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le 11 décembre 2000

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N° 2786

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 décembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2752) DE M. GERARD FUCHS, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPEENNE, sur la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (COM [00] 580 final / E 1560),

PAR M. CHRISTIAN BATAILLE,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. André Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Philippe Chaulet, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. Éric Doligé, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Jean-Claude Étienne, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Roland Francisci, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Michel Grégoire, M. Hubert Grimault, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Jean-Michel Marchand, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Marius Masse, M. Roland Metzinger, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, M. Jacques Pélissard, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jacques Rebillard, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. André Santini, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS 9

LA POSTE 13

L'ÉNERGIE 14

LES TRANSPORTS 17

EXAMEN EN COMMISSION 23

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR
LA COMMISSION
27

TABLEAU COMPARATIF 31

MESDAMES, MESSIEURS,

Les services publics sont au c_ur de notre modèle de société et concourent à notre cohésion nationale. Leur qualité n'a plus à être démontrée et l'attachement de nos concitoyens à leur égard en témoigne avec éloquence. Ce constat, hier jugé archaïque par les partisans du marché, est aujourd'hui de plus en plus largement partagé. Il est clair désormais que l'heure n'est plus à la libéralisation forcenée.

Le bilan des expériences conduites en ce sens reste à être établi de manière systématique et pays par pays. Il est vrai qu'il est sans doute plus facile de rédiger à partir d'a priori idéologiques des directives de libéralisation que de dresser des constats objectifs de leur application et d'être réduit à constater ainsi ses propres errements. Qu'a en effet donné la libéralisation ?

Je n'évoquerai pas le cas des chemins de fer britanniques. Je me permettrai en revanche de dire un mot de la libéralisation des services postaux en Suède où l'ouverture à la concurrence a réussi simultanément à réduire le nombre d'emplois, à augmenter les prix, à fermer les bureaux de poste et à diminuer la qualité du service. Quant aux télécommunications, on ne peut que s'étonner de voir mis au crédit de la libéralisation des résultats en réalité permis par les avancées technologiques issues de la recherche d'ailleurs souvent publique.

Il est temps de changer de logique. La Commission, à l'initiative du Conseil européen et de la France, semble avoir amorcé cette démarche mais sans beaucoup de conviction. Sur ce point, l'infléchissement de la construction européenne, quoique réel, reste insuffisant.

En effet, depuis 1996 et le traité d'Amsterdam, le traité instituant la Communauté européenne reconnaît la place qu'occupent les services d'intérêt économique général au sein des valeurs communes de l'Union. Cette formulation n'est malheureusement pas satisfaisante. Les services d'intérêt économique général ne correspondent pas à notre définition du service public. Ce sont même de deux philosophies distinctes que procèdent ces notions. Les services d'intérêt économique général s'inscrivent, comme leur dénomination le manifeste d'ailleurs sans ambages, dans une logique purement économique. Il est vrai que la terminologie communautaire connaît également des services d'intérêt général, catégorie plus vaste que la précédente et incluant, outre les services d'intérêt économique général de nature marchande, les activités régaliennes de l'Etat et les autres interventions publiques non marchandes (éducation, protection sociale, etc.). Or, que les services qualifiés au niveau communautaire d'intérêt économique général fonctionnent dans la sphère marchande selon des modalités commerciales, n'implique pas nécessairement que cette logique doive commander exclusivement leur fonctionnement. Au contraire, dans la conception communautaire, ces services ne prennent en compte que l'intérêt des consommateurs et s'inscrivent dans les règles de la concurrence au regard desquelles leur organisation doit être aussi peu dérogatoire que possible.

Or, le service public, irréductible à la seule perspective économique, procède à l'inverse d'une philosophie qui est également politique et sociale. A son c_ur, on ne trouve pas le consommateur mais le citoyen. La distinction n'est pas seulement terminologique car le citoyen, s'il est également un consommateur, a des préoccupations plus larges que la seule satisfaction de ses besoins économiques. Lui importe également la cohésion sociale, lui importe également l'indépendance nationale et lui importe également l'aménagement du territoire, par exemple.

Cette différence est fondamentale et c'est pourquoi nous ne pouvons nous satisfaire de la reconnaissance des services d'intérêt économique général. C'est pour celle du service public qu'il nous faut continuer à combattre.

Le chemin sera toutefois long et il faut aujourd'hui parer au plus pressé et profiter autant que possible de l'avancée réalisée avec la reconnaissance des services d'intérêt économique général.

Ce qui importe aujourd'hui pour rapprocher ceux-ci de notre conception du service public, c'est de les doter au niveau communautaire, d'un corps de règles autonome. Leur spécificité doit être renforcée car on ne peut se satisfaire de les voir reconnus du bout des lèvres dans l'espace jugé libre secteur par secteur par les apôtres de la concurrence. Les services d'intérêt économique général doivent avoir une place autonome et non rester cantonnés dans les interstices du marché.

A l'occasion du Conseil européen de Lisbonne, cette démarche a été engagée et la Commission a été appelée à élaborer une communication présentant sa position quant aux services d'intérêt général.

Cette communication reconnaît la pertinence de la volonté française d'élaborer un cadre juridique d'ensemble pour ces services. Il importe maintenant à l'occasion du Conseil européen de Nice de proposer l'adoption d'une directive-cadre susceptible d'être ultérieurement déclinée sectoriellement. Ainsi, le droit communautaire, comme le fait traditionnellement le droit administratif français, partirait des obligations de service public pour en définir dans chaque secteur la mise en _uvre au lieu de conduire une analyse tronquée à partir de la perspective propre à chaque marché dont on a vu qu'elle tendait à réduire ce que nous appelons le service public à la portion congrue.

L'analyse ci-après illustrera dans les secteurs des télécommunications, de la poste, de l'énergie et des transports les contraintes communautaires auxquelles la France a dû faire face pour préserver ses services publics.

