'épargne salariale que dans le cadre du présent projet de loi (amendement n° 14).

Article 57

(art. 115, 115-1, 116, 117 489-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Nomination, pouvoirs et révocation du directeur général -
Création de directeurs généraux délégués

En conséquence de la séparation des fonctions de président du conseil d'administration de celles de directeur exécutif, cet article a pour objet de procéder aux modifications nécessaires dans les articles de la loi du 24 juillet 1966 relatifs aux directeurs généraux, tout en créant les fonctions de directeurs généraux délégués.

a) Article 115 de la loi du 24 juillet 1966 : nomination du directeur général et des directeurs généraux délégués

L'article 115 actuel de la loi du 24 juillet 1966, prévoit que, sur proposition du président, le conseil d'administration peut donner mandat à une personne physique d'assister le président à titre de directeur général. En outre, deux directeurs généraux peuvent être nommés dans les sociétés dont le capital est au moins égal à 500 000 francs et cinq directeurs généraux dans les sociétés dont le capital est au moins égal à 10 millions de francs, à condition que trois d'entre eux, au moins, soient administrateurs.

Le caractère optionnel de ces nominations de même que la proposition du président sont écartés par le projet de loi qui précise que le conseil d'administration a l'obligation de nommer un directeur général, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 113 qui permet le maintien du cumul des fonctions de président et de directeur général dans les sociétés dont les statuts le prévoient.

Il convient de rappeler que le directeur général, qui n'est pas nécessairement un actionnaire, est nommé par le conseil, qui doit également fixer sa rémunération, comme c'était le cas auparavant pour le président. On ajoutera que le directeur général entre dans le champ d'application de l'article 64 du projet de loi, qui dispose que le rapport d'activité des sociétés rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés aux mandataires sociaux, ce qui introduit davantage de transparence en matière de pratiques salariales et d'intéressement.

S'il est tenu de choisir un directeur général, le conseil d'administration peut, en outre, sur proposition de celui-ci, nommer jusqu'à cinq directeurs généraux délégués dont il fixe également la rémunération. Le projet de loi supprime de ce fait la distinction, quelque peu complexe, opérée par l'actuel article 115 de la loi du 24 juillet 1966, modulant le nombre de directeurs généraux en fonction du montant du capital social de la société.

Par ailleurs, en matière économique, comme en matière politique, le cumul des fonctions peut nuire à la disponibilité des responsables et, partant, à la qualité globale de la conduite des affaires. C'est pourquoi, le second paragraphe de l'article 115 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction proposée par le projet de loi, tend à instaurer une limite au nombre de mandats de directeur général et de membre de directoire.

A la différence du régime actuel, qui ne limite aucunement le nombre de mandats du directeur général, le second paragraphe de l'article 115 modifié par le projet de loi prévoit que nul ne pourra exercer plus d'un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique.

Soucieuse d'offrir davantage de souplesse aux sociétés n'ayant pas recours à l'appel public à l'épargne, la Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne permettant à toute personne physique d'exercer deux mandats de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique, dès lors que les sociétés dans lesquelles elle exerce ces fonctions ne sont pas cotées sur un marché financier réglementé (amendement n° 15).

En outre, le projet de loi précise que nul ne pourra être simultanément directeur général, membre de directoire ou directeur général unique et exercer quatre mandats d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français. Cette disposition représente donc une avancée en faveur d'une implication accrue des personnes en charge de la direction exécutive des sociétés. Elle s'explique avant tout par le transfert de la conduite de la gestion de la société au directeur général, fonction qui était jusqu'à présent assurée par le président.

Le principe d'une limitation du cumul était déjà inscrit dans le rapport Viénot qui prévoyait : « lorsque [l'administrateur] exerce des fonctions de président ou de directeur général, il ne devrait en principe pas accepter d'exercer plus de cinq mandats dans des sociétés cotées françaises ou étrangères extérieures à son groupe ». Le projet de loi est cependant plus restrictif en ce qui concerne le nombre de mandats et ne distingue pas selon qu'il s'agit d'une société cotée ou non. A l'inverse, il n'inclut pas dans son champ d'application les sociétés étrangères ; sans doute peut-on le regretter au vu de l'internationalisation croissante de l'économie et des structures des sociétés, mais le droit français ne saurait régir des sociétés dont le siège se trouve à l'étranger et qui relèvent du droit du pays dans lequel elles résident.

Afin de donner toute leur portée aux dispositions tendant à lutter contre le cumul, le second alinéa du deuxième paragraphe de l'article précise que toute personne physique qui lorsqu'elle accède à un nouveau mandat se trouve en infraction avec la limitation du cumul des mandats, doit dans les trois mois de sa nomination, se démettre de l'un de ses mandats. A l'expiration de ce délai, la personne est réputée s'être démise de son nouveau mandat et doit restituer les rémunérations perçues. Toutefois, pour que la sécurité juridique des tiers et de la société ne soit pas remise en cause par ce régime de démission automatique, les délibérations auxquelles a pris part la personne demeurent valides.

La loi ne valant que pour l'avenir, il était nécessaire de prévoir des dispositions transitoires afin que les situations de cumul de mandats existantes se révélant en contradiction avec le dispositif de la présente loi, ne puissent pas se prolonger sans limites. Le paragraphe II de l'article 70 du présent projet de loi remplit cet objectif en disposant que les administrateurs, présidents du conseil d'administration, directeurs généraux, membres du directoire ou du conseil de surveillance disposent d'un délai de dix-huit mois pour se mettre en conformité avec les prescriptions des différents articles de la loi du 24 juillet 1966 modifiés par le présent projet de loi et relatifs à la limitation du cumul des mandats. A défaut, ces personnes seront réputées démissionnaires de tous leurs mandats.

Il est difficile d'évaluer, a priori, l'impact de ce dispositif compte tenu de l'opacité des pratiques et de la réticence des entreprises à communiquer sur ce sujet. Cependant, une étude menée en 1996 par Vuchot-Ward Howell sur les entreprises du CAC 40, révélait que certains grands dirigeants de groupes français cumulaient jusqu'à neuf mandats et qu'un nombre important de ceux-ci exerçaient entre six et sept mandats. L'entrée en vigueur de la loi devrait donc se traduire par une redistribution d'un certain nombre de mandats au sein des plus grands groupes français, sans que l'on puisse évaluer précisément son ampleur.

Toutefois, pour tenir compte de l'existence de grands groupes industriels détenant de nombreuses filiales et participations dans d'autres sociétés, le dernier alinéa de l'article 115, dans sa rédaction issue du présent projet de loi, prévoit que les mandats dans les sociétés contrôlées, au sens de l'article 357-1, exercés par les représentants permanents d'une personne morale ne sont pas pris en compte.

La notion de représentants permanents des personnes morales est définie par l'article 91 qui prévoit que, dans l'hypothèse ou une personne morale est nommée administrateur, elle est tenue de nommer un représentant permanent qui est soumis aux même régime juridique que les administrateurs en nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'il représente.

Dès lors, l'article 115, dans sa rédaction proposée par l'article 57, permettrait aux personnes morales qui ont désigné un représentant permanent exerçant les fonctions de directeur général au sein de « sociétés contrôlées », de déroger sans limites aux règles de limitation de cumul des mandats prévues par le premier alinéa du II de l'article 115 nouveau. En revanche, pour les sociétés exerçant un contrôle de même nature sur d'autres entreprises, sans recourir à un représentant permanent, les limitations du cumul des mandats s'appliqueraient.

Votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité de cette différence de traitement qui ne se fonde sur aucune différence de situation et qui permet aux seules entreprises bénéficiant d'un représentant permanent, de déroger sans limites, aux règles de limitations du cumul des mandats au sein des sociétés qu'elles « contrôlent ».

Pour ce qui est de la référence à l'article 357-1, elle appelle quelques éclaircissements. En effet, cet article est relatif à l'établissement par les sociétés commerciales de comptes consolidés, dès lors qu'elles « contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci », dans des conditions précisées par cet article.

Le dernier alinéa de l'article 115, dans sa rédaction proposée par le projet de loi, utilisant la notion de « contrôle », sans préciser s'il est exclusif, conjoint ou notable, il convient d'en rappeler la portée au sens de l'article 357-1.

Le contrôle exclusif par une société résulte :

-  soit de la détention, directe ou indirecte, de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

-  soit de la désignation pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; la société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

-  soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet et que la société dominante est actionnaire ou associée à cette entreprise.

Quant au contrôle conjoint, il s'agit du partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.

S'agissant, enfin, de « l'influence notable » sur la gestion et la politique financière d'une entreprise, elle est présumée lorsqu'une société dispose directement ou indirectement, d'une fraction égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise.

Au total, la référence à l'article 357-1 de la loi précitée, recouvre une diversité de modalités de contrôle d'une entreprise par une autre. En effet, tant la filiale à 100 %, que celle à 50 %, 40 % ou encore la société créée en commun, voire l'entreprise dans laquelle la participation est égale à 20 %, sont exclues du champ d'application du II de l'article relatif au cumul des mandats.

On peut donc légitimement s'interroger sur la réalité de l'implication, dans la conduite effective des affaires de sociétés dites « contrôlées », de représentants permanents d'une personne morale détenant de très (trop) nombreux mandats, quand bien même l'activité économique de la société contrôlée dépendrait étroitement des orientations et des décisions de la société qui exerce ce contrôle. La Commission a donc été saisie d'un amendement de M. Jacky Darne tendant à limiter à quinze le nombre des mandats qu'un directeur général, un membre du directoire ou un directeur général unique peuvent exercer au sein du même groupe. Son auteur a souligné que la dérogation illimitée aux règles du cumul des mandats en faveur des représentants permanents des personnes morales au sein de sociétés appartenant au même groupe, prévue par le projet de loi, était excessive. M. Alain Tourret a proposé de rectifier cet amendement pour abaisser à dix le nombre maximum de mandats. Le rapporteur pour avis ayant approuvé cette modification, la Commission a adopté l'amendement ainsi rectifié (amendement n° 16).

b) Article 115-1 de la loi du 24 juillet 1966 : limite d'âge des directeurs généraux délégués

Le projet de loi étend aux directeurs généraux délégués la limite d'âge prévue pour les directeurs généraux : les uns comme les autres ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de 65 ans et sont réputés démissionnaires d'office lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge.

c) Article 116 de la loi du 24 juillet 1966 : révocation du directeur général et des directeurs généraux délégués

Dans sa rédaction actuelle, l'article 116 de la loi du 24 juillet 1966, prévoit que le conseil d'administration nomme et peut révoquer le directeur général, à tout moment, sur proposition du président du conseil. Le projet de loi supprime la proposition du président pour la révocation du directeur général et prévoit, en revanche, que la révocation des directeurs généraux doit se faire sur proposition du directeur général. Celui-ci se voit ainsi confirmer dans son rôle de premier dirigeant exécutif de la société, également doté du pouvoir de déclencher l'initiative d'une sanction à l'égard des directeurs généraux délégués.

Bien qu'ils soient révocables à tout moment, le directeur général et les directeurs généraux adjoints peuvent bénéficier de dommages et intérêts si cette mesure est décidée en l'absence de « juste motif », que le juge appréciera souverainement.

Si l'on se réfère à la jurisprudence relative à la révocation du PDG, celui-ci ne peut obtenir de dommages et intérêts qu'en cas d'abus dans l'exercice de ce droit (Cass. com. 21 juin 1988). Par exemple, dès lors qu'une révocation est précipitée ou s'entoure de circonstances vexatoires ou d'atteintes à l'honorabilité, elle peut donner lieu au versement de dommages et intérêts. Compte tenu des pouvoirs désormais attribués aux directeurs généraux en vertu de l'article 57 du projet de loi, les règles dégagées par la jurisprudence au sujet de la révocation du président s'appliqueront sans aucun doute aux directeurs généraux et aux directeurs généraux délégués.

Dans l'hypothèse où le directeur général est révoqué ou s'il cesse d'exercer ses fonctions, les directeurs généraux délégués doivent-ils être automatiquement dessaisis de leurs attributions ? Une telle solution étant particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement et à la continuité des sociétés, elle est écartée par le second alinéa de l'article 116, qui prévoit que les directeurs généraux délégués conservent leurs fonctions jusqu'à la nomination d'un nouveau directeur général, sauf décision contraire du conseil.

d) Article 117 de la loi du 24 juillet 1966 : pouvoirs du directeur général

Tirant la conséquence de la dissociation des fonctions de président de celle de directeur général, la rédaction proposée pour l'article 117 donne une nouvelle définition des compétences du directeur général en reprenant, pour l'essentiel, le texte de l'actuel article 113 relatif aux pouvoirs exercés par le président.

Désormais, le directeur général est « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration ». On le voit, il s'agit de la reprise intégrale, mais dans un ordre différent, du second alinéa de l'ancien article 113 de la loi du 24 juillet 1966. Par coordination avec son vote précédent à l'article 56, la Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis modifiant les prérogatives du directeur général pour lui donner la possibilité de saisir le conseil d'administration sur un ordre du jour déterminé (amendement n° 17).

Chargé de gérer la société, le directeur général la représente dans ses rapports avec les tiers. En outre, le second alinéa de l'article 117 prévoit que la société est engagée par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Il s'agit, là encore, d'une reprise du principe de responsabilité de la société résultant du troisième alinéa de l'actuel article 113.

Le second paragraphe de l'article 117, dans sa rédaction issue du projet de loi, renforce l'autorité du directeur général sur les directeurs généraux adjoints, puisqu'il dispose que le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués, en accord avec le directeur général. Cette disposition s'ajoutant à celle du premier alinéa de l'article 116 tel qu'il est modifié par le présent projet de loi, qui donne l'initiative de la révocation des directeurs délégués au directeur général, confère à celui-ci les moyens garantissant son autorité. Notons que, bien que subordonnés au directeur général, les directeurs généraux délégués disposent à l'égard des tiers des mêmes pouvoirs que celui-ci.

Enfin, le V de l'article 57, insère une nouvelle section après l'article 489 de la loi du 24 juillet 1966, relative aux « dispositions concernant les directeurs généraux délégués de sociétés anonymes ». Cette nouvelle section, composée d'un article unique, prévoit que les dispositions des articles 432 à 485-1, visant les directeurs généraux sont applicables, selon leurs attributions propres, aux directeurs généraux délégués.

Il s'agit de rendre applicable aux directeurs généraux délégués, les dispositions pénales contenues dans la loi du 24 juillet 1966. La référence aux articles 432 à 485-1 de cette loi recouvre, au sein du titre II de la loi qui regroupe les dispositions pénales, les chapitres II, III et IV, relatifs respectivement aux infractions concernant les sociétés par actions, aux infractions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions ainsi qu'aux infractions communes aux diverses formes de sociétés commerciales.

Enfin, outre la responsabilité pénale, la Commission a souhaité préciser le régime de la responsabilité civile des directeurs généraux et des directeurs généraux délégués. Ainsi, elle a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués sont responsables civilement dans les conditions de droit commun prévues par l'article 244 de la loi du 24 juillet 1966 (amendement n° 18).

