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le 16 octobre 2000

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N° 2624

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2001 (n° 2585),

TOME I

RAPPORT GÉNÉRAL

Volume 1

UNE CROISSANCE MAINTENUE,
AU SERVICE DE L'EMPLOI ET DE LA JUSTICE SOCIALE

PAR M. DIDIER MIGAUD

Rapporteur général,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Lois de finances.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM. Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

AVERTISSEMENT

Le budget, du franc à l'euro

Depuis le 1er janvier 1999, notre monnaie est l'euro, le franc n'en étant plus que transitoirement une expression décimale. Si l'effort de sensibilisation a été important au début de 1999, il semble s'émousser, alors même que l'on se rapproche de l'échéance.

En tout état de cause, le projet de loi de finances pour 2001 est le dernier à être présenté en francs, celui pour 2002, à l'automne prochain, devant naturellement être présenté en euros. C'est la raison pour laquelle votre Rapporteur général, tant pour des motifs pédagogiques immédiats que pour faciliter les comparaisons ultérieures (1), a souhaité présenter son rapport général dans les deux expressions - francs et euros - de notre monnaie.

Même s'il s'est efforcé de mettre en _uvre les règles, complexes, applicables en la matière, les conversions figurant dans le présent rapport ont, à ce stade, un caractère indicatif, notamment s'agissant de la présentation des références aux unités monétaires figurant dans les textes législatifs.

A cet égard, l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, prévoit notamment l'adaptation de plusieurs centaines de montants concernant les seuils, abattements et tarifs figurant dans le code général des impôts et dans le livre des procédures fiscales.

Le « stock » législatif en vigueur à la date de l'ordonnance sera donc couvert par les dispositions de celle-ci, les adaptations qu'elle prévoit devant entrer en vigueur le 1er janvier 2002. En revanche, pour les textes fiscaux qui vont être adoptés au cours des derniers mois de l'année 2000 et en 2001, une conversion en euros devra être spécifiquement prévue, sauf à appliquer le taux de conversion officiel de 6,55957 francs pour 1 euro, avec arrondissement à la deuxième décimale, ce qui peut aboutir à des résultats difficilement lisibles et mémorisables.

Plutôt que de prévoir, pour chaque mesure exprimée en francs, de fixer sa contre-valeur arrondie en euros, ce qui pourrait susciter des difficultés techniques au cours du processus législatif, il paraît préférable qu'après un recensement exhaustif des mesures fiscales précédemment adoptées en francs et non couvertes par l'ordonnance précitée, un « texte balai » soit pris en fin d'année 2001 pour procéder aux adaptations nécessaires.

(1) C'est, en particulier, dans cette perspective comparative qu'ont été, en règle générale, convertis en euros des montants afférents à des années antérieures à la mise en place de l'euro.

SOMMAIRE

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Pages

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PRÉSENTATION GÉNÉRALE 11

CHAPITRE PREMIER : UN ENVIRONNEMENT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL QUI RESTE FAVORABLE À LA CROISSANCE, MALGRÉ LES INCERTITUDES LIÉES À L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ PÉTROLIER 15

I.- UNE ÉCONOMIE MONDIALE EN FORTE CROISSANCE, MAIS UN AVENIR INCERTAIN EN RAISON DES ALÉAS SUSCEPTIBLES D'AFFECTER LES MARCHÉS PÉTROLIER, FINANCIER ET DES CHANGES 15

A.- LA GÉNÉRALISATION DE LA CROISSANCE, NOTAMMENT EN EUROPE ET DANS LES PAYS ÉMERGENTS 16

1.- La progression du commerce mondial 16

2.- L'accélération de la croissance dans la zone euro et les autres Etats de l'Union européenne, sauf au Royaume-Uni 17

3.- Le redressement des économies émergentes d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe orientale 22

4.- Une reprise encore mesurée au Japon 24

B.- LA POSSIBILITÉ D'UN ATTERRISSAGE EN DOUCEUR DE L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE : ENTRE LE RISQUE DE SURCHAUFFE ET CELUI D'UNE CORRECTION FINANCIÈRE 26

C.- UN ACCROISSEMENT DES INCERTITUDES EN RAISON DE LA HAUSSE DU PRIX DU PÉTROLE, DE LA MONTÉE DES COURS DES MATIÈRES PREMIÈRES ET DE LA SITUATION DES MARCHÉS DES CHANGES ET DES MARCHÉS FINANCIERS 32

1.- Le triplement, depuis 1999, des prix du pétrole, exprimés en dollar et la hausse des prix des produits de base 32

2.- L'évolution des marchés financiers et les effets de la « nouvelle économie » 39

3.- L'évolution des marchés des changes et la question de la faiblesse de l'euro par rapport au dollar et au yen 42

II.- UN ÉQUILIBRE DES POLITIQUES BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE EN EUROPE QUI N'EST PAS ENCORE REMIS EN CAUSE PAR LE RELÈVEMENT DES TAUX D'INTÉRÊT 47

A.- UN ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE FAVORISÉ PAR LA CROISSANCE 47

1.- Une croissance plus forte que prévu contribuant à la poursuite de l'amélioration des comptes publics 47

2.- Une convergence vers l'équilibre qui se poursuit 49

B.- UNE POLITIQUE MONÉTAIRE PLUS RESTRICTIVE 51

1.- Une inversion de tendance en 1999 51

2.- Un resserrement des conditions monétaires en 2000 53

III.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 2001 54

A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL FAVORABLE MALGRÉ DEUX CHOCS D'OFFRE 55

1.- La baisse de l'euro : un « passage à vide » aux conséquences somme toute limitées 55

2.- Marché du pétrole : un choc surmonté ? 58

3.- Une croissance mondiale plus homogène 61

B- UNE ÉCONOMIE FRANÇAISE DYNAMIQUE, QUI RATTRAPE ENFIN SON RETARD DE PRODUCTION 67

1.- Une croissance toujours vigoureuse en 2001 68

2.- Le mécanisme de formation des salaires annonce-t-il de nouvelles contraintes pour l'économie française ? 72

CHAPITRE II : UNE CROISSANCE DYNAMIQUE ET ÉQUILIBRÉE, FORTEMENT CRÉATRICE D'EMPLOIS 81

I.- UNE RÉDUCTION SANS PRÉCÉDENT DU CHÔMAGE ET L'APPARITION DE TENSIONS DANS CERTAINS SECTEURS 81

A.- DES CRÉATIONS D'EMPLOIS NOMBREUSES 81

B.- L'EFFET FAVORABLE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 84

C.- LA RÉSORPTION DU CHÔMAGE 87

D.- L'APPARITION DE TENSIONS DANS CERTAINS SECTEURS 90

II.- UNE CONSOMMATION DES MÉNAGES DONT LA VIGUEUR NE S'EST PAS DÉMENTIE DEPUIS 1997 96

A.- UNE CONSOMMATION SOUTENUE 96

1.- Une contribution essentielle à la croissance 96

2.- Un dynamisme perçu dans l'ensemble des secteurs 97

B.- UNE CONJONCTION DE FACTEURS FAVORABLES À LA CONSOMMATION DES MÉNAGES 100

1.- Un niveau de confiance inégalé 100

2.- La progression du revenu disponible 101

C.- L' ENDETTEMENT DES MÉNAGES ET LA BAISSE DU TAUX D'ÉPARGNE 105

1.- L'accélération de l'endettement des ménages 105

2.- Le tassement du taux d'épargne 105

III.- DES ENTREPRISES DANS UNE SITUATION FINANCIÈRE FAVORABLE ET QUI INVESTISSENT 106

A.- LA BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DES ENTREPRISES 106

B.- LE NIVEAU HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ DES INVESTISSEMENTS 109

C.- COMMENT INVESTIR ? 112

1.- L'ambivalence de l'investissement 113

2.- La révolution de la nouvelle économie 113

3.- Les comportements d'investissement 118

4.- Deux exemples de l'impact de la nouvelle économie : l'industrie du disque et la banque 120

IV.- UN COMMERCE EXTÉRIEUR ÉQUILIBRÉ EN DÉPIT DU DYNAMISME DES IMPORTATIONS, GRÂCE À LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES 124

A.-  DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS PERFORMANTS 124

1.- Un excédent commercial « confortable » 124

2.- Un nouveau record du solde des transactions courantes 128

B.-  UN INFLÉCHISSEMENT DU SOLDE COMMERCIAL EN 1999 ESSENTIELLEMENT IMPUTABLE À LA REMONTÉE DES COURS PÉTROLIERS 133

1.- Des exportations dont la progression ralentit 13.

2.- Des importations particulièrement dynamiques 137

C.- UNE RÉDUCTION SENSIBLE DE L'EXCÉDENT COMMERCIAL EN 2000, LIÉE AU DYNAMISME DE LA CROISSANCE FRANÇAISE 138

1.- Une détérioration prévisible de l'excédent commercial en 2000 138

2.- Un appareil productif compétitif 139

V.- UN RISQUE ENCORE FAIBLE D'INFLATION PAR LES SALAIRES OU LES PRIX IMPORTÉS 140

A.-  LE TAUX DE CHANGE DE L'EURO ET L'AUGMENTATION DES PRIX DU PÉTROLE ONT ENGENDRÉ DEPUIS 1999 UNE POUSSÉE DE L'INFLATION IMPORTÉE DONT L'AMPLEUR RESTE LIMITÉE 141

B.- LA MODÉRATION SALARIALE CONTREBALANCE LES EFFETS DE L'INFLATION IMPORTÉE 143

C.- UNE MEILLEURE RÉGULATION ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE ET LA BAISSE DE LA FISCALITÉ DEVRAIENT PERMETTRE DE MINORER LES RISQUES D'INFLATION 146

CHAPITRE III : DES PERSPECTIVES FAVORABLES À LA CORRECTION DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX 149

I.- LE RÉTABLISSEMENT DES ÉQUILIBRES FINANCIERS 149

A.- DES EXCÉDENTS DE RECETTES SUFFISAMMENT SIGNIFICATIFS POUR SERVIR LE TRIPLE OBJECTIF DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS, DE BAISSE DE LA DETTE ET D'ALLÉGEMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 149

1.- Un objectif réaliste de réduction du déficit public 150

2.- Rétablir des marges de man_uvre en réduisant la dette publique 152

3.- Diminuer les prélèvements obligatoires 153

B.- LA CONSOLIDATION DES ÉQUILIBRES À LONG TERME DANS LE CADRE DU FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES 155

1.- Une initiative pertinente afin de consolider le financement futur des systèmes de retraite par répartition 155

2.- Les structures, le rôle et le financement du fonds de réserve des retraites doivent être clarifiés 158

II.- L'APPROFONDISSEMENT DES POLITIQUES DE RÉDUCTION DES INÉGALITÉS 161

A.-  APPRÉHENDER CORRECTEMENT LA SITUATION ACTUELLE 161

1.- La progression du pouvoir d'achat depuis 1997 161

2.- Le recul du nombre de bénéficiaires du RMI 163

B.-  UNE POLITIQUE SOCIALE ACTIVE 164

III.- LA MODERNISATION DES RELATIONS ENTRE LE CAPITAL ET LE TRAVAIL GRÂCE AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE SALARIALE 166

TRAVAUX DE LA COMMISSION 171

AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, DE MME FLORENCE PARLY, SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET ET DE M. CHRISTIAN PIERRET, SECRÉTAIRE D'ETAT À L'INDUSTRIE 171

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Mesdames, Messieurs,

Trois années après la définition et la mise en _uvre d'une nouvelle politique économique, sociale et financière, qu'il soit permis à votre Rapporteur général d'esquisser ici un premier bilan.

Personne - fût-il inscrit dans une logique d'opposition - ne saurait de bonne foi contester les premiers succès de la politique mise en _uvre à partir de juin 1997.

La croissance affermie, plus rapide que la moyenne européenne, n'est pas, comme d'aucuns voudraient le faire accroire, le fruit providentiel du hasard. Elle est liée, dans un contexte international modérément stimulant sur moyenne période, à la revivification de la demande interne, placée sous l'éteignoir au cours des deux premières années du septennat présidentiel ouvert en 1995.

Quelles ne furent pas les critiques adressées en 1997 et 1998 à l'encontre d'une politique qui voulait replacer les Français au c_ur de la croissance ! Aujourd'hui, il est clair que ce fut le bon choix : la dynamique emploi-consommation-croissance ainsi enclenchée a en outre tiré l'investissement de sa torpeur.

Ne pas céder à l'autosatisfaction est nécessaire compte tenu du chemin qu'il reste à faire, mais cela ne doit pas conduire à occulter un acquis incontestable : 850.000 emplois créés en 1998 et 1999, une courbe du chômage qui s'est inversée depuis la fin de 1997, autant de réalités tangibles qui entretiennent la confiance des Français, d'autant que cette reprise s'inscrit dans un contexte d'inflation maîtrisée. Le pouvoir d'achat progresse, en liaison avec l'amélioration de la situation de l'emploi et aussi grâce aux baisses d'impôts.

Les baisses d'impôts sont réelles : elles atteindront 200 milliards de francs sur la période 1999-2001. Dès cette année, elles parviendront à consolider et amplifier la nécessaire baisse des prélèvements obligatoires amorcée en 2000, avec un taux prévu de 45,2% venant après un exercice 1999 où les baisses d'impôt n'ont pas permis de compenser la hausse spontanée du taux des prélèvements obligatoires ; on devrait tendre vers 44,7% en 2001 grâce aux mesures proposées dans le présent projet de loi de finances. Le plan global d'allégement et de réforme des impôts (2001-2003) devrait permettre d'annuler les effets de la ponction fiscale opérée sur la période 1995-1997 par le précédent Gouvernement.

Les marges rendues disponibles pour la croissance retrouvée permettent parallèlement de poursuivre la réduction du déficit budgétaire et, plus généralement, celui des administrations publiques.

Le besoin de financement de l'Etat reviendrait ainsi de 3% du PIB en 1998 à moins de 2% en 2001 (1,95% très précisément) (1), tandis que celui des administrations publiques reviendrait, dans le même temps, de 2,7% à 1% du PIB (1). Rejoignant la moyenne attendue dans la zone euro selon l'OCDE (soit un besoin de financement des administrations publiques de 0,9% du PIB), la France aura ainsi réalisé, depuis le début de la présente législature, l'une des meilleures performances européennes : compte tenu du niveau de déficit constaté en 1997 (3,5% du PIB, hors soulte de France Telecom), la baisse sera de 2,5 points de PIB ; seule l'Espagne aura fait mieux au cours de la période.

La dynamique de la dette des administrations publiques est ainsi inversée : passant de 54,6% du PIB en 1995 à un maximum de 59,7% du PIB en 1998, celle-ci est revenue à 58,9% du PIB en 1999, ce taux devant s'établir à 58,4% en 2000 et 57,2% en 2001.

Ces résultats satisfaisants, qu'il faudra encore conforter, résultent d'un effort de maîtrise de la dépense publique. La part de celle-ci dans le PIB, qui avait atteint un maximum en 1996 (55,6%) est revenue à 53,9% en 1999 et devrait s'établir à 52,1% en 2001.

S'agissant du budget de l'Etat, les mesures présentées dans le projet de loi de finances pour 2001 s'inscrivent dans le cadre des engagements, pris à l'égard de l'Union européenne, de limiter à 1% sur la période 2001-2003 la progression en volume des dépenses nettes du budget de l'Etat.

Grâce à des efforts d'économie et de redéploiement de l'ordre de 38 milliards de francs (5,8 milliards d'euros), et en dépit de l'évolution mécanique des charges de la dette et des pensions, l'effort en faveur des actions prioritaires - environnement, sécurité, justice, éducation - est significatif.

Autre élément de satisfaction concernant la méthode : conformément aux conclusions du groupe de travail de notre Assemblée sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, des avancées sont perceptibles vers une plus grande lisibilité des actions publiques en permettant une meilleure appréhension tant de leurs coûts que de leurs résultats, avec des progrès en matière de présentation des agrégats budgétaires et la publication de comptes rendus de gestion ministériels annexés au projet de loi de règlement du budget de 1999 que l'Assemblée aura été en mesure d'examiner avant la discussion du projet de loi de finances pour 2001.

Au total, les orientations budgétaires que traduit le projet s'inscrivent dans la continuité de la politique définie à l'été 1997 : stimuler et accompagner la croissance pour développer l'emploi et approfondir la solidarité.

La répartition proposée cette année des marges dégagées par la croissance paraît compatible avec les prévisions économiques - prudentes et en ligne avec le consensus des économistes - sur lequel le Gouvernement a fondé son projet :

- la baisse des impôts (48 milliards de francs, soit 7,3 milliards d'euros) est vitale, tant pour conforter la progression du pouvoir d'achat que pour stimuler l'esprit d'entreprise ;

- la croissance des dépenses (25 milliards de francs, soit 3,8 milliards d'euros) permet, grâce à des efforts de gestion, de répondre aux attentes de nos concitoyens ;

- la réduction du déficit (30 milliards de francs, soit 4,5 milliards d'euros) s'inscrit dans une perspective d'avenir : la croissance retrouvée est mise à profit pour alléger les charges qui pèseront sur les générations futures et pour « recharger l'arme budgétaire » en vue de faire face dans de meilleures conditions à d'éventuels aléas.

En effet, même si la plupart des observateurs s'accordent à estimer que les turbulences affectant le marché pétrolier n'exerceraient que des effets somme toute limités sur la croissance et l'inflation, il reste que les facteurs d'incertitude sont plus importants que par le passé.

La continuité de la politique budgétaire équilibrée qui a, depuis trois ans, remis et maintenu la France sur un sentier de croissance soutenue, constitue à cet égard, aux yeux de votre Rapporteur général, un facteur rassurant.

CHAPITRE PREMIER

UN ENVIRONNEMENT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL QUI RESTE FAVORABLE À LA CROISSANCE, MALGRÉ LES INCERTITUDES LIÉES À L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ PÉTROLIER

I.- UNE ÉCONOMIE MONDIALE EN FORTE CROISSANCE, MAIS UN AVENIR INCERTAIN EN RAISON DES ALÉAS SUSCEPTIBLES D'AFFECTER LES MARCHÉS PÉTROLIER, FINANCIER ET DES CHANGES

Les crises de l'été 1997 et de l'automne 1998, en Asie, en Russie et en Amérique latine, qui ont affecté les plus dynamiques des économies en développement, ont été surmontées. Il en a été de même des difficultés liées aux conséquences de la gestion non maîtrisée des fonds spéculatifs, notamment du LTCM (Long term capital management). Une crise générale de liquidités a été évitée grâce notamment, à l'intervention du Fonds monétaire international (FMI) et à la grande souplesse de la gestion des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine.

La croissance a pu ainsi se généraliser à l'ensemble des économies, en 1999 et au premier semestre de cette année, avec, en toile de fond, une économie américaine très dynamique et dont le ralentissement maintes fois annoncé ne s'est pas produit.

Il faut cependant prendre en considération la très forte augmentation du prix du pétrole et les incertitudes pesant sur l'évolution des marchés financiers, étant donné le très haut niveau des cours de certains actifs et le caractère très optimiste des anticipations sur lesquels ils reposent, ainsi que sur les perspectives des marchés des changes, en raison de la faiblesse de l'euro.

Votre Rapporteur général serait néanmoins enclin à un certain optimisme pour la croissance en 2001 et l'évolution des finances publiques, dans la ligne des prévisions établies au début de cet été, ou corrigées peu après.

Ces projections doivent cependant être considérées avec précaution, même s'il convient de ne pas exagérer les conséquences négatives de ce dont on ne sait pas encore s'il s'agit ou non d'un troisième choc pétrolier, ni les incidences d'une éventuelle correction forte et durable des marchés d'actions ou d'une absence de redressement de l'euro.

Néanmoins, compte tenu des incertitudes que ces éléments recèlent, il convient d'être, cet automne, particulièrement attentif à l'évolution de la conjoncture.

A.- LA GÉNÉRALISATION DE LA CROISSANCE, NOTAMMENT EN EUROPE ET DANS LES PAYS ÉMERGENTS

L'économie mondiale a bénéficié en 1999 et au cours du premier semestre de l'année 2000 d'une conjoncture éminemment favorable, marquée par une généralisation de la croissance à l'ensemble des économies, qu'il s'agisse de celles des pays industrialisés ou de celles des pays émergents d'Asie et d'Amérique latine. La croissance mondiale s'est ainsi établie à 5%, en rythme annualisé, au premier semestre. La Note de conjoncture internationale de juin 2000, établie par la direction de la prévision, a prévu une croissance mondiale égale à 4,5% en 2000, ce qui représente la progression la plus forte de la décennie.

Cette évolution a été d'autant plus remarquable, qu'amorcée en 1999, elle a conduit à réviser à la hausse les estimations antérieures de la croissance dans de nombreux pays.

Aussi, au cours de l'été, le Fonds monétaire international a-t-il relevé ses estimations de la croissance mondiale de 4,2% à 4,7% pour cette année et de 3,9% à 4,2% pour l'année 2001.

1.- La progression du commerce mondial

Le commerce mondial a progressé, en volume, de 5,7% en 1999, grâce à une forte accélération au second semestre, provenant tant du redémarrage des économies émergentes d'Asie et d'Amérique latine que de l'accélération de l'activité en Europe et aux Etats-Unis. En glissement annuel, l'augmentation a ainsi été de 12% dans la deuxième moitié de l'année 1999.

Pour l'année 2000, le commerce mondial resterait assez dynamique, avec une progression de 10,4% en volume.

Il en serait de même pour l'année 2001, même si l'OCDE prévoit, dans son numéro 67 des Perspectives économiques (juin 2000), un léger ralentissement de cette progression, qui s'établirait à 8,3%.

2.- L'accélération de la croissance dans la zone euro et les autres Etats de l'Union européenne, sauf au Royaume-Uni

Après avoir surmonté les conséquences des crises des économies émergentes à l'automne 1998 et pendant l'hiver qui a suivi, grâce à la fermeté de la demande intérieure, particulièrement en France, et à la détente des conditions monétaires, les pays de l'Union européenne ont connu une accélération de la croissance à partir de l'été 1999. Celle-ci s'est ainsi établie à 2,3% pour l'année 1999.

Ce schéma a notamment concerné les économies de la zone euro.

La progression a atteint 3,5% en rythme annualisé, au second semestre 1999, ce qui a permis une croissance de 2,3% sur l'ensemble de l'année. Dans un premier temps, cette croissance a été soutenue par l'accélération de la demande mondiale, les exportations, qui n'ont crû que 0,1% au premier trimestre 1999, ont, en effet, augmenté de 2,7% au deuxième trimestre puis de 3,5% au troisième trimestre et de 2,6% au dernier trimestre.

Dans un deuxième temps, les facteurs externes ont été relayés par l'accroissement de la demande intérieure. L'investissement a ainsi été particulièrement dynamique au premier trimestre 2000, notamment en Allemagne, avec une augmentation de 1,8% dans l'ensemble de la zone euro. L'augmentation de la consommation des ménages a été dynamique en France et en Italie mais, en revanche, est restée modérée (+ 0,6%) dans l'ensemble de la zone, malgré l'amélioration de l'emploi, en raison d'une diminution, de 0,6%, en Allemagne. Au total, la croissance du PIB a été de 0,8% au premier trimestre 2000, soit 3,3% en rythme annuel.

Cette amélioration de la conjoncture est d'autant plus remarquable qu'elle concerne l'ensemble des pays de la zone, et que l'on observe ainsi la réduction de l'écart entre les différents pays de la zone, l'Allemagne et l'Italie ayant rattrapé leur retard.

En outre, malgré un certain regain des tensions sur les prix, l'inflation reste sous contrôle.

L'augmentation des prix à la consommation dans l'ensemble des pays de la zone euro, remarquablement modérée en 1998 et 1999, avec un rythme de 1,1% pour chacune de ces années, s'est élevée, en glissement annuel, à 2,3% au mois d'août, après une augmentation de 2,4%, constatée en juillet, comme en juin. La poursuite de la progression des prix de l'énergie peut faire craindre une poursuite de cette progression. Par ailleurs, l'inflation dite sous-jacente, c'est-à-dire mesurée sur la seule base des prix des produits industriels non énergétiques et des services, est estimée en hausse, passant de 1% au début de l'année 2000 à 1,75% environ à la fin de l'année.

Cette évolution n'est cependant pas jugée préoccupante pour l'Allemagne, l'Italie et la France, dès lors que le contexte de modération salariale, dans ces trois pays, permet de ne pas constater l'entrée dans une spirale des prix et des salaires. Une telle situation devrait limiter le risque d'un resserrement monétaire préjudiciable à la poursuite de la croissance, encore que la Banque centrale européenne paraisse témoigner, à cet égard, d'une attitude bien dogmatique.

Néanmoins, l'évolution des prix doit être examinée avec attention. D'une part, la limite supérieure de la fourchette retenue en ce qui concerne l'inflation par la Banque centrale européenne est de 2%. D'autre part, on observe de fortes différences entre, d'un côté, la France et l'Allemagne, peu affectées par l'inflation, et, de l'autre, les pays qui subissent une forte hausse des prix, à savoir l'Irlande et l'Espagne. En mai, les prix avaient augmenté de 1,9% sur un an sur l'ensemble de la zone euro, mais on constatait, en taux « harmonisés », des augmentations de 5,9% pour l'Irlande, de 4,7% au Luxembourg et de 3,7% en Espagne, contre 1,3% en Suède et 2% en France, en Allemagne et en Autriche.

Enfin, on observe une forte progression des crédits au secteur privé, à un rythme supérieur à 10%, ce qui peut être jugé excessif au regard des objectifs de stabilité des prix, même si ce taux est cohérent avec les perspectives de croissance telles qu'elles ont été anticipées.

Sous réserve des risques inhérents aux facteurs qui seront exposés ci-après, la croissance de la zone euro est jugée solide.

Pour l'année 2000, la Note de conjoncture internationale précédemment citée a ainsi retenu une progression du PIB de 3,4%.

Pour l'année 2001, la Commission européenne, dans ses prévisions de printemps, a mentionné une croissance de 3,1% (après 3,4% en 2000). Le FMI est plus optimiste, envisageant une croissance de 3,4% pour l'Europe, en 2001.

Outre le maintien du dynamisme de l'ensemble des facteurs de la demande, notamment de la demande interne, le maintien de la croissance à un haut niveau en 2001 serait la conséquence d'une politique budgétaire qui resterait accommodante.

L'accélération de la croissance a en effet permis, pour les cinq principales économies de la zone euro (Allemagne, Espagne, France, Italie et Pays-Bas) une réduction du déficit public égale à 0,8 point de PIB en 1999, celui-ci passant de 2,2% du PIB en 1998 à 1,4%. Pour l'année 2000, les estimations tendent vers une nouvelle réduction des déficits publics, qui atteindraient 0,9% du PIB, soit une nouvelle réduction d'un demi-point.

Dans ces conditions, l'Allemagne, la France et l'Italie se sont engagées dans des programmes de réduction de la pression fiscale qui rendent les politiques budgétaires plutôt neutres pour l'année 2000 et plutôt expansionnistes à l'horizon 2002. Cette orientation tranche avec celle, plutôt restrictive, des années antérieures.

Alors qu'elle était encore incertaine il y a un an, la reprise économique s'est confirmée en Allemagne. Le PIB a progressé de 1,5% en 1999, mais de plus de 3% en rythme annualisé au cours des deux derniers trimestres. Ce pays est ainsi entré en phase avec les autres Etats de la zone euro.

Pour l'année 2000, les prévisions du Gouvernement allemand ont été révisées, en août dernier, dans un sens favorable, et l'estimation s'établit à 3%, contre 2,75% antérieurement. Cette révision concerne également l'année 2001, pour laquelle il a toujours été estimé que la croissance serait identique à celle de cette année.

Cette réévaluation est fondée sur le fait que le PIB s'est accru de 3,3% en rythme annualisé sur les trois premiers mois de l'année. Elle est cohérente avec les prévisions de l'OCDE, qui mentionnent une croissance de 2,9% pour 2000 et de 3% pour 2001.

La croissance allemande connaît, avec retard, le même profil que celle des autres pays de la zone euro, à savoir un redémarrage lié aux exportations, puis, en tendance, une reprise de la consommation (en dépit de la baisse temporaire, déjà signalée, au premier trimestre 2000) et de l'investissement qui permet à la demande intérieure de se substituer à la demande extérieure comme vecteur de la croissance.

Cette évolution de la demande interne a été favorisée par la reprise de l'emploi. Le taux de chômage a été ramené à 9,5% en juillet, soit un niveau comparable à celui de l'année 1995. Toutefois, les inégalités régionales sont très prononcées, puisqu'on observe une dégradation de la situation dans les Länder de l'Est, ce qui rappelle que la reprise bénéficie, pour l'essentiel, à la partie occidentale du pays.

En ce qui concerne l'Italie, son économie connaît, de même que l'économie allemande, une réduction de son décalage conjoncturel avec les autres pays de la zone euro.

Elle a, en effet, enregistré une forte chute d'activité au moment de la crise des économies des pays émergents. Depuis, la croissance est restée inférieure à celle de la zone euro. Elle a ainsi été de 1,4% en 1999, contre 2,3% pour l'ensemble de la zone.

Comme dans le reste de la zone euro, la reprise a d'abord été stimulée par la progression du commerce mondial, au second semestre 1999, à un moment où la demande intérieure était peu dynamique. La consommation privée a évolué avec lenteur en 1999, avec une progression de 1,7% sur l'ensemble de l'année, l'inflation, plus vive que dans les autres grands pays de la zone euro, ayant érodé le pouvoir d'achat et la confiance des ménages restant limitée en raison du faible dynamisme des créations d'emplois. On rappellera que la rémunération réelle par salarié a diminué de 1,5% en 1999, après avoir déjà chuté de 3,8% en 1998. L'investissement a certes été plus dynamique, mais essentiellement en raison de mesures fiscales de soutien.

Pour l'année 2000, la croissance a été forte au premier trimestre, en raison d'un rebond de la consommation (+1,3%), lié à une diminution du taux d'épargne des ménages, et du maintien du dynamisme des exportations (+3,8%). Le taux de croissance du premier trimestre a ainsi été de 1%.

Néanmoins, même si un certain fléchissement de la consommation est attendu, la croissance devrait se maintenir grâce aux exportations, à l'investissement, stimulé par des conditions de financement très favorables en raison du faible niveau des taux d'intérêt, et à une certaine inflexion dans la gestion budgétaire. Au total, la croissance est estimée à 3,1% pour 2000, dans la Note de conjoncture internationale précitée. Pour l'année 2001, l'OCDE a prévu une croissance du rythme de progression de la consommation privée, en raison de l'amélioration de la situation de l'emploi, ainsi que de l'intensité de la demande extérieure et des investissements.

S'agissant du Royaume-Uni, qui a connu un décalage conjoncturel avec les pays continentaux, on observe un certain ralentissement depuis le début de l'année.

La croissance a été très forte au second semestre de l'année 1999, avec une augmentation du PIB de 3,5%, ce qui a porté le rythme de progression à 2,1% pour l'ensemble de l'année. Cette progression résulte d'un assouplissement de la politique monétaire, qui a favorisé le dynamisme de la demande des ménages, avec une progression de plus de 3,5%, et d'une progression des exportations (+5,8% au troisième trimestre en dépit de l'appréciation de la livre sterling), qui a stimulé l'activité manufacturière.

On a pu observer, pour le premier semestre de l'année 2000, un certain tassement de la croissance, avec un rythme annualisé de 2,6%.

Ce tassement est lié, d'une part, à la perte de compétitivité du secteur manufacturier, en raison du haut niveau de la livre, et, d'autre part, à un resserrement de la politique monétaire.

Les craintes d'un développement de l'inflation, tant en raison de tensions sur le marché du travail, avec un taux de chômage de 5,8% (le plus faible niveau depuis vingt ans), que de la progression des coûts salariaux, de l'ordre de 6% en rythme annualisé, ont conduit la Banque d'Angleterre, qui a fixé à 2,5% le « seuil limite » d'inflation, à porter son taux directeur à 6% en février. En outre, la politique budgétaire redevient expansive, après avoir été pendant plusieurs années d'orientation restrictive.

Par rapport à l'économie américaine, l'économie britannique présente une forte tendance à l'inflation. Celle-ci est généralement expliquée par une insuffisance des gains de productivité en raison d'une moindre diffusion des nouvelles technologies.

Selon la Note de conjoncture internationale précitée, le ralentissement de l'activité devrait se poursuivre au second semestre de cette année, la consommation se réduisant tant en raison de la sensibilité des ménages, qui empruntent en règle générale à des taux variables indexés, aux décisions de politique monétaire, que de l'épuisement des effets de richesse dû au ralentissement de la progression des prix des actifs et d'une réduction du rythme des investissements.

Au total, la croissance devrait revenir à un rythme annualisé de 2,5%, soit une progression de 2,9% sur l'année.

Pour 2001, les prévisions de l'OCDE mettent en avant une poursuite de la réduction de la croissance, qui s'établirait à 2,3%, après 2,9% cette année.

On observera que l'activité devrait être stimulée par le programme d'investissement public pour les années 2001-2004, qui prévoit de faire passer le volume de l'investissement public de 0,4% à 1,8% du PIB au cours de cette période, et qui concerne essentiellement l'éducation, la santé et les transports.

Dans l'ensemble, l'évolution de l'économie du Royaume-Uni est jugée favorablement, car, si elle est accompagnée d'une atténuation récente des tensions inflationnistes, elle devrait favoriser, sur le plan monétaire, la convergence avec la zone euro.

3.- Le redressement des économies émergentes d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe orientale

Pour la plupart des économies émergentes, la sortie de crise a été plus rapide et plus prononcée que prévu.

En ce qui concerne les économies émergentes d'Asie du Sud-Est, la reprise enregistrée en 1999 s'est poursuivie et amplifiée, à l'exception de l'Indonésie.

Après avoir été le résultat d'une stabilisation puis d'un rebond de la demande intérieure, cette évolution s'est appuyée sur le dynamisme des exportations. La résorption du chômage a ensuite contribué à entretenir le dynamisme de la demande intérieure. Une politique budgétaire expansionniste a accentué cette évolution.

Les perspectives sont ainsi favorables à une poursuite de la croissance en 2000 et aussi en 2001 pour les principaux pays, car cette croissance devient plus autonome et moins dépendante de l'extérieur. Néanmoins, leur réalisation dépend, à des degrés divers selon le pays, de l'état d'avancement des restructurations du secteur financier et des entreprises, opérations longues et difficiles qui ne sont pas toujours nécessairement menées à bien.

L'économie de la Corée du Sud, pays membre de l'OCDE, a connu une forte croissance, de 10,7% en 1999, contrastant avec la forte récession de l'année 1998 (-6,7%). La croissance est restée très dynamique au premier semestre 2000, l'activité ayant progressé de 11% en rythme annuel. Les risques de surchauffe sont cependant jugés assez limités, l'inflation restant faible et l'appréciation du won, dont la valeur reste toujours inférieure de 20% à celle d'avant la crise asiatique par rapport au dollar, exerçant un effet modérateur. L'activité devrait en outre retrouver un rythme plus soutenable, avec 8,5% en 2000 et 6,5% en 2001, selon l'OCDE, grâce notamment à la limitation des dépenses publiques, qui avaient beaucoup contribué à l'ampleur de la reprise.

En Chine, les craintes liées à la diminution du rythme de la croissance, qui est passé de 7,8% en 1998 à 7,1% en 1999, se sont dissipées à la faveur d'une reprise de la consommation et des échanges extérieurs. La production industrielle a ainsi augmenté de 12% pour les six premiers mois de l'année 2000, en forte progression par rapport aux 8,5% de l'année 1999. La baisse des prix, élément qui faisait craindre une déflation, a par ailleurs cessé. Les perspectives sont à nouveau favorables avec une croissance qui devrait atteindre 7,7% en 2000 et 7,9% en 2001, selon l'OCDE. L'hypothèse d'une dévaluation du yuan renminbi, crainte en raison des effets négatifs qu'elle exercerait sur les autres économies asiatiques, est ainsi jugée peu probable.

En Amérique latine, la croissance est restée faible en 1999 (+0,4%), en raison de la stagnation du Brésil et des récessions en Argentine, au Chili et au Venezuela. La reprise s'est cependant nettement amorcée et se trouve largement confirmée en 2000. Elle a d'abord été tirée par les exportations, mais la demande intérieure a progressivement pris le relais, notamment au Brésil. Les perspectives favorables de croissance, avec 5% en rythme annualisé pour le second semestre de l'année 2000, restent néanmoins vulnérables en raison de la nécessité de mener des politiques budgétaires strictes et d'une grande dépendance vis à vis des financements internationaux, qui rend ces économies très sensibles aux variations de taux d'intérêt.

L'activité est restée soutenue au Mexique, membre de l'OCDE, malgré un léger tassement en 1999. La croissance a été de 5,4% en 1998 et 4,3% en 1999. Elle est estimée à 5,2% pour 2000 et 5% pour 2001 par l'OCDE. Cette situation s'explique par le dynamisme persistant de l'économie américaine et la reprise de la demande intérieure.

On observe également un redressement en Europe orientale. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) prévoit une croissance de 3,6% pour 2000, après 2,4% en 1999 et une récession de 1,1% en 1998. La croissance est estimée positive pour chacun des 26 pays du champ d'intervention de la banque.

S'agissant de la Russie, la reprise, avec une croissance de 3,2% en 1999 et une estimation de 4,2% en 2000, provient en partie des effets bénéfiques de la forte dépréciation du rouble, qui a permis un redressement des exportations et une substitution des produits intérieurs aux produits importés, laquelle explique le dynamisme de la production industrielle, qui a progressé de 10% entre le début de l'année 1999 et le début de l'année 2000 ; elle est également liée au relèvement des prix du pétrole. Les revenus, la demande intérieure et l'investissement tendent ainsi à se redresser progressivement. Après un pic de plus de 14% au début du mois de janvier 1999, le taux de chômage était redescendu à 12% au début de l'année 2000.

Cette évolution s'accompagne d'une certaine stabilisation. L'inflation devrait s'établir à 20% pour l'ensemble de l'année 2000, contre 86% en 2000, et le solde budgétaire se réduire cette année autour de 1% pour le déficit fédéral global, après 1,7% en 1999. Le taux de recouvrement des impôts s'est notablement amélioré. Les recettes correspondantes représentent 17% du PIB contre 10% avant la crise de l'été 1998.

De fortes incertitudes subsistent néanmoins quant à l'avenir à moyen terme de l'économie russe. L'encadrement des prix dans les secteurs de l'énergie et des transports améliore mécaniquement la rentabilité de certaines entreprises industrielles, laquelle peut ainsi sembler fictive. La restructuration du secteur bancaire a été largement insuffisante, selon les observateurs occidentaux. Le poids des monopoles reste très important. Enfin, l'excédent commercial dépendant essentiellement des cours du pétrole, une chute de ceux-ci aurait des conséquences négatives fortes sur le renouveau de l'économie russe.

4.- Une reprise encore mesurée au Japon

Depuis 1992, l'économie japonaise est l'une des moins dynamiques de l'OCDE.

A l'exception de l'année 1996, qui apparaît comme exceptionnelle, avec une progression du PIB de 5,1%, la croissance y a été particulièrement faible et le pays a même connu une récession en 1998.

L'année 1999 a été marquée par une reprise qui a conduit à dissiper les craintes quant à une éventuelle déflation. Cette reprise a été le résultat des deux plans de relance budgétaire mis en _uvre ainsi que d'un retournement à la hausse des investissements et du dynamisme des exportations lié au redressement des économies émergentes d'Asie, lesquelles sont les principaux partenaires du Japon. L'activité a cependant été plus soutenue au premier semestre qu'au second, ce qui explique une progression de 0,3% seulement sur l'ensemble de l'année.

Cette reprise s'est accentuée au premier trimestre 2000 avec une croissance de 2,4%, en rythme annualisé, du PIB. Cette évolution tient notamment au dynamisme des exportations, qui ont crû de 5,4%, et de la consommation privée (+1,8%). Elle se serait raffermie au deuxième trimestre avec une croissance de 1%, soit 4,2% en rythme annuel.

Cependant, l'ampleur, et même la pérennité, de ce mouvement de croissance restent encore incertains dans la mesure où la poursuite de la restructuration des entreprises, qui pèse sur la progression des revenus salariaux, affecte le dynamisme de la consommation. Celle-ci a d'ailleurs fléchi au cours de l'été, avec un recul de 2,6% en juillet, en rythme annualisé, après des replis de 1,8% en juin et 1,9% en mai.

De plus, le très haut niveau du yen pénalise les exportations, qui n'ont augmenté que de 1,9% en 1999, malgré un effort de réduction des prix, de 8% depuis 1998, selon Rexecode, alors que le commerce mondial a augmenté presque cinq fois plus vite. Le handicap de compétitivité est en effet important, avec des coûts salariaux qui sont plus élevés qu'aux Etats-Unis et en Europe, de respectivement 20% et 35%.

Enfin, les effets des plans de relance devraient s'estomper à partir de l'année prochaine, en l'absence de nouvelles mesures.

Aussi, un nouveau plan de relance est-il envisagé, pour un montant qui serait compris entre 30 et 50 milliards de dollars, dans la continuité des neufs plans précédents engagés depuis 1992 pour un montant total de 1.100 milliards de dollars, malgré un endettement brut des administrations publiques qui devrait atteindre 120% du PIB en 2001, selon les prévisions de l'OCDE.

Deux éléments monétaire et financier pèsent également sur l'économie japonaise.

L'abandon de la politique du taux zéro, avec le relèvement d'un quart de point du taux d'intérêt au jour le jour par la Banque du Japon, pendant le mois d'août, a été jugé comme une erreur par les analystes, d'autant plus que le rythme des faillites a été en augmentation au cours de l'été, même si ce relèvement, en partie destiné à conforter l'opinion sur la solidité de la reprise, était attendu par de nombreux observateurs.

La nécessaire restructuration du secteur bancaire, liée au problème de la liquidation des créances douteuses issues des mouvements spéculatifs des années 1980, est jugée encore insuffisante et trop lente.

En tout état de cause, les prévisions de croissance restent généralement mesurées pour le Japon avec une croissance située entre 1,5% et 2% tant pour l'année 2000 que pour l'année 2001.

B.- LA POSSIBILITÉ D'UN ATTERRISSAGE EN DOUCEUR DE L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE : ENTRE LE RISQUE DE SURCHAUFFE ET CELUI D'UNE CORRECTION FINANCIÈRE

L'économie américaine est actuellement dans sa phase d'expansion la plus longue depuis la création des statistiques économiques, en 1854.

Elle est ainsi, depuis son entrée dans l'actuel cycle de croissance, en 1992, le moteur de la croissance mondiale et donc doit être observée avec la plus grande attention, car elle représente l'élément clef des évolutions futures.

Cette économie défie d'une certaine manière les « lois de la pesanteur » invoquées par les experts, car les prévisions d'un ralentissement de cette expansion, depuis trois ans, sont régulièrement démenties. Cette dernière s'est au contraire accélérée, puisque la croissance devrait être cette année de 4,9%, selon l'OCDE, après 4,2% en 1997, 4,3% en 1998 et 4,2% en 1999.

L'activité a connu une brusque accélération au quatrième trimestre de l'année 1999, au cours duquel la croissance a été de 1,8% (soit 7,3% en rythme annuel), sous l'effet dynamique de l'ensemble des composantes de la demande : la consommation, les dépenses publiques, les investissements, la variation des stocks et les exportations.

Ce dynamisme a légèrement fléchi au premier trimestre 2000, mais est resté remarquable avec une progression du PIB de 1,2%, soit 4,8% en rythme annualisé.

Cette longue croissance a été d'autant plus remarquable qu'elle a permis de réduire, en avril dernier, à moins de 4% le taux de chômage, soit un niveau inconnu depuis le mois de janvier 1970.

Selon les analyses de l'OCDE, la clef de cette expansion tiendrait à plusieurs facteurs, liés les uns aux autres :

- une très forte augmentation de la productivité du travail, supérieure de 0,75% à la croissance moyenne des deux décennies antérieures. Mesurée par les indicateurs de revenu, et non par les indicateurs de dépenses, cette évolution est encore plus significative, la productivité de la main d'_uvre non agricole a augmenté d'un peu plus de 3,5% par an durant les quatre dernières années, contre 1% à 1,5% auparavant ;

- un important effort d'investissement, qui explique les progrès de la productivité. Le rapport de l'investissement productif au PIB a été en moyenne de 9,7% entre 1995 et 1999, soit un chiffre nettement plus important que durant les périodes d'expansion précédentes (3,4% de 1961 à 1969 et 6% de 1983 à 1990). Cet effort est en grande partie concentré sur les nouvelles technologies. Le stock des ordinateurs et périphériques a ainsi triplé ces dernières années ;

- une progression importante des bénéfices des entreprises, dans un contexte de modération salariale. Le partage de la valeur ajoutée a été plus favorable au capital. Selon les données mentionnées dans le 70e rapport annuel de la Banque des règlements internationaux, le bénéfice des entreprises a représenté, du dernier trimestre 1995 au dernier trimestre 1999, 9,7% du PIB, contre 7,4% pour la période 1983-1990. Cette évolution se poursuit. Le bénéfice des entreprises constaté pour les exercices clos en 1999 s'est accru de 5% en moyenne et la progression des résultats aurait atteint 10% durant l'année civile 1999 ;

- la très forte progression des cours des actions, avec une envolée des cours depuis le milieu de la décennie, en raison non seulement de l'amélioration des bénéfices, mais également d'anticipations très favorables quant aux bénéfices futurs, notamment dans le secteur des nouvelles technologies. La valeur des actions a, en moyenne été multipliée par 1,7 entre le début de l'année 1998 et le milieu de l'année 2000, avec un multiplicateur encore plus important, d'environ 2,5, pour les valeurs de la technologie, des médias et des télécommunications. Un effet de richesse similaire, quoique moindre, a également été engendré par la réévaluation du prix des actifs immobiliers. Cette progression des actifs a entraîné une très forte augmentation de la valeur des patrimoines, augmentation qui a atteint 10,5% en valeur réelle, au cours de l'année 1999 ;

- l'effet de richesse induit par cette augmentation des patrimoines a conduit les ménages à augmenter leur consommation. Selon les économistes de Moody's, les gains retirés par les ménages des marchés d'actions et des fonds d'investissement ont représenté l'équivalent de 40% des revenus salariaux de 1996 à 1998. Cette hypothèse est corroborée par la Note de conjoncture internationale précitée de juin 2000, selon laquelle 30% de la consommation des ménages depuis 1996 s'explique par les plus-values financières. Les ménages américains seraient en effet vendeurs nets d'actions depuis 1996, ce qui traduit une propension réelle à consommer les gains en capital. Enfin, le 70e rapport annuel de la Banque des règlements internationaux rappelle que, dans l'hypothèse où une proportion de seulement 4% des gains serait consommée, la contribution de ce produit à la progression de la consommation ces dernières années serait d'environ d'un cinquième à un quart. Dans l'ensemble, les effets de richesse expliqueraient 1,25 point de croissance du PIB par an depuis 1996 ;

- la baisse régulière du taux d'épargne des ménages américain, c'est à dire du rapport de l'épargne et du revenu, qui s'est établi à 3,7% en 1998 contre 8,7% en 1992, et est encore descendu depuis pour atteindre en juillet à un minimum historique, et négatif, de -0,2% ;

- la très forte progression de l'endettement des ménages américains, qui ont contracté des emprunts massifs pour soutenir leur consommation, ainsi que, dans une moindre mesure, leurs achats immobiliers. Les engagements des ménages sont ainsi passés de 85,1% du revenu disponible en 1992 (60,2% pour les prêts hypothécaires) à 98,7% en 1998 (66,3% pour les prêts hypothécaires). Cette expansion du crédit est restée vive au cours des derniers mois. La charge de la dette, constituée des intérêts et des remboursements du capital, serait passée de 13,3% du revenu disponible au premier trimestre 1999 à 13,6% au premier trimestre 2000. Dans le même temps, il est vrai, le revenu progressait et la forte progression des cours boursiers engendrait un effet de richesse favorable à la consommation, ce qui réduit le risque de ce qui pourrait apparaître comme une anomalie dans une autre situation.

Sur le plan monétaire, il faut également observer que la politique de la Réserve fédérale a été particulièrement accomodante, notamment après la crise asiatique et la crise russe. Le taux objectif des fonds fédéraux a été réduit de 1,75% à l'automne 1998 pour contenir les effets dépressifs de ces événements, et s'établissait à 4,5% en janvier 1999. La masse monétaire (M3) a ainsi crû à un rythme élevé, de 11% en 1998 et de 7,4% en 1999. Le rythme de progression s'est depuis légèrement ralenti, après une accélération au début de l'année 2000.

Enfin, on observe une reprise de la dépense publique, après des années d'assainissement. Néanmoins, la progression des recettes laisse présager une poursuite de l'augmentation de l'excédent du budget fédéral, qui devrait atteindre 210 milliards de dollars et 2,2% du PIB en 2001.

Cette expansion vigoureuse, avec une demande dynamique, a fait craindre des phénomènes de surchauffe, la croissance étant jugée trop supérieure à son potentiel, mesurée par le taux de croissance compatible avec un chômage stable et ne générant pas de déséquilibre, estimé à environ 3,25% ou 3,5% (estimation de l'OCDE).

Les économistes surveillent ainsi tout signe d'une reprise de l'inflation et de dérapages sur les prix ou sur les salaires.

La crainte est celle d'un relèvement des taux ou d'une modification des anticipations inflationnistes, lesquels risqueraient de provoquer, un brusque ralentissement de l'économie ainsi que des corrections particulièrement fortes sur les marchés des capitaux et sur les marchés des changes. Les éléments qui ont fait le dynamisme de l'économie américaine, étroitement liés les uns aux autres, pourraient alors s'inverser. C'est le scénario du « krach » ou de l'atterrissage brutal.

Dans ce contexte, afin de favoriser un atterrissage en douceur de l'économie, la Réserve fédérale a engagé une politique de relèvement graduel et progressif des taux d'intérêt. En six étapes, le taux objectif des fonds fédéraux est ainsi passé de 4,75% au cours de l'été 1999 à 6,5% actuellement, soit une majoration de près de 2 points.

Cette politique semble porter ses fruits et le scénario, tant souhaité, du ralentissement en douceur de l'économie américaine semble s'amorcer.

Le rythme des créations d'emploi s'est fortement ralenti. Il était de 202.000 par mois en moyenne en 1999 et a été de 90.000 au mois de mai dernier. Selon les dernières observations disponibles, le taux de chômage serait légèrement remonté en août 2000, passant de 4% à 4,1%. C'est dans le secteur manufacturier, qui aurait perdu 79.000 emplois en août pour un total d'emplois disparus de 105.000, que le ralentissement serait le plus marqué.

D'autres indices vont dans le même sens : en juillet, les investissements dans la construction ont reculé de 1,6%, soit la plus forte contraction depuis janvier 1994, et un tel recul est intervenu pour le quatrième mois consécutif. Le haut niveau du dollar par rapport à l'euro tend, en outre, à freiner les exportations américaines.

L'inflation reste sous contrôle, dans la mesure où aucun phénomène de spirale prix-salaires n'est constaté, malgré l'apparition de tensions sur les salaires, puisque le rythme de progression du salaire réel par tête s'est redressé en 1999 et a dépassé 4%. Le taux de l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire hors produits alimentaires et énergétiques, est passé de 1,4% à 1,8% entre mars 1999 et mars 2000 et, compte tenu de la forte progression des prix de l'énergie, le taux d'augmentation des prix a atteint 2,9% sur un an.

