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le 23 octobre 2000

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N° 2633

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606),

TOME III


ASSURANCE VIEILLESSE

PAR M. Denis Jacquat,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Sécurité sociale.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; M. André Aschieri, Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Danielle Bousquet, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Guy Hermier, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Yves Nicolin, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Jean-Pierre Pernot, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, Mme Catherine Picard, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Joseph Rossignol, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

LES COMPTES DE LA BRANCHE VIEILLESSE 7

I.- LE TEMPS DES RAPPORTS 9

A. LES ENFANTS TERRIBLES DU RAPPORT CHARPIN 9

B. NOUVELLES PERSPECTIVES SUR LE TEMPS DE LA VIE PROFESSIONNELLE ET LA SORTIE DU TRAVAIL 13

II.- LE TEMPS DES MOTS : LE "PLAN JOSPIN" DU 21 MARS 2000 17

A. ORIENTATIONS ET CONSEIL D'ORIENTATION 17

B. LE FOND DE RÉSERVE DES RETRAITES 18

III.- LE TEMPS DES CHOSES 21

A. LE VEUVAGE 21

B. PERSPECTIVES DU CINQUIÈME RISQUE 27

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION 31

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À LA VIEILLESSE 33

Section 2 - Branche vieillesse 33

Article 19 (article L. 351-11 du code de la sécurité sociale) : Revalorisation des retraites du régime général et des avantages alignés sur l'évolution pévisionnelle des prix 33

Article 20 (article L. 161-17-1 nouveau du code de la sécurité sociale) : Répertoire national des retraites et des pensions 35

Article 21 : Cumul emploi-retraite 37

Article 22 (article L. 135-3 du code de la sécurité sociale) : Prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse des cotisations versées à l'ARRCO/AGIRC au titre des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat 39

Article 23 (article L. 135-2 du code de la sécurité sociale) : Prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse des dispenses d'activité avec suspension du contrat de travail 47

Article 24 (article L. 135-3, L. 241-2 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale) : Affectation du prélèvement de 2 % sur le capital au FSV et au Fonds de réserve des retraites 42

Article 25 (article L. 135-6 du code de la sécurité sociale) : Alimentation du fonds de réserve pour les retraites 44

Article 26 (articles L. 12 et L. 41 du code des pensions de retraite des marins français de commerce, de pêche ou de plaisance) : Régime spécial de sécurité sociale des marins 48

Article 27 (article L. 726-3 du code rural) : Fonds additionnel d'action sociale

ANNEXE 51

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années, le rapporteur dénonce l'immobilisme de Gouvernement dans le domaine des retraites.

1999 fut l'année de l'ouverture formelle du chantier des réformes avec la création du Fonds de réserve pour les retraites (alors doté de 2 milliards de francs). 2000 n'aura pas été plus faste. La création du comité d'orientation pour les retraites, quelle que puisse être son intérêt, ne saurait être qualifiée de mesure effective propre à assurer l'avenir.

Evénement majeur dans le Landerneau de la retraite, le rapport Charpin aura dominé les esprits, puis, comme en contre-écho, vinrent les rapports Taddei et Teulade. Le premier, commandé par le Premier ministre, ouvre de riches perspectives ; le second, émanant du Conseil économique et social et discutable sur certains points, a été dénoncé comme lénifiant et venant tempérer de façon providentielle les rigueurs du rapport Charpin.

Il est prévisible que, des propositions figurant dans ces deux rapports, les orientations suggérées par M. Dominique Taddei dans le domaine du temps de la vie professionnelle et de la sortie du travail sont celles qui feront date.

Il semble donc que le seul geste fait pour les retraites par le Gouvernement en l'an 2000 ait été une conférence de presse tenue par le Premier ministre le 21 mars.

Tissu d'orientations générales et de bonnes intentions, ce discours ne fut que dilatoire et ne n'aura été suivi d'effet que par la mise en place du conseil d'orientation, organe dont l'utilité n'est pas douteuse mais qui ne saurait se substituer à l'exécutif pour prendre les décisions qui lui reviennent.

Les dispositions relatives au Fonds de réserve des retraites annoncées le même jour ne sont qu'imparfaitement appliquées par le présent projet de loi.

En tout état de cause, elles ne comportent aucune novation puisqu'elles se bornent à alimenter de façon ponctuelle un fonds dont les missions ont été précisées par la dernière loi de financement. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'ébaudir devant un Gouvernement qui n'annonce que l'application de son programme et qui, de surcroît, ne l'applique que très partiellement.

Les récentes hésitations au sujet de l'épargne salariale ne font que mettre en lumière les tâtonnements d'un exécutif qui, conscient des inégalités existant dans ce domaine, cherche un produit de substitution à la loi Thomas, rejetée dans les limbes avant même d'avoir reçu le baptême sous l'espèce de la publication des décrets d'application.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 se borne à reconduire le mécanisme de l'indexation des pensions sur les prix dont on sait qu'à terme il aggrave la baisse du taux de remplacement dans le régime général.

En revanche, le texte stabilise l'interdiction du cumul emploi-retraite sans pour autant prendre en considération les nombreuses exceptions qui rendent le dispositif inégalitaire.

Le veuvage est une fois de plus oublié. Pourtant, l'étude de la situation de l'assurance veuvage montre l'utilité des réformes comme la richesse des orientations de travail existant dans le domaine de la réversion et celui de la place des avantages conjugaux et familiaux dans la retraite.

Enfin, l'annonce de la création d'une prestation autonomie venant mettre un terme aux errements de la prestation spécifique dépendance (PSD) ainsi que la refonte, promise pour 2001 cette fois, de la loi de 1975 sur les structures sociales et médico-sociales ne peuvent que satisfaire le rapporteur qui plaidait déjà l'an dernier pour la mise en _uvre de ces réformes qui sont partie d'un même ensemble.

LES COMPTES DE LA BRANCHE VIEILLESSE

L'embellie économique qui succède au retour à la croissance amorcée en 1999 continue de se traduire par un accroissement des recettes de la branche vieillesse du régime général. Le rapport 2000 de la commission de la cours des comptes de la sécurité sociale prévoit un solde positif pour les comptes de la CNAVTS pour 2000 et 2000, les comptes pour 1999 étant consolidés.

Solde de la CNAV en millions de francs

Année

1998

1999

2000

2001

Recettes

385 386

+5,2%

403 528

+4,7%

415 181

+2,9%

430 611

+3,7%

Dépenses

385,610

+3,8%

399 813

+3,7%

414 586

3,7%

427 240

+3,1%

Solde en MF

- 224

3 715

594

3 371

Sources : comptes de la sécurité sociale

Pour l'exercice 1998, le montant des recettes s'est élevé à 385 386 MF (+ 5,2 %) et celui des dépenses à 385 610 MF (+ 3,8 %).

Pour l'exercice 1999, le montant des recettes s'est élevé à 403 528 MF (+ 4,7 %) et celui des dépenses à 399 813 MF (+ 3,7 %).

Pour l'exercice 2000, le montant des recettes s'est élevé à 415 181 MF (+ 2,9 %) et celui des dépenses à 414 586 MF (+ 3,7 %), cependant, après versement au fonds de réserve du montant de 2,9 milliards prévu par la loi de financement pour 2000, cet excédent se trouve ramené à 0,6 milliards1.

Pour l'exercice 2001, ces montants seraient de 430 611 MF de recettes (+ 3,7 %) et de 427 240 MF de dépenses (+ 3,1 %).

La CNAVTS bénéficie donc pour cette année d'un surplus de cotisations. Elle enregistre par ailleurs un versement du FSV inférieur à celui de 1999 (- 5,9 %). Cette baisse est due aux effets de la loi CMU qui supprime les cotisations d'assurance personnelle remboursées par le fonds au service d'allocations spéciales vieillesse. Les dépenses de validation de période de chômage et de service national connaissent une diminution de 10,9 % par rapport à l'année précédente. Cela est du à la réforme du service militaire ainsi qu'à l'évolution du chômage qui diminue de façon mécanique le poids des cotisations prises en charge par le FSV.

La progression des comptes du fonds de réserve pour les retraites (FSV 2ème section), puisque les ressources pour 2000 sont estimées à 21 271 MF et à 31 790 MF pour 2001, les soldes cumulés atteignant pour les mêmes périodes, 23 278 MF et 55 068 MF.

I.- LE TEMPS DES RAPPORTS

A. LES ENFANTS TERRIBLES DU RAPPORT CHARPIN

Chacun se souvient que le rapport dit Charpin fut remis à M. le Premier ministre le 29 mai 1999. Ses deux "enfants" furent, par ordre d'apparition : le rapport présenté au même Premier ministre par le conseil d'analyse économique (CAE) le 20 septembre 1999, intitulé "Retraites choisies et progressives", dit rapport Taddei ; le second, qui n'avait pas, lui, fait l'objet d'une commande gouvernementale, vit le jour le 23 décembre de la même année, on l'appela "L'avenir des systèmes de retraite", sa génitrice était la section des affaires sociales du conseil économique et social, incarnée dans la personne de l'ancien ministre M. René Teulade.

De ces deux documents, il convient de comparer ce qui est comparable. En effet, le rapport du CAE n'avait pas pour mission de refaire une étude globale sur les perspectives des régimes de retraites mais d'étudier "les conditions et les conséquences économiques à court et long terme d'une retraite progressive choisie" (Lettre de mission du Premier ministre). La lettre précise "qu'un passage plus progressif de la période d'activité à la période de retraite peut contribuer à faciliter la transition entre la situation actuelle, où les ressources en main d'_uvre continuent à croître, et celle qui apparaîtra progressivement vers la fin de la prochaine décennie. Il est susceptible, d'autre part, d'atténuer le caractère brutal de la cessation d'activité qui est souvent mal vécu par les intéressés".

Ainsi, ce rapport trouve bien sa place dans la lignée des austères perspectives dégagées par M. Jean-Michel Charpin.

Il fournit au Gouvernement des arguments pour l'esquisse de ce qu'il faut, malgré tout, appeler sa politique en matière de retraite.

Trois idées centrales sous-tendent le document : 

- dans une conception humaniste proscrivant "la retraite guillotine", promouvoir le principe du "temps choisi" individuel ;

- rendre le départ en retraite plus progressif, les individus préférant passer de façon progressive de l'activité à temps plein à la retraite à plein temps ;

- favoriser la poursuite de l'activité aux âges élevés, le taux d'activité au-delà de 50 ans étant exceptionnellement faible en France. En outre, en cohérence avec les évolutions démographiques, il conviendrait de substituer aux formules actuelles de préretraites progressives l'encouragement de la poursuite de l'activité au-delà de l'âge actuel de retraite en dotant les règles de calcul de la retraite de propriétés rendant plus intéressante qu'aujourd'hui le report de l'âge du départ en retraite.

La première idée est donc qu'il faut porter une attention accrue de la part des entreprises à la gestion des "deuxièmes parties de carrière" et que "le Gouvernement gagnerait à annoncer son intention irrévocable de supprimer toutes les aides publiques tendant à la cessation définitive de l'activité".

Pour ce qui concerne l'évolution des barèmes de retraite, le rapport suggère de proposer aux assurés le choix entre plusieurs combinaisons associant "âge de départ en retraite et montant de la pension" restant "actuariellement neutre1" de façon à préserver l'équilibre financier des retraites. Sur ce point, la filiation avec le rapport Charpin est nette, en effet, puisque celui-ci, parmi les marge d'action susceptibles d'assurer l'avenir des retraites, mentionnait en bonne place ces possibilités : "ceci suppose, tout d'abord, une autre politique de gestion des entreprises à l'égard de leurs salariés les plus âgés, par exemple qu'il n'y ait plus d'âge de mise à la retraite d'office dans certaines entreprises (dans le secteur privé mais aussi dans le secteur public). En aucun cas un allongement de la durée d'assurance requise pour avoir le taux plein ne doit se traduire par une baisse contrainte du taux de remplacement. L'objectif n'est pas de programmer la baisse du taux de pension, mais d'inciter au décalage de l'âge de départ à la retraite lorsque le marché du travail sera tendu sous l'effet du changement de régime démographique".