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 57 ainsi modifié.

Article 58

(art. 121 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Révocation des membres du directoire
et du directeur général unique

Cet article a pour objet de simplifier, dans les sociétés à conseil de surveillance et directoire, les modalités permettant la révocation du directoire ainsi que du directeur général unique.

Selon la rédaction actuelle de la première phrase du premier alinéa de l'article 121 de la loi du 24 juillet 1966, les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale, sur proposition du conseil de surveillance. Cette procédure, un peu lourde et contraignante en raison des formalités et du délai exigés pour la convocation d'une assemblée générale, correspond mal à la nécessaire célérité des décisions que requiert la vie des affaires. De surcroît, il est parfois apparu, dans la vie de certaines sociétés, des situations de blocage entre le directoire et le conseil de surveillance que l'assemblée générale n'a pas pu ou su trancher efficacement en raison de son éloignement de la conduite courante des affaires.

C'est pourquoi, cet article propose d'autoriser la révocation des membres du directoire et du directeur général unique directement par le conseil de surveillance, émanation des actionnaires, à la condition que les statuts de la société prévoient expressément une telle possibilité. Ce renvoi aux statuts laisse donc aux sociétés la liberté de mettre ou non en _uvre ce dispositif qui modifie sensiblement les rapports entre les organes au sein des sociétés duales.

Toutefois, la rédaction proposée maintient le droit de révocation des membres du directoire ou du directeur général unique par l'assemblée générale, tout en supprimant la condition d'une proposition préalable émanant du conseil de surveillance. Ainsi, le conseil de surveillance d'une part, l'assemblée générale d'autre part, posséderont aux termes de la loi, le pouvoir de révocation du directoire et du directeur général unique, sans que l'exercice de celui-ci par l'un des deux organes ne dépende en aucune manière d'une décision de l'autre.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 58.

Article 59

(art. 100 et 139 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Délibérations du conseil d'administration et du conseil
de surveillance par des moyens de visio-conférence

Le développement des nouvelles technologies de communication constitue une opportunité réelle de modernisation des méthodes d'organisation du travail, notamment au sein des grands groupes industriels dont les établissements et les dirigeants peuvent être répartis dans différents pays. Dans le souci de modernisation du droit prenant en compte les technologies nouvelles - qui a conduit, par exemple, le Gouvernement à proposer au Parlement une adaptation du régime du droit de la preuve à l'écrit électronique ainsi que la reconnaissance des procédés de signature électronique - le présent article a pour objet de permettre le recours aux procédés de visio-conférence pour le calcul des règles du quorum conditionnant la validité des délibérations du conseil d'administration et du conseil de surveillance, et pour le calcul de la majorité.

L'article 100 de la loi du 24 juillet 1966 précise, dans ses deux premiers alinéas, que le conseil d'administration ne peut valablement délibérer que si la moitié au moins de ses membres sont présents, les décisions devant être prises à la majorité des membres présents ou représentés, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte.

Le paragraphe I de l'article 59 ajoute, après ces deux alinéas, un nouvel alinéa qui dispose que, si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs du conseil d'administration qui participent à la réunion du conseil par des moyens de visio-conférence déterminés par décret. Le renvoi aux statuts est un gage de souplesse et implique que la société adhère à ces nouvelles technologies avant de pouvoir y recourir.

Sans doute, la référence à l'expression « moyens de visio-conférence » est-elle discutable puisqu'elle fait référence à une technique bien particulière de communication à distance qui, compte tenu de la rapidité des changements technologiques en ce domaine, sera peut être obsolète dans quelques années. Aussi, votre rapporteur s'interroge-t-il sur le bien fondé de cette approche au détriment d'une définition plus neutre quant aux techniques employées. Toutefois, le renvoi au décret peut, à cet égard, constituer le moyen d'adopter une définition ouverte quant aux modalités technologiques pratiques auxquelles cet article fait référence.

Il faut souligner que le champ d'application de la possibilité de recourir à la technique de la visio-conférence est circonscrit aux décisions courantes du conseil d'administration. A l'inverse, l'utilisation de la visio-conférence est proscrite pour l'adoption de quatre décisions importantes du conseil d'administration, précisément énumérées par la référence aux articles 110, 115, 340 et 357-1 de la loi du 24 juillet 1966 : l'élection et la révocation du président du conseil ; la nomination du directeur général et des directeurs généraux délégués ; l'établissement annuel de l'inventaire, des comptes, du rapport de gestion et du bilan ; l'élaboration des comptes consolidés et du rapport sur la gestion du groupe.

Cette restriction à l'utilisation de la visio-conférence pour le calcul du quorum à l'occasion de certaines décisions qui dépassent les questions de la gestion courante des affaires obéit à un principe de prudence et à la volonté de s'assurer de la présence effective des administrateurs aux moments importants de la vie de la société.

Toutefois, les technologies actuelles de télécommunication permettent la participation à distance à une réunion ainsi que le vote, par voie électronique par exemple. De surcroît, le droit français reconnaît désormais la validité et la fiabilité des procédures de signatures électroniques attestant de l'identité et du consentement de la personne émettrice. L'expérimentation de la visio-conférence, pour la gestion des affaires courantes, permettra sans doute d'envisager ultérieurement de revenir sur les limitations prévues par le projet de loi.

Le paragraphe II de l'article 59 appelle peu de remarques puisqu'il se limite à transposer aux sociétés dites duales, la possibilité de prendre en compte, dans le calcul du quorum, les membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion du conseil par des moyens de visio-conférence. Les mêmes exceptions sont édictées puisque ni la nomination des membres du directoire et de son président, prévues à l'article 120 de la loi du 24 juillet 1966, ni l'élection du président et du vice-président du conseil de surveillance prévues à l'article 138 de la loi précitée, ne peuvent valablement se dérouler en ayant recours à des moyens de visio-conférence.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 59.

chapitre ii

Limitation du cumul des mandats

Article 60

(art. 92, 111, 127, 136, 151 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Limitation du nombre des mandats d'administrateurs -
Limitation du nombre de mandats de membre de directoire

L'Assemblée nationale a, tout récemment, marqué son attachement à la limitation du cumul des mandats dans le domaine politique. Dès lors, votre rapporteur ne peut que se réjouir que le projet de loi applique ce principe au monde des affaires.

Parce que le cumul d'un trop grand nombre de mandats nuit nécessairement à la disponibilité et à l'implication des dirigeants, il importe, dans un souci d'efficacité de la gestion des entreprises, que la loi prescrive le respect d'un plafond qu'une personne physique ne peut dépasser afin d'éviter un coupable absentéisme.

D'ores et déjà, la jurisprudence a sanctionné la négligence comme une faute pouvant engager la responsabilité d'un dirigeant de société anonyme, dès lors qu'il y avait un dommage pour la société ou les associés. Ainsi, le défaut de surveillance, la tolérance à l'égard des carences dans la gestion de la société par les administrateurs sont autant de fautes susceptibles d'engager leur responsabilité civile (Cass. com., 9 mai 1995, Bull civ IV, n° 133).

Plus précisément, sont notamment constitutifs d'une faute :

-  l'absentéisme et la délégation de la totalité des pouvoirs à des collaborateurs incompétents ;

-  la passivité d'un administrateur qui n'a accepté ses fonctions que pour rendre service au président.

Il convient de remarquer que les fautes d'abstention sont surtout commises par les organes qui ont pour fonction d'en contrôler un autre. Ainsi, le conseil d'administration commet une faute en se désintéressant de la manière dont le président dirige la société. Le principe, établi par une jurisprudence assez fournie, est que les administrateurs sont responsables des fautes commises par la direction lorsque leur vigilance ou leur perspicacité aurait pu les empêcher (Cass. req. 21 déc. 1936 : Gaz. Pal. 1937, 1, 240).

Limiter le nombre des mandats des administrateurs constitue donc le moyen législatif pour tenter de pallier l'absentéisme des dirigeants.

a) Article 92 de la loi du 24 juillet 1966 : limitation du nombre des mandats d'administrateur

L'article 92 de la loi du 24 juillet 1966 prévoit, dans son premier alinéa, qu'une personne physique ne peut appartenir simultanément à plus de huit conseils d'administration de sociétés anonymes ayant leur siège social en France métropolitaine. Le projet de loi procède à une amélioration formelle en substituant, dans cet article, mais également à l'article 111, les termes de « territoire français » à ceux, un peu désuets, de « France métropolitaine ». En revanche, il ne modifie pas le nombre de mandats d'administrateurs de société anonymes qu'une personne physique peut détenir, qui demeure fixé à huit, ce que l'on peut regretter.

C'est pourquoi la Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur pour avis limitant à cinq, au lieu de huit, le nombre des mandats d'administrateur que peut exercer une même personne physique. Le rapporteur pour avis a fait part de sa volonté de lutter plus efficacement contre l'absentéisme au sein des conseils d'administration en limitant davantage les possibilités de cumul. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 19).

La différence qu'introduit le projet de loi, porte sur le champ d'application de la limitation du cumul des mandats puisque l'actuel article 92 de la loi du 24 juillet 1966, comporte six catégories d'exceptions qui concernent :

-  les représentants permanents des personnes morales ;

-  les administrateurs dont le mandat, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, est exclusif de toute rémunération ;

-  les sociétés d'études ou de recherche qui ne sont pas encore parvenues au stade de l'exploitation ;

-  les sociétés dont le capital est détenu à concurrence de 20 % au moins par la société dans laquelle siège l'administrateur ou le membre du directoire ou du conseil de surveillance, dès lors que le nombre des mandats qu'il détient à ce titre n'excède pas cinq ;

-  les sociétés de développement régional ;

-  les instituts régionaux de participation, à condition que les statuts excluent tout type de rémunération à ce titre.

La rédaction proposée par le projet de loi supprime l'ensemble des ces exceptions. Il s'agit ainsi de garantir une implication accrue des administrateurs dans la vie des sociétés dans lesquelles ils siègent.

Le second alinéa de l'article 92, qui reste inchangé, précise les conditions de la démission des personnes physiques en infraction avec les règles de limitation du cumul. Toute personne physique qui, lorsqu'elle accède à un nouveau mandat, se trouve en infraction avec les dispositions limitant le cumul des mandats, doit, dans les trois mois de sa nomination, se démettre de l'un de ses mandats. A l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise de son nouveau mandat et doit restituer les rémunérations perçues.

Là encore, la loi ne disposant que pour l'avenir, il était impératif de prévoir des mesures transitoires pour rendre effectives rapidement ces nouvelles limites au cumul des mandats d'administrateur. Comme on l'a vu à l'occasion de l'analyse de l'article 57, l'article 70 accorde un délai de dix-huit mois après la promulgation de la présente loi aux personnes qui se trouveraient en infraction avec les nouveaux plafonds ainsi définis, pour se mettre en conformité avec ceux-ci. A défaut, elles seront réputées démissionnaires de tous leurs mandats.

Il est cependant précisé que la validité juridique des délibérations auxquelles elles ont pu participer, n'est pas remise en cause au seul motif du non-respect des règles de limitation du cumul des mandats.

Bien que le projet de loi supprime de nombreuses exceptions à la limitation du nombre des mandats, le dernier alinéa de l'article 92 introduit néanmoins une importante dérogation à ce principe. En effet, les mandats d'administrateurs des sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966, exercés par les représentants permanents d'une personne morale, ne sont pas pris en compte dans le calcul du plafond de huit mandats.

On ne reviendra pas sur la notion de contrôle qui a été définie, à l'article 57, à propos des règles de limitation de cumul des fonctions de directeur général, de membre du directoire ou du conseil de surveillance. On soulignera seulement que la référence à l'article 357-1 apporte à la limitation du cumul des mandats une dérogation substantielle. Au sein de cet article, le contrôle concerne aussi bien la filiale à 100 % que la participation minoritaire au capital de 20 % permettant une « influence notable » dans la gestion.

Il convient cependant de remarquer que la dérogation à la limitation du cumul des mandats au sein d'un même groupe ne vaut que pour les représentants permanents des personnes morales. Comme on l'a précisé à l'occasion de l'analyse de l'article 57, les personnes morales, désignées comme administrateur d'une autre société, doivent nommer une personne physique qui devient leur représentant permanent. Celle-ci est alors soumise au même régime juridique que si elle était administrateur en son nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'elle représente.

Le fait de prévoir une dérogation absolue à la limitation du cumul des mandats d'administrateurs au profit des seuls représentants permanents d'une personne morale qui exercent leurs fonctions au sein d'une société « contrôlée » au sens de l'article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966, paraît quelque peu discutable. En effet, il existe de nombreuses sociétés qui « contrôlent » d'autres entreprises, sans pour autant recourir à la désignation d'un représentant permanent, c'est-à-dire sans devenir, en tant que personne morale, administrateur.

Dès lors, on peut s'interroger sur les raisons de la différence de traitement introduite entre ces deux formes d'organisation du contrôle, l'une entrant dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 92 dans sa rédaction issue du projet de loi, l'autre ne pouvant en bénéficier.

Somme toute, votre rapporteur estime que la portée de cette dérogation à la limitation du nombre de mandats d'administrateurs est excessive parce qu'elle n'est pas plafonnée et qu'elle introduit des inégalités entre des modalités juridiques différentes d'un contrôle en pratique identique C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne limitant à dix le nombre de mandats d'administrateur qu'une personne peut exercer au sein de sociétés appartenant au même groupe (amendement n° 20).

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en vertu du premier alinéa de l'article 151 de la loi du 24 juillet 1966, la limitation du nombre de sièges d'administrateurs ou de membres du conseil de surveillance susceptibles d'être occupés par une même personne physique est applicable au cumul de sièges d'administrateurs et de membre du conseil de surveillance. Cette disposition évite ainsi le cumul croisé des mandats de membre des organes collégiaux des deux catégories de sociétés anonymes.

b) Article 127 de la loi du 24 juillet 1966 : limitation des mandats de membre du directoire et de directeur général unique d'une société anonyme

Dans sa rédaction actuelle, l'article 127 de la loi du 24 juillet 1966 dispose que nul ne peut appartenir simultanément à plus de deux directoires, ni exercer les fonctions de directeur général unique dans plus de deux sociétés anonymes ayant leur siège social en « France métropolitaine ». En outre, il prévoit qu'un membre du directoire ou le directeur général unique ne peut accepter d'être nommé au directoire ou directeur général unique d'une autre société, que sous la condition d'y avoir été autorisé par le conseil de surveillance.

Le projet de loi supprime ces possibilités de cumul des fonctions de membre de directoire ou de directeur général unique. Ainsi, le texte proposé par le premier alinéa de l'article 127 dispose que nul ne peut exercer plus d'un mandat de membre du directoire ou de directeur général unique de sociétés anonymes ayant leur siège social sur le territoire français. Là encore, la Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne tendant à autoriser une personne physique à exercer deux mandats de membre du directoire ou de directeur général unique dans les seules sociétés non cotées (amendement n° 22).