Cela est d'autant plus notable que le facteur essentiel de cette relative modération des prix a été le maintien d'un taux de croissance élevé de la productivité du travail. Les craintes d'une augmentation trop vive des prix se sont estompées après l'annonce d'une augmentation de la productivité de 5,7%, en rythme annuel, au deuxième trimestre 2000, consécutive à une hausse de 1,9% au cours de trois premiers mois de l'année. Cet excellent résultat a même fait fléchir de 1% le coût unitaire du travail.

En outre, lorsque l'on évoque la question d'une éventuelle reprise de l'inflation en raison de la hausse des prix du pétrole, on doit observer que la part du revenu disponible consacrée aux produits pétroliers a vivement progressé, passant de 1,9% au début de l'année 1999 à 2,6% actuellement, et que cette hausse des produits pétroliers, assimilée à un prélèvement égal à 1% du revenu disponible des ménages américains, peut exercer un effet modérateur sur une demande très dynamique. La question clef est donc celle de savoir si l'économie américaine évitera une « spirale prix-salaires ».

Enfin, le haut niveau du dollar constitue une solide protection contre l'inflation importée.

Le maintien de la croissance au deuxième trimestre 2000 aurait été ainsi imputable à l'investissement, à la dépense publique, qui sans menacer l'équilibre du budget fédéral compte tenu de la bonne tenue des recettes, devient plus dynamique, et à la reconstitution des stocks.

Néanmoins, l'expérience des récentes années conduit à considérer ces éléments avec précaution : l'économie américaine pourrait se révéler encore dynamique si les consommateurs restaient optimistes, si les investissements dans les technologies de pointe restaient dynamiques et si l'économie mondiale restait également en forte croissance.

Selon le FMI et l'OCDE, un resserrement monétaire plus marqué pourrait donc être nécessaire afin d'éviter tout risque d'emballement.

L'OCDE a tenu, pour sa part, le ralentissement pour probable, dans le numéro 67 de ses Perspectives économiques (juin 2000), et a prévu une croissance de 3% en 2001. Néanmoins, ce résultat se fondait sur l'hypothèse, qui ne s'est pas vérifiée, d'un relèvement de 6,5% à 7,25% du taux d'intervention de la Réserve fédérale au mois d'août dernier. Il reste que de premiers indices de ralentissement de l'économie américaine sont apparus cet été.

Le principal point de vulnérabilité de l'économie américaine est le déficit du commerce extérieur, qui ne cesse de se creuser, passant de 173,1 milliards de dollars en 1995 à 347 milliards de dollars en 1999. Pour 2000, l'OCDE prévoit un déficit de 435 milliards de dollars. Pour 2001, le seuil de 450 milliards de dollars serait franchi. La balance des opérations courantes accuse ainsi un déficit croissant, qui est passé de 1,5% du PIB en 1995 à 3,7% en 1999. Pour 2000 et 2001, les prévisions de l'OCDE sont de 4,5% du PIB.

Ce déficit des paiements courants a, pour l'instant, été largement compensé par des entrées nettes de capitaux, qu'il s'agisse d'investissements directs étrangers (IDE) ou d'investissements de portefeuille, à hauteur, selon la Banque des règlements internationaux de 278 milliards de dollars en 1997, 239 milliards de dollars en 1998 et 359 milliards de dollars en 1999.

Ces investissements étrangers, qui compensent non seulement le solde des transactions courantes mais également les investissements des Etats-Unis dans le reste du monde, sont étroitement liés à la manière dont les investisseurs, d'une part, jugent les perspectives de rendement des investissements aux Etats-Unis et dans les entreprises américaines, et, d'autre part, anticipent l'évolution de la monnaie et de l'inflation, c'est-à-dire évaluent la capacité des autorités à garantir la stabilité de la monnaie et la capacité des entreprises à maintenir la concordance entre l'évolution des salaires et les gains de productivité.

Le faible niveau du dollar au début du cycle de croissance, le dynamisme exceptionnel de celle-ci, l'avance des Etats-Unis par rapport à l'Europe et au Japon dans ce cycle de croissance et dans le développement des nouvelles technologies de l'information, la confiance des opérateurs de marchés dans la compétence de l'actuel Président de la Réserve fédérale, M. Alan Greenspan, ont été autant de facteurs favorables, ces dernières années.

Ces éléments favorables seront-ils durables ? La question est d'autant plus importante que la dette extérieure des Etats-Unis atteindra 2000 milliards de dollars cette année.

Un autre élément de préoccupation est le volume de la dette privée américaine, qui atteint, selon les services de recherche de la Caisse des dépôts et consignations, 130% du PIB (dont un peu moins de 70% pour les ménages et un peu plus de 60% pour les entreprises) contre 80% en 1985 et 100% en 1988. Le volume de la dette publique a diminué, mais celui des entreprises et des ménages s'est fortement accru. Or, même si la profitabilité des entreprises est bonne et si le revenu des ménages progresse, la qualité d'une signature privée reste toujours inférieure à celle d'une signature publique.

C.- UN ACCROISSEMENT DES INCERTITUDES EN RAISON DE LA HAUSSE DU PRIX DU PÉTROLE, DE LA MONTÉE DES COURS DES MATIÈRES PREMIÈRES ET DE LA SITUATION DES MARCHÉS DES CHANGES ET DES MARCHÉS FINANCIERS

Depuis plusieurs années, l'hypothèse d'une correction des marchés financiers, dont les niveaux sont particulièrement élevés, et plus particulièrement du marché boursier américain, constitue le principal facteur d'incertitude affectant les prévisions économiques. En arrière-plan, les questions clefs sont celles des modalités du ralentissement de l'économie américaine et des effets réels de ce qu'il est convenu d'appeler la « nouvelle économie ».

A cet élément d'incertitude, évoqué chaque année et qu'il convient de rappeler une nouvelle fois, deux autres facteurs sont venus s'ajouter en 2000, d'une part, les conséquences du triplement des prix du pétrole, exprimés en dollar, et de la montée des prix des produits de base, et d'autre part, l'évolution du marché des changes, avec une forte chute de l'euro vis-à-vis non seulement du dollar, mais aussi du yen.

1.- Le triplement, depuis 1999, des prix du pétrole, exprimés en dollar et la hausse des prix des produits de base

La généralisation de la croissance à l'ensemble des économies, alors même que le dynamisme de l'économie américaine ne fléchissait pas, a provoqué une forte, et brusque, remontée des cours de nombreux produits de base, notamment du pétrole, pour lequel on constate un triplement de son prix, exprimé en dollar, depuis le début de l'année 1999.

Cette évolution conduit à s'interroger sur le risque de résurgence des phénomènes d'inflation et de récession qui ont marqué la fin des années 1970.

a) Le brusque relèvement du prix du pétrole et l'augmentation générale des prix des matières premières

· Le triplement du prix du pétrole : un nouveau choc pétrolier ?

La forte sensibilité du prix du pétrole aux variations de la croissance mondiale a, une nouvelle fois, été confirmée.

Le prix du baril de brent a plus que triplé ces derniers mois. Alors qu'il s'établissait à 10 dollars en janvier 1999 (et même 9,6 dollars en décembre 1998), il a atteint un pic à 35 dollars le 7 septembre. Il demeure aujourd'hui à un niveau supérieur à 30 dollars, en dépit de la décision des pays de l'OPEP d'accroître leur production, lors de leur réunion tenue à Vienne le 10 septembre.

Cette évolution n'a pas été linéaire, puisque après avoir franchi une première fois le seuil de 30 dollars en mars, les cours ont été en repli jusqu'à 22 dollars au début du mois d'avril, avant de remonter et de franchir à nouveau le seuil de 30 dollars en juin, puis de fléchir à nouveau en juillet pour redescendre à 26 dollars à la fin de ce mois et de remonter, une nouvelle fois, à partir du début du mois d'août.

Pour les pays de la zone euro, la dépréciation de la monnaie unique par rapport au dollar a même entraîné presque un quintuplement du prix du baril, celui-ci passant de 9,5 euros le baril au début de l'année 1999 à environ 38,1 euros actuellement.

Cette évolution révèle, d'une part, une difficulté à équilibrer l'offre et la demande dans un marché très sensible et, d'autre part, une tendance de fond à l'augmentation des cours en raison de la bonne tenue de la croissance mondiale et de la rareté de cette matière première et source d'énergie non renouvelable.

Les cours déprimés de l'année 1998 et du début de l'année 1999 n'étaient que le résultat de la crise asiatique, laquelle a entraîné à partir de l'automne 1997 une forte chute des cours, alors même que l'OPEP a augmenté sa production au moment de la crise asiatique.

Les cours actuels, qui sont très au-dessus de ceux qui relèveraient d'un simple rattrapage, reflètent certes une insuffisance de l'offre par rapport à la demande en période de forte croissance, mais sont aussi le résultat de l'action de l'OPEP, qui représente 40% de la production mondiale et a procédé en 1998 et en 1999, en concertation avec les principaux pays producteurs de pétrole non membres de l'organisation (Mexique, Norvège, Oman et Russie), à une réduction des objectifs de production. Les derniers accords de ce type ayant été mieux respectés que ceux conclus par le passé, les prévisions de prix ont été dépassées.

L'objectif de l'OPEP, qui était d'obtenir, à l'initiative de l'Arabie saoudite, du Mexique et du Vénézuela, un relèvement des prix autour de 20 à 25 dollars le baril grâce à la mise en _uvre de l'accord de réduction de la production a été dépassé, en raison, surtout, du rythme inattendu de la reprise économique mondiale.

En effet, au-delà des aléas temporaires, c'est l'augmentation de la demande qui constitue le facteur essentiel de l'évolution des prix.

D'une part, les relèvements de l'objectif de production auxquels il a été procédé à la fin du mois de mars, puis, de nouveau, en juin, se sont avérés insuffisants pour couvrir les besoins de l'expansion de la consommation mondiale et assurer le respect de l'engagement des membres de l'OPEP de rester dans une fourchette de référence comprise entre 22 et 28 dollars le baril et d'accroître la production en cas de dépassement durable (vingt jours consécutifs) de la limite supérieure de cette fourchette.

D'autre part, la décision de l'OPEP du 10 septembre dernier de relever de 800.000 barils-jours en portant à 26,2 millions de barils-jours sa production, soit une augmentation de 3,1% par rapport aux précédents quotas, a certes permis d'enrayer la progression des cours, mais n'a pas provoqué, pour l'instant, de réelle diminution de ceux-ci, qui restent au-delà de la limite haute de la fourchette. L'hypothèse d'une nouvelle, et quatrième, augmentation des quotas a même dû être évoquée, afin de calmer les marchés.

Il est vrai que cet accord entérine des dépassements de production qui avaient déjà été effectués, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau réel de l'augmentation de la production.

Dans ces conditions, afin d'apporter une contribution supplémentaire à la régularisation du marché, le Président des Etats-Unis, M. Bill Clinton, a fait part, le vendredi 22 septembre dernier, de sa décision de prélever 30 millions de barils de pétrole sur les réserves énergétiques américaines, dans une période de 30 jours.

Il convient de noter que plusieurs facteurs, dont certains sont purement conjoncturels, perturbent fortement toute prévision quant à l'évolution du marché pétrolier à court terme :

- le manque de certains produits raffinés aux Etats-Unis, les raffineries ayant prioritairement produit cet été de l'essence répondant aux nouvelles normes, pour éviter une rupture de stock, à la place des produits consommés en hiver, ce qui a créé en aval de la filière des tensions qui se sont répercutées en amont ;

- le délai d'approvisionnement des marchés après une décision d'augmentation de la production, seuls l'Arabie saoudite, le Nigeria et le Koweït ayant des capacités mobilisables à très court terme ;

- le niveau des stocks de brut et de produits raffinés, exceptionnellement faible à l'approche de l'hiver, ce qui renforce les spéculations sur l'évolution des prix dans l'hypothèse d'un hiver rigoureux en Europe ou en Amérique du Nord ;

- l'incertitude quant au respect de leurs quotas par les pays producteurs, tentés par des dépassements ;

- le fait qu'une réelle stabilisation des cours, en cas de déséquilibre marqué et durable entre l'offre et la demande, dépend de facteurs politiques complexes. Les capacités supplémentaires de production des pays de l'OPEP sont concentrées sur un faible nombre de pays, essentiellement l'Arabie saoudite, mais aussi le Koweït, le Nigeria, les Emirats arabes unis et la Libye. Ces pays disposent ainsi d'un pouvoir considérable sur les marchés, notamment l'Arabie saoudite. Toute baisse des cours consécutive à un relèvement de la production porte directement atteinte à l'intérêt des pays producteurs qui n'ont plus de réserve de capacité de production, lesquels sont d'ailleurs les moins prospères, autant d'éléments qui pourraient nuire à l'unité des pays producteurs, qui n'a été retrouvée que très récemment ;

- l'évolution du comportement de la communauté internationale vis-à-vis de l'Irak. Votre Rapporteur général estime qu'il conviendrait de reconsidérer les modalités de l'embargo dont fait l'objet l'Irak, car, si la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU du 17 décembre 1999 a supprimé le plafond d'exportation de pétrole jusque-là imposé et si cet Etat est hors quota vis-à-vis de l'OPEP, le maintien de l'embargo ne permet pas la remise en état de toutes les installations d'extraction, et interdit ainsi à l'Irak d'exporter les quantités de produits pétroliers qu'il pourrait prétendre produire s'il disposait des moyens techniques nécessaires. Il ne faut pas négliger qu'une partie des quantités supplémentaires produites au mois d'août, qui ont contribué à calmer l'augmentation des cours, provenait d'Irak.

Le marché est, parfois, cependant jugé proche de l'équilibre avec une capacité de production estimée à 81 millions de barils - jours face à une demande estimée à 78,5 millions de barils - jours pour le dernier trimestre de l'année 2000. L'Agence internationale de l'énergie prévoit une augmentation de la demande mondiale de 2,5% en 2001.

Ainsi les experts du Centre for Global Energy Studies pronostiquent, après, il est vrai, un hiver difficile, un repli des cours un peu au-dessus de 20 dollars à la fin de l'année 2001.

Pour sa part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius, a estimé qu'un bon niveau de prix, garantissant des ressources suffisantes aux pays producteurs et permettant un bon niveau de développement des économies, se situe entre 20 et 25 dollars le baril. La prévision moyenne de prix associée au projet de loi de finances est de 25,6 dollars par baril en moyenne sur 2001, contre 28,3 dollars par baril en 2000.

Les déclarations faites le 24 septembre dernier par M. Rilwanu Lukman, secrétaire général de l'OPEP, selon lesquelles « nous [l'OPEP] avons intérêt à un prix de 25 dollars », montrent qu'une convergence des points de vues est possible entre producteurs et consommateurs.

Si l'évolution des cours du pétrole doit faire l'objet d'une très grande attention, l'hypothèse d'un choc pétrolier, c'est-à-dire d'une augmentation durable des prix, n'est donc pas certaine. Cependant, elle ne peut être non plus exclue.

· La hausse des cours des autres produits de base : un rattrapage des baisses antérieures

Dans l'ensemble, les prix des matières premières non pétrolières ont également augmenté au premier semestre de l'année 2000.

Ainsi, l'indice Moody relatif au prix des matières premières hors énergie, exprimé en dollars, est passé de 1.236 en décembre 1999 à 1.309 en juin 2000, soit une augmentation de 5,9%.

L'indice Reuter, dont la composition diffère quelque peu et relatif aux prix exprimés en livres sterling, a connu une évolution similaire, quoique moins marquée, avec une augmentation de 1,18% sur la même période.

La faiblesse de l'euro s'est traduite par un renchérissement important de l'ensemble des matières non énergétiques, l'indice Banque de France des prix des produits importés exprimés en monnaie nationale faisant ressortir, pour notre pays, une augmentation de 8,1% au premier trimestre 2000 et de 1,35% au deuxième trimestre.

Au-delà de ces évolutions globales, on observera que :

- les prix des denrées alimentaires ont été, dans l'ensemble, orientés à la hausse au cours du premier semestre 2000, à l'exception, notamment, du café ;

- les cours des produits agricoles à usage industriel se sont accrus ;

- il en a été de même, dans l'ensemble, pour les produits minéraux, avec néanmoins des évolutions très contrastées au deuxième trimestre, marqué par une très forte baisse sur le nickel et une réduction notable sur le plomb et l'aluminium, ce qui explique une évolution de + 0,57% des prix des produits minéraux retenus dans l'indice Banque de France au deuxième trimestre 2000 contre +7,82% au trimestre précédent.

Cette augmentation d'ensemble des prix des produits de base est moins rapide que celle du prix du pétrole. L'augmentation des prix des produits des produits de base serait, selon l'OCDE de 12,4% pour 2000, contre 45,6% pour le pétrole.

Elle ne semble d'ailleurs pas préoccupante, car ainsi que le remarque l'OCDE dans ses Perspectives économiques précitées, elle correspond essentiellement à un rattrapage. Les cours des produits de base autres que le pétrole restent encore, dans l'ensemble, inférieurs à leur niveau de 1997 et d'environ 20% inférieurs à leur niveau de 1995.

b) L'absence de certitudes quant aux incidences de l'augmentation des prix du pétrole sur la croissance mondiale

L'évolution actuelle du marché pétrolier est-elle susceptible d'entraîner un ralentissement de la croissance et une forte inflation, comme ce fut le cas après chacun des deux chocs pétroliers ?

Ainsi que le rappelle l'OCDE, si un tel risque ne peut être exclu, on observe néanmoins plusieurs éléments rassurants :

- la dépendance des pays de l'OCDE vis-à-vis du pétrole a significativement diminué depuis les années 1970, puisque leurs importations pétrolières par unité produite ont été divisées par deux et que la consommation de pétrole par unité produite a baissé d'environ 40% ;

- l'inflation dans les grands pays industrialisés était, avant chacun des deux chocs pétroliers, notablement supérieure à ce qu'elle est actuellement ;

- l'écart entre le rendement des obligations indexées et celui des obligations classiques, qui révèle l'état des anticipations d'inflation, est certes remonté par rapport au milieu de l'année 1998, mais reste encore modéré. En outre, cet écart semble résulter plus des anticipations des effets de la croissance mondiale que de la seule augmentation du cours du pétrole, qui serait donc perçue comme temporaire.

Dans l'ensemble, le maintien du prix du baril à un niveau proche de 30 dollars est jugé peu susceptible d'affecter la croissance.

Ainsi, dans la Note de conjoncture internationale de juin 2000, la direction de la prévision estime qu'un maintien à ce niveau du prix du baril pourrait entraîner un ralentissement de l'activité de 0,2% dans la zone euro et aux Etats-Unis et une hausse générale des prix de 0,2%, avant toute réaction de politique monétaire, par rapport à l'hypothèse d'un prix du pétrole qui s'établirait à 26 dollars le baril.

Une étude intitulée Du cours des matières premières au prix de vente des biens intermédiaires, publiée dans la revue INSEE-Première (n° 736, septembre 2000), fait valoir, à partir d'une étude de répercussion de la variation des cours des matières depuis le début de la décennie sur les prix à la production de matières plastiques de base et de produits non ferreux, que les variations des cours des produits de base influent peu sur les prix des produits élaborés.

On peut certes relativiser les effets d'un relèvement durable des prix du pétrole, il n'en reste pas moins que les prix à la consommation auraient tendance, dans cette hypothèse, à augmenter, dans le cadre d'un mécanisme connu de répercussion en chaîne.

D'autre part, la ponction opérée des ménages peut avoir des incidences sur la croissance en raison, d'une part, de la réduction de la consommation qu'elle peut provoquer, sauf ajustement à la baisse du taux d'épargne et, d'autre part, de la réduction des anticipations de croissance qu'elle engendre. En outre, l'élévation du prix du pétrole entraîne une réduction du solde commercial, lequel a des effets dépressifs dès lors qu'il n'est pas compensé par le développement des exportations.

Autre prévision, selon les modèles économétriques du FMI, une hausse de 5 dollars des cours du pétrole réduit la croissance des pays industrialisés de 0,2 point du PIB et accroît l'inflation de 0,2% à 0,4%. Cet élément tempère les prévisions optimistes de la croissance mondiale, précédemment évoquées, de 4,7% pour 2000 et 4,2% en 2001, qui reposaient sur un cours du baril de pétrole de respectivement 26,5 dollars et 23 dollars.

2.- L'évolution des marchés financiers et les effets de la « nouvelle économie »

Depuis plusieurs années, les observateurs constatent la poursuite de la flambée des marchés d'actions qui s'est amorcée aux Etats-Unis en 1995.

Les prix des actions aux Etats-Unis et en Europe atteignent des niveaux records avec une multiplication des cours par 2,5 aux Etats-Unis et par 3,5 dans la zone euro depuis 1995.

Les coefficients de capitalisation sont devenus très élevés au regard des bénéfices des entreprises, et se sont déconnectés de l'évolution du taux d'intérêt à long terme, ainsi que l'indique le graphique suivant, extrait du bulletin Flash (n° 2000-132) du service de la recherche de la Caisse des dépôts et consignations :

graphique

Note : PER : Price earning rate. Sa traduction française est coefficient de capitalisation.

Les coefficients de capitalisation les plus élevés concernent essentiellement les valeurs liées aux technologies de l'information et de la communication. Ils reflètent les anticipations des investisseurs quant aux perspective de développement de ces secteurs.

En outre, les observateurs notent un renforcement significatif de la variabilité des cours ces derniers mois avec des corrections importantes suivies de rattrapages non moins spectaculaires, tant sur le marché des valeurs traditionnelles, que sur celui des valeurs technologiques, où les mouvements sont en outre amplifiés. Le marché évolue largement en « dents de scie ».

Cette situation appelle plusieurs observations.

En premier lieu, l'hypothèse d'une correction profonde et durable des cours, qui n'a jamais pu être totalement exclue ces dernières années, reste d'actualité, même si la relative stabilisation des cours du marché financier américain, alors que la croissance se poursuivait, a fait diminuer ce risque.

En deuxième lieu, une telle correction représenterait certes un élément préjudiciable au dynamisme de l'économie, mais, sous réserve qu'elle ait lieu d'une manière ordonnée et sans entraîner de sérieux problème de liquidité pour les investisseurs endettés, elle pourrait avoir un effet stabilisateur.

Une simulation insérée dans le numéro 66 des Perspectives économiques de l'OCDE (décembre 1999) indique qu'un repli de 30% du cours des actions aux Etats-Unis et de 15% dans les autres grandes économies de l'OCDE entraînerait une réduction de la croissance de 1,25% aux Etats-Unis pour une période de dix-huit mois.

Dans ces conditions, une correction aurait un effet stabilisateur favorable. A contrario, dans de toutes autres conditions, elle pourrait avoir des effets négatifs importants.

Selon le document précité du service de la recherche de la Caisse des dépôts et consignations, la situation financière des banques d'une part, et des entreprises, d'autre part, est suffisamment saine pour qu'une correction des cours boursiers ne pose de problème de solvabilité qu'aux seuls ménages. Les difficultés seraient donc, en définitive, limitées et le freinage de la croissance serait vraisemblablement endigué grâce à une politique monétaire accommodante de la part de la Réserve fédérale, qui réduirait alors les taux courts.

Toutefois, tempérant ces éléments, la Banque des règlements internationaux remarque, dans le cadre de son 70ème rapport précité, que la situation de surévaluation boursière, notamment pour les valeurs technologiques, peut conduire à des surinvestissements qui engendrent une diminution de la productivité et des ajustements brutaux lorsque les anticipations de cette productivité sont revues en baisse. C'est, pour les entreprises, un élément de risque que ne prennent pas en compte les analyses précédentes.

Le FMI a ainsi procédé à l'évaluation des conséquences d'une chute brutale de 20% des cours boursiers américains et de 10% du dollar, à la suite d'un mouvement de défiance des investisseurs vis-à-vis d'une valorisation jugée excessive. Le ralentissement de l'économie américaine serait important, avec une réduction de deux points (2%) de la croissance. Selon le FMI, la chute du dollar et la réduction de la croissance entérineraient un retour à l'équilibre de la balance des transactions courantes, ce qui serait, cependant, positif. L'Europe et le Japon seraient affectés. La croissance de la zone euro serait amputée de 1,3% en 2001 et celle du Japon de 0,8%.

En définitive, la forte croissance des marchés boursiers s'étant accompagnée d'une réaffectation du capital au profit des secteurs liés aux technologies de l'information et de la communication, avec des attentes particulièrement fortes des investisseurs vis-à-vis de ces entreprises, il importe de mesurer l'impact de ces technologies sur l'économie réelle.

Selon des estimations citées dans le cadre du numéro 67 des Perspectives économiques de l'OCDE, l'accélération du taux de croissance de la productivité dans le secteur de l'informatique aux Etats-Unis aurait augmenté les gains de productivité de la main d'_uvre dans l'ensemble des entreprises de 0,2% à 0,3% par an de 1995 à 1999 et le renforcement de l'utilisation des équipements informatiques aurait entraîné une majoration de 0,5% des gains de productivité de la main d'_uvre au cours de cette même période.

Cependant, cette analyse reste partielle et faute d'étude d'ensemble totalement probante reposant sur une mesure précise, il est difficile d'aller au-delà de la conclusion d'un effet certain, mais dont il n'est pas exclu qu'il soit en définitive assez limité, des nouvelles technologies de l'information sur la productivité du travail et, ainsi, sur les perspectives de profit des entreprises.

Selon un point de vue pessimiste, on doit observer que si les perspectives de la croissance mondiale, qui reposent sur les incidences réelles du développement de l'informatique sur la productivité, devaient être révisées à la baisse, alors les corrections à la baisse que le réajustement des anticipations des investisseurs ne manqueraient pas de provoquer sur les marchés, pourraient être violentes et avoir des conséquences dépressives fortes.

En outre, ainsi que l'observe la Banque des règlements internationaux, il n'est pas exclu que les nouvelles technologies contribuent à rendre les cycles conjoncturels plus volatils, en raison de la nature des secteurs de pointe, de la diminution des stocks, qui sont gérés au plus juste (ce qui rend les entreprises plus vulnérables aux chocs de l'offre ou de la demande et implique une conjoncture très lissée pour que la rentabilité soit préservée), ainsi que de la compression des bénéfices en raison de la pression concurrentielle et de la faible durée de vie des équipements. Ce dernier élément expliquerait, note la Banque, pourquoi l'accroissement de la productivité, mesurée par la production par heure ouvrée, s'est traduit, en 1998 aux Etats-Unis, par une réduction des profits, alors que la corrélation était auparavant en sens inverse, comme le commande la logique économique.

3.- L'évolution des marchés des changes et la question de la faiblesse de l'euro par rapport au dollar et au yen

Depuis son introduction le 4 janvier 1999, l'euro s'est fortement déprécié par rapport non seulement au dollar américain, mais également par rapport au yen, à la livre sterling et au franc suisse.

Le 4 janvier 1999, un euro se négociait contre 1,18 dollar, 134 yens, 0,71 livre sterling ou 1,61 francs suisse.

A la date du 11 octobre 2000, on constatait une dépréciation de 26,2% par rapport au dollar, avec un euro contre 0,87 dollar, 30% par rapport au yen, avec un euro contre 94 yens, 15% par rapport à la livre, avec un euro contre 0,60 livre sterling et de 6% par rapport au franc suisse, avec un euro contre 1,51 franc suisse.

Ce jugement des marchés est sans appel. L'euro n'est pas une monnaie forte, même si sa moindre chute par rapport au franc suisse et à la livre, dont les économies sont très liées à celles de la zone euro doit conduire à relativiser la portée de ce constat.

Cette situation, aggravée par une atmosphère de crise de change au début du mois de septembre, ne peut qu'inquiéter les autorités politiques et monétaires de la zone euro, qui ont réagi.

Si la faiblesse de l'euro présente des aspects favorables, car elle favorise les exportations et diminue la concurrence des produits importés, la dépréciation continue de l'euro a deux effets préjudiciables :

- elle dégrade, à court terme, ainsi que l'observe la Banque centrale européenne dans son Bulletin mensuel d'août 2000, le solde extérieur, en raison du renchérissement des produits importés. Sur les cinq premiers mois de l'année 2000, les transactions courantes de la zone euro se sont ainsi soldées par un déficit de 11,7 milliards d'euros, contre un excédent de 9,6 milliards pour la même période en 1999.

- elle engendre une inflation importée, qui risque de provoquer, par réaction un relèvement des taux d'intérêt et ainsi un ralentissement de la croissance.

Aussi, le vendredi 8 septembre, l'Eurogroupe, qui a réuni à Versailles les ministres de l'économie et des finances des onze Etats de la zone et, en l'absence du président de la Banque centrale européenne, M. Wim Duisenberg, le vice-président, M. Christian Noyer, a rappelé l'intérêt d'un euro fort et le ministre français de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius, a fait part de la possibilité d'une intervention directe sur le marché des changes.

Le mardi 12 septembre, le Président de la Banque centrale européenne a fait part de sa préoccupation, en raison de l'accroissement des pressions inflationnistes, devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Le même jour, le Président de la Commission européenne, M. Romano Prodi, a appelé à une intervention concertée des banques centrales américaine, japonaise et européenne.

Le jeudi 14 septembre, la Banque centrale européenne a annoncé son intention de soutenir, pour la première fois, l'euro, en vendant des dollars.

Les interventions qu'elle a menées en concertation avec les banques centrales des Etats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni et du Canada semblent avoir provoqué une certaine accalmie sur les marchés.

Si l'on passe sur les aspects anecdotiques, à savoir les déclarations des nombreux responsables économiques et monétaires de la zone euro, dont les marchés sont friands, et sur leurs éventuelles discordances, la faiblesse de l'euro peut être attribuée à plusieurs éléments, dont il est difficile de savoir si chacun d'entre eux joue, et dans quelle proportion.

Les premiers éléments sont naturellement d'ordre économique et financier.

Ils se constatent aisément si l'on rappelle que le paradoxe apparent de la force du dollar et la faiblesse de l'euro - la balances des transactions courantes des Etats-Unis est lourdement déficitaire alors que celle de la zone euro a été excédentaire en 1999 avec de devenir légèrement déficitaire - est levé, dès lors que l'on prend en compte les flux internationaux d'investissements, c'est à dire les investissements directs des entreprises (IDE) et les investissements en portefeuille.

Ainsi que cela a déjà été précisé et comme l'indique le tableau suivant, les flux nets des IDE et des investissements en portefeuille ont largement compensé le déficit des transactions courantes aux Etats-Unis et les flux nets de capitaux ont été négatifs pour la zone euro, au-delà de facteurs techniques.

PAYS INDUSTRIELS : BALANCE DES PAIEMENTS

(en milliards de dollars)

 

Paiements courants

IDE et flux de portefeuille(1)

Solde global(2)

 

1997

1998

1999

1997

1998

1999

1997

1998

1999

Etats-Unis

- 143,5

- 220,6

- 338,9

277,6

238,5

359,0

134,1

17,9

20,1

Japon

94,3

120,6

109,5

3,6

- 62,9

- 35,8

97,9

57,7

73,7

Zone euro

106,8

67,3

45,8

- 80,9

- 214,2

- 180,4

25,9

- 146,9

- 134,6

Allemagne

- 3,1

- 4,6

- 20,2

- 37,9

- 75,9

- 59,4

- 41,0

- 80,5

- 79,6

France

38,8

40,6

37,4

- 37,5

- 64,2

- 84,5

1,3

- 23,6

- 41,1

Italie

32,2

21,7

9,8

4,8

- 6,9

- 13,0

37,0

14,8

- 3,2

Pays du Benelux

41,4

37,7

34,6

- 40,8

- 88,0

- 27,9

0,6

- 50,3

6,7

Royaume-Uni

10,8

- 1,1

- 20,7

- 67,2

- 84,2

50,0

- 56,4

- 85,3

29,3

Suisse

25,9

23,8

29,2

- 24,9

- 14,0

- 55,4

1,0

9,8

- 26,2

Australie

- 12,7

- 17,9

- 22,3

16,2

6,6

12,2

3,5

- 11,3

- 10,1

Canada

- 10,3

- 11,1

- 2,9

- 6,9

- 8,1

- 5,6

- 17,2

- 19,2

- 8,5

Nouvelle-Zélande

- 4,3

- 2,6

- 4,3

5,4

3,0

0,1

1,1

0,4

- 4,2

Pays industriels

80,2

- 41,1

- 193,2

103,3

- 163,3

163,2

183,5

- 204,3

- 30,0

(1) En termes nets.

(2) Somme des deux postes précédents.

Source : Banque des règlements internationaux.
Soixante-dixième rapport annuel.

Ce comportement des investisseurs, qui privilégient les Etats-Unis, constitue un élément explicatif de la faiblesse de l'euro.

On identifie aisément les raisons fondant cette appréciation des opérateurs :

- le décalage conjoncturel entre les Etats-Unis, très avancés dans le cycle actuel de croissance, et l'Europe ;

- la lenteur de la reprise en Allemagne, pays de la zone euro auquel la plus grande attention est accordée par les investisseurs ;

- le fait que la reprise en Europe, initiée par la demande extérieure, ait été objectivement facilitée par la faiblesse de la monnaie ;

- le retard de l'Europe dans le développement des nouvelles technologies et dans le passage à la « nouvelle économie », c'est à dire vis-à-vis des facteurs qui expliquent communément le dynamisme de l'activité aux Etats-Unis.

En outre, d'un point de vue financier, trois facteurs, au moins, ont joué contre l'euro :

- le niveau plus élevé des taux d'intérêt américains, avec un écart actuellement compris entre 2 points à 2,5 points entre le taux objectif des fonds fédéraux et les taux Refi de la Banque centrale européenne, ce qui a fait de l'euro, comme le note justement le rapport précité de la Banque des règlements internationaux, une monnaie d'emprunt à un moment où il n'est pas une monnaie d'investissement ni même une monnaie de placement, fût-ce à court terme ;

- certaines tensions inflationnistes, mal interprétées par les marchés, qui ont fait craindre un resserrement trop important de la politique monétaire et, ainsi, un certain étouffement de la reprise ;

- la plus grande confiance dans la capacité de la Réserve fédérale a garantir la stabilité du dollar et à prévenir les tensions inflationnistes, et ainsi à garantir la parité voire les marges d'appréciation de cette devise.

De plus, l'envolée des prix du pétrole a augmenté les éléments de défiance des investisseurs vis-à-vis des économies des pays de la zone euro. Les économies continentales apparaissent plus vulnérables au développement d'une inflation importée, dont les conséquences sont incertaines en raison des mouvements sociaux engendrés par l'augmentation des prix des produits pétroliers et une hausse des taux d'intérêt apparaît plus probable. L'excédent commercial de la zone a été érodé.

S'agissant du yen, il faut rappeler que la force de cette devise vis-à-vis du dollar tient à ce que le Japon dispose d'un fort excédent des transactions courantes et que les restructurations de l'économie japonaise ont offert des perspectives jugées d'une manière favorable par les investisseurs. Le flux net des investissements est négatif, mais l'est d'une manière moindre que pour la zone euro, ainsi que le montre le tableau ci-dessus. De plus, les facteurs techniques ou conjoncturels ont pu jouer pour expliquer la très bonne tenue du yen, qui s'est même légèrement apprécié par rapport au dollar.

Au chapitre institutionnel, on doit observer qu'il manque de toute évidence à l'euro une dimension politique. Ainsi que l'a rappelé M. Tommaso Padao-Schioppa, membre du directoire de la Banque centrale européenne, le 6 septembre dernier, « au stade actuel de l'intégration européenne, la Banque centrale européenne n'a pas de contrepartie politique avec un vrai profil européen » et la banque n'a aucune maîtrise sur la conjoncture européenne, notamment sur le chômage et la compétitivité, qui sont les handicaps des économies de la zone euro. La conduite de la politique économique reste ainsi atomisée.

Au titre des remarques générales, enfin, on peut rappeler que l'euro reste pour l'instant inachevé, car il n'existe que sous sa forme scipturale ou électronique. Il n'a, contrairement aux autres monnaies, aucune consistance tangible.

Pour l'avenir, la clef du redressement de l'euro est donc dans la confiance que peut inspirer la politique économique des principaux Etats membres de la zone euro. A cet égard, la baisse des prélèvements obligatoires et les efforts déployés en faveur des nouvelles technologies et la modernisation de l'économie, qui traduisent l'ambition d'une croissance forte, durable et saine, sont des éléments positifs.

Même si les efforts de la Présidence française de l'Union européenne ont permis l'émergence d'une coopération internationale pour enrayer une baisse de l'euro, dont le taux de change ne reflétait plus les fondamentaux économiques de la zone euro, on ne saurait envisager un retour de la monnaie européenne à une parité proche de celle de son lancement. En effet, pour les Etats-Unis, un dollar fort permet de contenir les pressions inflationnistes outre-Atlantique et contribue à financer le déficit croissant des transactions courantes en offrant des perspectives sûres et stables aux investisseurs. En revanche, tout changement de perspective serait délicat et risquerait de provoquer un ajustement brutal, à la baisse, du dollar. De plus, s'agissant du Japon, la force du yen est perçue par les observateurs comme l'un des éléments clef de l'adéquation des investissements aux émissions d'obligations, notamment de celles qui sont mises sur le marché par l'Etat pour financer les plans de relance, à un moment où les rumeurs d'une révision à la baisse de la notation des titres de l'Etat japonais par Moody's et Standard & Poor's vont bon train.

II.- UN ÉQUILIBRE DES POLITIQUES BUDGÉTAIRE
ET MONÉTAIRE EN EUROPE QUI N'EST PAS ENCORE REMIS EN CAUSE PAR LE RELÈVEMENT DES TAUX D'INTÉRÊT

A.- UN ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE FAVORISÉ PAR LA CROISSANCE

1.- Une croissance plus forte que prévu contribuant à la poursuite de l'amélioration des comptes publics

La reprise de l'activité au cours du second semestre 1999 dans l'Union européenne a été nettement plus forte que prévu. Au total, la croissance du PIB, atteignant 2,3%, a été supérieure de 0,2 point aux prévisions publiées par la Commission européenne à l'automne 1999.

Pour 2000, les prévisions de printemps de la Commission européenne ont donné lieu à une réévaluation de celles réalisées à l'automne 1999. Ainsi, la croissance dans l'Union à quinze s'élèverait à 3,4%, soit 0,4 point de plus que prévu à l'automne dernier.

Le tableau ci-après décrit l'origine des variations des soldes des administrations publiques dans l'Union européenne.

LES FINANCES PUBLIQUES DE L'UNION EUROPÉENNE

(en % du PIB)

 

Prévisions du printemps 2000

Différence avec les prévisions de l'automne 1999

 

1997

1998

1999

2000

2001

2000

2001

Recettes totales (1)

46,3

46,1

46,6

45,9

45,1

- 0,2

- 0,5

Dépenses totales (2)

48,7

47,6

47,2

46,3

45,5

- 0,4

- 0,4

Solde des admin. publiques (3) = (1) - (2)

- 2,4

- 1,5

- 0,6

- 0,4

- 0,3

0,2

0

Intérêts (4)

5,1

4,7

4,1

3,9

3,7

- 0,1

- 0,1

Solde primaire (5) = (3) + (4)

2,7

3,3

3,5

3,5

3,4

0,1

- 0,1

Solde corrigé du cycle (6)

- 2,0

- 1,2

- 0,2

- 0,5

- 0,6

0

0

Solde primaire corrigé du cycle (6) + (4)

3

3,4

3,9

3,5

3,1

0

- 0,1

Variation du solde des administrations

1,8

0,9

0,9

0,2

0,1

- 0,2

- 0,2

due à : - Cycle

0

0,1

- 0,2

0,4

0,3

0,2

- 0,1

- Intérêts

0,6

0,4

0,6

0,2

0,2

- 0,1

0

- Solde primaire corrigé du cycle

1,2

0,4

0,5

- 0,4

- 0,4

- 0,3

- 0,1

Dette brute

71

69

67,6

65,1

62,6

- 1,2

- 1,2

Pour mémoire :
Solde des admin. publiques EUR-11


- 2,6


- 2


- 1,2


- 0,9


- 0,8


0,3


0,1

Solde primaire EUR-11

2,7

2,8

3,1

3,1

3,1

0,1

0,1

Solde primaire corrigé du cycle EUR-11

3,1

3,1

3,6

3,2

2,9

0,1

0

Source : Commission des Communautés européennes.

Il apparaît qu'en 1999, le besoin de financement des administrations publiques s'est établi à 0,6% du PIB, soit une baisse de 0,9 point par rapport à 1998. Le rythme d'assainissement a ainsi été identique à celui constaté en 1998. Pour l'essentiel, le mouvement observé en 1999 résulte d'une forte progression des recettes publiques, liée à la croissance et à la poursuite du mouvement de maîtrise des dépenses. On notera qu'au sein de la zone euro, le niveau global du besoin de financement des administrations publiques est sensiblement plus élevé que la moyenne des quinze Etats membres (1,2% contre 0,6%). Toutefois, le mouvement de baisse est d'une ampleur presque égale, avec une baisse de 0,8 point de PIB. Si l'on considère que la baisse du solde public avait été de 0,6 point de PIB en 1998, on peut relever que les niveaux de déficits publics au sein de la zone euro étaient plus élevés, mais que le rythme d'assainissement a été plus soutenu en 1999.

Pour 2000, les prévisions les plus récentes de la Commission européenne tablent sur un besoin de financement des administrations publiques de 0,4% du PIB (0,9% dans la zone euro). L'amélioration serait donc modeste par rapport à 1999, avec une réduction de 0,2 point de PIB (0,3 point de PIB dans la zone euro).

Il est vrai que la plupart des Etats membres ont mis l'accent sur des programmes de baisse des impôts qui devraient peser sur l'évolution des recettes publiques. Ainsi, ces dernières diminueraient, en 2000, de 0,7 point de PIB. Si la baisse des dépenses se poursuit, elle ne suffit pas à elle seule à maintenir le même rythme de réduction des déficits que les années précédentes. Selon la Commission européenne, « en 2000, l'amélioration du déficit effectif dans l'Union européenne sera principalement assurée par la composante cyclique et la baisse des paiements d'intérêts ». La baisse du poids du service de la dette continuerait en effet, tout en ayant tendance à se ralentir : les intérêts de la dette ont baissé de 0,6 point de PIB en 1999 et diminueraient de 0,2 point en 2000, pour s'établir à 3,9% du PIB. On rappellera qu'en 1997, les intérêts de la dette publique représentaient 5,1% du PIB communautaire.

2.- Une convergence vers l'équilibre qui se poursuit

Le ralentissement de la diminution du besoin de financement des administrations publiques résulte pour partie du succès même des politiques de convergence et d'assainissement budgétaires. Au fur et à mesure que davantage d'Etats membres s'approchent de l'équilibre des comptes publics, voire dégagent une capacité de financement, les ajustements nécessaires perdent en ampleur.

Selon les prévisions de printemps précitées, le rythme de diminution des soldes publics devrait être de 0,2 point de PIB en 2000 et de 0,1 point en 2001. A cette dernière date, le besoin de financement des quinze Etats membres devrait être d'environ 0,3% du PIB (0,8% au sein de la zone euro). Compte tenu de la qualité de ce résultat d'ensemble - on rappellera que sur la période allant de 1991 à 1995, le besoin de financement moyen a été de 5,1% du PIB -, c'est désormais davantage la situation individuelle de chaque Etat membre ou groupe d'Etats membres qui est significative.

Le tableau ci-après fournit à cet égard une image claire des positions occupées respectivement par chacun d'eux en matière d'assainissement des comptes publics.

CAPACITE (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1997

1998

1999
estimation de

2000
prévision de

2001
prévision de

 

automne 1999

printemps 2000

automne 1999

printemps 2000

automne 1999

printemps 2000

Belgique

- 2

- 1

- 1

- 0,9

- 0,7

- 0,5

- 0,5

- 0,2

Danemark

0,5

1,2

3

3

2,6

2,4

2,6

2,5

Allemagne

- 2,6

- 1,7

- 1,6

- 1,1

- 1,2

- 1

- 1

- 1,4

Grèce

- 4,6

- 3,1

- 1,9

- 1,6

- 1,6

- 1,3

- 1,2

- 0,6

Espagne

- 3,2

- 2,6

- 1,4

- 1,1

- 0,8

- 0,7

- 0,6

- 0,4

France

- 3

- 2,7

- 2,1

- 1,8

- 1,7

- 1,5

- 1,4

- 1,2

Irlande

0,8

2,1

2,9

2

3,1

1,7

3,2

2,7

Italie

- 2,7

- 2,8

- 2,2

- 1,9

- 1,7

- 1,5

- 1,3

- 0,8

Luxembourg

3,6

3,2

2,2

2,4

2,1

2,6

2,1

2,7

Pays-Bas

- 1,2

- 0,8

- 0,4

0,5

- 0,1

1

- 0,2

0,4

Autriche

- 1,9

- 2,5

- 2,2

- 2

- 2,6

- 1,7

- 2,4

- 2

Portugal

- 2,6

- 2,1

- 1,3

- 2

- 1,2

- 1,5

- 1,2

- 1,5

Finlande

- 1,5

1,3

3,5

2,3

4,1

4,1

4,3

5

Suède

- 2

1,9

1,9

1,9

2,2

2,4

2,3

2,9

Royaume-Uni

- 2

0,3

0,6

1,2

1,2

0,9

1,5

0,7

EU-15

- 2,4

- 1,5

- 1

- 0,6

- 0,6

- 0,4

- 0,3

- 0,3

EUR-11

- 2,6

- 2

- 1,6

- 1,2

- 1,2

- 0,9

- 0,9

- 0,8

USA

- 0,9

0

2,2

0,7

2,6

1,3

2,5

1,8

Japon

- 3,4

- 4,6

- 8,2

- 9

- 8,3

- 8,9

- 7,6

-7,9

Source : Commission des Communautés européennes.

En 2000, sept Etats membres dégageraient un solde excédentaire (Danemark, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Finlande, Suède et Royaume-Uni). Leur nombre serait inchangé en 2001, même si ces excédents pourraient être moins forts qu'en 2000 pour le Royaume-Uni et les Pays-Bas, notamment en raison des plans d'allégements de la fiscalité directe.

Deux Etats membres auraient un déficit public en 2000 inférieur à 1% du PIB. Il s'agit de la Belgique et de l'Espagne. Ces pays devraient poursuivre l'amélioration de leurs comptes en 2001.

Enfin, un groupe d'Etat connaît un déficit public supérieur ou égal à 1% du PIB en 2000. Il comprend la France, la Grèce, l'Italie, le Portugal, l'Autriche et l'Allemagne. Pour ces deux derniers Etats, l'exercice 2001 devrait se traduire par une dégradation des comptes publics, sous l'effet notamment de réformes fiscales. En Allemagne, l'augmentation des déficits publics atteindrait ainsi 0,5 point du PIB. Les autres Etats devraient, quant à eux, poursuivre leur mouvement d'amélioration des finances publiques, tout en engageant des réformes de leur fiscalité.

On notera que les prévisions de la Commission européenne sont légèrement différentes de celles résultant de l'agrégation des données figurant dans les programmes de stabilité transmis au début de l'année 2000.

Ainsi, selon ces derniers, les déficits publics seraient plus élevés de 0,3 point de PIB en 2000 et 2001 pour l'ensemble de l'Union (0,2 point pour la zone euro) par rapport aux prévisions de printemps. Selon la Commission européenne, « ces écarts s'expliquent essentiellement par le fait que les prévisions [de printemps] ont intégralement pris en compte les résultats budgétaires 1999 meilleurs que prévus et retiennent un taux de croissance plus élevé ».

Dans l'ensemble, même si les positions relatives des différents Etats membres restent dispersées, il existe ainsi une convergence vers l'amélioration des comptes publics, même si le rythme de cette dernière ralentit. Dans ses prévisions précitées, la Commission européenne fait figurer en bonne place, parmi les facteurs de la vigueur de l'expansion économique en 2000, « la conjonction de conditions monétaires favorables et de la faiblesse de l'euro, d'une part, et d'une orientation budgétaire relativement souple, d'autre part ». Il est malheureusement à craindre - la décision prise le 5 octobre dernier par la Banque centrale européenne le confirme - que les conditions monétaires soient à l'avenir moins propices à la croissance.

B.- UNE POLITIQUE MONÉTAIRE PLUS RESTRICTIVE

1.- Une inversion de tendance en 1999

L'année 1999 a été marquée par un retournement progressif des conditions monétaires. Alors qu'une tendance à la baisse s'était manifestée depuis 1995, contribuant à la reprise économique et allégeant progressivement le poids du service de la dette publique, les taux d'intérêt ont amorcé une remontée à partir de mi-1999.

L'évolution des taux courts a connu plusieurs phases différentes.

Lors du premier trimestre, plusieurs facteurs se sont cumulés pour conduire à une baisse des rendements à court terme, dont notamment le ralentissement de la croissance après la crise asiatique et une inflation très basse dans la zone euro. Aussi, la BCE a décidé, lors de sa réunion du 8 avril 1999, de réduire le taux d'intérêt des principales opérations de refinancement de 50 points de base, le ramenant à 2,5%. Cette décision d'assouplissement de la politique monétaire a contribué efficacement à relancer l'activité et à conforter les anticipations de « trou d'air » du début de l'année 1999.

A partir du mois de juin, la perspective a changé. Les hypothèses de croissance ont été réévaluées, les cours des matières premières ont amorcé une reprise, amplifiée par la baisse de l'euro, tandis que les relèvements successifs des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine ont entraîné une hausse graduelle des taux à court terme. Après avoir laissé inchangé ses taux pendant quelques mois tout en laissant clairement entendre qu'elle se dirigeait vers un resserrement monétaire, la BCE a décidé, le 4 novembre 1999, d'augmenter de 50 points de base ses trois principaux taux d'intérêt. Le taux des opérations principales de refinancement de l'Eurosystème a ainsi été fixé à 3%, annulant la baisse opérée en avril. Cette décision a été justifiée par les inquiétudes sur l'évolution des prix. Le rapport annuel de la Banque de France précise notamment que « la progression de la moyenne mobile sur trois mois des taux de croissance annuels de M3 pour la période allant de juillet à septembre 1999 s'établissait à 5,9%, soit près de 1,5 point de pourcentage au-dessus de la valeur de référence de 4,5%. Les concours au secteur privé ont également continué de s'accroître à un rythme rapide, de plus de 10% en septembre. Le Conseil des gouverneurs a considéré qu'il était important d'empêcher que des conditions de liquidité généreuses se traduisent, à moyen terme, par des tensions sur les prix ».

S'agissant des taux longs, l'année 1999 a également été marquée par de grandes variations, conduisant, d'une part, à l'annulation des effets du repli des taux en 1998 et, d'autre part, à une plus grande convergence des taux au sein de l'Union européenne.

Comme pour les taux courts, les rendements obligataires ont eu tendance à se replier au cours de la première moitié de l'année. En janvier et février, ils ont atteint des niveaux historiquement bas, puis se sont stabilisés dans la zone euro. Aux Etats-Unis, la remontée des taux longs est intervenue plus tôt, en raison des solides perspectives de croissance de l'économie américaine. A partir de juin, les taux européens ont amorcé leur hausse, qui ne s'est pas démentie jusqu'à la fin de l'année. Le rendement de l'OAT dix ans s'est ainsi élevé de 3,88% à 5,48% d'une fin d'année à l'autre.

S'agissant de la convergence des taux au sein de l'Union européenne, l'introduction de l'euro n'a pas entraîné de variation significative des écarts de rendement au sein de la zone euro. Inversement, les écarts entre cette même zone euro et les pays n'y appartenant pas se sont sensiblement réduits.