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Le secteur des télécommunications a été le premier domaine dans lequel la Commission européenne a mis en application le concept de service universel. Certes, cette notion a été largement imposée par la détermination de la France qui tenait à préserver les acquis de la théorie du service public face à une Commission européenne et des partenaires européens, qui étaient à l'époque tous acquis aux thèses libérales, qui s'étaient enfermés dans une logique d'harmonisation des prestations et de pure ouverture à la concurrence en se remettant aux vertus du marché pour dégager les meilleurs équilibres pour la société en matière de télécommunications. Face à Bruxelles, qui cherchait, au départ, simplement à imposer des formats minima de prestations de services pour éviter une concurrence déloyale, le concept de service universel pouvait être perçu comme un radeau permettant de maintenir hors de la tourmente du marché les besoins élémentaires des populations.

Mme Ségolène Royal avait tout dit le 9 mai 1996, à l'Assemblée nationale, lors de la discussion en première lecture du projet de loi de réglementation des télécommunications, en s'adressant à M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace :

« D'abord, vous créez un service universel des télécommunications qui consiste en une sorte de service paupérisé, minimaliste, de service public « croupion », selon certains.

« Je voudrais d'ailleurs dénoncer l'ambiguïté du mot universel, qui donne l'impression qu'il s'agit d'un service offert à tout le monde, ayant aussi toutes les caractéristiques techniques de ce que peuvent offrir les télécommunications. Mais ce n'est pas du tout le cas. Universel est ici la traduction du mot anglais universal. Certes, vous pourriez me rétorquer qu'il figure dans le projet de loi de l'un de vos prédécesseurs, qui lui-même reprenait un texte de la commission. Mais celle-ci a eu tort de traduire ainsi ce mot anglais qui n'a pas du tout le même sens. Universal signifie service de base ou service minimum. Vous jouez donc sur les mots, monsieur le ministre, et en rappelant, à l'article L. 35, que le service public englobe les trois catégories que vous énumérez, vous trompez à la fois les lecteurs et les citoyens.

« Car, dans votre esprit, et c'est aussi l'esprit du texte, le service public au sens de « service public à la française », c'est-à-dire ouvert à tous, dans des conditions d'égalité d'accès et de transparence, se réduit au seul « service universel », à savoir un minimum de prestations. » (JO débats Assemblée nationale, 9 mai 1996, p. 3004).

Les directives 97/33/CE du 30 juin 1997 et 98/10/CE du 26 février 1998 ont donné raison à l'approche de Mme Ségolène Royal. Il importe donc aux législateurs nationaux, au titre du principe de subsidiarité, de bâtir autour du schéma minimaliste du service universel un corps de règles recomposant le service public, que chacun de nos concitoyens est en droit d'attendre et que France Télécom lui fournissait dans des conditions de qualité ; les sondages d'opinion successifs montraient d'ailleurs sans ambiguïté qu'il était le plus apprécié en France avec celui fourni par EDF.

La mission d'information sur l'application de la loi de réglementation des télécommunications (rapport n° 1735 du 23 juin 1999 de M. Gabriel Montcharmont) avait conclu qu'il n'était cependant pas utile de modifier la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications découpant en trois éléments le service public des télécommunications (service universel (1), services obligatoires (2) et missions d'intérêt général (3)) pour trois raisons :

« - les principes essentiels régissant le service public à la française (égalité, continuité, adaptabilité) s'appliquent aux trois composantes du service public des télécommunications. Il n'y a donc pas dévalorisation du service public par une scission de ses composantes ;

« - les avantages attachés au service universel (« service téléphonique de qualité à un prix abordable », prise en compte des difficultés financières et des handicaps des abonnés, fourniture d'un service restreint en cas de défaut de paiement, octroi de droit d'un abonnement y compris à un locataire contre l'avis de son propriétaire) sont en fait spécifiques aux prestations de services téléphoniques couvertes par le service universel. En effet, les services obligatoires s'adressent essentiellement aux entreprises ou à des utilisateurs très spécifiques et des considérations techniques (qualité des infrastructures, des terminaux, des connexions, environnement des équipements, utilisation technique des services) conditionnent l'usage de ces services et ne permettent pas de garantir en tous lieux leur qualité sans conditions (celles-ci figurant dans le cahier des charges de France Télécom). Appliquer aux services obligatoires les avantages du service universel n'a pas sa pleine utilité. Ainsi, exiger un prix abordable pour une liaison louée, une ligne RNIS ou télex n'a pas de sens économique. Les missions d'intérêt général ne constituent pas, quant à elles, des prestations s'adressant à des utilisateurs du téléphone et ne répondent donc pas aux mêmes exigences. Elles bénéficient par ailleurs de garanties spécifiques dans la loi et les règlements. Le véritable problème réside dans la définition du périmètre du service universel. Ainsi, la mission estime que le développement des services en ligne, notamment Internet, nécessitera l'existence d'une sécurité comparable à celle prévue pour le service universel ; il convient donc de s'interroger sur l'application aux services obligatoires, ou à certains d'entre eux, du droit à l'accès figurant au dernier alinéa de l'article L. 35-1. Mais surtout, il faut engager un débat sur l'élargissement du service universel à ces services d'information ou ces services en ligne ;

« - le coût des obligations de service universel fait l'objet d'une péréquation financière entre les opérateurs de service téléphonique au public au prorata des communications que leurs abonnés passent sur le réseau public. Le contenu du service universel a pour cette raison fait l'objet d'une définition limitative à l'échelon européen (directives 97/33/CE du 30 juin 1997 et 98/10/CE du 26 février 1998). Intégrer les services obligatoires et les missions d'intérêt général dans le service universel pour reconstituer l'unité du service public reviendrait à étendre le périmètre du service universel bien au-delà de ce que permettent les directives européennes, ce que ne manquerait pas de condamner la Cour de justice des Communautés européennes. »

