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le 21 juin 2000

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N° 2485

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 juin 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) EN VUE DE LA LECTURE DÉFINITIVE DU PROJET DE LOI ORGANIQUE tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna,

PAR M. BERNARD ROMAN,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 2013, 2103 et T.A. 433.

2e lecture : 2230, 2268 et T.A. 479.

Commission mixte paritaire : 2366.

Nouvelle lecture : 2341 rect., 2368 et T.A. 516.

Lecture définitive : 2483.

Sénat : 1re lecture : 193, 231 et T.A. 95 (1999-2000).

2e lecture : 296, 299 T.A. 118 (1999-2000).

Commission mixte paritaire : 332 (1999-2000).

Nouvelle lecture : 363, 413 et T.A. 136 (1999-2000).

Elections et référendums.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Jean-Pierre Blazy, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Mme Nicole Catala, MM. Jean-Yves Caullet, Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Jacques Floch, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Mme Cécile Helle, MM. Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mmes Christine Lazerges, Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Roger Meï, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Mme Catherine Picard, MM. Henri Plagnol, Didier Quentin, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Emile Vernaudon, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

En application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna.

A ce stade de la procédure, aux termes de l'article 114, alinéa 3, du Règlement, l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit le texte voté par elle en nouvelle lecture, modifié, le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat.

La commission mixte paritaire, réunie le 9 mai 2000, n'a pu parvenir à un accord ; par ailleurs, les points de divergences entre les deux chambres demeurent.

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* *

Présentant l'état de la discussion, le rapporteur a d'abord souligné que, l'urgence n'ayant pas été déclarée pour l'examen du projet de loi organique, l'Assemblée était saisie de ce texte en lecture définitive, alors que la loi ordinaire sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives venait d'être promulguée. Il a rappelé que, en nouvelle lecture, l'Assemblée avait finalement décidé de prévoir une parité avec alternance des candidatures féminines et masculines pour les élections à l'Assemblée de la Polynésie française, alors qu'elle avait adopté en deuxième lecture, contre l'avis du rapporteur, un amendement proposant une parité sans alternance, l'article premier ayant ensuite été adopté sans modification par le Sénat. Observant que la Commission était saisie d'un amendement présenté par M. Emile Vernaudon qui écarte toute obligation d'alternance des candidatures pour l'élection de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française, il a proposé de le rejeter et de reprendre le dernier texte voté par l'Assemblée nationale qui tend à imposer une stricte alternance de candidatures pour les élections aux assemblées territoriales de Polynésie, de Wallis-et-Futuna ainsi qu'aux assemblées de province et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Tout en soulignant que ce projet de loi organique, qui n'est pas relatif au Sénat, n'avait pas à être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, M. Robert Pandraud s'est déclaré favorable à l'adoption de l'amendement présenté par M. Emile Vernaudon reprenant le texte adopté par les deux assemblées en deuxième lecture. Il a estimé que la Commission ne pouvait pas passer outre l'avis des représentants de la Polynésie qui, à l'unanimité, ont estimé que la mise en _uvre d'une parité alternée soulèverait de grandes difficultés.

M. Emile Vernaudon s'est vivement étonné de la procédure suivie, rappelant que l'article premier modifié par son amendement voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale et adopté conforme par le Sénat, avait pourtant été rappelé en nouvelle lecture à l'Assemblée, alors que les deux chambres étaient tombées d'accord sur sa rédaction. Puis il a insisté sur le fait que l'Assemblée de Polynésie unanime, le gouvernement du territoire et les trois parlementaires le représentant demandaient que le principe de parité s'applique sans obligation d'alternance des candidatures féminines et masculines.

Après avoir fait savoir que M. Victor Brial avait déposé un amendement similaire à celui de M. Emile Vernaudon portant sur l'article 2 et concernant Wallis-et-Futuna, amendement qui serait examiné en séance publique, le rapporteur a indiqué, s'agissant de la Polynésie, que, sur le fondement de l'article 108, alinéa 5 du Règlement, il avait proposé à la Commission de revenir, en nouvelle lecture, sur le texte adopté par les deux assemblées pour l'article premier, parce qu'il estimait que, si le projet de loi organique était voté en l'état, le Conseil constitutionnel, saisi de plein droit, risquait de déclarer cette disposition contraire à la Constitution pour rupture d'égalité entre des collectivités territoriales qui ne se trouvent pas, sur ce sujet, dans une situation différente. Tout en prenant acte de la contestation née de ce retournement, il a estimé qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel de se prononcer sur cette question de procédure. Par ailleurs, il a rappelé que, le Gouvernement ayant à l'origine proposé un système dérogatoire pour Mayotte, l'Assemblée nationale avait décidé, à l'unanimité, de réintroduire cette collectivité dans le dispositif général retenu pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs.

M. René Dosière a souligné que l'exception prévue en première lecture par le Sénat au principe de stricte alternance des candidatures féminines et masculines en Nouvelle-Calédonie avait suscité de très vives protestations parmi les habitants du territoire et certains de leurs représentants, parce qu'ils s'estimaient en mesure de faire face aux mêmes contraintes que la métropole et refusaient d'être considérés comme des citoyens à part. Il a fait valoir que l'adoption de l'amendement présenté par M. Emile Vernaudon aurait pour conséquence de réserver un traitement différent à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, soulignant qu'une telle situation comporterait de sérieux risques d'inconstitutionnalité. Enfin, il a considéré comme non pertinent, dans la mesure où la loi imposant la parité ne s'applique pas encore, l'argument selon lequel les partis n'avaient pas réussi à dégager des candidatures féminines pour les toutes prochaines élections à l'Assemblée de la Province des îles Loyauté et a ajouté que cet exemple montrait, au contraire, combien il était nécessaire que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs.