2.- Un resserrement des conditions monétaires en 2000

Dans ses prévisions économiques de printemps, la Commission européenne estime que « malgré la hausse des taux d'intérêt depuis début 1999, les conditions monétaires et financières restent favorables dans l'Union européenne, ainsi qu'en témoignent des taux d'intérêt réels relativement faibles, une courbe des rendements plus pentue, une bonne compétitivité et l'essor des marchés boursiers ».

La remontée des taux longs a été forte au début de 2000. Ceux-ci ont ensuite eu tendance à se stabiliser. Ainsi, le taux moyen mensuel de l'OAT à 10 ans a fortement cru en janvier dernier, avec 5,66%, contre 5,27% le mois précédent. Il s'est ensuite progressivement replié jusqu'en avril (5,33%) puis s'est repris à environ 5,5 % en mai et s'est globalement stabilisé depuis.

Inversement, la remontée des taux courts ne s'est pas démentie. Depuis novembre 1999, la BCE a en effet procédé à six relèvements du Refi. Celui-ci a été porté de 3% à 3,25% le 3 février, puis à 3,5% le 16 mars et à 3,75% le 27 avril. Après trois augmentations successives de 25 points de base, la BCE a décidé d'accroître plus significativement ce taux, le faisant passer à 4,25% le 8 juin 2000. Le 31 août dernier, ce taux a été porté à 4,5%. A cette date, le principal taux à court terme dans la zone euro avait donc crû de 200 points de base par rapport à août 1999. Récemment encore, le 5 octobre dernier, la Banque centrale européenne a surpris les marchés en portant le Refi à 4,75%, au risque de peser sur la croissance et, en conséquence, d'amoindrir de nouveau la valeur de l'euro (2). Au moment même où quelques signes de ralentissement de la croissance sont perceptibles dans la zone euro, ce nouveau relèvement du coût de l'argent paraît discutable et risqué. Pour l'essentiel, ces décisions sont liées à l'évolution des prix, et notamment de M3. Si le taux de référence fixé par la BCE est de 4,5% de croissance, les moyennes de croissance effectivement enregistrées par cet agrégat sont plus élevées. Ainsi, en juin 2000, le taux de croissance annuel de M3 s'est certes infléchi à 5,4%, contre 5,9% en mai. Toutefois, au deuxième trimestre, la moyenne a été de 6%.

Il n'en reste pas moins que l'inflation sous-jacente reste peu préoccupante et qu'il conviendrait de ne pas tomber dans une rigueur monétaire excessive, avec le risque de porter atteinte à la croissance et à l'emploi.

Comme le rappelle le rapport annuel pour 1999 de la Banque de France, l'objectif principal de la BCE est de maintenir la stabilité des prix. L'article 105 du traité d'Amsterdam précise toutefois que « le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2 ». On notera que parmi les objectifs figurant dans ce dernier est explicitement mentionnée la promotion « d'un niveau d'emploi élevé » et du « progrès économique et social ». La politique monétaire ne peut donc s'abstraire des objectifs généraux de politique économique des Etats membres que sont la croissance et l'emploi.

A cet égard, M. Patrick Artus, directeur des études économiques et financières de la Caisse des dépôts et consignations articule un raisonnement dont les prémisses paraissent corroborées par l'ensemble des observateurs : « Si l'insuffisance de l'offre en Europe était vraiment considérée comme la cause de la faiblesse de l'euro, la BCE devrait accepter de ne pas renchérir le coût du crédit, même dans le cas où la vulnérabilité de la monnaie commencerait à générer de l'inflation (3) »

Il est clair, aux yeux de votre Rapporteur général, qu'une nouvelle hausse du taux de refinancement serait contre productive. Le ralentissement de la dynamique de croissance qui pourrait en résulter ne manquerait pas de nuire à la crédibilité de la BCE et de provoquer de réelles difficultés pour l'euro.

III.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 2001

La Commission économique de la Nation s'est réunie le mercredi 27 septembre 2000, afin d'examiner les budgets économiques pour 2001. Cette séance a été précédée, selon l'usage, par la réunion d'un « groupe technique » destinée à confronter les prévisions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à celles des principaux instituts de conjoncture et d'importantes institutions financières.

S'il fallait qualifier d'un mot le sentiment qui se dégage des débats conduits dans le cadre de cet exercice annuel, votre Rapporteur général dirait qu'à l'inquiétude qui s'était manifestée en septembre 1998 a succédé un optimisme raisonné en septembre 1999 puis une relative sérénité en septembre 2000.

Faut-il conférer à cette succession une dimension logique qui en fasse autre chose qu'une simple juxtaposition mais bien un véritable enchaînement ? En 1998, l'inquiétude était motivée par la crise économique en Asie, la crise financière en Russie, étendue bientôt aux autres marchés émergents, et surtout le « coup de tabac » sur les marchés financiers des pays industrialisés. En 1999, la bonne résistance de l'économie mondiale commandait un optimisme que les faits n'ont, d'ailleurs, pas démenti. En 2000, l'expérience des crises surmontées peut amener à considérer avec sérénité les chocs qui affectent à l'heure actuelle l'économie mondiale - le niveau élevé des prix du pétrole - ou plus spécifiquement les économies de la zone euro - la baisse excessive de l'euro sur les marchés des changes.

Mais les nouveaux problèmes suscitent de nouvelles questions : l'affichage par la direction de la prévision d'une fourchette de croissance plus large qu'à l'habitude (une valeur moyenne de 3,3% encadrée par des valeurs extrêmes de 3% et 3,6%) montre que la sérénité n'est pas exclusive de l'incertitude. D'ailleurs, à partir du thème central du prix du pétrole, les débats du groupe technique ont vu leur horizon géographique resserré : l'analyse de l'évolution des grandes zones a été moins développée que les années précédentes, au profit d'un approfondissement des échanges sur les conditions d'ajustement de l'économie française à son nouvel environnement.

A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL FAVORABLE MALGRÉ DEUX CHOCS D'OFFRE

Depuis plusieurs semaines, l'attention des milieux économiques et de la presse - y compris la presse généraliste - est attirée par le niveau atteint par les prix du pétrole et par la baisse de l'euro vis-à-vis du dollar. Ces évolutions, assurément préoccupantes, ont un impact direct sur le pouvoir d'achat des ménages à travers la consommation de carburants et autres dérivés des produits pétroliers. Elles organisent également une redistribution du pouvoir d'achat mondial au profit des économies des pays producteurs de pétrole et au détriment des pays consommateurs, d'une part, au profit des partenaires de la zone euro et au détriment de celle-ci d'autre part.

Pourtant, les lignes de force qui structurent l'environnement international de l'économie française ne semblent pas être profondément perturbées. Au contraire, entre mars 2000 (4) et septembre 2000, la direction de la prévision a relevé ses évaluations relatives à la croissance mondiale. L'estimation portant sur l'année 2000 est passée de 4% à près de 5%. Le relèvement est similaire pour l'estimation portant sur l'année 2001, puisque la prévision de croissance est passée d'un peu plus de 3% à près de 4%.

Il apparaît donc que les effets des deux chocs d'offre subis par les économies européennes seraient modérés, même s'ils ne sont pas négligeables. Ceci n'élimine pas toutes les interrogations sur les conditions d'équilibre du marché pétrolier.

1.- La baisse de l'euro : un « passage à vide » aux conséquences somme toute limitées

L'euro n'a pas suscité beaucoup de discussions au sein du groupe technique. Il est vrai que la plupart des intervenants voient la monnaie unique européenne se stabiliser, en 2000, autour de 0,92 dollar pour un euro, puis remonter à la parité moyenne de un dollar pour un euro en 2001. Les estimations sont plutôt convergentes, l'écart par rapport à la moyenne n'étant que de 7% sur l'ensemble des participants au groupe technique.

Évidemment, certains conjoncturistes se détachent du lot. Ainsi, BNP-Paribas et le Centre de prévision de L'Expansion sont les plus pessimistes, tablant sur des parités de 0,85 dollar pour un euro et 0,9 dollar pour un euro en 2000 et 2001 pour la banque, d'une part, 0,82 dollar pour un euro et 0,9 dollar pour un euro en 2000 et 2001 pour le journal économique, d'autre part. En sens inverse, le BIPE et le Crédit agricole sont assez allants sur la parité de l'euro. Le premier voit celle-ci s'établir en moyenne à 0,98 dollar pour un euro en 2000 puis 1,08 dollar pour un euro en 2001. Le second estime que l'euro devrait valoir environ 0,96 dollar en 2000 puis 1,13 dollar en 2001.

Les débats n'ont pas permis aux représentants des institutions concernées de faire valoir les raisonnements qui sont sous-jacents à ces estimations. Pour sa part, la direction de la prévision utilise une hypothèse conventionnelle conduisant à retenir une parité de 0,95 dollar pour un euro en 2000 comme en 2001.

En fait, le mutisme quasi complet des participants au groupe technique vient peut-être de ce qu'il reste difficile, à l'heure actuelle, de discerner quelle sera la portée respective, dans le laps de temps qui nous sépare du retour, communément attendu, à l'égalité entre euro et dollar, d'une part, des effets bénéfiques de la baisse de l'euro (une compétitivité accrue des produits européens) et, d'autre part, de ses effets négatifs (un renchérissement des importations favorisant une recrudescence de l'inflation).

Ainsi, M. Marc Touati (Natexis-Banques populaires) souligne que la chute de la monnaie unique constitue bien un choc d'offre : l'intervention concertée des banques centrales occidentales, dans la journée du vendredi 22 septembre, suivie des déclarations des ministres des finances du G 7 le jour suivant, montre qu'un euro faible constitue un risque pour l'économie mondiale et pour la zone euro. Mais la remontée prévisible de l'euro est elle aussi délicate puisque « l'économie allemande, qui profitait le plus de la faiblesse de l'euro au sein de la zone, est déjà en ralentissement ».

De la même façon, l'OFCE relève que la baisse de l'euro a constitué un choc, mais oriente son discours sur les aspects relatifs à la demande : « la baisse de l'euro a eu un impact certain en matière de gains de compétitivité, notamment en Allemagne, mais ceux-ci sont peut-être plus réduits qu'auparavant ». L'OFCE estime, à cet égard, que le principal problème de l'Allemagne est son manque de compétitivité vis-à-vis de ses partenaires à l'intérieur de la zone euro.

On observera, pour finir, que les prévisions de ces deux organismes sur la croissance du PIB en Allemagne en 2001 ne s'écartent guère de la moyenne des conjoncturistes. Celle-ci s'établit à 2,9%, alors que la prévision de l'OFCE fait apparaître le chiffre de 3% et que Natexis penche pour une croissance de 3,1%. Ces évaluations s'inscrivent dans un scénario, largement partagé, de rééquilibrage de la croissance mondiale, qui entraîne un rééquilibrage des valeurs respectives de l'euro et du dollar. En ce sens, le comportement de la monnaie européenne depuis quelques mois relève, selon les participants au groupe technique, d'un passage à vide temporaire qui devrait être bientôt corrigé par une meilleure orientation des fondamentaux européens et une appréciation plus exacte de ceux-ci par les marchés.

Le consensus observé sur la parité future de l'euro n'est pas aussi fort, s'agissant des prix du pétrole et de l'équilibre futur du marché.

2.- Marché du pétrole : un choc surmonté ?

S'il est un diagnostic sur lequel l'ensemble de participants s'accorde, c'est bien que la hausse des prix constatée depuis plusieurs mois est terminée. Mais, relève M. Philippe Gudin (Goldman Sachs), « il reste à savoir si les prix se maintiendront à 30 dollars par baril ou redescendront à 25 dollars par baril ». La dimension politique du marché du pétrole n'est, bien sûr, pas passée sous silence. Pour les Banques populaires, par exemple, l'OPEP joue sa crédibilité dans sa capacité à contrôler la baisse des prix du pétrole.

· Le Centre d'observation économique de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (COE) estime qu'un retournement est très probable et que le prix du pétrole devrait revenir aux environs de 20 dollars par baril au deuxième semestre 2001. Ceci le conduit à retenir une valeur moyenne de 22,3 dollars par baril sur l'ensemble de l'année. En effet, « le déficit d'offre n'est apparu que pendant une période limitée, de la fin de l'année 1999 au début de l'année 2000 ». Selon le COE, « il y a eu à nouveau une offre de pétrole suffisante dès le deuxième trimestre 2000 », comme le montrent les statistiques publiées par l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Dans ces conditions, la croissance continue du niveau des prix pendant le printemps et l'été 2000 - signe que le marché est resté tendu - s'explique par trois facteurs : la reconstitution des réserves aux États-Unis ; le fait que le prix du brent n'est pas représentatif du prix moyen de toutes les qualités de pétrole et qu'il surréagit aux impulsions du marché ; le caractère spéculatif du marché du pétrole, marqué par la présence d'opérateurs purement financiers à côté des opérateurs « physiques » liés au négoce des produits pétroliers.

En définitive, pour le COE, « le pétrole est abondant, donc le choc pétrolier n'est pas une crise pétrolière ; au contraire, on se dirige plutôt vers un nouveau contre-choc ».

Cette opinion n'est pas partagée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui juge que les contraintes pesant sur l'offre sont réelles. D'une part, « les pays membres de l'OPEP dépassent de moins en moins les quotas décidés par l'organisation », d'autre part « il existe des doutes sérieux sur la capacité de l'OPEP d'augmenter vraiment les quantités mises sur le marché. La seule cause éventuelle de diminution des prix serait une réduction, improbable, de la consommation ». En conséquence, la CDC pense que le prix du pétrole devrait se maintenir à 30 dollars par baril environ en 2001.

Le Groupe d'analyse macroéconomique appliquée (GAMA) de l'Université de Paris-Nanterre, animé par M. Raymond Courbis, souhaite attirer l'attention sur un élément mal pris en compte : l'Irak peut désormais exporter du pétrole sans limitations, dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture » appliqué par l'ONU. Même si l'emploi des recettes tirées de la vente de son pétrole reste contraint par ce même programme, l'Irak aurait donc, selon le GAMA, un moyen d'influencer l'offre de pétrole disponible sur le marché, donc les conditions de formation des prix. Compte tenu de cette incertitude, le GAMA ne donne pas d'évaluation du prix du pétrole pour 2000 ou 2001. La direction de la prévision indique avoir pris en compte une production irakienne légèrement inférieure à 3 millions de barils par jour, en ligne avec les tendances observées ces derniers mois.

Elle estime, par ailleurs, que les tensions perdureraient pendant les prochains mois. Son cadrage économique suppose que l'OPEP est en mesure de mettre en _uvre de façon effective le mécanisme d'ajustement de l'offre défini en mars 2000 et complété par les décisions prises en juin 2000. Cependant, les modalités pratiques de son application restent « incertaines ». De plus, le bas niveau des stocks devrait conférer de la volatilité aux prix de marché. La direction de la prévision juge que les statistiques de l'Agence internationale de l'énergie doivent être considérées avec prudence, rejointe en cela par la CDC, qui rappelle que les évaluations des stocks sont différentes selon que la source est l'AIE ou l'OCDE.

Pour BNP-Paribas, le niveau des stocks est sous-évalué par l'AIE : après une phase où ils étaient réellement insuffisants, ils devraient être à nouveau adéquats dès le mois de janvier ou février 2001 et ne devraient donc plus peser sur la formation des prix.

· En dernier ressort, dans un contexte de contraintes sur l'offre et de reconstitution des stocks à partir d'un niveau jugé trop bas, les prix du pétrole devraient se trouver sous l'influence très directe de la demande, dont le COE souligne fort opportunément qu'elle entretient un lien étroit avec la croissance mondiale. Or celle-ci va perdre un point sur l'horizon de projection, passant de 5% en 2000 à 4% en 2001, ce qui laisserait augurer d'une détente significative sur le front des prix : « avec une croissance mondiale de 4% en 1997, le monde avait connu un baril de pétrole à 20 dollars ; cela peut servir de guide pour les évaluations relatives à 2001 ».

BNP-Paribas s'appuie également sur le ralentissement de la croissance mondiale pour envisager un prix du baril s'établissant à 23 dollars environ en 2001, soit un très net retrait par rapport aux 30 dollars attendus en moyenne pour l'année 2000. L'opinion de la banque se fonde sur deux éléments :

- un scénario d'« atterrissage en douceur » de l'économie américaine - la croissance du PIB américain revenant de 5,1% en 2000 à 2,7% seulement en 2001, soit l'évaluation la plus basse parmi les conjoncturistes des institutions financières ;

- un ralentissement en Asie (hors Japon), car, selon le représentant de BNP-Paribas, « les pays asiatiques, consommateurs important de produits pétroliers, sont confrontés à des problèmes analogues à ceux mis en évidence par la crise financière de 1997 : l'endettement excessif des entreprises et un secteur bancaire insuffisamment assaini ».

Il est à noter que BNP-Paribas fournit, par ailleurs, une prévision relativement optimiste pour le Japon, puisqu'avec un taux de croissance évalué à 2,5% en 2001, la banque se situe au-dessus de la moyenne des participants au groupe technique (+ 2%), sans toutefois rejoindre les scénarios les plus élevés, avancés par JP Morgan (+ 2,9%), Goldman Sachs et Natexis-Banques populaires (+ 2,8%). Il ne semble pas que cette prévision ait eu un impact déterminant dans l'évaluation par BNP-Paribas du niveau du prix du pétrole en 2001.

Optimiste sur le Japon, Goldman Sachs l'est aussi sur les États-Unis : avec 4% de croissance prévus en 2001, l'institution financière présente la prévision la plus élevée pour ce pays.

Goldman Sachs est, avec la CDC, le seul organisme qui prévoie une augmentation du prix moyen du pétrole entre 2000 et 2001 : « notre prévision sur le pétrole traduit le fait que notre scénario international est plus optimiste que la moyenne du panel ». Le prix du baril s'établirait ainsi à 30,5 dollars en 2001 après 29,1 dollars en 2000.

Pour les mêmes raisons, la CDC voit le prix du baril passer de 29 dollars en 2000 à 30 dollars en 2001. Au cours de la séance du groupe technique, la représentante de la CDC a même indiqué que l'institution pourrait même avancer, à l'heure actuelle, le chiffre de 32 dollars par baril, car « à la différence des États-Unis, où l'importance des services limite l'impact de la croissance sur la demande de pétrole, la structure de production des pays asiatiques fait que leur demande de pétrole est très sensible à leur taux de croissance. Or la CDC est de plus en plus optimiste sur l'Asie et sur le Japon ».

La direction de la prévision a retenu un scénario fondé sur un certain assouplissement de l'offre, consécutif aux dernières décisions de l'OPEP, conjugué à une modération de la demande, qui découle du ralentissement attendu aux États-Unis et d'une croissance toujours atone au Japon. Pour autant, la direction de la prévision ne néglige pas la fragilité du marché et rappelle qu'« un équilibre relatif n'a été atteint au premier semestre 2000 que grâce à une demande faible. Le niveau réduit des stocks a rendu cet équilibre très vulnérable ». Les dynamiques d'accroissement simultané de la demande et de l'offre suggèrent que la vulnérabilité subsiste à court terme, mais qu'« on ne retrouverait de véritables problèmes dans l'équilibre du marché qu'à la fin de l'année 2001 ».

En conséquence, la direction de la prévision voit le prix du baril de pétrole s'établir à 28,3 dollars par baril en 2000 - niveau inférieur à la moyenne des membres du groupe technique, soit 29,3 dollars par baril - puis descendre à 25,8 dollars par baril en 2001 - niveau similaire à celui de la moyenne du groupe : 25,9 dollars par baril.

Les analystes de la Société générale estiment que le scénario présenté par la direction de la prévision est plausible, mais jugent qu'une hypothèse « haute » doit être retenue, « à titre de prudence ». Ils prévoient ainsi un prix du baril égal à 30 dollars en 2000, puis encore à 29 dollars en 2001. Cette prudence fait écho à la question posée par l'Association française des économistes d'entreprises (AFEDE) : « les éléments permettant d'envisager un ralentissement de la croissance mondiale suffisent-ils à assurer un prix du pétrole de 25 dollars par baril ? Ne faut-il pas considérer aussi l'aval du processus, par exemple le degré d'utilisation des capacités de raffinage et le rythme de construction de nouvelles capacités ? »

Sans que leur lien soit univoque, les perspectives d'évolution du prix du pétrole sont donc intimement liées à l'opinion des experts sur le niveau de la croissance mondiale, notamment aux États-Unis, au Japon et dans la zone euro. Cette opinion renvoie l'image d'une croissance mondiale plus homogène en 2001 que les années précédentes.

3.- Une croissance mondiale plus homogène

Les prévisions macroéconomiques examinées dans le cadre du groupe technique ne comportent pas d'évaluation spécifique de la croissance mondiale. Celle-ci peut être approchée grâce aux estimations fournies par les conjoncturistes pour la croissance du PIB aux États-Unis, au Japon et dans la zone euro (mais les prévisions de croissance pour cette dernière zone n'ont pas été abordées au cours des débats).

· Pour la direction de la prévision, le ralentissement de l'économie américaine est enfin clairement amorcé. L'augmentation du taux d'épargne des ménages, les hésitations des marchés d'actions et la diminution de la demande de logement en sont, pour l'instant, les signes les plus visibles. A l'horizon 2001, l'augmentation des taux d'intérêt pèserait à nouveau sur les effets de richesse et provoquerait un ralentissement durable de la demande en provenance des ménages. Ainsi, l'économie américaine connaîtrait une croissance plus modérée en 2001 (+ 3,1%) après l'excellente performance de l'année 2000 (+ 5,1%).

En moyenne, les instituts de conjoncture sont en accord avec les évaluations présentées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie : ils prévoient eux aussi un taux de croissance de 3,1% en 2001. Cependant, les débats du groupe technique n'ont pas permis d'éclairer les différences importantes masquées par cette moyenne. La vision de la croissance américaine développée par le BIPE - qui la chiffre à 2% seulement en 2001 - doit pourtant être assez différente de celle développée par le COE - qui avance un chiffre de 3,6%.

Pour leur part, les institutions financières sont plus optimistes et affichent un taux de croissance de 3,5% en 2001 pour les États-Unis. Là encore, les différences sont importantes entre l'estimation effectuée par BNP-Paribas (+ 2,7%, qui correspond à l'approche que se fait la banque d'un « atterrissage en douceur ») et celle de JP Morgan (+ 3,9%) ou de Goldman Sachs (+ 4%). Tout en soulignant que l'écart entre sa propre prévision et l'opinion moyenne est désormais inférieur à ce qui pouvait être observé auparavant, Goldman Sachs indique que le scénario sous-jacent est un retour des États-Unis sur le sentier de croissance potentielle. « Même si personne ne sait exactement à quel niveau se trouve la croissance potentielle, notre « 4% » correspond à notre estimation de la croissance potentielle américaine ». L'institution rappelle qu'elle a « toujours été assez optimiste sur les marchés d'actions américains et que, notamment, leur valorisation a toujours été jugée correcte ».

Mais, interpelle l'AFEDE, « quel est le degré de conviction que l'on attache aux chiffres qui sont présentés à propos de la croissance aux États-Unis ? Faible, vraisemblablement... ». L'AFEDE revient sur l'annonce maintes fois répétée et toujours démentie, jusqu'ici, du ralentissement de l'économie américaine : « une fois encore, on fait comme si l'on se trouvait dans le meilleur des mondes possibles : le scénario de ralentissement aux États-Unis est suffisant pour amener une atténuation des tensions inflationnistes, mais il n'est pas trop prononcé, afin de ne pas peser sur les perspectives de profit des entreprises et de ne pas provoquer de chute brutale à Wall Street ! »

Faisant amende honorable, la direction de la prévision concède qu'elle s'est trompée un nouvelle fois, lors de l'exercice précédent, sur les perspectives de l'économie américaine. Ceci s'explique a posteriori par des conditions climatiques favorables qui ont stimulé la demande des ménages, par un mouvement de reconstitution des stocks et par une accélération imprévue de la demande des administrations publiques. De même, l'évolution de la bourse n'a pas eu l'influence modératrice escomptée. Enfin, une révision des séries de comptabilité nationale a modifié l'« instrument de mesure » de la croissance.

Mais au-delà des erreurs récurrentes de prévision - qui ont d'ailleurs été le lot de la majeure partie de conjoncturistes, ces dernières années - se profilent les difficultés réelles à comprendre les ressorts de l'économie américaine.

A partir du constat de la singularité des États-Unis, M. Philippe Lefournier, pour le Centre de prévision de L'Expansion, pose ainsi trois questions essentielles : « la décennie écoulée a été très particulière, puisqu'on n'a pas pu constater de convergence entre les États-Unis et le reste du monde. Il faut, en premier lieu, mieux séparer la tendance du cycle. Pour expliquer le « miracle américain », l'OCDE met en avant l'augmentation de la productivité du travail. Mais, qu'en est-il de la productivité globale des facteurs et que doit-on dire de l'évolution de la croissance potentielle aux États-Unis ? En contrepoint, quel est l'effet du cycle sur les performances passées de l'économie américaine et quels sont les mécanismes sous-jacents au cycle économique ? En second lieu, faut-il considérer que le partage de la croissance entre volume et prix est effectué dans des conditions satisfaisantes ? La multiplication des « indices de prix hédoniques » (1) ne fausse-t-elle pas la mesure des prix, donc, en retour, l'évaluation du volume de la croissance ? »

Sur ce dernier point, M. Michel Devilliers, chef du département de la conjoncture de l'INSEE, a indiqué que les comptables nationaux de l'INSEE se sont interrogés sur les méthodes de comptabilisation des prix. Ces dernières années, l'usage d'indices de prix hédoniques (5) s'est répandu aux États-Unis. Ceci expliquerait peut-être que la mesure du prix des ordinateurs ait chuté de 24% par an sur la période récente, alors qu'en France, l'érosion des prix n'était « que » de 13% par an, même si un effet compensateur dû à l'évolution du taux de change a pu intervenir. Cependant, l'impact sur l'estimation de la croissance du PIB en volume paraît devoir se limiter à 0,1 point de PIB.

Cette appréciation a rencontré un certain scepticisme de la part de M. François Chevalier (Natexis-Banques populaires). Selon lui, la mesure de la formation brute de capital fixe en 1999 en Allemagne aurait donné un taux de croissance en volume de 7% en utilisant les indices de prix habituels en Allemagne, mais 27% en utilisant une méthode fondée sur des indices de prix hédoniques. Mme Michèle Debonneuil, chef du service économique, financier et international du Commissariat général du Plan, a alors fait valoir que le contenu qualitatif du « volume » de la production est particulièrement élevé en matière d'équipements informatiques, qui constituent justement aujourd'hui une fraction importante de l'investissement.

Au-delà de ses aspects techniques, pour le moins ardus, la question de l'utilisation des indices de prix hédoniques et du partage d'un taux de croissance entre volume et prix n'est pas anodine : votre Rapporteur général rappelle, à cet égard, que nombre d'observateurs mettent la baisse de l'euro sur le compte du décalage de croissance entre les États-Unis et l'Europe et de la conviction, chez les décideurs économiques et financiers, que les États-Unis sont beaucoup plus dynamiques que le continent européen au regard du développement des nouvelles technologies et de leur intégration dans le secteur productif.

Or, si l'image que donnent de la croissance les systèmes de comptabilité nationale employés de part et d'autre de l'Atlantique est à ce point divergente, une réappréciation des méthodes comparées de partage entre prix et volume pourrait se révéler utile, permettant de placer la zone euro sous un jour moins défavorable qu'actuellement. Certes, juge Natexis, « choisir la « moins mauvaise façon » d'intégrer l'effet qualité dans le volume de la production comporte une grande part d'arbitraire. Mais il faut s'efforcer de gommer les disparités de méthodes entre pays, qui troublent la comparaison des performances relatives ».

Même mesurées grâce à des méthodes qui suscitent quelques questions, les nouvelles technologies de l'information et de la communication exercent une influence dynamique sur la croissance américaine. Selon Mme Debonneuil, « on pense qu'environ un point de croissance par an est dû à la « nouvelle économie » depuis 1995, aux États-Unis ». La moitié proviendrait d'une augmentation de l'intensité capitalistique - dont la quasi totalité serait liée au développement du secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication - tandis que l'autre moitié relèverait de l'augmentation de la productivité globale des facteurs. Elle se répartirait à part égale entre :

- l'amélioration de l'efficacité résultant de l'utilisation généralisée de l'informatique et des réseaux ;

- les conséquences favorables des autres mutations de l'économie américaine, comme la fluidité du marché du travail ou les réorganisations soutenues au sein du secteur productif.

La quantification des effets de la « nouvelle économie » n'est pas simple. Elle est pourtant nécessaire si l'on souhaite déterminer quel est le sentier de croissance soutenable à moyen terme, qui évite l'apparition puis la propagation de tensions inflationnistes. En relevant que la productivité globale des facteurs a constamment accéléré aux Etats-Unis depuis deux décennies (6), la direction de la prévision s'estime fondée à fixer à un peu moins de 3,5% par an le niveau de la croissance potentielle dans ce pays. Le ralentissement prévu entre 2000 et 2001 ramènerait donc la croissance américaine à des niveaux plus compatibles avec la stabilité des prix à long terme.

Mais est-on sûr que le ralentissement sera si bien encadré ? S'interrogeant sur la dynamique du cycle économique, le Centre de prévision de L'Expansion se demande s'il ne faut pas voir dans l'amplitude et la durée du cycle actuel un « dérèglement de l'offre de crédit ». Alors que le thème d'un krach financier à Wall Street occupait tous les esprits des conjoncturistes participant au groupe technique en 1998 et 1999, bien peu se sont inquiétés, en 2000, de la persistance de comportements financiers déstabilisants. Pourtant, « il y a encore quelques années, pour un dollar produit, l'Amérique émettait 1,2 à 1,3 dollar de dette. Actuellement, pour un dollar produit, l'Amérique émet deux dollars de dette non financière et deux autres dollars de dette financière. Comment dénouer cette accumulation de dettes ? ». Le Centre de prévision de L'Expansion en vient à mettre en doute la compatibilité du scénario de ralentissement en douceur avec un niveau d'endettement jugé excessif du secteur productif américain.

· En liaison avec les surcapacités au sein du secteur productif, l'endettement est également au c_ur des analyses consacrées à l'économie japonaise, ainsi que la lancinante question du relais nécessaire entre demande publique et demande privée. L'opinion du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est, sur le Japon, différente de celle du groupe technique, pris dans son ensemble.

La direction de la prévision envisage un ralentissement de l'économie japonaise, dont le taux de croissance reviendrait de 1,5% en 2000 à 1,3% en 2001. En effet, les incertitudes sur les finances publiques sont de plus en plus vives, la dette atteignant désormais des proportions vertigineuses. Il est donc peu probable que des plans de relance massifs viendront soutenir la croissance comme ils l'ont fait durant les derniers semestres. Enfin, il n'est pas acquis que la demande privée se situe à un niveau suffisant pour assurer le maintien en 2001 du taux de croissance attendu en 2000. La direction de la prévision concède que les derniers résultats des comptes trimestriels peuvent suggérer que l'économie japonaise connaît une impulsion peut-être décisive et que les perspectives afférents à 2001 pourraient à la rigueur, de ce fait, être légèrement améliorées.

Mais, remarque le COE, les comptes trimestriels du Japon sont « difficiles à lire » - en clair, d'une fiabilité douteuse... Il vaudrait mieux, selon le COE, fonder les prévisions sur les données relatives à la production industrielle, « plus claires », qui donnent une image plus dynamique du Japon, notamment à travers l'augmentation des exportations vers l'Asie.

Il est vrai que le COE fait partie du clan des « nippo-optimistes », prévoyant que la croissance passera de 2,1% en 2000 à 2,4% en 2001. Cette augmentation est cependant moins vive que celle proposée par le BIPE, qui voit l'économie japonaise enregistrer une croissance de 2,5% en 2001, d'autant plus remarquable qu'elle succéderait à une performance très médiocre en 2000 : + 1,1% seulement. En moyenne, les participants au groupe technique voient la croissance japonaise passer de 1,8% en 2000 à 2% en 2001.

Certains, comme Goldman Sachs, mettent l'accent sur les signes encourageants qui sont apparus en matière de demande privée : « la consommation devrait poursuivre sa tendance haussière, l'investissement des entreprises devrait rebondir fortement, motivés par une augmentation des profits des entreprises ». Ces organismes estiment, en règle générale, que la demande privée va progressivement suppléer la décélération de la demande publique.

D'autres, au contraire, contestent cette hypothèse. L'AFEDE affirme, par exemple, que le Japon n'a pas fini de régler le problème de ses surcapacités. Or, « la dévalorisation du capital, qui vise à réduire les capacités afin d'augmenter la rentabilité du capital subsistant, est un processus très lent. Il va continuer de peser sur les sous-traitants et les salariés ». il est donc plus raisonnable de conserver un scénario de « croissance modeste plus que de franche reprise ».

Dans la même perspective, le Centre de prévision de L'Expansion remarque qu'« on a fait pour le Japon l'erreur symétrique de celle commise pour les États-Unis : l'annonce d'une reprise prochaine de l'économie japonaise a été constamment déjouée ». Or, « il y a toujours une situation de déflation, comme en témoigne la baisse des revenus nominaux ». Par ailleurs, le rebond de l'investissement récemment observé doit s'apprécier à l'aune des surcapacités importantes qui subsistent encore. La demande publique a donc peu de chance de trouver un relais efficace dans la demande privée. L'année 2001 devrait s'établir en retrait par rapport à l'année 2000.

Ces opinions sont cependant minoritaires au sein du groupe technique, qui prévoit une légère accélération de la croissance japonaise.

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* *

En définitive, l'environnement international exprimé en termes de taux de croissance du PIB resterait, en 2001, dans une configuration favorable.

Le ralentissement américain permettrait d'apaiser les tensions inflationnistes mondiales alimentées par la vigueur des exportations en direction des États-Unis et par la hausse du prix du pétrole. Dans le compte prévisionnel de la direction de la prévision, cet effet est accru par l'hypothèse conventionnelle de fixité du taux de change. La croissance au Japon resterait modeste, mais se maintiendrait à un niveau élevé dans la zone euro (+ 3,4% en 2000 comme en 2001). La légère différence d'appréciation entre le groupe technique et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur ces deux dernières zones (7) ne traduit pas un défaut de prudence de la direction de la prévision : celle-ci estime que la demande mondiale adressée à la France augmentera de 7,3% en 2001, chiffre inférieur à l'estimation de 7,8% proposée par les participants au groupe technique.

La resynchronisation - encore imparfaite - des principales économies mondiales permet donc d'envisager pour l'économie française des performances similaires à celles des années précédentes.

B.- UNE ÉCONOMIE FRANÇAISE DYNAMIQUE, QUI RATTRAPE ENFIN SON RETARD DE PRODUCTION

Selon la direction de la prévision, l'économie française connaîtrait en 2001 une croissance quasiment égale à celle attendue pour 2000 : + 3,3% au lieu de + 3,4%. Cette évaluation semble être partagée par les participants au groupe technique : en moyenne, ceux-ci prévoient une croissance de 3,2% en 2001, après 3,4% en 2000.

Pourtant, la convergence relative sur l'agrégat global que constitue le PIB masque une divergence significative sur la composition de cet agrégat et les contributions respectives à la croissance de la consommation et de l'investissement. Cette différence d'appréciation sur l'équilibre du PIB renvoie au mécanisme de détermination des salaires et à son rôle dans les modalités d'ajustement de l'économie.

1.- Une croissance toujours vigoureuse en 2001

· Le scénario de la direction de la prévision repose sur « deux idées fortes ». En premier lieu, « les ressorts de la croissance sont solides et s'appuient toujours sur le cercle vertueux emploi-revenu-consommation ». Après une normalisation des conditions de la croissance au premier semestre 2000, celle-ci devrait revenir sur une tendance plus élevée au second semestre, pour atteindre + 3,5% en rythme annuel ; la croissance devrait enfin s'atténuer légèrement en 2001, en se maintenant cependant au niveau respectable de 3,4%.

En second lieu, « les tensions internationales seraient limitées et réversibles ». Un environnement international plutôt favorable, décrit ci-avant, conduirait notamment à réduire les tensions financières, sur les marchés monétaire et obligataire. Ainsi, selon la direction de la prévision, « on gagnerait au niveau des taux d'intérêt ce que l'on perdrait au niveau des exportations destinées aux États-Unis ». L'indice des prix à la consommation reviendrait d'ailleurs de + 1,5% en 2000 à + 1,3% en 2001.

La demande des ménages serait soutenue par trois éléments :

- l'augmentation de l'emploi, notamment à travers la généralisation du processus de réduction du temps de travail (RTT). Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie évalue ainsi à près de 7 millions le nombre de salariés couverts par un accord RTT à la fin de l'année 2001, au lieu de 4,9 millions environ à la fin de l'année 2000. Les créations d'emploi, « nettes des effets d'aubaine », s'élèveraient alors à près de 250 000 en nombre cumulé sur la période 1999-2001. Pour autant, « il n'y aurait pas de hausse sensible des coûts de production, grâce aux compensations résultant des aides publiques prévues par la loi ». Sur la période 2000-2001, l'emploi total progresserait de près de 900 000 unités ;

- la hausse des revenus d'activité, qui résulterait, en particulier, d'une accélération sensible du salaire réel par tête. En effet, celui-ci progresserait de 1,8% en 2001 au lieu de 0,6% en 2000. Au total, le pouvoir d'achat de la masse salariale dans le secteur privé progresserait de 4,3% en 2001 après 3,9% en 2000 ;

- l'impact favorable des baisses d'impôt sur le pouvoir d'achat du revenu disponible brut. La poursuite de la consolidation des finances publiques permet tout à la fois de ramener le déficit des administrations publiques à 1% du PIB en 2001 (hors prise en compte de la vente des licences UMTS), de réduire de près d'un point de PIB la part des dépenses publiques dans le PIB et de poursuivre le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires. Les mesures déjà adoptées par le Parlement ou proposées par le Gouvernement auraient un impact équivalent à un peu plus d'un point de PIB en 2000 et près de 0,75 point de PIB en 2001. Les finances publiques peuvent ainsi contribuer à compenser le prélèvement supplémentaire sur le revenu des ménages que représente la forte augmentation récente des prix.

Selon la direction de la prévision, les ressources nouvelles dont bénéficieraient les ménages en 2000 n'auraient pas pour effet de renverser les tendances prévisibles pour l'investissement en logement : les effets de la baisse de TVA sur les travaux et les répercussions des tempêtes de l'hiver 1999-2000 iraient s'amenuisant, et les nouveaux projets d'accession à la propriété seraient retardés par la nécessité d'« absorber » la vague importante des années 1999 et 2000.

Enfin, la légère remontée du taux d'épargne - qui passerait de 15,9% à 16,1% du revenu disponible brut - ne serait pas un obstacle à l'accroissement très sensible de la consommation des ménages. Celle-ci constituerait le principal moteur de la croissance et progresserait de 3,5% en 2001 après 2,7% en 2000.

Cet enchaînement montre que l'économie française manifeste une bonne capacité de résistance à l'inflation importée, soit du fait du choc pétrolier, soit du fait du niveau excessivement bas de l'euro. Pour la direction de la prévision, « les ménages comme les entreprises font preuve de retenue vis-à-vis de l'inflation importée ». Par rapport aux prévisions effectuées au mois de mars 2000, l'évolution des prix du pétrole pourrait justifier une aggravation de l'inflation de 0,2 point en 2000 puis 0,4 point en 2001 ; la baisse de l'euro constituerait un facteur aggravant à hauteur de 0,2 point chaque année.

Mais le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souligne l'influence de facteurs modérateurs nombreux et puissants. L'absence de dérapage des salaires nominaux par tête se conjugue ainsi à un renversement de l'évolution des termes de l'échange entre 2000 et 2001. En 2000, les termes de l'échange se dégradent de 2,5 points au total, mais les échanges de produits manufacturés ne sont pas concernés, selon les dernières informations disponibles. En effet, on constate que le prix des importations de produits manufacturés stagnent ou diminuent au premier semestre 2000, ce qui suggère que les exportateurs étrangers compriment leurs marges commerciales. En 2001, le reflux anticipé pour les prix du pétrole réduirait les tensions inflationnistes et procurerait un gain de 0,5 point au total sur l'ensemble des termes de l'échange.

De plus, deux facteurs communs à la France et à l'Europe modèrent les tensions inflationnistes : le renforcement de la concurrence dans les industries et les services de réseau, la généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Plus spécifiques à la France, la diminution envisagée du taux d'utilisation des capacités de production et l'effet favorable des baisses d'impôts indirects apportent également une contribution essentielle au maintien de la stabilité des prix.

· Alors qu'il rejoint l'opinion du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'évolution de l'inflation, à quelques nuances près (8), le groupe technique s'en détache quasi unanimement pour ce qui est du rôle de la consommation dans la croissance française en 2001.

Pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la consommation devrait apporter 1,9 point à la croissance en 2001. Pour les instituts de conjoncture, cette contribution ne serait que de 1,6%. Pour les institutions financières, elle se réduirait même à 1,5%.

En revanche, la formation brute de capital fixe contribuerait à la croissance hauteur de 1,2 point pour les institutions financières, à hauteur de 1,1 point pour les instituts de conjoncture et à hauteur de 0,9 point pour la direction de la prévision. Indépendamment des divergences - au demeurant légères - qui peuvent apparaître entre ces trois groupes d'institutions sur les contributions respectives du commerce extérieur, de la consommation des administrations publiques ou de la variation des stocks, c'est bien sur l'arbitrage entre consommation et investissement que se focalisent les différences entre les scénarios.

Pourtant, chacun s'accorde à reconnaître que l'investissement devrait être vigoureux en 2001. Pour la direction de la prévision, « le taux de croissance de l'investissement des entreprises passerait de 6,6% en 2000 à 6,9% en 2001, ce qui reflète pour l'essentiel la réaction des entreprises à la vigueur de la demande interne. L'effet autonome des nouvelles technologies de l'information et de la communication est assez limité ».

L'OFCE indique que « notre dynamique en France est portée par l'investissement. Il existe clairement un effet « nouvelle économie » sur le rythme de l'investissement ». Le COE voit l'investissement se poursuivre de façon soutenue en 2001, car « il existe toujours des goulots d'étranglement dans certains secteurs, alors que l'investissement informatique devrait retourner à la normale, après les dépenses occasionnées par le passage de l'an 2000 ». Le COE prévoit d'ailleurs un taux de croissance de l'investissement des entreprise égal à 8,7%, dépassé seulement par la prévision du BIPE, qui s'établit à + 10,6%. L'AFEDE craint, certes, que le débat économique sur les conséquences de la hausse du prix du pétrole ne rejaillissent de façon défavorable sur le comportement d'investissement des entreprises. Mais, selon l'AFEDE, « le fait que le coût du crédit n'augmente pas en 2001 est une bonne nouvelle pour elles. De même, il existe une base plus forte qu'auparavant à l'investissement des entreprises : la nécessité de répondre au choc technologique de l'informatique et des réseaux ».

En fait, estime un membre du groupe technique, « il y a un problème dans le bouclage du compte de la direction de la prévision ». La vigueur de la consommation « est l'un des points centraux du scénario. C'est aussi l'un des points les plus fragiles et les plus discutables. En fait, l'économie française bute sur les limitations de ses capacités de production. Or, comment contenter tout le monde et prévoir simultanément une accélération du salaire réel moyen par tête, une augmentation du taux de marge des entreprises, une augmentation du prélèvement pétrolier, une augmentation de la pression fiscale, via la contribution sociale sur les bénéfices et la taxe générale sur les activités polluantes ? Il existe beaucoup d'éléments qui contribuent à « pincer » les marges des entreprises. Dans ces conditions, est-il légitime de prévoir que l'investissement ne ralentira pas, mais au contraire accélérera légèrement ? » En définitive, selon cet intervenant, « le scénario de la direction de la prévision repose sur la conjugaison improbable de tous les facteurs favorables ».

Les conjoncturistes ne s'étonnent donc pas in abstracto du niveau de l'investissement avancé par la direction de la prévision pour les entreprises, mais s'interrogent sur la présence simultanée dans le compte prévisionnel d'une consommation et d'un investissement également vigoureux. C'est bien ainsi qu'il faut entendre la remarque de l'AFEDE, pour qui « les entreprises ne comprennent pas le changement de perspective. On leur avait expliqué que l'avènement de l'euro leur amènerait un peu plus de stabilité à moyen terme : elles constatent que la situation du change aujourd'hui a peu de choses à envier à la période précédente. Dans ces conditions, afficher une augmentation du salaire réel par tête égale à 1,8% en 2001 est pour le moins maladroit et ne fait que renforcer l'incertitude, donc grever potentiellement les comportements d'investissement ».

Le débat sur l'investissement, indissociable du débat sur la consommation, renvoie donc à un débat sur le revenu. L'opinion moyenne du groupe technique rejoignant celle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'évolution de l'emploi salarié et de l'emploi total, ce débat sur le revenu devient un débat sur les salaires.

2.- Le mécanisme de formation des salaires annonce-t-il de nouvelles contraintes pour l'économie française ?

Si tous les participants du groupe technique ont souhaité relativiser l'impact de la hausse des prix du pétrole subie par les économies européennes et par l'économie française en particulier, tous se sont aussi interrogés sur la capacité du secteur productif à absorber sans dommage le prélèvement supplémentaire ainsi créé, donc, notamment, à éviter une contagion salariale susceptible de donner naissance à un processus auto-entretenu.

« Le choc ne représente jusqu'ici qu'un petit tiers des chocs précédents », estime la Société générale, ou encore « moins d'un demi point de PIB », selon l'OFCE. D'ailleurs, pour ce dernier organisme, « la hausse du prix du pétrole était bien anticipée et l'année 1999, qui sert de base aux comparaisons, était peu significative en matière de prix ». Dans ces conditions, à la Société générale qui demande quelle peut être la décomposition de l'impact de ce « choc » (« combien dans la consommation des ménages ? combien ailleurs dans l'appareil productif ? »), l'OFCE répond que « la transmission en termes de croissance est similaire aux chocs précédents » - toutes proportions gardées - mais que, « dans un contexte de désinflation et de désindexation salariale, on peut penser que la transmission en termes d'inflation est sensiblement inférieure ».

· Pourtant, « la direction de la prévision est assez « allante » sur les salaires » estime Goldman Sachs. Au passage, l'institution financière s'interroge sur la compatibilité d'une telle hypothèse avec la vigilance manifestée par la Banque centrale européenne sur les questions salariales et sur ses réactions potentielles aux développements salariaux suggérés par le compte prévisionnel de la direction de la prévision.

Pour le COE, « l'accélération des salaires réels par tête dans le compte de la direction de la prévision suggère qu'un « contre la montre » s'est engagé entre les salaires et la bouffée d'inflation résultant de la hausse des prix du pétrole ». Le COE s'interroge sur la prise en compte du processus RTT dans le scénario développé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, les accords conclus dans le cadre de ce processus, notamment leurs dispositions intéressant les salaires, sont pluriannuels et devraient donc contribuer à la modération salariale en 2001 et ce, d'autant plus que la dynamique des accords a été relancée au premier semestre 2000 à la suite de l'entrée en vigueur de la seconde loi.

Goldman Sachs estime cependant que le processus de réduction du temps de travail et ses conséquences salariales ne peuvent suffire à garantir une modération suffisante des revenus salariaux : « on peut voir dans d'autres pays une grande modération salariale, alors qu'il n'y a pas partout la mise en place des « trente-cinq heures » ».

En fait, indique la direction de la prévision, l'impact du processus RTT sur la fixation des salaires a deux dimensions : il faut distinguer, d'une part, l'effet modérateur découlant de l'expectative des entreprises dans l'attente des négociations avec les syndicats et du passage effectif aux 35 heures et, d'autre part, l'effet modérateur découlant de la mise en _uvre des accords conclus dans le cadre du processus RTT.

Les plus récentes études de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'emploi et de la solidarité montrent qu'à la fin du premier semestre 2000, 50% des accords intègrent un gel des salaires par tête sur deux ans, 30% des accords intègrent un gel des mêmes salaires sur 30 mois ou plus et les 20% restants ont des caractéristiques très diverses. La direction de la prévision a souhaité retenir l'hypothèse d'un gel des salaires réels par tête sur un an.

Mais le processus RTT a mécaniquement un impact à la hausse sur le coût du travail, qui résulte des bonifications liées au complément d'heures supplémentaires pour les entreprises qui conservent une durée hebdomadaire du travail comprise en 36 et 39 heures. La direction de la prévision a choisi de retenir l'hypothèse que 75% des bonifications sont prises sous forme de complément de salaire et 25% sont prises sous forme de repos supplémentaire.

En définitive, selon la direction de la prévision, l'effet de modération (- 0,2 point en 2000 et 2001) est intégralement compensé par l'effet de bonification, conduisant ainsi à un impact global du processus RTT neutre sur le salaire moyen par tête.

· Il faut donc chercher ailleurs que dans le processus RTT la subtile alchimie qui permet aux salaires d'absorber le prélèvement inflationniste extérieur tout en évitant de faire entrer l'économie française dans une spirale d'inflation contre laquelle les gouvernements ont lutté depuis bientôt vingt-cinq ans.

La position des conjoncturistes peut être résumée d'une phrase : les mutations à l'_uvre dans les mécanismes de fonctionnement des marchés, notamment du marché du travail, ont amélioré la flexibilité salariale et réduit les possibilités de diffusion d'une hausse des prix vers les salaires.

Goldman Sachs affirme par exemple que « pour nous, la « nouvelles économie » est la conjugaison de la transformation du marché du travail et des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Or, l'impact de ces nouvelles technologies est encore peu perceptible en Europe. Dans ces conditions, notre approche de la nouvelle économie relève uniquement des transformations du marché du travail. A cet égard, une rupture franche apparaît en 1996, qui entraîne une déconnexion entre l'évolution du chômage et l'évolution des salaires ». Ainsi, pour cette institution financière, « les modalités actuelles d'ajustement sur le marché du travail réduisent l'apparition des tensions et valident notre scénario qui prévoit que la hausse ponctuelle des prix à la consommation due aux prix du pétrole ne se diffuse pas aux salaires ».

Le même état d'esprit prévaut au BIPE, qui concède que « le choc pétrolier reste un prélèvement extérieur sur l'économie », mais ajoute que « les nouvelles technologies de l'information et de la communication contribuent à en amortir les conséquences ». Du reste, « la « nouvelle économie » doit être considérée comme l'adjonction des nouvelles technologies de l'information et de la communication et des modifications structurelles constatées dans le fonctionnement de tous les marchés », ce qui peut se traduire par le fait que « la courbe de Phillips (9) a connu deux translations vers le bas : à la fin des années quatre-vingt, à la suite de la mise en place du marché unique européen ; à la fin des années quatre-vingt-dix, avec la généralisation d'un nouvel environnement économique, dont font partie les nouvelles technologies de l'information et de la communication ».

Il convient de noter que, malgré sa conceptualisation efficace de la « nouvelle économie », le BIPE s'approche de la prévision gouvernementale en matière d'évolution du pouvoir d'achat du salaire moyen par tête : celui-ci croîtrait de 1,7% en 2001 après 1,6% en 2000, alors que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avance le chiffre de 1,8% en 2001 après 0,6% en 2000.

La similarité des évaluations est effectivement troublante, compte tenu de la distance qui sépare la flexibilité accrue, façon « nouvelle économie », qui sous-tend le discours du BIPE et l'appel à des mécanismes classiques d'indexation et d'arbitrage salaires-chômage dans le cas de la prévision gouvernementale.