Au-delà des caractères du service universel, la définition du périmètre de ce dernier apparaît, en fait, déterminante. Il n'appartient pas à votre rapporteur d'entrer dans le détail du droit des télécommunications, mais deux exemples illustreront son propos. Tout d'abord, le service universel des télécommunications défini par la Communauté européenne ne comprend que les services de téléphonie vocale fixe, ce qui exclut la téléphonie mobile qui tend pourtant à devenir universelle (26,2 millions d'abonnés en France fin septembre 2000 alors que France Télécom gère 34 millions de lignes principales fixes) et les nouveaux services multimédias à haut débit de type Internet (le service universel permet d'avoir accès à Internet par une ligne téléphonique ordinaire). D'autre part, le périmètre est conçu en fonction de la satisfaction des besoins primaires des consommateurs et des entreprises, ce qui omet les intérêts stratégiques des Nations aux premiers rangs desquels figurent la recherche et la défense. Or, la Commission européenne est amenée à engager des procédures contentieuses à l'égard de la France au motif qu'elle a inscrit dans sa loi des obligations en ces matières pour tous les opérateurs souhaitant devenir acteurs sur le marché français des télécommunications.

Par ailleurs, l'intérêt du service universel des télécommunications est d'autoriser la péréquation du financement du coût net des obligations par l'ensemble des acteurs intervenant sur le marché. Mais on sent bien de la part de la Commission européenne que si elle accepte volontiers de reconnaître que la fourniture du service universel a un coût, elle fait tout pour empêcher la mise à contribution des opérateurs en estimant que la fourniture du service universel est source d'avantages de la part de l'opérateur historique qui en a la charge et que ceux-ci couvrent ses coûts nets de service universel. En fait, elle approuve la création des fonds de service universel mais fait tout pour limiter leur abondement.

Cette logique est relayée en France par l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), qui d'année en année réduit telle une peau de chagrin le montant du fonds de service universel : ainsi le coût net de la péréquation géographique (qui finance la présence territoriale de France Télécom dans les zones déficitaires où les opérateurs privés ne souhaitent pas se rendre) est passé de 2,16 milliards de francs en 1998 à 1,55 milliard en 1999 et 1,44 milliard en 2000. En outre, la Commission européenne et l'ART entendent réduire ces sommes des avantages induits de la fourniture du service universel que l'ART estime à 550 millions de francs par an (sans aucunement prendre en compte les désavantages induits, comme le coût de gestion d'une réglementation spécifique contraignante).

LA POSTE

Il faut admettre qu'en matière postale la conception française du service public a été mieux défendue. A vrai dire, la pression libérale du marché est moins forte étant donné qu'il y a moins d'argent à gagner.

La directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 a défini un service universel qui est relativement substantiel. Je renvoie au rapport n° 2765 de M. François Brottes du 1er décembre 2000 sur la proposition de résolution portant sur la proposition de nouvelle directive postale pour l'analyse du service universel postal. A cette occasion, la commission de la production et des échanges a pu débattre de manière approfondie de la démarche de la Commission européenne en matière de service universel postal et du décalage existant entre les propositions de cette dernière et le contenu du service public français.

Grâce une nouvelle fois à une transposition maximaliste des possibilités offertes par la directive, la France a pu reconstituer son service public. Cependant, aucun décret d'application de l'article 19 de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui a réalisé la transposition, notamment celui fixant le cahier des charges de La Poste, n'a été publié. En droit pur, il n'existe donc plus à ce jour de définition du service public postal, mais seulement celle du service universel et des services réservés figurant aux articles L. 1er et L. 2 du code des P&T. Ce décret est attendu ; il permettra, une nouvelle fois, d'afficher l'ambition française en matière de service public.

Par ailleurs, il est intéressant de relever qu'en matière postale, la nécessité de mettre en place une autorité de régulation du marché indépendante ne se soit pas imposée. Les pouvoirs de régulation (délivrance des licences, contrôle du marché, fixation des prix du service universel) sont entièrement confiés au ministre chargé des postes, sans que cela soulève de protestations de la part des opérateurs. On est donc en droit d'espérer que le service universel postal ne sera pas vidé de sa substance par le marché, comme dans d'autres secteurs.

L'ÉNERGIE

Une des particularités majeures de la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité est l'emploi des mots « services publics » et la reconnaissance de la notion longtemps honnie qu'elle recouvre. En effet, le service public a longtemps été regardé par Bruxelles comme une sorte d'incongruité française et c'est l'action conjuguée de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, du Parlement européen (avec le rapport présenté en 1993 par M. Claude Desama) et des gouvernements français qui se sont succédé à la table des négociations, qui a permis d'infléchir la position ultra-libérale de la Commission.

Dès les considérants de l'exposé des motifs de la directive, il est indiqué que « dans le marché intérieur, les entreprises du secteur de l'électricité doivent pouvoir agir sans préjudice du respect des obligations de service public, dans la perspective d'un marché de l'électricité qui soit concurrentiel et compétitif ».

Ce principe trouve sa traduction dans l'article 3-2 dont la seule rédaction illustre l'intensité de la négociation, chaque mot et chaque signe de ponctuation ayant été soigneusement pesés : « les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l'électricité des obligations de service public, dans l'intérêt économique général, qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et les prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement. Ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables ; (...) Comme moyen pour réaliser les obligations de service public précitées, les États membres qui le souhaitent peuvent mettre en _uvre une planification à long terme. »

Preuve que la reconnaissance de l'existence d'« obligations de service public, dans l'intérêt économique général » n'était pas qu'un feu de paille bruxellois, la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel reprend quasiment mot pour mot l'article 3.2 de la directive « électricité ».

Dans ce contexte, il était donc plus facile de transposer la directive « électricité » dans un sens favorable au service public. Le titre même de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 : loi « relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité » (pour le gaz, l'intitulé du projet de loi est légèrement moins ambitieux : « projet de loi relatif à la modernisation du service public et au développement des entreprises gazières ») donne le ton. La loi porte d'abord sur le service public ; les mots « ouverture », « marché » et « concurrence » en sont absents.