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur pour avis corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 21).

En outre, la nouvelle rédaction de l'article 127 de la loi du 24 juillet 1966 proposée par le projet de loi, supprime les dérogations à la limitation du cumul des mandats actuellement en vigueur, qui sont identiques à celles prévues pour les administrateurs (cf. supra, art. 92 de la loi du 26 juillet 1966).

Par ailleurs, le projet de loi écarte également l'interdiction du cumul des mandats de membre du directoire et de directeur général unique s'agissant des sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966, lorsque le mandat est exercé en qualité de représentant permanent d'une personne morale. On remarquera cependant que les membres du directoire ou le directeur général unique sont, en application de l'article 120 de la loi du 24 juillet 1966, à peine de nullité des personnes physiques. Aussi, la faculté introduite par l'article 91 de la loi du 24 juillet 1966, permettant à une personne morale d'être nommée administrateur et de désigner un représentant permanent au sein du conseil d'administration, ne s'applique pas aux membres du directoire des sociétés anonymes duales. Par coordination avec son vote antérieur (amendements n° 20 et n° 16), la Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne limitant à dix le nombre des mandats exercés par les membres du directoire ou le directeur général unique au sein des sociétés appartenant au même groupe (amendement n° 23). Ensuite elle a adopté un amendement de coordination de M. Jacky Darne permettant le cumul de deux mandats de directeur général membre du directoire ou de directeur général unique dans les seules sociétés non cotées (amendement n° 22).

Comme l'article 92 le prévoit pour les administrateurs, l'article 127 dispose que toute personne se trouvant en infraction avec les règles de limitation du cumul des mandats doit démissionner, dans les trois mois de sa nomination, de l'un des ses mandats. A l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise de son nouveau mandat et doit restituer les sommes perçues sans que soit remise en cause, de ce fait, la validité des délibérations auxquelles elle a pris part.

On observera que les dispositions transitoires de l'article 70 prévoient que les membres du directoire ou les directeurs généraux uniques disposent d'un délai de dix-huit mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles relatives à la limitation du cumul des mandats. A défaut, ces personnes seront réputées démissionnaires de tous leurs mandats.

c) Article 136 de la loi du 24 juillet 1966 : limitation du nombre de mandats de membres de conseil de surveillance

Par cohérence avec les dispositions de l'article 92 de la loi du 24 juillet 1966 modifié par le présent projet de loi, limitant le nombre de mandats d'administrateur de conseil d'administration de sociétés anonymes, la rédaction proposée pour l'article 136 dispose qu'une personne physique ne peut exercer simultanément plus de huit mandats de membre du conseil de surveillance de sociétés ayant leur siège social sur le territoire français.

Ainsi, le nombre de mandats cumulables demeure inchangé par rapport à la rédaction actuelle de l'article 136, ce que votre rapporteur regrette. C'est pourquoi, par coordination avec un amendement précédent (n° 19), la Commission a adopté l'amendement qu'il a présenté, limitant à cinq le nombre des mandats de membre du conseil de surveillance qu'une même personne peut exercer (amendement n° 24).

En revanche, le champ d'application de cette disposition est modifié, l'article 136 renvoyant à l'article 92, de telle sorte que les exceptions actuellement en vigueur sont supprimées, tandis qu'une dérogation générale écarte la prise en compte des mandats exercés par les représentants permanents d'une personne morale au sein des sociétés contrôlées au nom de l'article 357-1.

Les modalités selon lesquelles les personnes concernées doivent se mettre en conformité avec les règles limitant le cumul des mandats sont également celles définies à l'article 92, tandis que l'article 70 définit, dans les mêmes conditions, des dispositions transitoires qui donnent aux personnes se trouvant en situation de cumul un délai de dix-huit mois après la publication de la loi pour régulariser cette situation.

Enfin, le dernier paragraphe de l'article 60 du projet de loi modifie, en conséquence de la nouvelle rédaction proposée de l'article 127, le second alinéa de l'article 151. Dans sa rédaction actuelle, ce texte prévoit que la limitation à deux du nombre de sièges de président du conseil d'administration ou de membre du directoire ou de directeur général unique, susceptibles d'être occupés simultanément par une même personne physique, est également applicable au cumul de sièges de président du conseil d'administration, de membre du directoire et de directeur général unique. Il s'agit, en effet, d'éviter les cumuls « croisés » de mandats exercés au sein des organes dirigeants des différentes catégories de sociétés anonymes.

Or, l'article 127 prévoyant désormais que nul ne peut exercer plus d'un mandat de membre du directoire ou de directeur général unique, le second alinéa de l'article 151 est modifié en conséquence.

Après avoir adopté un amendement de coordination de M. Jacky Darne (amendement n° 25), la Commission a émis un avis favorable sur l'article 60 ainsi modifié.

chapitre iii

Prévention des conflits d'intérêts

Article 61

(art. 101 à 103, 143 à 145, 262-11
et 262-12 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Conventions passées par la société

Afin d'éviter que les dirigeants d'une société n'abusent de leur position pour obtenir des avantages indus qui nuisent à ses intérêts, le législateur a réglementé dès la fin du dix-neuvième siècle les conventions conclues entre ces dirigeants et leur société lorsqu'elles ne portent pas sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

Le champ d'application de ces conventions réglementées, dont la procédure d'autorisation préalable est fixée par les articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966 pour les sociétés anonymes à conseil d'administration et par les articles 143 à 147 pour celles à directoire et conseil de surveillance, n'a cessé de s'étendre. L'article 61 du projet de loi poursuit cette évolution en soumettant à ce dispositif les conventions passées par la société avec ses filiales ou avec un de ses actionnaires lorsque celui-ci dispose de plus de 10 % des droits de vote. Il prévoit, par ailleurs, que les conventions non réglementées seront désormais également portées à la connaissance du conseil d'administration et des commissaires aux comptes.

1. Le régime juridique actuel des conventions réglementées

a) Le champ d'application des conventions réglementées

-  Les personnes et les entreprises concernées

La procédure d'autorisation prévue par la loi de 1966 s'applique aux conventions conclues entre la société et l'un de ses administrateurs ou directeurs généraux (premier alinéa de l'article 101).

Le dispositif est également applicable lorsque les administrateurs ou les directeurs généraux sont indirectement intéressés par ces conventions ou lorsqu'ils traitent par personne interposée (deuxième alinéa de l'article 101). Selon une jurisprudence constante de la chambre commerciale de la Cour de cassation, l'intérêt indirect suppose que le dirigeant concerné, d'une part, ait tiré un profit, le plus souvent pécuniaire, de l'opération et, d'autre part, détienne dans la société un pouvoir suffisant pour obtenir que le contrat soit conclu à des conditions déséquilibrées. Quant à l'interposition de personne, elle peut se traduire par l'utilisation d'un prête-nom. En pratique, intérêt indirect et interposition de personne sont deux notions difficiles à distinguer, les décisions judiciaires qui constatent une interposition de personne relevant très souvent également un intérêt indirect.

Enfin, la procédure d'autorisation préalable s'applique aux conventions intervenant entre une société et une entreprise, lorsqu'un des administrateurs ou directeurs généraux de la société est propriétaire de l'entreprise, associé indéfiniment responsable (associés en nom collectif, commandités et membres des sociétés civiles), gérant, administrateur, directeur général ou membre du directoire ou du conseil de surveillance (dernier alinéa de l'article 101). En pratique, dès que deux sociétés ont des administrateurs communs, les conventions qui interviennent entre elles sont soumises à la procédure d'autorisation préalable, même lorsqu'il s'agit de conventions conclues entre une société française et une société étrangère. On observera cependant que le dispositif ne s'applique pas entre une société mère et sa filiale lorsque celles-ci n'ont pas de dirigeants communs.

-  Les conventions concernées

Rappelons tout d'abord que la procédure d'autorisation préalable ne s'applique pas aux conventions « portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales » (article 102 de la loi de 1966). Par opérations courantes, il faut entendre celles qui sont effectuées par la société dans le cadre de son activité ordinaire. Quant aux conditions, elles peuvent être considérées comme normales lorsqu'elles sont habituellement pratiquées par la société.

Ainsi, a été considéré comme une opération courante conclue à des conditions normales le versement à un salarié, membre du directoire, des indemnités de licenciement prévues par son contrat de travail ou par la convention collective ou la promesse de rachat d'actions souscrites par une holding financière dans le cadre d'un portage.

Dès lors que l'on ne se trouve pas dans le cadre du fonctionnement normal de la société, le dispositif prévu par les articles 101 et suivants de la loi de 1966 s'applique à tout acte juridique répondant à la définition de la convention, qui est celle d'un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à produire un effet de droit quelconque, quelle que soit la forme, qui peut être orale, prise par cet accord : une vente, un bail, une prestation de services, une concession de licence, un prêt consenti par la société ou encore une modification apportée au contrat de travail d'un administrateur sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la procédure de l'article 101. La Cour de cassation considère, en revanche, que la fixation de la rémunération du président et du directeur général n'est pas soumise à cette procédure (Cass. com., 3 mars 1987).

b) La procédure d'autorisation

L'article 103 de la loi de 1966 prévoit une procédure d'autorisation des conventions réglementées en cinq étapes :

-  l'administrateur ou le directeur général intéressé doit informer le conseil d'administration dès qu'il a connaissance d'une convention entrant dans le champ d'application de l'article 101 ; c'est à lui d'apprécier si la convention nécessite ou non l'autorisation du conseil d'administration ;

-  le conseil d'administration statue sur l'autorisation sollicitée ; l'administrateur ou le directeur général intéressé ne peut pas prendre part au vote, sous peine de nullité de la convention ;

-  le président du conseil d'administration doit aviser les commissaires aux comptes des conventions autorisées dans le délai d'un mois à compter de leur conclusion ;

-  les commissaires aux comptes doivent présenter à l'assemblée générale un rapport spécial sur les conventions autorisées par le conseil d'administration ; en application de l'article 92 du décret du 23 mars 1967, ce rapport doit contenir l'énumération de conventions soumises à l'approbation de l'assemblée générale, le nom des administrateurs ou directeurs généraux intéressés, la nature et l'objet de ces conventions et leurs principales modalités (prix ou tarifs pratiqués, ristournes, délais de paiement accordés...), ainsi que l'importance des fournitures livrées ou des prestations de services fournies et le montant des sommes versées ou reçues en application de conventions conclues au cours d'exercices précédents et dont l'exécution s'est poursuivie au cours de l'exercice examiné ; le rapport spécial doit être déposé quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée générale ordinaire ;

-  après audition du rapport spécial des commissaires aux comptes, l'assemblée générale statue sur les conventions ; là encore, l'administrateur ou le directeur général intéressé ne peut pas prendre part au vote ; ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

En application de l'article 104, les conventions approuvées produisent tous leurs effets à l'égard des tiers et ne peuvent plus être annulées qu'en cas de fraude ; il en est de même pour les conventions désapprouvées, afin de garantir la stabilité juridique de conventions qui peuvent avoir déjà eu un début d'exécution.

c) Les sanctions en cas d'inobservations des prescriptions légales

En cas de défaut d'autorisation du conseil d'administration (absence de consultation ou refus d'autorisation), la convention peut être annulée, mais seulement si elle a eu des conséquences dommageables pour la société ; l'action en nullité, qui peut être exercée soit par la société, soit par les actionnaires agissant individuellement, se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; la nullité peut toujours être couverte par un vote de l'assemblée générale sur un rapport spécial des commissaires aux comptes exposant les raisons pour lesquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie.

Outre la possibilité d'une action en nullité, le défaut d'autorisation du conseil d'administration engage la responsabilité de l'administrateur ou du directeur général intéressé.

En cas d'absence d'avis aux commissaires aux comptes, de rapport spécial de ceux-ci ou de vote de l'assemblée, la nullité de la convention ne peut être prononcée. La seule sanction est l'obligation pour les administrateurs de supporter les conséquences dommageables de la convention pour la société.

2. Les modifications apportées par le projet de loi à ce dispositif

a) L'extension du champ d'application des conventions réglementées

Le paragraphe I de l'article 61 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l'article 101 afin d'étendre cette procédure de contrôle à deux types de conventions :

-  les conventions conclues entre une société et l'un de ses actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote ;

-  les conventions conclues entre une société et une autre société actionnaire la contrôlant au sens de l'article 355-1, c'est-à-dire détenant une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote, disposant seule de la majorité des droits de vote en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou déterminant en fait les décisions des assemblées générales de cette société, seule ou conjointement.

Cette extension se situe dans le droit fil de la logique qui inspire cette procédure de contrôle : l'actionnaire qui détient 10 % des droits de vote ou la société mère dispose d'un pouvoir de négociation tout à fait comparable à ceux d'un administrateur ou d'un directeur général.

La Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne étendant la procédure d'autorisation par le conseil d'administration aux conventions passées entre la société et les actionnaires disposant d'une fraction de droit de vote supérieure à 5 % (amendement n° 26). Son auteur a fait valoir que, dans certaines sociétés cotées, le capital pouvait être très dilué et que la détention de 5 % des droits de vote conférait, dans ce cas, aux actionnaires un pouvoir comparable à celui des dirigeants, ce qui justifiait de réglementer ces conventions pour prévenir d'éventuels conflits d'intérêt.

S'agissant plus particulièrement des conventions passées entre deux sociétés liées, cette modification était réclamée depuis de nombreuses années par certains praticiens, qui trouvaient illogique que des conventions passées entre une société mère et sa filiale ne soient soumises à autorisation qu'en présence d'administrateurs communs. Elle est d'autant plus justifiée que la limitation du cumul du nombre de mandats d'administrateurs, proposée à l'article 60 du projet de loi, risque de réduire sensiblement le nombre de conventions réglementées. On observera que le sénateur Philippe Marini, dans son rapport sur la modernisation du droit des sociétés, propose de retenir un seuil beaucoup plus strict (10 % du capital ou des droits de vote).

La nouvelle rédaction de l'article 101 tient compte de la nouvelle répartition des pouvoirs au sein des sociétés anonymes proposée par l'article 57 du projet de loi et remplace la référence aux directeurs généraux par un renvoi au directeur général et aux directeurs généraux délégués. Par ailleurs, elle intègre les nouvelles dispositions adoptées en juillet 1999 concernant les sociétés par actions simplifiées en remplaçant dans le dernier alinéa la référence au « membre du directoire » par celle de « dirigeant ».

Le paragraphe II, en proposant une nouvelle rédaction de l'article 143 de la loi de 1966, procède aux mêmes modifications que le paragraphe I pour les sociétés anonymes possédant un directoire et un conseil de surveillance.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 27), avant d'adopter un amendement de M. Jacky Darne étendant le nouveau champ d'application des conventions réglementées aux sociétés en commandite par actions (amendement n° 28).

b) L'amélioration de l'information concernant les conventions non réglementées

Dans un souci de transparence, les paragraphes IV et V complètent respectivement les articles 102 et 144, afin de prévoir la communication au président du conseil d'administration ou au président du conseil de surveillance des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, passées avec les dirigeants de la société, les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance, les filiales ou les actionnaires disposant de plus de 10 % des droits de vote. La liste et l'objet de ces conventions seront en outre communiqués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance.