La direction de la prévision indique, tout d'abord, qu'elle prévoit une accélération sensible des salaires dès le second semestre 2000, du fait d'une indexation de ceux-ci sur les prix et de la prise en compte de l'influence du chômage sur la détermination des salaires. Pour la direction de la prévision, en effet, « il existe un fort lien à court terme entre les prix de détails et l'évolution des salaires ». Par ailleurs, même si « la courbe de Philipps a un faible pouvoir explicatif depuis quelque temps car beaucoup de chocs ont été non anticipés », le niveau et l'évolution des salaires restent influencés par le niveau et l'évolution du chômage.

Faut-il craindre pour autant une résurgence inflationniste ? Non, répond la direction de la prévision, car l'augmentation du pouvoir d'achat salaire moyen par tête n'est pas représentative d'un « dérapage ». L'augmentation des coûts salariaux unitaires devrait rester inférieure à 2% par an, dans le cadre d'un scénario qui table sur le simple achèvement de la résorption du retard français en matière de croissance.

En définitive, pour la direction de la prévision, le processus d'ajustement des salaires :

- est peu influencé par la réduction du temps de travail ;

- n'est pas affecté par la hausse des prix à la consommation résultant de la hausse des prix du pétrole, du fait de la persistance de mécanismes d'indexation ;

- est dynamisé par l'évolution de l'emploi et du chômage ;

- n'a pas de conséquences inflationnistes car l'économie française va à peine finir de combler son retard de demande conjoncturel.

Ce raisonnement a suscité plusieurs questions de la part du Centre de prévision de L'Expansion : « le recours à la courbe de Phillips ne va-t-il pas à l'encontre de l'idée, largement répandue que le NAIRU (10) est en diminution ? Le chômage conjoncturel disparaît-il en 2001 ? Quelle est l'estimation que fait la direction de la prévision de la croissance potentielle de l'économie française ? »

Sur la base d'un NAIRU évalué à près de 9% et d'une hypothèse de stabilité des gains de productivité globale des facteurs, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie estime que la croissance potentielle était d'environ 2¼% il y a quelques années, puis s'établit à 2,5% environ, à l'heure actuelle, du fait de l'accumulation du capital. Cette évaluation ne prend pas en compte les modifications des marchés de produits ni l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Que penser des perspectives tracées en matière de détermination des salaires par la direction de la prévision ? A court terme, c'est-à-dire à l'horizon du présent projet de loi de finances, il faut saluer le « pilotage fin » des prélèvements obligatoires mis en _uvre par le Gouvernement : l'allégement consenti au profit des ménages est en effet suffisamment important et concentré sur les bas revenus pour que, comme le souligne la direction de la prévision, « la diminution du coin fiscalo-social sur le travail élargisse le potentiel d'offre de l'économie française » et écarte la menace d'une dérive inflationniste et d'un déséquilibre trop prononcé du marché du travail. Il est aussi suffisamment mesuré pour que les tensions résiduelles sur le marché du travail assurent, par l'intermédiaire de la relation de Phillips, une valorisation significative des salaires réels, aussitôt transformée en consommation et recyclée dans le circuit de la croissance.

A moyen terme, cependant, la question des capacités d'offre de l'économie française se posera en termes plus vifs. La réapparition au premier plan d'une courbe de Phillips pour expliquer la progression sensible du salaire réel moyen par tête signale avec force que les conditions de formalisation de la politique macroéconomique devraient se compliquer à l'avenir et que la réalisation de l'équilibre entre offre et demande sera peut-être plus exigeante.

Pour l'heure, tout alarmisme apparaît comme totalement déplacé. D'ailleurs, les prévisions de la plupart des membres du groupe technique s'accordent, à 0,1 ou 0,2 point près, avec l'évaluation proposée par le Gouvernement pour la diminution du déficit public entre 2000 et 2001 et pour le niveau de ce même déficit en 2001. Si Morgan Stanley, la Société générale ou Rexecode se montrent particulièrement pessimistes - avec un déficit public égal, respectivement, à 1,5% du PIB, 1,3% du PIB et 1,4% du PIB - d'autres organismes sont bien plus optimistes : le BIPE prévoit ainsi un déficit public limité à 0,4% du PIB en 2001, alors que JP Morgan envisage un niveau de 0,7% du PIB.

Sans vouloir recourir abusivement au paradoxe, votre Rapporteur général trouve à cette harmonie comme à ces différences - bien équilibrées - toute raison de croire à la pertinence du cadrage macroéconomique associé par le Gouvernement au projet de loi de finances pour 2001.

graphique

EXTRAITS DES SCÉNARIOS MACRO-ÉCONOMIQUES PRÉSENTÉS PAR LES PRINCIPAUX ORGANISMES DE PRÉVISION

(septembre 2000)

 

Budgets éco.

BIPE

CDC

COE

GAMA

Rexecode

OFCE

AFEDE

Expansion

 

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

A.- Environnement international

                                   

Prix du pétrole (dollars par baril)

28,3

25,8

25,6

22,8

29,0

30,0

28,4

22,3

-

-

28,2

25,0

28,6

26,5

30,0

25,0

32,0

27,0

Taux à 10 ans aux États-Unis (%)

-

-

6,90

6,50

6,10

6,00

6,20

5,90

-

-

6,10

6,00

6,10

5,80

5,90

5,80

5,70

5,50

Croissance du PIB aux États-Unis (a)

5,1

3,1

4,5

2,0

5,2

3,2

5,6

3,6

-

-

5,2

3,0

5,2

3,2

5,2

3,4

5,2

3,2

Croissance du PIB au Japon (a)

1,5

1,3

1,1

2,5

1,8

2,0

2,1

2,4

-

-

1,8

2,0

2,0

1,2

1,8

1,6

1,5

1,0

Cours de change euro/dollar

0,95

0,95

0,98

1,08

0,93

0,93

-

-

-

-

0,94

1,00

0,92

0,96

0,90

1,05

0,85

0,90

Demande mondiale à la France (a)

9,3

7,3

-

-

-

-

10,4

8,4

-

-

12,9

8,0

10,4

9,0

-

-

11,5

8,7

B.- Zone euro

                                   

Taux à 10 ans en zone euro (%)

-

-

5,90

6,10

5,30

5,60

5,50

5,40

-

-

5,50

5,60

5,30

5,20

5,40

5,30

5,40

5,30

Indice des prix à la consommation (a)

1,8

1,9

1,8

1,5

2,2

1,9

2,0

1,5

-

-

2,3

2,0

2,3

1,8

-

-

2,2

2,2

Croissance du PIB en zone euro (a)

3,4

3,4

3,5

3,6

3,4

3,1

3,5

3,4

-

-

3,4

3,0

3,5

3,4

3,4

3,1

3,4

3,3

Croissance du PIB en RFA (a)

3,0

3,1

3,1

3,6

3,0

3,1

3,2

3,4

-

-

3,2

3,0

3,1

3,0

3,0

3,0

3,3

3,2

C.- Équilibre des biens et services (a)

                                   

Croissance du PIB en France

3,4

3,3

4,0

3,9

3,3

3,1

3,3

3,2

3,0

2,9

3,4

2,9

3,5

3,7

3,3

3,2

3,2

3,0

Consommation des ménages

2,7

3,5

3,1

3,2

2,6

2,8

2,5

2,9

2,5

3,1

2,6

2,5

2,8

3,3

2,6

3,0

2,4

2,8

Investissement des entreprises

6,6

6,9

9,5

10,6

6,7

7,8

7,1

8,7

6,9

5,7

6,6

6,4

7,2

7,8

7,1

7,6

7,2

7,9

Investissement des ménages

6,2

0,9

3,0

-1,0

6,6

3,7

6,1

1,9

4,2

3,1

6,2

1,7

7,1

6,7

6,5

4,3

7,0

6,0

Importations

12,6

7,6

9,0

7,2

12,7

6,4

11,6

8,2

10,8

6,6

13,3

8,4

12,9

8,4

12,3

7,7

12,9

9,7

Exportations

12,2

7,7

8,8

7,0

12,4

6,2

10,9

7,0

9,9

5,6

12,9

8,0

12,4

8,2

12,2

7,5

12,0

8,4

Variation des stocks (b)

0,2

0,0

0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

0,2

0,1

-0,1

0,1

0,1

0,1

0,3

0,1

0,0

0,3

0,0

D.- Prix, salaires, emploi (a)

                                   

Emploi salarié

3,2

2,5

3,1

2,5

3,2

2,2

3,2

2,4

-

-

2,6

1,6

3,7

3,4

-

-

3,5

3,0

Emploi total

2,4

1,8

2,4

1,8

-

-

2,1

1,6

-

-

2,3

1,4

2,7

2,5

2,3

2,2

-

-

Indice des prix à la consommation (moy. ann.)

1,5

1,3

1,3

1,2

1,6

1,5

1,6

1,0

1,6

1,4

1,7

1,8

1,4

1,1

1,7

1,2

1,7

1,5

Pouvoir d'achat du SMT (moy. ann.) (c)

0,6

1,8

1,6

1,7

-

-

0,1

1,2

-

-

-

-

0,2

1,2

-

-

-

-

Pouvoir d'achat du RDB (d)

2,8

3,7

3,0

3,2

2,6

2,4

2,6

2,9

-

-

2,5

2,8

2,3

3,0

2,4

2,7

2,3

2,6

E.- Comptes d'agents

                                   

Taux d'épargne ménages (%)

15,9

16,1

15,7

15,5

15,5

15,3

15,9

15,9

-

-

15,9

16,1

15,5

15,3

15,5

15,2

15,7

15,5

Taux de marge des entreprises (%)

32,7

32,9

39,8

40,4

-

-

31,9

32,0

-

-

32,0

32,3

39,9

40,2

32,8

33,1

-

-

Capacité de financement des administrations (e)

-1,4

-1,0

-1,0

-0,4

-1,4

-1,2

-1,4

-1,2

-

-

-1,5

-1,4

-1,5

-0,9

-1,5

-1,2

-1,4

-1,2

Capacité de financement de la Nation (e)

1,8

2,1

2,6

2,8

-

-

2,0

2,1

-

-

-

-

1,4

1,3

1,5

2,0

-

-

(a) Taux de croissance annuelle, en %. (c) SMT : salaire moyen par tête. Taux de croissance, en %.

(b) Contribution à la croissance du PIB, en point de PIB. (d) RDB : revenu disponible brut des ménages. Taux de croissance, en %. (e) En % du PIB.

B.I.P.E. : Bureau d'informations et de prévisions économiques. REXECODE : Centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises.

C.D.C : Caisse des dépôts et consignations. G.A.M.A. : Groupe d'analyse macro-économique appliquée (CNRS et Université de Paris-Nanterre).

O.F.C.E. : Observatoire français des conjonctures économiques. C.O.E. : Centre d'observation économique (Chambre de commerce et d'industrie de Paris).

A.F.E.D.E : Association française des économistes d'entreprises. Expansion : Centre de prévision de L'Expansion.

graphique

EXTRAITS DES SCÉNARIOS MACRO-ÉCONOMIQUES PRÉSENTÉS PAR LES PRINCIPALES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

(septembre 2000)

 

Budgets économiques

Société générale

BNP-Paribas

Crédit Lyonnais

Crédit Agricole

JP Morgan

Morgan Stanley

Goldman Sachs

Natexis

 

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

A.- Environnement international

                                   

Prix du pétrole (dollars par baril)

28,3

25,8

30,0

29,0

30,0

23,0

30,0

25,0

29,2

24,9

30,0

25,0

29,5

27,3

29,1

30,5

30,0

25,0

Taux à 10 ans aux États-Unis (%)

-

-

6,10

5,60

5,80

6,00

6,00

5,80

6,30

5,40

6,10

6,50

6,00

6,30

6,20

6,30

5,90

5,60

Croissance du PIB aux États-Unis (a)

5,1

3,1

5,2

3,3

5,1

2,7

5,2

3,4

4,9

3,2

5,3

3,9

5,3

3,7

5,1

4,0

5,0

3,5

Croissance du PIB au Japon (a)

1,5

1,3

2,0

2,6

1,7

2,5

1,8

1,6

1,4

1,2

2,2

2,9

1,7

0,2

1,7

2,8

2,2

2,8

Cours de change euro/dollar

0,95

0,95

0,92

0,95

0,82

0,90

0,92

1,05

0,96

1,13

0,92

0,95

0,94

1,00

0,93

1,00

0,88

1,00

Demande mondiale à la France (a)

9,3

7,3

8,8

7,9

-

-

9,5

8,0

10,5

8,2

9,0

7,0

7,7

6,0

-

-

7,0

6,5

B.- Zone euro

                                   

Taux à 10 ans en zone euro (%)

-

-

5,50

5,70

5,20

5,30

5,40

5,30

5,20

5,00

5,30

5,20

5,40

5,40

5,40

5,50

5,40

5,20

Indice des prix à la consommation (a)

1,8

1,9

2,2

1,9

2,3

1,8

2,2

1,8

2,2

1,7

2,1

1,6

2,3

2,2

2,1

1,5

2,3

2,0

Croissance du PIB en zone euro (a)

3,4

3,4

3,4

3,2

3,6

2,8

3,4

3,1

3,5

3,0

3,6

3,7

3,5

3,0

3,5

3,0

3,4

3,3

Croissance du PIB en RFA (a)

3,0

3,1

3,0

2,7

3,0

2,8

2,9

3,0

3,0

2,9

3,1

3,5

2,9

3,1

3,0

2,8

3,0

3,1

C.- Équilibre des biens et services (a)

                                   

Croissance du PIB en France

3,4

3,3

3,2

3,1

3,5

3,1

3,3

3,1

3,4

3,0

3,3

3,6

3,5

2,8

3,3

3,1

3,5

3,2

Consommation des ménages

2,7

3,5

2,5

2,8

2,9

2,9

2,7

3,1

2,8

3,0

2,6

3,3

2,9

3,1

2,5

2,6

2,7

3,0

Investissement des entreprises

6,6

6,9

6,3

6,1

6,5

6,5

6,8

6,6

6,4

6,4

7,1

7,2

6,9

7,0

7,2

7,7

6,7

6,1

Investissement des ménages

6,2

0,9

6,4

2,6

6,7

3,6

6,0

5,0

6,1

2,6

7,5

6,1

6,6

3,9

6,5

4,2

6,2

3,6

Importations

12,6

7,6

12,6

7,8

13,4

8,0

12,9

8,0

13,5

8,8

13,7

9,1

11,9

5,7

13,5

9,3

12,0

5,0

Exportations

12,2

7,7

12,3

8,0

12,9

8,0

12,7

8,0

12,9

6,3

13,5

9,4

11,5

5,6

13,4

8,7

12,3

6,7

Variation des stocks (b)

0,2

0,0

0,1

0,1

0,2

0,0

0,1

0,0

0,1

0,1

0,0

-0,1

0,1

-0,5

0,1

0,1

0,1

-0,1

D.- Prix, salaires, emploi (a)

                                   

Emploi salarié

3,2

2,5

3,1

2,4

3,1

2,4

3,3

2,8

3,1

1,9

3,0

3,0

3,3

2,2

-

-

3,0

2,7

Emploi total

2,4

1,8

2,3

1,7

-

-

2,6

2,3

2,3

1,2

-

-

-

-

2,7

1,9

3,1

2,8

Indice des prix à la consommation (moy. ann.)

1,5

1,3

1,8

1,6

1,6

1,1

1,6

1,2

1,5

1,4

1,5

1,5

1,6

1,5

1,8

1,1

1,7

1,6

Pouvoir d'achat du SMT (moy. ann.) (c)

0,6

1,8

0,0

0,8

0,2

0,9

0,0

0,2

0,2

0,5

0,5

0,1

0,3

0,8

-0,3

1,1

1,3

1,7

Pouvoir d'achat du RDB (d)

2,8

3,7

2,5

2,9

2,5

2,7

2,5

2,8

2,7

2,8

2,0

1,8

3,3

3,2

2,5

3,0

2,3

2,3

E.- Comptes d'agents

                                   

Taux d'épargne ménages (%)

15,9

16,1

15,9

16,0

15,5

15,3

15,6

15,4

15,6

15,4

15,0

15,0

16,1

16,2

15,8

16,1

15,0

13,5

Taux de marge des entreprises (%)

32,7

32,9

32,3

32,3

33,0

34,0

32,8

33,4

32,3

33,0

-

-

-

-

-

-

34,0

33,5

Capacité de financement des administrations (e)

-1,4

-1,0

-1,5

-1,3

-1,4

-1,1

-1,5

-0,9

-1,3

-1,0

-1,2

-0,7

-1,2

-1,5

-1,3

-1,1

-1,5

-0,9

Capacité de financement de la Nation (e)

1,8

2,1

1,7

1,9

2,3

2,3

1,5

1,8

-

-

2,1

2,2

-

-

2,0

1,7

2,0

2,1

(a) Taux de croissance annuelle, en %.

(b) Contribution à la croissance du PIB, en point de PIB.

(c) SMT : salaire moyen par tête. Taux de croissance, en %.

(d) RDB : revenu disponible brut des ménages. Taux de croissance, en %.

(e) En % du PIB.

CHAPITRE II

UNE CROISSANCE DYNAMIQUE ET ÉQUILIBRÉE, FORTEMENT CRÉATRICE D'EMPLOIS

I.- UNE RÉDUCTION SANS PRÉCÉDENT DU CHÔMAGE ET L'APPARITION DE TENSIONS DANS CERTAINS SECTEURS

C'est au mois d'avril dernier que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) est redescendu en dessous du seuil de 10%. Au mois de juillet, il s'établissait à 9,7%. Dans sa note de conjoncture du mois de juin, l'INSEE relève que le chômage retrouve son niveau de 1991. La poursuite de cette baisse devrait ramener le taux de chômage aux alentours de 9,2% à la fin de l'année.

A.- DES CRÉATIONS D'EMPLOIS NOMBREUSES

L'enquête emploi de mars 2000 fait apparaître qu'entre janvier 1999 (11) et mars 2000, 600.000 personnes supplémentaires ont occupé un emploi. L'INSEE indique qu'une telle augmentation n'avait jamais été constatée depuis 1950, date de l'existence de cette enquête. Le rythme des créations d'emplois s'est donc accéléré par rapport aux deux années précédentes : en un an, il dépasse de plus de 8% le total des deux années précédentes (550.000 emplois de mars 1997 à janvier 1999).

Selon les données de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'emploi et de la solidarité, pour la seule année 1999, 454.000 emplois ont été créés. Ce nombre est supérieur de respectivement 64% et 37% au nombre des créations intervenues en 1988 (277.000) et 1989 (330.000), période alors considérée comme connaissant une forte croissance de l'emploi.

Entre janvier 1999 et mars 2000, la construction, l'industrie sont, comme le secteur tertiaire, à nouveau créateurs nets d'emplois, l'augmentation moyenne étant de 2,6%.

La création d'emplois des services marchands

Sur la même période, l'emploi a crû de 3,2% dans le secteur tertiaire. Selon les données de la DARES, les créations dans ce secteur ont représenté 90% de l'ensemble des emplois nets créés en 1999 dans le secteur privé non agricole. Les services aux entreprises demeurent le premier secteur créateur d'emplois. Les effectifs y ont crû de 126.000 personnes.

Le dynamisme de l'emploi dans le bâtiment

En 1999, l'emploi a connu une très forte croissance dans le secteur de la construction : + 30.000 selon les chiffres de la DARES. Selon la dernière note de conjoncture de l'INSEE, l'augmentation a été de + 2,6% en glissement annuel, dynamisme inédit depuis la fin des années 1980. La demande soutenue de logements, notamment avec l'extinction du dispositif « Périssol » et la prise de relais par le dispositif « Besson », ainsi que les conséquences favorables de l'abaissement du taux de la TVA pour les travaux réalisés dans les logements existants ont contribué à ce résultat.

L'arrêt du déclin de l'emploi industriel

Seul l'emploi industriel a progressé, en 1999, à un rythme faiblement supérieur à celui de l'année précédente (+ 0,3%, soit près de 13.000 emplois supplémentaires). Cependant, si les industries des biens d'équipement procèdent globalement à des embauches (10.000 emplois supplémentaires, soit une augmentation de 1,3%), les réductions d'effectifs continuent dans l'énergie (- 0,2%) et, surtout, dans le secteur des biens de consommation, pour lequel le qualificatif d'aggravation est approprié (11.000 emplois perdus, soit une diminution de 1,5% après - 0,3% en 1998).

L'amélioration qualitative des emplois

Depuis le début de 1999, la DARES observe un changement dans la nature des recrutements, les embauches étant de plus en plus nombreuses sous forme de contrats à durée indéterminée, notamment dans la construction. La hausse des emplois intérimaires et à contrat à durée déterminée a néanmoins été vigoureuse (respectivement + 23% et + 9%).

L'emploi salarié a augmenté de 710.000 personnes entre janvier 1999 et mars 2000, plus de la moitié de cette augmentation résultant de contrats à durée indéterminée (+ 430.000).

La hausse de l'emploi a autant profité aux femmes qu'aux hommes. L'INSEE indique que le taux d'activité féminin continue de se rapprocher de celui des hommes (le premier a augmenté de 0,2 point pour atteindre 48,1%, alors que le second est resté stable à 62%).

La baisse de l'emploi non salarié s'est accentuée : - 3,8%. L'INSEE souligne que le nombre des aides familiaux (12) a diminué de moitié en dix ans pour n'être plus que de 300.000 en 1999.

POPULATION ACTIVE ET STATUT DES EMPLOIS

(en milliers)

 

Mars 1997

Mars 1998

Janvier 1999 (a)

Mars 2000

Population active occupée

Ensemble

22.430

22.705

22.923

23.529

Hommes

12.552

12.651

12.723

13.023

Femmes

9.878

10.054

10.200

10.505

Proportion d'actifs occupés à temps partiel (%)

Ensemble

16,6

17,1

17,2

16,8

Hommes

5,4

5,6

5,5

5,4

Femmes

30,9

31,6

31,7

31,1

Statut des emplois

Non salariés

2.864

2.802

2.770

2.665

Salariés

19.566

19.904

20.153

20.864

dont :

       

Intérimaires

330

413

447

550

CDD

849

906

892

975

Apprentis

234

257

276

285

Contrats aidés

417

405

424

462

Durée habituelle (b) moyenne de travail des salariés (heures par semaine)

Temps complet

39,8

39,7

39,6

38,9

Temps partiel

22,6

22,9

23,1

23,1

         

(a) En 1999, l'enquête emploi a eu lieu en janvier au lieu de mars en raison du recensement.

(b) Durée déclarée par les salariés ayant un horaire hebdomadaire habituel.

Source : INSEE Première, n° 723, juin 2000.

La durée habituelle moyenne de travail a été ramenée de 39,6 heures à 38,9 heures. L'INSEE lie ce résultat à la loi sur les 35 heures, en relevant que la durée moyenne de travail s'est plus fortement réduite
(- 1,3 heure) pour les salariés travaillant à temps complet dans les entreprises faisant obligatoirement partie du champ des 35 heures (entreprises du secteur privé d'au moins 20 salariés). La diminution n'est que de 0,1 heure pour les autres salariés à temps complet.

L'amélioration de l'emploi est confirmée au premier semestre 2000. Selon les résultats provisoires de la DARES, 248.200 emplois supplémentaires ont été créés au premier semestre de cette année, ils n'avaient été « que » de 164.600 au cours du premier semestre de 1999.

EVOLUTION DE L'EMPLOI PAR SECTEUR D'ACTIVITÉ
DE LA FIN DE 1998 À LA FIN DE 2000
TAUX D'ÉVOLUTION EN GLISSEMENT

 

1998
(en %)

1999
(en %)

2000
(en %)

Prévisions

Effectifs occupés au
31/12/2000

(en milliers)

Prévisions

Salariés des secteurs essentiellement marchands

2,1

2,7

3,2

14.600

Industries agro-alimentaires

0,8

0,7

1,2

5.318

Énergie

- 1,9

- 0,2

- 0,8

240

Construction

0,4

2,6

4,0

1.188

Industries manufacturières

0,3

0,3

1,6

3.343

dont :

Biens intermédiaires

0,5

0,5

-

-

Biens d'équipement

0,5

1,4

-

-

Automobile

0,1

0,7

 

-

Biens de consommation

- 0,2

- 1,5

 

-

Tertiaire essentiellement marchand

3,2

3,9

3,9

9.268

dont :

       

Commerces

2,1

2,7

-

-

Transports.

3,4

4,2

-

-

Services marchands (y compris intérim)

4,5

5,5

-

-

Activités financières

0,2

0,7

-

-

Tertiaire essentiellement non marchand

1,8

1,6

1,2

6.484

EMPLOI TOTAL (y compris salariés agricoles et non salariés)


1,7


2,1


2,2


23.802

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 2000.

B.- L'EFFET FAVORABLE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

La DARES estime à 117.000 les créations d'emplois salariés résultant de l'ensemble des mesures d'aide au titre de la politique de l'emploi. Elle indique que cette contribution est estimée sans prise en compte du bouclage macroéconomique (13). La politique de l'emploi contribue donc pour environ 30% à la hausse de l'emploi total en 1999 (420.000 emplois selon les données de la DARES). L'ensemble des dispositifs d'aide à l'emploi a eu un effet global supérieur à celui observé en 1998.

ESTIMATION DE L'EFFET DES POLITIQUES DE L'EMPLOI
SUR LES GLISSEMENTS SEMESTRIELS ET ANNUELS
DE L'EMPLOI ET DU CHÔMAGE

Glissement annuel en milliers - Brut

Glissement semestriel en milliers - CVS

 

1996

1997

1998

1999

1996

1997

1998

1999

S1

S2

S1

S2

S1

S2

S1

S2

Effets des dispositifs spécifiques

                       

Sur l'emploi

16

11

40

37

4

12

- 6

16

20

19

25

12

- marchand

54

17

5

 

29

25

12

5

1

4

1

- 1

- non marchand

- 38

- 6

34

37

- 26

- 13

- 18

11

19

15

23

13

Sur le chômage DEFM (a)

- 42

6

- 9

- 48

- 28

- 14

17

- 12

1

- 9

19

- 31

dont :

                       

- de l'emploi marchand aidé

- 43

- 14

- 4

0

- 23

- 20

- 9

- 4

- 1

- 3

-1

1

- de l'emploi non marchand aidé

30

5

- 28

- 29

- 20

10

14

- 8

- 15

- 12

- 19

- 11

- des dispositifs de conversion

- 7

6

1

10

- 6

- 1

1

5

11

3

0

2

- des stages de formation

- 11

3

19

0

- 9

- 1

6

- 4

5

1

4

2

- des préretraites, dispenses de recherche d'emploi, ARPE


- 11


6


3

- 28


- 10


- 2


5


0


0


3


- 3


- 25

Sur la population active

- 26

17

30

- 10

- 25

- 2

12

4

19

10

6

- 19

Effets des exonérations générales

                       

Sur l'emploi

39

44

34

27

19

21

22

23

20

15

14

13

Sur le chômage DEFM

- 32

- 36

- 28

- 21

- 15

- 17

- 18

- 18

- 16

- 12

- 11

- 10

Effets de la RTT collective

                       

Sur l'emploi

 

7

14

53

   

2

5

7

6

9

45

Sur le chômage DEFM

 

- 6

- 11

- 43

   

- 2

- 4

- 6

- 5

- 7

- 36

(a) DEFM : demandeurs d'emploi en fin de mois.

Source : Ministère de l'emploi et de la solidarté - DARES.

· Les dispositifs spécifiques

Leur effet sur l'emploi est estimé à 37.000, en 1999. S'il apparaît légèrement en retrait par rapport à 1998, il représente néanmoins plus du double de ce qu'il était en 1996 et 1997. Ces estimations globales recouvrent deux évolutions de sens contraires :

- l'effet des dispositifs spécifiques sur l'emploi non marchand devient positif à partir du deuxième semestre de 1997. Cela correspond à la montée en charge du dispositif des « emplois-jeunes » ;

- l'effet des dispositifs spécifiques sur l'emploi marchand demeure neutre en 1999, après une diminution progressive depuis trois ans.

· Les mesures de caractère général

Ce volet de la politique de l'emploi recouvre deux politiques distinctes :

- l'abaissement général du coût du travail peu qualifié. L'effet sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires est estimé à + 27.000 emplois en 1999 ;

- la réduction collective du temps de travail. La DARES indique que de juin 1998 à décembre 1999, les engagements sur la création ou le maintien d'emplois contenus dans l'ensemble des accords aidés ou non aidés portent sur 176.000 postes, dont 167.000 pour les accords signés en 1999. Pour apprécier l'effet net sur l'emploi, la DARES tient compte du fait que certains emplois auraient de toute façon été créés ou maintenus, certains engagements pouvant, en outre, prendre la forme d'une augmentation de la durée d'activité des salariés à temps partiel. De ce fait, elle estime à 154.000 créations, l'effet net sur l'emploi des accords signés entre juin 1998 et décembre 1999. Compte tenu des inévitables délais de réalisation effective des engagements, l'effet net serait de 53.000 créations d'emplois pour l'année 1999, l'effet complémentaire intervenant au premier semestre de 2000.

On rappellera que la politique fiscale apporte également sa contribution à la politique de retour à l'emploi, avec notamment :

- la suppression progressive de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle, qui devrait, en 2003, assurer un allégement de l'ordre de 17,5 milliards de francs (2,67 milliards d'euros), du coût du travail pour les entreprises ;

- la réforme des dégrèvements de la taxe d'habitation mise en _uvre par la loi de finances rectificative pour 2000, qui permet de « lisser » les effets de seuil résultant du précédent système pour les personnes retrouvant un emploi ;

- la baisse des taux de l'impôt sur le revenu et la refonte du mécanisme de la décote qui devraient également contribuer à réduire ce qu'il est convenu d'appeler les « trappes à inactivité ».

C.- LA RÉSORPTION DU CHÔMAGE

La diminution du chômage s'est à nouveau accélérée depuis le début de l'année pour atteindre un rythme inconnu depuis le premier choc pétrolier.

Le nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM inscrits à l'ANPE dans la catégorie 1, c'est-à-dire les personnes à la recherche d'un emploi à durée indéterminée et à plein temps, immédiatement disponibles) a retrouvé son niveau du début 1991 : 2.337.600 demandeurs inscrits, soit une diminution de 15,6 % par rapport à l'année précédente (- 433.000 inscrits).

La diminution du nombre des demandeurs d'emploi des catégories 1 et 6 (la catégorie 6 comprend les personnes à la recherche d'un emploi sous contrat à durée indéterminée et à plein temps non immédiatement disponibles, car ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois de référence) atteint 14,8% sur la même période.

Le taux de chômage au sens du BIT a été ramené de 11,2% en juillet 1999 à 9,7% à la fin de juillet 2000.

Dans sa note de conjoncture de juin dernier, l'INSEE prévoit une poursuite rapide de la baisse du chômage, en faisant l'hypothèse d'un taux de chômage au sens du BIT de 9,2% de la population active en fin d'année 2000.

La diminution du chômage commence à bénéficier aux demandeurs d'emploi de longue durée

La diminution du nombre des demandeurs d'emploi vaut pour tous les chômeurs, quels que soient, leur âge ou leur sexe, même si la diminution la plus importante bénéficie aux chômeurs de moins de 25 ans.

LES DEMANDES D'EMPLOI EN FIN DE MOIS DE CATÉGORIE 1
PAR SEXE ET PAR ÂGE

(Taux d'évolution en pourcentage)

 
   

Moins de 25 ans

25 à 49 ans

50 ans ou plus

Ensemble

Ensemble

 

H

F

H

F

H

F

H

F

 

Décembre 1998/décembre 1997

- 7,2

- 8,9

- 6,6

- 3,6

2,3

5,1

- 5,4

- 3,8

- 4,6

Décembre 1999/décembre 1998

- 7,2

- 16,5

- 11,8

- 10,2

- 9,6

- 5,0

- 12,5

- 10,9

- 11,7

Effectifs fin décembre 1999
(en milliers, données CVS)

197,6

225,9

841,9

922,6

217,0

178,6

1.256,5

1.327,1

2.583,6

Source ANPE, Ministère de l'emploi et de la solidarité-DARES

 

L'amélioration de la situation de l'emploi commence à se faire sentir, de façon sensible, sur le chômage de longue durée. Un fléchissement du niveau du chômage n'est, en effet, pas nécessairement accompagné d'un recul du chômage de longue durée par rapport au chômage total. Le premier augmentait fortement depuis 1996. Il s'était stabilisé au premier semestre de 1998 et avait commencé à décroître au second semestre. Ce recul se poursuit et s'amplifie.

Sur l'année 1999, le nombre des demandeurs d'emploi de longue durée est redescendu au-dessous du million (958.400), soit une diminution de 15%. En outre, cette diminution concerne également les demandeurs d'emploi de longue durée ayant plus de deux ans d'ancienneté de chômage.

EVOLUTION DE LA DEMANDE D'EMPLOI DE LONGUE DURÉE

graphique

* Evolution par rapport à 1998

Sur la période la plus récente (juillet 1999 à juillet 2000), le chômage de longue durée (demandeur d'emploi inscrit depuis un an et plus) a diminué de 21,9%. Il s'élevait à 798.500 en données brutes au mois de juillet 2000.

L'évolution du chômage par région

La diminution du chômage (demandeurs de catégorie 1) concerne l'ensemble des régions. De juillet 1999 à juillet 2000, la diminution a été de 15,6% en moyenne. L'Ile-de-France, première région d'emploi obtient une diminution tout juste inférieure à la moyenne France métropolitaine
(- 15%). Les régions dont le chômage diminue le plus sont : la Franche-Comté (- 20,1%), le Limousin (- 19,4%), l'Alsace (- 19,9%) qui possède déjà le plus faible taux de chômage (5,7% au premier trimestre 2000), la région Centre (- 19,2%), la Bourgogne (- 18,8%). Si la région Rhône-Alpes (- 18,4%), et les Pays de la Loire (- 18,2%) connaissent également une diminution sensible du chômage, dans le sud de la France et dans le Nord-Pas-de-Calais, la diminution est, en revanche, inférieure à la moyenne nationale : Nord-Pas-de-Calais (- 14,5%), Languedoc-Roussillon (- 13,1%), Provence-Alpes-Côte d'Azur (- 11,6%).

La diminution des licenciements économiques et du recours au chômage partiel

En 1999, la croissance soutenue de l'emploi est confirmée par la forte diminution du recours au chômage partiel dans les entreprises. Sur les 4,1 millions de journées autorisées, 2,1 millions seulement ont été effectivement chômées. Le secteur industriel a concentré 82,5% des journées autorisées et augmenté ses demandes de 17,2%. Tous les autres secteurs connaissent une diminution : l'agriculture (- 32,4%), la construction (- 52,3%), le secteur tertiaire (- 11,5%). La tendance à la baisse, amorcée au second semestre 1999, s'est amplifiée en 2000 : le nombre de journées de chômage partiel autorisées au premier trimestre de 2000 est en diminution de 60% par rapport au premier trimestre 1999. Les demandes de l'industrie ont elles-mêmes reculé de 78% sur la même période.

Les licenciements économiques sont en forte baisse en 1999
(- 11% par rapport à l'année précédente, soit 291.422 contre 327.507).

La comparaison avec les résultats de nos principaux partenaires

Le taux de chômage français demeure supérieur au taux moyen des pays membres de l'Union européenne (9,2% en 1999, soit 2,1 points de moins que le résultat français), des pays européens de l'OCDE (9,2% également) ou de l'OCDE (6,8%, soit 4,5 points de moins que le résultat français). Néanmoins, les prévisions pour 2000 et 2001 laissent entrevoir une réduction de l'écart avec le taux moyen des pays membres de l'Union européenne. Cet écart serait ramené à 1,3 point en 2000 et à 0,9 point en 2001.

S'agissant des deux autres économies comparables de la zone euro, l'écart en faveur de la France par rapport à l'Italie devrait s'accentuer (0,1 point en 1999, 1,2 point en 2000 et 1,7 point en 2001) et celui en notre défaveur vis-à-vis de l'Allemagne continuer de se réduire (2,6 points en 1999, 1,3 point en 2000 et 1,1 point en 2001).

 

COMPARAISON INTERNATIONALE DES TAUX DE CHÔMAGE

(en % de la population active)

 

1996

1997

1998

1999

2000 (a)

2001(a)

 

France

12,4

12,3

11,9

11,3

9,8

8,8

Allemagne

8,9

9,9

9,4

8,7

8,5

7,7

Royaume-Uni

8,2

7,0

6,3

6,1

5,7

5,8

Pays-Bas

6,3

5,2

4,0

3,3

2,5

2,1

Italie

11,7

11,7

11,9

11,4

11,0

10,5

Suède

9,6

9,9

8,3

7,2

4,8

4,3

Union européenne

10,8

10,6

9,9

9,2

8,5

7,9

OCDE Europe

10,5

10,3

9,7

9,2

8,6

8,1

Etats-Unis

5,4

4,9

4,5

4,2

4,0

4,2

Japon

3,4

3,4

4,1

4,9

4,8

4,8

OCDE

7,7

7,4

7,1

6,8

6,3

6,1

(a) Prévisions.

Source : OCDE, Perspectives de l'emploi, 2000.

 

D.- L'APPARITION DE TENSIONS DANS CERTAINS SECTEURS

On a pu parler de « chômage paradoxal », en rapprochant des difficultés de recrutement, envisagées comme une limite à l'emploi, et l'existence d'un taux de chômage qui vient juste de passer sous le seuil des 10%.

Cette situation n'est paradoxale qu'en apparence. L'évolution du taux de chômage global recouvre des évolutions dissemblables selon la qualification des emplois, le secteur d'activité ou le métier, la dimension territoriale constituant, en outre, une source de disparités.

Les disparités peuvent être appréciées suivant deux approches complémentaires.

L'approche en termes de marché du travail

L'offre d'emploi est en constante transformation, du fait de l'évolution des techniques de production et des marchés. Une forme de dualisme du marché du travail apparaît, que les mesures spécifiques de la politique de l'emploi tendent à contenir. Les demandeurs d'emploi les plus qualifiés sont recrutés par les entreprises et bénéficient, le plus souvent, d'emplois plutôt durables et convenablement rémunérés. A l'inverse, les actifs sans qualification, seraient moins recherchés et trouveraient des emplois plutôt précaires.

Dans une étude récente (14), la DARES relève que, de mars 1998 à janvier 1999, les cadres ont le plus profité de la croissance de l'emploi (+ 3,1%, pour une moyenne générale de 1%). Les métiers liés aux fonctions techniques connaissent les taux de croissance les plus élevés : + 11% pour les ingénieurs et les cadres techniques, + 6% pour les techniciens et les professions intermédiaires de la santé, la tendance apparaissant moins favorable pour les fonctions d'encadrement traditionnelles « qui souffrent peut-être de la tendance des entreprises à raccourcir les lignes hiérarchiques ».

L'approche selon les domaines professionnels

La confrontation des grandes tendances de l'offre et de la demande d'emplois peut apporter deux types d'enseignements :

- des données chiffrées relatives à la dynamique des créations d'emplois. La DARES relève ainsi, d'après les données des enquêtes emploi, qu'au cours de l'année 1998, l'informatique et le secteur santé-action sociale ont représenté 40% du total des créations nettes d'emploi. A l'inverse, les métiers de l'agriculture et du secteur des banques et des assurances ont connu de significatives réductions d'emploi ;

- des données issues d'enquêtes d'opinion auprès des employeurs faisant apparaître, de façon plus ou moins récurrente, le thème des difficultés de recrutement.

Au-delà de ces données globales, un ensemble d'indicateurs permet d'appréhender plus finement les difficultés de recrutement dans quelques domaines professionnels.

EMPLOI ET MARCHÉ DU TRAVAIL

Pour un métier donné, il n'y a pas de lien mécanique entre évolution de l'emploi et situation du marché du travail mesurée par les données de l'ANPE sur les offres et les demandes d'emploi.

Une même croissance de l'emploi, pour deux métiers donnés, peut en effet recouvrir des évolutions des embauches et donc des offres d'emploi très différentes. Ces dernières dépendent certes de l'emploi, mais aussi d'autres facteurs : intensité des flux de départs à la retraite en relation avec la pyramide des âges de la profession, pratiques de mobilité des salariés (dans certaines professions, ouvriers du BTP ou cuisiniers, par exemple, la mobilité volontaire est structurellement plus importante qu'ailleurs), importance, de la part des employeurs, du recours aux contrats courts...

A ces facteurs structurels s'ajoute l'impact de la conjoncture sur la mobilité des personnes en emploi, qui y est particulièrement sensible.

La relation entre emploi et offre est donc complexe. Du côté de la demande, un chômeur peut abandonner sa profession d'origine, si elle est en déclin, pour réorienter ses recherches vers un métier plus porteur. C'est ce que l'on observe, par exemple, dans les industries légères où l'emploi est en déclin continu depuis dix ans mais où, néanmoins, le nombre de demandeurs d'emploi diminue. Enfin, un inactif peut souhaiter retrouver un emploi et revenir sur le marché du travail, surtout en période de reprise.

INDICATEURS DE CHÔMAGE, DE MOBILITÉ ET DE TENSION

Pour apprécier les difficultés de recrutement sont utilisés, en dehors des statistiques sur l'emploi, les embauches, les offres et les demandes d'emploi, quatre ratios.

Le taux de demande d'emploi : il est défini comme le rapport des DEFM des catégories 1 et 6 sur le total des actifs de ce métier (actifs ocupés + DEFM). C'est un indicateur du niveau du chômage dans la profession considérée.

Le taux d'entrée : il rapporte le total des recrutements d'une année à la population active occupée de la profession. Il permet d'apprécier l'importance relative des embauches et la mobilité.

Le taux de croissance du ratio offres sur demandes d'emploi enregistrées durant une année : c'est un indicateur d'évolution des tensions du marché du travail.

Le taux d'embauche : il rapporte les embauches d'une année au nombre de candidats à l'embauche. Le total de ces candidats à l'embauche est défini par l'addition des demandeurs d'emploi et des salariés qui changent d'employeurs dans l'année. On a là un indicateur du niveau des tensions du marché du travail.

Source : DARES, Première informations et premières synthèses, n° 22-1, Juin 2000

Ces différentes données permettent de distinguer les secteurs dans lesquels la conjoncture entraîne une exacerbation de difficultés structurelles de recrutement. Il s'agit, par exemple, des métiers de la construction et des métiers de bouche et de l'hôtellerie-restauration.

Dans les métiers de la construction, les résultats des enquêtes INSEE auprès des chefs d'entreprises font apparaître une augmentation de ceux d'entre eux déclarant rencontrer des difficultés de recrutement : 26% à la fin de 1998, 50% à la fin de 1998 et 67% à la fin de 1999. Parallèlement, on peut relever que le taux de demande d'emploi (DEFM des catégories 1 et 6 rapporté au total des actifs occupés augmenté des DEFM) dépasse de 3,7 points le taux moyen national. La DARES relève un certain nombre d'indices du caractère structurel des difficultés de recrutement :

● une mobilité forte dans ces métiers, que la reprise conjoncturelle de l'activité n'a fait qu'accentuer. Selon la DARES, « cette mobilité, associée à la baisse du nombre des demandeurs d'emploi, est une des causes des difficultés de recrutement ».

L'évolution du taux d'embauche (nombre des embauches annuelles rapporté au nombre de candidats à ces embauches) traduit clairement ce phénomène ainsi que le montre le graphique suivant.

graphique

● la différence dans l'employabilité (15) des demandeurs d'emploi. Selon la DARES, le secteur « pâtit d'une érosion accélérée de ses demandeurs d'emploi les plus employables, ce qui appelle sans doute une adaptation des politiques d'embauche trop sélectives des employeurs ». De la fin de 1996 à la fin de 1999, si le nombre des ouvriers qualifiés ayant moins d'un an de chômage a diminué de 38% (- 50.000), celui des ouvriers non-qualifiés ayant moins d'un an de chômage n'a décru que de 17%
(- 10.000) et « pour les ouvriers qualifiés en chômage de longue durée, l'amélioration de la situation ne s'amorce qu'en 1998, et pour la catégorie la moins employable, celle des ouvriers non qualifiés en chômage de longue durée, il faut attendre 1999 pour enregistrer les premiers signes d'un redressement ».

Dans les métiers de bouche et de l'hôtellerie-restauration, la mobilité présente aussi un caractère structurellement élevé, avec un taux d'entrée (nombre total des recrutements annuels rapporté à la population active occupée de la profession) qui varie de 18% pour les métiers de bouche à 33% pour les employés de l'hôtellerie-restauration. La croissance de l'emploi a accentué cette tendance. Selon la DARES, en deux années (1998-1999), le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de 20% dans les métiers de bouche et de 13% dans ceux de l'hôtellerie restauration. Si le taux de demande d'emploi se réduit, il reste élevé pour les cuisiniers (18%) et les employés de l'hôtellerie-restauration (24%), tandis que le chômage de longue durée ne diminue pas (29%).

Dans d'autres métiers, les difficultés de recrutement ne présentent, en revanche, pas de caractère structurel, elles n'apparaissent, en effet, pratiquement pas en période de basse conjoncture. C'est le cas dans les métiers industriels. Au surplus, l'évolution de l'emploi industriel se différencie fortement :

- selon les secteurs : malgré une légère reprise globale depuis 1997, les industries légères, comme le textile et le bois, continuent, elles, de perdre des emplois ;

- et selon le niveau de qualification : la reprise de l'emploi ne parvient pas à enrayer la chute des effectifs des ouvriers non-qualifiés.

Dans les métiers de l'informatique, qui ont connu les taux de croissance de l'emploi les plus élevés, comme le montre l'évolution du rapport des offres enregistrées sur les demandes des catégories 1 et 6, le taux de croissance de l'emploi a eu tendance à stagner au deuxième semestre de 1999. La DARES observe que les emplois offerts y « sont de bonne qualité puisque la part en leur sein des contrats d'une durée supérieure à un an est deux fois supérieure à la moyenne ».

graphique

Sources: ANPE, Ministère de l'emploi et de la solidarité - DARES

II.- UNE CONSOMMATION DES MÉNAGES DONT LA VIGUEUR
NE S'EST PAS DÉMENTIE DEPUIS 1997

A.- UNE CONSOMMATION SOUTENUE

1.- Une contribution essentielle à la croissance

Comme l'observe l'INSEE dans sa note de conjoncture de juin 2000, « l'élément le plus marquant de la situation conjoncturelle française est la persistance d'une demande intérieure très vigoureuse ». Cette demande intérieure constitue le socle de la phase d'expansion observée, en fait, depuis la mi-1997, qui tient, pour une large part, à la confiance retrouvée des ménages, se traduisant par un dynamisme accru de leur consommation.

Ainsi, en 1998-1999, la consommation des ménages a progressé à un rythme de près de 3% par an, après seulement 0,7% par an entre 1990 et 1997. Cette évolution tranche singulièrement avec celle constatée chez nos voisins allemands où la consommation des ménages a crû au rythme très modéré de 1,5% par an en moyenne entre 1995 et 1999.

Dès lors, la consommation des ménages contribue, pour une large part, à la croissance du produit intérieur brut.

CONTRIBUTIONS À L'ÉVOLUTION DU PIB, AU PRIX DE L'ANNÉE PRÉCÉDENTE

(en points de PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Dépense de consommation finale des ménages

- 0,3

0,7

0,7

0,7

0,1

1,8

1,1

Dépense de consommation finale des administrations publiques


1,1


0,2


0


0,5


0,5


0


0,6

Formation brute de capital fixe totale

- 1,3

0,3

0,4

0

0

1,1

1,3

Formation brute de capital fixe des sociétés non financières et entreprises individuelles


- 0,9


0,2


0,2


- 0,1


0


0,8


0,8

Formation brute de capital fixe des ménages hors entreprises individuelles


- 0,3


0,2


0,1


0


0


0,2


0,4

Formation brute de capital fixe des administrations publiques


- 0,1


0


0


0


- 0,2


0,1


0,1

Formation brute de capital fixe des sociétés financières

0

- 0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Solde extérieur des biens et services

0,8

0

0

0,4

1,3

- 0,5

0,1

Exportations de biens et services

0

1,6

1,7

0,8

2,7

2,0

1,0

Importations de biens et services

0,8

- 1,6

- 1,6

- 0,3

- 1,5

- 2,5

- 0,9

Variation de stocks

- 1,2

0,9

0,6

- 0,6

0

0,6

- 0,3

Produit intérieur brut

- 0,9

2,1

1,7

1,1

1,9

3,1

2,9

Source : INSEE, Comptes nationaux.

Comme le montre le tableau précédent, ce facteur a constitué, en 1998 et 1999, le principal moteur de la croissance : 1,8 point en 1998 et 1,1 point en 1999.

Cette dernière année avait certes enregistré un fléchissement des dépenses de consommation des ménages (+ 2,3% en moyenne annuelle contre + 3,3% en 1998), mais il apparaît que ces dépenses se sont redressées au second semestre 1999. Ainsi, la progression des dépenses de consommation s'établit à + 0,8% au premier trimestre 2000, soit un rythme annualisé de + 3,5%. Toutefois, la remontée des taux d'intérêt, ainsi que la hausse de l'inflation, devraient conduire au ralentissement de ces dépenses qui, selon la note de conjoncture de l'INSEE de juin dernier, devraient connaître une hausse de 3% en moyenne annuelle. Ce ralentissement a d'ailleurs été constaté dès le deuxième trimestre, où les dépenses de consommation des ménages n'ont progressé que de 0,2%.

De fait, si les dépenses de consommation en produits manufacturés ont progressé de 1,4% en juillet 2000 par rapport au mois de juin, elles se sont rétractées de 2,3% en août par rapport au mois de juillet selon les derniers chiffres publiés par l'INSEE.

2.- Un dynamisme perçu dans l'ensemble des secteurs

L'ensemble des composantes des dépenses de consommation des ménages (alimentation, énergie, services et produits manufacturés) connaissent une évolution favorable.

DÉPENSES DE CONSOMMATION DES MÉNAGES ET PRINCIPALES COMPOSANTES

(évolution en %)

 

Glissements semestriels

Moyennes annuelles

1998

1999

2000 (a)

1998

1999

2000 (a)

1er s.

2e s.

1er s.

2e s.

1er s.

2e s.

Dépenses totale de consom-mation des ménages


2,1


1,5


0,8


1,4


1,6


1,3


3,5


2,3


3,0

dont :

                 

- Alimentation (19,2%) (b)

0,4

1,1

0,7

1,2

0,4

0,8

1,3

1,9

1,4

- Energie (7,6%)

2

2

- 0,8

0,5

1,7

1,0

3,4

0,4

2,5

- Services (48,2%)

1,8

1,1

1

1,3

0,9

1,2

2,9

2,2

2,2

- Produits manufacturés (25%)

3,6

2,6

2,1

2,2

3,3

2,0

6,3

4,5

5,4

(a) Prévisions.

(b) Les données entre parenthèses donnent la part du poste en 1997.

Source : INSEE, Note de conjoncture - juin 2000.

Les produits manufacturés et les services constituent néanmoins les deux postes les plus dynamiques. Il convient également de signaler la reprise des investissements en logements.

a) Les produits manufacturés et les services

La progression de la consommation en produits manufacturés a été de 4,5% en 1999, après +6,3% en 1998, en moyenne annuelle et en volume. En 2000, ces dépenses devraient rester très dynamiques et croître de 5,4% en moyenne annuelle, même si un léger tassement a été constaté au deuxième trimestre (+ 0,7%) après la forte évolution enregistrée en début d'année (+ 1,9% au premier trimestre).