Ce texte, à la genèse duquel votre rapporteur a la faiblesse de penser qu'il a apporté sa modeste contribution, est une intéressante combinaison entre la conception française du service public et la notion européenne des services d'intérêt généraux.

L'article premier, par exemple, rappelle que « le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Ce « balancement » n'a pas échappé à la doctrine juridique qui y a vu, à juste titre, une volonté affirmée de différencier les principes mêmes du service public et divers autres impératifs. Une disposition quasi-identique est reprise dans le projet de loi « gaz » (avant-dernier alinéa de l'article premier).

Il faut également souligner que la définition du service public de l'électricité et celle projetée du service public du gaz naturel incluent des considérations qui les éloignent sensiblement de la stricte notion européenne de service d'intérêt général, telles l'indépendance ou la maîtrise des choix technologiques d'avenir.

Au-delà du simple mais indispensable rappel des principes du service public dans l'article premier de la loi « électricité », il reste à savoir quelle est désormais leur portée réelle.

La disposition mettant en _uvre de la manière la plus évidente le principe d'égalité se retrouve dans l'article 4 de la loi qui prévoit que les tarifs applicables aux clients non éligibles « sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ; les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux. »

Cette formulation, certes un peu ardue, consacre en réalité la péréquation géographique des tarifs.

Pour les clients éligibles, seules les activités de transport et de distribution relèvent du service public. L'égalité d'accès aux réseaux est donc primordiale. Or, c'est « en creux » que cette égalité est mentionnée dans la loi, son article 23 prohibant les refus discriminatoires d'accès aux réseaux. L'usage des réseaux donne également lieu à égalité de traitement puisqu'il est soumis à tarification.

Mais le principe d'égalité a surtout trouvé dans la loi du 10 février 2000 un prolongement tel que l'on peut se demander s'il constitue une sorte d'aboutissement ultime de l'application de ce principe ou s'il ne s'agit pas d'un nouveau principe régissant le service public de l'électricité : le droit à l'électricité pour tous qui trouve sa traduction dans l'établissement de tarifs dits « sociaux » fondés sur la reconnaissance de l'électricité comme « produit de première nécessité ».

La continuité du service public se retrouve dans l'impératif de sécurité d'approvisionnement que cette notion soit comprise dans une perspective de court terme (bon fonctionnement des réseaux par l'équilibre des flux d'électricité produite et consommée) ou de plus long terme (programmation des investissements au regard de l'évolution de l'offre et de la demande et des contraintes liées à la protection de l'environnement et à l'aménagement du territoire).

Elle se retrouve également dans la mention du « développement et de l'exploitation des stockages souterrains » dans le projet de loi « gaz » parmi les missions de service public « d'approvisionnement et de développement national de la desserte en gaz naturel ».

La garantie du maintien temporaire de la fourniture d'électricité pour les personnes rencontrant des difficultés (disposition qui existe également pour le téléphone en application de la loi de réglementation des télécommunications) ainsi que l'obligation de fournir une électricité de secours pour les clients éligibles procèdent également du principe de continuité.

Quant à la mutabilité (ou adaptabilité) du service public, elle trouve sa traduction dans la contribution qu'il doit apporter, conformément à l'article premier de la loi, « à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre (...) et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir ». L'élaboration d'une programmation pluriannuelle des investissements de production et d'un plan annuel d'investissements par le gestionnaire du réseau de transport permettent également d'adapter, au nom du principe de rentabilité, les modalités de mise en _uvre des obligations de service public.

Enfin, le financement du service public de l'électricité est assuré par un système de compensation confortant la mission du fonds d'amortissement des charges d'électrification, modifiant le rôle du fonds de péréquation de l'électricité et créant un fonds du service public de la production d'électricité géré par la Caisse des dépôts et consignations. Un système analogue axé autour du fonds de péréquation du gaz est prévu pour le gaz naturel.

LES TRANSPORTS

Le secteur des transports présente une situation très contrastée quant à son degré de libéralisation.

Le processus d'ouverture progressive du marché du transport aérien s'est achevé depuis plus de dix ans tandis que les transports publics de personnes par voie ferroviaire ou par voie routière pour les transports urbains ou interurbains relèvent encore de la compétence de chaque Etat membre.

Le bilan de la libéralisation des transports aériens de voyageurs ne paraît pas trop défavorable au regard des obligations de service public.

En effet cette libéralisation a été progressive et a maintenu le droit pour les États membres d'imposer des obligations de service public lorsqu'ils considéraient que certaines liaisons aériennes étaient vitales pour le développement économique d'une région mal desservie par d'autres moyens de transport.

Ainsi, en France, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) a-t-il permis de prendre en charge la compensation financière demandée par le transporteur aérien pour l'exploitation d'une liaison aérienne pour laquelle des obligations de service public ont été définies (fréquence des vols, obligations tarifaires, etc) par la convention de délégation de service public.

Les exigences d'un développement équilibré du territoire et la nécessité d'assurer avec les départements d'outre-mer une véritable continuité territoriale n'ont pas été gravement entravées par les normes communautaires, même si les services de la Commission européenne surveillent très attentivement les procédures d'appel d'offres pour l'attribution des délégations de service public pour les liaisons aériennes non rentables dans le cadre d'un marché concurrentiel. La Commission apprécie notamment si le montant des compensations financières accordées par le FIATA et les collectivités locales sont proportionnées à l'étendue des obligations de service public imposées au transporteur.

Les critères d'éligibilité au FIATA étant très stricts, seuls six transporteurs exploitant 14 liaisons métropolitaines et deux autres compagnies pour sept liaisons outre-mer ont perçu des subventions du FIATA au cours de l'année 2000.

