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le 6 février 2001

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N° 2911

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er février 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LES PROPOSITIONS DE LOI :

1. (n° 2709) DE M. GÉRARD GOUZES ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS, relative au nom patronymique ;

2. (n° 132) DE Mme JANINE JAMBU ET LES MEMBRES DU GROUPE COMMUNISTE ET APPARENTÉS, relative au nom patronymique ;

3. (n° 1012) DE MME MARIE-JO ZIMMERMANN, relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir pour les enfants le nom du père ou celui de la mère,

PAR M. GÉRARD GOUZES,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Etat civil.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léo Andy, M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Jean-Claude Decagny, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Louis Mermaz, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Vincent Peillon, M. Dominique Perben, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LA TRANSMISSION DU NOM : LE MODÈLE DE LA FAMILLE LÉGITIME ET DE LA PRÉÉMINENCE PATERNELLE 6

1. La filiation légitime 6

2. La filiation naturelle 7

3. L'adoption 8

4. Le changement de patronyme 8

II. - UNE LÉGISLATION CONTESTÉE 11

1. L'appauvrissement onomastique 11

2. Le principe juridique d'égalité 13

a) Les normes françaises 13

b) Les normes internationales 13

3. Le refus des discriminations 16

a) Selon les modes de filiation 17

b) Entre les femmes et les hommes 18

III. - LES VOIES DE LA RÉFORME 19

1. Les différentes solutions possibles 19

2. Les propositions de la Commission 22

a) La discussion générale 22

b) Les conclusions 24

-  Article 1er (art. 57 du code civil) : Détermination du nom et inscription dans l'acte de naissance 24

-  Article 2 (art. 333-5 du code civil) : Effets sur le nom d'une légitimation par autorité de justice 25

-  Articles 3 à 5 (art. 334-1, 334-2 et 334-5 du code civil) : Filiation naturelle et détermination du nom 26

-  Articles 6 et 7 (art. 357 et 363 du code civil) : Effets sur le nom de l'adoption 27

-  Article 8 (art. 1er de la loi du 2 juillet 1923) : Relèvement du nom des morts pour la France 28

-  Après l'article 8 29

-  Articles 9 à 11 (art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985) : Dispositions de coordination et mesures transitoires 30

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 31

TABLEAU COMPARATIF 35

ANNEXE 1 : PROPOSITIONS DE LOI EXAMINÉES PAR LA COMMISSION 41

ANNEXE 2 : LA TRANSMISSION DU NOM PATRONYMIQUE À L'ENFANT DANS ONZE ÉTATS EUROPÉENS 45

MESDAMES, MESSIEURS,

Elle s'appelle Dubois. Lui Martin. Leurs enfants s'appellent Martin. Et pourquoi pas Dubois ? Ou Martin-Dubois ? Ou Dubois-Martin ?

En France, il en est ainsi : la plupart des enfants prennent, à la naissance, le nom de leur père. C'est un principe coutumier, confirmé par les tribunaux et indirectement consacré par le code civil. Il est enraciné dans l'histoire de notre pays et contient une charge symbolique importante, car le nom est un élément d'identification de l'individu dans la société, un lien avec sa famille, son histoire, ses racines. Ce principe repose aussi sur un modèle : celui de la famille, légitime et indissoluble, fondée sur le mariage et placée sous l'autorité du mari.

Or, cette règle est aujourd'hui dépassée, inadaptée et contestée. Dépassée par le droit, les principes constitutionnels de notre pays, ainsi que ses engagements internationaux, récusant les discriminations fondées sur le sexe. Inadaptée, en raison de la diversification des histoires familiales. Contestée sur le plan des principes, au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes. Une réforme s'impose. En reprenant les termes utilisés par un spécialiste de la question, on peut même affirmer que : « L'appel au législateur est ici un véritable S.O.S. » (1).

C'est pourquoi, faisant usage de la faculté qui lui est offerte par l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, le groupe socialiste a demandé l'inscription, en séance publique, de la proposition de loi n° 2709 relative au nom patronymique, présentée, le 15 novembre 2000, par le rapporteur. Le présent rapport porte, de façon conjointe, sur les propositions de loi nos 132 et 1012, qui traitent du même sujet et ont été présentées, respectivement, par Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés, le 13 août 1997, et par Mme Marie-Jo Zimmermann, le 24 juin 1998.

En s'inspirant de ces différentes propositions, ainsi que des expériences étrangères, le rapporteur est arrivé à la conclusion que la nouvelle législation doit reposer sur les principes suivants : liberté de choix pour les parents ; égalité entre les sexes ; non-discrimination selon les modes de filiation. Les enfants doivent pouvoir prendre soit le nom de leur père, soit celui de leur mère, soit leurs deux noms accolés.

I. - LA TRANSMISSION DU NOM : LE MODÈLE DE LA FAMILLE LÉGITIME ET DE LA PRÉÉMINENCE PATERNELLE

De par ses dimensions identitaires, sociales et juridiques, le nom patronymique est une institution à plusieurs facettes qui semble rétive au changement. Le principe de son immutabilité, qui s'est imposé progressivement entre les XVIe et XVIIIe siècles, a d'ailleurs été consacré, de façon définitive, par une loi du 6 Fructidor An II. En 1870, l'apparition du livret de famille a figé l'orthographe des patronymes, encore fluctuante jusqu'alors. Ceux qui modifient ou prennent un autre nom que celui qui leur est assigné par l'état civil s'exposent même à des sanctions pénales (articles 433-19 et 433-22 du code pénal).

Corrélativement, les procédures de changement de nom ont été strictement encadrées. La loi du 11 Germinal An XI, qui régnait sur la matière il y a peu de temps encore, n'envisageait ces exceptions que de façon étroite. Les quelques textes ultérieurement adoptés, y compris la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 qui l'a pourtant abrogée, lui ont simplement apporté des assouplissements.

Or, cette « sanctuarisation » des noms de famille s'est opérée alors que la structure familiale traditionnelle détenait encore le monopole de la reconnaissance sociale. Dès lors, il n'est pas étonnant que les règles de transmission du patronyme soient aussi le reflet d'une époque : elles sont fondées sur le modèle de la filiation légitime et de la prééminence du père.

1. La filiation légitime

Contrairement à une idée répandue, le changement d'état qui résulte du mariage ne fait pas acquérir à la femme le nom de son mari : elle ne dispose sur celui-ci que d'un droit d'usage, optionnel, pour les actes de la vie civile ou commerciale ; ce droit peut d'ailleurs être remis en cause en cas de divorce (2). Elle conserve son nom, mais ne peut le transmettre. Les enfants du couple légitime prennent, en effet, le nom de leur père, dont la paternité est présumée, conformément à l'article 312 du code civil, qui dispose que : « L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ».

Le principe de la transmission du nom de famille du père à l'enfant n'apparaît pas dans le code civil : son article 57, qui énonce les mentions portées sur l'acte de naissance d'un enfant, ne fait d'ailleurs état que de ses prénoms. La règle est d'origine coutumière, mais la réponse des tribunaux a toujours été formelle et constante. La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux a d'ailleurs implicitement confirmé ce principe, en autorisant l'enfant légitime à prendre, à des fins d'usage, le nom de sa mère (voir infra).

L'enfant légitimé, quant à lui, se voit conférer, aux termes de l'article 332-1 du code civil : « les droits et les devoirs de l'enfant légitime ». Dès lors, que sa légitimation s'opère par mariage ou par décision de justice à la requête des deux parents, il prend également le nom du mari ou du père. Toutefois, depuis la loi du 8 janvier 1993 précitée, la légitimation ne peut avoir pour effet de modifier le patronyme d'un enfant majeur sans son consentement.

2. La filiation naturelle

La solution qui prévaut dans le modèle de la famille légitime s'applique également à l'enfant naturel dont la filiation est établie simultanément à l'égard de ses deux parents : il prend le nom de son père.

Lorsque cette reconnaissance n'est pas simultanée, une autre règle s'impose : l'enfant prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu (article 334-1 du code civil).

Toutefois, le législateur a apporté à ces principes trois assouplissements, qui vont dans le sens d'une réaffirmation de la prééminence paternelle.

· L'article 334-2 du code civil permet de substituer le nom du père de l'enfant naturel à celui de sa mère, quand bien même la filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard de celui-ci. Cette substitution doit être demandée, durant la minorité de l'enfant, par ses deux parents, devant le greffier en chef du tribunal de grande instance. Elle est de droit, sous réserve que l'enfant y consente s'il a plus de treize ans.

· L'article 334-3 permet, à défaut de déclaration conjointe, de substituer le nom d'un des parents naturels à celui de l'autre par la voie judiciaire. Le législateur songeait davantage à la substitution du nom du père à celui de la mère, bien que certains magistrats aient usé de cette disposition en sens inverse. Le changement doit être demandé au juge aux affaires familiales, pendant la minorité de l'enfant. Il peut également être sollicité dans les deux années qui suivent sa majorité ou une modification de son état. Le juge prend en considération les intérêts en présence (notamment ceux de l'enfant) et rend sa décision de façon souveraine.

En application de l'article 334-4 du code civil, la substitution s'étend de plein droit aux enfants mineurs de l'intéressé ; elle ne s'étend aux enfants majeurs qu'avec leur consentement.

· L'article 334-5, enfin, introduit un dernier cas de substitution, dit de « la dation de nom ». Il permet, en l'absence de filiation paternelle établie, de conférer à un enfant naturel le nom du mari de sa mère, à partir d'une déclaration conjointe des deux époux. Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement est requis. En toute hypothèse, il pourra demander à reprendre le nom qu'il portait antérieurement par une demande adressée au juge aux affaires familiales dans les deux années suivant sa majorité.

3. L'adoption

Les enfants adoptifs prennent le nom de l'adoptant, soit par substitution, soit par adjonction.

· L'adoption plénière, en effet, qui entraîne rupture des liens familiaux d'origine et substitution de filiation, confère à l'enfant le nom de l'adoptant. La prééminence masculine est ici également présente : en cas d'adoption par deux époux, l'enfant prend le nom du mari (article 357, alinéa 1er, du code civil). En outre, si l'adoptant est une femme mariée et que son mari y consent, le tribunal peut conférer à l'adopté le nom de ce dernier.

· L'adoption simple, qui laisse subsister les liens familiaux d'origine, entraîne adjonction du nom de l'adoptant à celui de l'adopté (article 363, alinéa 1er). Toutefois, le tribunal peut décider, y compris postérieurement à l'adoption, que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant, à la demande de ce dernier ; si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire (alinéa 2).

4. Le changement de patronyme

La force de ces règles est tempérée par des principes, consacrés par la loi ou la jurisprudence, qui permettent d'envisager, de façon plus souple depuis la loi du 8 janvier 1993, un changement de nom. Toutefois, ces procédures, qui sont présentées ci-après, ne sont pas destinées, sauf exception, à rétablir un matronyme.

· La première cause de modification du nom d'un enfant peut être un changement, apparent ou réel, de son état (par jugement rendu sur réclamation ou contestation d'un état, légitimation, mariage ou adoption), en raison même de la liaison entre le nom et la filiation. Toutefois, comme on l'a vu, depuis la loi du 8 janvier 1993, l'établissement ou la modification du lien de filiation n'entraîne de changement du nom des enfants majeurs, voire, dans certains cas, des enfants mineurs âgés de plus de treize ans, qu'avec leur consentement.