M. Dominique Taddei propose en conclusion un double mécanisme : 

- permettre aux salariés âgés de moins de 60 ans de bénéficier à leur demande d'une "préretraite choisie progressive". Il s'agirait de cumuler le revenu d'une activité à temps partiel avec une aide publique financée par le redéploiement des crédits aujourd'hui affectés aux préretraites définitives tout en continuant à acquérir des droits à la retraite ; 

- pour les salariés de 60 ans et plus, une "retraite choisie progressive". Il s'agirait de cumuler les revenus d'une activité à temps partiel avec ceux tirés de la liquidation d'une fraction de pension. Les améliorations porteraient sur la possibilité de percevoir des indemnités de fin de carrière, et, en application du principe de neutralité actuarielle, sur l'accumulation de droits supplémentaires à la retraite tant que le salarié poursuit son activité professionnelle.

Enfin, dans son commentaire intégré au rapport, M. Jean-Michel Charpin souligne l'intérêt d'une "décentralisation" du choix de l'âge de départ en retraite et approuve l'idée d'une refonte des barèmes de retraite qui les rapprochent de la neutralité actuarielle. S'il souligne, bien sûr, que ces dispositifs ne peuvent que viser à diversifier les modalités de la transition entre activité et retraite sans alourdir les dépenses publiques, il n'en reconnaît pas moins qu'ils peuvent constituer un accompagnement des mesures d'ajustement du système de retraite au contexte démographique changeant, et particulièrement à l'allongement de la durée de cotisation nécessaire à l'obtention d'une retraite complète.

Outre l'intérêt intrinsèque qui le caractérise, le rapport de M. Taddei partage avec d'autres documents comparables une vertu qui marque leur charme aux yeux des gouvernements : celle d'évoquer ou de laisser entrevoir des mesures ou des réformes que ceux-ci préfèrent ne pas évoquer eux-mêmes. Ainsi, une des pistes ouvertes ici est bien celle qui permet de prendre en compte l'allongement de la durée de la vie ainsi que celui de la durée de cotisation, dernière mesure dont il est notoire qu'elle n'emporte pas à ce jour tous les suffrages.

Le deuxième enfant du rapport Charpin fut donc, lui, le fruit d'une saisine spontanée de la section des affaires sociales du Conseil économique et social. C'est dire qu'il n'avait pas fait l'objet d'une commande de la part du Gouvernement, n'en déplaise aux esprits chagrins qui voulurent voir dans ce document "à l'eau de rose", l'antidote à la potion amère de son père, Jean-Michel Charpin. En effet, souvent trop rapidement lu, le rapport dit Teulade semblait opportunément venir contrer le "Charpin" dans ses conclusions les plus alarmantes, ouvrant ainsi, non moins opportunément, une sortie de secours à un Gouvernement en mal de doctrine pour le grand chantier des retraites.

Ce rapport se fondait sur une étude de la section sociale du conseil économique et social intitulée "les perspectives socio-démographiques à l'horizon 2020-2040", présentée par Mme Martine Lebatard. Chose qui n'est pas sans importance puisque, si les conclusions du CES sont en totale convergence avec celle du rapport Charpin dans le diagnostic qu'elles portent sur l'évolution démographique, les méthodes de projection utilisées aboutissent à des résultats divergents obtenus à partir d'hypothèses voisines.

En revanche, sur un certain nombre de points, le rapport Teulade reprend à son compte des propositions figurant dans le rapport Taddei. Pour mémoire, on rappellera les principales propositions du rapport Teulade : 

- permettre à ceux qui le souhaitent de prendre une préretraite et/ou une préretraite progressive et enrayer l'exclusion de plus en plus précoce des salariés du marché du travail ; 

- assurer une meilleure prise en compte des différents "temps de la vie" (périodes de formation, stages), de pénibilité du travail, de l'entrée précoce dans le monde du travail pour le calcul des droits à retraite ; 

- "garantir le juste remplacement du salaire par la retraite" en enrayant la baisse relative, par rapport au dernier salaire, du niveau des pensions dans le secteur privé, et en permettant "une meilleure participation des retraités aux fruits de la croissance", grâce à des coups de pouce concertés ; 

- ne plus pénaliser les salariés qui font le choix d'une retraite anticipée. Pour ce faire il faut aboutir à une neutralité actuarielle, c'est-à-dire diminuer la pension de base des salariés du secteur privé uniquement en proportion des trimestres de cotisation manquants, sans les surpénaliser, comme actuellement en cas de carrière incomplète ; 

- faire financer par la solidarité nationale les avantages non contributifs des régimes de retraite (avantages familiaux...), alimenter le fonds de réserve, notamment par "une partie des recettes fiscales et parafiscales supplémentaires dégagées par la croissance" ; 

- résorber le chômage et favoriser "la poursuite de l'augmentation de la population active occupée" (par le développement inéluctable de l'emploi des femmes notamment) ; 

- accroître la "population active potentielle" par un relèvement "souhaitable et possible du taux de fécondité", un recours accru à l'immigration, voire si nécessaire, à un allongement de la durée d'assurance pour avoir droit à une retraite complète ; 

- créer un centre national de vigilance et de garantie des retraites, chargé d'alerter, le cas échéant, partenaires sociaux et pouvoirs publics sur la nécessité de mettre en _uvre des solutions complémentaires de croissance.

Sans sombrer dans la caricature, il faut relever que certaines orientations du rapport, lorsqu'elle ne relèvent pas de l'incantation, sont difficilement recevables en l'état. Ainsi la croissance ou le relèvement du taux de fécondité ne se décrètent pas ;  au demeurant, le rapport Teulade a notamment pour mérite d'analyser de manière globale la question du financement des retraites. Cette perspective est de nature à mettre un terme à l'hypocrisie qui consiste à faire mine d'ignorer les transferts financiers existant à l'intérieur du système de la sécurité sociale considéré dans son ensemble.

Par ailleurs, le CES est en convergence avec le rapport Charpin sur certains points dont la création d'un organe d'orientation et de pilotage pour les retraites. Cet organe a vu le jour puisque le Conseil d'orientation des retraites à tenu sa première réunion de travail le 5 septembre 2000 avec pour ordre du jour "le bilan critique des travaux sur les régimes de retraite et diagnostic sur la situation des régimes". De fait, le conseil a principalement confronté les rapports Charpin et Teulade en comparant leurs projections de dépenses de retraite et étudié la notion d'équilibre dans un régime par répartition ainsi que la sensibilité des régimes de retraite aux variations des hypothèses démographiques et économiques.

A cette occasion, M. Jean-Michel Charpin a pu rappeler l'attention sur un phénomène évoqué dans son rapport et devant la commission des affaires sociales du Sénat dès le 9 février 2000 qui explique la différence d'estimation des besoins financiers à venir des régimes de retraites, sujet qui, notamment, distingue les deux rapports.

En effet, les travaux du Conseil économique et social minoraient de plusieurs centaines de milliards de francs par an les évaluations du rapport Charpin. Sur ce point, il convient donc d'écouter ce dernier : "Le principal enjeu porte sur l'évolution de la pension moyenne en cas d'indexation sur les prix. Il faut comprendre qu'en raison de l'effet de "noria", c'est-à-dire en l'occurrence de succession des générations, elle est sensiblement plus rapide que l'évolution des prix. Ce résultat est d'ailleurs intuitif : dans tous les régimes où la liquidation s'opère sur la base du ou des derniers salaires, les écarts de pensions entre générations dépendent directement des écarts de salaire, même en cas d'indexation sur les prix".

Il faut rappeler un autre point sur lequel les deux rapports se ressemblent qui est celui de l'accueil qui leur fut réservé. Il est notoire que, si le diagnostic Charpin fut le fait d'une commission de concertation, ses conclusions n'ont pas fait, tant s'en faut, l'unanimité parmi les participants. De même, le "rapport Teulade", lors de son examen par le CES a fait l'objet d'une motion préjudicielle de renvoi pour avis devant la section des finances et à celle des problèmes économiques, généraux et de la conjoncture. Le dépôt d'une telle motion constitue une procédure très rarement mise en _uvre au conseil. La répartition des mécontents, dans un cas comme dans l'autre, recouvrant singulièrement celle de ce qu'il est convenu d'appeler "l'échiquier politique".

Ainsi, la trière du Gouvernement, bousculée de Charybde en Scylla, peinait à trouver sa voie vers les rivages accueillants d'une doctrine sur les retraites susceptible de ménager les aigreurs de celui-ci comme de celui-là.

Le temps de la fin du temps des rapports était-il advenu ?

Non. Un mardi 7 mars 2000, Mme Marisol Touraine, députée de l'Indre et Loire et secrétaire nationale à la solidarité du parti socialiste soumettait au bureau national du même parti un rapport intitulé : "Garantir l'avenir de nos retraites : pour un nouveau contrat social".

Dés le lendemain, jour des cendres, les gazettes distillaient le programme socialiste pour les retraites. Après avoir rappelé son attachement au système par répartition, le bureau national adoptait les positions suivantes : 

- priorité donnée aux politiques publiques de soutien à la croissance et au retour au plein emploi ainsi qu'aux politiques volontaristes de formation et de maintien dans l'emploi des salariés en fin de carrière ; 

- refus de l'allongement de la durée de cotisation des salariés ; 

- développement de la retraite progressive et prise en compte de l'aspiration à plus de souplesse individuelle dans l'organisation du temps sans lesquelles une réforme des retraites serait vide de sens ; 

- réforme de la prise en charge de la dépendance ; 

- alimentation du fonds de réserve à hauteur de "plusieurs centaines de milliards", notamment par une partie des excédents sociaux et fiscaux et par les cessions d'actifs éventuellement réalisés : 

- les efforts à accomplir pour faciliter l'équilibre financier des régimes de retraite devant être partagés par tous, les fonctionnaires ne doivent pas être les seuls mis à contribution ; une négociation doit donc s'ouvrir "sur l'ensemble du temps de travail et les conditions de travail, secteur par secteur".

- création d'un comité national de pilotage des retraites.

Ceci annonçait-il le contenu du programme devant être révélé onze jours plus tard par le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 21 mars 2000 ? 

Cela est une autre histoire et, à ce stade, le rapporteur pour la branche vieillesse souhaite souligner quelques unes des perspectives les plus riches se dégageant de l'ensemble des travaux évoqués.

B. NOUVELLES PERSPECTIVES SUR LE TEMPS DE LA VIE PROFESSIONNELLE ET LA SORTIE DU TRAVAIL

Le rapport Charpin a révélé au grand nombre une réalité connue de longue date par les démographes : les évolutions démographiques attendues modifient la structure de la population active. Il relève donc du truisme que de dire, qu'outre des conséquences importantes sur les retraites, ces modifications ne peuvent qu'influer sur les notions de carrière, de périodes prises en compte pour les durées de cotisation, etc. En d'autres termes, la réflexion sur l'avenir des retraites ne peut plus être menée sans une réflexion parallèle sur ce qui, dans le système contributif, la finance : le travail sur lequel sont assises les cotisations. A cet égard, le rapport de M. Dominique Taddei a tiré les conséquences de cet état de fait, cela quelles que puissent être les appréciations pouvant être portées sur les solutions qu'il avance.

Ainsi, la situation est aujourd'hui la suivante : d'une part un vieillissement de la population, d'autre part un recul de l'âge d'entrée dans le monde du travail. La politique générale de l'entreprise est telle que le taux d'activité des personnes âgées de 55 ans et plus est en France un des plus bas d'Europe. Dans le même temps le nombre des salariés dit "d'âge moyen"- 40 ans environ - croît. Enfin, le "morcellement des carrières" se généralise, caractérisé par des changements d'employeur ou de métier, des périodes de formation rendues nécessaire par l'accélération du développement des technologies, voire des périodes d'inactivité.

La perspective de vivre plus longtemps en bonne santé coexistera, à partir des années 2006, avec l'arrivé sur le marché du travail de classes d'âge jeunes plus creuses. Il est donc temps d'infléchir le mouvement pour l'orienter vers une nouvelle conception de la gestion de la deuxième partie de la carrière. Cette démarche est consubstantielle à la notion d'allongement de la vie professionnelle.

Le but raisonnable à atteindre est de substituer à la notion d'âge de la retraite celle de durée de carrière permettant, le cas échéant, le départ à 40 annuités pour le bénéfice d'une retraite à taux plein. Cette orientation permettrait, par ailleurs, d'apporter une réponse à la situation des salariés entrés très jeunes sur le marché du travail. Il y a donc lieu de promouvoir la retraite choisie et progressive.