Même si des liaisons aériennes dépourvues d'intérêt commercial ont pu être maintenues pour satisfaire à des objectifs d'aménagement du territoire, il n'en demeure pas moins que les exigences du service public demeurent très marginales dans le transport aérien de voyageurs.

Jusqu'ici peu touchés par la dérégulation communautaire, les transports publics de voyageurs ferroviaires et routiers pourraient être prochainement menacés, la Commission européenne souhaitant développer la concurrence dans le domaine de la fourniture des transports publics et faire émerger un marché européen unique des transports publics, comme en témoigne la dernière proposition de règlement datant de juillet 2000 (COM 2000 [7] du 26/07/2000) relative à « l'action des Etats membres en matière d'exigences du service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs.

Partant du constat que onze des quinze Etats membres ont introduit à ce jour des éléments de concurrence dans l'organisation d'une partie de leur marché de transports publics la Commission souhaite harmoniser les conditions de la « concurrence régulée » définies par chaque Etat membre qui se traduisent le plus souvent par l'encadrement des procédures d'appels d'offres pour le renouvellement périodique de droits exclusifs plutôt que par une véritable libéralisation de l'accès au marché.

La Commission a, par exemple, pour objectif de faire du droit d'établissement une réalité dans le domaine des transports publics. Jusqu'à présent les opérateurs offrant des prestations de transports publics étaient quasi exclusivement des nationaux. En effet, les aides accordées par les autorités nationales aux opérateurs de transport pour compenser les sujétions créées par les obligations de services publics étaient réservées aux opérateurs nationaux, ce qui apparut contraire au principe du libre droit d'établissement pour un opérateur de transport étranger.

La Commission souhaite donc définir des critères juridiques pour définir dans quelle mesure les restrictions à l'accès au marché national sont justifiées par des contraintes de service public et si les droits exclusifs accordés aux opérateurs de transport sont proportionnés aux sujétions de service imposées aux fournisseurs de transports publics.

Cette proposition de règlement risque de restreindre encore la latitude d'action des États membres pour définir une politique de transports publics qui tienne compte des contraintes d'aménagement du territoire et qui puisse organiser une politique de tarifs différenciés selon le niveau de revenu des usagers. Cette proposition de règlement vise clairement à promouvoir l'émergence d'opérateurs multinationaux dans le secteur des transports publics de personnes alors que les collectivités locales par exemple sont très attachées à leur prérogatives pour organiser des services de transport public qui doivent continuer à rester des services de proximité.

En matière de transport ferroviaire, seule une forte mobilisation des autorités gouvernementales des pays membres a permis de tempérer le libéralisme de la Commission et du Parlement européen.

En effet, le 22 novembre 2000, les ministres des transports européens sont parvenus à un compromis avec le Parlement européen sur la libéralisation du fret ferroviaire pour retarder l'échéance de la libéralisation de l'ensemble du réseau et renoncer, au moins provisoirement, à la libéralisation du transport international de voyageurs.

Cette négociation s'inscrit dans le cadre dit du « paquet ferroviaire » qui est constitué de trois propositions de directives qui ont fait l'objet d'une position commune du Conseil, le 28 mars 2000, il s'agit :

- d'une proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement de chemins de fer communautaires ;

- d'une proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18/CE concernant les licences des entreprises ferroviaires ;

- d'une proposition de directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (remplaçant la directive 95/19 actuelle).

Elles comprennent des dispositions relatives à la séparation comptable des entreprises ferroviaires et des gestionnaires d'infrastructures, à l'indépendance des différents opérateurs, à l'octroi des licences, à la tarification pour l'utilisation des infrastructures et à l'accès aux sillons. Elles prévoient, notamment, la possibilité pour des entités autres que les entreprises ferroviaires de réserver des sillons.

Ces propositions faisant l'objet désormais, depuis le traité d'Amsterdam, d'une procédure de codécision, le Parlement européen a adopté des amendements en seconde lecture le 5 juillet 2000. Il s'écarte des positions du Conseil sur des points essentiels. Il demande notamment l'extension des droits d'accès à l'ensemble du réseau pour le fret au bout de cinq ans et pour le transport international de passagers en 2010, une tarification proche du coût complet à terme, l'élargissement du droit d'accès à d'autres entités que les entreprises ferroviaires, ainsi que la suppression des dérogations.

Les amendements du Parlement européen, modifiant la position de compromis du Conseil, vont dans le sens de la libéralisation complète du transport ferroviaire telle que souhaitée par la Commission dans ses propositions initiales, c'est-à-dire avant le compromis politique des ministres des transports européens.

Une telle libéralisation s'inscrit dans le processus général, adopté par la Commission et le Parlement européen, d'ouverture par étapes vers la concurrence totale de l'ensemble des activités en réseau.

Cependant, l'argument selon lequel il faudrait adopter pour le transport ferroviaire la même organisation interne et la même ouverture à la concurrence que pour les autres services en réseaux (télécommunications, gaz, électricité) ne paraît pas fondé en raison des spécificités fortes du système ferroviaire (mode de transport guidé où les liens entre infrastructure et mobile sont très étroits) et des objectifs de service public pour satisfaire les besoins des citoyens d'un « développement européen durable ».

Ce compromis, qui a nécessité de longues négociations, a abouti aux décisions suivantes :

Ministres et eurodéputés sont tombés d'accord sur une introduction progressive de la concurrence dans le secteur du transport de marchandises internationales (marchandises qui franchissent au moins une frontière). Pendant sept ans, seul un nombre limité de lignes, appelé « réseau transeuropéen de fret ferroviaire », sera accessible à des entreprises étrangères concurrentes. Après l'ensemble du réseau ferroviaire européen sera ouvert.