Cette liste et l'objet des conventions énumérées seront également communiqués aux commissaires aux comptes par le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, qui est déjà chargé, en application des articles 103 et 145, de leur transmettre les conventions réglementées (paragraphes VI et VII).

La Commission a adopté un amendement de M. Jacky Darne limitant la communication des conventions dites « normales » au président du conseil d'administration aux seules conventions ayant une importance significative sur l'activité, le chiffre d'affaires ou le résultat de la société (amendement n° 29). Son auteur a indiqué que cette disposition permettrait d'éviter un excès d'information qui pourrait nuire à un contrôle efficace du conseil d'administration. Il a ajouté que son amendement, en faisant figurer l'obligation de communication au commissaire aux comptes à l'article 102 de la loi de 1966, et non à l'article 103 comme le prévoit actuellement l'article 61, permettrait également de mieux distinguer les conventions réglementées des conventions normales.

La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Jacky Darne, qui limite, par coordination, la communication des conventions normales des sociétés à directoire et conseil de surveillance (amendement n° 30), ainsi que deux amendements de coordination rédactionnelle du même auteur (amendements nos 31 et 32).

La Commission a enfin adopté deux amendements du rapporteur pour avis procédant à une coordination formelle rendue nécessaire en raison de l'extension du champ d'application des conventions réglementées (amendements nos 33 et 34).

c) L'adaptation du droit des sociétés par actions simplifiées

Les articles 262-11 et 262-12 prévoient une procédure simplifiée de contrôle des conventions ne portant pas sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, passées entre la société par actions simplifiée et son président ou ses dirigeants.

Ces conventions font l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes présenté aux associés, sur lequel ces derniers doivent statuer ; les conventions non approuvées continuent de produire leurs effets, à charge pour la personne intéressée, le président ou les dirigeants de supporter éventuellement les conséquences dommageables pour la société ; lorsque la société ne comprend d'un seul associé, les conventions sont seulement mentionnées au registre des décisions.

Les paragraphes III et VIII de l'article 61 du projet de loi adaptent ces dispositions afin d'y intégrer les modifications proposées pour les conventions passées par les sociétés anonymes.

Le paragraphe VIII supprime la distinction entre les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales et les autres : désormais, toutes les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président ou ses dirigeants fera l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes aux associés.

Le paragraphe III étend, par ailleurs, ce rapport aux conventions conclues avec l'un des actionnaires lorsque celui-ci dispose d'une fraction des droits supérieure à 10 % et à celles conclues avec la société la contrôlant au sens de l'article 355-1.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 61 ainsi modifié.

chapitre iv

Droits des actionnaires

Article 62

(art. 225, 226, 226-1 et 227 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Renforcement des prérogatives des actionnaires minoritaires

Dans le cadre d'un ensemble de dispositions tendant à rechercher un meilleur équilibre entre la protection des actionnaires minoritaires, l'intérêt social des entreprises et le bon fonctionnement des marchés financiers, le présent article propose d'abaisser le seuil de détention du capital qui permet aux actionnaires, le cas échéant, de diligenter certaines actions de contrôle.

a) De 10 % à 5 %

Le paragraphe I du présent article propose d'abaisser, de 10 % à 5 %, le seuil de détention du capital qui permet aux actionnaires d'une société d'exercer les prérogatives suivantes :

-  demander en justice la récusation d'un ou plusieurs commissaires aux comptes (titulaires ou suppléants) désignés par l'assemblée générale des actionnaires, dans un délai de trente jours ; s'il est fait droit à cette demande, qui ne peut être formulée que « pour juste motif », ce qui signifie qu'elle doit être motivée par une circonstance permettant de suspecter sérieusement la compétence, l'honorabilité, l'impartialité ou l'indépendance de la personne récusée, un nouveau commissaire aux comptes est désigné par le tribunal de commerce devant laquelle la demande a été portée (article 225 de la loi du 24 juillet 1966) ;

-  poser, par écrit, deux fois par exercice, des questions au président du conseil d'administration ou au directoire, « sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation » ; la réponse, qui doit être rendue dans un délai d'un mois, également par écrit, est communiquée aux commissaires aux comptes (article 226-1), qui pourront déclencher, le cas échéant, la procédure d'alerte prévue par l'article 230-1 ;

-  demander, en cas de faute (mauvaise exécution ou non-exécution de leur mission) ou d'empêchement (maladie, éloignement, surcharge d'activité), que les commissaires aux comptes soient relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, par décision du tribunal de commerce compétent (article 227).

On rappellera que, selon les cas, les actions précitées peuvent également être diligentées par le conseil d'administration, le directoire, le comité d'entreprise, le ministère public, la commission des opérations de bourse (dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne) ou les associations d'actionnaires.

Cette mesure va également dans le sens de la simplicité et de l'harmonisation, un seuil de 5 % étant déjà prévu pour que les actionnaires d'une société puissent :

-  demander l'inscription d'une proposition de résolution à l'ordre du jour de l'assemblée générale (article 160) ;

-  s'organiser en association d'actionnaires (article 172-1) (7;

-  se grouper en vue d'intenter une action sociale en responsabilité contre les administrateurs de la société, ce qui leur permet de diminuer les frais de procédure (article 245).

La Commission a cependant examiné un amendement présenté par le rapporteur pour avis proposant d'abaisser également, de 10 % à 5 %, le seuil de détention du capital à partir duquel les actionnaires minoritaires peuvent demander la convocation d'une assemblée générale (article 158 de la loi du 24 juillet 1966). Son auteur a considéré que cette proposition s'inscrivait dans la logique du texte du Gouvernement. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 35).

b) Une « expertise de gestion » plus accessible

Le paragraphe II du présent article propose, concomitamment, de réformer la procédure de « l'expertise de gestion » prévue par l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966.

Actuellement, les actionnaires représentant au moins le dixième du capital social, le ministère public, le comité d'entreprise, la commission des opérations de bourse et les associations d'actionnaires peuvent demander au tribunal de commerce la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport « sur une ou plusieurs opérations de gestion », sous réserve que leur demande présente un caractère sérieux, que des présomptions suffisantes justifient l'utilité de l'expertise et que celle-ci ne porte pas sur la gestion de la société dans son ensemble, mais uniquement sur des opérations déterminées.

Il est proposé de réformer cette procédure en ce qui concerne les actions engagées par les actionnaires (et les associations d'actionnaires). En particulier, le seuil de détention du capital social qui leur confère la capacité à agir est également abaissé de 10 % à 5 %. En contrepartie, les actionnaires seront tenus, désormais, dans un premier temps, d'adresser leurs questions, par écrit, au président du conseil d'administration ou au directoire, la réponse devant être communiquée aux commissaires aux comptes. Ce n'est qu'à défaut de réponse dans un délai d'un mois, ou lorsque les éléments de réponse qui sont communiqués ne paraissent pas « satisfaisants », qu'ils pourront agir en justice en demandant, en référé, la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur la ou les opérations de gestion.

Pour des raisons formelles, la Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis tendant à indiquer plus clairement que le « filtre » de la question préalable, qui devra désormais précéder la mise en _uvre d'une expertise de gestion, ne s'applique qu'aux actions engagées par les actionnaires minoritaires, à l'exclusion du comité d'entreprise, de la COB ou du ministère public, qui pourront continuer à saisir directement le tribunal de commerce (amendement n° 37).

Par ailleurs, il est proposé de prendre en considération l'existence de groupes de sociétés, en élargissant le champ de l'expertise aux opérations de gestion des sociétés contrôlées au sens de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 (8). En effet, jusqu'à présent, les actionnaires d'une société n'avaient pas qualité pour demander l'examen par un expert d'opérations accomplies par des filiales de cette société, dès lors qu'elles constituent des entités juridiques indépendantes. Dans cette hypothèse, la demande devra être appréciée « au regard de l'intérêt du groupe ». Cette formule introduit un critère qui est, par définition, subjectif. Elle permettra, néanmoins, de ne pas limiter cette extension de l'expertise de gestion aux seules opérations significatives en termes comptables, et sa mise en _uvre sera appréciée, en tout état de cause, sous le contrôle du juge.

Cette extension de l'expertise de gestion aux filiales des sociétés est opportune, en particulier en ce qui concerne les opérations réalisées par des filiales non cotées. On relève, toutefois, que sa mise en _uvre est réservée aux minoritaires de la « société mère », comme le recommandait M. Philippe Marini dans son rapport au Premier ministre sur « La modernisation du droit des sociétés ». Autrement dit, cette possibilité est ouverte dans le sens « mère-fille », mais pas dans le sens « fille-mère ». Ceci semble justifié dès lors qu'il s'agit de permettre aux actionnaires de la société principale de porter un jugement sur la gestion du groupe dans son ensemble.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 62 ainsi modifié.

Article 63

(art. 161-1 et 165 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Elargissement de l'accès des actionnaires
aux assemblées générales

Le présent article tend à favoriser l'accès des actionnaires aux assemblées générales, à travers une utilisation élargie des nouveaux moyens de communication et la suppression des restrictions qui limitent leur participation.

1. L'utilisation des nouvelles technologies

Le taux de participation des actionnaires aux assemblées générales est encore relativement faible dans notre pays, en particulier parmi les actionnaires individuels, pour des raisons d'éloignement géographique ou de coûts de transport notamment. Sans doute le vote par correspondance est-il d'ores et déjà autorisé. Mais le procédé demeure relativement formel et contraignant.

L'utilisation des nouvelles technologies, qui fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une réflexion approfondie, notamment au sein de l'association nationale des sociétés par actions (ANSA) (9), peut être un moyen d'accroître l'efficience et la démocratisation effective du fonctionnement des entreprises. Dans ce contexte, la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique ouvre des possibilités importantes (envoi par Internet d'un bulletin de vote par correspondance, par exemple) (10).

Toutefois, la participation et le vote en assemblée générale, au moyen de ces nouveaux procédés, nécessite encore de modifier la loi du 24 juillet 1966, afin que les actionnaires qui les utilisent soient réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité (11). Tel est l'objet du paragraphe I du présent article.

Désormais, les actionnaires pourront donc participer aux assemblées générales et voter par un moyen de « télécommunication » déterminé par décret. Le caractère générique de ce terme permettra de prendre en compte, de façon relativement souple, les innovations technologiques à venir. D'ores et déjà, il est susceptible de recouvrir des procédés qui excèdent le champ des seuls moyens de « visioconférence », qui sont exigés, en revanche, pour les conseils d'administration (article 59 du présent projet de loi) : on peut envisager, en particulier, la transmission électronique de signes informatiques (Internet notamment). En tout état de cause, les communications téléphoniques orales ne seront pas concernées et une attention particulière sera apportée aux garanties de sécurité et de fiabilité nécessaires (identification des actionnaires au moyen d'un mot de passe sécurisé, vérification du nombre de droits de vote détenus, etc.).

Cette faculté devra être prévue par les statuts de la société et, partant, bénéficier du soutien de la majorité des actionnaires.

2. L'accès de tous les actionnaires aux assemblées générales

Le paragraphe II du présent article propose de permettre l'accès des actionnaires aux assemblées générales indépendamment du nombre d'actions qu'ils détiennent, en abrogeant l'article 165 de la loi du 24 juillet 1966.

L'article 165 prévoit, en effet, que les sociétés par actions peuvent conditionner, dans leurs statuts, le droit de participer à leurs assemblées générales ordinaires, à la détention d'un nombre minimal d'actions, sous réserve du respect des conditions suivantes :

-  la limitation du droit d'entrée ne saurait s'appliquer qu'aux assemblées générales ordinaires : nonobstant toute clause contraire des statuts, un actionnaire a accès aux assemblées générales extraordinaires quel que soit le nombre d'actions qu'il détient ; de même, s'il est propriétaire d'actions d'une catégorie déterminée, il a toujours accès aux assemblées réunissant les actionnaires de cette catégorie ;

-  indépendamment du capital de la société et du nombre d'actions émises, le nombre minimal d'actions requis pour assister aux assemblées générales ordinaires ne peut pas être supérieur à dix ;

-  les actionnaires propriétaires d'un nombre d'actions inférieur à celui requis peuvent se grouper pour atteindre le minimum prévu par les statuts et se faire représenter par l'un d'eux ou le conjoint de l'un d'eux.

La portée de cette disposition étant réduite, son abrogation est contestée par ceux qui font valoir, à l'image de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) dans un rapport adopté par son Assemblée générale le 7 janvier 1999, qu'elle limite la possibilité, pour certaines personnes, d'user de façon abusive et intéressée de leur droit de présence et de parole au sein des assemblées générales.

Si ce risque existe, il apparaît, néanmoins, comme la contrepartie normale d'une politique d'appel volontaire à des capitaux extérieurs, qui ne saurait méconnaître les principes de propriété, de transparence et de démocratie. De manière générale, cet article 165 déroge de façon regrettable à la règle énoncée par l'article 1844 du code civil, selon lequel « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives » de la société.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur pour avis (amendement n° 38).

Puis, elle a émis un avis favorable sur l'article 63 ainsi modifié.

Article 64

(art. 157-3 [nouveau] de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Transparence des rémunérations

Au nom du principe de transparence, le présent article propose que le rapport annuel présenté à l'assemblée générale des actionnaires par le conseil d'administration ou le directoire rende compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés à chaque mandataire social, y compris, le cas échéant, de la part des filiales de ladite société. Il mentionnera également la liste actualisée de l'ensemble de leurs mandats et fonctions.

1. Une opacité bien française

La transparence des rémunérations des dirigeants d'entreprise est communément acceptée dans les pays anglo-saxons. Elle apparaît, en effet, comme la contrepartie du montant très élevé de leurs salaires (15 fois le salaire moyen au Japon, 25 fois en Europe, 100 fois aux Etats-Unis), qui est considéré comme un facteur incitatif en termes de performance mais susceptible, en cas d'opacité, de déboucher sur des conflits d'intérêt entre les mandants et les mandataires.

C'est en raison de ce risque d'intérêts divergents que la Security Exchange Commission (SEC) a décidé de rendre obligatoire la publication, dans les rapports annuels soumis aux assemblées d'actionnaires, de la rémunération totale de chacun des dirigeants membres du conseil (éléments variables et avantages en nature, cotisations de retraite et « stock options » compris).