· La loi du 2 juillet 1923 a autorisé le relèvement du nom des citoyens morts pour la France : à la différence du changement de nom et de la « francisation » (voir infra), le relèvement est de droit. La mise en _uvre de cette procédure particulière peut être réclamée par les descendants, dans l'ordre légal et jusqu'au sixième degré, de la personne qui a sacrifié sa vie pour son pays. Encore faut-il que celle-ci soit un homme ou, plus précisément, pour reprendre les termes de la loi : « le dernier représentant mâle d'une famille dans l'ordre de la descendance ». La personne autorisée à relever le nom d'une victime de la guerre l'ajoute, et non le substitue, à son patronyme originaire ; cette modification bénéficie à ses enfants, sous réserve de leur consentement s'ils sont âgés de plus de treize ans.

· Toute personne qui acquiert ou recouvre la nationalité française peut demander la francisation de son nom, en application de l'article 1er modifié de la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 (3). La francisation peut être sollicitée lors de la demande ou de la déclaration de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, ou dans un délai d'un an. Le consentement des mineurs de plus de treize ans, ainsi que l'autorisation des titulaires de l'autorité parentale, sont nécessaires.

· L'article 61 du code civil prévoit que : « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...) ». Ce changement est autorisé par décret (et non plus par décret en Conseil d'Etat depuis la loi du 8 janvier 1993 précitée). Les tiers qui ont intérêt à s'y opposer peuvent former opposition dans un délai de deux mois (au lieu d'un an précédemment) à partir du jour de la publication du décret au Journal officiel (articles 61 à 61-4 du code civil).

L'article 61 du code civil peut être invoqué pour éviter l'extinction du nom d'un ascendant ou d'un collatéral jusqu'au quatrième degré, mais il ne s'agit que d'un exemple non limitatif : la matière ne se prête guère à une énumération et le Conseil d'Etat n'a pas manqué d'élaborer une véritable jurisprudence pour cerner ce que recouvre un « intérêt légitime » (ou « quelque raison de changer de nom » dans la loi du 11 Germinal An XI).

En fait, les demandes sont d'abord motivées par une volonté d'abandonner un nom d'origine ou à consonance étrangère (40% des demandes, bien que la procédure de francisation soit plus souple), grotesque ou ridicule (un tiers des demandes).

Il peut aussi s'agir de prendre comme nom un pseudonyme sous lequel on a acquis une certaine réputation.

On observera, toutefois, et pour le regretter, que, jusqu'à présent, malgré certains signes envoyés par le législateur, en particulier à travers le vote de l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 présenté ci-après, les demandes tendant à se voir attribuer le nom du parent qui n'a pas transmis le sien (celui de la mère le plus souvent) sont encore insuffisamment prises en compte.

En toute hypothèse, le changement de nom s'étend aux enfants du bénéficiaire, sous réserve de leur consentement s'ils ont plus de treize ans ; les enfants majeurs sont tenus de se joindre à la requête.

· L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs prévoit, enfin, que : « Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en _uvre par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale » (4).

Cette première tentative de rétablissement du matronyme n'a cependant fait que retarder le débat, puisque le nom d'usage, s'il peut être porté sur les documents administratifs (passeport ou carte d'identité), ne donne lieu à aucune mention sur les registres de l'état civil et sur le livret de famille ; il ne se transmet pas aux enfants.

Dans l'ensemble, ces règles reposent donc largement sur le mode d'établissement de la filiation propre à chaque famille. Mais le modèle de la famille légitime est omniprésent et, le plus souvent, le nom du père efface celui de la mère.

II. - UNE LÉGISLATION CONTESTÉE

Les règles précitées de transmission du nom patronymique ne sont plus adaptées. Elles sont à l'origine d'un appauvrissement du patrimoine onomastique. Surtout, elles apparaissent aujourd'hui en profond décalage avec l'évolution du droit et des m_urs.

1. L'appauvrissement onomastique

L'origine des noms de famille se confond avec l'histoire de notre pays. Du Ve siècle au Moyen Âge, les habitants du territoire qui est devenu la France portaient un seul nom de baptême, non héréditaire, et les homonymes étaient fréquents. Du Xe au XIIe siècles, l'ajout d'un surnom à ce nom de baptême s'est généralisé. Par la suite, ces surnoms se sont transmis entre les générations, avant que le principe de l'immutabilité, puis l'apparition du livret de famille, n'aboutissent à figer, comme on l'a vu, et leur forme et leur orthographe (5).

Aujourd'hui, ces noms de famille sont une richesse de notre patrimoine. Pour les spécialistes : « Ils renseignent sur l'histoire des hommes, sur leurs origines géographiques et sociales, sur leurs particularismes linguistiques ou religieux, si bien que la diversité des patronymes reflète bien celle de la France. Les patronymes révèlent également l'ampleur et la direction des migrations » (6).

Une étude publiée en 1997 concluait, avec de nombreuses réserves statistiques et méthodologiques, à un nombre de patronymes réellement différents compris entre 300 000 et 400 000 avant la première guerre mondiale, et entre 450 000 et 550 000 avant la seconde. Il serait pratiquement deux fois plus élevé (750 000) sur l'ensemble de la période considérée en intégrant tous les patronymes recensés au moins une fois (7). Aujourd'hui, selon les sources et les critères retenus, les estimations sont comprises entre 150 000 et 800 000.

Pourtant, le risque d'un appauvrissement de ce patrimoine, en raison du caractère non transmissible du nom des femmes, a été longuement évoqué au cours des débats qui ont précédé le vote de la loi du 8 janvier 1993. M. Jean-Louis Masson a calculé que, dans deux siècles, plus de 200 000 des noms actuels auront disparu ; parallèlement, le nombre des homonymes serait multiplié par dix (8). Dès lors, selon M. Xavier Deniau : « Un jour, tous les Français s'appelleront Martin » (9).

Mme Marie-Jo Zimmermann a également pris ce danger en considération dans la présentation de sa proposition de loi n° 1012 relative à la transmission du nom de famille. Elle concluait, fort logiquement, de la façon suivante : « Si les femmes pouvaient transmettre leur nom à leurs enfants, seuls disparaîtraient les noms des célibataires ».

Sans doute le législateur s'est-il déjà soucié de ce problème : l'article 61 du code civil dispose, comme on l'a vu, depuis la loi du 8 janvier 1993, que parmi les intérêts légitimes pouvant fonder une demande de changement de nom, figure, notamment, le souci « d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré ». Mais cette procédure reste complexe à mettre en _uvre et la jurisprudence est plutôt restrictive. Quant au nom d'usage, institué en 1985, il n'a pas apporté de réponse au problème posé, dans la mesure où il n'est pas transmissible aux enfants.

Sans doute, aussi, la thèse de l'appauvrissement onomastique est-elle controversée. Certains chercheurs ont démontré que, si près d'un tiers des noms de famille relevés entre 1891 et 1915 ne se retrouvent plus entre 1916 et 1940, cette disparition est largement compensée par un apport très important de nouveaux patronymes : lorsque 100 patronymes disparaissent, il en surgit 177 totalement nouveaux (10). C'est pourquoi, dans son Atlas des noms de famille en France, M. Laurent Fordant considérait que : « Contrairement à une idée répandue, la plupart d'entre nous porte un nom rare et la variété de noms de famille est trop grande pour que les noms les plus portés deviennent massivement les plus présents » (11). Toutefois, ces auteurs ne contestent pas un certain appauvrissement du « stock originel » et une disparition plus rapide des patronymes les moins fréquents.

En toute hypothèse, qu'il s'agisse de mettre fin à une évolution d'ensemble négative ou, plus modestement, de préserver les patronymes les plus rares, il est certain que la transmissibilité du nom de la mère enrichirait le patrimoine onomastique de notre pays.

2. Le principe juridique d'égalité

Sur le plan juridique, la règle prévoyant la transmission du nom du père à l'enfant, du moins pour les couples légitimes, apparaît en contradiction avec les normes constitutionnelles de notre pays et ses engagements internationaux.

a) Les normes françaises

La Constitution française reconnaît le principe d'égalité des sexes, certes non dans le corps même de la loi fondamentale (12), mais à travers la référence, présente dans son préambule, à la déclaration de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946, qui font partie du bloc de constitutionnalité, comme le Conseil constitutionnel l'a affirmé, pour la première fois, dans sa décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association.

En effet, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame, dans son article premier, que : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Les hommes... c'est-à-dire les hommes et les femmes.

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose que : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

De fait, on rappellera que, dans sa décision n° 82-146 du 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel a considéré que, en ce qui concerne la qualité de citoyen et, partant, le droit de vote et d'éligibilité, aucune distinction ne peut être fondée sur le sexe (13). Ce raisonnement peut sans doute être appliqué à toute disposition législative établissant une discrimination entre les sexes, à moins qu'un principe d'intérêt général au moins aussi fort que celui de l'égalité des femmes et des hommes puisse être invoqué. Un tel intérêt n'apparaît pas de façon évidente en ce qui concerne la prééminence du nom du père sur celui de la mère.

De surcroît, cette prééminence est également contraire aux engagements internationaux de notre pays.

b) Les normes internationales

L'application du principe d'égalité à la transmission du nom patronymique a été proclamée tant dans le cadre des Nations Unies que du Conseil de l'Europe.

· Le droit au nom, de façon générale, en tant qu'élément fondamental de l'identité de toute personne, a été consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : « Tout enfant doit être enregistré immédiatement après sa naissance et avoir un nom » (article 24-2). Ce principe a été repris par la Convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, qui dispose que : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom (...) » (article 7-1) ; les Etats parties s'engagent également « à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales (...) » (article 8-1).

Dans l'intervalle, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 a indiqué, dans son article 16-1-g, que : « Les Etats parties assurent, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, (...) les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille (...) ». Il est vrai que le Gouvernement français avait alors émis une réserve sur l'application à notre pays de cette disposition.

· Le Conseil de l'Europe a été un cadre plus prolixe encore à propos de l'égalité entre femmes et hommes pour la transmission du nom.

-  Dès 1978, le Comité des ministres a adopté une résolution demandant aux gouvernements des Etats membres « d'assurer ou de promouvoir l'égalité des époux en droit civil » et, partant, « de considérer la possibilité de prendre les mesures nécessaires afin d'accorder aux deux époux des droits égaux en ce qui concerne l'attribution du nom de famille aux enfants » (14). En 1985, il recommandait, de nouveau, la mise en _uvre de mesures destinées à renforcer la protection juridique contre la discrimination fondée sur le sexe, y compris en matière de régime juridique du nom (15).

-  L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également pris une position très claire sur la question dans une recommandation adoptée en 1985 : « L'Assemblée rappelle que le nom est un élément qui caractérise l'identité des personnes et dont le choix revêt à ce titre une importance considérable. La perpétuation de discriminations entre les hommes et les femmes dans ce domaine est donc inacceptable ». La législation française ne pouvait qu'être implicitement visée par l'évocation de systèmes juridiques « reposant sur des critères souvent doublement discriminatoires, entre le père et la mère et selon que l'enfant est légitime ou naturel ». Dans ces conditions : « Il convient qu'un effort déterminé conduise rapidement les Etats membres du Conseil de l'Europe à aligner leur législation en conformité avec les grands principes d'égalité » (16).

-  La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ne contient pas, quant à elle, de disposition explicite en matière de nom. Pourtant, la Cour européenne de Strasbourg a considéré, dans un arrêt Burghartz c/ Suisse du 22 février 1994, qu'il était possible de se fonder sur ses dispositions pour condamner les discriminations fondées sur le sexe en matière de transmission du patronyme.