· Ces dépenses en produits manufacturés sont particulièrement remarquables en ce qui concerne les achats de véhicules automobiles. Les ventes de véhicules neufs ont ainsi augmenté de 15,4% en 1998 et de 13,2% en 1999. Avec 2.148.000 unités, le nombre des immatriculations de voitures neuves a atteint un niveau inégalé depuis 1991. Cette bonne orientation se confirme au premier semestre 2000, puisque 950.000 immatriculations ont été enregistrées de janvier à mai, soit une augmentation de 10% par rapport à l'année passée. Cette vigueur pourrait s'expliquer par la disparition du système du millésime, qui entraîne un étalement des achats de véhicules, jusqu'alors très concentrés sur le troisième trimestre. Les dernières statistiques connues expriment d'ailleurs un net recul en juillet (- 1,7%) et en août (- 1,7% également).

· La consommation des ménages a également été très stimulée par l'exceptionnelle diffusion des produits de « nouvelle technologie ». En effet, malgré un poids encore faible dans la consommation (moins de 2%), ces produits contribuent pour environ 0,5 point à la croissance des dépenses de consommation en 1999 (contre 0,4 point en 1998). L'engouement des ménages pour la téléphonie mobile et l'Internet représente donc un fort potentiel de croissance pour les années à venir.

En effet, même si au 31 décembre 1999, 20 millions de personnes étaient équipées d'un téléphone portable (contre 11,2 millions un an plus tôt), la France se situe néanmoins en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE en terme de taux de pénétration (nombre d'abonnés pour 100 habitants). Ce taux, qui est de 37% actuellement, pourrait donc s'élever à 50% fin 2002.

De même, le taux d'équipement des ménages en micro-ordinateurs serait de l'ordre de 26% fin 1999, ce qui reste modeste au regard d'autres pays, laissant augurer une poursuite de la dynamique du marché.

Pareillement, enfin, l'utilisation d'Internet, bien qu'en développement rapide (6,5 millions d'internautes en 1999, contre 3,5 millions en 1998), reste encore limitée, en comparaison de la situation constatée aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni : selon le dernier rapport des études économiques de l'OCDE consacré à la France, publié en juillet 2000, notre pays se situerait en dix-huitième position en ce qui concerne le nombre d'ordinateurs hôtes d'Internet pour 1.000 habitants, à cause notamment du niveau des tarifs pour l'accès au réseau plus élevé que la moyenne observée dans les autres pays de l'OCDE.

b) Les investissements en logements

Un dernier poste illustre parfaitement la vigueur de la consommation des ménages : les dépenses de logements. Le rebond spectaculaire des achats de logements par les ménages (+ 7,8%) constitue effectivement l'un des faits marquants de l'année 1999, puisque ce secteur stagnait depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette forte croissance se confirme au premier trimestre 2000 (+ 3,5%) et, dans une moindre mesure, au deuxième trimestre (+ 1,4%).

L'investissement en logements est favorisé, à la fois, par des conditions de financement très faibles et par plusieurs mesures incitatives récentes.

La baisse du coût des crédits s'est poursuivie - tout au moins au premier semestre 1999 - et, en conséquence, les crédits au logement consentis aux ménages ont fortement progressé (16: + 37,7% par rapport au premier semestre 1998 pour la construction ou l'acquisition de logements neufs ; + 41,3% pour l'acquisition-amélioration de logements anciens.

Ce mouvement a été soutenu par diverses mesures législatives.

Tout d'abord, le prêt à taux zéro, destiné à stimuler l'accession sociale à la propriété, continue à donner l'occasion à de nombreux ménages de devenir propriétaires. Néanmoins, les prêts à taux zéro ne représentent qu'une faible part des crédits au logement, en raison de leurs conditions d'octroi et de leur montant restreint, qui ne leur permettent d'assurer qu'une fraction du financement total des opérations. Leur montant moyen s'établit à 16.510 euros (108.298 francs) par logement pour le marché du neuf et à 12.348 euros (80.997 francs) pour celui de l'ancien.

Ensuite, la fin de « l'amortissement Périssol » et son remplacement à l'été 1999 par « l'amortissement Besson » ont favorisé l'investissement locatif des bailleurs privés.

Par ailleurs, les droits de mutation à titre onéreux ont été réduits en deux temps : suppression de la taxe régionale à compter du 1er septembre 1998 et uniformisation au taux de 3,6% de la taxe départementale depuis le 15 septembre 1999.

Enfin, plusieurs mesures ont stimulé la réalisation d'opérations de rénovation : relèvement du crédit d'impôt pour dépenses d'entretien et du plafond de ces dépenses ouvrant droit à un crédit d'impôt, ainsi que l'application du taux réduit de TVA aux travaux portant sur les locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans.

Dans ce marché immobilier en pleine reprise, il convient toutefois de regretter que la construction de logements sociaux reste étale. Nul doute que si cette situation devait perdurer, il conviendrait de prendre des dispositions complétant celles, importantes, arrêtées en 1999.

B.- UNE CONJONCTION DE FACTEURS FAVORABLES À LA CONSOMMATION DES MÉNAGES

La très bonne tenue de la consommation des ménages tient essentiellement, d'une part, à la confiance retrouvée et confirmée de ces derniers depuis 1997 et, d'autre part, à la progression sensible de leur revenu disponible.

1.- Un niveau de confiance inégalé

Une stagnation de l'indice de confiance, calculé par l'INSEE lors de l'enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, a été observée au premier semestre 1999 en raison de la détérioration conjoncturelle constatée à cette époque. Cependant, dès la fin 1999, l'indicateur de confiance atteignait un niveau inégalé depuis sa mise en place. Cet optimisme ne s'est guère démenti et un record historique de l'indicateur de confiance était de nouveau atteint en juin 2000. Il est particulièrement intéressant de noter qu'à cette date les ménages étaient nombreux à estimer que la période est favorable pour effectuer des achats importants.

Cette confiance des ménages est avant tout une conséquence du recul continu du chômage (17), mais elle tient également à la progression des revenus. Elle est aussi un élément volatil : Le moral des ménages a, ainsi, accusé en septembre un « repli très marqué » par rapport à la dernière enquête réalisée en juillet, effaçant « la progression continue de la confiance des ménages enregistrée depuis un an », selon une enquête publiée le 4 octobre dernier par l'INSEE. « L'indicateur résumé d'opinion des ménages » est, en effet, à - 8 en septembre, soit un recul de 10 points par rapport à juillet (+ 2), où il avait atteint un niveau record depuis la création de cette enquête en 1987.

2.- La progression du revenu disponible

Après avoir augmenté de 3,1% en 1999, le revenu disponible brut devrait, selon l'INSEE, croître de 4,1% en 2000. En tenant compte de la hausse de l'inflation, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut devrait donc progresser de 2,7% (contre 2,4% en 1999).

Cette bonne orientation résulte de la forte croissance des revenus d'activité, du ralentissement des prélèvements obligatoires et - dans une moindre mesure - du versement accru de prestations sociales en espèces.

a) La forte croissance des revenus d'activité

Grâce à la progression de l'emploi, les revenus d'activité devraient être particulièrement dynamiques en 2000 : + 4,4% en moyenne annuelle, après + 3,4% en 1999.

La masse salariale brute a enregistré une progression de + 3,8%, en moyenne annuelle, en 1999 et devrait fortement accélérer en 2000 : + 4,7% (18).

Cette accélération ne devrait pas être perceptible en ce qui concerne la masse salariale versée à la fonction publique, puisqu'on assiste à une stabilisation des créations d'emplois et qu'aucun accord de revalorisation n'a encore été signé pour l'année 2000 (19).

En revanche, dans le secteur privé, l'emploi salarié devrait augmenter de façon soutenue, ce qui favoriserait la poursuite de la croissance de la masse salariale.

Ainsi, selon les résultats de l'enquête ACEMO (20) du ministère de l'emploi et de la solidarité, l'indice du salaire horaire de base ouvrier a progressé de 2,3% au cours du premier trimestre 2000, évolution très supérieure à celle constatée les deux années précédentes à la même période (+ 0,6% en 1999 et + 0,5% en 1998). Sur un an - de mars 1999 à mars 2000 -, sa progression s'établit à 5,2% contre 2% en mars 1999.

Cette accélération s'explique en partie également par la baisse de la durée du travail. En effet, la mise en place des accords de réduction du temps de travail induit, du fait de la compensation salariale généralement prévue (35 heures payées 39 heures), une hausse mécanique des salaires horaires de base (cet impact est estimé à 1,8 point au premier trimestre 2000 pour une progression totale de 2,3 points).

En termes de pouvoir d'achat, les gains constatés sont faibles en ce qui concerne le salaire mensuel de base de l'ensemble des salariés : + 0,1% en mars 2000, après + 1,4% en mars 1999, mais l'INSEE considère qu'une légère remontée du pouvoir d'achat devrait être observée au second semestre (21).

Il convient, en outre, de souligner que la part des rémunérations dans la valeur ajoutée a progressé en 1999 : 57,1% contre 56,4% en 1998. Le partage des fruits de la croissance est donc désormais plus favorable au travail.

Enfin, s'agissant des non salariés, leurs revenus devraient également connaître un rythme de croissance soutenu en 2000 : l'excédent brut d'exploitation des entrepreneurs individuels progresserait de 3% en moyenne annuelle, après +2,4% en 1999.

b) Le ralentissement des prélèvements obligatoires

Après avoir subi une hausse importante, en 1999, du fait surtout de la progression de l'assiette des impôts liée à la forte croissance des revenus et des bénéfices en 1998, les prélèvements obligatoires devraient augmenter de 3,3% en moyenne annuelle en 2000 (contre + 6% en 1999). Ils représenteraient donc 45,2% du produit intérieur brut (contre 45,7% en 1999).

Cette évolution résulte des nombreuses mesures prises par le Gouvernement depuis la loi de finances pour 1999 pour baisser les prélèvements obligatoires.

Principales mesures visant à baisser les prélèvements obligatoires

Budget 1999

- Baisse de la TVA sur les abonnements EDF-GDF, les appareils destinés aux handicapés, le traitement des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif, les travaux sur les logements locatifs sociaux et exonération de TVA sur les terrains à bâtir achetés par des particuliers.

- Baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les ventes de locaux d'habitation.

- Réforme de la taxe professionnelle.

- Extension de la ristourne dégressive sur les bas salaires

- Aide structurelle à la réduction du temps de travail.

Budget 2000 (a)

- Réduction de 20,6 à 5,5% de la TVA portant sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien des logements, ainsi que des services à domicile fournis par les entreprises (compensée partiellement par le réaménagement du crédit d'impôt sur les travaux dans les logements).

- Poursuite de la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les ventes de locaux d'habitation.

- Suppression de la contribution représentative du droit de bail sur tous les loyers dont le montant annuel n'excède pas 36.000 francs (5.488,16 euros), la suppression totale étant programmée en 2001.

- Baisse de la TVA de 20,6 à 19,6%.

- Baisse du taux de l'impôt sur le revenu pour les deux premières tranches.

- Réduction de la taxe d'habitation.

- Deuxième étape de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle.

- Suppression de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés.

(a) Intègre les décisions de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative.

Source : Etudes économiques de l'OCDE, France, juillet 2000.

Cet effort se poursuit dans le cadre de la loi de finances pour 2001 avec, notamment, la réduction dégressive sur trois ans du barème de l'impôt sur le revenu, la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés, la baisse de 15% du taux de cet impôt pour une fraction du bénéfice des petites entreprises, la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle et la réduction de la CSG et de la CRDS sur les bas salaires.

c) La modération des prestations sociales, liée à la baisse du chômage

Les prestations sociales en espèces reçues par les ménages devraient connaître un léger ralentissement en 2000 (+ 2,8%), après l'accélération de 1999 due, en grande partie, à la suppression des conditions de ressources associées au versement des allocations familiales.

Cette modération résulte aussi des moindres dépenses du régime chômage, grâce à la baisse du nombre des demandeurs d'emplois.

REVENU DISPONIBLE BRUT DES MÉNAGES

(évolution en %)

 

1998

1999

2000 (b)

Salaires bruts (58%) (a)

3,9

3,8

4,7

Prestations sociales en espèces (32%)

2 ,5

3,5

2,8

Excédent brut d'exploitation (25%)

3,3

2,4

3,0

Revenus de la propriété (12%)

9,8

5,6

5,5

Prélèvements sociaux et fiscaux (- 23%)

4,8

6,0

3,3

dont :

     

Cotisations des salariés (- 10%)

- 21,6

5,0

4,5

Cotisations des non salariés (- 2%)

- 22,4

5,5

4,1

Impôts sur le revenu, y compris CSG et CRDS (- 11%)

35,4

6,5

2,5

Revenu disponible brut (100%)

3,7

3,1

4,1

Prix de la consommation des ménages (comptes trimestriels)

0,7

0,7

1,4

Pouvoir d'achat du RDB

3,0

2,4

2,7

(a) Les chiffres entre parenthèses donnent la structure de l'année 1997

(b) Prévisions

Source : INSEE.

C.- L'ENDETTEMENT DES MÉNAGES ET LA BAISSE DU TAUX D'ÉPARGNE

La hausse des dépenses de consommation des ménages s'est accompagnée d'un recours accru au crédit et d'une diminution du taux d'épargne.

1.- L'accélération de l'endettement des ménages

Malgré les hausses de taux d'intérêt - tout au moins à compter du second semestre 1999 -, les ménages ont accru leur endettement, en ayant recours à la fois à des crédits de trésorerie, pour financer les achats de biens durables, et à des crédits à l'habitat, pour financer leur investissement en logements.

Les crédits de trésorerie ont progressé de 6,2% en 1999 et il a déjà été indiqué que les crédits au logement ont augmenté rapidement.

Le taux d'endettement des ménages (mesuré par le ratio dette bancaire/revenu disponible brut) a donc enregistré une remontée sensible : 53,7% fin 1999, contre 51,6% fin 1998.

Ce processus n'induit pas de risques de surendettement : le taux d'endettement est encore loin de ses niveaux record de la fin des années quatre-vingts et il est sans commune mesure avec celui des ménages allemands (60%) ou surtout américains (96%).

2.- Le tassement du taux d'épargne

Cette évolution de l'endettement aura sans doute contribué à la baisse du taux d'épargne, qui devrait se replier à 15,6% du revenu disponible en 2000, contre 15,8% en 1999, 15,7% en 1998 et 16,1% en 1997.

L'OCDE observe, néanmoins, qu'à l'inverse des ménages d'autres pays membres de cette organisation, les ménages français n'ont pas réduit sensiblement leur taux d'épargne depuis 1997 : « Cette évolution atypique, qui surprend étant donné la décrue du chômage et l'évolution probablement positive du patrimoine des ménages, pourrait s'expliquer par des particularités institutionnelles françaises. D'une part, en raison des incertitudes sur le financement des retraites, les ménages se constituent une épargne longue qu'ils n'ont pas l'intention de consommer avant d'être sortis de la vie active. D'autre part, près de la moitié de l'épargne des ménages est placée dans des produits dont la fiscalité décourage de consommer les revenus financiers (plus-values et dividendes) avant l'échéance d'une période prescrite (assurance vie, PEP assurance, PEA). Ceci corrobore les résultats économétriques indiquant une faible propension à consommer des revenus financiers, en comparaison aux revenus d'activité » (22).

III.- DES ENTREPRISES DANS UNE SITUATION FINANCIÈRE FAVORABLE ET QUI INVESTISSENT

Une des caractéristiques principales du retournement conjoncturel de 1997 est sans nul doute l'ampleur de la reprise des dépenses d'équipement des entreprises. Celle-ci peut être illustrée par deux chiffres : la formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés non financières et entreprises individuelles (SNF-EI) a progressé de plus de 16%, sur deux ans, en 1998 et 1999, en francs constants ; la contribution de la FBCF des mêmes SNF-EI à la croissance s'est élevée, comme on l'a vu supra (23), à 0,8 point en 1998 comme en 1999, à comparer à 0 en 1997 et - 0,1 point en 1996 ; la contribution de l'investissement à la croissance tend à s'accroître, en réponse à la vigueur de la demande, dans un contexte financier assaini.

A.- LA BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DES ENTREPRISES

La bonne santé financière des sociétés non financières (SNF) perdure, comme le montrent leurs résultats d'exploitation même si les trois indicateurs retenus semblent témoigner d'une légère dégradation en 1999 par rapport à 1998.

Cette situation positive se traduit dans le taux d'épargne, le taux de marge et le taux d'autofinancement (24) des sociétés.

RATIOS DE RÉSULTATS DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES

(en %)

 

Taux de marge

Taux d'épargne

Taux d'autofinancement

1993

32,3

17,8

95,9

1994

32,5

18

97,5

1995

32,7

16,9

93

1996

31,9

17

93,3

1997

32,2

16,9

97,4

1998

32,7

17

95,6

1999

32,2

15,7

84,6

Source : Comptes nationaux.

Le taux d'épargne des entreprises (part de l'épargne dans la valeur ajoutée), même s'il a diminué en 1999, se maintient à un niveau élevé depuis la fin des années 1980. Cette épargne représente ce qui reste de la valeur ajoutée après soustraction des salaires, des intérêts et dividendes versés et des impôts courants sur le revenu et le patrimoine. C'est donc, en quelque sorte, le profit net de l'entreprise. L'épargne brute des sociétés non-financières (SNF) a diminué de 4,86% en 1999, ce qui est à mettre en rapport avec la progression de 6,06% de la distribution de revenus par les sociétés (essentiellement les dividendes) et celle des impôts sur le revenu (+ 23,38%). La dégradation du taux d'épargne s'est traduite, dans le contexte du dynamisme de l'investissement, par l'augmentation des besoins de financement des SNF à 53.328 millions de francs (8.130 millions d'euros) en 1999 au lieu de 4.502 millions de francs (686 millions d'euros) en 1998.

Le taux d'autofinancement (épargne brute/formation brute de capital fixe) a diminué sensiblement à 84,6 en 1999 au lieu de 95,6 en 1998, compte tenu de la vigueur de l'investissement.

Le taux de marge (excédent brut d'exploitation/valeur ajoutée) mesure le partage des fruits de la croissance entre les salaires et les autres emplois compris dans l'excédent brut d'exploitation (EBE), qui comportent non seulement les revenus du capital mais également les impôts autres que ceux à la production. Le taux de marge recule de 32,7 à 32,2 ; il convient cependant d'observer que, depuis 1993, ce taux oscille entre 31,9 et 32,7, ce qui, compte tenu des révisions opérées d'une année sur l'autre par l'INSEE, ne témoigne pas d'une variation significative. Au demeurant, la note de conjoncture de juin 2000 met l'accent sur la stabilité du taux de marge, du deuxième trimestre de 1999 au premier trimestre 2000 et annonce une progression du taux de marge en 2000, compte tenu de la modération des coûts salariaux.

En plus des ratios de résultats d'exploitation, la solvabilité et la trésorerie des entreprises peuvent être mesurées par l'analyse de leurs charges financières et par le ratio de solvabilité (intérêts versés/excédent brut d'exploitation). Ce dernier ne s'attache qu'aux intérêts versés, et non à la charge nette des entreprises, qui comprend également les dividendes et mesure le solde net des produits et charges. La solvabilité est évidemment d'autant plus forte que ce ratio est plus faible.

EVOLUTION DES CHARGES FINANCIÈRES DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES (SNF)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Intérêts versés

432.070

417.660

414.121

384.586

372.837

357.220

370.877

Dividendes versés

257.755

284.989

303.700

312.937

343.012

445.236

468.551

Autres revenus distribués

62.324

65.580

76.563

75.001

82.080

93.525

99.978

Total charges

754.142

770.223

796.379

774.520

799.926

897.979

941.405

Intérêts reçus

149.123

133.720

144.388

121.836

118.316

124.259

137.796

Dividendes reçus

157.746

166.479

171.274

173.011

189.105

242.606

255.358

Prélèvements sur les revenus des quasi sociétés

8.629

8.715

10.825

13.105

13.446

13.596

14.371

Total produits

315.498

308.914

326.487

307.952

320.867

380.461

407.525

Charge nette

438.644

461.309

469.892

466.568

479.059

517.518

533.880

Charge nette/VA (en %)

11,71

12,02

11,81

11,59

11,44

11,78

11,76

EVOLUTION DES CHARGES FINANCIÈRES DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES (SNF)

(en millions d'euros)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Intérêts versés

65.868,65

63.671,86

63.132,34

58.629,76

56.838,63

54.457,84

56.539,83

Dividendes versés

39.294,50

43.446,29

46.298,77

47.706,94

52.291,84

67.875,79

71.430,14

Autres revenus distribués

9.501,23

9.997,61

11.671,95

11.433,83

12.513,02

14.257,79

15.241,55

Total charges

114.968,21

117.419,74

121.407,20

118.074,81

121.947,93

136.896,02

143.516,27

Intérêts reçus

22.733,65

20.385,48

22.011,81

18.573,78

18.037,16

18.943,16

21.006,86

Dividendes reçus

24.048,22

25.379,56

26.110,55

26.375,36

28.828,87

36.985,05

38.929,08

Prélèvements sur les revenus des quasi sociétés

1.315,48

1.328,59

1.650,26

1.997,84

2.049,83

2.072,70

2.190,84

Total produits

48.097,36

47.093,64

49.772,62

46.946,98

48.915,86

58.000,91

62.126,79

Charge nette

66.870,85

70.326,10

71.634,57

71.127,83

73.032,07

78.895,11

81.389,48

Charge nette/VA (en %)

11,71

12,02

11,81

11,59

11,44

11,78

11,76

Source : Comptes nationaux.

Le tableau retraçant l'évolution des charges financières des sociétés non financières corrobore l'observation de l'INSEE selon laquelle « les conditions de financement cessent de se détendre mais demeurent favorables ». La détente des taux longs a pris fin au début de 1999 en France, mais la remontée des taux ne se traduit que faiblement sur les intérêts versés. La dégradation des charges financières nettes depuis 1997 s'explique essentiellement par l'accroissement des dividendes versés. L'observation de l'INSEE est corroborée également par la stabilité du ratio charge nette/valeur ajoutée, compris entre 11,44% et 11,81% depuis 1995.

Le ratio de solvabilité des sociétés non financières, qui mesure le rapport des intérêts versés à l'excédent brut d'exploitation, s'est encore amélioré et témoigne, lui aussi, de la bonne santé financière des entreprises.

RATIO DE SOLVABILITÉ DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES (a)

(en %)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

35,73

33,46

31,82

29,99

27,68

24,89

25,33

(a) Intérêts versés/EBE, la solvabilité est d'autant plus grande que le ratio est peu élevé.

Source : Comptes nationaux.

La bonne situation financière globale s'est également traduite, en 1999, par une nouvelle diminution du nombre de défaillances d'entreprises. Après avoir progressé d'environ 13% par an entre 1985 et 1991, elles avaient diminué de près de 13% sur les deux années 1994 et 1995, revenant de 60.700 en 1993 à 53.595 en 1995. En 1996, 53.754 jugements de défaillance avaient été prononcés. Le nombre de jugements régresse depuis le milieu de l'année 1997. D'avril 1999 à mars 2000, 39.754 jugements de défaillance ont été prononcée, soit une diminution de 9,6% par rapport aux douze mois précédents.

B.- LE NIVEAU HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ DES INVESTISSEMENTS

La formation brute de capital fixe des sociétés non financières et entreprises individuelles a progressé de 7,9% en volume en 1998 et de 7,6% en 1999 après une régression de 0,8% en 1996 et une croissance de 0,4% en 1997. La progression de l'investissement des sociétés est d'autant plus remarquable qu'elle contraste avec le déficit constaté depuis le début de la décennie, la récession de 1993 ayant été accompagnée d'une baisse de 7,9% de la FBCF des sociétés non financières et entreprises individuelles.

Les principaux secteurs concernés sont la construction automobile, les constructions navale, aéronautique et ferroviaire et les biens d'équipement électrique et électronique.

TAUX D'INVESTISSEMENT (a)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Sociétés non financières

18,6

18,5

18,2

18,2

17,4

17,8

18,6

Entrepreneurs individuels

9,2

10,2

10,3

9,1

9,2

9,6

10,1

Total SNF-EI

17

17

16,8

16,6

16,1

16,5

17,2

(a) Formation brute de capital fixe brute/valeur ajoutée brute.

Source : Comptes nationaux.

En 2000, l'investissement devrait continuer à être soutenu, même si les résultats du deuxième trimestre 2000 sont légèrement inférieurs aux prévisions de la note de conjoncture de l'INSEE de juin 2000.

Celle-ci prévoyait une croissance de l'investissement productif des SNF-EI de 7% en 2000 (aux prix de 1995) avec le retour à une hausse plus forte des dépenses en équipement informatique, accompagné d'une poursuite d'un effort d'investissement élevé en bâtiment et matériel de transport. Les dépenses en biens d'équipement mécaniques devaient continuer leur progression, bien qu'à un rythme plus faible que les autres composantes de l'investissement.

Les prévisions des chefs d'entreprise interrogés dans le cadre de l'enquête sur l'investissement d'avril faisaient état d'une nette amélioration de l'investissement industriel au second semestre. Parmi les branches les plus dynamiques devaient figurer cette année encore l'automobile et le secteur des biens intermédiaires, ce dernier quasiment stable en 1999. L'investissement resterait soutenu dans le bâtiment et les travaux publics.

Plusieurs éléments concourent à un pronostic favorable pour l'investissement au second semestre 2000. Le premier est la constatation de la montée progressive des tensions sur les capacités de production.

Comme l'expose l'INSEE dans sa note de conjoncture de juin 2000, « le taux d'utilisation des équipements a en effet encore progressé au premier trimestre de 2000 dans tous les secteurs industriels, excepté dans l'automobile où il recule légèrement depuis ses niveaux records. Dans ce dernier secteur, le cycle d'investissement a en effet débuté plus tôt et l'effort d'équipement engagé continue d'être très important.

« Dans tous les autres secteurs industriels, les tensions continuent de s'accroître. Cela concerne les industries des biens intermédiaires et surtout l'industrie des biens d'équipement. Le taux d'utilisation y est à son niveau le plus élevé depuis la fin des années 1980. Les industriels de cette branche font en outre état d'une forte progression des goulots de production de leur secteur ».

Mesuré par l'INSEE, le taux d'utilisation des capacités de production connaît une phase de croissance pratiquement continue depuis octobre 1998, ce qui accrédite l'idée d'une poursuite de l'investissement de capacité.

TAUX D'UTILISATION - corrigé des variations saisonnières

 

Juillet 1998

Octobre 1998

Janvier 1999

Avril 1999

Juillet 1999

Octobre 1999

Janvier 2000

Avril 2000

Juillet 2000

Industrie manufacturière

84,3

83,5

84,3

84,3

84,9

85,8

86,2

86,5

87,5

Biens intermédiaires

85,6

84,0

84,8

84,3

84,6

85,7

87,2

87,6

88,3

Biens d'équipement

84,3

84,8

84,3

85,6

84,7

84,9

85,1

86,6

85,9

Automobile

91,0

88,5

94,6

93,1

96,3

97,5

94,2

90,5

95,8

Biens de consommation

79,7

79,3

79,8

80,0

81,9

82,4

82,7

83,1

84,9

Ensemble de l'industrie

83,9

83,2

84,1

83,8

84,3

84,8

85,5

85,8

86,5

Industrie agro-alimentaire

82,4

80,9

81,9

81,7

81,3

80,3

80,9

83,0

81,3

Source : INSEE, Informations rapides, n° 225, 21 août 2000.

Par ailleurs, les variations des stocks n'ont que très médiocrement contribué à la croissance depuis l'été 1998. Le dynamisme de la croissance a amené les entreprises à puiser dans leurs stocks, les variations de stocks apportant une contribution négative au PIB sur l'ensemble de l'année 1999 (- 0,4%) et au premier semestre 2000.

 

BIENS ET SERVICES : ÉQUILIBRE RESSOURCES EMPLOIS AUX PRIX DE 1995

Variations t/t-1 (en %), données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables

 
   

1998

1999

2000

Acquis (a)

 
 

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

T1

T2

1998

1999

2000

 

PIB

FBCF totale

dont SNF-EI

Ménages

APU

Demande intérieure totale

0,9

1,6

2,5

- 0,6

1,3

1,2

0,8

1,9

2,2

1,8

0,7

1,1

0,6

1,6

1,8

0,8

1,4

0,7

0,6

1,8

1,4

2,9

0,8

1,1

0,5

2,3

2,9

2,1

0,5

0,3

0,8

1,4

0,9

3,3

0

0,8

1

1,4

2,1

0,3

0,4

0,4

1

1,1

1,2

0,9

0,4

1,4

0,7

1,9

1,4

2,9

1,6

0,7

0,7

1,8

1,9

1,3

1,4

0,5

3,2

6,6

8,3

3,6

2,8

3,9

2,9

7,2

7,7

8,2

2,2

2,9

2,6

5,2

5,1

5,7

3,1

2,5

 
 

Contribution des stocks

au PIB

0,6

0

0

0,2

- 0,5

0

- 0,5

0,7

- 0,1

- 0,1

0,6

- 0,4

0,1

(a) L'acquis est le taux de croissance annuel qui serait observé si la variable concernée restait au niveau atteint au dernier trimestre connu. Il ne s'agit pas d'une prévision mais d'une indication de l'impact des évolutions passées.

Source : INSEE, Informations rapides, n° 237, septembre 2000.

 

Les résultats les plus récents (25) font donc état d'une croissance de la FBCF des SNF-EI de 1,9% au deuxième trimestre 2000 au lieu des 2,1% prévus dans la note de conjoncture de juin 2000, mais la croissance de la FBCF des SNF-EI pour le premier trimestre a été révisée à 1,4% au lieu de 1,3% en juin. La note de septembre constate un acquis de croissance de 5,1% en 2000 à l'issue du premier semestre et en juin, l'INSEE prévoyait une croissance de 7% de la FBCF des SNF-EI pour l'ensemble de l'année 2000. Une performance aussi exceptionnelle pourrait être réalisée mais, pour les entreprises comme pour les autres acteurs économiques, le deuxième semestre s'ouvre avec le double choc du renchérissement des produits pétroliers et de la dépréciation de l'euro sur les marchés des changes.

Il n'est pas douteux que les années 1998, 1999 et 2000 vont constituer une période exceptionnellement faste pour l'investissement des entreprises. Or, si l'investissement est indispensable, il peut être, d'une certaine façon, destructeur de richesses, en cas de mauvaise allocation des ressources. Il ne convient pas seulement d'investir suffisamment, il faut surtout bien investir.

C.- COMMENT INVESTIR ?

La reprise de l'investissement depuis 1997 intervient dans un contexte très particulier : celui du développement de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui participent au développement de ce que l'on appelle communément la « nouvelle économie ». L'application de l'informatique aux télécommunications, avec le téléphone mobile, à la musique, avec le format MP3, ou au commerce, avec la e-economie, ou commerce sur l'Internet, constitue un bouleversement profond. Pour autant, la vague de faillites qui a affecté depuis le début de l'année ce secteur et la correction boursière sur les valeurs technologiques (le « e-krach ») rappellent que l'investissement est une variable sensible pouvant augmenter comme diminuer la valeur d'une entreprise. Au sein du processus de production, l'investissement n'est pas un facteur de production à proprement parler : c'est le capital qui, combiné à d'autres facteurs comme le travail, permettra de produire, donc il s'agit d'un « détour » de production. L'investissement d'une période représente la nouvelle génération d'équipements qui va venir s'agréger au capital existant, dont une partie aussi va disparaître dans la période considérée.

Un investissement inapproprié se traduit par une destruction de richesses et l'obsolescence du capital ainsi constitué.

Alors que le volume d'investissement croît fortement depuis 1997, il est donc particulièrement légitime de poser la question : comment investir ?

1.- L'ambivalence de l'investissement

L'investissement crée des richesses mais peut en détruire, lorsqu'il n'intervient pas à bon escient. Ainsi, les aides fiscales à l'investissement de la fin des années 60 et du début des années 70 se sont traduites en France par des surinvestissements de capacité dans la sidérurgie ou le raffinage, et par une insuffisance de recherche et de développement.

L'investissement pertinent, le bon investissement, est également destructeur de richesses, car il accélère l'obsolescence du capital en place. La France s'interrogeait au milieu des années 90 sur le développement des autoroutes de l'information, alors que l'Internet était en cours de développement et a précipité le minitel, fleuron de la technologie française des années 70, au magasin des souvenirs.

L'application de l'informatique à la branche automobile, avec la robotisation du début des années 80, a entraîné la fin du travail à la chaîne des ouvriers spécialisés (O.S.). Les systèmes électro-mécaniques ont également disparu, remplacés par des cartes informatiques ; d'autres industries, comme celle du papier carton, ont été révolutionnées par l'informatique. Au système commercial ancien d'une gamme de produits d'emballage, proposée aux clients, avec des stocks substantiels, a été substituée la définition du produit par le client lui-même à l'aide de modèles informatiques. La fabrication intervient ensuite dans un délai court et le niveau de stocks est extrêmement réduit.

Chaque progrès a représenté une destruction de richesses, d'emplois et la reconversion de branches industrielles. La nouvelle économie est pourtant différente, en ce qu'elle représente non pas un simple progrès informatique, mais parce qu'elle repose sur la communication directe avec le client final (entreprise ou particulier), par les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

2.- La révolution de la nouvelle économie

La nouvelle économie, qui permet à certains pays déjà développés d'améliorer encore leur positionnement économique par rapport aux autres, est difficile à définir. L'innovation et la technologie y jouent certainement un rôle essentiel. Toute une gamme de facteurs spécifiques favorisent une croissance basée sur l'innovation telle qu'on l'observe dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication comme l'Internet, et dans les applications de l'Internet comme le commerce électronique. Ces deux éléments caractérisent ce qu'il est convenu d'appeler la nouvelle économie.

L'approche statistique d'un tel phénomène a été tentée par l'INSEE et les résultats sont publiés dans le rapport sur les comptes de la Nation annexé au projet de loi de finances pour 2001. Elle atteint rapidement ses limites, puisque l'INSEE a restreint son analyse aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, sans prendre en compte le commerce en ligne.

L'analyse sur vingt ans de l'impact des nouvelles technologies sur l'économie a pour effet de mettre sur le même plan le minitel et le micro-ordinateur de la dernière génération, alors que l'INSEE relève qu'il est difficile, dans ces domaines, de préciser le partage volume-prix pour les indices de prix de vente industriels des ordinateurs et appareils de haute fidélité. Le constat selon lequel « le prix du matériel informatique a été divisé par 130 entre 1967 et 1997, soit en moyenne par deux tous les quatre ans » présente un intérêt relatif (Qu'est-ce que le « matériel informatique » de 1967 ?), et chaque consommateur sait qu'au début du troisième millénaire la baisse des prix du secteur est infiniment plus rapide.

Une approche plus intéressante est celle du tableau de bord de l'innovation, mis en place en avril 1999 par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et mis à jour tous les semestres.

Il présente dix-huit indicateurs significatifs du développement de l'innovation technologique en France en quatre rubriques : nouveaux capitaux, nouveaux entrepreneurs et nouveaux emplois, nouvelles technologies, nouveaux usages.

Sur ces dix-huit indicateurs, le tableau de bord de l'innovation en retient cinq, particulièrement significatifs et synthétiques pour l'analyse de l'innovation. Les indicateurs clés sont :

- le chiffre d'affaires des secteurs technologiquement innovants ;

- les fonds levés sur le nouveau marché ;

- les créations d'entreprises dans les secteurs technologiquement innovants ;

- le nombre de brevets déposés par des personnes françaises en Europe ;

- le nombre d'internautes en France.

Le tableau de bord d'avril 2000 fait état d'une dynamique de l'innovation importante en France.

L'indice de chiffre d'affaires de l'ensemble des « secteurs technologiquement innovants » (technologies de l'information et de la télécommunication, bio-technologies, produits pharmaceutiques et nouveaux matériaux) a augmenté de 10% en valeur en 1999 par rapport à 1998. Ceci témoigne du succès commercial des innovations technologiques. Le secteur des activités informatiques connaît la plus forte progression (+15,3%) : il a bénéficié de la crainte du bogue de l'an 2000. La fabrication d'équipements de communication est, elle aussi, très dynamique (+12,3% de progression), la demande ayant été particulièrement soutenue dans la télévision numérique et le téléphone mobile.

La mobilisation de nouveaux capitaux a concerné en 1999, moins qu'avant, le nouveau marché (215 millions d'euros, soit 1,4 milliard de francs), en raison du « minikrach » de l'automne, en revanche, la moyenne des capitaux levés par société continue d'augmenter (18 millions d'euros, soit 117 millions de francs en 2000, contre 12,2 millions d'euros, soit 80 millions de francs en 1999). L'année 1999 a été une année record pour le financement en fonds propres dans les jeunes entreprises. Les fonds investis dans le domaine du capital-risque ont fortement augmenté (+64%, à 427 millions d'euros, soit 2,8 milliards de francs).

La création d'entreprises dans les secteurs technologiquement innovants a été élevée.

Au dernier semestre 1999, plus d'une création d'entreprise sur vingt est intervenue dans les secteurs technologiquement innovants. Sur l'ensemble de l'année 1999, plus de 8.000 entreprises nouvelles ont été créées ex nihilo dans les secteurs technologiquement innovants.

Le nombre de brevets déposés par des personnes françaises en Europe augmente.

Ainsi, près de 6.200 nouveaux brevets européens ont été demandés en 1999 par les entreprises françaises ; la tendance à la hausse reste forte, d'environ 10% entre 1998 et 1999. Les demandes internationales de brevets par les entreprises françaises croissent au même rythme, avec plus de 3.600 demandes.

Enfin, à la fin de 1999, environ un Français sur quatre possédait un ordinateur dans sa résidence principale. Cet envol de l'informatique domestique favorise le développement de l'utilisation de l'Internet : le nombre d'abonnements ayant été souscrits auprès d'un fournisseur d'accès à l'Internet a doublé en neuf mois, pour atteindre 3 millions en début d'année 2000. On peut estimer que près d'un Français sur dix utilise l'Internet de façon régulière, ce qui reste toutefois inférieur à l'usage qui en est fait au Royaume-Uni, en Allemagne et surtout aux Etats-Unis.

Le développement de l'innovation est une des préoccupations constantes du Gouvernement qui a pour objectif de mettre fin à la séparation existant entre la recherche publique et les entreprises, et à permettre au potentiel scientifique et technique de la recherche de favoriser la croissance et les créations d'emplois.

Plusieurs orientations méritent à ce titre d'être particulièrement signalées, comme l'a indiqué le communiqué publié à l'issue du Conseil des ministres du 18 juillet 2000 :

- la loi n° 99-587 sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999, qui permet aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs de participer à la création d'entreprises valorisant leurs travaux, devrait permettre de passer de 20 créations d'entreprises par an par des chercheurs à plus de 100 en 2000, conformément à l'objectif fixé par le comité interministériel de la recherche scientifique et technique de juillet 1998 ;

- le nombre de réseaux de recherche et d'innovation technologique associant laboratoires publics et entreprises est passé de 1 à 10. Trois réseaux ont été créés dans le domaine des sciences du vivant, trois dans celui des technologies de l'information, et trois dans celui des matériaux et des transports ;

- un appel à projets pour la création d'incubateurs et de fonds d'amorçage pour de jeunes entreprises technologiques a été lancé en mars 1999. Vingt-neuf incubateurs existent déjà, ainsi que sept fonds d'amorçage, dont trois à dimension nationale. A la fin de l'année, 700 millions de francs (106 millions d'euros) pourraient être levés par ces fonds ;

- un concours destiné à favoriser la création d'entreprises innovantes a été lancé en mars 1999. Doté de 200 millions de francs (30,49 millions d'euros) cette année, il devrait permettre de soutenir en deux ans la création de plus de 500 entreprises ;

- des dispositions fiscales, financières et juridiques ont été prises au profit des entreprises innovantes.

Une autre approche, non pas technologique mais commerciale, est celle du tableau de bord du commerce électronique, établi par la mission pour le commerce électronique, et publié en avril 2000. Il a mesuré, pour 1999, l'attractivité du marché, le dynamisme de celui-ci et l'impact économique du commerce électronique. Il met notamment en évidence la forte progression des sites marchands en France, passés de 600 en décembre 1998 à 900 en juin 1999, et le fait que la principale offre commerciale des sites (21%) porte sur l'alimentation, alors que 46% du chiffre d'affaires en 1998 a concerné le tourisme et 41% l'informatique. 790.000 internautes ont fait un achat sur Internet entre mai et octobre 1999 au lieu de 580.000 entre novembre 1998 et avril 1999. Les revenus des investissements publicitaires sur Internet, qui représentaient 76,26 millions de francs (11,63 millions d'euros) au second semestre de 1998, ont atteint 170 millions de francs (25,92 millions d'euros) au premier semestre de 1999.

Une dernière approche de la révolution que représente l'irruption de la nouvelle économie pour l'entreprise est proposée par le MEDEF (26) et offre l'intérêt de montrer par des exemples concrets, les enjeux qualitatifs de l'Internet : ainsi la relation du consommateur avec l'entreprise devient de plus en plus directe et personnalisée et la richesse peut paradoxalement dépendre de la fourniture gratuite d'un produit ou d'un service. L'étude observe que « l'évolution de la technologie est bien plus rapide que notre capacité à l'absorber. La courbe d'évolution technologique est plus rapide que celle de l'évolution économique, elle-même plus rapide que celle de l'évolution sociétale [...] Une génération technologique dure aujourd'hui environ dix-huit mois, contre trois ans pour la transformation des règles du jeu économique, dix ans pour l'adaptation sociétale. »

Elle constate que « le quart des transactions à l'échelle de la planète s'effectue entre filiales de mêmes firmes et le pouvoir est de plus en plus concentré dans quelques mains. Il est aussi au bout des doigts et c'est ainsi qu'on a pu voir un jeune financier de Singapour mettre en péril toute une institution financière à partir d'une idée. C'est ainsi que, selon Strategic international studies qui conseille le gouvernement américain, il ne faudrait que quarante-huit heures à dix pirates informatiques expérimentés pour mettre les Etats-Unis à genoux. » (Les 7 et 8 février 2000, une attaque informatique a bloqué plusieurs heures les principaux sites du commerce électronique américain).

« Le phénomène Internet est le domaine du faster, smaller and cheaper : plus vite, plus petit et moins cher. Plus vite car le cycle de développement informatique est d'environ dix-huit mois. Tous les dix-huit mois, la puissance des micro-processeurs double. La miniaturisation est également de plus en plus rapide et les technologies de plus en plus accessibles, de plus elles s'intègrent généralement dans un même appareil. On assiste à une véritable convergence des secteurs d'activité : ceux qui produisent l'information s'intègrent à ceux qui la distribuent et à ceux qui conçoivent les plates-formes. Plus petit. En fait, désormais géants et lilliputiens cohabitent. On constate dans le monde des affaires, une concentration de plus en plus importante des grands groupes et en même temps une multiplication de petites entreprises extrêmement mobiles, qui se positionnent sur des niches et gagnent des parts de marché en agissant très rapidement avec parfois des durées de vie limitées. »

« Trois éléments fondamentaux sont touchés : le temps - il faut désormais fonctionner et être connecté 24 heures sur 24, sept jours sur sept -, la masse - l'immatérialité prend de plus en plus de valeur -, l'espace avec l'abolition des frontières - de plus en plus on trouve des entreprises « trois huit » qui travaillent sur toute la planète en temps continu. »

Dans le contexte de l'irruption de la nouvelle économie (qui n'est pas, tant s'en faut, toute l'économie) l'analyse des comportements d'investissement témoigne d'évolutions récentes remarquables.

3.- Les comportements d'investissement

La nouvelle économie bouleverse les valeurs qui traditionnellement sous-tendent la décision d'investir. Comme le rappelle l'article de la revue des entreprises, déjà citée, la valeur des entreprises change. « C'est, en fait, l'espoir de développement d'une entreprise qui fait aujourd'hui sa valeur ».

« La bataille de l'information va très au-delà de l'accès au contenu et aux services. La nouvelle conquête est celle de l'imaginaire et de la quête de sens. De tous ces changements émergent de nouveaux paradigmes. La valeur croît avec l'usage. La richesse n'est plus une question de rareté, au contraire, c'est le nombre d'utilisateurs qui devient le facteur déterminant. Prenons les téléphones portables, par exemple. Un téléphone portable tout seul, cela ne vaut rien. C'est la plate-forme qui crée l'effet de richesse. La gratuité paie elle aussi. Netscape a ainsi conquis 80 % du marché du navigateur en diffusant gratuitement son logiciel de navigation à plusieurs millions d'exemplaires. »

Dans un contexte de révolution économique, la détermination de l'investissement obéit, moins qu'à toute autre époque, à un simple calcul de rentabilité financière, de profitabilité de l'investissement. La nécessité d'opérer des choix stratégiques a pris le pas sur le calcul trivial de la rentabilité financière de l'investissement.

Le rapport général (tome I, volume 1), sur le projet de loi de finances pour 2000, avait souhaité faire le point sur le phénomène croissant des fusions-acquisitions et sur la place des sociétés européennes et françaises dans ce mouvement. Le marché des fusions-acquisitions a encore crû en 1999 par rapport à 1998 (27) et au premier semestre 2000 par rapport au premier semestre 1999 (28). De 1998 à 1999, le marché mondial est passé de 541.543 millions de dollars à 796.833 millions de dollars (+47%), la baisse du nombre de transactions (5.089 en 1999 à comparer à 5.363 en 1998) mettant en évidence la concentration croissante des grandes sociétés. La France a été en 1999 le quatrième pays acheteur et le cinquième pays vendeur. Au premier semestre 2000, 3.310 transactions ont porté sur 643.299 millions de dollars à comparer à 2.745 transactions pour 402.610 millions de dollars au premier semestre 1999. La France a été le deuxième pays acheteur et reste le cinquième vendeur.

Les interrogations formulées dans le rapport de l'an dernier sur l'intérêt financier de ces opérations sont toujours d'actualité : à titre d'exemple, le titre Vivendi qui valait environ 120 euros à l'annonce de la fusion Vivendi-Canal Plus-Seagram a été immédiatement sanctionné par le marché, évoluant entre 80 et 95 euros de la fin du mois de juin à la fin du mois d'août. Au demeurant, la séparation de l'ancienne économie qui serait concernée au premier chef par le mouvement des fusions-acquisitions avec la nouvelle constituée de petites « start-up » n'est pas si étanche comme le met en évidence la fusion entre AOL et Time Warner.

La mode de la net-economie et de l'investissement dans les « jeunes pousses » ou start-up a également connu depuis quelques mois une relative désaffection, les investisseurs étant plus perplexes ou prudents.

Ainsi, dans la période la plus récente, les valeurs technologiques, de médias et de télécommunications (TMT) ont concentré une part importante de la croissance boursière comme l'a souligné une analyse de la société d'investissement Aurel Leven (29). Après un krach en septembre 1998 et une correction boursière de mai à septembre 1999, les valeurs Internet ont connu de nouveau une croissance spectaculaire entre septembre 1999 et janvier 2000 avec un doublement de leurs cours. L'étude d'Aurel Leven souligne la volatilité des valeurs TMT, compte tenu du risque technologique encouru : « Investir dans une valeur de la nouvelle économie est en quelque sorte détenir une option sur un marché potentiel ».

En effet, l'évaluation d'une société Internet est un exercice délicat, puisque la capitalisation boursière de ces entreprises est sans rapport avec les pertes qu'elles engendrent (30). Cette valeur constitue en fait un droit d'entrée dans la nouvelle économie avec l'acquisition de e-marques, de e-clientèle et de e-savoir-faire.

Depuis le printemps 2000, de nombreuses « jeunes pousses », dont Boo.com ou Alidoo ont cessé leur activité. Un sondage auprès de 50 sites de commerce en ligne en avril 2000 montre que 32 % de ces entreprises ne savent pas ou ne se prononcent sur la perspective de profits futurs et sur leurs modalités de financement en 2000. La stratégie de Europ@web, holding de M. Bernard Arnault, qui a investi environ 3,15 milliards de francs (480 millions d'euros) en seize mois laisse perplexes nombre d'observateurs, alors que le projet de banque en ligne « Ze Bank » n'a pas encore vu le jour. L'investissement dans la nouvelle économie est donc indispensable, si l'on veut ne pas manquer le train de la modernité, et en même temps infiniment risqué et coûteux. Les effets de l'irruption de la nouvelle économie dans des branches anciennes d'activité entraînent déjà la création et la destruction de richesses. On en donnera deux exemples : l'industrie du disque et la banque.

4.- Deux exemples de l'impact de la nouvelle économie :
l'industrie du disque et la banque

L'industrie du disque, qui repose depuis le début des années 80 sur la vente de disques compacts (CD), est mise à mal par les progrès de l'informatique du fait de la diffusion du format MP3, des graveurs de CD et de l'Internet.

Le format MP3 (31), développé depuis le milieu des années 90, permet de réduire d'environ douze fois la taille d'un fichier son (WAV) classique d'ordinateur, sans perte de qualité sonore perceptible à l'oreille. Le développement de l'Internet s'est traduit par une floraison de sites proposant de la musique MP3, quelquefois payants et souvent gratuits. Certains logiciels comme Napster permettent la mise en réseau des ordinateurs pour le partage par téléchargement réciproque des fichiers MP3. Le nouveau format, associé à l'Internet, a pour effet de rendre potentiellement gratuite toute musique à l'échelle mondiale.

En même temps, les graveurs de CD (audio et de données) sont devenus d'un prix suffisamment abordable pour être commercialisés en série avec les ordinateurs. Le premier prix d'un graveur en septembre 2000 à Paris est de l'ordre de 1.100 francs (167,69 euros) et celui du CD inscriptible compris entre 3,50 francs et 4 francs (environ 0,55 euro).

Autrement dit, l'achat d'un graveur aux fins de copie de CD audio est en quelque sorte amortie après la gravure d'une dizaine de CD. L'industrie du disque doit s'adapter à un défi économique proche de celui de l'introduction du magnétophone à cassette enregistrable, à cette différence que la qualité des CD audio gravés sur micro-ordinateur, comme celle de la musique MP3, n'est pas inférieure à celle des CD du commerce, et ce pour un coût qui tend vers la gratuité.

Les efforts des « majors » de la musique et de l'électronique pour endiguer la vague du MP3 ou en capter le profit, en proposant notamment des baladeurs MP3 permettant de charger à partir d'un ordinateur une à deux heures de musique MP3, sont remis en cause par la diffusion depuis juillet 2000 d'un baladeur MP3 capable de lire des CD MP3, et donc quatorze heures de musique pour moins de 1.000 francs (152 euros) (32). Confrontées au défi de la diffusion à l'échelle mondiale de CD musicaux à un prix tendant vers la gratuité (33), l'industrie du disque n'a pas réussi pour l'instant à mettre au point une parade technique.

Elle a, par contre, entrepris des actions judiciaires contre les sites les plus en vue de la MP3-économie.

Le site Napster, qui compte plus de 20 millions d'utilisateurs, et qui pourrait en avoir 70 millions avant la fin de l'année, fait l'objet d'une plainte de l'industrie du disque qui lui reproche de violer la législation sur les droits d'auteurs. Une décision de première instance d'un tribunal américain a ordonné en juillet 2000 la fermeture du site, mais Napster bénéficie actuellement d'un sursis à exécution en attendant la décision d'appel.