Les Britanniques ont rapidement emprunté le même chemin. Dès 1985, la divulgation des éléments de rémunération a été imposée, de façon globale pour l'ensemble des administrateurs et individuelle pour le président du conseil d'administration (hors avantages de retraite). Par la suite, l'ensemble des sociétés cotées se sont soumises aux recommandations du rapport dit « Greenbury » (Juillet 1995), du nom du président de « Marks & Spencer » :

-  le conseil d'administration doit déléguer l'examen et la fixation des rémunérations des cadres dirigeants à un comité spécialisé composé de « non executive directors », qui soumet, chaque année, à l'assemblée générale des actionnaires, un rapport complet comprenant le détail de chacun des éléments constitutifs de cette rémunération ; il lui appartient d'apprécier s'il doit demander un vote formel d'approbation ;

-  les règles qui doivent présider à sa décision sont l'établissement d'un lien entre la rétribution et la performance, ainsi que la convergence des intérêts matériels des dirigeants et des actionnaires ;

-  le président du comité des rémunérations assiste en personne à l'assemblée générale des actionnaires, devant laquelle il est responsable ;

-  le rapport annuel comporte, pour chaque cadre dirigeant, la décomposition de sa rémunération globale (salaires, bonus, « stock options », avantages en nature, régimes de retraite et indemnités payées en cas de départ de l'entreprise).

La France, pour sa part, se distingue par un manque de transparence évident.

L'article 168-4° de la loi du 24 juillet 1966 dispose que tout actionnaire a droit d'obtenir communication du montant des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées, le nombre de ces personnes étant de dix ou de cinq, selon que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés. Mais il ne s'agit encore que d'un montant global.

L'article 24 du décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 (modifié par l'article 6 du décret n° 94-663 du 2 août 1994) prévoit que l'annexe des comptes annuels que les sociétés commerciales sont tenues d'établir à la clôture de chaque exercice doit comporter, entre autres, « le montant des rémunérations allouées au titre de l'exercice aux membres des organes d'administration, de direction et de surveillance à raison de leurs fonctions ». Toutefois, ces informations sont données de façon globale pour chaque catégorie. De plus, elles ne sont obligatoires que si elles présentent une « importance significative » en ce qui concerne la situation patrimoniale et financière et le résultat de l'entreprise. Surtout, « elles peuvent ne pas être fournies lorsqu'elles permettent d'identifier la situation d'un membre déterminé de ces organes ». On observera, enfin, que le terme de « rémunérations » n'englobe pas les « stock options ».

Un manque de délibération est également patent.

L'article 108 de la loi du 24 juillet 1966 dispose que « L'assemblée générale peut allouer aux administrateurs en rémunération de leur activité, à titre de jetons de présence, une somme fixe annuelle ». Mais les modalités de sa répartition ne sont pas précisées.

Les articles 110, 115 et 123 disposent que la rémunération du président du conseil d'administration et des directeurs généraux est déterminée par le conseil d'administration et celle des membres du directoire par le conseil de surveillance. En principe, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la détermination de ces rémunérations doit faire l'objet d'une délibération du conseil. Mais bien des sociétés cotées françaises s'affranchissent de cette obligation en renvoyant la question, sous couvert, de « corporate governance », à des comités dont « la véritable raison d'être (...) est de sortir la discussion de l'instance du conseil afin d'en limiter la portée et la publicité », pour reprendre les termes utilisés par M. Jean Peyrelevade dans son rapport sur « Le corporate governance » (12).

Au total, « non seulement l'assemblée générale des actionnaires n'a pas à connaître de la rémunération du président mais, seconde singularité française, le conseil lui-même n'en débat point, ce qui est contraire à la loi, et se dessaisit au profit d'un comité restreint qui n'a aucune existence légale » (13). L'argent demeure un tabou et souvent, la question de la rémunération des dirigeants d'entreprises n'est même pas posée : « On est loin, bien loin, du contrat d'agence et de la transparence nécessaire à la convergence des intérêts entre mandants et mandataires, bien loin à certains égards de la démocratie. La fixation et la connaissance de la rémunération des dirigeants sont des attributions du conseil d'administration, dont l'assemblée des actionnaires n'a pas à connaître » (14).

Le cabinet « Vuchot Ward Howell » constatait également, dans une étude sur « Le Gouvernement d'entreprise » qui date, néanmoins, de novembre 1996, qu'en France, « la plus grande opacité règne » : la publicité de la rémunération individuelle est l'exception, le minimum légal est la règle. Certaines sociétés se contentent d'indiquer un montant global sans préciser le nombre de bénéficiaires ou affirment, comme elles en ont le droit, qu'elles ne peuvent indiquer un chiffre agrégé car il permettrait d'identifier les salaires individuels. S'agissant des informations relatives aux jetons de présence, « il n'est pas toujours aisé de les localiser tant elles sont publiées avec discrétion », quand elles le sont.

Le premier rapport dit « Viénot » (15) était d'ailleurs d'une grande timidité puisqu'il ne consacrait à cette question qu'une dizaine de lignes, préconisant de veiller à la composition des fameux « comités des rémunérations » : « La composition de ces comités est souvent critiquée car ils comporteraient un nombre élevé d'administrateurs réciproques ; aussi faut-t-il y prêter une attention particulière. Le Comité recommande d'éviter de nommer dans le comité des rémunérations d'une société A, un administrateur venant d'une société dans le comité analogue de laquelle siégerait réciproquement un administrateur venant de la société A ».

Cela étant, l'opacité n'est pas l'apanage des seules entreprises privées. Le rapport public 1999 de la Cour des comptes, dans son chapitre 26 relatif aux « Avantages accordés à des dirigeants ou cadres d'entreprises publiques à l'occasion de leur départ », montre, de façon édifiante, comment des dirigeants ou cadres supérieurs d'entreprises publiques (GAN, Crédit foncier de France, Française des jeux) ont perçus des indemnités de départ ou de fin de carrière au moment de la cessation de leurs fonctions ou encore ont bénéficié de retraites complémentaires de façon irrégulière, souvent « dans des conditions telles que l'information des conseils d'administration et de la tutelle n'était pas assurée ».

2. Une évolution limitée des comportements

Les arguments avancés à l'encontre de la transparence des rémunérations sont connus : curiosité envieuse, polémiques et attaques ad hominem qui affaibliraient les chefs d'entreprise, défense de la culture française où le montant des revenus personnels serait un élément relevant de la sphère privée de chaque individu, risque de favoriser les actions de « débauchage » par des sociétés concurrentes, etc. Certaines de ces critiques ne sont pas dénuées de toute pertinence, d'autres sont plus contestables : en particulier, comme l'observaient MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld dans leur rapport au Premier ministre sur l'épargne salariale (janvier 2000), « les chasseurs de tête n'ont pas besoin de ces éléments pour cibler les éléments les plus qualifiés ». En tout état de cause, la transparence traduit aussi une certaine conception de l'entreprise, plus citoyenne et démocratique, et un souci de mettre fin à une opacité qui permet surtout à certains de se partager continuellement les richesses créées par d'autres.

Sans doute le thème de la transparence est-il davantage présent, de façon spontanée, depuis quelques années, dans les discours des chefs d'entreprise français.

Le second rapport issu des travaux du comité Viénot (février 1999) a consacré à cette question une place plus importante que le premier, en préconisant de compléter l'information disponible dans les rapports annuels par un chapitre spécifique qui comprendrait trois parties : la politique de détermination de la rémunération directe ou indirecte des dirigeants formant l'équipe de direction générale ; le montant global de ces rémunérations, ventilé par masses entre parts fixes et parts variables ; les jetons de présence (montant maximum autorisé, montant effectivement versé aux membres du conseil d'administration, règles de répartition). Dans la même logique, il recommandait qu'un chapitre du rapport annuel soit consacré aux options accordées par les sociétés cotées, en faisant apparaître, notamment, une description de la politique d'attribution et, le cas échéant, de la politique particulière applicable aux membres de la direction générale.

Plus récemment, MM. Didier Pineau-Valencienne, président de l'AFEP, et Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, se sont clairement prononcés, sous la forme d'une recommandation rendue publique le 20 janvier 2000, en faveur de la transparence des salaires et des stock options, « au plus tard à l'occasion des comptes de l'exercice 2000 et si possible plus tôt ».

Certains chefs d'entreprises ont effectivement révélé leurs rémunérations, le dernier en date ayant été M. Ernest-Antoine Seillière lui-même, le 29 mars.

Mais ces initiatives demeurent isolées et insuffisantes. La France doit donc s'engager résolument sur la voie de la transparence et mettre ses règles en conformité avec celles des pays les plus avancés dans le domaine du gouvernement d'entreprise. Malgré le souhait exprimé par les présidents de l'AFEP et du MEDEF, qui « ont insisté pour que les pouvoirs législatif et réglementaire laissent jouer l'autodiscipline des acteurs économiques », l'intervention du législateur est nécessaire pour que les comportements évoluent réellement.

3. Un premier pas sur le chemin de la transparence

Le présent article propose d'insérer, dans la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, un article 157-3 prévoyant que le rapport annuel des sociétés devra désormais rendre compte :

-  « de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés à chaque mandataire social durant l'exercice », à savoir les administrateurs, les membres du conseil de surveillance et du directoire, le président-directeur-général et les directeurs généraux ;

-  du montant « des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçus de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article 355-1 » ;

-  « de l'ensemble des mandats et fonctions exercés par les mandataires sociaux de la société », dont le nombre est limité par l'article 61 du présent projet de loi.

Cette mesure peut être appréciée à l'aune des propositions formulées par MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld dans leur rapport sur l'épargne salariale, qui préconisaient trois orientations.

La première concernait l'information des actionnaires sur les critères de répartition des stock options, leur nombre, leur prix, l'identité des bénéficiaires réels, les options exercées et celles restant à exercer, de manière nominative pour les mandataires sociaux et le comité de direction, ce dernier critère ne pouvant être inférieur aux dix plus importants bénéficiaires.

Les auteurs du rapport précité considéraient, en deuxième lieu, qu'il conviendrait d'« obliger le conseil d'administration des sociétés à avaliser explicitement tous les éléments de rémunération des mandataires sociaux. Son avis sera reproduit explicitement dans le procès verbal de la réunion. Ainsi, le conseil d'administration ne pourra plus se borner à une décision prise par des comités de rémunération ou par certains membres seulement ».

Enfin, « pour obtenir une information complète des actionnaires, la rémunération des mandataires sociaux sera jointe au rapport d'activité de l'entreprise ».

Cette dernière orientation est mise en _uvre par le présent article.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 64.

Articles additionnels après l'article 64

(art. 108, 109, 110 et 123 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Délibération des conseils d'administration
sur la rémunération des dirigeants d'entreprise

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis tendant à imposer aux conseils d'administration, conformément aux recommandations précitées de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, de procéder à la répartition des « jetons de présence » alloués par les assemblées générales aux différents administrateurs et de délibérer expressément de l'ensemble des éléments de rémunération des administrateurs, du président, des directeurs généraux et des membres du directoire (amendement n° 39).

(art. 157 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Approbation des comptes consolidés

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jacky Darne proposant que les assemblées d'actionnaires des sociétés commerciales qui contrôlent ou exercent une influence notable sur d'autres entreprises délibèrent et statuent sur les comptes consolidés du groupe.

Son auteur a précisé que cette mesure était indispensable pour apporter aux actionnaires concernés un éclairage global qui leur fait aujourd'hui défaut. Il a ajouté que cette disposition n'était qu'un premier pas dans le sens de l'élaboration d'un véritable droit des groupes de sociétés.

Le rapporteur pour avis a estimé que cet amendement s'inscrivait également dans la logique du projet de loi du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne le fonctionnement démocratique des sociétés.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 40).

chapitre v

Identification des actionnaires

Article 65

(art. 161-2 et 263 à 263-6 [nouveaux] de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Droit de vote et identification
des actionnaires non résidents

Le présent article aménage les règles qui régissent le droit de vote au sein des assemblées générales des sociétés commerciales, afin de faciliter son exercice par les résidents étrangers détenteurs de titres à travers des structures intermédiaires. En contrepartie, il instaure, à leur égard, une nouvelle procédure d'identification destinée à rendre plus transparente la composition de l'actionnariat des entreprises françaises.

1. L'orientation générale de la réforme

Les mesures proposées par cet article sont justifiées par une double difficulté.

D'un côté, les sociétés émettrices cotées en France rencontrent des difficultés pour identifier leur actionnariat réel. Si les actionnaires résidents sont connus, du fait de leur inscription sur un registre nominatif ou de l'utilisation de la procédure des « titres au porteur », il n'en va pas de même avec les non résidents qui exercent souvent leurs droits à travers des structures juridiques intermédiaires (« trusts » ou « nominees »).

De l'autre, les textes français sont relativement contraignants en matière d'exercice du vote en assemblée générale. Malgré des pratiques tolérantes et, semble-t-il, une absence de litige, les intermédiaires inscrits en compte pour les titres qui leur sont confiés (« actionnaires apparents ») ne sont pas autorisés, en principe, à se prononcer au nom de leurs clients. Cette règle est d'autant plus gênante que l'actionnariat étranger (et le nombre des intermédiaires) s'est fortement accru et qu'il manifeste une volonté croissante d'exercer la plénitude de ses droits (16).

Il n'a pas semblé souhaitable, pour résoudre cette contradiction, d'exclure, pour les actionnaires non résidents, la possibilité de recourir à des intermédiaires : l'éloignement, l'impossibilité d'accomplir directement les formalités nécessaires, ou d'assimiler la législation locale, justifient ce procédé qui est, au demeurant, largement répandu dans les pays exportateurs de capitaux d'investissement.

Le présent article propose une autre solution, directement inspirée des conclusions d'un groupe de travail qui s'est réuni, au sein de l'association nationale des sociétés par actions (ANSA), entre 1994 et 1996 (17).

Les intermédiaires, régulièrement inscrits, qui révèlent spontanément leur qualité et ouvrent à leur nom un ou plusieurs comptes d'actionnaires pour le compte d'investisseurs non résidents, se verront explicitement reconnaître le droit d'exercer le vote de leurs clients, à partir d'instructions expresses de ces derniers, pour une assemblée générale.

En contrepartie, une procédure d'identification est instaurée. L'intermédiaire sera tenu de fournir, à la demande de la société émettrice, l'identité et l'adresse du propriétaire réel des titres ainsi que la quantité de titres qu'il détient. Cette procédure pourra être renouvelée si la nouvelle liste comporte le nom de détenteurs de titres dont la société émettrice estime qu'ils pourraient être inscrits pour le compte de tiers, afin de dépasser tous les « écrans » successifs d'intermédiaires, jusqu'à l'identification des propriétaires réels. L'intermédiaire sera tenu d'effectuer les déclarations pour franchissement de seuils pour l'ensemble des actions au titre desquelles il est inscrit en compte.

Lorsque les règles de transparence ne sont pas respectées, le vote émis n'est pas pris en compte et la perception des dividendes peut être suspendue jusqu'à régularisation de la situation. En cas de refus délibéré ou de transmission de renseignements incomplets ou erronés, ces sanctions peuvent prendre la forme d'une suspension totale ou partielle du droit de vote et des dividendes correspondants durant une certaine période.