En effet, le nom d'une personne se rattache à la vie privée et familiale : « En tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille le nom d'une personne n'en concerne pas moins la vie privée et familiale de celle-ci ». Or, si le nom fait partie des droits reconnus par l'article 8 de la Convention, une discrimination fondée sur le sexe devient incompatible avec son article 14, qui dispose que : « La jouissance des droits et libertés reconnue par la Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe (...) ». Et la Cour européenne d'ajouter que : « La progression vers l'égalité des sexes est aujourd'hui un but important des Etats membres du Conseil de l'Europe ; partant seules des considérations très fortes peuvent amener à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement fondée exclusivement sur le sexe ».

Dans l'affaire sur laquelle la Cour était appelée à se prononcer, les requérants, Suzanne Burghartz et Albert Schnyder, de nationalité suisse, demandaient à prendre comme nom de famille celui de l'épouse, le mari souhaitant, par ailleurs, le faire précéder de son propre nom. Cette solution avait été jugée conforme aux règles du droit civil allemand, Etat dont Suzanne Burghartz possédait également la nationalité et où son mariage avait été célébré. Après un premier refus, le Tribunal fédéral suisse accepta, en 1989, que le couple prenne, comme nom de famille, le nom de jeune fille de l'épouse ; en revanche, il s'opposa à ce que l'époux le fasse précéder de son ancien nom, ce que sa femme aurait pourtant pu faire en sens inverse. Le Gouvernement helvétique invoquait, en particulier, le souci de maintenir l'unité de la famille. Mais cet argument ne fut pas jugé suffisant : « Il ne convainc pas la Cour, car l'adjonction pour le mari de son patronyme au nom commun, emprunté à sa femme, ne refléterait pas l'unité de la famille à un degré moindre que la solution inverse, admise par le code civil ». La pratique du nom composé d'usage, à laquelle M. Albert Schnyder était renvoyé par les autorités suisses, ne fut pas jugée suffisante pour effacer la discrimination, car elle ne confère pas un nom de famille légal qui puisse figurer dans les documents officiels d'une personne (17).

Cette décision signifie que le respect de la Convention européenne des droits de l'homme suppose l'égalité des sexes en matière de transmission du nom de famille. La possibilité de prendre un nom d'usage ne suffit pas pour satisfaire cette exigence. Par extension, on peut considérer que la prééminence paternelle, pour le nom de l'enfant, n'est pas conforme à la Convention. C'est en tout cas la conclusion à laquelle arrivait M. Roger Pinto, professeur à Paris I, dans un article de doctrine publié par La Gazette du Palais en septembre 1994 : « L'état actuel de notre droit, qui maintient la suprématie du nom de famille du mari, contraire à la Convention européenne (...), est devenue caduque » (18).

De même, selon M. Gilles Goubeaux, professeur à Nancy 2 : « Le droit français qui, bien plus encore que le droit suisse, comporte des dispositions discriminatoires « sexistes » est entièrement en porte à faux. Le respect par la France de ses engagements internationaux implique de profondes modifications du système d'attribution du nom et ceci non pas dans quelques temps, prochainement ou bientôt : c'est dès maintenant » (19). Et l'auteur de se demander si, en toute hypothèse, la question n'est pas déjà tranchée : « Aujourd'hui, les services de l'état civil ne doivent pas refuser d'inscrire un enfant légitime sous le nom de la mère ou sous le double nom du père et de la mère. Sans attendre une loi ni même une circulaire ministérielle, les parquets, qui ont en charge le contrôle de l'état civil, devraient donner des instructions en ce sens » (20).

Cela étant, la mise en place de solutions satisfaisantes suppose des mesures législatives. Elles sont d'autant plus urgentes qu'il s'agit aussi de faire coïncider l'état du droit avec celui de la société.

3. Le refus des discriminations

Au-delà des arguments juridiques, il apparaît, en effet, que la double discrimination qui résulte de nos principes de transmission du nom patronymique, selon les modes de filiation et le sexe des parents, est de moins en moins bien acceptée.

a) Selon les modes de filiation

L'affaiblissement du modèle de la famille traditionnelle, en raison du nombre croissant de couples non mariés ou divorcés, rend plus obsolète encore la prééminence paternelle en matière d'attribution du nom de famille.

· En effet, le fait que les règles ne soient pas les mêmes, selon que les enfants sont légitimes ou naturels, peut choquer non seulement l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, comme on l'a vu, mais aussi de nombreux parents. Les couples mariés désireux de transmettre le nom de l'épouse à leurs enfants peuvent s'étonner que seuls les parents d'enfants naturels aient cette possibilité. M. Jean-Louis Masson s'était d'ailleurs déjà étonné de cette situation, sous la précédente législature, dans une question écrite : « Si le père [d'un enfant naturel] décide de transmettre son nom, il suffit qu'il reconnaisse l'enfant en premier, si c'est la mère, il suffit qu'elle le fasse en premier. Il y a donc ici une véritable liberté de choix et d'appréciation » (21).

Les enfants légitimes ne bénéficient pas non plus des mêmes facilités pour changer de nom que les enfants naturels : le rapporteur a déjà indiqué que l'article 334-3 du code civil a pu être utilisé pour permettre à un enfant de prendre le nom de sa mère, par substitution à celui de son père naturel qui s'était désintéressé de lui. L'enfant légitime, lui, ne peut qu'ajouter à titre d'usage le nom de sa mère au nom transmis par son père.

On observera, au demeurant, que ces quelques exemples ne sont pas exclusifs d'autres différences de traitement, en particulier entre les enfants naturels et ceux qui font l'objet d'une adoption simple (22).

· Par ailleurs, le nombre croissant de divorces (moins de 45 000 en 1972, 120 000 en 1996, selon les statistiques du ministère de la justice) a pour effet de multiplier les cas d'enfants qui ne portent pas le même nom que le parent avec lequel ils vivent. L'intérêt de l'enfant, qui préside déjà aux décisions rendues par le juge aux affaires familiales en matière de changement de nom ou de prénoms, ne voudrait-il pas qu'ils puissent aussi porter le nom de leur mère ? On peut le penser.

Cela étant, ces tendances centrifuges qui pèsent sur le système d'attribution du nom ne sont rien à côté de la pression exercée par la revendication de changement affirmée au nom de l'égalité des sexes.

b) Entre les femmes et les hommes

Depuis plusieurs décennies et, en particulier, sous la onzième législature, le législateur, répondant aux aspirations de la société elle-même, efface progressivement, en droit, les fondements de l'exclusion des femmes.

-  Exclusion de la vie politique. Plus de cinquante ans après la conquête du droit de vote, qui ne remonte pourtant qu'à 1945, les femmes devraient parvenir à surmonter les obstacles qui s'opposaient encore à leur participation effective à la vie politique française, grâce à la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes et, consécutivement, à la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

-  Exclusion de la vie professionnelle. L'actuelle majorité a également souhaité que la législation progresse dans ce domaine : la proposition de loi n° 2132 relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes présentée, le 2 février 2000, par Mme Catherine Génisson, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés, devrait, très prochainement, être définitivement adoptée par le Parlement.

-  Exclusion des droits civils. Le législateur est successivement revenu sur le devoir d'obéissance de la femme à l'égard de son mari, avant de lui permettre d'exercer librement une activité professionnelle, puis de confier aux époux, conjointement, le choix du domicile conjugal, l'exercice de l'autorité parentale, la gestion des biens de leurs enfants mineurs...

En droit civil, pourtant, ce travail n'est pas achevé puisque la prééminence paternelle pour la transmission du nom est restée en l'état. C'est d'ailleurs ce que constatait M. Gilles Goubeaux, professeur à l'université de Nancy 2, auquel le rapporteur s'est déjà référé, dans un livre consacré au « Droit de l'enfant et de la famille » : « Imposer, le plus souvent, le nom du père et effacer le nom de la mère est maintenir une hiérarchie périmée. Cette discrimination était déjà choquante il y a vingt-cinq ans. Mais elle n'en était qu'un cas parmi bien d'autres. Depuis lors, l'un après l'autre, tous les bastions de la supériorité maritale ou paternelle ont été emportés. De l'autorité parentale aux régimes matrimoniaux, partout règne l'égalité parfaite. Dans le droit de la famille, tous les textes discriminatoires ont été traqués, tout ce qui pouvait avoir une connotation inégalitaire a été soigneusement neutralisé... Partout, sauf en ce qui concerne le nom ; et cette position est devenue intenable » (23).

De fait, la prééminence du nom du père apparaît comme une forme moderne de loi salique. Apparue durant l'époque mérovingienne, la loi salique excluait les femmes, dans son article 59, du partage des terres intervenant à la mort du propriétaire : « Aucune terre ne pourra être dévolue en héritage à une femme, toute la terre appartiendra aux héritiers de sexe viril ». Puis, appliquée aux conditions de succession à la tête du royaume de France, elle devint un des fondements de la monarchie française. Mais elle fut aussi reprise, dès octobre 1789, par les révolutionnaires, et inscrite dans la Constitution de 1791 sous la forme suivante : « La Royauté est indivisible, et déléguée héréditairement à la race régnante de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance » (24).

Exclues de l'héritage, de la succession, et même de la mémoire des hommes, leur nom ayant vocation à disparaître avec elles...

C'est donc un nouveau symbole auquel le législateur doit désormais s'attaquer : la loi doit permettre, contre la coutume, la transmission du nom de la mère à ses enfants, au même titre que celui du père.

III. - LES VOIES DE LA RÉFORME

Confronté à la nécessité de réformer les règles de transmission du nom patronymique, le législateur pourrait choisir entre différentes options. Les expériences étrangères offrent des modèles alternatifs au nôtre et, dans le même temps, permettent de relativiser les difficultés invoquées par les adversaires de la réforme (25).

1. Les différentes solutions possibles

Il existe quatre principaux modes de transmission du nom patronymique, qui peuvent parfois se combiner et qui sont pratiqués dans différents pays de l'Union européenne. Ils sont présentés ci-après.

· Le premier modèle est celui qui prévaut actuellement dans notre pays : celui de la prééminence paternelle. On le retrouve, sous des formes assez proches, en Belgique et en Italie.

Ses partisans invoquent souvent la défense d'un certain « équilibre social » des liens de filiation : la maternité est toujours visible en raison de la gestation (« mater semper certa est ») ; la paternité est incertaine : elle se matérialise par le nom du père. Ce système permet également de ne pas mettre la nomination dans le débat familial.

Ces arguments ont été repris dans le rapport remis, en 1999, au garde des sceaux, par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, sur le droit de la famille : « Malgré de forts courants qui, au nom de l'égalité des sexes, réclament la transmissibilité du nom de la mère, la Commission pense qu'il n'est pas opportun de fragiliser la transmission du nom du père (...). Dans notre société, le lien social de maternité est toujours clairement repéré ; en revanche, la place du père a subi depuis quelques décennies de profondes mutations qui sont allées de pair avec le partage de l'autorité parentale et l'accroissement du nombre des séparations entre le père et ses enfants du fait de la désunion du couple : ouvrir la transmissibilité du nom de la mère crée de nouveaux déséquilibres et de nouveaux enjeux qui contiennent indirectement le risque de porter une atteinte supplémentaire à l'image de la paternité » (26).