"Un allongement de la vie professionnelle peut se faire par les deux bouts" (rapport Taddei p. 50). Le rapport Taddei évoque la nécessité de reconnaître plus tôt un statut de travailleur et de cotisant "à de nombreux jeunes qui passent déjà de manière progressive du premier au deuxième âge de la vie". Dans ce domaine, le rapport Teulade reprend cette idée, et de façon plus explicite, suggère la prise en compte des périodes d'études, de formation et de stages. Il est cependant regrettable qu'il observe un silence discret sur les modes concrets de financement de ces mesures même s'il est déplorable que les périodes d'apprentissage et de stage effectuées par de nombreux jeunes soient aussi mal prises en compte pour la retraite.

Le deuxième axe de l'allongement de la vie professionnelle est celui de la cessation plus tardive d'activité. L'idée développée dans le rapport Taddei s'inscrit "dans la logique d'un droit plus général, offert à tout salarié, de choisir sa durée et ses horaires de travail".

Pour que cela soit possible il faut faire évoluer les mentalités. En effet, dans les perspectives évoquées ici, la notion d'allongement de la vie professionnelle ne doit pas être perçue comme le simple faux nez de l'allongement de la durée de cotisation. En admettant qu'il se trouve un pouvoir politique et des partenaires sociaux pour les mettre en application, ces propositions concerneront des classes d'âge dont les perspectives de vie ne seront plus exactement celles d'aujourd'hui. L'espérance de vie, par exemple, sera plus longue, les mentalités, du côté des assurés, se seront formées au vu de ce contexte. Par ailleurs, la seule réalité intangible sur laquelle il y a lieu de se fonder aujourd'hui est que, avec ou sans évolution des mentalités, les évolutions démographiques annoncées auront lieu. L'effort à fournir de la part des exécutifs qui auront à faire évoluer la mentalité des entreprises sera, quant à lui, considérable. L'Etat, pourrait, comme le suggère M. Taddei, faire preuve de pédagogie à caractère persuasif en développant "un système de bonus malus qui favoriserait les entreprises qui mettent en place des plans de deuxième partie de carrière, au détriment de celle qui négligent les questions d'âge dans la gestion des ressources humaines, dans la gestion des emplois et dans les plans de formation continue".

Cette dernière question pose immédiatement celle des politiques publiques devant être adoptées pour la mise en _uvre de la mesure. Tout en indiquant que l'application doit être faite avec souplesse, le rapport du CAE martèle : "l'abrogation de tous les dispositifs de financement des cessations définitives anticipées est une condition incontournable de tout développement des retraites choisies et progressives". Ce transfert financier, comme un basculement d'un régime à un autre, ne pourra qu'être progressif tant il est vrai qu'il est vain de vouloir inciter aujourd'hui plus de salariés à choisir une retraite progressive. Les procédures d'aide à la cessation d'activité définitive étant plus avantageuses, dans le secteur privé comme dans le public, elles "cannibalisent" tout autre dispositif.

Une autre question fait débat, celle d'une meilleure prise en compte de la fatigue ou de l'usure provoquée par le travail. Le droit à une retraite anticipée pour métier pénible doit faire l'objet d'une réflexion approfondie.

Aujourd'hui, divers dispositifs existent qu'il est possible de répartir en trois groupes, le régime général, la fonction publique et les régimes spéciaux.

La règle applicable dans le régime général est, qu'en raison d'une situation particulière, une pension de retraite à taux plein peut être accordée sans que le salarié remplisse la condition de durée d'assurance nécessaire.

Dans la fonction publique, l'entrée en jouissance de la pension ne peut se faire qu'à partir de l'âge de 60 ans et 15 ans de services civils et militaires, si l'intéressé relève de la catégorie A (sédentaire), ou à 55 ans s'il appartient à la catégorie B (actif). Cette condition d'âge n'est pas exigée pour le fonctionnaire reconnu invalide, la mère de trois enfants totalisant 15 ans de services effectifs, l'agent féminin en possession d'un droit à pension après 15 ans de services effectifs et atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer sa fonction ou dont le conjoint est dans la même situation.

Dans les régimes spéciaux, certaines catégories de salariés bénéficient des avantages acquis liés à leur situation statutaire. Il s'agit principalement des salariés de la SNCF, d'EDF-GDF et de la RATP.

Cette notion de pénibilité du travail constitue toujours un sujet sensible sur lequel les débats sereins sont rares. Il y aurait pourtant lieu de travailler à une définition de l'ensemble de ces métiers. Ainsi, aujourd'hui, l'émergence massive des maladies musculo-squelettiques liées à l'activité professionnelle doit appeler l'attention du Gouvernement sur certaines conditions de travail.

Enfin, les pouvoirs publics devraient amener certaines entreprises à cesser progressivement d'employer la préretraite pour compenser des conditions de travail excessivement pénibles et trop souvent pathogènes.

II.- LE TEMPS DES MOTS : LE "PLAN JOSPIN" DU 21 MARS 2000

A. ORIENTATIONS ET CONSEIL D'ORIENTATION

Le 21 mars 2001, le Premier ministre a prononcé, depuis l'Hôtel de Matignon, une déclaration sur l'avenir des retraites.

Après avoir indiqué qu'il avait fait sienne la partie diagnostic du rapport Charpin, le Premier ministre a rappelé son attachement à la retraite par répartition et fustigé, à travers le principe de l'épargne individuelle, les fonds de pension. Cette fustigation fut l'occasion d'annoncer discrètement, comme symétrique à la quasi défunte "loi Thomas", une loi sur l'épargne salariale. Ce texte a pour objectif de promouvoir "la mise en place d'instruments d'épargne à long terme, collectifs et négociés" ne devant être développée qu'en complément d'un système de répartition durablement consolidé, les retraites des Français étant garanties.

A la suite, sont énoncés cinq principes réputés fondateurs de la démarche du Gouvernement :

- la concertation dans l'élaboration et la progressivité dans la mise en _uvre des mesures ;

- le respect de la diversité et de l'identité des régimes ;

- la recherche d'une plus grande équité et d'une solidarité plus forte entre les régimes ;

- l'introduction de plus de souplesse pour mieux respecter les choix des individus ;

- l'anticipation des évolutions démographiques afin d'équilibrer les charges entre générations.

La tentation serait grande de se prêter au "jeu du décryptage" de ces formules et de reconnaître dans les deux premières l'excessive discrétion d'un gouvernement qui souhaite être impliqué le moins possible dans les choix -pourtant indispensables- imposés aux régimes ; dans la troisième, l'inévitable solution aux questions posées par les régimes spéciaux, particulièrement la fonction publique ; la retraite choisie et progressive dans la quatrième et le fonds de réserve ainsi que le "comité de pilotage", déjà suggéré par M. Charpin, dans la cinquième.

De ces principes, le Premier ministre dégage trois orientations "proposées pour consolider les régimes par répartition" : 

- dégager, par la discussion, des solutions adaptées à chaque régime ;

- renforcer le fonds de réserve pour les retraites ;

- instaurer un conseil d'orientation des retraites pour permettre une concertation permanente.

Si le rôle du fonds de réserve et du conseil d'orientation recueillent l'approbation du rapporteur, l'absence de mesures concrètes relatives aux régimes de retraite n'en laisse pas moins la fâcheuse impression que le Gouvernement, faute d'assumer son rôle, abandonne la réforme des retraites aux partenaires sociaux, à la démographie et à une hypothétique croissance continuée. En effet, l'incantation ne suffit pas, le Gouvernement doit déterminer les axes de réformes, cela particulièrement parce que, dans le contexte actuel, bien peu centrales syndicales le feraient à sa place. Le Gouvernement ne peut demander aux syndicats d'être les porteurs des "mauvaises nouvelles".

Ainsi, plusieurs des centrales entendues par le rapporteur sont parfaitement conscientes de la nécessité et de l'urgence des réformes mais ne sont pas en position de les imposer à leurs adhérents. L'attente est donc que le Gouvernement soumette aux partenaires une réforme d'ensemble, un axe à partir duquel le travail d'explication pourra se faire au sein des organisations. Cette exigence n'est pas satisfaite par les propos du Premier ministre.

La création d'une structure de "pilotage" dans le domaine des retraites a été recommandée par tous les rapports. Un décret du 10 mai 2000 a porté création du Conseil d'orientation des retraites dont les missions sont : 

- décrire la situation financière actuelle et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ;

- apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

- veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes et le respect de l'équité, tant entre les retraités qu'entre les différentes générations.

Le décret indique qu'en outre, le conseil peut formuler toutes recommandations ou propositions de réforme qui lui paraissent de nature à répondre aux objectifs précédemment définis.

Le conseil est composé de seize représentants des assurés sociaux et des employeurs, trois députés et trois sénateurs, quatre représentants de l'Etat, le président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), le vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées, quatre personnes choisies en raison de leur compétence et de leur expérience.

Il a été officiellement installé par le Premier ministre le 29 mai 2000. Si le rapporteur ne peut que se réjouir de la création du comité, dont les premières séances de travail ont déjà démontré l'utilité, il rappelle que cet organisme représentatif ne saura être le paravent des exécutifs et que la création d'un comité ne dispense pas le Gouvernement d'avoir une politique.

B. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES

La troisième orientation annoncée par le Premier ministre est "le renforcement du fonds de réserve". Cette formulation peut interroger puisque ce fonds, formellement créé en 1999, s'est vu alimenté, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 de divers versements supplémentaires à hauteur de 21 milliards. Le décret du 22 octobre 1999 a, par ailleurs, précisé l'organisation financière et comptable du fonds. Il a notamment prévu que le fonds de réserve fait l'objet d'une gestion budgétaire et comptable distincte des autres opérations du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Il est en outre indispensable de mettre un terme à toute incertitude relative à l'indépendance du fonds, les esprits ayant gardé en mémoire le destin de la "cagnotte" de la CNRACL. A cet égard tous les partenaires sociaux concernés ont exprimé leur souhait de voir le fonds de réserve doté d'une "personnalité juridique" : l'attentisme du gouvernement est, là encore difficilement compréhensible.

Cependant, des interrogations capitales demeurent. Le Conseil d'orientation des retraites c'est réuni le 27 septembre dernier et a étudié la situation du fonds de réserve. Le Gouvernement n'envisage pas aujourd'hui d'utilisation des fonds avant l'année 2020 alors que le rapport Charpin montrait une dégradation de l'équilibre démographique dès 2005. Ce report est dû, assure le Gouvernement, aux récents progrès de la croissance et les déficits devront, d'ici là, être financés autrement ; le rapporteur estime que ce flou n'est guère convaincant. Par ailleurs, le comité a rappelé que, même doté de 100 milliards de francs en 2020 - ce qui implique de trouver 30 milliards supplémentaires - le fonds ne suffira pas à résoudre tous les problèmes entre 2020 et 2040. Ceci illustre, si besoin était, le caractère indispensable et urgent d'un réforme globale des retraites qui, contrairement à ce que déclarait le Premier ministre le 29 mai 2000, n'est pas une simple "vue de l'esprit". Cela est d'autant plus vrai que l'effet des mesures prises dans ce domaine n'est jamais immédiat.

Il est encore nécessaire de réfléchir rapidement aux placements dont les fonds feront l'objet dans un triple souci de sécurité, de rendement et de contribution au développement durable (fonds éthiques). La question de l'élargissement du fonds a aussi été examinée par le conseil d'orientation. En effet, le fonds a été dévolu au départ au lissage des cotisations de retraite du régime général.

Dans son discours, le Premier ministre a indiqué que le fonds de réserve bénéficierait "aux régimes qui auront pris et tenu à temps des engagements clairs et crédibles de réforme". Cette formulation est exemplaire du manque de clarté dont fait preuve le Gouvernement : faut-il comprendre que les régimes non concernés par la réforme de 1993 doivent se réformer d'eux-mêmes ? Le Gouvernement leur donnera-t-il des directives ?  Ici encore le discours demeure incertain.

L'élargissement de l'utilisation des réserves du fonds à d'autres régimes impliquerait de façon préalable la clarification des dispositifs de transfert de compensation entre les régimes et, partant, la vérification de l'équité des efforts contributifs de chacun. Le rapporteur ne doute pas de l'enthousiasme du Gouvernement devant cette nouvelle tâche qui doit être l'occasion d'une saine clarification de situations devenues excessivement complexes au cours de l'histoire. C'est donc avec sérénité qu'il attend un signe de l'exécutif.