La France a fait une concession de taille en acceptant de libéraliser ses lignes secondaires, et pas uniquement ses principaux axes. En échange, le Parlement, qui réclamait la libéralisation totale du secteur dès 2005, a accepté un allongement de son calendrier. Il a renoncé à la libéralisation du cabotage (transport de marchandises à l'intérieur d'un même Etat), et, provisoirement, à celle du transport international de voyageurs. Il a accepté que des dérogations révisables périodiquement soient accordées à l'Irlande, à la Grèce et au Royaume-Uni pour ce qui concerne l'Irlande du Nord, au motif que ces régions insulaires n'ont pas de liaison ferroviaire directe avec les autres Etats membres, ainsi qu'au Luxembourg, en raison de la petite taille de son réseau.

Pour que le fret ferroviaire soit attractif financièrement, les protagonistes de cette séance de conciliation législative ont décidé de ne faire payer aux utilisateurs des infrastructures qu'un coût « marginal », et non un coût « total », qui permettrait d'amortir l'investissement initial. Toutefois, à la demande de l'Allemagne, l'accord prévoit que les pays qui le souhaitent pourront faire payer un coût « total », à condition que ce dernier n'excède pas le coût équivalent du transport par route.

L'Allemagne est concernée au premier chef par cette mesure : exploitation et infrastructures y sont regroupées sous une même holding. Si la Deutsche Bahn paye ses infrastructures à un prix très élevé, c'est la holding qui en profite. En revanche, ces tarifs dissuadent les concurrents de faire circuler des trains en Allemagne.

Même si cet accord retarde la libéralisation du fret ferroviaire, il n'en demeure pas moins que, dans l'esprit de la Commission, le secteur ferroviaire y compris pour le transport de voyageurs sera à terme touché par la dérégulation.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 6 décembre 2000, la commission de la production et des échanges a examiné la proposition de résolution sur la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe, adoptée le 23 novembre 2000 par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Après que M. Christian Bataille, rapporteur eut présenté les grandes lignes de son rapport, M. Claude Billard a rappelé que le Premier ministre a placé le renforcement du modèle social européen au c_ur des priorités de la présidence française de l'Union européenne.

Selon lui, il convient de s'inspirer de la diversité des expériences nationales et non de poursuivre dans la voie d'une Europe libérale, synonyme de démantèlement des services publics et d'assujettissement des entreprises nationales à la concurrence. De ce point de vue, on ne peut que regretter que le sommet de Lisbonne, qui a rappelé la nécessité d'un retour rapide au plein-emploi, ait également réaffirmé la volonté du Conseil d'accélérer le mouvement de libéralisation des services publics.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

Au quatrième alinéa, la commission a examiné en discussion commune un amendement du rapporteur, visant à rappeler l'attachement de la France aux principes d'égalité et de continuité du service public et un amendement de M. Claude Billard évoquant les mêmes principes en y ajoutant celui de mutabilité et rappelant l'existence de mécanismes de péréquation tarifaire. Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement faisant la synthèse de ces deux rédactions.

Après le quatrième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que la construction européenne ne saurait se fonder sur les seuls principes du libéralisme économique au détriment du service public.

Au cinquième alinéa, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Après le sixième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur, rappelant les différences fondamentales qui séparent les conceptions française du service public et européenne du service d'intérêt général, et un amendement de M. Claude Billard, soulignant que la Commission européenne n'apporte pas la preuve de la capacité du libéralisme à répondre à tous les besoins fondamentaux des citoyens et que sa communication ne présente aucune évaluation critique de l'application des directives sectorielles permettant de justifier la nécessité de poursuivre dans la voie de la libéralisation.

Puis la commission a adopté un amendement du rapporteur rappelant qu'en matière de services d'intérêt général, le principe de subsidiarité doit s'appliquer.

Au septième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur permettant de ne pas faire référence au concept imprécis de « plein contenu économique et social de la notion de citoyenneté dans l'Union européenne ».

Après le huitième alinéa, la commission a examiné un amendement de M. Claude Billard confiant à un cabinet spécialisé le soin de dresser le bilan de l'état des services publics en Europe. Après que M. Christian Bataille eut fait observer qu'une institution privée ne lui paraissait pas à même de porter une appréciation équilibrée sur cette question, la commission a adopté un sous-amendement du rapporteur supprimant la référence à l'intervention d'un cabinet d'expertise indépendant puis l'amendement ainsi modifié.

Aux dixième et onzième alinéas, la commission a adopté un amendement de rédaction globale du rapporteur, dressant la liste des principes fondateurs du service public et rappelant qu'elle inclut l'accès pour tous aux biens et services de première nécessité et la qualité de la prestation rendue.

Au douzième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur, rappelant que l'accomplissement des missions de service public suppose une dérogation au droit commun de la concurrence et des modalités de financement adaptées.

Après le douzième alinéa, la commission a adopté un amendement du rapporteur déplorant la multiplication d'autorités administratives indépendantes, dotées de pouvoirs de décision importants sans la contrepartie d'un contrôle démocratique.

Soulignant l'attachement du groupe communiste au contrôle démocratique des services publics, M. Claude Billard a ensuite présenté un amendement tendant à voir rappelé le rôle majeur des élus et des représentants des salariés pour permettre une gestion dynamique des services publics qui prenne en compte les besoins nouveaux qui émergent de la société. La commission a adopté cet amendement rectifié sur proposition du rapporteur.