Ces nouvelles règles d'identification sont attendues par les entreprises qui sont soucieuses de mieux connaître la composition de leur actionnariat. Toutefois, on soulignera qu'elles répondent également à la nécessité de combattre certaines pratiques utilisées en matière de blanchiment d'argent. La recommandation n° 25 du groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) aborde directement cette question : « Les pays devraient prêter attention aux possibilités d'utilisation abusive de sociétés écrans par les auteurs d'opérations de blanchiment de capitaux ». Dans son rapport sur les pays ou territoires non-coopératifs, le GAFI observait également que « Les sociétés écrans et les propriétaires apparents (« nominee ») sont des mécanismes largement utilisés pour blanchir les produits du crime et en particulier de la corruption » (critère n° 19) (18).

Compte tenu de la complexité technique du dispositif proposé, les mesures mises en _uvre par le présent article sont présentées, ci-après, dans l'ordre de leur présentation.

2. Les dispositions du présent article

Le paragraphe I propose d'insérer, dans la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, un article 161-2 qui autorise les actionnaires non résidents à se faire représenter aux assemblées générales par un intermédiaire inscrit.

Le paragraphe II propose de remplacer ses articles 263 à 263-2 par sept articles, numérotés 263 à 263-6, présentés ci-après.

-  Article 263

Toutes les valeurs mobilières (actions, obligations, certificats d'investissement, titres participatifs), cotées ou non, quel que soit leur émetteur (public ou privé) ou leur forme (nominative ou au porteur), dès lors qu'elles sont émises en territoire français et soumises à la législation nationale, doivent être inscrites en compte au nom de leur propriétaire. Cette règle, qui figurait, jusqu'à présent, à l'article 1er du décret n° 83-359 du 2 mai 1983, est ainsi consacrée par une disposition législative.

Toutefois, par dérogation à ce principe général, les actionnaires non résidents sont autorisés à faire inscrire au nom d'un intermédiaire, dit « intermédiaire inscrit », les titres de capital admis aux négociations sur un marché réglementé qu'ils détiennent. La notion de résidence est appréciée au regard de l'article 102 du code civil, à savoir le lieu du principal établissement. Ce critère a été préféré à une définition fiscale englobant les conventions internationales et les conditions prévues à l'article 4 B du code général des impôts, qui a été jugée incertaine et trop complexe à appliquer.

L'intermédiaire inscrit est tenu de déclarer spontanément sa qualité de détenteur de titres pour le compte d'un tiers non résident auprès du teneur de compte.

-  Article 263-1

Le paragraphe I de cet article reprend, sous réserve de quelques modifications formelles, les règles d'identification actuellement en vigueur pour les « titres au porteur » (19). Les demandes d'identification (nom ou dénomination, nationalité, année de naissance, adresse, nombre de titres conférant l'exercice du droit de vote détenus) doivent être adressées par la société émettrice à l'organisme chargé de la compensation des titres (la SICOVAM, dépositaire central des titres au porteur), qui recueille les renseignements auprès des établissements teneurs de comptes : des délais précis encadrent ces échanges (dix jours ouvrables entre les établissements teneurs de comptes et la SICOVAM, puis cinq jours ouvrables entre la SICOVAM et la société).

Le paragraphe II prévoit, en revanche, des dispositions plus novatrices : la société émettrice peut ensuite demander, soit par l'entremise de la SICOVAM, soit directement, sous peine des sanctions prévues à l'article 263-4 (présenté ci-après), aux actionnaires dont le nom figure sur la liste qui lui a été communiquée, s'ils détiennent les titres pour compte propre ou pour le compte de tiers (auquel cas ils auraient dû se faire connaître comme tel auprès du teneur de compte). Dans cette hypothèse, les intermédiaires doivent révéler l'identité réelle des propriétaires des titres : l'information est transmise directement à l'intermédiaire financier habilité à tenir les comptes, à charge pour lui de la communiquer à la société émettrice ou à la SICOVAM.

Le paragraphe III reprend des dispositions déjà en vigueur : les renseignements ainsi obtenus ne peuvent être « communiqués », même à titre gratuit, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal (un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende pour atteinte au secret professionnel).

La Commission a cependant adopté un amendement du rapporteur pour avis substituant au mot « communiqués » le mot « cédés », qui figure dans le texte actuel de l'article 263-1 et qui paraît plus précis. En effet, la tenue de comptes de titres est le plus souvent confiée en mandat à des établissements bancaires, auxquels sont évidemment communiqués les renseignements nécessaires (amendement n° 41).

- Article 263-2

Cet article s'applique aux « titres de forme nominative » (20). L'intermédiaire inscrit pour le compte d'actionnaires non résidents dans les conditions prévues à l'article 263 précité doit, à tout moment, à la demande de la société émettrice, révéler l'identité des propriétaires réels des titres, dans un délai qui, à la différence de ce qui est prévu pour les « titres au porteur », sera fixé par décret, et non par la loi elle-même. Des raisons « historiques » expliquent cette différence (les règles applicables aux titres au porteur figuraient déjà dans la loi), ainsi qu'un souci de plus grande souplesse en ce qui concerne des titres qui ne correspondent pas nécessairement à des sociétés cotées et dont la tenue peut être « sous-traitée ».

Pour bénéficier de certains droits attachés aux actions détenues sous la forme nominative (par exemple le droit de vote double prévu à l'article 175, ou la majoration de dividende dans la limite de 10 % prévue à l'article 347-2), l'intermédiaire est tenu de fournir les renseignements de nature à permettre le contrôle des conditions requises pour l'exercice de ces droits (une détention des actions depuis deux ans au moins pour le droit de vote double ou pour la majoration de dividende).

- Article 263-3

Le paragraphe I de cet article prévoit que la société émettrice peut renouveler sa demande d'identification aussi longtemps qu'elle estime que les détenteurs de titres « au porteur » ou « nominatifs » dont l'identité lui a été communiquée agissent pour le compte de tiers.

Le paragraphe II prévoit que la société émettrice peut demander à ses « actionnaires personnes morales » qui détiennent plus de 2,5 % de son capital ou de ses droits de vote l'identité de leurs propres actionnaires de contrôle (c'est-à-dire ceux qui exercent plus du tiers des droits de vote en assemblée générale ou qui détiennent plus du tiers du capital).

- Article 263-4

Cet article prévoit que l'intermédiaire qui s'est fait connaître comme tel et a satisfait aux demandes d'information formulées par la société émettrice peut, sur le fondement d'un mandat général de gestion des titres, transmettre, pour une assemblée, le vote d'un propriétaire d'actions. L'intermédiaire inscrit doit fournir, préalablement, la liste des propriétaires non résidents des actions auxquelles ces droits de vote sont attachés. Le vote d'un intermédiaire qui n'a pas satisfait à ces obligations n'est pas pris en compte.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que les intermédiaires sont autorisés à transmettre, au nom de leurs clients, pour une assemblée d'actionnaires, non seulement des votes mais également des pouvoirs (amendement n° 42).

- Article 263-5

Cet article prévoit les sanctions applicables lorsque les demandes de renseignements ne sont pas honorées, ou lorsque les renseignements communiqués sont incomplets ou erronés. Il s'agit, sous réserve de la bonne foi de l'intermédiaire, d'une simple privation des droits de vote et de la suspension provisoire du dividende jusqu'à la régularisation de la situation.

Lorsque le non respect de ces obligations est volontaire, le tribunal peut, sur demande de la société émettrice ou d'un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5 % du capital, prononcer des sanctions plus lourdes : privation des droits de vote pour une durée inférieure ou égale à cinq ans, et, éventuellement, pour la même période, du dividende correspondant.

Incontestablement, ces sanctions sont très significatives. Mais les règles dont le respect est exigé sont nécessaires pour des raisons économiques et de lutte contre le blanchiment et il apparaît que seule une éventuelle privation du dividende peut être considérée comme efficace. Au demeurant, ces sanctions sont limitées dans le temps et des dispositions plus ou moins semblables existent déjà dans la loi du 24 juillet 1966 (voir les articles 283, 358, 359 et 359-1).

- Article 263-6

Cet article reprend les dispositions relatives au secret professionnel applicables aux personnels de la SICOVAM, de la société émettrice et des établissements teneurs de compte, qui figurent actuellement à l'article 263-1 de la loi du 24 juillet 1966.

Le paragraphe III propose de compléter l'article 356-1 par un alinéa tendant à prévoir que l'intermédiaire qui détient des titres pour le compte de plusieurs actionnaires non résidents est tenu de déclarer les franchissements de seuil légaux (notification lorsque le nombre d'actions détenu vient à dépasser le vingtième, le dixième, le cinquième, le tiers, la moitié ou les deux tiers du capital de la société), sur une base consolidée. Dans le même temps, les actionnaires véritables restent soumis aux déclarations qui leur incombent pour les titres qu'ils détiennent. La violation de cette obligation est sanctionnée conformément aux dispositions précitées de l'article 263-5.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 65 ainsi modifié.

chapitre vi

Dispositions relatives au contrôle

Article 66

(art. 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Extension du contrôle aux actions de concert

L'article 355-1 de la loi de 1966 définit le contrôle d'une société par une autre comme le fait de détenir, directement ou indirectement, une fraction du capital conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales, de disposer seul de la majorité des droits de vote en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ou d'avoir, compte tenu des circonstances (comme par exemple une large diffusion des titres dans le public), la possibilité de faire prévaloir son point de vue lors des assemblées générales.

Le contrôle est présumé lorsque la société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction supérieure à la sienne.

L'action de concert est définie par l'article 356-1-3 comme l'action de personnes qui ont conclu un accord, soit en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote, soit en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en _uvre une politique commune vis à vis de la société.

Dans un arrêt du 20 février 1998 « Association pour la défense des actionnaires minoritaires c/Compagnie générale des eaux », la cour d'appel de Paris a jugé que la notion de contrôle définie par l'article 355-1 était exclusive de la notion d'action de concert : le contrôle de l'article 355-1 ne peut donc être exercée que par une seule société.

Or l'action de concert est prise en compte pour déterminer le seuil de déclenchement d'une offre publique obligatoire : l'article 5-5-2 du règlement général du conseil des marchés financiers dispose en effet que lorsqu'une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l'article 356-1-3, détient plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d'une société, elle est tenue d'en informer immédiatement le conseil des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote.

Il existe donc une divergence, critiquée par certains auteurs, dans l'appréciation de la notion de contrôle entre le droit des sociétés et le droit boursier.

Afin de renforcer la cohérence de cette notion, l'article 66 du projet de loi complète l'article 355-1 de la loi de 1966 par un alinéa précisant qu'une ou plusieurs sociétés agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises dans les assemblées générales de cette dernière.

Le contrôle de l'article 355-1 pourra donc désormais être conjoint : il suffira, pour prouver ce contrôle conjoint, de démontrer que les sociétés agissant de concert « déterminent en fait les décisions prises dans les assemblées générales ». Le pluriel de ce dernier terme est important, car il signifie qu'un accord ponctuel ne pourra pas être assimilé à un contrôle conjoint. En tout état de cause, la jurisprudence considère que l'action de concert ne peut se concevoir que s'il existe entre les participants des comportements orientés vers un même objectif arrêté d'un commun accord.

Il reste que l'action de concert est difficile à démontrer. Il semble en effet qu'en l'absence d'un pacte public, les autorités financières aient beaucoup de difficultés à prouver que deux ou plusieurs personnes agissent de concert. Les critères d'acquisition ou de cession des droits de vote et d'exercice des droits de vote pour mettre en _uvre une politique commune sont des critères « très difficiles à apprécier », « qui soulèvent de délicats problèmes d'interprétation » (Mémento Francis Lefebvre Sociétés commerciales).

L'autre difficulté réside dans la multitude des textes législatifs et réglementaires qui font référence au contrôle de l'article 355-1 : il convient, en effet, d'examiner avec attention les conséquences d'une telle modification sur ces textes. D'après les renseignements fournis à votre rapporteur pour avis, il semblerait que l'extension de la notion de contrôle à l'action de concert ne soulève des difficultés que pour l'article L. 439-1 du code du travail ; cet article impose en effet la constitution d'un comité de groupe en cas de groupe formé entre une entreprise dominante et une entreprise contrôlée au sens de l'article 355-1 de la loi de 1966, ce comité de groupe étant destinataire des informations sur l'activité et la situation financière du groupe et de chacune des entreprises qui la composent ; or il paraît difficile d'imposer la mise en place de deux, voire plus, comités de groupe entre la société contrôlée et chacune des sociétés agissant de concert.

La Commission a donc adopté un amendement de M. Jacky Darne excluant l'application de la notion de contrôle conjoint pour l'article L. 439-1 du code du travail (amendement n° 43).

La Commission a ensuite émis un avis favorable sur l'article 66 ainsi modifié.

chapitre vii

Dispositions relatives aux injonctions de faire

Articles 67 et 68

(art. 493 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 1843-3 du code civil
et 2 bis de l'ordonnance n°58-1352 du 27 décembre 1958)

Institution d'une procédure de référé-injonction
de faire sous astreinte

Afin d'assurer de manière plus efficace l'application de certaines dispositions législatives, ces articles instituent une procédure de référé-injonction de faire sous astreinte ou de désignation d'un mandataire chargé de satisfaire l'obligation prévue par la loi et suppriment, par coordination, les dispositions pénales correspondantes.

Le référé-injonction de faire est prévue par le deuxième alinéa de l'article 809 du nouveau code de procédure civile : lorsqu'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de grande instance peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le droit de la concurrence connaît également un mécanisme assez proche : le dernier alinéa de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence prévoit que, dans certains cas limitativement énumérés, le président de la juridiction saisie peut, en référé, enjoindre la cessation des agissements en cause ou ordonner toute autre mesure provisoire.

Quant à la désignation d'un mandataire chargé de procéder à une obligation de faire, c'est une pratique jurisprudentielle ancienne, utilisée récemment pour le dépôt des comptes annuels (Cass. com., 15 juin 1999)

S'inspirant de ces dispositions, le paragraphe I de l'article 67 réécrit l'article 493 de la loi de 1966, qui, dans sa rédaction actuelle, renvoie à une disposition transitoire devenue obsolète, afin de mettre en place une procédure de référé-injonction de faire sous astreinte : lorsque les personnes intéressées ne pourront obtenir la production, la communication ou la transmission de certains documents, elles pourront demander au président du tribunal, statuant en référé, d'enjoindre sous astreinte aux administrateurs, gérants et dirigeants de communiquer ces documents ; le président du tribunal pourra également désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication.