Enfin, le conseil, ainsi que la plupart des délégations membres du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) - qui a donné un avis défavorable sur le projet de loi - ont manifesté leur inquiétude devant l'insuffisance des garanties apportées par la législation actuelle sur les moyens de l'alimentation financière du fonds. Le dispositif a ainsi été qualifié de conditionnel par le conseil. Le versement des excédents des régimes sociaux (régime général, FSV et contribution de solidarité des sociétés - CSSS -) est conditionné par diverses opérations de transfert ou de compensation dont le périmètre peut être remis en cause d'une année sur l'autre. Ceci est si vrai que les comptes de fonds montrent le versement "CSSS" n'a été effectué qu'une fois, le versement "FSV", jamais. Par ailleurs, la proportion de ces excédents affectée au fonds de réserve est déterminée chaque année par un décret. Les recettes exceptionnelles du fonds sont, elles, aléatoires (contribution de la Caisse des dépôts et consignation, part sociales des caisses d'épargne). De fait la seule ressource stable du fonds est constituée par le prélèvement social de 2 % sur le capital (5 % annoncé pour 2001).

L'an dernier, le rapporteur avait stigmatisé les insuffisances de l'épargne salariale. L'absence de généralisation des dispositifs aboutit en effet à une inégalité manifeste puisque tous les salariés ne peuvent pas en bénéficier. A cet égard, une certaine hypocrisie intellectuelle règne puisque, si les fonds de pensions sont voués aux gémonies, notamment par le Gouvernement, des produits d'épargne proposés par les organismes de droit privé tiennent d'ores et déjà ce rôle. Le texte actuellement en discussion sur une épargne salariale "de gauche" semble vouloir, lui aussi, éluder la question pour des raisons d'ordre doctrinaire. Ainsi, la sortie en rente des plans d'épargne salariale se voit bannie alors que chacun sait que le capital versé peut tout à fait être transformé en rente. Les salariés qui feront ce choix ne feront que perdre l'argent que leur coûtera la gestion de leur capital par les organismes de gestion auxquels ils s'adresseront. Il semble que ce soit là le prix à payer pour ne pas appeler les choses par leur nom.

A ce jour, l'inégalité demeure à au moins deux titres : 

- par l'existence des produits d'assurances pouvant être souscrits librement et qui ne sont qu'inégalement accessibles en raison de leur coût ;

- par la possibilité, pour les agents de la fonction publique et assimilés, de souscrire au régime Préfon, précisément géré par capitalisation.

Le document produit chaque année par la fédération française des assurances (FFSA) est, dans son bilan pour l'année 1999, assez éloquent : "Les cotisations d'assurance en cas de vie s'élèvent à 439 milliards en 1999, soit une hausse de 17 % par rapport à l'exercice précédent. Cette progression résulte non seulement d'une forte demande individuelle des assurés, en particulier pour les supports en unités de compte, mais également de la poursuite des contrats de retraite entreprise, en progression de plus de 30 % en 1999. Les contrats à souscription individuelle (406 milliards de francs) progressent de 15 %". Le même document souligne en outre la forte progression des produits de retraite complémentaire souscrits dans un cadre professionnel (33 milliards de francs en 1999).

Une autre question se voit posée à laquelle le Gouvernement doit répondre est celle des parts respectives devant être tenues à l'avenir, dans l'assurance du "risque" vieillesse, par la partie obligatoire et la partie complémentaire (ou personnelle).

La situation est aujourd'hui mal connue car les possibilités offertes de constituer au sein d'un ménage une "assurance" personnelle complémentaire, de l'assurance obligatoire sont variables en fonction des choix des individus, de leurs capacités financières et des politiques des entreprises employeurs.

Cependant, une évolution se dessine qui place ce choix à un point crucial, les chiffres relatifs à l'assurance-vie cités plus haut le prouvent. Il est donc indispensable, afin que chacun puisse se déterminer en toute connaissance de cause, que l'exécutif définisse de façon explicite sa politique dans ce domaine : dans quelle mesure compte-t-il faire évoluer l'équilibre de l'obligatoire et du complémentaire ; quels instruments compte-t-il utiliser pour encourager ce mouvement ? 

III.- LE TEMPS DES CHOSES

A. LE VEUVAGE

Le précédent rapport déplorait l'absence de mesures nouvelles pour les veuves civiles. Il est navrant de constater que, non seulement aucune mesure n'aura été adoptée en faveur des veuves civiles au cours de l'année 2000, mais que leur situation semble n'être jamais évoquée. Ainsi, dans sa conférence de presse du 21 mars 2000, le Premier ministre n'a pas même prononcé le mot "veuve" ou le mot « veuf ».

En 1993, la France comptait 3 258 256 veuves, 633 055 veufs et plus de 400 000 orphelins. Chaque année 175 000 femmes deviennent veuves et 60 000 hommes deviennent veufs.

Le rapporteur veut étudier ici la situation de l'assurance veuvage, cela à partir d'une étude menée à sa demande par la Cour des comptes avant de s'interroger sur l'articulation de cette prestation avec les autres minima sociaux et la pension de réversion.

Créée en 1980, l'assurance veuvage a pour objet, au moyen d'un apport temporaire de ressources, de favoriser la réinsertion professionnelle de la veuve ou du veuf âgé de moins de 55 ans et ayant ou ayant eu des enfants à charge.

Les règles de l'assurance veuvage prévoient différentes conditions pour bénéficier de l'allocation, en particulier des conditions de ressources. La loi du 29 juillet 1998, d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, a introduit un mécanisme d'intéressement qui permet de cumuler temporairement l'allocation avec des revenus du travail en cas de reprise d'activité. La même loi a modifié les conditions de versement de l'allocation. Pour une période transitoire, les anciennes et les nouvelles règles coexistent.

Pour qu'un conjoint survivant puisse bénéficier de l'assurance veuvage, il faut que le conjoint décédé ait été affilié, à titre obligatoire ou volontaire, à l'assurance vieillesse du régime général, pendant au moins trois mois au cours des douze mois précédant le mois du décès. Cette règle a été annulée en 1996 par le Conseil d'Etat pour défaut de base légale. Elle a depuis été rétablie par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. La non-application de la condition d'affiliation en 1997 et 1998 a entraîné une légère augmentation des attributions, du fait de la disparition des rejets liés à cette condition (11,6 % des rejets de demandes en 1999 sont le fait de cette condition).

Le conjoint survivant doit résider en France, sous la réserve de quelques dérogations. Il doit avoir un enfant à charge ou avoir élevé un enfant pendant au moins neuf ans avant son seizième anniversaire. S'il y a eu divorce, le conjoint ne doit pas être remarié, vivre maritalement ou avoir conclu un PACS.

Avant la réforme de 1999, l'allocation veuvage était versée pendant trois ans avec un montant dégressif aux personnes de moins de cinquante ans. Depuis le premier mars 1999, la durée de son versement a été ramenée à deux ans, le montant ne diminuant pas la deuxième année.

La nouvelle règle, qui prévoit un montant unique pendant deux ans, évite les situations de cumul de l'assurance veuvage et du RMI. Avec les anciennes règles, pour les veufs avec moins de trois enfants, l'allocation de veuvage (même complétée par les allocations familiales, l'allocation de soutien familial et le complément familial) était, dès la deuxième année, inférieure au RMI. Afin d'empêcher cette situation, il a été décidé de supprimer la dégressivité de l'allocation mais de limiter la durée du versement à deux années.

Lorsque le conjoint survivant est âgé de plus de cinquante ans au moment du décès de l'assuré, il bénéficie de l'allocation jusqu'à 55 ans. L'allocation peut donc être perçue pendant cinq ans. Dans l'ancien système; le montant de l'allocation n'était plus dégressif au-delà de la troisième année. Dans le nouveau système, le montant de l'allocation est le même pour toutes les années de versement.

Le versement de l'allocation est soumis à condition de ressources. Le demandeur ne doit pas avoir disposé, au cours des trois mois précédant sa demande, de ressources supérieures à un plafond fixé à 3,7 fois le montant mensuel maximal de l'allocation, soit 11 850 F bruts au premier janvier 2000. Avec cette règle, l'allocation maximale (3 160 F) peut être perçue intégralement si les autres ressources sont inférieures à 790 F par mois. Les ressources ne tiennent pas compte des prestations familiales, des capitaux décès des régimes de base, ni de l'allocation compensatrice de la loi de 1975.

Au départ, la perception de l'allocation était incompatible avec la reprise d'une activité. Cette règle a été assouplie, par la loi d'orientation de lutte contre les exclusions qui a institué un mécanisme d'intéressement. Lorsque la reprise d'activité a lieu en cours de période de perception de l'allocation veuvage, les revenus tirés de l'activité professionnelle ou d'une formation peuvent, sous certaines conditions, être cumulés avec l'allocation. Pendant les trois premiers mois, le cumul intégral est possible. Puis, pendant neuf mois, seuls les 50 % des revenus sont intégrés dans les ressources. Les douze mois pendant lesquels le cumul est possible peuvent être discontinus. Des conditions particulières d'application de ce dispositif sont faites en cas de création ou de reprise d'une entreprise.

A la sortie du dispositif de l'assurance veuvage, les veufs les plus démunis peuvent bénéficier du RMI.

Le nombre des allocataires doit s'apprécier avant et après la réforme de 1999.

Le nombre total d'allocataire au 31 décembre 1998 était de 18 570 en métropole, parmi lesquels, 18 045 femmes (97 %) et 525 hommes (2,8 %). Le montant mensuel moyen en 1998 était de 1825,47 F en métropole.

Le nombre d'allocataires au 31 décembre 1999 est de 17 791 en métropole, dont 17 329 femmes (97, 4 %) et 462 hommes (2,6 %).

Si la CNAVTS ne sait pas quels allocataires retrouvent une activité pendant la période de perception de l'allocation, elle fournit des indications sur les motifs des suspensions ou des suppressions de celle-ci. Ainsi, près de 20 % des allocataires perdent le bénéfice de l'allocation parce que leurs ressources deviennent supérieures au plafond. Les sorties pour "fin de droits" ou "55ème anniversaire" ne représentent que 10 % des cas. Plus de la moitié des cas sont regroupés dans la catégorie "autre motif".

Comptes de l'assurance veuvage

 

1996

1997

1998

1999

Ressources

2 298 787

2 124 775

2 514 092

2 382 180

Charges

484 337

520 939

686 786

1 714 352

Solde créditeur

1 814 450

1 603 386

1 827 306

1 714 352

Report à nouveau (après affectation du résultat de l'exercice)

4 899 128

60 502 963

8 330 269

10 044 622

Sources : Cour des comptes (en milliers de francs)

Au-delà des variations annuelles, l'examen des ressources et des charges fait apparaître très nettement l'excédent des ressources sur les charges. On ne voit pas très bien ce qui justifie ce déséquilibre qui aboutit à un report à nouveau supérieur à 10 MdF après l'exercice 1999. Si un équilibre entre recettes et dépenses était recherché, il pourrait être obtenu soit par une baisse de la cotisation, soit par une revalorisation des prestations. Les cotisations étant actuellement calculées au taux de 0,1 %, il peut sembler difficile de prélever une cotisation isolée à un taux inférieur. Une augmentation des prestations devrait être précédée d'une réflexion sur la place de l'assurance veuvage parmi les minima sociaux et sur son rôle dans la prise en charge du veuvage.

Ainsi, le rapporteur estime que le statut de minimum social qui demeure celui de l'assurance veuvage est, là encore, inadapté. En effet, la situation n'est plus, aujourd'hui, celle qui prévalait en 1980 (cf. les observations faites dans le B de la première partie du présent rapport). Un geste pourrait être fait en faveur des allocataires de l'assurance veuvage en attendant, une fois de plus, que l'exécutif daigne s'atteler à la mise en _uvre des mesures propres à accompagner les évolutions du monde contemporain.

Pour ce qui concerne les conditions d'attribution de l'allocation : 

- l'obligation d'avoir eu au moins un enfant ne semble pas justifiée, il semble en effet difficilement concevable que la perspective de bénéficier un jour de l'assurance veuvage puisse consister une motivation sérieuse pour avoir des enfants ; 

- les conditions de ressources, caractéristiques des minima sociaux, sont draconiennes, 11 850 F bruts par trimestre, allocations comprises, soit un revenu ne devant pas dépasser 790 F brut mensuels (2 552 F/mois pour le RMI). On rappelle que les conditions pour la réversion sont de 21 850 F/mois.