Etrange raisonnement... car les mutations qui ont affecté la place du père ont surtout consisté à rééquilibrer les rôles, la mère étant auparavant soumise à son autorité : la transmissibilité du nom de cette dernière ne peut donc pas être présentée comme de nature à créer un « nouveau déséquilibre ». Au demeurant, on ne peut ignorer les évolutions positives dont a aussi bénéficié l'image paternelle : les pères d'aujourd'hui ne sont-ils pas, souvent, plus épanouis, plus libres, en un mot plus proches de leurs enfants que ne l'étaient leurs propres pères ?

En outre, on peut récuser l'argument selon lequel la prééminence paternelle en matière patronymique serait plus juste car elle permettrait de rendre publique un lien de filiation par définition incertain. Il suffit, pour répondre à cette objection, d'offrir aux parents la possibilité d'opter pour le système du double nom.

Pour sa part, le rapporteur considère que cette prééminence paternelle n'est plus acceptable. L'atteinte au principe d'égalité est certaine ; les avantages pratiques de ce système ne constituent pas une justification suffisante pour y déroger.

· Une deuxième solution consiste à offrir aux parents la possibilité de choisir, pour leurs enfants, entre le nom du père et celui de la mère, comme en Allemagne, au Danemark, en Finlande ou aux Pays-Bas (sous réserve de l'absence de nom « conjugal »). Elle a été préconisée par Mme Marie-Jo Zimmermann dans une proposition de loi n° 1012 « relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir pour les enfants le nom du père ou celui de la mère », présentée le 24 juin 1998.

L'inconvénient de ce système est qu'il instaure une obligation de choix, susceptible d'introduire le conflit au c_ur des relations de couple.

En outre, on peut considérer, comme le faisait encore récemment la précédente garde des Sceaux, que : « Ouvrir le choix aux parents entre la transmission du nom du père ou de celui de la mère ne constituerait pas un régime égalitaire. La seule véritable absence de discrimination serait d'institutionnaliser la transmission du double nom aux enfants légitimes et naturels » (27).

· Le principe du double nom, qui est la règle en Espagne, présente effectivement l'avantage d'assurer une égalité juridique parfaite et d'éviter des conflits potentiels entre les conjoints.

Le rapporteur ne mésestime pas les qualités de ce système : il préconisait d'ailleurs sa mise en _uvre dans la proposition de loi n° 2709 « relative au nom patronymique » qu'il a présentée, le 15 novembre 2000, avec l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés.

Pourtant, il comporte aussi des inconvénients, qui le conduiront à se prononcer en faveur d'une autre solution. On observera, en premier lieu, que malgré le double nom, l'égalité entre les sexes ne dure qu'un temps : à la génération suivante, l'une des deux lignes parentales doit être éliminée, pour des raisons pratiques. En outre, le double nom peut déboucher sur une forme de stigmatisation des enfants naturels ou adoptés, qui pourraient être les seuls à ne pas en bénéficier de façon systématique. Enfin, la juxtaposition de deux noms différents peut aboutir à des patronymes ridicules ou grotesques. Au demeurant, des considérations parfaitement légitimes peuvent amener certains parents, hommes ou femmes, à souhaiter que leur enfant ne porte pas leur nom.

· Le quatrième système est donc celui qui aura la préférence du rapporteur : il consiste à offrir aux couples le choix entre le nom maternel, le nom paternel ou le double nom. Une telle solution résultait d'ailleurs de la proposition de loi n° 132 « relative au nom patronymique » présentée, le 23 juillet 1997, par Mme Janine Jambu et les membres du groupe communiste et apparentés.

Cette liberté existe, de façon plus large encore, dans certains pays tels que l'Irlande et le Royaume-Uni, où les parents peuvent également s'entendre pour conférer à leur enfant un autre nom que le leur. Ceci paraît excessif, pour des raisons tenant à la nécessaire stabilité de l'état civil et à l'identité des familles. Mais le triple choix : nom du père / nom de la mère / double nom, présente des avantages certains.

En effet, un tel dispositif assure l'égalité des sexes dès lors qu'il repose sur le principe de la liberté. Il respecte les choix individuels. Il évite les rapports de force, qui peuvent être résolus par le double nom. Il permet d'éliminer la création de patronymes ridicules ou non désirés. Il n'instaure aucune situation discriminante selon les modes de filiation. Enfin, il n'est pas synonyme d'instabilité dès lors qu'il s'accompagne d'une interdiction de faire varier le nom transmis au sein d'une même fratrie.

2. Les propositions de la Commission

a) La discussion générale

Après l'exposé du rapporteur, Mme Yvette Roudy, rapporteure de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, s'est déclarée favorable à la proposition du rapporteur tendant à donner aux parents la liberté de choisir, pour leurs enfants, soit le nom de la mère, soit celui du père, soit leurs deux noms accolés dans un ordre qu'ils déterminent ensemble.

Elle a toutefois souhaité qu'ils puissent aussi, à la naissance de leur enfant, choisir de donner à celui-ci le nom d'un ascendant, en limitant éventuellement ce choix au quatrième ou cinquième degré. Elle a également suggéré que cette faculté soit ouverte aux majeurs au cours de leur vie, soulignant que ces propositions permettraient, notamment, d'éviter que des noms ne disparaissent. Elle a, en effet, insisté sur les risques d'appauvrissement du patrimoine anthroponymique, rappelant que, à l'occasion de son vingtième anniversaire, en 1979, la société française d'onomastique avait estimé que, d'ici deux cents ans, 210 000 des 250 000 noms existants auraient disparus, chiffres confirmés en 1991 par le docteur Jacques Ruffié, selon lequel tous les Français finiront par s'appeler « Martin ».

Puis, elle a salué l'initiative de Mme Denise Cacheux, qui avait tenté d'introduire, dès 1985, les propositions formulées par le rapporteur aujourd'hui, et finalement obtenu l'ouverture d'une brèche dans l'état du droit. Elle a rappelé, en effet, que l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens permet à toute personne d'ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

Le rapporteur a salué le travail de Mme Yvette Roudy, indiquant qu'il s'en était inspiré dans sa proposition.

Rappelant qu'il avait, à l'époque, soutenu l'initiative de Mme Denise Cacheux, il a, cependant, insisté sur le fait que la loi du 23 décembre 1985, permettant l'ajout du nom de l'autre parent à titre d'usage, n'autorisait pas pour autant sa transmission héréditaire. Il a d'ailleurs observé qu'une confusion était souvent faite entre nom légitime et d'usage, soulignant qu'une femme mariée ne prend le nom de son époux qu'à tire d'usage.

S'agissant de la possibilité de prendre le nom d'un ascendant, il a fait remarquer que l'article 61 du code civil, relatif aux demandes de changement de nom, autorisait déjà une personne à prendre celui de l'un de ses ascendants jusqu'au quatrième degré. Il a toutefois reconnu que cette procédure mériterait d'être assouplie car elle reste lourde et restrictive.

Il a enfin précisé, s'agissant de l'application dans le temps de sa proposition, qu'il avait prévu que les mineurs portant aujourd'hui le nom de leur père pourraient demander à porter également celui de leur mère, par une simple requête auprès du juge aux affaires familiales.

b) Les conclusions

La Commission est ensuite passée à l'examen d'une proposition de rédaction présentée par le rapporteur, déclinant, pour les enfants légitimes, naturels et adoptifs, le principe du choix, pour l'attribution du nom aux enfants, entre celui du père, celui de la mère ou les deux noms accolés.

Article 1er

(art. 57 du code civil)

Détermination du nom et inscription dans l'acte de naissance

Cet article regroupe l'essentiel du nouveau dispositif de transmission du nom de famille préconisé par le rapporteur.

Le paragraphe I prévoit, tout d'abord, l'inscription du nom de l'enfant dans l'acte de naissance, alors que, jusqu'à présent, seuls ses prénoms étaient mentionnés, le patronyme résultant de façon mécanique de l'état civil des père et mère.

Le paragraphe II dispose, ensuite, que le nom de l'enfant dont la filiation est établie simultanément à l'égard de ses deux parents est déterminé par ces derniers, comme le sont déjà ses prénoms : il peut s'agir du nom du père, de celui de la mère ou de leurs deux noms accolés.

S'agissant du double nom, il est précisé que ses deux composantes pourront être accolées dans l'ordre que les parents choisiront. Cette précision, qui a également été introduite en droit espagnol en 1999, est destinée à éviter toute hésitation jurisprudentielle, qui pourrait être préjudiciable aux intérêts des enfants. On observera, en effet, que, tant pour le nom d'usage instauré par la loi du 23 décembre 1985 que pour l'adjonction de nom prévue par l'article 363 du code civil en matière d'adoption simple, l'absence de précision dans la loi sur l'agencement des différentes composantes avait suscité bien des débats... même si la thèse de la liberté semble désormais emporter la conviction des juges.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Gérin s'inscrivant dans la logique de la proposition de loi n° 2709 initiale et précisant que l'ordre dans lequel les deux noms sont accolés l'un à l'autre est librement fixé par les parents, cet amendement étant satisfait par la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur.

On relève, en second lieu, que la solution du double nom est également appelée à résoudre l'hypothèse d'un désaccord initial entre les parents. Dans ce cas, il est proposé que l'ordre des deux patronymes accolés suive celui des lettres de l'alphabet.

Enfin, les parents qui confèrent à leur enfant un double nom ne pourront lui en transmettre qu'un chacun. En effet, il peut arriver qu'ils possèdent déjà eux-mêmes un double nom. Or, il convient d'éviter la constitution de noms à multiples composantes.

Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses deux parents, la règle qui figure actuellement à l'article 334-1 du code civil est maintenue : l'enfant acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation a été établie en premier lieu.

Celui dont la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul parent acquiert, bien sûr, le nom de celui-ci.

Le présent article dispose, enfin, pour des raisons pratiques mais, surtout, de préservation de l'identité des familles, que les enfants issus des mêmes père et mère devront porter un nom identique. Une règle semblable a souvent été instituée dans les pays où les parents disposent d'un certain choix pour le nom de leurs enfants (Allemagne, Finlande, Pays-Bas). Le respect de cette condition pourra être contrôlé à travers le livret de famille, qui comporte déjà les extraits des actes de naissance des enfants ; leur nom apparaîtra désormais dans ce livret, dont on rappellera, néanmoins, que le contenu est fixé par voie réglementaire (décret n° 74-449 du 15 mai 1974). L'éventualité d'un changement de nom, qui pourrait fragiliser le contrôle de l'unité des patronymes au sein des fratries, est déjà prise en compte par l'article 61-4 du code civil, qui dispose que : « Mention des décisions de changement de prénoms et de nom est portée en marge des actes de l'état civil de l'intéressé et, le cas échéant, de ceux de son conjoint et de ses enfants ».

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2

(art. 333-5 du code civil)

Effets sur le nom d'une légitimation par autorité de justice

Cet article propose une simple mesure de coordination en ce qui concerne les effets sur le nom d'un enfant d'une légitimation par autorité de justice.

De façon générale, l'application du dispositif proposé par le rapporteur ne soulève pas de difficulté particulière pour les enfants légitimes. On rappellera, en effet, que l'article 312 du code civil dispose que : « L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». Dès lors, le choix du nom d'un enfant légitime se fait nécessairement selon la procédure instituée par l'article 1er (article 57 du code civil), qui fait référence aux père et mère de l'enfant.