Les documents concernés sont le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels, le texte des résolutions, le rapport des commissaires aux comptes, les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe des sociétés à responsabilité limitée (article 56), les inventaires, les comptes annuels, la liste des administrateurs ou des membres du directoire et du conseil de surveillance, les comptes consolidés, les rapports du conseil d'administration ou du directoire, du conseil de surveillance et des commissaires aux comptes, le texte des résolutions et le montant global des cinq ou des dix personnes les mieux rémunérées des sociétés par actions (article 168), la liste des actionnaires, les procès-verbaux et les feuilles de présence des assemblées de ces sociétés destinés aux actionnaires et aux copropriétaires d'actions indivises (articles 169 à 171), les obligataires de ces sociétés disposant d'un droit similaire de communication pour le texte des résolutions et les rapports présentés à l'assemblée générale ainsi que les feuilles de présence et les procès-verbaux de ces assemblées (article 318), l'acte de nomination du liquidateur et les documents à déposer en annexe au registre des sociétés (article 392) et enfin les documents sociaux en période de liquidation (article 414).

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur pour avis, l'un étendant la procédure d'injonction de faire sous astreinte à la communication des documents sociaux des sociétés en nom collectif (amendement n° 44), l'autre précisant que la procédure d'astreinte s'applique également au liquidateur (amendement n° 45)

Cette procédure devrait permettre aux actionnaires et aux personnes concernées d'obtenir en temps utile la communication des documents sociaux souhaités, ce qui est difficile avec les dispositions pénales actuelles. En outre, il paraît logique de confier à la procédure civile le soin de faire appliquer des dispositions dont le non-respect pénalise les actionnaires, mais ne portent pas atteinte à l'ordre public.

Le deuxième alinéa du nouvel article 493 précise que, lorsqu'il est fait droit à la demande des personnes intéressées, les frais de procédure sont à la charge des dirigeants ou du liquidateur mis en cause. Dans la mesure où le défaut de communication est dû à l'inaction fautive des dirigeants de la société ou du liquidateur, il est normal que les personnes lésées ne supportent pas les frais de procédure.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que l'astreinte susceptible d'être payée doit également être à la charge du dirigeant ou du liquidateur (amendement n° 46).

Par coordination avec cette nouvelle procédure, le paragraphe II de l'article 67 supprime les infractions correspondantes : sont ainsi abrogées les dispositions pénales sanctionnant l'absence de communication des documents sociaux aux actionnaires d'une société à responsabilité limitée (2° et 3° de l'article 426) et aux actionnaires d'une société par actions (article 445) et la violation par le liquidateur de son obligation de permettre aux associés d'exercer leur droit de communication des documents sociaux (3° de l'article 487). Par coordination avec l'article 68 du projet de loi, qui institue dans le code civil une procédure similaire à celle de l'article 493 en cas de non-respect du délai légal pour procéder aux appels de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital, le paragraphe II supprime également l'article 465, qui réprime ces faits de six mois d'emprisonnement et de 40 000 F d'amende.

Par ailleurs, le paragraphe II supprime quatre infractions pénales inutiles, parce qu'elles font double emploi avec les dispositions pénales de droit commun ou le pouvoir de sanction dont dispose la COB :

-  les 1° à 3° de l'article 433, qui sanctionnent d'un an d'emprisonnement et de 60 000 F d'amende le fait de présenter des souscriptions fictives ou de publier des faux noms de personnes attachées à la société pour provoquer des souscriptions, et l'article 467, qui punit de 40 000 F d'amende la reproduction frauduleuse de prospectus ayant pour objet de solliciter la souscription de valeurs mobilières, sont couverts par les articles 313-1 et 441-1 du code pénal qui répriment l'escroquerie et l'établissement et l'usage de faux ;

-  les articles 469 et 470, qui punissent de 60 000 F d'amende respectivement l'émission d'obligations négociables par des particuliers ou des gérants de sociétés autres que les sociétés par actions, et l'émission d'obligations négociables pour le compte d'une société anonyme avant que la société ait deux ans d'existence et ait établi deux bilans approuvés par les actionnaires, entrent dans le champ d'application des missions de la COB, à laquelle l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 confie un rôle de protection de l'épargne investie. Rappelons que cette autorité administrative indépendante dispose d'un pouvoir de sanction, notamment pécuniaire, important.

Enfin, le 5° de l'article 434 (négociation de promesses d'actions), les articles 453 (amortissement du capital par voie de tirage au sort des actions), 461 (gérant de société en commandite par actions qui commence les opérations avant l'entrée en fonction du conseil de surveillance) et 468 (émission de parts de fondateurs) sont abrogés, soit parce que ces dispositions ne méritent pas de protection particulière, soit parce qu'elles correspondent à des pratiques tombées en désuétude.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis abrogeant l'article 172 qui prévoit un recours en justice en cas de refus de communication des documents sociaux des sociétés par actions, article devenu inutile en raison de la mise en place de la procédure d'injonction de faire sous astreinte (amendement n° 47).

Le paragraphe I de l'article 68 institue une procédure similaire à celle de l'article 493 en cas de non respect du délai légal pour procéder aux appels de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital : l'intéressé pourra demander en référé au président du tribunal d'enjoindre sous astreinte aux administrateurs, gérants et dirigeants de la société de procéder à ces appels de fonds ou de désigner un mandataire chargé de procéder à cette formalité.

Ces dispositions sont insérées au cinquième alinéa de l'article 1843-3 du code civil, qui prévoit que l'associé qui devait apporter une somme dans une société et qui ne l'a pas fait devient de plein droit débiteur des intérêts de cette somme. Cette insertion permettra à la procédure d'injonction de faire sous astreinte de s'appliquer aux appels de fonds de l'ensemble des sociétés, qu'elles soient ou non commerciales, à partir du moment où celles-ci disposent d'un capital social.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 48).

Le paragraphe II de l'article 68 instaure la même procédure pour faire respecter les obligations législatives et réglementaires en matière de dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés.

Il insère pour cela dans l'ordonnance n° 58-1352 du 27 décembre 1958 réprimant certaines infractions en matière de registre du commerce et des sociétés un nouvel article qui dispose que le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de la société de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés ; cette procédure pourra être mise en _uvre à la demande de tout intéressé, mais aussi du ministère public.

L'objectif principal de cette disposition est d'obliger les entreprises à respecter l'obligation de dépôt des comptes annuels : en effet, il semble que près de la moitié des sociétés ne remplit pas cette obligation, qui n'est actuellement sanctionnée que par une amende de cinquième classe (articles 53 et 293 du décret n° 67-236 du 27 mars 1967 sur les sociétés commerciales). Or, en 1997, seules 429 sociétés à responsabilité limitée et 100 sociétés anonymes ont été condamnées pour non dépôt de comptes.

Cette absence de dépôt est contraire à la quatrième directive du 25 juillet 1978 sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés, modifiée par les directives du 8 novembre 1990, et à la septième directive du 13 juin 1983 concernant les comptes consolidés, qui imposent la publicité des comptes annuels et des comptes consolidés, du rapport de gestion et du rapport des commissaires aux comptes pour les sociétés anonymes, les sociétés en nom collectif dont tous les associés sont des sociétés de capitaux et les sociétés à responsabilité limitée. Elle nuit à la sécurité des tiers, notamment des créanciers, et rend difficile l'application de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, qui a mis en place une procédure d'alerte destinée à prévenir les difficultés des entreprises.

La Commission a émis un avis favorable sur les articles 67 et 68 ainsi modifiés.

chapitre viii

Dispositions diverses et transitoires

Article 69

(art. 464-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Sanctions pénales applicables
aux sociétés par actions simplifiées

Avant la réforme de 1999, les sociétés par actions simplifiées ne pouvaient être constituées que par deux ou plusieurs sociétés ayant un capital au moins égal à un million et demi de francs, les établissements publics industriels et commerciaux et les établissements de crédits de droit privé non constitués sous forme de société pouvant être associés de ces sociétés. En pratique, ce statut était principalement utilisé pour les filiales des sociétés mères.

La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a sensiblement modifié les modalités de constitution de ces sociétés, en autorisant les personnes physiques à y participer : l'article 262-1 de la loi de 1966 prévoit désormais qu'une société par actions simplifiée peut être instituée par une ou plusieurs personnes, qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leur apport. L'objet de cette modification était d'éviter que les sociétés familiales aient systématiquement recours au statut de société anonyme, souvent peu adapté.

Afin de protéger les associés de ces sociétés, qui peuvent désormais être de simples particuliers ayant des intérêts divergents, ce qui n'était pas le cas entre la société mère et sa filiale, l'article 69 du projet de loi instaure des sanctions pénales en cas d'absence de consultation des associés pour un certain nombre de décisions qui, en application du deuxième alinéa de l'article 262-10 de la loi de 1966, doivent être exercées collectivement par les associés.

Il complète pour cela l'article 464-2 de la loi de 1966, qui prévoit une amende de 15 000 F en cas d'absence de l'indication de la dénomination sociale de la société, précédée ou suivie de la mention « société par actions simplifiée », et de l'énonciation de son capital social sur les documents destinés aux tiers, par un alinéa incriminant le fait de ne pas consulter les associés, dans les conditions prévues par les statuts, en cas d'augmentation, d'amortissement ou de réduction du capital, de fusion, scission ou dissolution de la société, de nomination de commissaires aux comptes, d'approbation des comptes annuels et de répartition des bénéfices. Les seules décisions visées sont celles énumérées à l'article 262-10 : c'est en effet le statut de chaque société par actions simplifiée qui détermine les autres décisions qui doivent être prises collectivement, le non respect des formes prévues engageant simplement la responsabilité civile des dirigeants.

Les sanctions prévues, six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende, correspondent aux sanctions prévues par l'article 441 lorsque le président ou les administrateurs des sociétés anonymes ne convoquent pas l'assemblée générale dans les six mois de la clôture de l'exercice ou lorsqu'ils ne soumettent pas à l'approbation de cette assemblée les comptes annuels et le rapport de gestion.

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 69.

Article 70


Dissociation des fonctions de président et de directeur général -
Limitation du cumul des mandats - Entrée en vigueur de la loi

Le projet de loi prévoit dans ses articles 56 et 57 la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général, tout en laissant aux sociétés la possibilité de prévoir dans leurs statuts le cumul des deux fonctions. Par ailleurs, il limite les possibilités de cumul des mandats exercés par une même personne physique au sein de plusieurs sociétés.

Le paragraphe I de l'article 70 détermine les conditions dans lesquelles ces dispositions relatives à la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général s'appliqueront aux sociétés existantes à la date d'entrée en application de la loi. Il distingue deux hypothèses selon qu'il s'agit de sociétés dites cotées ou de sociétés non cotées :

-  En ce qui concerne les premières, les présidents du conseil d'administration assurant la direction générale de la société, ce qui constitue le droit commun aux termes de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction actuelle, cesseront de présider le conseil d'administration à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, sauf si, dans ce même délai, une assemblée générale extraordinaire a modifié ou précisé les statuts pour maintenir le cumul des fonctions de président et de directeur général.

Bien qu'il soit favorable à la dissociation des fonctions de président et de directeur général, le rapporteur juge que l'application automatique des dispositions de l'article 70 qui imposent une forme particulière d'organisation aux sociétés actuelles inverse de celle prescrite par le droit en vigueur est peu satisfaisante. Il lui semble, en effet, préférable de laisser aux sociétés un choix dans la mise en _uvre des modalités d'organisation interne de leur direction. Obliger les sociétés cotées à dissocier les fonctions de président de celles de directeur général, à moins d'avoir réuni une assemblée générale extraordinaire, ce qui constitue une procédure très lourde, apparaît excessivement contraignant. C'est pourquoi, par coordination avec un amendement de M. Jacky Darne adopté à l'article 56, permettant aux entreprises de choisir entre le cumul des fonctions de président et de directeur général ou leur dissociation, la Commission a adopté un amendement du même auteur tendant à obliger les sociétés cotées à réunir, dans les dix-huit mois, une assemblée générale afin qu'elles modifient ou qu'elles précisent leurs statuts en fonction de leur décision sur ce point (amendement n° 49).

-  Pour ce qui est des sociétés anonymes dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé et qui étaient immatriculées au registre du commerce et des sociétés avant la date de publication de la loi, elles pourront conserver leurs statuts pour la partie relative à la présidence du conseil d'administration et à la direction générale, sans délibération particulière de leur assemblée générale.

La différence de traitement prévue par le projet de loi entre les sociétés dont les titres sont soumis à la cote d'un marché réglementé et les autres tient au fait que c'est pour celles qui recourent à l'appel public à l'épargne qu'il apparaît le plus nécessaire de dissocier la présidence du conseil d'administration et la direction exécutive de l'entreprise.

Le paragraphe II de l'article 70 est relatif à l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi qui limitent le cumul des mandats exercés par une même personne physique. Là encore, le dispositif proposé prévoit de laisser un délai de dix-huit mois pour permettre aux personnes physiques de se mettre en conformité avec les règles édictées aux articles 92, 111, 115, 127 et 136 de la loi du 24 juillet 1966 dans leur nouvelle rédaction qui limitent le cumul de mandats et fonctions. Dans l'hypothèse où ces personnes ne se conformeraient pas à ces dispositions, elles seraient réputées démissionnaires de tous leurs mandats ou fonctions.

Enfin, le dernier paragraphe de l'article 70 prévoit que les personnes qui avaient reçu du conseil d'administration, en application de l'article 115 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction actuelle, mandat d'assister le président avec le titre de directeur général, prennent le titre de directeur délégué. Il semble, en effet, nécessaire de les distinguer des directeurs généraux qui, aux termes de l'article 57 du projet de loi, sont désormais les dirigeants exécutifs de la société investis « des pouvoirs les plus étendus ».

La Commission a émis un avis favorable sur l'article 70 ainsi modifié.

*

* *

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a émis un avis favorable à l'adoption du titre IV de la première partie et du titre Ier de la troisième partie du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 2250) modifié par les amendements figurant ci-après.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 19

Amendement n° 1 :

Supprimer le deuxième alinéa (8°) du I de cet article.

Article 20

Amendement n° 3 :

Rédiger ainsi le I de cet article :

« I. -  Aux 1° et 2°, les mots : " lorsqu'elles paraissent provenir " et " lorsque celles-ci paraissent provenir " sont remplacés par les mots : " qui pourraient provenir ", et les mots : " de l'activité d'organisations criminelles " sont remplacés par les mots : " d'activités criminelles ou délictueuses organisées ". »

Amendement n° 2 :

I. -  Rédiger ainsi le II de cet article :

« II. -  Il est ajouté quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les organismes financiers sont également tenus de déclarer à ce service :

« 1°  toute opération dont l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l'article 12.

« 2°  les opérations pour compte propre ou pour compte de tiers, supérieures à un montant fixé par décret, qu'ils effectuent avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent.