Par ailleurs, quelque chose doit être fait pour les veufs de moins de 55 ans. De fait, la réforme de 1999 les pénalise : selon la formule antérieure, le volume global de l'allocation s'élevait à 81 384 F (12 mois à 3 144 F, 12 mois à 2 065 F, 12 mois à 1 573 F), après réforme à 75 456 F (24 mois à 2 065 F), soit une perte globale de 5 928 F.

Mais encore, la situation des veufs jeunes ou les situations de veuvage précoce, pouvant exclure du régime, doivent être améliorées. En effet, le régime général n'attribue pas de pension d'orphelin et le niveau de l'allocation de soutien familial a baissé du fait de l'indexation de sa base mensuelle sur les prix. Ainsi, un tiers seulement des veufs de moins de cinquante-cinq ans d'une année arrive au régime de l'assurance veuvage.

En étant réservée aux veufs ayant ou ayant eu des enfants, l'assurance veuvage s'inscrit dans l'ensemble des minima sociaux. Les veufs avec enfants peuvent également sous certaines conditions percevoir l'allocation de parent isolé. En revanche, les veufs sans enfant sont exclus de l'assurance veuvage ou de l'allocation de parent isolé et renvoyés vers le RMI.

Lorsqu'un conjoint survivant peut prétendre à l'allocation de parent isolé ou à l'allocation aux adultes handicapés et à l'assurance veuvage, ses droits au regard de l'assurance veuvage sont examinés en premier. S'il y a lieu, un différentiel d'allocation de parent isolé peut être versée. Il en est de même pour le RMI. Comme l'assurance veuvage est imposable, elle est intégrée dans la base des ressources des aides au logement, à la différence de l'allocation de parent isolé et du RMI. De ce fait, l'allocation de logement ou l'aide personnalisée au logement sont moins élevées pour les titulaires de l'assurance veuvage que pour les allocataires de l'allocation de parent isolé ou du RMI, et le revenu total des titulaires d'assurance veuvage peut être inférieur à ce qu'il aurait été en cas de perception de l'allocation de parent isolé ou du RMI. L'examen des droits à l'assurance veuvage prioritairement aux droits à l'allocation de parent isolé peut donc se révéler défavorable aux bénéficiaires de l'assurance veuvage.

L'assurance veuvage, qui demeure un minimum social, est liée à la condition d'âge minimum de cinquante-cinq ans pour la perception de la pension de réversion versée par le régime général. L'aide apportée est cependant temporaire. Si le conjoint survivant n'a pas retrouvé une activité professionnelle au terme du versement de l'allocation, il ne peut prétendre qu'au RMI. Dans les régimes spéciaux, la condition d'âge n'existe pas pour l'attribution de la réversion. Malgré l'absence d'études menées sur ce thème, on peut penser que le coût de la suppression de la condition d'âge pour la réversion avant 55 ans dans le régime général serait assez limité : 

- le nombre de veufs de moins de cinquante-cinq ans est faible ; 

- les montants des pensions de réversion servies ne seraient pas élevés, les carrières des conjoints décédés étant courtes, le montant minimum de la réversion est à peine supérieur à l'AVTS ; 

- les conditions de ressources sont strictes et écarteraient nombre de veufs actifs de la perception d'une réversion.

En outre, le versement des pensions de réversion avant cinquante-cinq ans diminuerait les dépenses de RMI et d'allocation de parent isolé pour les jeunes veufs. Les dépenses d'assurance veuvage seraient singulièrement réduites, sans disparaître totalement. L'allocation pourrait être maintenue pour les veufs dont les pensions de réversion seraient très faibles. Elles constitueraient alors un complément de revenu spécifique aux veufs, dans le but d'aider à leur réinsertion professionnelle.

En tout état de cause, la situation structurellement excédentaire du fonds d'assurance veuvage incite à réfléchir sur l'avenir de cette prestation. La recherche d'un équilibre des comptes semble préférable à une seule augmentation du montant de la pension. Dans ces conditions, la place de l'assurance veuvage parmi les prestations sociales devrait être examinée.

Deux orientations doivent donc être mises à l'étude qui concernent la réversion :

- la possibilité de supprimer la condition d'âge minimum qui ne devrait pas entraîner de dépenses trop élevées. Au demeurant, il conviendrait de prendre en considération les caractéristiques de la population concernée, les répercussions sur les autres minima sociaux ; 

- la réponse à la question du montant de la pension de réversion n'est plus tant celle de son taux (même si un taux élevé à 60 % serait le bienvenu) que celle du plafond de cumul de la réversion avec une retraite personnelle. Le relèvement de ce plafond, et le rapporteur souhaite insister particulièrement sur ce point, ne saurait attendre plus longtemps ; sa suppression définitive doit, elle aussi, faire l'objet d'une étude. Enfin, il y a lieu de rappeler que ces deux prestations sont contributives et que les personnes concernées comprennent mal ce qu'elles vivent souvent comme une spoliation.

En conclusion, le bilan de l'action du Gouvernement en faveur des personnes en situation de veuvage pour l'année 2000 n'est pas bon.

Enfin, et puisqu'il semble à court d'idées, le Gouvernement pourrait utilement s'inspirer de quelques thèmes de réflexion supplémentaires.

Dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, la Cour des comptes consacre un chapitre aux avantages familiaux et conjugaux dans les systèmes de retraite. Elle y étudie : 

- La prise en compte du fait familial par les systèmes de retraite ; 

- L'âge de départ en retraite ; 

- L'augmentation des durées d'assurance ; 

- Les bonifications de pension ; 

- Les pensions de réversion (preuve, si besoin était, de la connexité de la question des retraites et de celle du veuvage).

Après avoir constaté les disparités, génératrices d'inégalités, qui caractérisent les dispositifs conjugaux et familiaux dans les systèmes de retraite, la Cour estime que les changements devant être apportés "pourraient constituer une des dimensions des réformes à venir des systèmes de retraite".

A ces pistes, le rapporteur souhaite ajouter celle de la nécessaire investigation du régime invalidité trop mal connu et, encore, celui de la retraite dans la fonction publique dont il considère que la réforme n'a pas été annoncée par le Premier ministre le 20 mars dernier.

L'ensemble de ces questions ne manquera pas de motiver l'exécutif et c'est sereinement que le rapporteur attend les signes de l'action ou, à défaut, les prochains rapports.

B. PERSPECTIVES DU CINQUIÈME RISQUE

De façon très synthétique, il est possible de dire que la prise en charge de la dépendance relève principalement en France de deux textes : la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ; la loi n°97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote d'une loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.

Ces deux lois ont notamment pour particularité d'entretenir des relations suffisamment étroites pour devoir être refondues dans le même mouvement. La PSD sert, de fait, à financer un certain nombre d'actions relevant de la loi de 1975, et certains modes d'accueil sont déterminés par le degré de dépendance pris en charge par la PSD.

N'eut été le sérieux du sujet, l'histoire des velléités de réforme de la loi du 30 juin 1975 pourrait prêter à sourire. Envisagée depuis 1993, la refonte d'un texte qui a fait l'objet de plus de vingt modifications législatives ne laisse pas de se faire attendre. De nombreux avant-projets ont fait l'objet de concertations très complètes entre les acteurs concernés qui sont nombreux à agir dans ce secteur. Bien que la loi soit de structure, c'est-à-dire ne comporte pas de dispositions d'ordre financier, il semble bien que, fâché de ne pas avoir été invité à la table du banquet, le ministère chargé des finances ait constitué un élément de blocage dans le processus.

Il faut néanmoins concéder au Gouvernement le dépôt, sur le bureau de l'Assemblée nationale, d'un projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, le 26 juillet 2000. C'est donc avec impatience qu'est attendue l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, la réforme de la PSD a aussi fait l'objet de plusieurs annonces tant de la part des ministres concernés que du Premier ministre lui-même. En effet, dans sa déclaration du 20 mars 2000, celui-ci a pris divers engagements en annonçant "une vaste réforme des modalités de prise en charge de la dépendance des personnes âgées". Il a annoncé : l'ouverture à l'ensemble des personnes âgées dépendante d'un droit objectif à une prestation dont le niveau sera fonction des revenus et du degré de dépendance de la personne.

C'est au mois de mai dernier que M. Jean-Pierre Sueur à remis à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité le rapport L'aide personnalisée à l'autonomie : Un nouveau droit fondé sur le principe d'égalité.

D'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 123 000 personnes bénéficiaient de la PSD en France au 31 mars 2000 alors qu'on estime le nombre des personnes âgées dépendantes vivant à domicile à 900 000.

La PSD est financée par les départements. Versée sous conditions de ressources, elle est attribuée après évaluation de l'état de dépendance de la personne et de ses conditions de vie. Cette évaluation amène la personne à être classée dans un des six groupes d'une grille dont la graduation va de la plus importante à la moindre "dépendance"(GIR 1 à GIR 6). Seuls les trois premiers groupes ouvrent au bénéfice de la PSD, ceci est un des éléments moteurs des insuffisances de cette prestation.

PSD et aide ménagère versées aux personnes âgées dépendantes

 

Nombre de bénéficiaires

Montant moyen

PSD

120 000

3 300 F/ mois

     

Aide ménagère

640 000

570 F/ mois

Sources : services du Premier ministre

Les défauts du système actuel sont connus : 

- Le nombre des bénéficiaires est trop faible, la PSD n'est pas accessible aux personnes âgées moyennement dépendantes qui ont pourtant de réels besoins. En outre, les conditions de ressources sont trop restrictives.

- Les prestations sont inéquitables, la gestion de la PSD par les départements fait l'objet de grandes différences, si bien que la prise en charge de la dépendance est inégale en raison de la situation géographique des personnes. De fait, certains départements ont décidé de prendre largement en compte le coût de l'aide, alors que d'autres n'y participent que faiblement. De même, la prise en charge de l'aide ménagère est variable, voire inexistante en fonction des régimes considérés.

Dans son rapport, M. Sueur propose la création d'un "plan d'aide" subventionné par l'allocation personnalisée à l'autonomie, s'adressant aux 900 000 personnes âgées dépendantes vivant à domicile dénombrées en France.

Cette allocation concernerait les personnes relevant des quatre premiers degrés de classification de la dépendance, les personnes relevant du quatrième groupe étant jusque là exclues. Les personnes relevant des groupes 5 et 6 continueraient de bénéficier de l'aide facultative des caisses.

Contrairement à la PSD qui n'autorise que l'utilisation d'un dixième de la prestation à des aides autres que de personnel, la nouvelle allocation pourrait être utilisée, pour la moitié de son montant, à des dépenses diverses.

Un montant unique d'allocation serait versé sur tout le territoire. Alors que la PSD est en moyenne de 3 300 F/mois à domicile, le montant de la nouvelle aide varierait en fonction un barème national établi en fonction du niveau de dépendance (de 7 000 F/mois en GIR 1, à 3 000 F/mois en GIR 3). Il s'agirait d'un "droit de tirage" que la personne utiliserait à sa guise, moyennant le paiement d'un ticket modérateur.

Le ticket modérateur représenterait la part laissée à la charge de l'allocataire en fonction du niveau de ses ressources, toute personne devant acquitter un pourcentage, aussi modeste dut-il être. Ainsi, la condition d'accès à l'allocation serait le degré de dépendance et non plus le niveau de revenus.

Les départements resteraient opérateurs pour les GIR 1 à 3, les personnes classées en GIR 4 relèveraient des caisses de retraite qui préserveraient ainsi leur autonomie de gestion.

Enfin, "dès lors que l'appréciation des ressources, au regard du barème de participation des intéressés, intégrera une évaluation du patrimoine" M. Sueur suggère la suppression de tout recours sur succession". A cet égard, il faut rappeler que la ministre de l'emploi et de la solidarité a plaidé pour une augmentation du seuil de récupération sur succession.

Les perspectives ouvertes par le rapport présentent l'avantage de proposer un dispositif cohérent. Les solutions proposées dans le domaine des conditions d'attribution de la prestation comme dans celui de la création d'une prestation de niveau égal garanti sur l'ensemble du territoire ne peuvent qu'emporter l'assentiment du rapporteur.

Il n'est plus qu'à espérer que le Gouvernement, qui a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi sur la prestation autonomie, tiendra tous ses engagements tant les personnes concernées ont trop attendu.