S'agissant de MP3.com, la phase judiciaire s'est conclue par un accord à l'amiable entre MP3.com et les groupes d'édition musicale Warner Music et Bertelsmann en juin 2000, et par des accords avec EMI et Sony en juillet et août, prévoyant le versement de droits d'exploitation de licences. MP3.com reste en procès avec Universal Music.

Ainsi les sociétés de l'industrie du disque, faute de mettre au point une parade technique à la gravure, par des particuliers, de CD audio à un coût symbolique ou le téléchargement de fichiers MP3 sur Internet, ne peuvent que tenter de passer des accords avec les plus importants sites de diffusion de musique.

La profession bancaire est, elle aussi, confrontée au développement de la nouvelle économie. Comme l'expose en effet la revue professionnelle Banque Magazine, le credo de l'année 2000 est pour la profession bancaire l'intégration d'une stratégie Internet à chacun de ses métiers (34). Pour autant, selon un intéressant article de M. Bernard de Longevialle (Standard and Poor's France), l'irruption de l'Internet constitue une menace pour la rentabilité des banques.

« L'arrivée des acteurs de la nouvelle économie risque de durcir le contexte concurrentiel. Ceux-ci s'attaquent aux segments de clientèles les plus rentables et à des produits jusqu'alors épargnés par la concurrence comme les comptes d'épargne. Dans le contexte français, compte tenu de la fin attendue de l'interdiction de rémunération des comptes courants, le risque du déclenchement d'une guerre des dépôts est réel.

« Internet devrait permettre aux banques françaises de trouver de nouvelles sources de revenus liées à l'émergence de nouveaux services pour lesquels elles disposent d'avantages comparatifs. On peut citer notamment l'offre de moyens de paiement sécurisés sur Internet, le financement du télécommerce, la gestion et le regroupement des achats de leur clientèle d'entreprises, etc.

Cependant, « en permettant de développer une offre bancaire avec un réseau physique très limité, la Toile supprime l'une des principales barrières à l'entrée du marché. Ainsi, l'entrée progressive de nouveaux acteurs, soucieux de conquérir des parts de marché, devrait se traduire par un durcissement progressif des conditions de concurrence et un abaissement des marges pratiquées sur les segments d'activités concernés par ce nouvel instrument ; par exemple les activités standardisées comme le courtage actions, le crédit hypothécaire ou le crédit à la consommation.

« L'impact de l'arrivée de nouveaux concurrents - qui se traduit déjà par une réduction sensible des tarifs de courtage d'un certain nombre de banques à réseau - pourrait être particulièrement coûteux à terme pour les marges sur dépôts des banques françaises. La fin programmée de l'interdiction de la rémunération des comptes pourrait s'avérer douloureuse pour le secteur. En effet, la perspective de voir les banques de dépôts offrir une rémunération très basse aux titulaires de compte courant est susceptible de voler en éclats sous les coups de boutoir de la concurrence des acteurs en ligne.

« Le couple tarification minimale-coûts fixes très bas suggère des conditions d'exploitation potentiellement insoutenables par les banques traditionnelles. Bien que les perspectives de rentabilité des acteurs en ligne demeurent incertaines et que leurs coûts fixes puissent s'avérer non négligeables (à cause de la probable nécessité de se doter d'un minimum de réseau physique et l'importance des frais publicitaires dans un univers où la fidélité de la clientèle devrait être basse), leurs conditions d'exploitation et leurs coûts variables très bas devraient leur permettre de proposer durablement des tarifs inférieurs à ceux praticables par les réseaux bancaires classiques.

« Les banques sont confrontées à un dilemme qui les contraint d'accélérer leurs investissements Internet sous peine de perdre leur fonds de commerce, alors même que le basculement rapide de leur clientèle vers les services en ligne est susceptible d'avoir un impact négatif sur la rentabilité de leurs réseaux. Sans départ vers la concurrence, le simple basculement de la clientèle de réseaux vers les services en ligne « maison », de type « Logitel » (service de la Société générale à tarification proche de celle pratiquée en agence), se traduirait par une perte de produit net bancaire (PNB) pour ces mêmes réseaux. »

La profession bancaire est donc soumise à des préoccupations assez proches (mais limitée à l'exercice du métier bancaire) de celles des investisseurs en start-up.

Il ne faut pas rater le train de la modernité, même si cette modernité peut avoir un effet létal sur les banques à réseau.

La révolution de la nouvelle économie réside bien, à la différence de ce que l'on a connu pendant les années 80, dans l'application de l'informatique au commerce avec une relation directe du prestataire de services avec le client final. Pendant les années 80, l'informatique avait transformé les processus de fabrication industrielle, aujourd'hui elle diminue les prix des services pour une augmentation incommensurable de leur qualité : dans les exemples choisis, la musique devient gratuite et le client se transforme en gestionnaire direct de compte bancaire.

La phase exceptionnelle d'investissement que connaît actuellement la France conditionne sans doute son insertion dans la nouvelle économie et son positionnement à venir dans le monde développé.

IV.- UN COMMERCE EXTÉRIEUR ÉQUILIBRÉ, EN DÉPIT DU DYNAMISME DES IMPORTATIONS, GRÂCE À LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES

A.- DES ECHANGES EXTERIEURS PERFORMANTS

1.- Un excédent commercial « confortable »

·  Poursuivant la tendance observée depuis 1993, la France a enregistré, en 1999, pour la septième année consécutive, un excédent commercial, de 111 milliards de francs (16,92 milliards d'euros) (35).

Certes, le résultat de 1999 s'inscrit en baisse, pour la troisième année consécutive, par rapport à ceux observés en 1998 (142 milliards de francs, soit 21,65 milliards d'euros, soit une baisse de 22%) et en 1997 (157 milliards de francs, soit 23,93 milliards d'euros, soit une baisse de près de 30%). Il mérite, pourtant, d'être salué.

Il s'agit, en effet, de la troisième meilleure performance de la décennie.

Le solde commercial de 1999 a, par ailleurs, été dégagé dans des circonstances particulièrement adverses, imputables, d'une part, au choc extérieur observé lors du premier semestre 1999, qui s'est traduit par un ralentissement sensible de la demande étrangère adressée à la France et, d'autre part, à la remontée, à partir de mars 1999, des cours pétroliers, dont les effets sur la balance commerciale ont été renforcés par la faiblesse de l'euro.

Ce solde commercial a, enfin, été obtenu « en dépit » de la vive croissance de nos importations, elle-même liée au dynamisme de la demande intérieure française. De ce fait, l'excédent commercial de 1999 confirme le caractère désormais structurel de notre solde commercial, dont les performances ne reposent plus, comme ce fut le cas jusqu'en 1996, sur le caractère atone de la demande intérieure, mais sur la compétitivité de nos produits.

 

COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 1990-1999
(Résultats bruts FAB-FAB, y compris matériel militaire)

 

(en milliards de francs)

 
   

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er sem. 1999

1er sem. 2000

 
 

MONDE

 

Solde commercial

- 65

- 2

54

45

54

74

157

142

111

56

32

 

Exports

1.195

1.224

1.167

1.288

1.408

1.470

1.691

1.801

1.852

891

1.030

 

TCA exportations (a)

3,5%

2,4%

- 4,6%

10,4%

9,3%

4,4%

15,0%

6,5%

2,8%

 

15,6%

 

Imports

1.260

1.226

1.113

1.243

1.354

1.396

1.534

1.659

1.741

835

998

 

TCA importations (a)

2,1%

- 2,7%

- 9,2%

11,7%

9,0%

3,1%

9,9%

8,1%

5,0%

 

19,5%

 

UNION EUROPEENNE

                     
 

Solde commercial

- 23

1

19

13

13

24

79

59

76

37

32

 

Exports

784

798

734

825

909

936

1.053

1.132

1.183

585

659

 

TCA exportations (a)

4,8%

1,8%

-8,1%

12,5%

10,1%

3,0%

12,5%

7,5%

4,5%

 

12,6%

 

Exports

807

797

715

812

896

911

974

1.073

1.106

548

626

 

TCA importations (a)

0,5%

- 1,2%

-10,4%

13,7%

10,3%

1,7%

6,9%

10,1%

3,1%

 

14,4%

 

ZONE EURO

 

Solde commercial

- 27

- 13

0

- 17

- 14

- 4

30

6

21

8

8

 

Exports

644

652

592

660

734

751

830

896

932

462

526

 

TCA exportations (a)

5,8%

1,3%

- 9,2%

11,6%

11,2%

2,2%

10,6%

8,0%

4,0%

 

13,9%

 

Imports

670

665

592

677

748

755

800

890

911

454

518

 

TCA importations (a)

- 0,7%

- 0,8%

-11,0%

14,3%

10,4%

0,9%

6,0%

11,2%

2,4%

 

14,2%

 

(a) TCA : Taux de croissance annuel.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

 

COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 1990-1999
(Résultats bruts FAB-FAB, y compris matériel militaire)

 

(en milliards d'euros)

 
   

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er sem. 1999

1er sem. 2000

 
 

MONDE

                     
 

Solde commercial

- 9,91

- 0,30

8,23

6,86

8,23

11,28

23,93

21,65

16,92

8,54

4,88

 

Exports

182,18

186,60

177,91

196,35

214,65

224,10

257,79

274,56

282,34

135,83

157,02

 

- 4 -

TCA exportations (a)

3,5%

2,4%

- 4,6%

10,4%

9,3%

4,4%

15,0%

6,5%

2,8%

 

15,6%

 

Imports

192,09

186,90

169,68

189,49

206,42

212,82

233,86

252,91

265,41

127,29

152,14

 

TCA importations (a)

2,1%

- 2,7%

- 9,2%

11,7%

9,0%

3,1%

9,9%

8,1%

5,0%

 

19,5%

 

UNION EUROPEENNE

                     
 

Solde commercial

- 3,51

0,15

2,90

1,98

1,98

3,66

12,04

8,99

11,59

5,64

4,88

 

Exports

119,52

121,65

111,90

125,77

138,58

142,69

160,53

172,57

180,35

89,18

100,46

 

TCA exportations (a)

4,8%

1,8%

-8,1%

12,5%

10,1%

3,0%

12,5%

7,5%

4,5%

 

12,6%

 

Imports

123,03

121,50

109,00

123,79

136,59

138,88

148,49

163,58

168,61

83,54

95,43

 

TCA importations (a)

0,5%

- 1,2%

-10,4%

13,7%

10,3%

1,7%

6,9%

10,1%

3,1%

 

14,4%

 

ZONE EURO

                     
 

Solde commercial

- 4,12

- 1,98

0

- 2,59

- 2,13

- 0,61

4,57

0,91

3,20

1,22

1,22

 

Exports

98,18

99,40

90,25

100,62

111,90

114,49

126,53

136,59

142,08

70,43

80,19

 

TCA exportations (a)

5,8%

1,3%

- 9,2%

11,6%

11,2%

2,2%

10,6%

8,0%

,0%

 

13,9%

 

Imports

102,14

101,38

90,25

103,21

114,03

115,10

121,96

135,68

138,88

69,21

78,97

 

TCA importations (a)

- 0,7%

- 0,8%

-11,0%

14,3%

10,4%

0,9%

6,0%

11,2%

2,4%

 

14,2%

 

(a) TCA : Taux de croissance annuel.

_  Une analyse sectorielle de nos échanges confirment leur bonne orientation.

Notre commerce extérieur continue, en effet, d'être tiré par trois branches d'activité.

Le secteur automobile reste « le fer de lance » de nos échanges, dégageant, grâce à la vigueur du marché européen, un excédent de 53 milliards de francs (8,08 milliards d'euros). En raison de la progression des ventes aéronautiques et spatiales, les biens d'équipements civils dégagent un excédent de 38 milliards de francs (5,79 milliards d'euros). Dans ces deux cas - automobile et biens d'équipements civils -, il s'agit de la troisième performance de la décennie. Le secteur agro-alimentaire enregistre un excédent substantiel de près de 61 milliards de francs (9,30 milliards d'euros), qui constitue, après le record de 1997, la deuxième meilleure performance de la décennie.

Si l'on excepte celui des biens intermédiaires dont le solde
(- 0,8 milliard de francs, soit - 0,12 milliards d'euros) est proche de l'équilibre, deux secteurs demeurent, en 1999, déficitaires : le secteur des biens de consommation continue, en effet, de dégager un solde négatif de près de 28 milliards de francs (4,27 milliards d'euros), imputable au dynamisme de notre marché intérieur, tandis que notre déficit énergétique se creuse de 15,7 milliards de francs (2,39 milliards d'euros) pour atteindre 76,4 milliards de francs (11,65 milliards d'euros) .

 

ÉVOLUTION DU SOLDE EXTÉRIEUR PAR GROUPE DE PRODUITS
(Résultats bruts CAF/FAB, hors matériel militaire)

(en milliards de francs)

 
   

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er sem. 1999

1er sem. 2000

 
 

Produits agricoles

17,6

22,1

21,4

7,3

9,1

11,7

12,7

11,9

14,5

5,9

7,4

 

Industrie agro-alimentaire

23,9

27,8

31,4

33,4

38,1

40,2

52,6

46,4

46,3

17,9

20,5

 

Total

41,5

49,8

52,9

40,8

47,1

52,0

65,3

58,3

60,8

23,8

27,9

 

Énergie

- 95,7

- 80,1

- 69,9

- 67,6

- 60,4

- 78,2

- 86,4

- 60,7

- 76,4

- 30,3

- 70,1

 

Biens intermédiaires

- 57,5

- 48,3

- 19,3

- 27,4

- 9,9

10,1

17,5

1,8

- 0,8

0,5

- 13,6

 

Équipement

- 18,6

3,7

17,5

16,6

28,4

26,6

45,2

40,5

38,1

10,3

31,0

 

Automobiles

32,0

30,6

29,3

30,3

22,4

24,9

63,7

58,2

53,1

28,3

34,9

 

Biens de consommation

- 45,3

- 37,0

- 31,8

- 29,6

- 27,5

- 20,4

- 19,4

- 28,9

- 27,8

- 12,4

- 23,1

 

Total

- 89,3

- 51,0

- 4,3

- 10,1

13,4

41,1

107,0

71,6

62,5

26,6

29,2

 

Divers

11,9

11,8

16,4

20,5

0,7

- 2,2

- 1,7

- 2,7

- 1,8

- 0,7

0,1

 

Ensemble CAB/FAB

hors matériel militaire

- 131,7

- 69,4

- 5,0

- 16,4

0,9

12,6

84,3

66,5

45,1

19,4

- 13,0

 

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

 

 

ÉVOLUTION DU SOLDE EXTÉRIEUR PAR GROUPE DE PRODUITS
(Résultats bruts CAF/FAB, hors matériel militaire)

(en milliards d'euros)

 
   

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er sem. 1999

1er sem. 2000

 

Produits agricoles

2,68

3,37

3,26

1,11

1,39

1,78

1,94

1,81

2,21

0,90

1,13

Industrie agro-alimentaire

3,64

4,24

4,79

5,09

5,81

6,13

8,02

7,07

7,06

2,73

3,13

Total

6,33

7,59

8,06

6,22

7,18

7,93

9,95

8,89

9,27

3,63

4,25

Énergie

- 14,59

- 12,21

- 10,66

- 10,31

- 9,21

- 11,92

- 13,17

- 9,25

- 11,65

- 4,62

- 10,69

Biens intermédiaires

- 8,77

- 7,36

- 2,94

- 4,18

- 1,51

1,54

2,67

0,27

- 0,12

0,08

- 2,07

Équipement

- 2,84

0,56

2,67

2,53

4,33

4,06

6,89

6,17

5,81

1,57

4,73

Automobiles

4,88

4,66

4,47

4,62

3,41

3,80

9,71

8,87

8,10

4,31

5,32

Biens de consommation

- 6,91

- 5,64

- 4,85

- 4,51

- 4,19

- 3,11

- 2,96

- 4,41

- 4,24

- 1,89

-3,52

Total

- 13,61

- 7,77

- 0,66

- 1,54

2,04

6,27

16,31

10,92

9,53

4,06

4,45

Divers

1,81

1,80

2,50

3,13

0,11

- 0,34

- 0,26

- 0,41

- 0,27

- 0,11

0,02

Ensemble CAB/FAB

hors matériel militaire

- 20,08

- 10,58

- 0,76

- 2,50

0,14

1,92

12,85

10,14

6,88

2,96

- 1,98

   

_  Le solde commercial dégagé en 1999 permet à la France de demeurer le quatrième exportateur mondial.

Selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la part du marché mondial détenue par la France en valeur s'élève, en effet, en 1999, à 5,3%, derrière les Etats-Unis (12,4%), l'Allemagne (9,6%) et le Japon (7,5%).

Certes, cette part de marché est en recul par rapport à celle observée en 1998 (5,6%). Mais, cette évolution est en grande partie imputable à des effets de prix, la hausse du cours du brut en 1999 ayant pour effet d'accroître la part de marché mondial détenue par les pays exportateurs de pétrole, tandis que l'appréciation du dollar a réduit mécaniquement l'importance des échanges français avec ses partenaires européens.

2.- Un nouveau record du solde des transactions courantes

Grâce à l'excédent commercial de 111 milliards de francs (16,92 milliards d'euros) précédemment évoqué, la France a enregistré, en 1999, et ce pour la huitième année consécutive, un excédent record du solde des transactions courantes de 228,3 milliards de francs (34,8 milliards d'euros), contre 221,7 milliards de francs (33,8 milliards d'euros) en 1998 et 220,4 milliards de francs (33,6 milliards d'euros) en 1997 (36).

Ce chiffre de 228,3 milliards de francs (34,80 milliards d'euros) équivaut, en 1999, comme en 1998, à 2,6% du produit intérieur brut, permettant à la France de conserver le second excédent courant au monde, derrière le Japon.

L'année 1999 marque ainsi l'apogée d'un mouvement, amorcé en 1992, caractérisé par une montée en puissance de l'excédent du solde des transactions courantes.

Pour le premier semestre 2000, le compte des transactions courantes a enregistré un excédent de 115,4 milliards de francs (17,6 milliards d'euros) en données brutes, comme au premier semestre 1999.

SOLDES DES TRANSACTIONS COURANTES

(en milliards de dollars)

 

1995

1996

1997

1998

1999

1999
en % du PIB

 

Pays de l'OCDE

27,7

0,7

49,5

- 3,4

- 208,6

- 0,8

Pays du G7

- 0,8

- 8,7

20,6

- 53,1

- 227,5

- 1,1

Union européenne*

-

-

-

51,4

10,0

0,1

_  Royaume-Uni

- 5,9

- 0,8

10,8

- 1,1

- 20,7

- 1,4

_  zone euro**

-

-

86,4

48,5

24,3

0,4

France

6,9

19,6

33,6

33,8

34,8

2,6

- Allemagne

- 20,7

- 7,9

- 3,1

- 4,7

- 1 9,8

- 0,9

- Belgique-Luxembourg

11,4

11,3

11,7

10,3

10,0

4,0

- Espagne

0,2

0,2

2,3

- 1,5

- 12,3

- 2,1

- Italie

25,7

40,5

33,6

21,8

6,4

0,6

- Pays-Bas

24,1

21,7

27,5

25,5

22,7

5,8

Etats-Unis***

- 109,5

- 123,3

- 140,5

- 217,1

- 331,5

- 3,6

Japon

111,2

65,8

94,3

120,8

107,0

2,5

Canada

- 4,4

3,3

- 10,3

- 11,1

- 2,9

- 0,5

* Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) pour l'Union européenne (hors échanges intra-UE)

** Banque centrale européenne pour la zone euro (hors échanges intra-zone)

*** Bureau of Economic Analysis, US international transactions, données révisées.

Source : Banque de France, Balance des paiements et position extérieure de la France, 1998,

élaborée à partie des perspectives économiques de l'OCDE (juin 2000).

·  Marquant un léger infléchissement par rapport à 1998, le solde des échanges de biens (37) s'est élevé, en 1999, à 124,6 milliards de francs (près de 19 milliards d'euros).

Cette inflexion s'explique, en effet, par la baisse du solde des échanges de marchandises, elle-même imputable à l'alourdissement de la facture énergétique. Selon la méthodologie balance des paiements, le solde des échanges de marchandises s'élève, en effet, en 1999, à 114 milliards de francs (17,4 milliards d'euros) contre 138,4 milliards de francs (21,1 milliards d'euros) en 1998.

·  Les échanges extérieurs de services continuent leur progression : le solde des services s'élève, en 1999, à 118,1 milliards de francs (18 milliards d'euros), contre 101 milliards de francs (15,4 milliards d'euros) en 1998. Cette évolution présente désormais un caractère structurel, puisque, en cinq ans, l'excédent des services a doublé, dépassant, en 1999, celui des échanges de marchandises.

La France conserve, en 1999, sa place de troisième exportateur mondial de services, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni. On rappellera, à cet égard, que jusqu'en 1996, la France occupait le rang de deuxième exportateur mondial de services. Cependant, en raison d'une décélération des exportations et des importations, les parts de marché françaises subissent, en 1999, un léger tassement sur le plan mondial, passant, en dollars courants, de 6,1% en 1998 à 5,9% en 1999.

Représentant près d'un tiers du solde des échanges de biens et services, le solde des voyages continue, en 1999, sa progression, pour s'établir à 79,4 milliards de francs (12,1 milliards d'euros) contre 63 milliards de francs (9,6 milliards d'euros) en 1998. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, la France demeure, en effet, en 1999, le premier pays de destination touristique dans le monde de par le nombre de touristes et occupe le troisième rang mondial, après les Etats-Unis et l'Espagne, en termes de recettes enregistrées. Précisons, à cet égard, que les recettes touristiques provenant des résidents de la zone euro ont connu, en 1999, une progression sensiblement plus forte que celles provenant de résidents extérieurs à la zone euro. Il semblerait donc que l'absence de risque de change imputable à la création de la monnaie unique ait favorisé le tourisme au sein de la zone euro.

·  Poursuivant la tendance amorcée en 1997, le solde des revenus est excédentaire en 1999, à hauteur de 67,6 milliards de francs (10,3 milliards d'euros), contre 50,5 milliards de francs (7,7 milliards d'euros) en 1998. La vive croissance de ce solde s'explique par le redressement du solde des revenus d'investissements, et en particulier par les recettes tirées des revenus d'investissement directs.

·  Le déficit structurel des transferts courants s'est encore accentué en 1999, passant de 76,7 milliards de francs (11,7 milliards d'euros) à 80,7 milliards de francs (12,3 milliards d'euros). Contrairement à l'année précédente, cette évolution n'est, cependant, pas imputable au déficit des transferts courants des administrations publiques, celui-ci s'atténuant, en 1999, pour revenir à un niveau inférieur à celui de 1997, mais au déficit des transferts des autres secteurs.

Comme les années précédentes, l'évolution du solde des transferts courants des administrations publiques est essentiellement imputable au solde des relations financières avec les institutions financières avec l'Union européenne, qui, en 1999, s'améliore.

Si l'on prend en compte les concours alloués au titre du FEDER et du FEOGA « section orientation », la France a, en effet, reçu de la Communauté européenne 80,7 milliards de francs (12,3 milliards d'euros) en 1999, contre 77,4 milliards de francs (11,8 milliards d'euros) en 1998, ce qui porte la contribution nette globale de la France vis-à-vis de l'Union européenne à 1,9 milliard d'euros, soit une charge nette de moins de 0,15% de son produit intérieur brut.

SOLDE DE LA BALANCE DES PAIEMENTS

Présentation simplifiée

(en millions d'euros)

 

1997

1998

1999

 

Compte des transactions courantes

33.607

33.803

34.838

Marchandises (Données douanières fab-fab)

24.989

21.974

17.782

- Corrections (a)

- 2.461

- 889

- 333

- Avitaillement - Travail à façon

1.457

1.285

1.402

Biens

23.985

22.369

18.851

Services (hors voyages)

6.002

5.828

5.928

Voyages

8.871

9.586

12.084

Total des biens de services

38.858

37.783

36.863

Revenus

6.301

7.715

10.309

Transferts courants

- 11.552

- 11.695

- 12.333

(a) Le montant des corrections comprend notamment les opérations sans transfert de propriété.

 

SOLDE DE LA BALANCE DES PAIEMENTS

Présentation simplifiée

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

 

Compte des transactions courantes

220.447

221.733

228.522

Marchandises (Données douanières fab-fab)

163.917

144.140

116.642

- Corrections (a)

- 16.143

- 5.831

- 2.184

- Avitaillement - Travail à façon

9.557

8.429

9.197

Biens

157.331

146.731

123.654

Services (hors voyages)

39.371

38.229

38.885

Voyages

58.190

62.880

79.266

Total des biens de services

254.892

247.840

241.805

Revenus

41.332

50.607

67.623

Transferts courants

- 75.776

- 76.714

- 80.899

 

(a) Le montant des corrections comprend notamment les opérations sans transfert de propriété.

Source : Balance des paiements et position extérieure de la France, 1998.

N.B.- Le tableau original est celui en euros.

B.- UN INFLÉCHISSEMENT DU SOLDE COMMERCIAL EN 1999 ESSENTIELLEMENT IMPUTABLE A LA REMONTÉE DES COURS PÉTROLIERS

L'infléchissement en 1999 de notre solde commercial s'explique, d'une part, par l'alourdissement de notre déficit énergétique et, d'autre part, par une moindre progression de nos ventes à l'étranger, elle-même liée à une moindre demande internationale. Cet infléchissement ne témoigne cependant nullement - bien au contraire - d'une moindre compétitivité de l'économie française.

1.- Des exportations dont la progression ralentit

Le rythme de croissance de nos exportations a sensiblement ralenti en 1999 (+ 2,8%, contre + 6,5% en 1998).

·  Certes, le commerce international s'est accéléré en 1999, le rythme de croissance des exportations mondiales en volume passant de 3,2% en 1998 à 5,7% (38) en 1999.

Cependant, la France n'a que partiellement tiré profit de l'expansion du commerce international : ce sont, en effet, les zones émergentes qui sont à l'origine du redressement, à compter du second semestre 1999, du commerce international, la reprise asiatique se traduisant par un rebond notable des échanges. Globalement, les zones les plus porteuses pour le commerce international ont été, en 1999, les Etats-Unis et l'Asie.

Or, en 1999, comme en témoigne le tableau ci-joint relatif à la structure géographique de ses exportations, la France est mal positionnée sur ces marchés et, dans le cas de l'Asie, a pâti des séquelles de la crise asiatique de 1998. C'est pourquoi, la demande mondiale adressée à la France en 1999 s'est globalement ralentie.

COMMERCE MONDIAL ET DEMANDE MONDIALE

(en %)

Taux de croissance

1998

1999

2000

Commerce mondial :

3,2

5,7

10,4

Demande mondiale :

     

Adressée à la France

6,1

4,9

8,7

Adressée à la zone euro

3,0

3,7

9,3

Source : Note de conjoncture internationale sur le commerce mondial, juin 2000.

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES EXPORTATIONS FRANCAISES EN 1999

graphique

Source : Direction générale des douanes et des droits indirects.

·  D'un point de vue géographique, les exportations françaises vers l'Amérique du Nord sont restées, en 1999, extrêmement dynamiques (+ 7,3%), portées par la vigueur du marché intérieur américain et l'appréciation du dollar. Le déficit commercial enregistré avec les Etats-Unis s'est donc réduit.

En revanche, les exportations françaises vers l'Asie en développement rapide, ont subi une baisse sensible en 1999 (- 15,7%), en raison de la baisse des exportations de matériel aéronautique, conséquence retardée de la crise asiatique : la France ne tire donc pas parti de la reprise du commerce international sur cette zone.

En 1999, les échanges français les plus porteurs ont été réalisés avec l'Union européenne. Le solde commercial dégagé s'accroît, sur cette zone, de 17,5 milliards de francs (2,67 milliards d'euros), soit une hausse de près de 30%, et augmente de 14,2 milliards de francs (2,16 milliards d'euros) sur la seule zone euro, ce qui représente une hausse de 222%. La France tire ainsi profit de la structure de ses exportations, dont 64% sont orientées vers l'Union européenne. Le redressement de nos échanges européens ne suffit, toutefois, pas à compenser la baisse de notre solde commercial avec l'Asie émergente.

LE SOLDE COMMERCIAL DE LA FRANCE PAR ZONES GÉO-ÉCONOMIQUES 1990-2000
(Données CAF/FAF, hors matériel militaire)

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er semestre 1999

1er semestre 2000

Union européenne

- 55,0

- 22,7

0,8

19,1

12,9

12,9

24,2

78,6

59,0

76,5

37,4

32,4

· Zone euro

- 66,8

- 26,9

- 13,1

- 0,5

- 16,7

- 13,6

- 4,1

29,5

6,4

20,6

8,1

7,7

- UEBL

- 5,0

- 1,2

3,5

- 1,3

- 4,6

- -2,2

3,9

9,0

6,7

10,8

3,1

1,3

- Pays-Bas

- 0,7

- 8,0

- 4,6

- 3,1

- 4,1

- 8,1

- 7,8

- 1,8

- 4,8

- 5,0

- 2,1

- 4,4

- Allemagne

- 43,0

- 12,8

- 21,4

0,6

- 7,3

- 6,2

3,0

3,0

- 8,6

- 16,7

- 7,8

- 14,7

- Italie

- 17,5

- 11,1

- 1,3

- 6,2

- 9,8

--3,8

- 12,0

- 1,2

- 7,9

- 5,0

- 1,8

3,8

- Espagne

12,4

14,2

19,3

15,4

13,8

13,2

17,0

28,5

33,8

46,0

19,9

29,4

· Royaume-Uni

15,6

6,4

15,5

17,8

25,5

20,7

18,4

34,6

36,9

38,8

20,1

16,8

OCDE hors UE

- 58,4

- 60,2

- 46,4

- 22,7

- 22,3

- 27,9

- 16,7

- 17,2

- 14,0

- 10,6

- 8,6

- 16,6

· Etats-Unis

- 34,9

- 39,5

- 27,7

- 17,1

- 18,5

- 23,9

- 24,0

- 23,4

- 16,2

- 14,6

- 12,7

- 3,4

· Japon

- 29,5

- 29,7

- 30,1

- 24,5

- 22,4

- 20,9

- 18,9

- 24,1

- 29,2

- 35,7

- 17,1

- 22,6

· Mexique

- 0,1

2,4

3,1

2,0

4,5

1,9

1,8

3,3

4,1

3,8

1,6

2,2

Pays de l'Est

- 11,8

- 8,0

- 4,4

- 3,2

- 6,0

- 3,3

1,0

11,4

12,5

3,5

2,5

- 4,3

· PECO

- 1,6

0,9

3,0

3,5

3,1

5,3

10,2

15,5

15,9

13,4

7,1

6,9

· CEI

- 10,1

- 9,0

- 7,4

- 6,7

- 9,1

- 8,6

- 9,1

- 4,1

- 3,4

- 9,9

- 4,6

- 11,2

- Russie

0,0

0,0

- 2,8

- 6,8

-8,9

- 9,1

- 10,4

- 5,6

-5,4

- 9,9

- 4,9

- 10,7

Pays d'Asie en développement rapide

- 9,3

- 18,5

- 14,4

- 10,3

- 4,4

6,5

- 5,2

4,5

- 20,5

- 47,7

- 20,8

- 30,6

· ASEAN

- 0,9

- 3,7

- 0,9

- 0,8

- 1,0

7,0

2,9

9,1

- 8,9

- 19,8

- 10,1

- 11,9

· 4 NPI

- 2,5

- 4,2

- 1,5

6,0

8,5

13,2

15,0

16,3

10,9

- 1,6

- 0,8

0,0

· Chine

- 4,4

- 9,4

- 11,3

- 12,5

- 11,1

- 13,3

- 18,8

- 19,2

- 23,4

- 30,1

- 12,5

- 21,7

Proche et Moyen-Orient

- 2,6

- 2,2

6,2

13,3

12,3

15,6

18,1

25,3

29,8

31,2

15,5

9,2

Afrique

7,8

5,9

12,6

13,2

10,5

18,5

15,9

14,3

26,3

22,6

10,9

15,2

Amérique latine

- 10,0

- 5,9

- 0,5

4,0

3,9

0,2

3,6

8,6

15,8

8,5

4,2

3,2

Total CAF/FAB hors matériel militaire



-
155,2



-
131,7



-
69,4



-
5,0



-
16,4



0,9



12,6



84,3



66,5



45,1



19,4



-
13,0

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

LE SOLDE COMMERCIAL DE LA FRANCE PAR ZONES GÉO-ÉCONOMIQUES 1990-2000
(Données CAF/FAF, hors matériel militaire)

 

(en milliards d'euros)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1er semestre 1999

1er semestre 2000

Union européenne

- 8,38

- 3,46

0,12

2,91

1,97

1,97

3,69

11,98

8,99

11,66

5,70

4,94

· Zone euro

- 10,18

- 4,10

- 2,00

- 0,08

- 2,55

- 2,07

- 0,63

4,50

0,98

3,14

1,23

1,17

- UEBL

- 0,76

- 0,18

0,53

- 0,20

- 0,70

- 0,34

0,59

1,37

1,02

1,65

0,47

0,20

- Pays-Bas

- 0,11

- 1,22

- 0,70

- 0,47

- 0,63

- 1,23

- 1,19

- 0,27

- 0,73

- 0,76

- 0,32

- 0,67

- Allemagne

- 6,56

- 1,95

- 3,26

0,09

- 1,11

- 0,95

0,46

0,46

- 1,31

- 2,55

- 1,19

- 2,24

- Italie

- 2,67

- 1,69

- 0,20

- 0,95

- 1,49

- 0,58

- 1,83

- 0,18

- 1,20

- 0,76

- 0,27

0,58

- Espagne

1,89

2,16

2,94

2,35

2,10

2,01

2,59

4,34

5,15

7,01

3,03

4,48

· Royaume-Uni

2,38

0,98

2,36

2,71

3,89

3,16

2,81

5,27

5,63

5,92

3,06

2,56

OCDE hors UE

- 8,90

- 9,18

- 7,07

- 3,46

- 3,40

- 4,25

- 2,55

- 2,62

- 2,13

- 1,62

- 1,31

- 2,53

· Etats-Unis

- 5,32

- 6,02

- 4,22

- 2,61

- 2,82

- 3,64

- 3,66

- 3,57

- 2,47

- 2,23

- 1,94

- 0,52

· Japon

- 4,50

- 4,53

- 4,59

- 3,74

- 3,41

- 3,19

- 2,88

- 3,67

- 4,45

- 5,44

- 2,61

- 3,45

·Mexique

- 0,02

0,37

0,47

0,30

0,69

0,29

0,27

0,50

0,63

0,58

0,24

0,34

Pays de l'Est

- 1,80

- 1,22

- 0,67

- 0,49

- 0,91

- 0,50

0,15

1,74

1,91

0,53

0,38

- 0,66

· PECO

- 0,24

0,14

0,46

0,53

0,47

0,81

1,55

2,36

2,42

2,04

1,08

1,05

· CEI

- 1,54

- 1,37

- 1,13

- 1,02

- 1,39

- 1,31

- 1,39

- 0,63

- 0,52

- 1,51

- 0,70

- 1,71

- Russie

0,00

0,00

-0,43

- 1,04

- 1,36

- 1,39

- 1,59

- 0,85

- 0,82

- 1,51

- 0,75

- 1,63

Pays d'Asie en développement rapide

- 1,42

- 2,82

- 2,20

- 1,57

- 0,67

0,99

- 0,79

0,69

- 3,13

- 7,27

- 3,17

- 4,66

· ASEAN

- 0,14

- 0,56

- 0,14

- 0,12

- 0,15

1,07

0,44

1,39

- 1,36

- 3,02

- 1,54

- 1,81

· 4 NPI

- 0,38

- 0,64

- 0,23

0,91

1,30

2,01

2,29

2,48

1,66

- 0,24

- 0,12

0,00

· Chine

- 0,67

- 1,43

- 1,72

- 1,91

- 1,69

- 2,03

- 2,87

- 2,93

- 3,57

- 4,59

- 1,91

- 3,31

Proche et Moyen-Orient

- 0,40

- 0,34

0,95

2,03

1,88

2,38

2,76

3,86

4,54

4,76

2,36

1,40

Afrique

1,19

0,90

1,92

2,01

1,60

2,82

2,42

2,18

4,01

3,45

1,66

2,32

Amérique latine

- 1,52

- 0,90

- 0,08

0,61

0,59

0,03

0,55

1,31

2,41

1,30

0,64

0,49

Total CAF/FAB hors matériel militaire



-
23,66



-
20,08



-
10,58



-
0,76



-
2,50



0,14



1,92



12,85



10,14



6,88



2,96



-
1,98

2.- Des importations particulièrement dynamiques

La réduction de notre solde commercial en 1999 s'explique également par le dynamisme des importations : celles-ci ont cru à rythme soutenu, de 5%, presque deux fois supérieur au rythme de croissance de nos exportations (2,8%).

On rappellera, à cet égard, que le rythme de croissance des importations était sensiblement supérieur en 1998 (+ 8,1%), mais n'accusait pas un tel différentiel avec celui des exportations (6,5%).

·  Le dynamisme des importations s'explique, tout d'abord, comme en 1998, par le dynamisme de notre marché intérieur.

La croissance de la demande, amorcée en 1996, s'est poursuivie en 1999, à un rythme de 2,9%, si bien que la consommation des ménages a cru de 2,3%. Comme le souligne la Banque de France dans le rapport adressé au Président de la République et au Parlement relatif à l'exercice 1999, « le dynamisme de la consommation reflète un niveau historiquement élevé de la confiance des ménages, lui-même largement lié à l'évolution favorable de l'emploi et du revenu disponible ». La vive croissance de la demande intérieure s'est, notamment, traduite par le maintien, en 1999, du déficit des biens de consommation.

·  L'accroissement de nos importations en 1999 s'explique, en second lieu, par l'alourdissement de notre déficit énergétique : alors que celui-ci avait reculé, en 1998, de 25 milliards de francs (3,81 milliards d'euros), il augmente, en 1999, de 15,7 milliards de francs (2,39 milliards d'euros).

Rappelons, en effet, que la forte remontée des cours pétroliers évoquée ci-avant, à compter de mars 1999, liée aux décisions de réduction de la production prises par l'OPEP et au redressement de la consommation des pays asiatiques, s'est conjuguée avec l'appréciation du dollar pour creuser le déficit énergétique.

L'impact de la remontée des cours pétroliers sur le solde commercial doit, cependant, être relativisé.

La France a, en effet, considérablement réduit sa dépendance énergétique depuis les chocs pétroliers des années soixante-dix, la part des importations énergétiques dans les importations totales s'élevant, en effet, à 7% en 1999, contre 10% en 1990 et 28% en 1980. Rapportée au PIB en volume, la consommation française de pétrole a baissé de 39% de 1979 à 1998, en raison d'une spécialisation de l'économie dans des secteurs non consommateurs de matières premières énergétiques et de l'émergence de sources énergétiques alternatives, particulièrement le nucléaire.

L'impact de la remontée des cours pétroliers sur le solde commercial français devrait, cependant, s'accentuer en 2000.

C.- UNE RÉDUCTION SENSIBLE DE L'EXCÉDENT COMMERCIAL EN 2000, LIÉE AU DYNAMISME DE LA CROISSANCE FRANCAISE

1.- Une détérioration prévisible de l'excédent commercial en 2000

·  Le commerce mondial devrait renouer, en 2000, avec un rythme de croissance particulièrement élevé.

Selon la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (39), le commerce mondial progresserait, en 2000, de plus de 10%, en raison du dynamisme des importations originaires des zones émergentes, tandis que la demande mondiale adressée à la France progresserait de 8,7%.

Les exportations françaises seront donc particulièrement dynamiques en 2000. D'ores et déjà, au cours du premier semestre, elles ont augmenté de 15,6% par rapport aux six premiers mois de 1999.

·  Cependant, la croissance des importations devait être encore plus dynamique que celle des exportations, en raison de l'envolée des cours pétroliers et du dynamisme du marché intérieur.

Les cours moyens du pétrole devraient, en effet, s'établir à un niveau élevé en 2000, et ce, dans un contexte de demande vigoureuse et de stocks bas. Alors qu'elle était de 17,8 dollars le baril en 1999, la moyenne des cours pétroliers observée lors des sept premiers mois de 2000 a atteint 26,9 dollars par baril.

D'ores et déjà, sur les six premiers mois de l'année 2000, le déficit énergétique s'est creusé à hauteur de 40 milliards de francs (6,10 milliards d'euros) par rapport aux six premiers mois de 1999. Dans l'hypothèse du maintien des cours pétroliers et de celui de l'euro (40) aux niveaux observés lors des sept premiers mois de l'année 2000, la facture énergétique pourrait augmenter de 60 milliards de francs (9,15 milliards d'euros) en 2000 par rapport à 1999.

Or, par ailleurs, à la remontée des cours pétroliers s'ajoute, pour peser sur le solde commercial, le dynamisme des importations.

Celles-ci ont, en effet, crû de 19,5% au premier semestre 2000, se révélant particulièrement dynamiques dans les secteurs des biens de consommation, d'équipement et surtout des biens intermédiaires. Les importations françaises de biens manufacturés progressent, en effet, à un rythme particulièrement vif, en raison du caractère soutenu de la production industrielle et de la bonne tenue de la consommation des ménages.

C'est d'ailleurs en raison de la forte poussée des importations que la France a enregistré, en juillet 2000, son premier déficit commercial mensuel depuis janvier 1994.

Au total, la remontée des cours pétroliers et le dynamisme des importations de biens manufacturés contribueraient, en 2000, à réduire sensiblement l'excédent commercial français. En l'état actuel des informations dont dispose votre Rapporteur général, l'excédent commercial français pourrait se réduire à 60 milliards de francs (9,15 milliards d'euros), ce qui le ramènerait au niveau enregistré en 1995/1996.

Doit-on pour autant s'inquiéter de cette évolution, au risque de tomber dans un « fétichisme » de l'excédent commercial ?

2.- Un appareil productif compétitif

Il est certes indéniable que les excédents commerciaux dégagés par la France se sont orientés à la baisse depuis 1997, après une période de vive croissance de 1993 à 1997. Mais cette évolution ne peut en aucun cas être assimilée à une moindre compétitivité de notre appareil industriel, susceptible de replonger la France dans les lourds déficits commerciaux du début des années 80.

Selon une étude publiée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « la convergence de trois facteurs - un environnement de change favorable, une bonne tenue des coûts salariaux et une poursuite des efforts de marge - a permis à la compétitivité-prix des exportateurs français de progresser au cours de l'année 1999. La position compétitive de la France s'est améliorée tant vis-à-vis de ses principaux partenaires de l'OCDE que des pays émergents [...] ».

L'appréciation du dollar et des monnaies asiatiques, conjuguée à une moindre progression du coût salarial unitaire en France se sont, en effet, traduits par des gains de compétitivité accrue à partir de 1996. Selon le rapport précité de la Banque de France relatif à l'exercice 1999, « la France occupe une position avantageuse en matière de compétitivité. A la fin de l'année 1999, les gains [de compétitivité] par rapport au niveau moyen de 1987 se situent entre 15% et 20% selon le groupe de partenaires considéré ».

L'amélioration de la compétitivité-prix de l'appareil productif français semble donc présenter un caractère structurel. Elle devrait être renforcée, en 2000, par l'appréciation du dollar vis-à-vis de l'euro. La réduction progressive de l'excédent commercial français ne doit donc pas inquiéter : elle témoigne de la vigueur de la croissance française, et non d'un affaiblissement de notre appareil productif.

V.- UN RISQUE ENCORE FAIBLE D'INFLATION PAR LES SALAIRES OU LES PRIX IMPORTÉS

Dans le domaine de l'inflation, la situation de la France demeure bonne, mais doit être suivie avec vigilance.

Au mois de juin 2000, la hausse des prix s'élevait à 1,7% en glissement annuel, soit un chiffre inférieur au plafond de référence de 2% fixé par la Banque centrale européenne. La France constitue d'ailleurs l'un des piliers du maintien de la stabilité des prix au sein de la zone euro, puisque l'inflation était, pour les onze, de 2,4% en glissement annuel au mois de juin 2000, soit à un niveau supérieur à celui constaté en France.

Ces chiffres illustrent cependant une évolution à la hausse du niveau de l'inflation. En effet, l'indice des prix à la consommation ne s'était accru, en France, que de 1,3% en 1999. Il faut aussi noter qu'au mois de décembre 1998, l'inflation ne s'élevait plus qu'à 0,5% en glissement annuel, soit, il est vrai, le plus faible chiffre depuis 50 ans.

Si cette augmentation modérée de l'inflation ne constitue pas une menace pour les grands équilibres économiques du pays, il importe de comprendre les mécanismes, internationaux en l'espèce, qui sont à son origine afin d'évaluer les risques d'un éventuel dérapage et de définir les réponses adéquates de politique économique.

A.- LE TAUX DE CHANGE DE L'EURO ET L'AUGMENTATION DES PRIX DU PÉTROLE ONT ENGENDRÉ DEPUIS 1999 UNE POUSSÉE DE L'INFLATION IMPORTÉE DONT L'AMPLEUR RESTE LIMITÉE

L'évolution constatée de l'inflation a avant tout pour origine des facteurs relatifs à l'économie internationale. Les effets conjugués de la hausse des cours du pétrole et de l'appréciation du dollar par rapport à l'euro ont abouti à une forte augmentation des prix de l'énergie en France et, plus largement, dans l'ensemble des pays de la zone euro.

Entre janvier 1999 et septembre 2000, le prix du baril de brent de la Mer du Nord a progressé de 198% passant de 11,12 dollars à 33,14 dollars. Exprimée en euros ou en francs, la progression du prix du baril de brent durant la même période s'élève à 296,1% (de 9,59 euros ou 62,88 francs à 37,99 euros ou 249,20 francs). Autrement dit, exprimée en francs ou en euros, la hausse des prix du pétrole a pour origine l'augmentation du coût de la matière première à hauteur des deux tiers et l'appréciation du dollar pour un tiers. Si l'euro avait aujourd'hui un taux de change comparable à celui de janvier 1999, le prix du baril de brent serait 25% moins élevé. Le tableau suivant reprend l'ensemble de ces éléments.

ÉVOLUTION DU PRIX DU BARIL DE PÉTROLE BRENT

 

Valeur
du baril
en dollar

Cours
de l'euro
en dollar

Cours
du franc
en dollar

Valeur
du baril
en euro

Valeur
du baril
en franc

Valeur du baril en euro au taux de change
de janvier 1999

Janvier 1999

11,12

1,16

0,18

9,59

62,88

9,59

Juillet 2000

28,68

0,94

0,14

30,51

200,14

24,72

Août 2000

33,14

0,87

0,13

37,99

249,20

28,50

On doit convenir que la récente augmentation des prix du pétrole, conjuguée à la dépréciation de l'euro, constitue une modification non négligeable de l'environnement économique international de la France. L'étude plus précise de la situation de l'économie française doit cependant conduire à en relativiser l'importance.

S'agissant du coût du pétrole, il faut noter en premier lieu qu'en dollars constants, le prix du baril n'a pas atteint en 2000 les niveaux qui furent ceux lors de chacun des deux chocs pétroliers. Ainsi, exprimée en dollars de 1999, la valeur d'un baril de pétrole en 1973 et 1979 s'élève à 40 dollars et à plus de 70 dollars pour respectivement chacune de ces deux années. En termes de prix, la dérive actuelle reste d'une ampleur plus limitée que celle constatée lors des chocs subis dans le passé.

En second lieu, la structure économique des pays occidentaux non producteurs et, parmi eux, tout particulièrement de la France, en raison de ses choix constants en faveur d'une production d'énergie interne alternative au pétrole - le nucléaire - est moins dépendante des variations des cours du baril de brut que lors des deux chocs pétroliers qui ont profondément affecté nos économies dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Il faut noter, dans ce contexte, le déclin important de la part du pétrole dans les échanges mondiaux. De 19,6% en 1974 et 23,3% en 1981, cette part s'est établie à 4,2% en 1998, année il est vrai pendant laquelle le prix du baril fut particulièrement faible. S'agissant de la France, la facture énergétique, qui est composée en grande partie des importations de pétrole, représentait 4,3% des importations totales en 1999 contre 25,4% en 1981. Cette baisse substantielle de la part du pétrole conduit à une plus grande dilution des effets dus aux variations de son cours sur l'indice des prix des produits importés. Dans un contexte international de stabilité des prix des produits manufacturés et des matières premières autres que le pétrole, l'inflation importée est ainsi grandement contenue.

Le rôle de la dépréciation de l'euro doit lui aussi être relativisé. Au-delà des débats sur le potentiel d'appréciation et sur le taux de change d'équilibre de la monnaie unique, il faut noter que l'un des éléments de la croissance soutenue que connaît la France a pour origine le dynamisme de ses exportations. Sans céder aux facilités de langage qui ont parfois cours, on doit reconnaître que le taux de change de l'euro doit être apprécié à cette aune. De plus, si l'on ne peut nier que la faiblesse du taux de change de la monnaie unique renchérit le coût des importations et peut ainsi contribuer à une hausse des prix sur les marchés internes, le faible taux d'ouverture commerciale de la zone euro et a fortiori de l'Union européenne minore d'autant les effets du taux de change sur les prix des échanges commerciaux.

Ces nuances ayant été apportées, il convient de mesurer plus précisément les effets du renchérissement du coût du pétrole sur les éléments fondamentaux de l'économie française. L'alourdissement de la facture énergétique et, en conséquence, la baisse du solde positif du commerce extérieur français sont les effets les plus visibles. En juin 2000, la facture énergétique s'élève à 116,5 milliards de francs (17,76 milliards d'euros) en cumul annuel soit le double de celui constaté en juin 1999. Au premier semestre 2000, la facture énergétique s'élève à 69,7 milliards de francs (10,63 milliards d'euros), soit presque autant que sur l'ensemble de l'année 1999. En conséquence, l'excédent cumulé du commerce extérieur français pour le premier semestre 2000 s'élève à 32,258 milliards de francs (4,92 milliards d'euros) contre 56,089 milliards de francs (8,55 milliards d'euros) pour les six premiers mois de l'année 1999.

Ces évolutions ne sont pas restées sans conséquences sur le niveau interne des prix. Au moins de juin 2000, si l'inflation sur les douze derniers mois s'élevait à 1,6% en données corrigées des variations saisonnières, elle n'était que de 0,7% hors la composante énergie de la consommation. Sur la même période, l'indice des prix de l'énergie a progressé de 14,9%.

On peut donc considérer qu'une grande partie de la légère progression de l'inflation constatée depuis un an environ est issue du renchérissement du coût des importations d'hydrocarbures. Il convient dès lors de tenter d'apprécier les risques d'une diffusion des variations constatées sur ce marché à l'ensemble des marchés internes des biens, des services et du travail.

B.- LA MODÉRATION SALARIALE CONTREBALANCE LES EFFETS DE L'INFLATION IMPORTÉE

Lorsque le coût d'une matière première importée augmente fortement, l'inflation importée se matérialise en deux « tours ». Les effets du « premier tour » sont la hausse des prix des produits finis dont la production est directement liée à la matière première en cause. Les effets de « second tour » se mesurent par la diffusion, à des degrés variables, des effets du « premier tour » à l'ensemble des marchés des biens, des services et du travail. Si les effets du « premier tour » sont en France aujourd'hui significatifs et douloureux pour certains secteurs d'activité comme pour les ménages, les effets de « second tour » semblent très limités sinon inexistants, et ce, au prix d'une constante modération salariale.