Mme Nicole Feidt a estimé que la parité sans obligation d'alternance de candidatures féminines et masculines risquait d'avoir pour conséquence que les femmes polynésiennes se trouvent placées en fin de liste.

M. Alain Tourret s'est, au contraire, déclaré favorable à l'amendement présenté par M. Vernaudon, jugeant que rien ne permettait de préjuger des places réservées aux femmes sur les listes présentées par les partis et estimant qu'il était nécessaire de prendre en compte les particularités de la société polynésienne ainsi que le réclame l'Assemblée territoriale pour rendre possible l'application du principe de parité.

Partageant cette analyse, M. Jean-Luc Warsmann a souhaité que l'avis unanime de l'Assemblée de la Polynésie française soit suivi et considéré qu'aucune liste ne prendrait le risque de placer les candidates en position non éligible, parce qu'elle serait assurée d'être sanctionnée par les électeurs. Puis, il a fait valoir que le principe d'égal accès aux fonctions électives était en permanence décliné, y compris en métropole, afin de l'adapter collectivité par collectivité. Rappelant que la spécificité des territoires d'outre-mer était justement d'avoir une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, il a considéré que le projet de loi organique devait s'adapter aux spécificités de la Polynésie.

Soulignant que l'Assemblée de la Polynésie française avait donné son accord sur une parité sans obligation d'alternance, M. Michel Buillard a estimé que le Parlement ne devait pas nourrir de préjugés défavorables à l'encontre des Polynésiens et leur laisser prendre leurs responsabilités dans la mise en _uvre du principe de parité.

M. Jean-Yves Caullet a souligné que l'Assemblée de la Polynésie française s'était prononcée, en toute hypothèse, en faveur de l'application de la parité, y compris sur son territoire. S'agissant de sa mise en _uvre, il a jugé que l'argument de l'autonomie invoqué par les élus de ce territoire pour obtenir, malgré tout, certains aménagements, n'était pas recevable, dès lors que l'élargissement de leurs compétences va nécessairement de pair avec la définition d'un cadre général, prédéfini, au sein duquel leurs pouvoirs s'exerceront. Il a, par ailleurs, contesté que le fait d'imposer la parité doive être perçu comme une marque de suspicion à l'égard des territoires d'outre-mer, puisqu'il ne s'agit que d'appliquer les mêmes règles qu'en métropole. Il a finalement estimé que l'égalité des sexes était un principe général, qui ne saurait faire l'objet d'applications différentes selon les territoires.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Victor Brial a souhaité faire valoir le point de vue d'un élu de Wallis-et-Futuna. Il a estimé que la mise en _uvre de la parité sur ce territoire serait extrêmement difficile, étayant sa position sur l'exemple de la Nouvelle Calédonie où les élus ne sont pas parvenus à mobiliser un nombre significatif de femmes à l'occasion de l'élection partielle, organisée à la fin du mois de juin dans les Iles Loyauté. Il a, par ailleurs, rappelé que Wallis-et-Futuna bénéficiait du principe dit de la « spécialité législative » et a considéré que si celui-ci était contesté, l'uniformité devrait alors prévaloir dans tous les domaines, y compris en matière de droits sociaux.

M. Dominique Bussereau a jugé qu'il était difficile de vouloir à la fois établir des « statuts à la carte » pour chaque territoire d'outre-mer et, dans le même temps, au nom de principes cartésiens et centralisateurs, considérer que ce qui est bon pour la moindre commune de France l'est également pour la Polynésie. Il a trouvé ahurissant que l'on puisse appliquer la parité sans tenir aucun compte des réalités locales.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Le système le plus pertinent pour mettre en _uvre le principe de parité est celui de l'alternance entre les hommes et les femmes pour toutes les élections, dès lors que le mode de scrutin le permet.

-  Sans négliger l'avis rendu par l'Assemblée territoriale de Polynésie sur l'application de la parité dans ce territoire, il ne faut pas en surestimer la portée ; en effet, si les assemblées locales métropolitaines avaient été consultées en la matière, il est assez probable que la plupart auraient manifesté leur hostilité à l'introduction de la parité dans le système électoral.

-  La majorité de l'Assemblée nationale ayant fait preuve d'une attitude volontariste pour mettre en _uvre, en métropole, le principe de la parité récemment inscrit dans la Constitution, il est indispensable qu'elle ait la même attitude pour les collectivités territoriales d'outre-mer.

A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Emile Vernaudon tendant à supprimer l'obligation de présenter des listes paritaires avec des candidatures féminines et masculines alternées.

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En conséquence, conformément à l'article 45 de la Constitution et en application de l'article 114 du Règlement, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République demande à l'Assemblée nationale d'adopter, en lecture définitive, le texte voté par elle en nouvelle lecture.

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N° 2485.- Rapport de M. Bernard Roman, au nom de la commission des lois, en vue de la lecture définitive du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.


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