A cet égard, le rapporteur rappelle sont attachement à la création d'un cinquième risque. En effet, la mise en _uvre de la PSD a montré les limites de l'exercice consistant à faire gérer par les départements ce type de prestation. La solution proposée par M. Sueur est certes cohérente mais demeure trop complexe. La gestion de la prestation autonomie par la sécurité sociale constitue pour les bénéficiaires la garantie d'une prestation égale, calculée en fonction des besoins réels, cela sur l'ensemble du territoire.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION

La commission a examiné le rapport de M. Denis Jacquat pour la vieillesse au cours de sa séance du 18 octobre 2000.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-Luc Préel a fait part de ses préoccupations sur :

- l'avenir des régimes face au choc démographique prévu ;

- l'harmonisation des différents régimes ;

- la nécessaire création d'une caisse de retraite des fonctionnaires d'Etat ;

- les missions de l'observatoire qui va être créé dont on comprendrait mal qu'il ne puisse pas étudier les régimes spéciaux et les pensions des fonctionnaires ;

- les droits du conjoint survivant, et particulièrement le cumul des droits propres et de la réversion ;

- la pénalisation des multi-pensionnés.

M. Marcel Rogemont a tenu à rappeler l'environnement très positif du projet, puisqu'on assiste au retour à l'équilibre de l'ensemble des comptes de la sécurité sociale. Des questions demeurent, notamment celle de savoir comment les retraités peuvent mieux participer aux fruits de la croissance. Ils ont bénéficié cette année d'un relèvement de 2,2 % pour un taux d'inflation estimé à 1,4 %, et les retraités non imposables se verront exonérer de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Depuis trois ans, un effort très important a été consenti en matière de retraite agricole.

Le fonds de réserve s'alimente et s'élèvera, fin 2001, à 54 milliards de francs auxquels viendront s'ajouter les parts de licences sur la téléphonie mobile. La question n'est plus celle de l'alimentation mais celle des modalités de gestion de ce fonds.

Enfin, il est satisfaisant que la disposition visant à limiter le cumul emploi-retraite soit reconduite. Il s'agit d'une mesure de justice sociale attendue par la population.

M. Germain Gengenwin a rappelé la situation des veuves, qui comprennent deux catégories : les veuves de fonctionnaires, qui peuvent bénéficier d'une réversion même si elles ont des droits propres, et les veuves relevant du secteur privé, qui n'y ont pas droit. Il y a là une injustice car elles ont les mêmes charges.

M. Bernard Perrut a souhaité des précisions sur l'utilité du répertoire des retraites et des pensions créé par l'article 20. Il a ensuite observé que plutôt que de supprimer le fonds additionnel d'action sociale des MSA servant à développer leur action concernant les services ménagers pour les personnes âgées, il aurait mieux valu étendre son rôle à l'ensemble des activités du maintien à domicile.

Il a évoqué l'urgence des mesures à prendre en faveur des veuves jeunes.

Il a enfin insisté sur l'importance des transferts opérés de la branche famille vers la branche vieillesse, que ce soit à travers l'assurance vieillesse des parents au foyer ou bien à travers la prise en compte des bonifications de pension pour enfants à charge qui seront financées par la branche famille à partir de 2001.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a rappelé que le projet de loi sur la prestation dépendance devrait être déposé avant la fin de l'année et débattu en séance au début de l'année prochaine.

La question du financement de la dépendance va se poser de façon importante dans les années à venir en raison de l'augmentation prévisible du nombre de personnes âgées. Une solution consisterait à mobiliser le fonds de réserve pour financer la dépendance.

On peut admettre que la prestation autonomie soit gérée par les conseils généraux à condition qu'ils privilégient des associations de maintien à domicile plutôt que le gré-à-gré, donc qu'ils encouragent la mise en place d'un système structuré qui apporte des garanties de qualité.

Mme Marie-Françoise Clergeau a souligné les avancées qu'ont constitué la prolongation de l'assurance veuvage et les dispositifs pour faciliter la reprise d'une activité professionnelle par les veufs et les veuves.

Il reste des points sur lesquels il est nécessaire d'aboutir :

- l'extension de l'assurance veuvage à tout conjoint survivant qui remplit les conditions de ressources, même s'il n'a pas eu d'enfant à charge ;

- la révision des modes de calcul des pensions de réversion pour les pluri-pensionnés afin de mettre fin à des situations inéquitables ;

- l'exclusion du plafond de ressources de la majoration de pension de 10 %.

En réponse aux intervenants, M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a apporté les éléments suivants :

- Le choc démographique se situerait pour certains en 2006, pour d'autres en 2020. Cela montre que les projections sont très aléatoires. Le Conseil d'orientation des retraites estime que le Fonds de réserve ne suffira pas à couvrir ce choc, cela, même avec un taux de chômage à 3 %. Il existe, par ailleurs un décalage entre les sommes promises au fonds et celles qui lui sont effectivement versées. Ces éléments doivent conduire à la plus grande prudence.

- La question de l'assurance veuvage comme celle des pluri-pensionnés doivent effectivement être résolues.

- La création du répertoire national des retraites et des pensions permettra de disposer d'un organisme reconnu qui pourrait réunir un accord sur ces analyses.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il faudra avoir un débat avec le Gouvernement sur le respect des règles d'alimentation et la gestion du fonds de réserve ainsi que sur l'assurance-veuvage.

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À LA VIEILLESSE

Section 2

Branche vieillesse

Article 19

(article L. 351-11 du code de la sécurité sociale)

Revalorisation des retraites du régime général et des avantages alignés sur l'évolution prévisionnelle des prix

Cet article détermine les modalités de revalorisation, pour l'année 2001, des avantages de vieillesse servis par le régime général et par les régimes suivant les mêmes règles de revalorisation, ainsi que les salaires portés au compte individuel vieillesse de chaque assuré.

Les articles L. 351-11 et R. 351 du code de la sécurité sociale, résultant de la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, étaient applicables à partir du 1er janvier 1994. La revalorisation des pensions comprenait une revalorisation provisionnelle égale au taux d'évolution des prix estimés pour l'année à venir et une correction au titre de l'écart entre l'évolution des prix prévue pour l'année en cours et l'évolution prévisionnelle qui avait servi à la revalorisation précédente.

Depuis 1999, chaque loi de financement de la sécurité sociale fixe une revalorisation des pensions en gardant la référence à ce mécanisme, mais sans nécessairement l'appliquer.

Revalorisation des pensions du régime général

Revalorisations

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Au 1er janvier

1.00

1.30

2.00

1.20

2.00

1.20

1.10

1.20

0.50

1.70

Au 1er juillet

1.80

0.00

0.00

0.50

0.00

0.00

0.00

0.00

0.00

0.00

Évolution annuelle

Sans décalage

2.32

2.20

2.00

1.45

2.25

1.20

1.10

1.20

0.50

1.70

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

Au 1er janvier 1999, la revalorisation a été de 1,2 %, soit l'évolution moyenne des prix prévue pour 1999, cela sans qu'il soit fait application du rattrapage négatif de 0,5 % résultant de l'écart entre l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour 1998 (1,3 %) et l'évolution estimée au 1er décembre de la même année (0,8 %).

La revalorisation des pensions au 1er janvier 2000 a été de 0,5 %, soit l'évolution prévisionnelle des prix pour 2000 estimée fin 1999 (0,9 %), minorée de l'écart de 0,7 % entre l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour 1999 retenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999 (1,2 %) et l'évolution retenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 (0,5 %), majorée par un coup de pouce de 0,3 %.

La revalorisation des pensions au premier janvier 2001 retenue dans le rapport 2000 de la commission des comptes de la sécurité sociale est de 1,7%, soit l'évolution prévisionnelle des prix pour 2001 (1,2 %), majorée de l'écart de 0,5 % entre l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour 2000 retenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 200 (1,2 %) et l'évolution des prix 2000 retenue dans le projet de loi de finance pour 2001.

L'exposé des motifs précise que, selon la formule consacrée, le Gouvernement souhaite faire participer les retraités à la croissance en proposant un taux de revalorisation pour 2001 de 2,2 %.

Ainsi, le mécanisme de revalorisation des pensions sur les prix est encore prorogé pour une année, le "coup de pouce du Gouvernement" permettant d'éviter une simple adéquation de l'évolution des pension à l'évolution des prix.

Cette année encore, le rapporteur se voit obligé de rappeler que ce mode d'indexation comporte au moins deux inconvénients puisque, pour le secteur privé, il tend à réduire d'une génération sur l'autre le taux de remplacement et que l'écart entre les régimes, selon le mode d'indexation retenu, s'aggrave avec le temps. Par ailleurs, et les "coups de pouce" le montrent bien, le Gouvernement est amené à intervenir pour compenser le décalage induit par l'indexation sur les prix.

Ce mode d'indexation est donc subjectif parce qu'il faut le "compléter" chaque année. Il est donc synonyme de bricolage et devrait être remplacé par un dispositif stable.

*

Article 20

(article L. 161-17-1 nouveau du code de la sécurité sociale)

Répertoire national des retraites et des pensions

Cet article crée deux outils d'information statistique sur les retraites : un répertoire national des retraites et des pensions et un système d'informations sur les droits acquis par les actifs.

Le premier alinéa du I de cet article insère un article L. 161-17-1 dans la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale.

Les deuxième et troisième alinéas créent un fichier nominatif des retraités et de leurs ayants droit appelé « répertoire national des retraites et des pensions » ayant pour but d'améliorer la connaissance statistique des effectifs de retraités et des montants des retraites ainsi que de faciliter la coordination entre régimes de retraite en matière de service des prestations.

A cette fin, l'article L. 161-17-1 prévoit la participation des organismes suivants : 

- Organismes gérant les régimes de retraite de base ; 

- Organismes gérant les régimes de retraites complémentaires obligatoires, institutions de retraite complémentaire (titre II du livre IX du code de la sécurité sociale) ; 

- Les débiteurs des avantages de vieillesse non contributive ou d'avantages gérés au titre des articles L. 381-1 (complément familial de l'allocation pour jeune enfant, allocation parentale d'éducation, personnes assurant la charge d'un handicapé) et L. 742-1 (assurance volontaire vieillesse et assurance volontaire invalidité) ; 

- Organismes gérant les régimes d'assurance invalidité.

Ces organismes doivent communiquer à l'organisme chargé par décret de la gestion technique du répertoire(cet organisme pourrait être la CNAVTS), lors de la liquidation des avantages de retraite, les informations sur la nature et le montant des avantages servis, ainsi que les informations strictement nécessaires à l'identification des assurés et de leurs ayants-droit, et à la détermination de leurs droits.

Le troisième alinéa prévoit que : "le numéro d'identification au répertoire national d'identification des personnes physiques est utilisé dans les traitements et les échanges d'informations nécessaires à l'application de ces dispositions par les organismes débiteurs des avantages mentionnés au deuxième alinéa du présent article".

Ces deux dernières dispositions rendent indispensable l'intervention du législateur puisque la loi du 6 janvier 1978 « informatique et libertés" interdit les connexions de fichiers non prévues lors de la mise en place d'un traitement automatisé de données nominatives et restreint l'usage du numéro national d'identité. On peut, en revanche, s'interroger sur la présence de cette disposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le quatrième alinéa de cet article renvoie à un décret le soin de fixer le contenu et les modalités de gestion et d'utilisation du répertoire.

Selon l'exposé des motifs, le répertoire national des retraites et des pensions doit apporter une connaissance statistique plus fine du nombre des retraités et du montant des retraites. Il permettrait encore "d'accroître les données relatives aux flux de compensation démographiques entre régimes de retraite, de réduire les risques de paiement indus au titre du minimum vieillesse et de faciliter l'application des règles de cumul des pensions".

Le II crée un échantillon inter-régimes de cotisant. Les organismes participant au recueil des informations nécessaires au répertoire national des retraites et des pensions transmettent à l'autorité compétente de l'Etat les données nécessaires. Aux termes de cet alinéa, cet échantillon anonyme et représentatif vise à élaborer un système d'information sur les droits acquis à la retraite par les personnes d'âge actif. Il s'agit donc cette fois des données personnelles rendues anonymes qui ne suscitent pas les mêmes problèmes que le répertoire national au regard de la protection des droits de la personne.

L'exposé des motifs lui assigne pour but l'évaluation de la situation des personnes d'âge actif eu regard de leurs droits futurs à la retraite. Il s'agit "d'apprécier en continu l'acquis résultant des carrières effectuées jusqu'à qu'à quarante, quarante-cinq ans par les diverses catégories d'actifs, en fournissant, avec une périodicité régulière, une photographie de la situation des droits acquis par un échantillon d'actifs de différentes générations dans l'ensemble des régimes où ils ont cotisé".