S'agissant des premiers effets, si les entreprises et les ménages français ressentent durement la sensible augmentation des prix des carburants automobiles et du fioul domestique, il faut noter que celle-ci n'est heureusement pas à la hauteur de celle du prix du pétrole brut. On considère en effet que le coût du pétrole ne constitue que 80% des coûts de production des produits pétroliers raffinés. Les 20% résiduels sont en grande partie des coûts salariaux, supposés fixes. Pour leur part, les coûts de raffinage ne constituent que 65% des coûts de distribution des produits pétroliers finis. En conséquence, toute chose étant égale par ailleurs, un triplement de la valeur du pétrole brut aboutit « seulement » à un doublement du coût hors toutes taxes des produits pétroliers finis.

S'ajoute à ce calcul l'effet d'amortisseur de la fiscalité sur les produits pétroliers car, faut-il le rappeler, le taux de la TIPP est fixé en centimes par hectolitres et non ad valorem, seule la TVA qui représente 16,39% du prix à la pompe pour chaque carburant, variant à l'unisson des prix. On peut estimer globalement qu'une variation des prix hors taxes se répercute à hauteur d'un quart sur les prix toutes taxes comprises.

En considérant l'ensemble de la chaîne qui relie le pétrole brut à la consommation de carburant par un automobiliste, on déduit de l'ensemble des éléments précédents que celui-ci subit une variation du prix de son achat à hauteur du huitième de la variation du prix de la matière première. On observe que cette « règle » est validée pour la période allant de février 1999 à mars 2000. Alors que, durant cette période, les prix du pétrole brut ont presque triplé, passant en moyenne de 10 dollars à 28 dollars le baril, les prix « à la pompe » ont augmenté d'environ 25%.

Il reste que cette augmentation, bien que plus faible, en valeur relative, que celle du prix de la matière première qui en est à l'origine, est lourde pour les entreprises et les ménages français. Elle est, de plus, accompagnée d'augmentations de prix connexes, dans des secteurs pour lesquels le prix des produits raffinés est une composante importante des coûts de production. Ainsi, au mois de juin 2000, les prix des transports aériens ont augmenté de 6,4% d'un mois à l'autre. L'INSEE estime qu'il ne s'agit pas seulement d'une réaction à l'augmentation de la demande, certes plus vigoureuse à cette époque de l'année sur ce marché, mais surtout d'une conséquence de la hausse des prix du carburéacteur.

Si les effets du « premier tour » sont importants, les effets de « second tour », à savoir la diffusion de l'augmentation des prix à l'ensemble des marchés de biens, de services et du travail, ne se sont pas, jusqu'à maintenant, manifestés trop dangereusement.

En effet, le taux d'inflation hors énergie s'établissait, en glissement annuel, au mois de juin 2000 à 0,7%, soit un niveau comparable aux niveaux très bas constatés pour l'ensemble des prix en 1998 et 1999.

Cette situation a pour origine une modération salariale que la forte hausse du prix des carburants routiers n'a pas modifiée. Les effets de « second tour » n'ont donc pas, pour l'instant, été constatés, contrairement à ce qui s'était produit lors du premier et du second choc pétrolier. Les salariés avaient alors exigé un maintien de leur pouvoir d'achat face à l'augmentation des prix à la consommation, consécutive au très fort renchérissement du cours du pétrole. Les hausses de salaire obtenues avaient enclenché un comportement de sauvegarde des marges de la part des entrepreneurs. Afin de maintenir la profitabilité existante avant l'augmentation des coûts de production due à la hausse des salaires, ils avaient augmenté leurs prix de vente. De nouvelles revendications salariales s'exprimaient alors afin de maintenir le pouvoir d'achat des salariés. La spirale prix-salaires était enclenchée. Ses principaux effets furent le maintien d'un niveau d'inflation durablement élevé et, à terme, l'augmentation du chômage.

On peut constater que cet engrenage lié à une forte diffusion de l'inflation importée ne s'est pas mis en mouvement, ni en France, ni dans les autres pays occidentaux.

En premier lieu, le choc initial est moins fort que lors des premier et second chocs pétroliers. De plus, l'économie française est beaucoup moins dépendante du niveau des prix du pétrole qu'il y a vingt ou trente ans. Enfin, les salariés n'ont pas déclenché une spirale prix-salaire par des revendications salariales plus exigeantes que durant les années antérieures.

M. Patrick Artus, directeur de la recherche à la direction des activités bancaires et financières de la Caisse des dépôts et consignations, souligne, dans une étude publiée le 1er septembre 2000 (41), l'inertie des salaires nominaux en Europe et aux États-Unis. Cette inertie a pour conséquence soit une accélération soit une décélération de la progression du salaire réel selon que l'inflation ralentit ou s'accélère. Ce mécanisme a permis en 1998 et 1999 de fortes augmentations du pouvoir d'achat des ménages, dans un contexte de très faible inflation. La légère augmentation de l'inflation depuis un an a pour conséquence une accélération moins marquée du pouvoir d'achat net des ménages sur le premier semestre de l'année. D'après l'étude de la Caisse des dépôts et consignations, le salaire réel augmente en Europe à la mi-2000 sur un rythme de 0,5% par an.

Ce chiffre doit être replacé dans le contexte français d'une décrue très prononcée du chômage. A ce titre, chaque chômeur qui trouve ou retrouve un emploi peut être légitimement considéré comme un salarié dont le pouvoir d'achat augmente fortement. Au total, alors que le pouvoir d'achat des salariés en place poursuit une progression modérée, la masse salariale dans son ensemble augmente rapidement. Aujourd'hui, en France, le pouvoir d'achat de chacun continue d'augmenter, et ce d'autant plus qu'il était initialement faible.

Ce fonctionnement équilibré de l'économie française ne devrait pas être remis en cause, à terme, par la formation d'une spirale prix-salaire. La mise en _uvre de la réduction du temps de travail semble avoir pour effet une modération des revendications salariales. Celle-ci est d'ailleurs bien souvent contractualisée au niveau des entreprises dans les accords relatifs au passage aux 35 heures.

Au total, face à une augmentation sensible des prix du pétrole, amplifiée par la dépréciation de l'euro, l'économie française semble maintenir le cap d'une croissance soutenue et de la baisse du chômage. Les éléments qui pourraient être à l'origine d'une forte inflation importée n'ont pas, pour l'instant, abouti à cette conséquence. Leurs effets restent assez limités et ils ne se sont pas diffusés sur l'ensemble des marchés internes, notamment sur le marché du travail.

L'existence d'aléas importants doit cependant conduire à une réflexion sur les stratégies économiques que la puissance publique doit mettre en _uvre afin d'éviter que les risques qui leur sont liés ne se concrétisent. Les pistes de réflexion qui peuvent être abordées sont relatives, d'une part, au fonctionnement du marché des produits pétroliers, et, d'autre part, à l'entretien de la progression du pouvoir d'achat des ménages français selon des modalités non inflationnistes.

C.- UNE MEILLEURE RÉGULATION ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE ET LA BAISSE DE LA FISCALITÉ DEVRAIENT PERMETTRE DE MINORER LES RISQUES D'INFLATION

La très forte hausse des prix du pétrole brut depuis le second semestre 1999, qui s'est encore accentuée depuis le début de l'année 2000, a, comme on l'a vu, pour origine une décision des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) prise à la fin du premier trimestre 1999. A cette occasion, les pays membres ont adopté un programme de baisse de la production afin de relever les cours du pétrole dont ils avaient fortement contribué à la chute par une décision inverse un an auparavant, en mars 1998. On rappellera que les pays de l'OPEP produisent 40% du pétrole brut extrait dans le monde. Certains d'entre eux possèdent une grande partie des réserves connues à ce jour. Dès lors, ce groupe de pays peut effectivement exercer, dans le secteur du pétrole brut, un pouvoir de marché consistant à agir sur les prix par la mise en _uvre concertée de décisions prises en commun.

Il faut donc admettre que le marché du pétrole brut ne fonctionne pas selon les règles fondamentales de l'économie de marché, puisque certains acteurs, associés dans un cartel, disposent du pouvoir d'influer sur les prix. Aussi bien, au regard de l'importance considérable du marché du pétrole brut pour le devenir des pays en voie de développement importateurs, pour les pays producteurs, ainsi que pour la stabilité économique des pays développés, il n'est pas anormal que la valeur du pétrole brut fasse l'objet d'un débat international, voire d'une régulation internationale.

Les discussions entre les Etats membres de l'OPEP donnent lieu à des analyses intéressantes des besoins internationaux du pétrole brut. Elles ne constituent cependant qu'une préfiguration caricaturale de ce que devrait être une régulation internationale de ce marché. L'OPEP reste, par définition, une organisation exprimant les intérêts des offreurs. Il reste à inventer le cadre d'un dialogue plus large, grâce auquel les intérêts légitimes de chacune des parties seraient pris en compte par les autres. L'objet d'un tel dialogue serait de définir une « zone cible » pour le prix du baril, satisfaisante pour les intérêts de chacun, dans laquelle des ajustements réguliers de production permettraient d'amener et de maintenir les prix. La zone de fluctuation de 22 à 28 dollars pour le baril de brut, parfois considérée par certains Etats membres de l'OPEP comme satisfaisante au regard de leurs intérêts, satisferait sans doute de nombreux pays importateurs de pétrole brut, si elle était effectivement respectée.

Il convient également de mentionner que d'autres segments du marché international des produits pétroliers semblent ne pas fonctionner de façon satisfaisante. Les récentes fortes hausses du prix du baril de brut, notamment depuis la seconde quinzaine du mois d'août 2000, ont pour origine les réactions des marchés à la publication hebdomadaire du niveau des stocks américains de pétrole. Durant plusieurs semaines, « les marchés » ont eu pour unique référence de l'état international de l'offre et de la demande le niveau des stocks de pétrole des États-Unis. Il est difficile de considérer que cet épiphénomène rend compte, à lui seul, du fonctionnement d'un marché mondial.

Par ailleurs, l'attitude des compagnies pétrolières doit continuer à faire l'objet d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics, notamment dans leur activité de vente au détail des carburants aux particuliers. L'avis rendu par le Conseil de la concurrence le 16 mai 2000, à la demande de votre Commission des finances, ne saurait, à l'évidence, être considéré comme une analyse complète et définitive du fonctionnement du marché des carburants routiers. La saisine prochaine - juridiquement plus prégnante en l'état actuel des textes - par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annoncée le 14 août dernier, de ce même Conseil de la concurrence, à l'issue des enquêtes menées depuis plusieurs mois par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, devrait aboutir à une étude poussée du fonctionnement du marché des carburants routiers.

Il faut noter que la transparence sur le fonctionnement de ce marché est une exigence internationale. Au début du mois de juillet dernier, le Président des États-Unis a ordonné une enquête sur les prix anormalement élevés de l'essence, relevés dans la région de Chicago. Cette simple annonce semble avoir permis une baisse des prix de 5%. A la même époque, la direction de la concurrence de Suède a décidé de poursuivre cinq compagnies pétrolières pour entente illicite sur la fixation des prix au détail des carburants. Les compagnies OK-Q8 et Statoil ont d'ailleurs reconnu leur implication dans cette entente.

Une régulation internationale des prix du pétrole ainsi qu'un fonctionnement efficient et transparent du marché des carburants routiers permettraient de prévenir et de limiter les chocs subis par les pays importateurs. Dans le contexte actuel d'une tension à la hausse sur les prix, ils constitueraient des éléments importants afin de prévenir une accélération plus sensible de l'inflation.

La prévention de l'inflation suppose par ailleurs la mise en _uvre d'actions des pouvoirs publics susceptibles d'empêcher l'apparition d'une spirale prix-salaires. Alors que le niveau général des prix augmente plus vite qu'en 1998 et 1999, il faut constater, toutes choses égales par ailleurs, que le pouvoir d'achat « primaire » des salariés progresse moins vite en 2000 que durant les deux années précédentes.

La baisse de la fiscalité permet cependant d'assurer, dans un contexte de modération salariale, une augmentation du pouvoir d'achat. L'effort constant de la majorité depuis 1997 afin de limiter le poids de la fiscalité se justifie donc également par la prise en compte de la double nécessité d'accroître le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises.

Les années 2000 et 2001 devraient donc constituer une période charnière pour l'inflation. En effet, la réduction du temps de travail sera mise en _uvre pour une grande partie des salariés français durant ces deux années. Les partenaires sociaux négocieront à cette occasion l'évolution prévisionnelle des rémunérations. Il est donc particulièrement important que la réduction engagée des prélèvements obligatoires soit soutenue durant ces deux années, afin de donner aux ménages la progression du pouvoir d'achat qui seule peut à la fois assurer la poursuite de notre croissance et consolider les effets de nos efforts de solidarité, tout en préservant l'économie française d'une augmentation de l'inflation par les salaires.

CHAPITRE III

DES PERSPECTIVES FAVORABLES À LA CORRECTION DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

I.- LE RETABLISSEMENT DES EQUILIBRES FINANCIERS

A.- DES EXCÉDENTS DE RECETTES SUFFISAMMENT SIGNIFICATIFS POUR SERVIR LE TRIPLE OBJECTIF DE RÉDUCTION DES DÉFICITS PUBLICS, DE BAISSE DE LA DETTE ET D'ALLÉGEMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

En 1999 et 2000, la croissance économique a largement alimenté la dynamique des recettes publiques, et notamment de celles du budget de l'Etat. Votre Rapporteur général ne reviendra pas sur l'analyse détaillée des recettes supplémentaires constatées en 1999, et de leur incidence sur l'exercice 2000, qu'il a eu l'occasion de présenter dans un précédent rapport (42). Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000, les recettes du budget général ont été réévaluées de 51,4 milliards de francs (7,84 milliards d'euros) par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2000. Pour plus des deux tiers, ces recettes supplémentaires résultaient du dynamisme des recettes fiscales nettes, le reste provenant des recettes non fiscales non encaissées en 1999. Ces recettes supplémentaires ont été affectées à hauteur d'un peu plus de 40 milliards de francs (6,10 milliards d'euros) à des allégements fiscaux supplémentaires, s'ajoutant aux 40 milliards de francs (6,10 milliards d'euros) déjà inscrits dans la loi de finances initiale.

Compte tenu de la conjoncture économique, d'autres recettes supplémentaires devraient être enregistrées en 2000. Ainsi, il est indiqué dans la situation du budget de l'Etat au 30 juin 2000 que « le dynamisme confirmé de l'impôt sur les sociétés et de la TVA laisse désormais augurer un supplément de recettes, sur l'ensemble de l'année, d'une trentaine de milliards de francs par rapport aux estimations de la loi de finances rectificative de printemps ». Les évaluations révisées des recettes du budget général associées au présent projet de loi de finances seront analysées dans la suite du présent rapport (43). Conformément aux déclarations du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de son audition par la Commission des finances le 26 avril dernier, ces surplus devraient être affectés à la réduction du déficit budgétaire.

Ces réévaluations ne sont pas sans effet sur les recettes prévues pour 2001. La croissance suscite donc des marges de man_uvre significatives qu'il convient d'utiliser afin de satisfaire au triple objectif de réduction des déficits publics, de poursuite de la réduction de la dette et de baisse des prélèvements obligatoires.

1.- Un objectif réaliste de réduction du déficit public

Pour 2000, le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques est estimé à 1,4% par le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2001. Il serait de 1% du PIB en 2001 (hors recettes liées à l'octroi de licences UMTS). Le rythme d'assainissement des comptes publics se ralentirait donc au fur et à mesure que ces derniers approcheraient de la zone de sécurité relative en cas de retournement de la conjoncture, située aux alentours de 1% du PIB selon certains (44).

D'une part, cet ajustement de l'effort en matière de finances publiques est d'autant plus légitime que le soutien de la croissance passe par un dosage équilibré entre allégement des prélèvements obligatoires et réduction des déficits publics. D'autre part, la tendance prévue pour 2000 représente une baisse non négligeable du besoin de financement des administrations publiques d'environ 0,4 point de PIB, conduisant le déficit public à un niveau inférieur aux objectifs affichés par le Gouvernement dans le programme pluriannuel de finances publiques, dont les principales hypothèses sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.

HYPOTHÈSES ET PRINCIPAUX RÉSULTATS DU PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES (2001-2003)

Croissance annuelle du PIB (2001-2003)

2,5%

3,0%

Croissance cumulée des dépenses en volume, 2001-2003

 

- Administrations publiques

4%

- Etat

1%

- Administrations sociales

4,2%

- Assurance-maladie

4,5%

- Retraites

5,8%

 

1999

2000

2003

2003

Déficit public en points de PIB

2,1

1,7

0,5

0,3

Dette publique en points de PIB

60,3

59,4

57,7

57,2

Dépenses publiques en points de PIB

53,9

53,0

51,1

50,4

Taux de prélèvement obligatoire en points de PIB

45,3

44,8

44,2

43,7

Source : Ministère de l'économie des finances et de l'industrie.

Selon les taux de croissance retenus par ce programme, le déficit public devrait s'établir entre 0,5 % et 0,3 % du PIB en 2003.

On notera que les prévisions de mars dernier, précédemment mentionnées, traduisent une amélioration de 0,2 point de PIB par rapport aux données figurant pour 2000 dans le programme pluriannuel.

Dans une étude parue en juillet dernier sur l'économie française, l'OCDE reconnaît d'ailleurs l'ampleur des avancées réalisées en matière de rétablissement de l'équilibre des finances publiques. Elle note en effet que « pour la France, sur la base des cycles observés dans le passé récent, la zone de sécurité devrait être atteinte lorsque le déficit structurel (c'est-à-dire corrigé des effets du cycle) sera inférieur à 1 pour cent du PIB (Dalsgaard et de Serres, 2000), comparé à un déficit structurel estimé par le Secrétariat à 1,5 pour cent du PIB en 1999. Il est possible d'atteindre la zone de sécurité en 2001 en continuant un effort de consolidation similaire à celui effectué en moyenne annuelle entre 1995 et 1999 ».

L'OCDE estime pourtant nécessaire que l'effort de réduction des déficits publics soit plus prononcé que dans le programme pluriannuel de finances publiques. A cet effet, elle a procédé à une simulation de l'impact d'un scénario d'ajustement plus rapide, reposant notamment sur un gel complet en volume des dépenses publiques en 2001 et en 2002. Selon elle, une telle rigueur permettrait à moyen terme d'instaurer une croissance plus durable. Il n'empêche qu'elle reconnaît aussi qu'à court terme « l'ajustement budgétaire provoque un ralentissement de la croissance de l'activité », de l'ordre de 0,5 point de PIB par rapport au scénario retenu par le programme pluriannuel de finances publiques. De même, le taux de chômage est « plus élevé à court terme que dans la projection centrale », là encore d'environ 0,5 point entre 2000 et 2002. Enfin, « l'évolution des prélèvements obligatoires est semblable dans les deux scénarios ».

Le rythme retenu dans le programme pluriannuel pour l'assainissement des comptes publics apparaît donc comme le plus favorable au maintien souhaité d'une croissance forte, permettant également de poursuivre dès maintenant la décrue, récemment amorcée, de la dette publique et de favoriser la baisse des prélèvements obligatoires, qui est aussi un moteur de la croissance, puisqu'elle alimente le pouvoir d'achat, donc la consommation, favorise le dynamisme des entreprises et permet de réduire les trappes à inactivité.

2.- Rétablir des marges de man_uvre en réduisant la dette publique

Comme l'indique le tableau ci-après, la France jouit d'une position relativement privilégiée en matière de dette publique au sein de l'Union européenne. En 1999, elle occupait en effet la septième place, avec une dette s'élevant à 58,6% du PIB, soit un niveau inférieur à la moyenne de l'Union, s'élevant à 67,6% du PIB (72,3% au sein de la zone euro).

DETTE BRUTE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (1)

 

(en % du PIB)

 
   

1995

1996

1997

1998

1999
estimation de

2000
prévision de

2001
prévision de

   

automne 1999

printemps 2000

automne 1999

printemps 2000

automne 1999

printemps 2000

 

Belgique

129,8

128,3

123,0

117,4

116,3

114,4

112,9

110,0

108,9

105,2

 

Danemark (2)

69,3

65,0

61,3

55,6

54,8

52,6

51,2

49,3

47,1

46,3

 

Allemagne

57,0

59,8

60,9

60,7

61,8

61,0

61,3

60,7

60,8

59,5

 

Grèce

108,7

111,3

108,5

105,4

104,5

104,4

103,0

103,7

100,3

99,7

 

Espagne

63,2

68,0

66,7

64,9

64,0

63,5

62,0

62,3

59,3

59,9

 

France

51,9

57,1

59,0

59,3

59,4

58,6

59,0

58,2

58,2

57,1

 

Irlande

80,8

74,1

65,3

55,6

47,0

52,4

39,3

45,2

32,8

38,1

 

Italie

123,2

122,1

119,8

116,3

117,5

114,9

114,7

110,8

111,2

106,6

 

Luxembourg

5,6

6,2

6,0

6,4

7,1

6,2

7,2

5,8

7,2

5,3

 

Pays-Bas

75,5

75,3

70,3

67,0

65,2

63,6

61,6

58,7

58,2

54,4

 

Autriche

68,0

68,3

63,9

63,5

63,2

64,5

63,2

64,0

63,0

63,6

 

Portugal

64,7

63,6

60,3

56,5

56,1

56,7

54,6

57,0

53,3

55,1

 

Finlande

56,6

57,1

54,1

49,0

43,2

47,1

38,3

42,6

33,6

38,0

 

Suède

76,6

76,0

75,0

72,4

69,5

65,5

61,7

61,3

56,6

55,4

 

Royaume-Uni

52,0

52,6

50,8

48,4

46,1

46,0

42,1

42,4

38,0

39,4

 

UE-15

69,5

72,1

71,0

69,0

68,6

67,6

66,3

65,1

63,8

62,6

 

EUR-11

71,4

74,7

74,5

73,1

73,1

72,3

71,5

70,5

69,6

68,2

 

(1) Dette publique brute comme définie dans le Règlement du Conseil (EC) n° 3605/93. La prévision d'automne 1999 n'a pas été ajustée à l'introduction du SEC 95.

(2) Les dépôts du gouvernement auprès de la banque centrale, les titres non gouvernementaux détenus par les administrations publiques et la dette publique pour le compte des entreprises publiques s'élevaient à 10,3% du PIB en 1999.

 

Source : Commission des Communautés européennes.

 

Toutefois, c'est davantage l'évolution de cette même dette qui est intéressante. Si elle est restée inférieure au ratio de 60% du PIB, elle n'en a pas moins fortement augmenté, passant de 34,8% du PIB en 1990 à 59,3% en 1998. Ce dernier chiffre constitue un pic. En effet, en 1999, pour la première fois depuis 20 ans, la spirale de la dette publique a été enrayée en France. Le ratio dette/PIB s'est ainsi établi à 58,6%. En 2000, cette baisse devrait se poursuivre avec une prévision de 58,2%, et connaître une accélération en 2001, avec 57,1% du PIB.

La diminution de l'encours de la dette permet de dégager des marges de man_uvre non négligeables, du fait de la baisse des charges d'intérêts. En raison du niveau élevé atteint par la dette publique, les paiements d'intérêts avaient en effet atteint 3,7% du PIB en 1997, puis ont eu tendance à décroître, tant en raison de l'évolution du stock de dette que de celle des taux d'intérêts. Ces paiements d'intérêts se sont établis à 3,3% en 1999 et devraient atteindre 3,1% en 2000. En 2001, sous l'effet de la remontée progressive des taux, ils représenteraient 3,2% du PIB, selon les prévisions de printemps de la Commission européenne. Ces montants restent cependant relativement importants et témoignent du poids exercé aujourd'hui sur les finances publiques par les déficits passés. La réduction de la dette est donc cohérente avec la volonté de rétablir des marges de man_uvre, en vue notamment de réduire la pression fiscale.

3.- Diminuer les prélèvements obligatoires

Comme l'indique le tableau ci-dessous, en 1999, les prélèvements obligatoires ont progressé de 0,8 point, atteignant ainsi 45,7% du PIB.

LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Impôts et cotisations sociales effectives après transferts (1)

(en % du PIB)

 

1996

1997

1998

1999

Administrations publiques centrales

17,9

18,1

18,0

18,7

dont Etat

17,2

17,3

17,2

17,9

Administrations publiques locales

5,7

5,7

5,7

5,5

Administrations de Sécurité Sociale

20,5

20,5

20,6

20,9

dont cotisations sociales

18,4

17,8

15,8

16,0

Institutions de l'Union européenne

0,7

0,7

0,6

0,6

Prélèvements obligatoires effectifs

44,8

44,9

44,9

45,7

(1) Les transferts comportent, d'une part, les transferts de recettes fiscales (une part des transferts de l'Etat aux collectivités locales), d'autre part, les impôts et cotisations dus non recouvrables. En nouvelle base, les impôts et cotisations sont comptés pour leurs montants dus. L'écart avec le montant effectivement payé est compté en transferts en capital. Il convient désormais de retrancher ces transferts des impôts et cotisations dus pour obtenir les prélèvements obligatoires supportés in fine par le contribuable.

Source : Rapport sur les comptes de la Nation de l'année 1999.

La légère diminution des prélèvements des administrations publiques locales (- 0,2 point de PIB) n'a ainsi pas compensé la progression des prélèvements d'Etat et des administrations de sécurité sociale.

S'agissant de ces dernières administrations, leur poids dans les prélèvements obligatoires a augmenté de 0,3 point, pour atteindre 20,9% du PIB, et ce principalement sous l'effet d'une progression de 0,2 point des cotisations sociales. Comme le note le rapport sur les comptes de la Nation, « cette forte augmentation découle avant tout de la croissance de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et de celle de la CSG, en raison du dynamisme de la masse salariale du secteur privé et des "emplois jeunes" ». Il s'agit donc avant tout de la traduction de l'amélioration de la situation de l'emploi.

De même, la croissance des prélèvements d'Etat (+ 0,7 point de PIB) découle largement du dynamisme de la croissance et de son impact sur la fiscalité directe.

Ainsi, comme le note le rapport précité : « la progression de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés résulte, avec un effet différé d'un an, de la progression de l'assiette de ces impôts en 1998, définie sur la base des revenus imposables des ménages et des bénéfices fiscaux des entreprises. Dans le cas de l'impôt sur les sociétés, le mode de recouvrement de l'impôt par acomptes et solde accentue cet effet : cet impôt progresse ainsi de près de 42 milliards de francs (+ 22,6%), expliquant à lui seul 40% de la hausse des prélèvements obligatoires de l'Etat ».

Pour 2000, l'effet des baisses d'impôt décidées dans le cadre de la loi de finances initiale et complétées par les mesures de la loi de finances rectificative du 13 juillet dernier devraient permettre d'inverser la tendance à la hausse des prélèvements obligatoires constatée en 1999, après deux années de stabilisation de leur niveau.

Ainsi, dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, les prévisions de taux de prélèvements obligatoires faisaient état de 44,7% du PIB en 2000 et de 44,2% en 2001. Les dernières prévisions en la matière, fournies à l'occasion de la présentation du présent projet, font cependant état d'un niveau des prélèvements obligatoires malheureusement plus élevé que ce qui a été anticipé, avec 45,2% du PIB en 2000 et 44,7% en 2001 (45). Malgré tout, la tendance à la baisse en 2000 continue à être compatible avec le cadre fixé par le programme pluriannuel de finances publiques, qui table sur un taux de prélèvements obligatoires de 43,7% en 2003, si l'on retient l'hypothèse haute de croissance.

B.- LA CONSOLIDATION DES ÉQUILIBRES À LONG TERME DANS LE CADRE DU FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit la création d'un fonds de réserve pour certains régimes d'assurance vieillesse. Ce fonds doit contribuer à l'équilibre des régimes de retraites par répartition des salariés, des commerçants et des artisans durant la période continue de fléchissement du rapport entre actifs et retraités que la France abordera dans quelques années.

L'équité et le principe de solidarité entre les générations exigent de préparer dès aujourd'hui ce cap difficile pour nos systèmes de retraites par répartition, afin qu'à l'avenir les actifs contribuent au financement des pensions des retraités dans des conditions qui ne pèsent pas de façon excessive sur les revenus du travail. Dans ce contexte, le fonds de réserve des retraites est un élément nécessaire, dont le fonctionnement devra cependant être précisé afin qu'il puisse pleinement garantir l'équilibre financier des régimes d'assurance vieillesse durant les cinquante ans à venir.

1.- Une initiative pertinente afin de consolider le financement futur des systèmes de retraite par répartition

Dans son rapport sur la situation et les perspectives de notre système de retraites remis au Premier ministre le 29 avril 1999, le commissaire au plan Jean-Michel Charpin rappelle la situation démographique et financière à laquelle les systèmes de retraites par répartition seront confrontés d'ici quelques années.

Le vieillissement de la société française paraît inéluctable. D'ici 2040, la société française sera composée de dix millions de personnes supplémentaires âgées de plus de 60 ans. Dans le même temps, le nombre de personnes âgées de moins de 20 ans pourrait être en 2040 d'un million inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Le nombre de personnes âgées de 20 à 40 ans devrait subir la même diminution.

Ces tendances ne sont bien sûr pas sans influence sur le ratio entre les actifs et les retraités, ratio qui constitue la clé du fonctionnement des régimes de retraite par répartition. Alors que l'on compte aujourd'hui quatre retraités pour dix actifs, il est probable qu'en 2040 dix actifs cotiseront pour financer les pensions de sept retraités.

Ces estimations permettent d'évaluer les besoins de financement futurs de nos systèmes de retraite, en partant du principe légitime selon lequel il ne serait pas acceptable d'envisager la remise en cause des prestations qu'ils offrent aujourd'hui. Alors que les dépenses de retraites s'élevaient à 12,1% du PIB en 1998, cette part devrait atteindre 15,8% en 2040. Les besoins de financement de la branche vieillesse du régime général et des retraites de la sphère publique sont respectivement évalués à 167 et 209 milliards de francs (25,46 et 31,86 milliards d'euros) en 2020.

Au regard de ces sommes, il apparaît pertinent de prévenir ces importants besoins de financement par une épargne collective collectée dès aujourd'hui, en complément des réformes nécessaires que devront réaliser certains régimes pour s'adapter à une situation financière et démographique plus défavorable à l'avenir. La création du fonds de réserve des retraites est une concrétisation de cette idée.

Sur le plan des principes, la création du fonds de réserve ne remet pas en cause la solidarité, qui constitue le socle de notre système de retraites. Le fonds sera en effet géré en concertation avec les partenaires sociaux. Ses ressources seront majoritairement soit fiscales soit issues d'opérations patrimoniales de l'Etat.

Par ailleurs, une partie des ressources du fonds de réserve sera le produit du placement des sommes à lui attribuées. Lors de sa conférence de presse du 21 mars 2000, le Premier ministre a présenté des projections prenant en compte les intérêts de placement à hauteur du tiers des 1.000 milliards de francs (152,45 milliards d'euros) que le fonds pourrait contenir en 2020. Un placement cohérent, sérieux et prudent des sommes affectées au fonds de réserve des retraites permettra de profiter de l'efficacité financière qui constitue un avantage des systèmes par capitalisation. Le fonds de réserve des retraites devrait ainsi concilier les principes de la répartition auxquels chacun est légitimement attaché et l'efficacité financière, afin de contribuer au passage du cap difficile que notre système connaîtra dans les cinquante ans à venir.

L'existence du fonds de réserve pourrait ne pas être sans effet sur la politique économique, en particulier sur les comportements d'anticipation des ménages. Si le fonds de réserve est considéré par eux comme une épargne collective, et si son fonctionnement est transparent et crédible, il pourrait contribuer à un déblocage de l'épargne des ménages, qui pourrait ainsi alimenter la consommation. On peut en effet présumer que le comportement actuel d'épargne des ménages est, en partie, motivé par une attitude de précaution renforcée, liée à la perception d'une situation à venir difficile pour les régimes de retraite par répartition.

Le système des fonds de réserve est aujourd'hui pratiqué par d'autres pays que la France. Aux Etats-Unis, le système fédéral des réserves a été créé en 1983. Il doit permettre de soutenir financièrement le système national des retraites. Ce système, alimenté par des cotisations, devrait être déficitaire dès 2013. Les intérêts issus du placement d'une partie des cotisations permettraient un financement du système national des retraites jusqu'en 2021. Le système des réserves proprement dit repousse l'échéance de l'apparition d'un déséquilibre financier jusqu'en 2032. Le Président Bill Clinton a proposé que les excédents budgétaires, dont l'Etat fédéral américain dispose désormais, soient affectés à hauteur de 62%, au système des réserves, afin de garantir un paiement non déficitaire des pensions du système fédéral jusqu'en 2055. Proche de ses propositions, le candidat à la présidence des Etats-Unis Albert Gore s'oppose ainsi à Georges W. Bush, qui, lui, semble privilégier un vaste plan de baisse des impôts, qui serait, lui aussi, financé par les excédents budgétaires évoqués.

Le Canada a récemment modifié en profondeur les modalités de gestion de son fonds de réserve national pour le financement des retraites. La nouvelle organisation est entrée en vigueur le 1er janvier 1998. Elle s'appuie, au niveau fédéral, sur l'Office d'investissement du régime des pensions du Canada. Cet organisme a pour mission de procéder aux choix des placements des sommes affectées au fonds de réserve. Si la loi prévoit qu'il est géré « prudemment et professionnellement... dans l'intérêt des cotisants et des prestataires », le rendement financier devra peu à peu s'élever de 2,5% à 3,8% par an. Pour atteindre de tels objectifs de rentabilité financière, l'Office d'investissement peut procéder à l'achat de titres étrangers pour un montant maximal de 20% des sommes investies. Les dirigeants du fonds de réserve publient chaque année un document qui rend public la politique de placement suivie et à venir, ainsi que la situation financière du fonds de réserve. Le Parlement fédéral auditionne chaque année les responsables de l'Office d'investissement.

Les Etats-Unis et le Canada ont donc chacun créé un fonds national de réserve des retraites, élément d'un système plus vaste de financement des pensions. Comme il est naturel en démocratie, le débat public porte dans ces pays sur les choix fondamentaux relatifs à ce système, tels que les modalités institutionnelles de fonctionnement, les stratégies d'investissement ou la garantie de l'équilibre à long terme. S'agissant de la France, votre Rapporteur général souhaite que ces questions soient posées et débattues, afin de donner au fonds de réserve des retraites l'assise nécessaire à une consolidation efficace du système de répartition français.

2.- Les structures, le rôle et le financement du fonds de réserve des retraites doivent être clarifiés.

Le fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse a été créé par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Cet article précisait simplement que le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de gérer un fonds de réserve pour certains régimes d'assurance vieillesse.

Le V de l'article premier du décret n° 99-898 du 22 octobre 1999 précise le statut du fonds de réserve ainsi que les relations comptables que cette structure et celle qui l'abrite, le FSV, entretiennent. Ainsi, les opérations comptables du fonds de réserve sont suivies selon une comptabilité distincte de la comptabilité du FSV, dans le cadre d'un budget annexe. Les opérations de trésorerie du fonds de réserve sont enregistrées dans un compte de disponibilités distinct du compte concernant les opérations classiques du FSV, notamment celles relatives aux prestations vieillesses non contributives. Enfin, le compte de résultat du fonds de réserve est lui aussi distinct du compte de résultat du FSV.

Le fonds de réserve des retraites est donc aujourd'hui un des éléments gérés par l'établissement public administratif FSV, dans un cadre comptable qui permet une visibilité réelle, certes, mais minimale de ses activités. Il semble, en particulier, que le fonds de réserve des retraites n'ait pas de personnalité juridique distincte du FSV.

Dans ce cadre, il ne semble pas possible que l'on puisse faire l'économie d'un débat sur le statut du fonds de réserve des retraites, sur son contrôle ou encore sur le statut de ses dirigeants. On peut penser que la réussite de la mission du fonds de réserve sera difficile tant que certaines conditions ne seront pas remplies :

- le fonds de réserve des retraites doit posséder une véritable structure distincte, qui soit responsable de la gestion quotidienne du fonds devant le Gouvernement et le Parlement. Ceux-ci fixent par ailleurs les orientations stratégiques relatives au fonds de réserve. Dès lors, la création d'un établissement public dont l'activité exclusive sera la gestion du fonds de réserve semble à terme inévitable ;

- les dirigeants du fonds de réserve doivent être clairement identifiés. Il s'agit de créer les conditions qui permettent leur responsabilisation. Nommés par les hautes autorités exécutives et parlementaires de l'Etat, ils doivent rendre compte régulièrement de leurs activités de gestion.

Le 21 mars dernier, le Premier ministre s'est engagé à garantir l'indépendance et la transparence du fonds de réserve des retraites. S'agissant des placements, ils seront confiés à des « organismes financiers dont c'est le métier », sous la double contrainte d'un bon rendement et de la sécurité des placements. Par ailleurs, il est prévu que les partenaires sociaux seront associés au fonctionnement du fonds de réserve. Ces engagements doivent maintenant être concrétisés. A ce titre, le fonctionnement du dispositif du fonds d'investissement du régime des pensions du Canada, sans être un exemple à suivre pour toutes ses modalités, pourrait être une source d'inspiration.

Il s'agit de donner au fonds de réserve des retraites un cadre clair, cohérent, identifiable par les Français, afin qu'ils ne soient pas tenus à l'écart des questions essentielles relatives aux objectifs et au financement du fonds de réserve.

Le débat relatif au champ couvert par le fonds de réserve devra également être ouvert. Le second alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, précise que le champ du fonds de réserve s'étend uniquement à la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et aux régimes de retraites d'une part, des professions artisanales et, d'autre part, des professions industrielles et commerciales. Les régimes des professions libérales, des exploitants agricoles, des salariés agricoles, ainsi que les systèmes de retraites des agents de l'Etat, ne sont donc pas concernés par le fonds de réserve. Certains d'entre eux auront pourtant des besoins de financement importants d'ici 2020.

Par ailleurs, il est essentiel de s'interroger sur le financement du fonds de réserve. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 lui a attribué l'excédent constaté de la contribution sociale de solidarité des sociétés après couverture des déficits de la caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes et des caisses de retraite des professions artisanales et des professions industrielles et commerciales. Cette même loi prévoit que l'excédent des activités de solidarité du FSV est reversé au fonds de réserve.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit l'affectation au fonds de réserve de nouvelles ressources :

- les soldes positifs éventuels d'une grande partie des fonds gérés par la caisse nationale d'assurance vieillesse ;

- une avance représentative de l'excédent prévisionnel de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, constaté par la Commission des comptes de la sécurité sociale en cours d'année ;

- une part du prélèvement social de 2% sur les revenus de patrimoine et de placement.

Par ailleurs, la récente réforme des caisses d'épargne et la contribution provenant des résultats positifs de la Caisse des dépôts et consignations ont permis d'abonder le fonds de réserve respectivement à hauteur de 4 et 3 milliards de francs (0,61 et 0,46 milliard d'euros). Au total, en 2000, 20 milliards de francs (3,05 milliards d'euros) auront été versés sur le compte du fonds de réserve des retraites.

A ce financement composite, s'ajouteront « l'essentiel », comme le précisait le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant notre Assemblée le 6 juin 2000, des produits de la cession des licences d'utilisation des fréquences attribuées pour l'exploitation commerciale des téléphones mobiles de troisième génération. Selon les prévisions actuelles, quatre licences devraient être attribuées pour un total de 130 milliards de francs (19,82 milliards d'euros). La moitié des sommes devrait être recouvrée au cours des deux premières années suivant l'attribution des licences, le solde sur les treize années suivantes. Cette source de financement pourrait donc être essentielle à l'avenir pour le fonds de réserve des retraites. Il est proposé, dans le présent projet, que, sous réserve d'une attribution de 14 milliards de francs (2,13 milliards d'euros) à la Caisse d'amortissement de la dette publique, le produit de ces redevances vienne abonder le fonds de réserve.

L'examen de l'article 23 du projet de loi de finances pour 2001 fournira l'occasion de débattre de ces questions.

Malgré ces éléments financiers concrets, les prévisions réalisées par le Gouvernement devront être affinées et débattues par le Parlement. Les documents de synthèse, accompagnant la conférence de presse du Premier ministre du 21 mars dernier, présentent notamment un scénario d' « alimentation du fonds de réserve », qui aboutit à un total de 1000 milliards de francs (152,45 milliards d'euros) en 2020, sous les hypothèses d'un retour progressif à un taux de chômage à 4,5% de la population active ainsi que d'un taux de rendement net des placements de 4% par an. Il sera nécessaire de mener un débat sur ces hypothèses et de s'assurer que le dispositif mis en _uvre sécurisera le financement des retraites au-delà de l'horizon 2020.

II.- L'APPROFONDISSEMENT DES POLITIQUES DE RÉDUCTION
DES INÉGALITÉS

La forte croissance constatée depuis 1997 n'a pas encore permis, en dépit des efforts entrepris, de résorber le phénomène de l'exclusion.

Le Gouvernement a engagé, depuis son entrée en fonction, une active politique de lutte contre la pauvreté et les inégalités, mais certaines difficultés persistent, comme l'illustrent les nombreuses demandes visant à réformer les minima sociaux. Encore faut-il, pour que ce combat soit mené efficacement, ne pas avoir une vision tronquée de la « fracture sociale ».

A.- APPRÉHENDER CORRECTEMENT LA SITUATION ACTUELLE

Lors de sa traditionnelle intervention télévisée du 14 juillet, le Chef de l'Etat a regretté que « le pouvoir d'achat du salaire mensuel moyen aujourd'hui reste étale malgré plus de 3% de croissance » et, pour illustrer ce qu'il considérait comme un élargissement de la « fracture sociale », il a invoqué l'accroissement continu du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).

Ces appréciations sont pour le moins surprenantes, puisque, d'une part, le pouvoir d'achat est en progrès depuis 1997, en particulier celui des salariés payés au SMIC et que, d'autre part, le nombre de bénéficiaires du RMI a reculé, pour la première fois, au premier semestre 2000 (46) .

1.- La progression du pouvoir d'achat depuis 1997

Les gains de pouvoir d'achat du salaire mensuel de base ont certes été faibles en ce début d'année : +0,1% en glissement annuel en mars 2000, après +1,4% en mars 1999.

Toutefois, dans sa note de conjoncture de juin dernier, l'INSEE considère qu'un redressement devrait être constaté sur l'ensemble de l'année 2000.

En outre, il ne faut pas s'en tenir aux derniers chiffres connus et, à cet égard, il est intéressant de comparer l'évolution annuelle du pouvoir d'achat des salaires depuis 1995.

ÉVOLUTION ANNUELLE DU POUVOIR D'ACHAT

(en %)

 

1995

1996

1997

1998

1999

Salaires et traitements bruts

1,6

0,8

1,5

3,1

3,1

Cotisations sociales à la charge des salariés

1,3

3,5

-4,0

-22,0

3,8

Salaires et traitements nets (a)

1,6

0,3

2,7

8,4 (b)

2,9

Revenus salariaux et sociaux

1,7

1,0

2,2

5,7

2,8

Revenu disponible brut

2,7

0,0

1,5

2,8

2,2

(a) CSG et CRDS non déduites.

(b) Chiffre prenant en compte les effets du basculement de cotisations sociales sur la CSG, en l'espèce non déduite pour la construction du présent tableau.

Source : INSEE, Comptes nationaux

On peut alors s'apercevoir que le pouvoir d'achat des salaires et traitements nets a beaucoup plus progressé, en moyenne, de 1997 à 1999 (notamment +8,4% en 1998, mais ce chiffre est affecté par le basculement des cotisations maladies sur la CSG prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998) qu'en 1995 et 1996.

Les évolutions du pouvoir d'achat du SMIC et du taux de salaire horaire ouvrier brut sont également particulièrement significatives.

POUVOIR D'ACHAT DU SMIC ET DU TAUX
DE SALAIRE HORAIRE OUVRIER

(en %)

 

1995

1996

1997

1998

1999

Smic horaire brut (a)

1,4

1,6

1,7

2,3

1,1

Smic horaire net (b)

1,1

0,6

3,3

7,9 (d)

0,8

Taux de salaire horaire ouvrier brut

0,7

0,5

1 ,5

1,5

2,4

Indice des prix à la consommation (c)

1,7

2,0

1,2

0,7

0,5

           

(a) Les évolutions sont calculées en moyenne annuelle

(b) CSG et CRDS non déduites

(c) Y compris tabac

(d) Chiffre prenant en compte les effets du basculement des cotisations sociales sur la CSG, en l'espèce non déduite pour la construction du présent tableau.

Source : INSEE

Là encore, ces deux indices ont beaucoup plus progressé, en moyenne annuelle, de 1997 à 1999 qu'entre 1995 et 1996. On remarque même que le pouvoir d'achat du SMIC a connu une hausse de +7,9% en 1998.

Il convient, par ailleurs, de rappeler que les revenus des ménages ne sont pas constitués par leurs seuls revenus d'activité. Or, dans la note de conjoncture précitée, la fiche consacrée aux revenus des ménages débutent par la phrase suivante : « les ménages devraient bénéficier d'importants gains de pouvoir d'achat en 2000 ». En effet, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut pourrait croître de 2,7% en 2000 (après 2,4% en 1999, 2,8% en 1998, 1,4% en 1997 et seulement 0,19% en 1996), du fait, notamment, de l'impact sur les prélèvements obligatoires des baisses d'impôts prévues par la loi de finances rectificative pour 2000.

Enfin, il importe d'indiquer que, depuis juin 1997, la France compte 780.000 chômeurs en moins et que, pour ces personnes, le retour à l'emploi s'est traduit par un pouvoir d'achat en progression sensible.

2.- Le recul du nombre de bénéficiaires du RMI

La hausse du nombre de bénéficiaires du RMI a subi un net ralentissement de 1996 à 1999 : +7,4% en 1996, +5,9% en 1997, +3,8% en 1998 et +2,5% en 1999.

Ce dernier résultat était déjà encourageant, dans la mesure où il traduisait une plus large couverture des bas revenus par le RMI plutôt qu'une augmentation du nombre de personnes en difficulté. En effet, les dispositions votées dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions, ainsi que celles décidées à la suite de la conférence de la famille, ont permis d'améliorer et de prolonger, lors des reprises d'emploi, les règles de cumul du RMI et des revenus d'activité, ce qui a mécaniquement retardé les sorties du dispositif. Hors reprises d'activité, on observait, en fait, en 1999, une stabilisation du nombre des bénéficiaires du RMI : +0,4%. Cette inflexion profitait, en premier lieu, aux jeunes allocataires (moins de trente ans) dont le nombre diminuait de 4%.

Ces résultats encourageants ont été confirmés au premier semestre 2000, puisque le nombre de « Rmistes » est en baisse depuis le mois de mars : - 0,4% en mars, - 0,2% en avril et - 0,7% en mai et juin.

Cette évolution concernant la principale allocation versée dans le cadre des minima sociaux (les bénéficiaires du RMI représentent 32% de l'ensemble des allocataires de ces minima) met en exergue l'efficacité de la politique économique et sociale menée par le Gouvernement ces trois dernières années.

B.- UNE POLITIQUE SOCIALE ACTIVE

Il convient de rappeler, en premier lieu, les dispositions de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui comportait principalement des mesures visant à favoriser l'insertion des demandeurs d'emploi, à rendre plus aisé l'accès aux soins, à améliorer le traitement des situations de surendettement et à faciliter l'accès au logement.

Le bilan d'étape de cette loi, présenté au Conseil des ministres du 12 septembre dernier par le ministre de l'emploi et de la solidarité, peut être qualifié de satisfaisant : l'Etat a consacré plus de 42 milliards de francs (6,40 milliards d'euros), contre 38 milliards de francs  (5,79 milliards d'euros) initialement prévus dans le programme triennal d'action 1998-2000, à l'action en faveur des personnes les plus démunis.

En matière d'insertion, plus d'un million de personnes durablement éloignées de l'emploi ont bénéficié d'une des mesures d'aide au retour à l'emploi mises en place ou renforcées par la loi.

Ainsi, le programme « nouveau départ » - parcours individualisé - a accueilli 1,4 million de personnes dont 55% sont sorties du chômage. Le programme TRACE (accompagnement des jeunes en grande difficulté) a suivi plus de 65.000 jeunes, dont 80% ont trouvé un emploi ou sont en formation. 72.000 personnes ont bénéficié d'un contrat emploi-solidarité (CES) dont plus de la moitié ont signé un contrat de cinq ans. Le nombre de personnes reçues dans des entreprises d'insertion (18.927 en 2000) a augmenté de 73% par rapport à 1998. Enfin, la loi a généralisé la possibilité de cumuler un minimum social avec un revenu d'activité (3 mois à 100% et 9 mois à 50%). 150.000 « Rmistes », 50.000 titulaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et 10.000 parents isolés (API) en ont bénéficié.

Il ne faut pas oublier, par ailleurs, qu'en application de la loi n° 97-947 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activité pour l'emploi des jeunes, 247.300 emplois jeunes avaient été créés au 30 juin 2000.

S'agissant du volet santé de la loi relative à la lutte contre les exclusions, la mise en place, dans les établissements de santé participant au service public hospitalier, de permanences d'accès aux soins de santé (PASS) a facilité les démarches des personnes en situation de précarité. Surtout, ces dispositions ont été complétées par la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU), qui bénéficie à 4,5 millions de personnes en septembre 2000, auxquelles elle offre une couverture complémentaire avantageuse et évite l'avance de frais.

En ce qui concerne les situations de surendettement, la loi relative à la lutte contre les exclusions a amélioré le traitement des dossiers les plus difficiles, en fixant notamment le montant de ressources minimales restant au ménage surendetté. Elle a surtout accordé aux commissions de surendettement la faculté de recommander l'effacement total des dettes autres qu'alimentaires et fiscales. Là encore, ce dispositif a été complété par une mesure d'effacement des dettes fiscales des chômeurs surendettés, mise en _uvre en octobre 1999.

Les mesures relatives au logement contenues dans la loi précitée se sont également traduites par un accroissement de l'offre offerte aux exclus. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, actuellement en discussion, devrait permettre d'assurer une meilleure mixité sociale en incitant les communes des agglomérations de plus de 50.000 habitants à atteindre un ratio de 20% de logements sociaux (47).

L'effort du Gouvernement se porte également vers l'outre-mer. Le projet de loi d'orientation, examiné en première lecture par l'Assemblée nationale fin 1999, vise précisément à mieux lutter contre la pauvreté dans les collectivités concernées. Il prévoit, en particulier, l'alignement en trois ans du montant du RMI, actuellement inférieur de 20% à son niveau métropolitain, et l'exonération de charges sociales pour les entreprises de moins de onze salariés, soit la très grande majorité des entreprises d'outre-mer. Il s'agit d'un effort qui, avec les mesures financières accompagnant le passage aux 35 heures, représente un quadruplement des aides à l'emploi et à la lutte contre la pauvreté dans les départements et territoires d'outre-mer.

Enfin, on aura garde d'oublier la reconnaissance du secteur de l'économie solidaire, qui s'est manifestée par la nomination d'un ministre délégué et par des dispositions spécifiques dans le projet de loi relatif à l'épargne salariale.

La politique de lutte contre la pauvreté et la précarité a été marquée, ces dernières années, par des avancées significatives mais de nombreux efforts restent encore à accomplir.

c) Un effort à poursuivre

Le bilan d'étape de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dressé par le Gouvernement, ainsi qu'un rapport d'évaluation de ladite loi remis, au mois de juillet, par l'Inspection générale des affaires sociales, ont permis de souligner plusieurs difficultés d'application. Ainsi, s'agissant de la couverture maladie universelle (CMU), il apparaît que l'accès aux complémentaires santé pose problème. De même, l'information des publics concernés n'est pas satisfaisante. Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé son intention de remédier à ces dysfonctionnements, notamment en organisant, au printemps 2001, une campagne d'information en direction des personnes démunies qui ignorent leurs droits.