Au treizième alinéa, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Puis la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

·

· ·

En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la communication de la Commission
sur les services d'intérêt général en Europe

(COM [00] 580 final / E 1560)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne relatif aux services d'intérêt économique général,

Considérant que les services publics sont un élément indispensable à la cohésion sociale et territoriale des Etats membres en fournissant des biens et services de qualité essentiels à tous les usagers dans le respect des principes d'égalité - se traduisant dans divers secteurs par l'application de péréquations géographiques tarifaires -, de continuité et de mutabilité ;

Considérant que la construction européenne a trop longtemps privilégié les principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens au détriment du service public ;

Considérant toutefois que, dès l'origine, la construction de l'Europe communautaire a admis, parallèlement à l'établissement d'un grand marché et à l'affirmation des principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens, l'existence de situations permettant à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général de déroger à ces principes ;

Considérant que le développement ultérieur de l'Union européenne a conduit les Etats membres à reconnaître, parmi les « valeurs communes de l'Union », les services d'intérêt général et « le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » ; que la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (COM [00] 580 final / E 1560), qui définit la doctrine actuelle de cette dernière sur le sujet, appelle, de ce fait, une attention particulière ;

Considérant que la notion de services d'intérêt général repose sur une philosophie fondée sur l'intérêt du consommateur et s'inscrit dans une analyse exclusivement économique ;

Considérant, en revanche, que la notion française de service public défend l'intérêt du citoyen et a, de ce fait, une dimension politique et sociale se traduisant, entre autres, par la prise en compte de l'intérêt national ;

Considérant que la Commission n'apporte pas la preuve que la généralisation du principe de libre concurrence dans les services publics permet de satisfaire efficacement les besoins et les droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens, notamment en matière de logement, d'éducation, de transports, de justice, de communication ou encore d'accès à l'énergie, à la culture ou à l'information et qu'il convient donc d'évaluer les effets et les résultats de l'application des directives sectorielles adoptées à ce jour ;

Considérant que la définition des services d'intérêt général, de leurs missions et de leurs modes de fonctionnement et de financement relève de la compétence des Etats membres et qu'en conséquence il est possible, comme l'ont montré notre loi de transposition de la directive 96/92 du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et l'adaptation du code des postes et télécommunications aux objectifs fixés par la directive postale 97/67/CE du 15 décembre 1997, d'organiser un secteur selon des modalités conformes à la conception française du service public ;

Considérant que le rôle des services d'intérêt général doit être envisagé de manière autonome par rapport à l'établissement du marché unique et de manière globale et non sectorielle ;

Considérant que la prise en compte effective des services d'intérêt général par l'ensemble des Etats membres de l'Union passe prioritairement par la reconnaissance, dans l'ordre juridique communautaire, d'obligations de service public dans différents domaines, au regard desquelles sont ensuite définies, sans exclusive et dans un esprit d'adaptation aux demandes des citoyens de l'Union, les modalités d'exécution des différents services d'intérêt général ;

1. Souhaite que soient effectués un bilan de l'application des directives sectorielles adoptées et une étude sur l'état des services publics en Europe, dont l'analyse ne reposerait pas uniquement sur les critères libéraux de profitabilité ou de rentabilité, mais intégrerait aussi les critères d'efficacité sociale ;

2. Souhaite l'élaboration, sur la base de l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne, d'un projet de directive fixant des règles générales applicables à l'ensemble des services d'intérêt général, et servant de cadre à l'établissement de directives sectorielles ;

3. Demande que le droit commun, ainsi constitué, des services d'intérêt général en Europe soit fondé sur les principes suivants : l'accès pour tous aux biens et services de première nécessité, l'égalité de traitement des usagers garantie par la péréquation tarifaire, la qualité des prestations, la continuité et l'adaptabilité aux besoins de la société ;

4. Considère que l'accomplissement des missions des services d'intérêt général implique que l'organisation de ces derniers déroge aux règles de la concurrence ; estime que le financement de ces missions requiert des modalités spécifiques telles que subventions et compensations ;

5. Déplore que l'adaptation des services publics aux règles communautaires s'accompagne d'un développement excessif d'autorités administratives indépendantes, chargées de la régulation des marchés, au détriment d'autorités politiques responsables devant le Parlement ;

6. Demande que l'exercice des missions de service public soit soumis à des règles de transparence et de démocratie, les élus et les représentants des salariés étant étroitement associés à la définition et au contrôle de l'accomplissement de ces missions ;

7. Demande au Gouvernement de prendre toutes initiatives utiles pour la réalisation des orientations ainsi définies.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de résolution
(n° 2752)

___

Conclusions de la Commission

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Article unique

Article unique

L'Assemblée nationale,

(Alinéa sans modification)

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(Alinéa sans modification)

Vu l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne relatif aux services d'intérêt économique général,

(Alinéa sans modification)

Considérant l'importance de l'existence de services publics performants, visant à favoriser une plus grande égalité sociale en fournissant un ensemble significatif de biens et de services à des conditions égales et éventuellement gratuites, quel que soit le lieu d'habitation et le niveau de revenu des citoyens ;

Considérant que les services publics sont un élément indispensable à la cohésion sociale et territoriale des Etats membres en fournissant des biens et services de qualité essentiels à tous les usagers dans le respect des principes d'égalité - se traduisant dans divers secteurs par l'application de péréquations géographiques tarifaires -, de continuité et de mutabilité ;

 

Considérant que la construction européenne a trop longtemps privilégié les principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens au détriment du service public ;

Considérant que, dès l'origine, la construction de l'Europe communautaire a admis, parallèlement à l'établissement d'un grand marché et à l'affirmation des principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens, l'existence de situations permettant à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général de déroger à ces principes ;

Considérant toutefois que,...