En effet, les acteurs du domaine social sont souvent confrontés aux difficultés dues aux lacunes rencontrées dans le domaine de la connaissance statistique des populations pour lesquelles des décisions doivent être prises ou des choix opérés. Aussi, la création de deux outils statistiques nouveaux ne peut qu'être bien accueillie.

Article 21

Cumul emploi-retraite

Cet article confère un caractère permanent à l'interdiction du cumul d'un emploi et d'une retraite.

L'alinéa unique qui le compose abroge toutes les dispositions qui reconduisent jusqu'au 31 décembre 2000 le principe de l'interdiction du cumul entre pension de retraite et revenus d'activité.

Les textes concernés sont : 

- l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale pour les salariés (régime général, régime des salariés agricoles et régimes spéciaux) ; 

- l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale pour les professions artisanales, industrielles et commerciales ; 

- l'article L. 732-39 du code rural pour les non salariés agricoles ; 

- l'article 14 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-Miquelon.

Le principe de la limitation du cumul emploi-retraite a été introduit dans les régimes de retraite de salariés et le régime des pensions civiles et militaires de retraite par l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982. Pour le régime général et celui des salariés agricoles, cette limitation intervenait à l'occasion et en contrepartie de l'abaissement de 65 ans à 60 ans de l'âge de la retraite à taux plein.

On rappellera que la législation limitant les possibilités de cumul emploi-retraite a toujours eu un caractère provisoire. Fixée à l'origine au 31 décembre 1990, sa date limite d'application a successivement été repoussée d'un an par l'article 34 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991, l'article 23 de la loi n°91-1406 du 31 décembre 1991 et l'article 19 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, de cinq ans par la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, d'un an par l'article 39 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale, puis d'un an encore par l'article 18 de la loi n°99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale.

Le rapport fait par M. Dominique Balmary, conseiller d'Etat, sur lequel le Gouvernement annonçait l'année dernière se fonder, est éclairant sur l'aspect provisoire et inégalitaire du dispositif "Aujourd'hui, dans un champ très large, mais criblé de dérogations ponctuelles, ne subsiste plus que l'interdiction, faite à celui qui demande la liquidation de l'intégralité de sa retraite à partir de 60 ans, de poursuivre son activité antérieure. Au surplus, le caractère provisoire et indéfiniment renouvelé du régime marque une incertitude assez peu satisfaisante sur son bien-fondé théorique et sur la pertinence pratique".

Le rapport note que les situations de cumul sont à la fois peu nombreuses et intenses et ajoute : "Il faut cependant, ajouter qu'on ne sait si ce résultat doit être attribué au peu d'appétit pour le cumul, à la réglementation, à son environnement économique et social, à l'étendue du travail au noir et à l'importance de la sous-déclaration".

Par ailleurs, M. Balmary place ses travaux dans la continuité des rapports de MM. Charpin et Taddei et souligne la gravité des questions posées par les fins de carrière des seniors. Ainsi, l'ordonnance de 1982 apparaît dans le contexte qui a présidé à son adoption : "La France s'est enkystée dans le chômage et la rareté de l'emploi commence à affecter les plus âgés, dont beaucoup ont eu une carrière longue, parfois pénible. Cette situation conduit notamment à la décision d'abaisser l'âge d'ouverture du droit à la retraite à taux plein à 60 ans, décision qui sera prise par une autre ordonnance en 1982".

Enfin, constatant les évolutions de contexte, le rapport analyse les modifications socio-économiques et conclut : "Equilibre à venir des retraites, évolution future de la population active, transformations dans le travail liées à la globalisation des marchés et à l'apparition d'une société "informationnelle", ces changements invitent à construire une société plus "active", ce qui, dans le domaine ici évoqué, doit conduire les politiques sociales et économiques à offrir au plus grand nombre la faculté de participer aux différentes activités que la société doit être en mesure de leur proposer. Méritent alors d'être combinées une politique offensive tendant ax relèvement des taux d'activité et une politique défensive de lutte contre la discrimination".

Il envisage alors quatre hypothèses pour l'avenir du cumul emploi-retraite : 

- durcir le régime ; 

- le supprimer ; 

- le proroger avec quelques aménagements éventuels ; 

- le faire évoluer en l'inscrivant dans une politique des âges négociée.

Il n'est donc pas faux de dire que la problématique propre au cumul emploi-retraite ne se situe plus sur le même terrain. Le choix fait par le Gouvernement de rendre durable son interdiction ne peut être mal accueilli par le rapporteur. Cela même si l'argument, dans l'exposé des motifs, déjà utilisé l'an passé "la suppression de ce dispositif aurait un impact non négligeable sur le chômage, puisque les retraités pourraient, sans limitation, poursuivre leur activité professionnelle" date d'une époque antérieure à celle de la parution du rapport de M. Dominique Balmary.

*

Article 22

(article L. 135-3 du code de la sécurité sociale)

Prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse des cotisations versées à l'ARRCO/AGIRC au titre des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat

Cet article met à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) la validation par les régimes de retraite complémentaire des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat. Il insère dans le code de la sécurité sociale les termes de l'accord conclu entre l'AGIRC/ARRCO et l'Etat le 23 mars 2000.

Le I de cet article intègre dans les missions du Fonds de solidarité vieillesse le financement de la validation des périodes de chômage et de préretraite par les régimes de retraite complémentaire et indemnisées par l'Etat.

Le II détermine la nature des sommes ainsi mises à la charge du FSV dans les conditions fixées par une convention conclue entre l'Etat et les organismes de retraite complémentaire, AGIRC et ARRCO1.

Ces sommes sont détaillées comme suit par le présent article : 

a) Les cotisations dues à compter du 1er janvier 1999 au titre des périodes de perception des allocations spéciales du fonds nationale pour l'emploi visées au 2° de l'article L. 322-4 du code du travail, des allocations de préretraite progressive visées au 3° du même article, des allocations de solidarité spécifique visées à l'article L. 351-10 du même code.

L'article L. 322-4 du code du travail concerne les actions de reclassement, de placement et de reconversion professionnelle engagées par le ministre du travail dans les régions où certaines professions "sont menacées d'un grave déséquilibre de l'emploi".

Le deuxième alinéa de cet article prévoit des dispositifs pouvant être attribués par voie de convention conclues avec les organismes professionnels ou interprofessionnels, les organisations syndicales ou les entreprises.

Les dispositifs visés par les 2° et 3° de l'article L. 322-4 du code du travail sont respectivement la préretraite du FNE et la préretraite progressive.

L'allocation visée par l'article L. 351-10 du code du travail est l'allocation de solidarité spécifique destinée aux chômeurs de longue durée ayant épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance et satisfaisant à des conditions d'activité antérieurs et de ressources.

b) Le remboursement des sommes dues antérieurement au 1er janvier 1999, pour la validation des périodes de perception des allocations visées au a) ci-dessus.

Il s'agit de rattraper le passif accumulé entre 1996 et la date d'effet de l'accord passé entre l'AGIRC/ARRCO et l'Etat en mars 2000.

Le III de cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application des mesures proposées.

Le IV complète l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, relatif aux recettes destinées à financer les dépenses engagées par le FSV au titre des opérations de solidarité en ajoutant à ces dépenses celles résultant de l'application du présent article.

Cet article traduit dans le code de la sécurité sociale les termes de l'accord passé entre l'AGIRC/ARRCO et l'Etat en mars 2000 qui est venu mettre un terme à un litige opposant les parties depuis 1984.

A cette date, devant la montée, alors inattendue, du chômage, les partenaires sociaux concernés ont créé un régime dit de "solidarité-chômage". L'Etat s'engageait alors financer les cotisations de retraite des bénéficiaires du dispositif, cela au taux obligatoire à cette époque. Ce financement n'a pas eu lieu. Pour les caisses concernées, la montée en charge financière fut relativement lente jusqu'en 1996 puisque, si le chômage avait augmenté de façon drastique, le nombre des personnes concernées atteintes par l'âge de la retraite restait compatible avec les possibilités financières des caisses qui se substituaient alors à l'Etat. C'est en avril 1996 que l'AGIRC/ARRCO prit la décision de ne plus financer les cotisations de retraite des nouveaux arrivants dans le dispositif (départs en retraite). Les comptes des allocataires étant crédités fictivement des cotisations non payées. Trois ans plus tard, l'AGIRC estimait la dette de l'Etat à son égard 55 MF par an, l'ARRCO à 2,2 MdF par an. Ces sommes concernant à la fois l'actif et le passif.

Les parties au litige ont recouru à l'expertise d'un magistrat de la Cour des comptes. Le rapport a montré que les factures établies par les régimes AGIRC/ARRCO souffraient de plusieurs faiblesses qui pouvaient contribuer à les surévaluer. Il a par ailleurs mis en évidence que, depuis 1994 l'Etat, à travers le FSV, intervenait, pour des montants de l'ordre de 35 MdF, pour financer la validation au régime général des périodes de préretraite et de chômage d'assurance et de solidarité.

Aux termes de l'accord du 23 mars 2000, l'Etat, s'engage à faire verser 650 MF à l'AGIRC et 2,2 MdF à l'ARRCO, ces montants devant apurer l'actif et le passif de la dette jusqu'à extinction de celle-ci.

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Article 23

(article L. 135-2 du code de la sécurité sociale)

Prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse des dispenses d'activité avec suspension du contrat de travail

Cet article organise la prise en charge par le FSV des périodes de perception des allocations de cessation d'activité versées dans le cadre d'une convention passée avec l'Etat.

Le I de cet article complète le 4° de l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale qui énumère les dépenses prises en charge par le FSV au titre des avantages vieillesse à caractère non contributif et relevant de la sécurité sociale.

A cet effet, il insère dans cet article un d ajoutant à l'énumération du 4° précité : "les périodes pendant lesquelles l'assuré a bénéficié, en cas d'absence complète d'activité, d'un revenu de remplacement de la part de son entreprise en application d'un accord professionnel national mentionné au dernier alinéa de l'article L. 352-3 du code du travail".

Le 4° précité vise les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d'assurance vieillesse de base de . Le FSV prend donc désormais en charge les cotisations de retraite des salariés pour la période au cours de laquelle l'assuré, en l'absence totale d'emploi, a bénéficié d'un revenu de remplacement versé par l'entreprise.

Le II de cet article complète à cet effet la rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les sommes concernées "sont calculées sur une base forfaitaire déterminée après avis des conseils d'administration des caisses des régimes d'assurance vieillesse de base concernés dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat".

Le III de cet article prévoit l'applicabilité de ses dispositions aux revenus versés en application de mesure d'accords mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 352-2 du code du travail à partir du 1er janvier 2001.

L'article L. 352-2 du code du travail concerne le régime des accords conclus entre employeurs et travailleurs relatifs aux allocations d'assurance des travailleurs privés d'emploi.

Il s'agit, d'intégrer dans la loi une convention passée entre l'Etat et des entreprises. Cette convention est prévue par le VI de l'article R. 322-7-2 du code du travail tel qu'il résulte du décret n° 2000-105 du 9 février 2000 relatif à la cessation d'activité de certains travailleurs salariés et modifiant le code du travail.

L'accord concerné vise la cessation anticipée d'activité au titre de la pénibilité du travail. Dans la mesure où il s'agit de valider pour la retraites des périodes qui ne donnent pas, en vertu des accords passés entre l'Etat et les employeurs, lieu au versement des cotisations de droits commun, c'est bien au FSV que revient cette prise en charge au titre des opérations de solidarité.

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Article 24

(article L. 135-3, L. 241-2 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale)

Affectation du prélèvement de 2 % sur le capital au FSV et au Fonds de réserve des retraites

Cet article modifie la répartition du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, prévu par les articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale. Ce prélèvement a été institué parla loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Le I de cet article modifie le II de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale relatif à la répartition du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine sur le financement du risque vieillesse.

Cette nouvelle répartition s'établit comme suit : 

- 20 % à la première section du Fonds de solidarité vieillesse ;

- 50 % au fonds de réserve pour les retraites ;

- 30 % à la CNAVTS.

Aux termes de l'article 16 III de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, ce produit se trouvait réparti comme suit : 

- 49 % au fonds de réserve des retraites ;

- 8 % à la CNAM ;

- 30 % à la CNAVTS ;

- 13 % à la CAF.