L'un des principaux chantiers engagé par le Gouvernement est la lutte contre les « trappes à inactivité », c'est-à-dire les situations dans lesquelles une personne bénéficiant de revenus sociaux de substitution voit sa situation se dégrader lorsqu'elle reprend un emploi en raison des prélèvements assis sur les revenus du travail. Plusieurs mesures ont déjà été adoptées pour favoriser le retour à l'emploi : la réforme des modalités d'attribution de l'allocation logement, la refonte des dégrèvements de taxe d'habitation, l'exonération de cette taxe l'année suivant le retour à l'emploi d'un « Rmiste », ou encore l'autorisation provisoire de cumul du RMI et de revenus d'activités. Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 prévoient respectivement deux nouvelles dispositions : d'une part, une atténuation des effets de seuil à l'entrée du barème de l'impôt sur le revenu sera obtenue grâce à un aménagement du mécanisme de la décote ; d'autre part, une ristourne de la CSG et de la CRDS sera accordée aux travailleurs percevant une rémunération inférieure à 1,3 fois le SMIC.

D'une façon plus générale, le problème d'une réforme des minima sociaux, aides couvrant près de 5,5 millions de personnes soit un peu moins de 10% de la population, a été soulevée par plusieurs rapports (48), qui dénoncent tous la complexité des règles applicables et l'imprévisibilité des ressources qui en découle.

Les efforts engagés devront donc être poursuivis à la faveur de la croissance retrouvée.

III.- LA MODERNISATION DES RELATIONS ENTRE LE CAPITAL ET LE TRAVAIL GRÂCE AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE SALARIALE

L'épargne salariale a suscité une attention continue du législateur, appartenant à toutes les majorités politiques, puisque pas moins de neuf textes fondamentaux ont, depuis quarante ans, organisé ses différentes modalités.

Elle n'a pas suscité le même intérêt de la part de nos concitoyens. C'est le sentiment d'une certaine indifférence de l'opinion qui prévaut, y compris de la part des salariés, un peu comme s'il s'agissait d'une pièce laissée en dépôt au musée des Trente glorieuses.

Si l'épargne salariale a récemment éveillé l'attention, elle le doit à deux de ses dispositifs spécifiques :

- le développement de l'actionnariat salarié accompagnant les privatisations, qui a suscité une importante adhésion des salariés concernés ;

- certaines utilisations très excessives des plans d'options d'achat ou de souscription d'actions, au point d'en arriver à choquer, non seulement les salariés, mais de nombreux actionnaires eux-mêmes.

Le projet de loi sur l'épargne salariale, en cours de discussion, doit permettre la mise en place des instruments d'une épargne salariale plus démocratique et plus efficace. Pourquoi fallait-il s'en saisir aujourd'hui ?

Le travail de réflexion exploratoire confié, par le Premier ministre, à notre collègue M. Jean-Pierre Balligand, en collaboration avec M. Jean-Baptiste de Foucauld, « sur les modalités d'une participation plus active des salariés au développement de leurs entreprises et au partage des fruits de la croissance, notamment grâce à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié », de même que la consultation des partenaires sociaux qui a précédé l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, ont permis une clarification des enjeux en cause.

Dans son rapport, notre collègue a montré que l'épargne salariale offre, en France, par rapport à ce qui prévaut dans les autres pays, en particulier chez nos partenaires européens, toute une gamme de dispositifs, dont les trois principaux - la participation obligatoire dans les grandes entreprises, l'intéressement facultatif et les plans d'épargne d'entreprises (49) - représentent un flux de ressources de 45 milliards de francs (6,86 milliards d'euros) chaque année.

Au-delà de ces résultats, l'enjeu porte sur l'épargne salariale comme instrument de progrès social. Ses potentialités en ce domaine n'ont certainement pas été suffisamment explorées, que le législateur et les partenaires sociaux n'aient, jusqu'à présent, pas su ou pas voulu permettre leur matérialisation.

Du point de vue social, le sens de l'évolution économique actuelle est spontanément porteur d'un salariat toujours différencié. « L'éclatement  du statut » du salarié résulte d'abord de différences de situations entre les entreprises, par exemple, les grandes entreprises et les PME, ou les entreprises ayant une implantation mondiale et les autres, ou, au sein même des PME, entre les entreprises traditionnelles et les « jeunes pousses » (start up). Il résulte aussi de l'accentuation des différences de situations au sein des entreprises elles-mêmes, en fonction des métiers ou de la nature du contrat de travail. Cette hétérogénéité croissante offre, évidemment, aux entrepreneurs une possibilité d'infléchir les rapports de forces sociaux en leur faveur. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler les discussions qui ont entouré la question du temps de travail des cadres à l'occasion de la loi sur la réduction du temps de travail.

Il est clair, de ce point de vue, que l'épargne salariale peut contribuer soit à accentuer cet éclatement, soit à le réduire. C'est un des enjeux de la réforme en cours. Il s'agit d'un choix pleinement politique. Une politique de progrès social doit tendre à garantir la cohésion de la communauté de travail et éviter que les tendances qui _uvrent à son érosion ne soient accentuées par de nouvelles inégalités devant les conséquences des modifications structurelles affectant, aujourd'hui, la propriété des biens de production, en clair le capitalisme.

Du point de vue économique, en effet, de considérables changements ont affecté la propriété des entreprises et le partage des richesses qu'elles créent. Le rythme de la création de valeur pour l'actionnaire dépasse aujourd'hui celui de l'augmentation des salaires. Lorsque la valeur de l'entreprise augmente, si les actionnaires bénéficient pleinement de cette valorisation, les salariés n'en perçoivent les fruits qu'en fonction des mécanismes collectifs ou individuels d'épargne salariale.

Il convient de faire en sorte que la part de l'accroissement de la richesse produite par les entreprises qui revient aux salariés puisse comporter une part d'amélioration des salaires, une part de diminution du temps de travail et une part de participation au capital de l'entreprise. Cette dernière, seule, permet une diffusion plus large, au bénéfice des salariés, des plus-values qui jouent un rôle croissant dans l'augmentation des patrimoines des ménages.

Pourquoi une majorité de gauche est-elle la mieux à même de répondre à cette interrogation ? La réforme de l'épargne salariale répond à un objectif de progrès et de justice sociale, corollaire indispensable de la modernisation économique.

D'aucuns ne manqueront pas de prétendre, de façon quelque peu caricaturale, que le blocage de l'ambition d'obtenir que les salariés soient réellement partie prenante dans le capital des entreprises, c'est-à-dire participent à l'enrichissement patrimonial et, en conséquence, à la prise de décisions stratégiques qui ont des conséquences sur leur devenir résulte d'une méfiance de la part des syndicats et des forces politiques de la gauche à l'égard de dispositifs dont ils craindraient une possible dérive vers une approche petite-bourgeoise et paternaliste des relations sociales. Ce serait oublier combien l'égoïsme des actionnaires et l'appétit de pouvoir des dirigeants d'entreprises se sont conjugués pour maintenir le statu quo. Et d'ailleurs, les conceptions malthusiennes des actionnaires français, les ont souvent poussés à privilégier une conception fermée du capital des entreprises, beaucoup n'ayant commencé à vraiment s'intéresser à l'actionnariat des salariés que lorsqu'ils y ont vu en ceux-ci de possibles actionnaires stables moins sensibles que d'autres aux sirènes des offres publiques d'achat ou d'échange.

Dans son rapport, notre collègue Jean-Pierre Balligand a souligné que peu d'entreprises de moins de cinquante salariés pratiquent l'intéressement (2,7% de leurs salariés sont concernés) ou la participation (1,4% d'entre eux) et que 55% des entreprises de plus de cinquante salariés n'ont pas d'accord de participation. Il a souligné de même que « l'épargne salariale est d'autant plus abondante que le salaire est élevé, que les salariés sont anciens dans l'entreprise et que leur âge augmente, ces facteurs étant probablement corrélés. L'épargne salariale est principalement le fait des grandes entreprises qui multiplient les dispositifs et bénéficient ainsi des exonérations qui leur sont attachées, alors que les PME le plus souvent les ignorent et ne sont donc pas en mesure d'en faire profiter leurs salariés ».

C'est donc d'un processus de démocratisation sociale dont il est question. Dans ce but, le projet de loi sur l'épargne salariale, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 octobre dernier, a retenu les moyens les plus efficaces :

- en étendant l'épargne salariale au plus grand nombre. La création du plan d'épargne interentreprises permettra de généraliser les plans d'épargne entreprise à toutes les petites et moyennes entreprises et de favoriser l'accès de leurs salariés à l'épargne salariale. Il permettra à ces entreprises de se regrouper, par accord collectif, selon des critères géographiques ou professionnels. Ces plans pourront accueillir des sommes provenant de l'intéressement ou de la participation ainsi que des versements volontaires des salariés des entreprises liées par l'accord l'ayant institué ;

- en créant un dispositif d'épargne salariale à long terme. La création du plan partenarial d'épargne salariale volontaire, mis en place avec l'accord des partenaires sociaux, permettra aux salariés qui le souhaitent de bénéficier de la valorisation à long terme des placements en actions. Une possibilité d'abondement par l'entreprise, condition indispensable pour une large diffusion, viendra augmenter les versements de sommes issues de l'intéressement, de la participation ou faits à titre volontaire. Les versements faits par l'employeur seront soumis à un prélèvement de 8,2% pour leur partie excédant 15.000 francs par salarié. A titre individuel, chaque salarié bénéficiaire pourra choisir une sortie en capital ou selon des versements fractionnés.

- en renforçant l'implication des partenaires sociaux. Le projet de loi prévoit une obligation annuelle de négocier sur la mise en place de l'épargne salariale dans l'entreprise, à côté de celle qui existe déjà sur les salaires, la durée et l'organisation du temps de travail. En outre, une clause sur l'épargne salariale serait désormais ajoutée à la liste des clauses obligatoires pour permettre l'extension d'une convention collective de branche.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE,
DE MME FLORENCE PARLY, SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET
ET DE M. CHRISTIAN PIERRET, SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'INDUSTRIE

La Commission a procédé, le mercredi 20 septembre 2000, à 11 heures 30, à l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget et de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, sur le projet de loi de finances pour 2001.

M. Laurent Fabius a indiqué que le projet de loi de finances pour 2001 s'articule autour de quatre termes : dynamisme de la croissance, maîtrise des dépenses, allégements d'impôts et justice sociale.

Ce projet repose sur l'hypothèse du dynamisme de la croissance. La fourchette de prévisions pour 2001 se situe entre 3 % et 3,6 %, soit une moyenne de 3,3 %, contre 3,4 % pour 2000. Elle repose sur une hausse prévisionnelle de la consommation des ménages de l'ordre de 3,5 % et sur une hausse de l'investissement de 6,9 %, tandis que la progression de la demande externe sera probablement d'environ 7,6 % ou 7,7 %, contre une prévision de 12 % pour 2000. Le pouvoir d'achat des ménages devrait ainsi croître de 1,7 %, par tête, la prévision de son augmentation par tête n'ayant été que de 0,6 % pour 2000.

L'inflation, hors tabac, est prévue à 1,2 %. Pour ce qui est du chômage, toute prévision est difficile : sa baisse devrait être encore importante, sans doute moins forte qu'en 2000, l'effet de la réduction du temps de travail à 35 heures devant être moins sensible en 2001. L'objectif reste de ramener ce nombre à deux millions de chômeurs, autour de 8 % de la population active.

Ces prévisions doivent aussi tenir compte de l'augmentation du prix du pétrole : c'est l'incertitude face à son évolution qui explique qu'une assez large fourchette de taux de croissance ait été retenue : si la hausse du prix du pétrole est ralentie, selon l'hypothèse d'un baril à 25,6 $ en moyenne en 2001 (contre 28 $ prévus en 2000), la croissance économique pourrait atteindre 3,6 %. Si la hausse du prix est forte et durable, la croissance sera moindre. Cette incertitude rend d'autant plus importants les allégements d'impôts, dont un des effets sera naturellement d'amortir l'amputation causée par le prix du pétrole sur le revenu des ménages.

Le deuxième objectif du Gouvernement est la maîtrise des dépenses publiques. Alors que la prévision moyenne de croissance est de 3,3 %, les dépenses publiques ne devraient progresser que de 0,3 % en volume, soit 1,5 % en tenant compte de l'inflation prévue. C'est ce qui explique que quatre priorités aient été retenues : l'éducation nationale, dont les crédits croissent de 2,7 % pour atteindre 388 milliards de francs (59,15 milliards d'euros), la sécurité, soutenue par une augmentation de 4,9 % des moyens de la police nationale et de la gendarmerie, la justice dont l'enveloppe progresse de 3 % et l'environnement, budget plus modeste, mais qui enregistrera une hausse sensible de 8,2 %. Au total, les budgets civils progresseront de 1,6 %, celui de la Défense de 0,8 %.

Les augmentations de personnel se concentrent sur ces quatre axes eux aussi prioritaires : 6.671 emplois seront créés dans l'éducation nationale, 800 dans la police, 1.614 au ministère de la justice et 324 pour celui de l'environnement. Au total, on comptera en 2001 11.337 emplois supplémentaires.

Pour ce qui est des collectivités locales, leurs concours actifs augmenteront de 2,6 %, hausse qui atteint 14,8 % si on prend en compte la compensation, qui sera intégrale, des allégements de fiscalité qui ont des conséquences pour les finances locales. Le soutien à l'intercommunalité est poursuivi.

Le développement de la transparence budgétaire, qui a déjà bien avancé avec la charte de budgétisation et l'amélioration de la présentation des dépenses publiques (« bleu » par acteur et programme, contractualisation et globalisation des crédits, expérimentation du contrôle de gestion dans certains ministères...) sera amplifié. L'objectif est d'aller vers une comptabilité assurant une meilleure connaissance du patrimoine de l'État. Dans cette perspective, le Ministre s'est déclaré partisan de la réforme de l'ordonnance organique de 1959, qui est actuellement l'objet d'une concertation à partir des travaux parlementaires menés par votre Rapporteur général. Reste à trouver une place dans l'ordre du jour, chargé, du Parlement.

Les allégements d'impôts reposent sur un plan triennal 2001-2003 : le Parlement se prononcera cette année sur ses modalités pour 2001 et, également, sur une partie de celles de 2002. En 2001, ces réductions devraient porter sur 59 milliards de francs (8,99 milliards d'euros), dont 48 milliards de francs (7,32 milliards d'euros) de mesures nouvelles, la poursuite de l'allégement de la taxe professionnelle et du droit au bail représentant la différence entre ces deux chiffres.

Les ménages bénéficieront d'une nouvelle réduction de l'impôt sur le revenu. Cette réduction portera sur toutes les tranches, mais ses effets seront plus forts sur les tranches les plus basses : les ménages concernés, dans le cadre du vote de la loi de financement de la sécurité sociale, bénéficieront en outre d'une baisse, voire d'une suppression de la contribution sociale généralisée pour ceux qui touchent le SMIC et d'une forte dégressivité pour ceux dont le revenu est compris entre 1 et 1,3 SMIC. Dès le 1er janvier 2000, les salariés rémunérés au niveau du salaire minimal recevront de ce fait 160 à 170 francs (24,39 euros à 25,92 euros) de plus. A terme, ils toucheront l'équivalent d'un mois de salaire supplémentaire.

Pour les entreprises, la surtaxe de 10 % de l'impôt sur les sociétés instituée en 1995, sera supprimée progressivement tandis que les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs (7,62 millions d'euros) ne seront soumises qu'à un taux d'imposition de 15 % dans la limite de 250.000 francs (38.112,25 euros) de chiffre d'affaires à partir du 1er janvier 2002.

La fiscalité pétrolière doit être allégée dans le respect de l'environnement et de l'équilibre des comptes. Il est donc proposé d'instituer un prélèvement sur les compagnies pétrolières et de mettre en place une taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) « stabilisatrice », c'est-à-dire dont le produit évoluerait avec le prix du pétrole, compensant les mouvements de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). 6,5 milliards de francs (0,99 milliard d'euros) de TVA supplémentaire auraient en effet été perçus du fait de l'augmentation des prix. C'est un montant supérieur, qu'il est proposé de restituer aux Français par le biais du mécanisme de la TIPP stabilisatrice, auquel s'ajouteront les effets de la suppression de la vignette dès novembre 2000 pour les véhicules des particuliers. Cette TIPP permettra, dès le 1er octobre 2000, une réduction des taxes qui devrait entraîner une baisse de 20 centimes (3 cents) par litre d'essence. S'y ajoutera également, dès le 21 septembre, la réduction de la TIPP sur le fioul domestique. Enfin, les engagements récemment contractés avec les professionnels les plus touchés par la hausse du coût du pétrole seront évidemment tenus. Des crédits seront ouverts à cette fin dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000.

La réduction du déficit public sera poursuivie en 2001 : le déficit est fixé à 186 milliards de francs (28,36 milliards d'euros). Ce chiffre nous place dans la lignée des objectifs précédents, dont l'exécution a dépassé les prévisions : 285 milliards de francs (43,45 milliards d'euros) de déficit en 1997, 258 milliards de francs (39,33 milliards d'euros) en 1998, 237 milliards de francs (36,13 milliards d'euros) en 1999 et 215 milliards de francs (32,78 milliards d'euros) en 2000. Pour ce qui est des recettes provenant de la vente des licences de téléphonie mobile dites « UMTS », il a été prévu pour les percevoir un système distinguant les deux premières années d'une part, le reste de l'exercice d'autre part. Ainsi que le Gouvernement l'avait annoncé, il n'est pas envisagé d'affecter ces produits aux dépenses de fonctionnement courant de l'État : une partie sera utilisée en 2001, à hauteur de 18,5 milliards de francs (2,82 milliards d'euros) pour alimenter le fonds de réserve des retraites et à hauteur de 14 milliards de francs (2,13 milliards d'euros) pour financer la caisse d'amortissement de la dette publique. Ainsi, la part de la dette dans le PIB passera de 60 % en 1998 à 57,2 % en 2001 et les prélèvements obligatoires seront réduits de 0,5 % sur trois ans, ce qui traduit une solidarité avec les générations futures.

Enfin, la dimension de justice sociale du projet de loi de finances doit être appréciée en tenant compte également des mesures proposées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Les priorités retenues, s'agissant des recettes, tant en ce qui concerne la réduction des inégalités ou l'amélioration de la vie quotidienne des citoyens, ainsi que les mesures fiscales d'allégements de l'impôt sur le revenu, de CSG et de fiscalité sur les produits pétroliers, comme la contribution des sociétés pétrolières vont toutes, en effet, dans le sens d'une même équité fiscale. Les priorités relatives aux dépenses vont également dans le même sens. Pour le Gouvernement, la poursuite de la baisse du chômage constitue la principale contribution à la réduction des injustices et tous les moyens doivent y concourir.

Le Président Henri Emmanuelli, constatant que certaines annonces gouvernementales, notamment sur le prix des carburants, sont intervenues avant que le Parlement ne se soit prononcé, a souhaité obtenir confirmation du fait que l'affectation du produit de la vente des licences UMTS relève effectivement du pouvoir législatif.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a confirmé la compétence du législateur en la matière et indiqué que ceci figurait au projet de loi de finances pour 2001.

Exprimant sa satisfaction générale et globale face à un projet de loi de finances qui répond aux souhaits exprimés par la majorité parlementaire, votre Rapporteur général, s'est réjoui de la mise en _uvre, pour la première fois, d'une « charte de budgétisation » permettant de mieux appréhender les modifications de structures budgétaires. Le Gouvernement démontrera sa volonté de poursuivre dans cette voie de transparence en inscrivant rapidement à l'ordre du jour du Parlement la révision de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

Abordant le contexte macro-économique, votre Rapporteur général a souhaité savoir si la présidence française de l'Union européenne prendrait des initiatives afin que soient trouvées des solutions à une augmentation des prix du pétrole qui affecte l'ensemble des États membres. S'agissant de l'euro, alors que le ministre italien du Trésor estime que la convergence budgétaire et fiscale des États membres est insuffisante, la diversité des prises de position des responsables politiques s'ajoute aux difficultés de compréhension des décisions de la Banque centrale européenne.

L'évolution des recettes appelle également quelques précisions. La tendance récente des rentrées d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée permet-elle de confirmer l'estimation du supplément de recettes budgétaires effectuée en juin, soit une trentaine de milliards de francs ? Le Gouvernement a-t-il évalué les incidences des décisions de justice qui sont récemment intervenues en matière d'application de la TVA sur les péages d'autoroutes et sur la déductibilité de la TVA appliquée aux frais de représentation des entreprises ? A-t-il également évalué les recettes supplémentaires de TVA dues aux fortes augmentations constatées sur les prix des produits pétroliers hors taxes ? Les modalités de fixation de la contribution exceptionnelle des compagnies pétrolières sont-elles en adéquation avec les bénéfices, parfois insolents, qu'elles réalisent ?

Considérant l'engagement de discussions sur les salaires dans la fonction publique et le lancement du processus de réduction de temps de travail, les hypothèses fondant la programmation pluriannuelle, notamment la stabilisation des effectifs, doivent-elles être révisées en conséquence ? Au vu des débats actuels sur les tensions que connaît l'appareil de production, évoquées par l'INSEE dans sa note de conjoncture, et sur l'impact de la réduction du temps de travail, le secteur productif a-t-il la capacité de donner l'impulsion de productivité nécessaire face à ce « choc d'offre » et comment le projet de loi de finances prend-il en compte ces contraintes ?

Enfin, dans la redéfinition des relations financières entre l'État et les organismes de sécurité sociale, quelles sont les priorités de règlement des différends existants et de redéploiement des champs de compétence respectifs ?

Soulignant qu'au-delà des difficultés de court terme, le choix de l'euro était extrêmement positif d'un point de vue économique et politique, M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a estimé que sans la monnaie unique, la France aurait dû subir bien plus fortement les chocs externes successifs - notamment les crises russe et asiatique - avec pour conséquences une hausse des taux d'intérêt, une baisse de la croissance et une augmentation du chômage. La création de l'euro, au contraire, a amorti ou évité ces chocs. L'hypothèse retenue dans le cadre du projet de loi de finances de 0,95 dollar pour un euro, correspond à la moyenne des huit premiers mois de l'année. La faiblesse conjoncturelle de l'euro par rapport au dollar, dont les ministres des finances du « groupe euro » ont à nouveau débattu à la fin de la semaine dernière, s'explique par la vigueur de l'économie américaine, par un insuffisant « marketing » de la monnaie unique qui ne sait pas dire ses succès, par les incertitudes pesant sur la configuration future de l'Europe, mais aussi par le fait, trop souvent négligé, que les entreprises européennes sont dans une situation positive et investissent massivement aux États-Unis, ce qui entraîne des sorties d'euros et des achats de dollars. Ce phénomène positif finira d'ailleurs, à terme, par jouer en faveur de l'euro, d'autant que l'économie des États-Unis présente également des points faibles.

Abordant les questions du prix et de la fiscalité du pétrole, le ministre a indiqué que l'hypothèse de baisse des prix retenue dans le cadre du projet de loi de finances, soit 25,6 dollars par baril, tenait compte des différentes prévisions qui, à terme, concluent toutes à une baisse, par rapport aux fortes tensions actuelles, dans une fourchette de prix comprise entre 20 et 28 dollars le baril. Cependant, il faut insister sur le fait que ce problème est avant tout d'ordre politique et international, dans la mesure où c'est l'offre, et non les taxes, qui a fait monter les prix. A titre d'exemple, la part des taxes dans le prix de l'euro-super est de 69,5 % aujourd'hui, contre 80 % en 1995 et ces pourcentages sont respectivement de 68,8 % et 79,8 % pour le super sans plomb « 98 » et de 33 % et 41 % pour le fuel. Dans ce dossier, le Gouvernement se conforme à un « devoir d'écoute » - que ce soit à l'égard de différentes professions particulièrement touchées ou en direction de l'ensemble des Français, au travers de la stabilisation de la TIPP, de la diminution des prix de 20 centimes par litre et de la baisse de 30 % de la taxe sur le fioul domestique au 21 septembre -mais aussi à un « devoir de vérité » : tant que les pays producteurs et les sociétés pétrolières raréfieront l'offre, le pétrole sera cher. C'est pour cette double raison qu'une solution internationale s'impose. C'est également dans cet esprit que le Président de la République et le Premier ministre ont demandé au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie que la question soit abordée au cours des prochaines réunions des pays les plus industrialisés (G7) et du Fonds monétaire international, ainsi qu'au Conseil européen de Biarritz. Quoi qu'il en soit, il serait très dangereux et illusoire de « brancher » directement les finances publiques sur les décisions des pays producteurs : non seulement chaque franc de baisse des prix du carburant entraînerait un coût de 50 milliards de francs (7,62 milliards d'euros) pour l'État, dont on voit mal au détriment de quels budgets, de quelle baisse d'impôt, de quelle diminution du déficit, il pourrait les trouver, mais ce serait également encourager la flambée des cours. Les hommes politiques ne doivent pas se dérober à ce devoir de vérité. Enfin, le Gouvernement entend favoriser la diversification énergétique ainsi qu'une politique active d'économies d'énergie.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, a confirmé que les recettes fiscales de l'exécution du budget 2000 seraient supérieures, en net, de 30 milliards de francs (4,57 milliards d'euros) par rapport aux prévisions, à raison de 7 milliards de francs (1,07 milliard d'euros) pour l'impôt sur le revenu (s'ajoutant aux 18 milliards de francs déjà constatés), 12 milliards de francs (1,83 milliard d'euros) pour l'impôt sur les sociétés (s'ajoutant aux 15 milliards de francs déjà constatés), le solde étant principalement assuré par les rentrées de TVA. La décision de justice relative au remboursement de TVA aux sociétés d'autoroutes coûtera environ 4 à 5 milliards de francs (0,76 milliards d'euros) au budget de l'État et sera prise en compte dans le prochain collectif budgétaire. Quant à la décision de justice sur les frais de représentation des entreprises, le Gouvernement souhaite au préalable en évaluer le coût. Les remboursements ne pourront s'effectuer que sur pièces justificatives.

Le programme pluriannuel des finances publiques de 2001 à 2003 reste d'actualité, et le projet de loi de finances pour 2001 s'inscrit même en amélioration par rapport aux prévisions dans la mesure où le déficit, évalué à l'origine à 1,2 % du PIB, s'établira vraisemblablement autour de 1 %. Le projet de loi de finances pour 2001 n'intègre pas pour l'instant les effets d'un accord salarial dans la fonction publique, puisque la négociation n'a pas encore commencé. L'État poursuit par ailleurs ses efforts de clarification auprès du Parlement avec notamment une description plus précise des mouvements financiers entre l'État et la sécurité sociale, détaillés dans la charte de budgétisation. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale indiquera les éléments d'équilibre du FOREC et clarifiera les missions de l'UNEDIC dans le sens de l'amélioration de l'indemnisation du chômage, de l'aide au retour à l'emploi, de la baisse des cotisations et de la clarification des relations de l'UNEDIC avec l'État.

M. Philippe Auberger a estimé que les engagements du Premier ministre s'agissant d'une diminution des prélèvements obligatoires n'étaient pas tenus, dans la mesure où ces derniers ne seraient pas ramenés au niveau de 1995. La promesse d'une baisse supplémentaire du déficit n'est pas tenue non plus puisque celui-ci demeure supérieur à 180 milliards de francs (27,44 milliards d'euros), comme il avait été précédemment annoncé. L'analyse des mouvements financiers entre l'État et la sécurité sociale reste malaisée et conserve de nombreuses zones d'ombre. Le risque persiste de transfert de recettes fiscales pour financer des dépenses telles que le soutien à la réduction du temps de travail - le chiffre de 11 milliards de francs (1,68 milliard d'euros) étant parfois cité -, ou la compensation de la CSG. L'hypothèse d'un transfert du produit de la taxe sur les conventions d'assurance est-elle d'actualité ?

M. Philippe Auberger a jugé que le mécanisme d'amortissement de la TIPP présentait quelque intérêt mais a considéré que la chute de l'euro est à l'origine d'environ 30 % de la hausse du prix du pétrole, ce qui induit le paradoxe d'un affaiblissement de la monnaie européenne favorisant les rentrées fiscales. Il a appelé à ce que la présidence française de la Communauté européenne défende plus vigoureusement l'euro. S'agissant de l'impôt sur le revenu, il a proposé de revoir le barème plutôt que le mécanisme d'indexation, estimant que les avantages donnés aux contribuables dans l'exercice 2000 étaient annulés par la hausse des prix. Il a enfin regretté la diminution des crédits civils d'investissement et déploré que le présent projet de budget ne soit pas un élément de réforme de l'État.

M. Augustin Bonrepaux a salué un projet de budget qui respecte les engagements du Gouvernement et les votes du Parlement, avec une réduction des impôts, une limitation de la dépense publique et la maîtrise des déficits. Il a approuvé les moyens supplémentaires donnés aux services publics, comme l'éducation ou la police, ainsi que ceux accordés aux collectivités locales grâce à une majoration de 3,4 milliards de francs (0,52 milliard d'euros) de la DGF. Il a cependant appelé à la plus grande vigilance afin que la progression de la coopération intercommunale entre agglomérations ne se fasse pas au détriment des autres formes de coopération, notamment en défavorisant les zones rurales.

Les réductions d'impôts correspondent aux demandes exprimées dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, et la diminution de la CSG permettra de donner aux salariés les plus modestes l'équivalent d'un mois de pouvoir d'achat supplémentaire.

Abordant la question de la fiscalité des carburants, M. Augustin Bonrepaux a souligné que ceux qui crient au voleur, en accusant l'État, ne se penchent pas sur la question de savoir qui organisé le vol. Il a rappelé que l'année 1995 avait vu une augmentation sans précédent des prix du carburant, en raison d'une part taxable à 80 %, alors que le présent Gouvernement avait stabilisé le prix de l'essence sans plomb depuis deux ans. Toute politique du carburant doit être élaborée dans un souci d'une politique de l'énergie. Il faut enfin se réjouir de la suppression de la vignette qui provoque des phénomènes de dumping fiscaux et économiques entre départements. La diminution du taux d'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises est également positive. Il conviendrait cependant de mener une réflexion sur une progressivité de l'impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices, les profits des entreprises pouvant être parfois très élevés.

M. Pierre Méhaignerie a considéré normal que le Gouvernement présente une image optimiste de la situation économique mais on peut cependant craindre un brutal retournement de conjoncture, comme en 1992. Il faut en outre souligner les risques actuels de voir se produire des goulets d'étranglement pour les entreprises en raison de l'application de la loi sur les 35 heures. Il serait dommageable de se retrouver avec 2 millions de demandes d'emploi et 1 million d'offres non satisfaites. On ne peut parler de maîtrise des dépenses publiques lorsque les effectifs de l'État augmentent de 11.300 personnes. La Cour des Comptes montre d'ailleurs régulièrement que la dépense publique évolue beaucoup plus vite que prévu. L'anomalie fiscale française ne réside pas dans l'impôt sur les sociétés ou dans la fiscalité locale mais dans les charges qui pèsent sur le coût du travail. On peut à cet égard s'interroger sur le poids réel, en termes de pouvoir d'achat, que représente un allégement qui, pour un salarié rémunéré au SMIC, aboutira à terme à un pouvoir d'achat supplémentaire de 180 francs (27,44 euros) par mois, à la fin du processus triennal de réduction d'impôt. Il s'est déclaré partisan d'une solution beaucoup plus massive et lisible des baisses des charges sur les bas salaires. Une forte diminution aurait été parfaitement justifiée, plus claire, et elle aurait produit des effets bénéfiques sur l'économie dans son ensemble. Des amendements allant dans ce sens pourraient peut-être transcender certains clivages politiques.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie présentait son projet de budget avec une grande habileté et un souci rhétorique et s'est prononcé pour une défense énergique de l'impôt, dès lors que celui-ci est lisible et juste. Il convient donc d'être opposé à des projets de manifestations qui se contenteraient d'attaquer l'État et d'exonérer de leurs responsabilités les compagnies pétrolières. Le Gouvernement ne tient pas assez compte des propositions du Rapporteur général et des députés de la commission des Finances relatives à la redevance télévision ou au remboursement réel d'une part de la CSG, mesures qui seraient propices au soutien à la consommation. Les allégements de toutes les tranches du barème de l'impôt sur le revenu ne sont pas les plus pertinents : un Gouvernement de gauche allégera ainsi de 1.000 francs (152,45 euros) par an l'impôt d'une personne rémunérée à hauteur de 8.000 francs (1.219,59 euros) par mois, tandis qu'un contribuable comme M. Jean-Marie Messier verra son prélèvement allégé de 295.000 francs (44.972,46 euros). Il faut donc savoir s'il existe des marges de discussion dans le débat parlementaire et, dans l'hypothèse d'une réponse affirmative, « ces marges ne doivent pas être marginales ».

M Yves Cochet s'est déclaré globalement satisfait par les baisses d'impôts annoncées par le Gouvernement. Toutefois, certains points posent problème. La réforme du barème de l'impôt sur le revenu aboutit ainsi à un résultat paradoxal, difficilement explicable à nos compatriotes, dans la mesure où, tout en accroissant la progressivité de l'impôt, elle revient à consentir aux ménages les plus riches une diminution nominale de prélèvement plus importante que celle octroyée aux plus pauvres. Pour sa part, l'allégement de CSG est une bonne mesure, même s'il convient d'en améliorer la lisibilité. Les modalités de mise en _uvre de la réforme de la fiscalité pétrolière doivent être précisées sur plusieurs points. Le montant du prélèvement sur les compagnies pétrolières est-il plus important que celui envisagé initialement, et à partir de quand s'appliquera-t-il ? Sur quel cours la TIPP stabilisatrice s'articulera-t-elle ? La fixation d'un prix garanti risque en effet d'assurer une rente de situation au profit des pays et des compagnies producteurs puisque, dans l'hypothèse d'une hausse des cours, la part revenant à l'État baissera tandis que celle revenant aux producteurs ne changera pas. Enfin, la baisse de vingt centimes est-elle comprise dans le mécanisme de stabilisation ?

Répondant aux intervenants, le Ministre a apporté les précisions suivantes :

- les prévisions sur lesquelles se fonde le Gouvernement ne pêchent pas par optimisme, puisqu'elles sont proches de celles annoncées aussi bien par le FMI que par l'immense majorité, et presque le consensus des économistes. L'un et les autres, respectivement, tablent sur un taux de croissance de 3,5 % et 3,4 %. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit un déficit budgétaire de 186 milliards de francs (28,36 milliards d'euros) contre 215 milliards de francs (32,78 milliards d'euros) votés en loi de finances initiale pour 2000. Il y a donc bien, dans les prévisions, une réduction de ce déficit ; si l'on se réfère à l'exécution, depuis 1997, les déficits constatés sont toujours inférieurs aux déficits prévus. On peut espérer qu'il en sera de même en 2001. Le Gouvernement fera tout pour y parvenir ;

- le projet de budget est bâti sur une progression globale des dépenses de l'État limitée à 0,3 % en volume. Dans ce contexte qui est aussi une contrainte, il est difficile de prévoir une large revalorisation des crédits inscrits en faveur des investissements civils de l'État  ;

- si on ne peut soutenir que la faiblesse de l'euro entraîne par elle-même un surcroît de rentrées fiscales dues aux achats de produits pétroliers, il existe en revanche une difficulté réelle du fait que ces achats sont faits systématiquement en dollars. Il serait souhaitable que les prix pratiqués en Europe soient libellés en euros ;

- la hausse de la TIPP résulte des décisions prises par l'ancienne majorité au cours des années 1993, 1995 et 1996, les mesures décidées par le Gouvernement actuel privilégiant, au contraire, la stabilité des taux de prélèvement et une politique volontariste en faveur de l'environnement. Le dispositif de prélèvement sur les compagnies pétrolières prendra effet à partir de 2001. Ce prélèvement sera calculé à partir des provisions effectuées par ces compagnies, notamment de la provision pour hausse de prix. En effet, les activités d'extraction ayant, dans leur immense majorité, lieu à l'étranger, le résultat fiscal dégagé en France n'est pas un critère déterminant. Le montant du prélèvement, au-delà des 3,5 milliards de francs (0,53 milliard d'euros) actuellement prévus, reste à débattre. Pour sa part, le mécanisme de stabilisation de la TIPP se déclenchera à partir d'un dépassement de prix sur deux mois, le cours de référence étant d'environ 25 dollars, soit la moyenne des cours constatés en janvier 2000. Une première stabilisation devrait entraîner, par exemple une baisse de 13 centimes sur le super sans plomb à laquelle un dispositif de bonus ajoutera une diminution supplémentaire des prix à la consommation de sept centimes ;

- 1 % seulement des vignettes sont supérieures à 2.000 francs (304,90 euros). Dans de telles conditions, faut-il continuer d'imposer 99 % des Français au prétexte de ne pas « favoriser » 1 % d'entre eux, alors même que toutes les enquêtes d'opinion montrent que nos compatriotes sont très favorables à la suppression de la vignette ?

- s'agissant des goulets d'étranglement, la situation diffère selon le secteur d'activité concerné, les difficultés les plus lourdes se concentrant dans le bâtiment et l'informatique. Sur ce point, le projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures qui vont dans le bon sens, notamment l'allégement d'impôt sur les PME et la baisse de la CSG, qui incitera au retour à l'emploi ;

- le dispositif de franchise de cotisations sociales souhaité par M. Pierre Méhaignerie dépasse la marge budgétaire dont dispose le Gouvernement pour l'année 2001. Une franchise de 500 francs (76,22 euros) par personne et par mois coûterait, en effet, 120 milliards de francs (18,29 milliards d'euros) par an, qu'il faudrait bien financer, et comment ? Par ailleurs, la réduction de la cotisation vieillesse se heurterait à des difficultés spécifiques de financement des retraites liées aux évolutions démographiques prévisibles pour les prochaines années ;

- l'idée d'un remboursement de la CSG par un mécanisme de « chèque-cotisation » n'a pas été retenue. Elle risquait, en effet, d'instaurer un décalage trop long entre le retour à l'emploi des personnes concernées et la répercussion, à leur profit, de la baisse de la CSG. Elle posait, par ailleurs, des problèmes techniques qui auraient pu déboucher sur un nombre d'erreurs important, inhérentes au mécanisme lui-même, tant il est difficile, par exemple, de prendre en compte la mobilité géographique des salariés ;

- le débat sur le taux marginal de l'impôt sur le revenu est, dans une certaine mesure, artificiel puisque c'est le taux moyen d'imposition qui détermine le niveau effectif de prélèvement. A cet effet, les feuilles d'imposition mentionneront, dès 2001, le taux moyen auquel chaque contribuable est soumis ;

- bien entendu, le Gouvernement restera, lors de la discussion du budget, très ouvert à toutes les modifications que les parlementaires pourraient proposer. D'une manière générale, il souhaite, comme l'a exprimé M. Jean-Pierre Brard, que l'utilité des prélèvements fiscaux soit réaffirmée, les impôts devant être à la fois allégés et réhabilités, comme un élément de démocratie et de citoyenneté.

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N° 2624.- Rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances pour 2001 : tome I, vol. 1 : Une croissance maintenue, au service de l'emploi et de la justice sociale.

() Hors recettes liées à l'octroi des licences UMTS.

() A la suite de la décision de la Banque centrale européenne, l'euro est repassé sous la « barre » des 0,87 dollar pour la première fois depuis l'intervention de soutien des grandes banques centrales, le 22 septembre dernier.

() La lettre du trésorier, n° 162, septembre 2000, page 8.

(1) Chaque année, au printemps, les budgets économiques font l'objet d'une évaluation qui constitue le cadrage macroéconomique préliminaire du projet de loi de finances de l'année suivante, alors aux premiers stades de son élaboration.

() Un indice de prix hédonique vise à mesurer la valeur d'un bien ou d'un service, au-delà de son prix, en tenant compte de l'utilité qu'il apporte à son détenteur ou à son consommateur. Plus précisément, la notion d'indice de prix hédonique prend son sens lorsqu'on veut mesurer la variation de prix d'un bien déterminé : l'indice hédonique tend à intégrer dans la mesure de ce prix l'évolution de la qualité du bien considéré. La revue Économie et statistique offre une présentation éclairante de ce concept. De façon générale, les indices de prix servent à distinguer les évolutions en volume des évolutions en valeur, ce qui « suppose implicitement que l'on observe l'évolution des prix pour des produits qui ne changent pas. Dans la réalité, la situation est différente. Les produits changent, leur qualité s'améliore ou se détériore, et il est légitime d'en tenir compte dans le calcul des indices de prix. De plus, des produits nouveaux apparaissent de temps en temps, comme les magnétoscopes ou les téléphones mobiles. Ce problème concerne tous les usages des indices de prix. Mais il est particulièrement important dans une perspective de moyen-long terme, qui est dans une large mesure celle de la comptabilité nationale. C'est pourquoi le SCN 93 [système de comptabilité nationale élaboré par les Nations unies] comme le SEC 95 [nouveau système de comptabilité nationale français] lui accordent une grande attention. Le SCN 93 préconise l'utilisation d'indices de prix dits hédoniques pour les produits dont les caractéristiques changent de manière significative [...]. Cette méthode est en particulier employée pour les ordinateurs, les caractéristiques prises en compte étant notamment la puissance et la taille de la mémoire » (Daniel Temam, « Vingt ans après, la comptabilité nationale s'adapte », INSEE, Économie et statistique, n° 318, août 1998).

() Le taux de croissance annuel de la productivité globale des facteurs serait ainsi passé de 0,4% ans les années 70 à 1% dans les années 80, puis 1,5% dans les années 90.

() Le groupe technique, en moyenne, estime que la croissance japonaise accélérera de 1,8% à 2% entre 2000 et 2001, alors que la croissance de la zone euro déclinera légèrement, revenant de 3,5% en 2000 à 3,2% en 2001.

() Le groupe technique estime, en moyenne, que l'inflation en glissement annuel atteindrait 1,2% en 2001, alors que la direction de la prévision affiche un taux de 1,4%. En revanche, la direction de la prévision évalue à 1,3% l'inflation en valeur moyenne sur l'année 2001 alors que le groupe technique l'estime à 1,4%.

() La « courbe de Phillips » lie l'évolution des salaires nominaux à celle du chômage.

() Le NAIRU est le sigle anglo-saxon qui désigne le taux de chômage qui n'aggrave pas le niveau constaté d'inflation.

() En 1999, l'enquête emploi a eu lieu en janvier, au lieu du mois de mars, en raison du recensement.

() Outre la raison démographique, tenant à la diminution constante de la population agricole, l'explication de ce phénomène tient surtout au « statut » d'aide familial, qui correspond à un état intermédiaire dans la vie professionnelle. L'état d'aide sur l'exploitation familiale a, aujourd'hui, par nature, contrairement à ce qui a pu prévaloir de 1945 à la fin des années soixante, une vocation transitoire. L'aide soit finit par exercer son activité salariée dans d'autres exploitations que l'exploitation familiale, soit succède à ses parents s'il peut remplir les conditions pour bénéficier des dotations d'installation, soit voit son activité prise en compte à un autre titre, par exemple lorsqu'il y a création d'un groupement agricole d'exploitation en commun. Dans tous ces cas, il sera sorti de la catégorie juridique et statistique des aides familiaux.

() Impact du financement des mesures, effets des créations d'emplois sur les revenus et effets de la baisse du chômage sur la confiance des ménages.

() DARES, Recruter en 1999, des difficultés plus ou moins vives suivant les métiers recherchés, Première informations et premières synthèses, n° 22-1, Juin 2000.

() L'employabilité est définie par la DARES par le niveau de qualification et l'expérience professionnelle appréciée par le fait d'avoir travaillé dans un passé récent (de moins d'un an).

() « Les crédits au logement consentis aux ménages au premier semestre 1999 », Bulletin de la Banque de France, n° 76, avril 2000.

() Une étude de l'INSEE établit qu'une dégradation des anticipations est essentiellement imputable aux variations du chômage (Stefan Lollivier, « Anticipations des ménages et environnement économique », Economie et Statistique n° 324-325, 1999). Dès lors, on peut penser que la hausse du prix du pétrole ne devrait pas avoir d'impact durable sur l'indice de confiance des ménages, tant que cette hausse n'aura pas de répercussion sur l'emploi.

() La progression de l'emploi fait que, naturellement, la masse salariale par tête croît dans des proportions moins rapides.

() Toutefois, des négociations salariales devraient être engagées fin octobre et pourraient conduire à une revalorisation, dès 2000, de l'indice de traitement de la fonction publique.

() Enquête sur l'activité et les conditions d'emploi de la main d'_uvre, réalisée auprès des établissements de plus de dix salariés du secteur privé.

() Sur ce point, voir infra, le II du chapitre III.

() Etudes économiques de l'OCDE, France, juillet 2000, p. 29.

() Voir le tableau de la page 94.

() Taux de marge : excédent brut d'exploitation/valeur ajoutée brute ; taux d'épargne : épargne brute/valeur ajoutée brute ; taux d'autofinancement : épargne brute/formation brute de capital fixe. (Pour le calcul de l'épargne nette, il convient de retrancher la consommation de capital fixe, à savoir la dépréciation subie par le capital fixe au cours de la période considérée par suite d'usure normale et d'obsolescence prévisible).

() INSEE, Informations rapides, n° 237, septembre 2000.

() « Quel impact sur l'entreprise ? », La revue des entreprises n° 617, décembre 1999.

() « Le marché des fusions et acquisitions transfrontalières en 1999 », KPMG Corporate Finance, janvier 2000.

() « Le marché des fusions et acquisitions transfrontalières au premier semestre 2000», KPMG Corporate Finance, juillet 2000.

() Le point de conjoncture du 6 avril 2000, Aurel Leven.

() « Quels enseignements tirer des valorisations des sociétés Internet ? », Option Finances, n° 587, 13 mars 2000.

() Voir www.mp3france.com.

() Sur www.grosbill.fr et www.ldc.fr.

() Qui pose d'autres problèmes sur le terrain des droits d'auteur et de la création musicale.

() Banque Magazine, supplément au n° 617, septembre 2000, « le virage Internet ».

() Les données relatives au commerce extérieur proviennent de la direction générale des douanes et droits indirects. Elles sont établies sur une base FAB-FAB (franco à bord) pour les synthèses, ce qui signifie qu'elles comprennent le coût départ-usine et le coût du transport du lieu de production au poste frontière. Les résultats par produit et par pays sont calculées CAF (coût, assurance, fret). La valeur FAB des marchandises est alors majorée du coût du transport et des assurances, en mer ou à travers des pays tiers, jusqu'à la frontière nationale du pays importateur.

On rappellera, par ailleurs, que, depuis le 1er janvier 1997, la balance commerciale, à l'instar de la méthodologie balance des paiements, ne comprend plus les échanges de la métropole avec les DOM, mais intègre les opérations de ces derniers avec le reste du monde.

Il convient également de souligner que, depuis le 1er janvier 1999, les services des douanes ont procédé à de nouvelles modifications dans l'élaboration des statistiques du commerce extérieur, afin d'affiner la prise en compte des activités de la base spatiale de Kourou. Alors qu'auparavant, chaque mise en orbite correspondait à une exportation, indépendamment de la nationalité du propriétaire du satellite, désormais seules sont prises en compte, au titre de la balance commerciale, les opérations correspondant à un transfert de propriété entre un résident et un non-résident. Ainsi, seuls les satellites mis en orbite pour le compte d'un non-résident sont considérés comme une exportation. Indiquons que les données antérieures à cette réforme ont été mises en conformité avec la nouvelle présentation.

() Les données relatives au solde des transactions courantes ont fait l'objet, en 2000, de changements méthodologiques, afin de tenir compte des modifications intervenues dans l'élaboration, par les services des douanes et des droits indirects, des statistiques du commerce extérieur. On rappellera, en effet, que les opérations d'échanges de biens déclarées aux services des douanes font l'objet d'un retranchement statistique, afin d'être comptabilisées par la Banque de France selon la méthodologie dite de « la balance des paiements » : selon celle-ci, en effet, seuls les flux ayant effectivement donné lieu à un transfert de propriété entre résidents en France et non-résidents sont pris en compte. Or, comme votre Rapporteur général l'a précédemment indiqué, depuis le 1er janvier 1997, les services des douanes intègrent les départements d'outre-mer dans le champ territorial à partir duquel sont comptabilisés les échanges extérieurs de marchandises, les TOM étant exclus. La correction territoriale « DOM-TOM » opérée par le passé par les services de la Banque de France n'est donc plus effectuée. Par ailleurs, l'intégration des DOM dans le champ territorial de la balance commerciale a permis la prise en compte, par les services douaniers, de l'activité spatiale de la base de Kourou, chaque mise en orbite correspondant à une exportation des satellites et de la fusée elle-même. Or, depuis le 1er janvier 1999, les services des douanes ayant harmonisé les règles de comptabilisation des activités spatiales avec celles de la Banque de France, seules sont désormais prises en compte les opérations correspondant à un transfert de propriété entre un résident et un non-résident. Par conséquent, « l'ajustement Kourou » effectué entre 1997 et 1998 par la Banque de France n'est plus intégré dans le passage. Cette nouvelle comptabilisation a été appliquée sur les années antérieures.

() Rappelons, à cet égard, que le solde des biens comprend, d'une part, le solde des marchandises, présenté en méthodologie balance des paiements, c'est-à-dire après retraitement des données FAB-FAB fournies par la direction générale des douanes, retraitement essentiellement destiné à exclure les opérations ne donnant pas lieu à paiement et à transfert de propriété, et d'autre part, le solde résultant des opérations d'avitaillement et de travail à façon.

() Note de conjoncture internationale sur le commerce mondial, juin 2000.

() Note de conjoncture internationale sur le commerce mondial, juin 2000.

() C'est-à-dire d'un taux de change euro/dollar moyen de 0,96.

() Note « flash » n° 2000-152 du 1er septembre 2000 « Prévision financière : le rôle majeur du partage de la charge liée à la hausse des prix des matières premières ».

() L'exécution du budget de 1999 : les fruits de la croissance retrouvée (n° 2244).

() Voir le tome 1, volume 2. On observera qu'à la fin août 2000, les recettes du budget général marquent une hausse de 2,1% par rapport à la fin août 1999.

() Laurent Quignon, « Unification monétaire, unification budgétaire ? », Conjoncture - Paribas, septembre 1999.

() Pour plus de précisions sur l'origine de cette révision, on se reportera au Tome 1, volume 2 du présent rapport.

46 ) On observera, en outre, que les dispositions prises dans le cadre de la lutte contre l'exclusion pour permettre au Rmiste qui reprend une activité de conserver le bénéfice du RMI dans le cadre du mécanisme d'intéressement, ont eu pour effet de ralentir le rythme de décroissance du nombre des allocataires.

() On peut rappeler, en effet, que, parmi les ménages pauvres, une minorité est locataire d'un logement social : 24% seulement en 1996.

() Le dernier en date étant celui de M. Jean-Michel Belorgey, « minima sociaux, revenus d'activité, précarité », Commissariat général du Plan, mai 2000.

() L'intéressement et la participation sont des systèmes de partage des bénéfices. Le premier est facultatif et permet, par des accords de trois ans, d'associer les salariés aux résultats ou à l'accroissement de la productivité de leur entreprise. La participation est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus qui dégagent un résultat suffisant, les autres entreprises pouvant mettre volontairement en place un accord de participation. La participation traduit le droit des salariés de bénéficier d'une partie des résultats de l'entreprise. Le plan d'épargne d'entreprise est un système d'épargne collective permettant aux salariés de participer à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières.


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