De même, l'enfant légitimé par mariage se voit conférer « les droits et les devoirs de l'enfant légitime » (article 332-1 du code civil). En l'absence de disposition particulière, son nom sera donc modifié selon les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour la détermination du nom de l'enfant légitime de par la naissance. On rappellera, toutefois, que la légitimation par mariage ne peut avoir pour effet de modifier le nom d'un enfant majeur sans son consentement.

En ce qui concerne la légitimation par décision de justice, en revanche, l'article 333-5 du code civil, qui dispose que l'enfant prend alors le nom du père, doit être modifié. Désormais, il convient de faire référence aux règles énoncées à l'article 57 du code civil.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Articles 3 à 5

(art. 334-1, 334-2 et 334-5 du code civil)

Filiation naturelle et détermination du nom

Les articles 3 à 5 traitent de la filiation naturelle.

· L'article 3 remplace les dispositions qui figurent actuellement à l'article 334-1 du code civil, qui ont trait aux principes essentiels de détermination du nom des enfants naturels, par un simple renvoi aux règles énoncées à l'article 57 du même code. Lorsque la filiation est établie simultanément à l'égard des deux parents, les règles qui président à la détermination du nom de l'enfant seront donc désormais les mêmes, comme on l'a vu, que l'enfant soit légitime ou naturel. Le principe de la « priorité » en cas de reconnaissance non simultanée par les deux parents est également repris à l'article 57 : l'enfant acquiert le nom de celui à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.

· L'article 4 porte sur l'article 334-2 du code civil, qui prévoit la possibilité de modifier le nom d'un enfant naturel reconnu en second lieu par son père. Il convient de permettre que le nom de ce dernier puisse non seulement être substitué, mais aussi accolé, à celui de la mère de l'enfant. En cas d'adjonction, il est précisé, comme à l'article 57 du code civil, que les noms pourront être accolés dans l'ordre souhaité par les deux parents et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. On rappellera que le consentement de l'enfant de plus de treize ans est nécessaire.

· L'article 5, enfin, étend les différentes possibilités désormais prévues par l'article 57 du code civil pour le choix du nom d'un enfant à la procédure dite de la « dation » (article 334-5 du code civil), qui permet au mari de la mère d'un enfant naturel de conférer son nom à ce dernier, par substitution et, désormais, par adjonction, à celui de son épouse.

Dans tous les cas, on rappellera que l'article 334-4 du code civil prévoit que : « La substitution de nom s'étend de plein droit aux enfants mineurs de l'intéressé. Elle ne s'étend aux enfants majeurs qu'avec leur consentement ». On doit considérer que cette disposition englobe les cas où le nom du père ou du mari est simplement adjoint à celui de la mère : au regard de cette règle, une adjonction équivaut à une substitution de nom.

Par ailleurs, il n'est pas proposé de modifier l'article 334-3 du code civil, qui prévoit, en particulier, en cas de désaccord entre les parents au sujet d'une substitution (ou d'une adjonction) de nom, l'intervention du juge aux affaires familiales. Sans doute l'article 1er prévoit-il, dans l'hypothèse d'une reconnaissance simultanée d'un enfant et d'un désaccord initial entre ses parents sur le choix de son nom, une adjonction automatique de leurs deux noms (par ordre alphabétique). Mais ce qui est possible au moment de la naissance n'est pas forcément souhaitable pour des procédures intervenant a posteriori : le juge doit pouvoir prendre en compte, au cas par cas, l'intérêt de l'enfant.

La Commission a adopté les articles 3 à 5 sans modification.

Articles 6 et 7

(art. 357 et 363 du code civil)

Effets sur le nom de l'adoption

Les articles 6 et 7 traitent des deux procédures d'adoption, simple et plénière, et, plus précisément, de leurs effets sur le patronyme de l'adopté, prévus aux articles 357 et 363 du code civil. Les règles qui sont proposées sont les mêmes que pour les enfants légitimes et naturels (article 57 du code civil), le rapporteur étant soucieux d'effacer toute discrimination selon les modes de filiation.

On rappellera, toutefois, qu'en ce qui concerne l'adoption simple, le nom de l'adoptant est accolé à celui de l'adopté. Dès lors, on peut imaginer qu'un enfant faisant l'objet d'une telle procédure puisse posséder, désormais, trois, voire quatre patronymes accolés (ses deux patronymes d'origine et le double nom qui pourrait lui être conféré par le couple adoptant). Pour autant, il ne pourrait transmettre qu'un seul de ces patronymes à ses propres enfants (ou deux si la mère s'abstient), ce qui limite dans le temps les inconvénients d'une telle situation. De plus, l'adoption simple concerne, le plus souvent, des personnes majeures, ce qui assure, en principe, la recherche d'une solution satisfaisante pour tous. Enfin, on observera que le second alinéa de l'article 363 prévoit, le cas échéant, une solution envisageable : « Le tribunal peut (...) décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant ».

La Commission a adopté les articles 6 et 7 sans modification.

Article 8

(art. 1er de la loi du 2 juillet 1923)

Relèvement du nom des morts pour la France

Cet article propose de supprimer, dans l'article 1er de la loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie, le mot : « mâle ».

Comme on l'a vu, cette loi, adoptée au sortir de la première guerre mondiale, permet à des personnes de relever le nom d'un ascendant mort pour la France, lorsque celui-ci était le dernier représentant d'une famille dans l'ordre de la descendance. Toutefois, elle comportait une double exclusion à l'égard des femmes. En effet, elle prévoit que seul le nom des « mâles » morts pour la France peut être relevé : le nom d'une femme morte pour la France sans descendance était appelé, en toute hypothèse, à disparaître, dès lors qu'elle n'aurait pu le transmettre à d'éventuels enfants. De même, la nécessité d'avoir un intérêt à agir pour invoquer la loi du 2 juillet 1923 limitait son exercice aux descendants masculins, seuls à même de transmettre à leur tour le nom menacé de s'éteindre.

Tirant la conséquence des articles précédents, qui prévoient que le nom des femmes sera désormais également transmissible à leurs enfants, le présent article propose d'étendre le champ de la loi du 2 juillet 1923 à toutes les personnes qui sacrifient leur vie pour la France, indépendamment de leur sexe.

La portée de cette mesure n'est pas seulement théorique. En effet, la loi qu'il est proposé de modifier a une valeur permanente et générale, d'autant qu'elle utilise des formules diverses : « mort à l'ennemi », « tué à l'ennemi », « soldat mort pour la France ». Elle est susceptible de s'appliquer à toutes les personnes mortes pour la France, victimes civiles ou militaires, de la première guerre mondiale ou de tout autre conflit.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Après l'article 8

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Marc Dolez tendant à permettre que les naissances et les décès intervenus dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret soient déclarés à l'officier d'état civil de la commune de rattachement.

M. Marc Dolez a expliqué que, pour des besoins de superficie, des centres hospitaliers étaient implantés dans des communes autres que celles à laquelle ils sont rattachés, ce qui entraîne une situation complexe, car une lourde charge est ainsi imposée aux services d'état civil de la commune d'implantation, et paradoxale, puisque la présidence du conseil d'administration du centre hospitalier revient au maire de la commune de rattachement. Il a précisé que le problème qu'il entendait résoudre se posait dans une vingtaine d'agglomérations.

Mme Nicole Feidt a estimé que cette proposition était intéressante.

M. Bernard Roman, président, a indiqué que le problème évoqué se posait à Lille, trois maternités ayant été transférées du centre de la ville vers une commune périphérique. Il a souligné que beaucoup de Lillois étaient, en conséquence, privés de la possibilité de se déclarer de Lille, tandis que la commune d'implantation supportait une très lourde charge d'état civil.

M. Marc Dolez a ajouté que les personnes qui changeaient de ville par la suite ne s'adressaient jamais à la commune dans laquelle leur naissance avait été déclarée, mais à la ville dans laquelle ils avaient vécu.

Le rapporteur, soutenant sur le fond cette initiative, a cependant estimé qu'elle était étrangère à l'objet de sa proposition. Il a donc exprimé le souhait que l'amendement de M. Marc Dolez ne soit pas retenu, à ce stade, s'engageant à l'examiner favorablement lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement.

Compte tenu de ses observations, M. Marc Dolez a retiré son amendement, faisant part de son intention de le déposer ultérieurement.

Articles 9 à 11

(art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985)

Dispositions de coordination et mesures transitoires

L'article 9 propose d'abroger l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985, qui permettait à toute personne majeure d'ajouter à son nom, à titre d'usage, celui de ses deux parents qui ne lui a pas transmis le sien.

En effet, on peut considérer qu'une telle disposition serait désormais sans intérêt, dès lors que le nom de la mère peut être conféré à ses enfants. D'autant que l'article 10 propose, également, certes à titre transitoire, que les personnes déjà nées à la date de la promulgation de la présente proposition de loi puissent, non pas modifier leur nom, mais lui ajouter celui qui ne leur a pas été transmis. L'usage de cette procédure particulière supposera, néanmoins, le consentement des enfants de plus de treize ans.

L'article 11, enfin, prévoit que les modalités d'application de la présente proposition de loi, qui porteront, notamment, sur la gestion des actes et des registres de l'état civil, seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

La Commission a adopté les articles 9 à 11 sans modification.

*

* *

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction présentée par le rapporteur.

*

* *

En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans le texte ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi relative au nom patronymique

Article premier

I.  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : « le sexe de l'enfant, », sont insérés les mots : « le nom ».

II.  Après le premier alinéa, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom qui lui est dévolu. L'enfant peut acquérir soit le nom de son père, soit celui de sa mère. Il peut aussi acquérir leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. En cas de désaccord entre les parents sur le nom à conférer à l'enfant, celui-ci acquiert leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux.

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses deux parents, l'enfant acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard d'un seul parent, il acquiert le nom de celui-ci.

« Les enfants issus des mêmes père et mère portent un nom identique. »

Article 2

Dans l'article 333-5 du même code, les mots : « l'enfant prend le nom du père », sont remplacés par les mots : « le nom de l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57 ».

Article 3

L'article 334-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 334-1. - Le nom de l'enfant naturel est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57 ».

Article 4

Dans le premier alinéa de l'article 334-2 du même code, après les mots : « le nom de celui-ci », sont insérés les mots : « ou les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Article 5

Après les mots : « filiation paternelle établie, », la fin du premier alinéa de l'article 334-5 du même code est ainsi rédigée : « il peut être conféré à l'enfant, par déclaration conjointe du mari de la mère et de celle-ci, et sous les conditions prévues à l'article 334-2, le nom du mari ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Article 6

I.  Après les mots : « le nom de l'adoptant », la fin du premier alinéa de l'article 357 du même code est supprimée.

II.  Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57 ».

III.  Dans le dernier alinéa, après les mots : « le nom de ce dernier », sont insérés les mots : « ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Article 7

L'article 363 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'adoption par deux époux, le nom substitué à celui de l'adopté en application des alinéas précédents est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Article 8

I.  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie, le mot : « mâle », est supprimé.

II.  En conséquence, il est procédé à la même suppression dans la première phrase du premier alinéa de l'article 4.

Article 9

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé.

Article 10

Toute personne née avant la promulgation de la loi n°  du relative au nom patronymique peut demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Lorsque le nom de l'un des deux parents est composé de plusieurs patronymes accolés, il ne peut être conservé qu'un seul de ces patronymes.

La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l'intéressé ou, s'il s'agit d'un majeur sous tutelle, à la requête de son tuteur.

A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en _uvre par les titulaires de l'autorité parentale. Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.