Pour mémoire, le tableau ci-dessous retrace la répartition de ce produit pour 1999-2000 et 2001 (prévision).

Bénéficiaire

Droit en vigueur

en 1999

Loi de financement

pour 2000

Loi de financement

pour 2001

CNAM 

28 %

8 %

0

CNAVTS

50 %

30 %

30 %

CNAF 

22 %

13 %

0

FSV I

0

0

20 %

Fonds de réserve

0

49 %

50 %

Le II de cet article prend acte du versement de 20 % du produit du prélèvement de 2 % au FSV et insère en conséquence un 6° à l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, relatif aux ressources de la première fraction du FSV (dont la mission est de prendre en charge les avantages vieillesse à caractère non contributif. Relevant de la solidarité nationale).

Le III tire les conséquences de la suppression de l'affectation de 8 % du 2 % à la CNAMTS. Il supprime donc le 3° de l'article L. 241-2 qui prévoyait cette affectation.

Le IV de cet article prévoit que ses dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2001.

Si le rapporteur pour la branche vieillesse ne peut, a priori, que se réjouir de voir le FSV et la CNAVTS s'enrichir, ces nouveaux chiffres n'appellent pas moins quelques rapides commentaires.

Les manipulations auxquelles se livre le Gouvernement pour à la fois équilibrer les comptes de la sécurité sociale, cela au moins en termes de "bonne présentation", et financer les divers fonds qu'il semble vouloir multiplier à l'envi rendent les comptes de la sécurité sociale opaques. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a vu naître le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Injecté de force entre deux lectures du projet de loi, ce fonds à vocation à participer au financement de la réduction du temps de travail. Les acteurs sociaux qui suivent les évolutions du financement de notre système de protection sociale sont certes habitués aux transferts entre branches, aux compensations et surcompensations inter régimes. Cependant, force est de constater que la complexification de la circulation des flux et des sommes rend l'ensemble difficilement compréhensible et devient de nature à donner le mal de mer.

Enfin, si la CNAV se voit généreusement attribuer 30 % du produit du prélèvement social sur les revenus financiers du patrimoine, il faut rappeler, qu'aux termes de l'article de la loi de financement pour 2000 du code de la sécurité sociale, la caisse verse au fonds de réserve pour les retraites en cours d'exercice, un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel ainsi que le résultat excédentaire de l'exercice clos de chacun des fonds dont elle a la gestion (à l'exception du régime spécial des agents des réseaux de chemins de fer secondaires). Il y a donc lieu de s'interroger sur l'utilité du versement effectué à la CNAVTS au titre du présent article, il semble bien qu'il ne s'agit là que d'une obscure man_uvre tendant à permettre la présentation en fin d'exercice de comptes de la caisse équilibrés.

Ces tuyauteries sont tout à fait représentatives de la politique du Gouvernement qui navigue à vue, se condamnant ainsi à de multiples "bricolages" en lieu et place de perspectives affirmées et lisibles par tous.

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Article 25

(article L. 135-6 du code de la sécurité sociale)

Alimentation du fonds de réserve pour les retraites

Cet article ajoute aux provisions du fonds de réserve pour les retraites les réserves du compte d'affectation institué par le II de l'article 23 du projet de loi de finances pour 2001 (redevances liées aux réseaux de téléphonie mobile de troisième génération) et y intègre formellement le produit des placements effectués à son titre.

L'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale détermine en partie les ressources du fonds de réserve pour les retraites, encore appelé FSV deuxième section.

Le présent article modifie le 3°bis de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale précité qui résulte de la précédente loi de financement et prévoit l'affectation au fonds de réserve d'une fraction de 49 % du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital et qui devient ainsi le 4° de cet article. Ce produit fait par ailleurs l'objet d'une nouvelle répartition prévue par l'article 24 du présent projet de loi. La part dévolue au fonds passe à 50 %.

L'article L. 135-6 est donc réaménagé en tenant compte de trois facteurs nouveaux :  la modification et renumérotation du 3°bis ; l'incorporation du compte d'affectation institué par le II de l'article 23 du projet de loi de finances pour 2001 ; la mention formelle du produit des placements effectués au titre du fonds de réserve.

Remanié chaque année, depuis son insertion dans le code de la sécurité sociale par le 3° de l'article 2 de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'article L. 135-6 présenterait donc pour 2001, la répartition suivante des réserves du fonds de réserve pour les retraites : 

1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa du code de la sécurité sociale (CSSS) ; 

2° Tout ou partie de résultat excédentaire de la première section, dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ;

3° Les montants résultant de l'application de l'article L. 251-61 du code de la sécurité sociale (excédent en cours et en fin d'exercice des comptes de la CNAVTS) ; 

4° Une fraction égale à 50 % du produit des prélèvements des prélèvements visés aux articles L. 245-14 à L.245-16 (prélèvement de 2 % sur les produits du patrimoine) ; 

5° Les versements du compte d'affectation institué par le II de l'article 23 de la loi de finances pour 2001 (recettes tirées de la cession des licences de téléphonie mobile de troisième génération) ; 

6° Toute autre ressource affectée au fonds de réserve ; 

7° Le produit des placements effectués au titre du fonds de réserve.

Or les comptes du fonds représentent sous la forme du tableau suivant : 

(en millions de francs) Sources : ministère de l'emploi et de la solidarité

 

1999

2000

2001

Ressources

2 000

21 271

31 790

Excédents 1ére section FSV

0

0

0

CSSS

2 000

0

0

Prélèvement 2 % sur le capital

 

5 410

5 750

Acompte excédents de la CNAVTS (n)

 

2 900

Nd

Affectation de l'excédents de la CNAVTS (n-1)

 

5 033

1 421

Versement des caisses d'épargne

 

4 719

4 719

Versement de la CDC

 

3 000

 

Licence des téléphones mobile de la 3ème génération

   

18 5001

Produits financiers

7

209

1 400

Solde

2 007

23 278

55 068

1 Le chiffre donné par l'article 23 du projet de loi de finance pour 2001, indique un versement de 14,5 MdF pour 200 et 2001, 4,644 MdF devant être versés chaque année par la suite de 2003 à 2016.

A la lumière de la lecture de ce tableau, on peut se demander si le Gouvernement a respecté les règles fixées par l'article L. 135-6.

La fraction du solde du produit de la CSSS mentionnée au 1° n'a été versée qu'une fois en 1999.

Le tout ou la partie excédentaire du FSV 1ère section (annoncé au 2°) n'a, lui, jamais été versé. Rappelons que, dans le dossier fourni lors de la conférence de presse du Premier ministre le 21 mars dernier, le montant cumulé des versements prévus par les 1° et 2° précités est chiffré à 400 milliards de francs en 2020.

Au demeurant, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (publié en septembre 2000) livre des précisions qui sont de nature à surprendre.

Ainsi, on peut lire, page 52 de ce document, que : "Conformément aux engagements du Gouvernement, le fonds de réserve a perçu 2 milliards de francs de contribution sociale de solidarité en 1999, en application d'un arrêté du 22 octobre 1999". Ce fait est indéniable. L'étonnement survient cependant à l'examen du tableau relatif aux comptes du FSV 2ème section puisque ce versement paraît suspendu pour 2000 et 2001 En revanche, le même rapport fait état de deux versements - 4 085 et 3 845 MdF- pour 2000 et 2001 au FSV 1ère section au titre de la CSSS. Le Gouvernement aurait-il oublié son engagement premier, et voulant bien faire, affecté au FSV 1ère section ce qui, aux termes du 1° de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, doit revenir au FSV 2ème section, c'est-à-dire au fonds de réserve pour les retraites ? 

S'agissant du versement de tout ou de la partie excédentaire du FSV 1ère section, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale précise plus loin : "A ce stade, le montant à reverser de la première section du FSV vers le fonds de réserve des retraites n'est pas encore déterminé, ce qui explique qu'aucun montant ne soit inscrit à ce titre dans le compte de la seconde section du FSV en 2000". Cette explication a de quoi surprendre puisque le premier versement n'a déjà pas été effectué pour l'exercice 1999 ; il y a pourtant lieu de croire que ce dernier chiffre est connu, il figure en page 51 du document aux côtés des estimations pour les années 2000 et 2001.

Le fonds de réserve dispose donc aujourd'hui, au titre du 1° et du 2° de l'article L. 135-6, de 2 milliards, augmentés des 7 millions de produits financiers, bien loin des 400 milliards annoncés pour 2020.

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Article 26

(articles L. 12 et L. 41 du code des pensions de retraite des marins français de commerce, de pêche ou de plaisance)

Régime spécial de sécurité sociale des marins

Cet article a pour objet d'améliorer la situation des veuves de marins en permettant la validation pour pension des périodes passées en invalidité maladie afin de substituer une pension de vieillesse à la pension d'invalidité, dès lors que les conditions d'âge et de durée de cotisation sont réunies.

L'exposé des motifs indique que le régime des marins ne permet pas la substitution d'une pension de vieillesse à la pension d'invalidité à l'âge minimum auquel ouvre ce droit.

Le plus souvent, les marins perçoivent jusqu'à leur décès une pension d'invalidité maladie. Cette pension n'est pas réversible et ses annuités n'entrent pas en compte dans le calcul des pensions de retraite. Après le décès des intéressés, les pensions attribuées aux veuves sont liquidées sur la seule caisse de retraite des marins. Elles reposent donc sur un faible nombre d'annuités, basé sur les seules années d'activité professionnelle. Le montant de ces pensions est alors inférieur au minimum vieillesse.

L'exposé des motifs indique encore que, pour remédier à ces inconvénients, le présent article permet le validation pour pension des périodes passées en invalidité maladie jusqu'à ce que vingt-cinq annuités soient totalisées comme période validées pour pension. Enfin, il permet encore de substituer une pension de vieillesse sur la caisse de retraite des marins dès lors que les vingt-cinq annuités seraient atteintes à compter du cinquantième anniversaire du marin et au plus tard à soixante ans quel que soit le nombre d'annuités.

Le I de cet article ajoute un 12° à l'article 12 du code des pensions de retraite des marins. Ce dernier article énumère les éléments pris en compte pour la pension. Le 12° nouveau ajoute à cette énumération, dans des limites fixées par voie réglementaire, les périodes pendant lesquelles un marin a perçu une pension d'invalidité en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel.

Le II de cet article réécrit le premier alinéa de l'article 41 du même code. Il s'agit de prévoir un versement calculé en fonction des salaires des marins et destiné à l'alimentation de la caisse, de la part des propriétaires ou armateurs de navires de mer ou des employeurs, pour tous les services accomplis à bord des navires ainsi que tous les services non embarqués qui sont de nature à ouvrir droit au bénéfice des pensions ou allocations servies par la caisse de retraite des marins.

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Article 27

(article L. 726-3 du code rural)

Fonds additionnel d'action sociale

Cet article intègre le fonds additionnel d'action sociale à l'action sanitaire et sociale des caisses sociales agricoles.

L'unique alinéa de cet article abroge l'article L. 726-3 du code rural.

Institué à l'article L. 726-3 du code par la loi de finance pour 1980, le fonds additionnel d'action sociale avait été créé afin d'apporter une contribution supplémentaire aux caisses de mutualité sociales agricoles. Il s'agissait de favoriser le développement des services ménagers apportés aux personnes âgées, cela dans le cadre de la politique de maintien à domicile des publics concernés.

Les perspectives d'évolution démographique et de longévité notamment, comme les situations constatées sur le terrain mettent en évidence l'insuffisance de la seule aide ménagère pour répondre aux besoins. Ces derniers impliquent désormais des réponses diversifiées telles le portage des médicaments ou des repas, télé-assistance, accueil temporaire ou séquentiel en structure de jour, etc.

Le fonds additionnel d'action sociale ne pouvant financer que des prestations ménagère ne correspond pas à la nécessaire approche globale du maintien à domicile à laquelle peut, en revanche, répondre l'action sociale des caisses.

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ANNEXE

Liste des organismes entendus par le rapporteur :

Union profession artisanale (UPA)

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Union nationale des professions libérales (UNAPL)

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC)

Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA)

CFDT

CFTC

CGC

CGPME

CGT

CGT-FO

UNSA

FAVEC

2633-III- Rapport de M. Denis Jacquat (commission des affaires culturelles) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, n°2606 : Assurance vieillesse

1 AGIRC : Association générale des institutions de retraite des cadres

ARRCO : Association des régimes de retraite complémentaire


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