« 3°  les opérations effectuées par les organismes financiers pour compte propre ou pour compte de tiers avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation dont l'identité des constituants ou des bénéficiaires n'est pas connue. »

II. -  En conséquence, supprimer le III de cet article.

Après l'article 20

Amendement n° 4 :

Insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 11 de la loi du 12 juillet 1990 précitée, un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. -  Le service institué à l'article 5 anime un comité de liaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes et des délits qui réunit dans des conditions fixées par décret, les professions mentionnées à l'article premier, les autorités de contrôle et les services de l'Etat concernés. »

Après l'article 21

Amendement n° 5 :

Insérer l'article suivant :

« Les mesures prévues aux articles 20 et 21 de la présente loi, relatives aux opérations et transactions réalisées avec des personnes domiciliées, enregistrées, établies ou ayant un compte dans un Etat ou territoire dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent, font l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement. Ce rapport fera état, en particulier, des mesures analogues adoptées, le cas échéant, par les autres Etats membres de cette instance. »

Article 23

Amendement n° 6 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de cet article :

« i)  Par application des articles 222-38, 324-1 et 324-2 du code pénal ou de l'article 415 du code des douanes. »

Article 25

Amendement n° 7 :

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots : « prévus aux livres III et IV du code pénal et ».

Après l'article 25

Amendement n° 8 :

Insérer l'article suivant :

« Après l'article 450-2 du code pénal, il est inséré un article 450-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 450-2-1. -  Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende. »

Amendement n° 9 :

Insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 11 de la loi du 12 juillet 1990 précitée, un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. - Le manquement manifeste aux obligations de vigilance prévues à l'article 3 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende. »

Article 56

Amendement n° 10 :

Rédiger ainsi le deuxième alinéa du I de cet article :

« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, il veille à leur application et exerce les pouvoirs qui lui sont réservés par la présente loi ».

Amendement n° 11 :

Rédiger ainsi le quatrième alinéa du I de cet article :

« A toute époque de l'année, les administrateurs reçoivent toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission et se font communiquer les documents qu'ils estiment utiles. Ils opèrent les vérifications et les contrôles qu'ils jugent opportuns et se saisissent de toute question intéressant la bonne marche de la société. »

Amendement n° 12 :

Compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du II de cet article par les mots : « sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 117 ».

Amendement n° 13 :

Substituer au dernier alinéa du II de cet article, les deux alinéas suivants :

« La direction générale de la société est assumée sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par le directeur général dans les conditions déterminées par les statuts qui peuvent confier au conseil d'administration la faculté de choisir entre ces deux modalités d'exercice de la direction générale.

« Dans l'hypothèse où le président exerce les fonctions de directeur général, les dispositions de la présente sous-section relative à ce dernier lui sont applicables ».

Après l'article 56

Amendement n° 14 :

Insérer l'article suivant :

« L'article 93-1 de la loi du 24 juillet 1966 précitée est ainsi modifié :

« I. -  Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : " une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer sur l'introduction dans les statuts d'une clause prévoyant qu' ", sont supprimés (le reste sans changement).

« II. -  Le dernier alinéa est supprimé. »

Article 57

Amendement n° 15 :

Après le sixième alinéa du I de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, une personne physique peut exercer deux mandats de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique, si les titres des sociétés anonymes dans lesquelles elle exerce ces mandats ne sont pas admis sur un marché réglementé. »

Amendement n° 16 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de cet article :

« Par dérogation aux dispositions ci-dessus, ne sont pas pris en compte, dans une limite totale de dix, les mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés au sein des sociétés contrôlées, au sens de l'article 357-1, par la société dans laquelle le directeur général, le membre du directoire ou le directeur général unique, exercent leurs mandats en application du premier alinéa de cet article. »

Amendement n° 17 :

Après le deuxième alinéa du IV de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Il peut demander au président de convoquer le conseil d'administration sur un ordre du jour déterminé. Cette convocation ne peut lui être refusée. »

Amendement n° 18 :

Compléter cet article par les deux paragraphes suivants :

« VI. -  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 244, après les mots : " les administrateurs ", sont insérés les mots : " , le directeur général et les directeurs généraux délégués ".

« VII. -  Dans la deuxième phrase du second alinéa de l'article 244, après les mots : " les administrateurs ", sont insérés les mots : " , le directeur général ou les directeurs généraux délégués ". »

Article 60

Amendement n° 19 :

Dans le deuxième alinéa du I de cet article, substituer au mot : « huit », le mot : « cinq ».

Amendement n° 20 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de cet article :

« Par dérogation aux dispositions ci-dessus, ne sont pas pris en compte, dans une limite totale de dix , les mandats d'administrateurs exercés au sein des sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1 par l'une des cinq sociétés anonymes dans laquelle la personne siège en application du premier alinéa de cet article. »

Amendement n° 21 :

Dans le deuxième alinéa du III de cet article, après les mots : « directeur général unique », insérer les mots : « et quatre mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance ».

Amendement n° 22 :

Après le deuxième alinéa du III de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, une personne physique peut exercer deux mandats de membre du directoire ou de directeur général unique, si les titres des sociétés anonymes dans lesquelles elle exerce ces mandats ne sont pas admis sur un marché réglementé. »

Amendement n° 23 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de cet article :

« Par dérogation aux dispositions ci-dessus, ne sont pas pris en compte, dans une limite totale de dix, les mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés au sein des sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1 par la société dans laquelle le membre du directoire ou le directeur général unique exercent leur mandat en application du premier alinéa de cet article. »

Amendement n° 24 :

Dans le deuxième alinéa du IV de cet article, substituer au mot : « huit », le mot : « cinq ».

Amendement n° 25 :

Supprimer le V de cet article.

Article 61

Amendement n° 26 :

I. -  Dans le deuxième alinéa (art. 101) du I de cet article, substituer au taux : « 10 % », le taux : « 5 % ».

II. -  En conséquence, procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa du II et dans le dernier alinéa du III de cet article.

Amendement n° 27 :

Dans le dernier alinéa du I de cet article, supprimer les mots : « ou directeurs généraux ».

Amendement n° 28 :

Après le II de cet article, insérer le paragraphe suivant :

« II bis. -  Le premier alinéa de l'article 258 est ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 101 à 106 sont applicables aux conventions intervenant directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants, l'un des membres de son conseil de surveillance, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 5 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article 355-1. »

Amendement n° 29 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du IV de cet article :

« Toutefois, les conventions ayant une importance significative sur l'activité, le chiffre d'affaires ou le résultat de la société sont communiquées par l'intéressé au président du conseil d'administration. La liste et l'objet en sont communiqués par le président aux membres du conseil d'administration et aux commissaires aux comptes. »

Amendement n° 30 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du V de cet article :

« Toutefois, les conventions ayant une importance significative sur l'activité, le chiffre d'affaires ou le résultat de la société sont communiquées par l'intéressé au président du conseil d'administration. La liste et l'objet en sont communiqués par le président aux membres du conseil d'administration et aux commissaires aux comptes. »

Amendement n° 31 :

Rédiger ainsi le VI de cet article :

« VI. -  Dans le premier alinéa de l'article 103, les mots : " L'administrateur ou le directeur général intéressé " sont remplacés par les mots : " L'intéressé ". »

Amendement n° 32 :

Rédiger ainsi le VII de cet article :

« VII. -  Dans le premier alinéa de l'article 145, les mots : " Le membre du directoire ou du conseil de surveillance intéressé " sont remplacés par les mots : " L'intéressé" . »

Amendement n° 33 :

Après le VII de cet article, insérer le paragraphe suivant :

« VII bis. -  Dans le deuxième alinéa de l'article 104, les mots : " de l'administrateur ou du directeur général intéressé " sont remplacés par les mots : " de l'intéressé ".

« Dans le premier alinéa de l'article 105, les mots : " la responsabilité de l'administrateur ou du directeur général intéressé " sont remplacés par les mots : " la responsabilité de l'intéressé ". »

Amendement n° 34 :

Après le VII de cet article, insérer le paragraphe suivant :

« VII ter. -  Dans le deuxième alinéa de l'article 146, les mots : " du membre du conseil de surveillance ou du membre du directoire intéressé " sont remplacés par les mots : " de l'intéressé " ».

Article 62

Amendement n° 35 :

Au début du I de cet article, après les mots : « Aux articles », insérer la référence : « 158, ».

Amendement n° 36 :

Au début de la première phrase du deuxième alinéa du II de cet article, substituer aux mots : « Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, », les mots : « Une association répondant aux conditions fixées à l'article 172-1, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent ».

Amendement n° 37 :

Compléter le II de cet article par l'alinéa suivant :

« Le Ministère public, le comité d'entreprise et, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, la commission des opérations de bourse, peuvent également demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. ».

Article 63

Amendement n° 38 :

Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« III. -  La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 95 est supprimée. »

Après l'article 64

Amendement n° 39 :

Insérer l'article suivant :

« I. -  L'article 108 est complété par une phrase ainsi rédigée : " Sa répartition entre les administrateurs est déterminée par le conseil d'administration dont la délibération est reproduite intégralement dans le procès-verbal de la réunion. ".

« II. -  L'article 109 est complété par une phrase ainsi rédigée : " La délibération du conseil d'administration est reproduite intégralement dans le procès-verbal de la réunion. ".

« III. -  Le premier alinéa de l'article 110 est complété par une phrase ainsi rédigée : " Sa délibération est reproduite intégralement dans le procès-verbal de la réunion. ".

« IV. -  L'article 123 est complété par une phrase ainsi rédigée : " La délibération du conseil de surveillance est reproduite intégralement dans le procès-verbal de la réunion. ". ».

Amendement n° 40 :

Insérer l'article suivant :

« L'article 157 est ainsi modifié :

« I. -  La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : " Le conseil d'administration ou le directoire présente à l'assemblée son rapport ainsi que les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés. ".

« II. -  Dans le troisième alinéa, après les mots : " aux comptes annuels, " sont insérés les mots : " et, le cas échéant, aux comptes consolidés, ". »

Article 65

(art. 263-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Amendement n° 41 :

Dans la première phrase du III de cet article, substituer au mot : « communiqués », le mot : « cédés ».

(art. 263-4 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 )

Amendement n° 42 :

I. -  Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « le vote », insérer les mots : « ou le pouvoir ».

II. -  En conséquence, procéder à la même insertion dans le dernier alinéa de ce même article.

Article 66

Amendement n° 43 :

Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« II. -  Dans le premier alinéa du II de l'article L. 439-1 du code du travail, les mots : " aux articles 354, 355-1 ", sont remplacés par les mots : " à l'article 354, aux cinq premiers alinéas de l'article 355-1 ". »

Article 67

Amendement n° 44 :

Dans le deuxième alinéa (art. 493) du I de cet article, après le mot : « articles », insérer la référence : « 16 ».

Amendement n° 45 :

Dans le deuxième alinéa du I de cet article, après les mots : « enjoindre sous astreinte », insérer les mots : « au liquidateur ou ».

Amendement n° 46 :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de cet article :

« Lorsqu'il est fait droit à la demande, l'astreinte et les frais de procédure sont à la charge des administrateurs, des gérants, des dirigeants ou du liquidateur mis en cause ».

Amendement n° 47 :

Au début du II de cet article, insérer les mots : « L'article 172, ».

Article 68

Amendement n° 48 :

Dans le dernier alinéa du I de cet article, substituer aux mots : « demander en référé, soit d'enjoindre », les mots : « demander au président du tribunal statuant en référé, soit d'enjoindre sous astreinte ».

Article 70

Amendement n° 49 :

Substituer au premier alinéa du I de cet article les deux alinéas suivants :

« I. -  Dans les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé, le conseil d'administration doit, dans les dix-huit mois, convoquer une assemblée générale afin de préciser ou de modifier les statuts conformément au deuxième alinéa de l'article 113 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, dans sa rédaction issue de la présente loi.

« A défaut de réunion de l'assemblée générale dans les délais prévus à l'alinéa précédent, les présidents du conseil d'administration assurant la direction générale de la société cesseront de présider le conseil d'administration. »

LISTE DES AUDITIONS

graphique

· ACE (Association française des avocats conseils d'entreprise)

· ADAM (Association des actionnaires minoritaires)

· AFEP (Association française des entreprises privées)

· ANSA (Association nationale des sociétés par actions)

· Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables

· JA (Juris Avenir)

· MEDEF (Mouvement des entreprises de France)

· Ordre des avocats à la Cour de Paris

· TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins)

2309 - Avis de M. André Vallini sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (commission des lois)

() Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Suisse, Canada, Etats-Unis,
Japon et Suède.

() Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce Hong Kong, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Portugal, Pays-Bas, Royaume-Uni, Singapour, Suède, Suisse et Turquie.

() La Commission européenne et le Conseil de coopération du Golfe.

() Jean Peyrelevade, « Le corporate governance, ou les fondements incertains d'un nouveau pouvoir », Notes de la Fondation Saint-Simon, juin 1998.

() Voir l'exposé général du présent rapport et le commentaire de l'article 21 du projet de loi.

() La modernisation du droit des sociétés. Rapport au Premier ministre - 1996

() L'article 172-1 de la loi du 24 juillet 1966, introduit par la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, prévoit que les actionnaires justifiant d'une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant ensemble au moins 5% des droits de vote, voire moins si le capital de la société est supérieur à 5 millions de francs, peuvent se regrouper en associations destinées à représenter leurs intérêts au sein de la société. Pour que ces associations puissent exercer les droits prévus par les articles 225, 226, 226-1 et 227 précités, leurs statuts doivent avoir été communiqués à la société et à la commission des opérations de bourse.

() Au sens de cet article, une société est considérée comme en contrôlant une autre lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société, lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société, ou lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société. Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

() Voir le rapport de l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) sur L'utilisation des moyens de télétransmission et les assemblées générales d'actionnaires, Janvier 2000.

() L'article 1316-1 (nouveau) du code civil dispose que « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier ». L'article 1316-4 (nouveau) du code civil définit la signature, y compris sous une forme électronique.

() On rappellera qu'en application de l'article 153 de la loi du 24 juillet 1966, l'assemblée générale extraordinaire ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le tiers des actions ayant le droit de vote et, sur deuxième convocation, le quart des actions ayant le droit de vote. L'article 155 prévoit que l'assemblée générale ordinaire ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis.

() Jean Peyrelevade, « Le corporate governance, ou les fondements incertains d'un nouveau pouvoir », Notes de la Fondation saint-simon, juin 1998, page 38.

() Ibid, page 38.

() Ibid, page 36.

() Le conseil d'administration des sociétés cotées, juillet 1995, rapport du groupe de travail AFEP-CNPF.

() A propos du changement d'attitude des gestionnaires d'actifs, peu impliqués, à l'origine, dans le fonctionnement quotidien des sociétés, et qui interviennent désormais de façon croissante, on pourra se reporter à la contribution de M. Philippe Bissara, Délégué général de l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) : « Les véritables enjeux du débat sur Le gouvernement de l'entreprise », Sociétés, janvier-mars 1998.

() « L'identification des actionnaires des sociétés cotées », Rapport du groupe de travail présidé par M. Philippe Bissara, Rapporteur M. Jean-Paul Valuet, Association nationale des sociétés par actions (ANSA).

() Voir le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi.

() Valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé et actions des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV). Le teneur de compte est un intermédiaire financier.

() Toutes les valeurs mobilières ne rentrant pas dans l'une des deux catégories propres aux titres au porteur (valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé et actions des sociétés d'investissement à capital variable). Le teneur de compte est la société émettrice.


© Assemblée nationale