Article 11

Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Conclusions de la Commission

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Code civil

Art. 57. -  L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. Si les père et mère de l'enfant naturel, ou l'un d'eux, ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet.

Article premier

I. -  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : « le sexe de l'enfant, », sont insérés les mots : « le nom ».

II. -  Après le premier alinéa, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom qui lui est dévolu. L'enfant peut acquérir soit le nom de son père, soit celui de sa mère. Il peut aussi acquérir leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. En cas de désaccord entre les parents sur le nom à conférer à l'enfant, celui-ci acquiert leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux.

 

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses deux parents, l'enfant acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.

 

« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard d'un seul parent, il acquiert le nom de celui-ci.

 

« Les enfants issus des mêmes père et mère portent un nom identique. »

Les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère. La femme qui a demandé le secret de son identité lors de l'accouchement peut faire connaître les prénoms qu'elle souhaite voir attribuer à l'enfant. A défaut ou lorsque les parents de celui-ci ne sont pas connus, l'officier de l'état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de patronyme à l'enfant. L'officier de l'état civil porte immédiatement sur l'acte de naissance les prénoms choisis. Tout prénom inscrit dans l'acte de naissance peut être choisi comme prénom usuel.

 

Lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur patronyme, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales.

 

Si le juge estime que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur patronyme, il en ordonne la suppression sur les registres de l'état civil. Il attribue, le cas échéant, à l'enfant un autre prénom qu'il détermine lui-même à défaut par les parents d'un nouveau choix qui soit conforme aux intérêts susvisés. Mention de la décision est portée en marge des actes de l'état civil de l'enfant.

 

Art. 333-5. -  Si la légitimation par autorité de justice a été prononcée à l'égard des deux parents, l'enfant prend le nom du père ; s'il est mineur, le tribunal statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, comme en matière de divorce.

Article 2

Dans l'article 333-5 du même code, les mots : « l'enfant prend le nom du père », sont remplacés par les mots : « le nom de l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57 ».

Art. 57. -  Cf. supra art. 1er.

 
 

Article 3

L'article 334-1 du même code est ainsi rédigé :

Art. 334-1. -  L'enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu ; le nom de son père, si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre.

Art. 57. -  Cf. supra art. 1er.

« Art. 334-1. -  Le nom de l'enfant naturel est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Art. 334-2. -  Lors même que sa filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard du père, l'enfant naturel pourra prendre le nom de celui-ci par substitution, si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.

Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.

Article 4

Dans le premier alinéa de l'article 334-2 du même code, après les mots : « le nom de celui-ci », sont insérés les mots : « ou les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Art. 334-5. -  En l'absence de filiation paternelle établie, le mari de la mère peut conférer, par substitution, son propre nom à l'enfant par une déclaration qu'il fera conjointement avec la mère, sous les conditions prévues à l'article 334-2 ci-dessus.

L'enfant pourra toutefois demander à reprendre le nom qu'il portait antérieurement par une demande qu'il soumettra au juge aux affaires familiales, dans les deux années suivant sa majorité.

Article 5

Après les mots : « filiation paternelle établie, », la fin du premier alinéa de l'article 334-5 du même code est ainsi rédigée : « il peut être conféré à l'enfant, par déclaration conjointe du mari de la mère et de celle-ci, et sous les conditions prévues à l'article 334-2, le nom du mari ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. »

Art. 357. -  L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant et, en cas d'adoption par deux époux, le nom du mari.

Article 6

I. -  Après les mots : « le nom de l'adoptant », la fin du premier alinéa de l'article 357 du même code est supprimée.

 

II. -  Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

« En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.

Si l'adoptant est une femme mariée, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider du consentement du mari de l'adoptante que le nom de ce dernier sera conféré à l'adopté ; si le mari est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du mari ou ses successibles les plus proches.

Art. 57. -  Cf. supra art. 1er.

III. -  Dans le dernier alinéa, après les mots : « le nom de ce dernier », sont insérés les mots : « ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux ».

Art. 363. -  L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.

Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution de patronyme est nécessaire.

Article 7

L'article 363 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Art. 57. -  Cf. supra art. 1er.

« En cas d'adoption par deux époux, le nom substitué à celui de l'adopté en application des alinéas précédents est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »

Loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom
des citoyens morts pour la Patrie

Art. 1er-  Au cas où le dernier représentant mâle d'une famille, dans l'ordre de la descendance, est mort à l'ennemi sans postérité, le droit de relever son nom en l'ajoutant au sien appartient au plus proche de ses successibles, et, si celui-ci ne l'exerce pas, aux autres successibles dans l'ordre légal, jusques et y compris le sixième degré, vivant lors de son décès, agissant tant pour eux que pour leurs enfants nés ou à naître.

Article 8

I. -  Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie, le mot : « mâle » est supprimé.

Pour l'exercer, le demandeur devra se pourvoir par voie de requête devant le tribunal de grande instance du lieu de l'ouverture de la succession : s'il est majeur, dans les cinq ans de l'établissement ou de la transcription de l'acte de décès du défunt sur les registres de l'état civil ; s'il est mineur, dans les cinq ans qui suivront sa majorité, si ce droit n'a pas été revendiqué au cours de sa minorité par ses représentant légaux.

 

Art. 4. -  Tout individu, s'il est dans l'ordre de la descendance le dernier représentant mâle d'une famille, peut, en prévision du cas où il serait tué à l'ennemi sans postérité, transmettre son nom patronymique par disposition de dernière volonté à l'un de ses parents au degré successible, même non appelé à sa succession.


II. -  En conséquence, il est procédé à la même suppression dans la première phrase du premier alinéa de l'article 4.

Cette disposition étant acceptée a pour effet d'exclure tous autres ayants droit aux termes de l'article premier.

 

La personne désignée par le testateur devra exercer son droit dans les délais et sous les conditions déterminées par les articles précédents.

 

Le présent article est rétroactivement applicable dans les conditions prescrites aux dispositions de dernière volonté par lesquelles un soldat « mort pour la France » aurait, depuis le 1er août 1914, déclaré vouloir transmettre son nom.

 

Loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs

Art. 43. -  Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en _uvre par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.


Article 9

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé.

 

Article 10

Toute personne née avant la promulgation de la loi
n°  du relative au nom patronymique peut demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Lorsque le nom de l'un des deux parents est composé de plusieurs patronymes accolés, il ne peut être conservé qu'un seul de ces patronymes.

 

La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l'intéressé ou, s'il s'agit d'un majeur sous tutelle, à la requête de son tuteur.

 

A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en _uvre par les titulaires de l'autorité parentale. Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.

 

Article 11

Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

   

ANNEXE 1

Proposition de loi n° 2709 de M. Gérard Gouzes
et les membres du groupe socialiste et apparentés
relative au nom patronymique

Article 1er

Après le premier alinéa de l'article 57 du code civil, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le nom de l'enfant inscrit dans l'acte de naissance est constitué par le nom du père auquel est accolé celui de la mère.

« Le parent dont le nom est composé de deux noms accolés ne peut transmettre qu'un seul de ces noms à ses enfants. Le nom qui sera transmis est déterminé par chacun des époux au moment du mariage.

« Les enfants issus des mêmes père et mère portent un nom identique. »

Article 2

Dans l'article 334-1 du code civil, les mots : « le nom de son père » sont remplacés par les mots : « le nom de son père auquel est accolé celui de sa mère ».

Article 3

L'article 334-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « pourra prendre le nom de celui-ci par substitution », sont remplacés par les mots : « acquerra le nom de celui-ci auquel sera accolé le nom de sa mère, ».

2° Le second alinéa est supprimé.

Article 4

Au début de l'article 334-4 du code civil, les mots : « la substitution » sont remplacés par les mots : « l'adjonction ».

Article 5

Au premier alinéa de l'article 334-5 du code civil, le mot : « substitution » est remplacé par le mot : « adjonction ».

Article 6

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé.

Proposition de loi n° 132 de Mme Janine Jambu
et les membres du groupe communiste et apparentés
relative au nom patronymique

Article unique

L'article 57 du code civil est ainsi complété :

« Si le déclarant le demande, et sur présentation de la déclaration conjointe des deux parents, le nom de l'enfant inscrit dans l'acte de naissance est constitué par les noms accolés de son père et de sa mère dans l'ordre qu'ils ont choisi, ou par l'un d'entre eux seulement.

« Si le père ou la mère ont eux-mêmes un nom composé de deux noms accolés, le patronyme doit être composé de deux noms seulement.

« Tous les enfants du même père et de la même mère portent le même nom. »

Proposition de loi n° 1012 de Mme Marie-Jo Zimmermann
relative à la transmission du nom de famille et permettant de choisir
pour les enfants le nom du père ou celui de la mère

Article 1er

L'article 1er de la loi du 6 fructidor an II est ainsi rédigé :

« Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénoms autres que ceux exprimés dans son acte de naissance. Le nom exprimé dans l'acte de naissance est celui du père ou celui de la mère. »

Article 2

Après l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II, il est inséré un article 1 bis ainsi rédigé :

« Lors du mariage, les conjoints précisent si leurs enfants légitimes porteront le nom du père ou celui de la mère. »

Article 3

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le nom d'usage ne peut être utilisé qu'accolé à la suite du nom de famille. »

ANNEXE 2

La transmission du nom patronymique
à l'enfant dans onze Etats européens (28)

ALLEMAGNE

1. - Rappel historique

Le droit du nom est de formation relativement récente. En effet, jusqu'au XVIIIème siècle, la transmission du nom était presque exclusivement réglée par les us et coutumes, l'usage d'un nom de famille s'étant répandu au cours du XVème siècle.

A l'image de la formation du nom de famille, l'utilisation d'un nom commun aux deux parents est venue de la haute noblesse et s'est développée dans les autres strates de la noblesse entre le XIVème et le XVIème siècles : la femme adoptait ainsi le nom du mari tout en précisant son nom de jeune fille « née... ». Cette pratique n'a gagné la bourgeoisie qu'à partir du XVIIème siècle.

En établissant pour la première fois des règles juridiques précises dans ce domaine (1794), la Prusse s'est contentée de reprendre un usage désormais largement répandu : la femme et les enfants légitimes acquièrent respectivement le nom du mari et du père.

Toutefois, jusqu'au milieu du XIXème siècle, le droit du nom était encore considéré comme une matière d'ordre privé et il arrivait que les enfants portent le nom de leur mère.

Le Code civil (18 août 1896) a conservé le principe d'unité du nom de famille : l'article 1355 prévoit que la femme porte le nom de son mari. Cette règle s'est appliquée sans grandes difficultés jusqu'aux années 1950.

La Loi fondamentale, promulguée le 23 mai 1949, pose, en son article 3, alinéa 2, le principe d'égalité juridique de l'homme et de la femme. L'article 117, alinéa 1, disposait, quant à lui, que toute disposition contraire au principe énoncé à l'article 3, alinéa 2, devait être mise en conformité avec la Loi fondamentale avant le 31 mars 1953.

Ces nouvelles dispositions constitutionnelles ont entraîné un réexamen de la règle appliquée jusqu'alors à la transmission du nom. La doctrine s'est partagée entre défenseurs du maintien du droit en vigueur, au motif qu'il ne contrevenait pas à l'égalité juridique entre les sexes, et partisans d'une réforme de l'article 1355 du Code civil. Ceux-ci se fondaient également sur les articles 1, alinéa 1 (dignité de l'être humain), 2, alinéa 1 (libre épanouissement de la personnalité) et 6, alinéa 1 (protection du mariage et de la famille par l'Etat) de la Loi fondamentale.