...principes ;

Considérant que le développement ultérieur de l'Union européenne a conduit les Etats membres à reconnaître, parmi les « valeurs communes de l'Union », les services d'intérêt général et « le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » ; que la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (COM [00] 580 final / E 1560), qui définit la doctrine actuelle de cette dernière sur le sujet, appelle, de ce fait, une attention particulière ;

(Alinéa sans modification)

 

Considérant que la notion de services d'intérêt général repose sur une philosophie fondée sur l'intérêt du consommateur et s'inscrit dans une analyse exclusivement économique ;

 

Considérant, en revanche, que la notion française de service public défend l'intérêt du citoyen et a, de ce fait, une dimension politique et sociale se traduisant, entre autres, par la prise en compte de l'intérêt national ;

 

Considérant que la Commission n'apporte pas la preuve que la généralisation du principe de libre concurrence dans les services publics permet de satisfaire efficacement les besoins et les droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens, notamment en matière de logement, d'éducation, de transports, de justice, de communication ou encore d'accès à l'énergie, à la culture ou à l'information et qu'il convient donc d'évaluer les effets et les résultats de l'application des directives sectorielles adoptées à ce jour ;

 

Considérant que la définition des services d'intérêt général, de leurs missions et de leurs modes de fonctionnement et de financement relève de la compétence des Etats membres et qu'en conséquence il est possible, comme l'ont montré notre loi de transposition de la directive 96/92 du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et l'adaptation du code des postes et télécommunications aux objectifs fixés par la directive postale 97/67/CE du 15 décembre 1997, d'organiser un secteur selon des modalités conformes à la conception française du service public ;

Considérant que le rôle assigné à ces services par l'article 16 doit être envisagé de manière globale et autonome par rapport à l'établissement du marché unique ; qu'il vise, en effet, à donner à la notion de citoyenneté dans l'Union européenne son plein contenu économique et social ; qu'il serait réducteur, et contraire à l'esprit du traité instituant la Communauté européenne, d'en concevoir la mise en _uvre selon une approche exclusivement sectorielle et seulement par référence, au cas par cas, aux défaillances alléguées du marché dans un domaine déterminé de services ;

Considérant que le rôle des services d'intérêt général doit être envisagé de manière autonome par rapport à l'établissement du marché unique et de manière globale et non sectorielle ;

Considérant que la prise en compte effective des services d'intérêt général par l'ensemble des Etats membres de l'Union passe prioritairement par la reconnaissance, dans l'ordre juridique communautaire, d'obligations de service public dans différents domaines, au regard desquelles sont ensuite définies, sans exclusive et dans un esprit d'adaptation aux demandes des citoyens de l'Union, les modalités d'exécution des différents services d'intérêt général ;

(Alinéa sans modification)

 

1. Souhaite que soient effectués un bilan de l'application des directives sectorielles adoptées et une étude sur l'état des services publics en Europe, dont l'analyse ne reposerait pas uniquement sur les critères libéraux de profitabilité ou de rentabilité, mais intégrerait aussi les critères d'efficacité sociale ;

1. Souhaite l'élaboration, sur la base de l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne, d'un projet de directive fixant des règles générales applicables à l'ensemble des services d'intérêt général, et servant de cadre à l'établissement de directives sectorielles ;

2. Souhaite...

...sectorielles ;

2. Demande que le droit commun, ainsi constitué, des services d'intérêt général en Europe soit fondé sur la définition d'obligations de service public permettant d'assurer à l'ensemble des habitants de l'Union européenne, quelles que soient leur position sociale et leur localisation géographique, le bénéfice de ces services dans des conditions conformes au principe d'égalité de traitement ;

3. Demande que le droit commun, ainsi constitué, des services d'intérêt général en Europe soit fondé sur les principes suivants : l'accès pour tous aux biens et services de première nécessité, l'égalité de traitement des usagers garantie par la péréquation tarifaire, la qualité des prestations, la continuité et l'adaptabilité aux besoins de la société ;

3. Souhaite que cette démarche privilégie la recherche des moyens concrets garantissant, dans le fonctionnement de ces services le respect de la liberté, de l'égalité continue des chances, de la justice sociale et de la responsabilité partagée ;

Alinéa supprimé.

4. Estime que la détermination des modalités d'accomplissement des services d'intérêt général doit se faire par référence étroite aux obligations de service public précédemment définies et doit fixer, en conséquence, les modalités des financements nécessaires à leur mise en _uvre (subventions, compensations, etc.) ;

4. Considère que l'accomplissement des missions des services d'intérêt général implique que l'organisation de ces derniers déroge aux règles de la concurrence ; estime que le financement de ces missions requiert des modalités spécifiques telles que subventions et compensations ;

 

5. Déplore que l'adaptation des services publics aux règles communautaires s'accompagne d'un développement excessif d'autorités administratives indépendantes, chargées de la régulation des marchés, au détriment d'autorités politiques responsables devant le Parlement ;

 

6. Demande que l'exercice des missions de service public soit soumis à des règles de transparence et de démocratie, les élus et les représentants des salariés étant étroitement associés à la définition et au contrôle de l'accomplissement de ces missions ;

5. Demande au Gouvernement de profiter de la présidence française pour prendre toutes initiatives utiles pour la réalisation des orientations ainsi définies.

7. Demande au Gouvernement de prendre toutes initiatives utiles pour la réalisation des orientations ainsi définies.

2786 - Rapport de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la délégation pour l'union européenne, sur la communication de la commission sur les services d'intérêt général en Europe (commission de la production)

()  L'article L. 35-1 du code des P&T incorpore les prestations suivantes dans le service universel :

- l'acheminement des communications téléphoniques entre les points d'abonnement,

- l'acheminement gratuit des appels d'urgence,

- la fourniture d'un service de renseignements,

- la fourniture d'un annuaire d'abonnés sous formes imprimée et électronique (ce qui garantit le maintien des annuaires papier et consacre l'utilité d'intérêt général de l'annuaire Minitel) : il ne s'agit pas de l'annuaire universel défini à l'article L. 35-4 mais France Télécom qui sera l'opérateur public chargé du service universel éditera un annuaire universel ;

- la desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le domaine public.

() En application de l'article L. 35-5 du code des P&T les missions obligatoires sont :

- l'accès au réseau numérique à intégration de services,

- la fourniture de liaisons louées,

- la fourniture de la commutation de données par paquets,

- l'offre de services avancés de téléphonie vocale,

- le service télex.

() L'article L. 35 du code des P&T range parmi les missions d'intérêt général les missions de défense et de sécurité publique, la recherche publique et l'enseignement supérieur.


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