Les tribunaux ont tranché dans le sens de la compatibilité de l'article 1355 du Code civil avec la Loi fondamentale, estimant qu'il exprimait le principe de l'unité du nom de famille et qu'il constituait une marque de reconnaissance de la famille vis-à-vis de l'extérieur. Selon eux, le principe d'égalité entre l'homme et la femme n'impliquait pas nécessairement le renoncement à des dispositions permettant de consacrer les droits du couple et la famille. Ils observaient enfin qu'il n'existait qu'un choix entre le nom du mari et celui de la femme. La Cour fédérale (tribunal suprême en matière civile) a confirmé cette jurisprudence le 13 juillet 1957, estimant que le principe d'unité du nom de famille et le fait que le mari était généralement considéré comme représentant la famille vis-à-vis de l'extérieur ne portaient pas atteinte aux droits personnels de la femme.

Entre temps, la loi relative à l'égalité des sexes, du 18 juin 1957, avait modifié l'article 1355 du Code civil, en permettant à la femme d'ajouter son nom de jeune fille à celui du mari. La conformité à la Loi fondamentale de cette nouvelle rédaction a été établie par un arrêt de la Cour administrative fédérale (tribunal suprême en matière administrative), au motif qu'elle ne remettait pas en cause la prééminence du nom du mari.

La loi du 14 juin 1976 portant réforme du droit du mariage et de la famille a introduit une nouvelle rédaction de l'article 1355 du Code civil. Celui-ci accordait désormais le choix entre le nom du mari et le nom de la femme ; en cas de refus de choisir ou de contestation, c'est le nom du mari qui continuait à s'imposer. En outre, le conjoint dont le nom n'était pas choisi pouvait continuer de porter son propre nom. La Diète fédérale (Bundestag) avait préféré cette solution, malgré les inconvénients qu'elle présentait pour l'identification des familles par l'état civil, à celle qui aurait consisté à n'autoriser que le nom composé. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi avait prévu une déclaration obligatoire des conjoints, et non le choix automatique du nom du père en cas de désaccord. La Diète fédérale avait également écarté le choix du nom composé afin d'éviter tout alourdissement des charges de l'état civil.

Dans une décision du 5 mars 1991, le Tribunal constitutionnel fédéral a jugé que l'article 1355 était contraire à la Loi fondamentale, en ce qu'il imposait le nom du mari en cas de désaccord sur le choix du nom de famille. Il a estimé que l'article 6, alinéa 1 de la Loi fondamentale (protection du mariage) impliquait qu'il soit imposé un nom de famille unique en cas de besoin. De ce fait, l'inégalité de traitement ainsi créée entre l'homme et la femme ne pouvait, selon lui, être justifiée.

Invitant le législateur à adopter une nouvelle rédaction de l'article 1355 du Code civil, le Tribunal constitutionnel fédéral a précisé le régime applicable au nom de famille en cas de désaccord entre époux : l'enfant reçoit soit le nom du père, soit celui de la mère, soit le nom composé dans la forme choisie ; si le désaccord persiste, c'est le nom composé qui prévaut, l'ordre étant alors tiré au sort.

Adoptée le 28 octobre 1993, promulguée le 16 décembre 1993, la loi relative à la nouvelle réglementation du nom de famille est entrée en vigueur le 1er avril 1994.

Par ailleurs, une loi du 16 décembre 1997, entrée en vigueur le 1er juillet 1998, a supprimé la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle.

2. - Le nom à la naissance

a) La filiation légitime

Dans sa version actuelle, l'article 1616 du Code civil prévoit que les enfants légitimes portent, à leur naissance, le nom de leurs parents. Si ces derniers ne portent pas de nom « conjugal », les enfants portent le nom du père ou de la mère. Cette déclaration de nom doit être faite devant l'officier d'état civil et être certifiée publiquement. La décision des parents est alors valable pour les enfants suivants.

Si un mois après la naissance, aucune décision n'est prise par les parents, le juge des tutelles prend une décision et choisit le nom du père ou de la mère. Il peut également impartir un délai de réflexion au père et à la mère. A l'expiration de ce délai, si aucune décision n'a toujours été prise par le père ou la mère, l'enfant reçoit le nom du parent auquel la décision a été imposée.

Si, après que l'enfant ait eu 5 ans accomplis, les parents portent un nom « conjugal », celui-ci se rattache au nom de naissance de l'enfant (art. 1616 a). L'approbation du juge des tutelles est alors nécessaire, l'enfant étant représenté par ses parents. Lorsque celui-ci atteint l'âge de 14 ans, il peut faire lui-même cette déclaration mais a besoin de l'approbation de ses représentants légaux. Passé 18 ans, il ne peut reprendre le changement de nom de ses parents. Il en va de même en cas de décès ou de séparation des parents.

b) La filiation naturelle

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 1997, le nom de l'enfant dépend du détenteur de l'autorité parentale et n'est donc pas systématiquement celui de sa mère.

Si des parents non mariés ont déclaré vouloir exercer conjointement l'autorité parentale, les règles relatives à l'enfant légitime évoquées plus haut s'appliquent. Les parents décident si l'enfant portera le nom du père ou celui de la mère. Lorsque l'autorité parentale relève d'un seul des deux parents, son nom est transmis à l'enfant. Mais le détenteur de l'autorité parentale peut décider d'attribuer à l'enfant le nom de l'autre parent, sous réserve de l'approbation de ce dernier.

3. - L'adoption

L'enfant mineur adopté reçoit le nom de la personne qui l'adopte, sauf décision judiciaire contraire et sans distinction de l'adoption d'un mineur ou d'un majeur.

Si l'adoption est le fait d'un couple marié, l'enfant adopté reçoit le nom de famille du couple, à moins que les époux ne portent pas le même nom. Dans ce cas de figure, ils doivent s'accorder sur le nom de l'enfant, avant que l'adoption ne soit définitive, en faisant une déclaration devant le juge des tutelles.

Si l'enfant adopté a plus de cinq ans révolus, le changement de nom consécutif à l'adoption n'est valable que si l'intéressé l'accepte, le consentement étant donné par le représentant légal de l'enfant comme dans le droit commun. A la demande de l'adoptant et avec l'accord de l'adopté, le juge des tutelles peut ajouter ou faire précéder le nouveau nom de famille de l'enfant de son ancien nom, si des motifs sérieux l'exigent dans l'intérêt de l'enfant.

BELGIQUE

1. - Le nom à la naissance

L'article 334 du Code civil belge ne fait aucune distinction entre les enfants selon le mode d'établissement de la filiation. Les règles relatives à la transmission du nom sont précisées à l'article 335 et privilégient le choix du nom du père.

Le principe est que l'enfant porte le seul nom de son père dans deux cas : lorsque seule la filiation paternelle est établie ou lorsque la filiation paternelle et la filiation maternelle sont établies en même temps.

L'enfant dont seule la filiation maternelle est établie, porte le nom de sa mère. Lorsque la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, aucune modification n'est apportée au nom de l'enfant. Toutefois, les père et mère ensemble ou l'un d'eux, si l'autre est décédé, peuvent déclarer, dans un acte dressé par l'officier de l'état civil, que l'enfant portera le nom de son père. Cette déclaration doit être faite dans l'année à compter du jour où les déclarants ont eu connaissance de l'établissement de la filiation et avant la majorité ou l'émancipation de l'enfant, et requiert, en cas de pré - décès du père ou durant son mariage, l'accord du conjoint avec lequel il était marié au moment de l'établissement de la filiation.

Dans l'hypothèse d'une reconnaissance adultérine, lorsque le père est marié et reconnaît un enfant conçu pendant le mariage avec une autre femme que son épouse, l'enfant porte le nom de sa mère.

2. - L'adoption

Fondamentalement et sans détailler les cas très particuliers envisagés par la législation, les mêmes principes prévalent en matière d'adoption : aux termes de l'article 358 du Code civil, l'enfant adopté prend le nom de l'adoptant qui se substitue au sien et, en cas d'adoption simultanée par deux époux, celui du mari. Les parties peuvent toutefois convenir que l'adopté conservera son nom en le faisant suivre du nom de l'adoptant ou du mari adoptant.

En cas d'adoption par le mari de l'enfant adoptif de son épouse, le nom du mari adoptant est substitué à celui de l'adopté, que celui-ci ait conservé ou modifié son nom lors de la précédente adoption. En revanche, l'adoption par une femme de l'enfant adoptif de son époux n'entraîne aucune modification du nom de l'adopté.

DANEMARK

1. - Le nom à la naissance

La loi danoise prévoit que, lorsque les deux parents portent le même nom patronymique - c'est-à-dire s'ils en ont fait le choix au moment de leur mariage - l'enfant porte ce nom dès sa naissance.

Dans le cas contraire, et sans que soit prise en compte la légitimité de l'enfant, l'enfant prend le nom de famille que les personnes détentrices de l'autorité parentale déclarent comme tel et que l'un des parents porte au moment de la déclaration. Il est cependant possible de choisir aussi le nom acquis par filiation de l'un des parents. En outre, la filiation paternelle doit être établie pour que le nom du père puisse être choisi.

Le choix doit s'effectuer dans un délai de six mois à compter du jour de la naissance.

La loi danoise ne prévoit pas que les enfants portent des noms composés ; l'adoption d'un nom composé pour l'ensemble d'une famille, qui s'assimile à un changement de nom, peut se faire selon une procédure payante.

2. - Changement de nom suite au mariage des parents

A l'occasion de leur mariage, les parents d'un enfant peuvent choisir un nom commun et décider d'en étendre le bénéfice à leur enfant. Le consentement de l'enfant est nécessaire s'il a plus de douze ans.

3. - L'adoption

Les règles relatives à la transmission du nom s'appliquent en cas d'adoption ; le consentement de l'enfant est cependant nécessaire s'il a plus de douze ans.

ESPAGNE

1. - Le nom à la naissance

L'article 108 du Code civil indique que la filiation, légitime ou non, ou par adoption pleine, entraîne les mêmes effets sur le nom.

En Espagne, où le principe du double nom est la règle, la législation traditionnelle selon laquelle l'enfant légitime porte comme premier nom le premier nom de son père et comme second le premier de sa mère, a été assouplie en 1999 : aux termes de la modification apportée à l'article 109 du Code civil, le père et la mère peuvent désormais décider de l'interversion de l'ordre de leur premier nom respectif. Cette option, qui doit être exercée avant l'inscription de la naissance du premier enfant, vaut pour tous les enfants communs postérieurs. A sa majorité, l'enfant peut solliciter la modification de l'ordre des noms.

Cette règle vaut également pour les enfants nés hors mariage, pour peu que la filiation soit établie à l'égard des deux parents. Dans le cas contraire, selon l'article 55 du Registre civil, l'enfant porte également deux noms, ceux de son père ou de sa mère, selon la filiation établie, étant entendu que l'inversion de l'ordre est également possible par déclaration du père ou de la mère, au moment de l'inscription.

2. - L'adoption

De la même manière, l'enfant porte les deux noms de l'adoptant ou des adoptants. Dans les cas exceptionnels où il n'y a pas rupture des liens de filiation, l'enfant adopté conserve les noms paternels ou maternels antérieurs.

L'officier d'état civil impose un prénom et des noms d'usage courant lorsque la filiation ne peut les déterminer.

FINLANDE

Les dispositions relatives à la transmission du nom patronymique sont précisées en Finlande par la loi n° 253/1991.

1. - Le nom à la naissance

Le choix du patronyme incombe aux personnes détentrices de l'autorité parentale.

La loi finlandaise prévoit que, lorsque les deux parents portent le même nom patronymique - c'est-à-dire s'ils en ont fait le choix au moment de leur mariage - l'enfant porte ce nom.

Dans le cas contraire, et sans que soit prise en compte la légitimité de l'enfant, l'enfant prend le nom de famille que les personnes détentrices de l'autorité parentale déclarent comme tel et que l'un des parents porte au moment de la déclaration. La règle selon laquelle les enfants d'une même fratrie portent obligatoirement le même nom prévaut.

Le choix doit s'effectuer dans un délai de deux mois à compter du jour de la naissance. Faute de déclaration, l'enfant porte le nom que porte sa mère au moment de la déclaration au registre de la population.

2. - Changement de nom

au profit du nom du père : lorsque la filiation paternelle n'a pas été établie à l'occasion de la déclaration au registre de la population, il est cependant possible de procéder à un changement lors de la reconnaissance de la paternité. Cette possibilité n'est cependant ouverte qu'aux personnes titulaires de l'autorité parentale.

au profit d'un nom commun : à l'occasion de leur mariage, les parents d'un enfant peuvent choisir un nom commun et décider d'en étendre le bénéfice à leur enfant.

3. - L'adoption

L'enfant mineur adopté prend le nom commun des parents ou l'un des deux noms portés par eux, sauf s'il appartient à une fratrie, auquel cas il prend le nom porté par l'aîné. Les tribunaux peuvent cependant apprécier si, dans l'intérêt de l'enfant, il doit continuer à porter son nom de naissance.

GRECE

1. - Le nom à la naissance

La loi grecque prévoit que le nom de l'enfant légitime est formé soit par le nom d'un des parents, soit par une combinaison des noms des deux parents. Le nom des enfants est fixé par une déclaration prémaritale irrévocable des deux parents faite soit devant notaire, soit devant l'autorité célébrant le mariage. Faute de cette déclaration, l'enfant légitime porte le nom de son père. Dans tous les cas, le nom de l'enfant ne peut comporter plus de deux noms.

Le nom de l'enfant né hors mariage est celui de sa mère. L'époux de la mère peut transmettre son nom à l'enfant par adjonction, après consentement de la mère et éventuellement de l'enfant par acte notarié.

2. - L'adoption

L'enfant adopté prend le nom de l'adoptant. Cependant, il peut y adjoindre, à sa majorité, le nom qu'il portait avant l'adoption. S'agissant de l'adoption par un couple, l'enfant prend le nom choisi au moment du mariage des adoptants ; à défaut d'une telle déclaration, celle-ci peut être faite au moment de l'adoption.

ITALIE

1. - Le nom à la naissance

a) La filiation légitime

La transmission à l'enfant du nom patronymique du père résulte d'une règle coutumière.

b) La filiation naturelle

Conformément à l'article 262 du code civil, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 19 mai 1975, l'enfant naturel porte le nom de celui de ses parents qui l'a reconnu en premier. Si les deux parents le reconnaissent en même temps, il porte le nom de son père.

Lorsque la filiation paternelle a été établie ou reconnue postérieurement à la filiation maternelle, l'enfant, s'il est majeur, peut prendre (assumere) le nom de son père, soit en l'ajoutant à celui de sa mère, soit en l'y substituant. S'il est mineur, la décision en la matière appartient au juge du tribunal des mineurs qui décide en fonction de l'intérêt de l'enfant.

2 - L'adoption

La loi du 4 mai 1983 sur l'adoption distingue entre l'adoption de personnes mineures et l'adoption de personnes majeures.

a) L'adoption des mineurs : cas général

Lorsqu'un enfant mineur est déclaré « adoptable » au sens de la loi de 1983, il ne peut être adopté, en règle générale, que par un couple marié. L'adoption entraîne, comme l'adoption plénière en droit français, la substitution totale de la filiation adoptive à la filiation d'origine ; par voie de conséquence, l'enfant adoptif prend le nom de son père adoptif.

Toutefois, lorsque le couple se sépare pendant la période de placement du mineur en vue de l'adoption, celle-ci peut être prononcée seulement en faveur de la mère séparée de corps, dont l'enfant adopté prend alors le nom.

L'adoption est irrévocable, et le changement de nom définitif.

b) L'adoption de mineurs dans certains cas particuliers (art 44 et s. de la loi de 1983)

Permise par dérogation aux conditions posées en droit commun pour l'adoption, cette forme particulière d'adoption est possible :

lorsque l'enfant est orphelin de père et de mère, en faveur de ses parents jusqu'au sixième degré ou de parents ayant entretenu avec lui des rapports stables et durables avant le décès de ses père et mère ;

en vue de l'adoption de l'enfant du conjoint.

L'enfant adopté conserve son nom d'origine, précédé du nom de l'adoptant, sauf lorsqu'il est adopté par le mari de sa mère : dans ce dernier cas, il prend le seul nom de l'adoptant.

Dans tous les « cas particuliers » visés par l'article 44 précité, l'adoption peut être révoquée à la demande du ministère public ; dans ce cas, l'adopté reprend son nom d'origine.

c) L'adoption des majeurs

La personne adoptée conserve son nom de naissance et le fait précéder du nom de l'adoptant ; si l'adoption est le fait d'un couple marié, l'adopté prend donc le nom du mari.

IRLANDE

Aucune disposition légale ne règle la transmission du nom patronymique à l'enfant légitime. C'est en vertu de la coutume qu'il porte le nom de son père.

Toutefois, les parents peuvent décider de lui donner le nom de la mère, ou leurs deux noms reliés par un trait d'union, ou tout autre nom choisi par eux.

Le nom de l'enfant est déclaré à la naissance et inscrit dans l'acte de naissance. La modification de l'acte de naissance est possible par la procédure de « deed poll », acte notarié sous serment validé par une décision de justice. Cependant, l'usage d'un nom peut entraîner son changement légal.

Pour les enfants naturels, le nom du père est mentionné sur l'acte de naissance si les deux parents déclarent l'enfant en même temps. En cas de désaccord, une décision de justice détermine la filiation de l'enfant. Cependant, la mère peut déclarer l'enfant sous le nom de son choix, y compris le nom de son père, sans pour autant que la filiation soit établie. Lorsqu'un enfant est légitimé, un nouveau certificat de naissance est établi sur présentation du certificat de mariage.

La procédure d'adoption donne lieu à l'établissement d'un certificat d'adoption, qui se substitue au certificat de naissance, et qui comporte le nom attribué à l'enfant par ses parents adoptifs.

PAYS-BAS

Aux termes du code civil néerlandais, l'enfant légitime porte, selon le choix de ses parents, soit le nom de son père, soit le nom de sa mère, ce choix devant être fait dans les trois jours qui suivent la naissance. Les enfants issus d'une même union portent le nom qui a été donné à l'aîné.

Le nom de famille d'un enfant naturel est celui de sa mère ; à l'établissement de sa filiation paternelle, les parents peuvent déclarer à l'état-civil que l'enfant portera le nom de son père.

Ces principes s'appliquent aussi aux enfants adoptés.

PORTUGAL

1. - Le nom à la naissance

Selon l'article 1875 du Code civil, l'enfant porte les noms de son père et de sa mère, qu'ils soient ou non mariés, ou d'un seul d'entre eux. Les prénom et nom de l'enfant sont choisis de commun accord par les parents et doivent comporter au plus six éléments, deux prénoms et quatre noms, parmi ceux appartenant au père et à la mère ou seulement à l'un d'eux, ou dont ils ont droit à l'usage, par exemple, ceux de leurs aïeux. En cas de désaccord, la décision appartient au juge, dans l'intérêt de l'enfant. En cas de reconnaissance paternelle ou maternelle postérieure à l'enregistrement, les noms de l'enfant peuvent être modifiés par décision de justice.

L'article 1876 indique que lorsque la paternité n'est pas établie, les noms du mari de la mère peuvent être attribués à l'enfant mineur sur déclaration conjointe devant l'officier d'état civil. Dans les deux ans suivant sa majorité ou son émancipation, l'enfant pourra demander que soient éliminés de son nom ceux du mari de sa mère.

2. - L'adoption

L'adopté perd ses noms d'origine, selon l'article 1988 du Code civil, son nouveau nom étant constitué, avec les adaptations nécessaires, de façon à répondre aux termes de l'article 1875. Le tribunal pourra exceptionnellement modifier le prénom de l'enfant, notamment pour favoriser son intégration familiale ou sauvegarder ses intérêts, spécialement quant à son identité personnelle. Enfin, les dispositions de l'article 1995 du Code indiquent que le juge pourra attribuer à l'enfant adopté, à la demande de l'adoptant, les noms de celui-ci, composant ainsi un nouveau nom, dans lequel figureront un, ou plus, noms de la famille d'origine.

ROYAUME-UNI

Aucune disposition légale ne règle la transmission du nom patronymique à l'enfant légitime. C'est en vertu de la coutume qu'il porte le nom de son père.

Toutefois, les parents peuvent décider de lui donner le nom de la mère ou leurs deux noms, reliés par un trait d'union, ou même un autre nom choisi par eux.

Le nom de l'enfant est déclaré à la naissance et inscrit dans l'acte de naissance. Le nom peut être modifié par le (ou les) parent(s) dans les douze mois suivant la déclaration à l'état-civil.

Pour les enfants naturels, seule la mère a l'obligation d'enregistrer la naissance de l'enfant.

Le nom du père est mentionné sur l'acte de naissance si les deux parents déclarent l'enfant en même temps, si chacun des parents le demande séparément ou si seule la mère le demande. Cependant, la mère peut déclarer l'enfant naturel sous le nom de son choix, y compris celui du père, même s'il conteste sa paternité.

Lorsqu'un enfant est légitimé et change de nom, un nouveau certificat de naissance est établi, semblable à celui d'un enfant légitime.

__________

N° 2911.- Rapport de M. Gérard Gouzes, au nom de la commission des lois, sur trois propositions de loi relatives au nom patronymique.

() Gilles Goubeaux, professeur à l'Université Nancy 2, « Le nom », in : Droit de l'enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe Gebler, Presses universitaires de Nancy, 1998, page 32.

() L'article 57 du code civil, en exigeant que l'acte de naissance énonce les noms des père et mère de l'enfant, confirme, indirectement, que le mariage n'opère pas transmission à la femme du nom de son mari. Par ailleurs, l'article 264 dispose que : « A la suite du divorce, chacun des époux reprend l'usage de son nom ».

() La loi du 25 octobre 1972 a remplacé celle du 3 juillet 1965 (n° 65-526), qui avait elle-même abrogé celle du 3 avril 1950 (n° 50-399). Elle a été modifiée, notamment, par la loi du 8 janvier 1993 précitée.

() La Cour de cassation a considéré que la mère divorcée investie de l'autorité parentale pouvait, sur ce fondement, sans autorisation judiciaire, adjoindre à titre d'usage son nom à celui de son enfant mineur. Voir : Cassation, 2ème civile, 17 mai 1995, et son commentaire par M. Jacques Massip, conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation, dans Les petites affiches du 14 février 1996, n° 20.

() Voir : Laurent Fordant, Atlas des noms de famille en France, Archives et Culture, 1999.

() Pierre Darlu, Anna Degioanni et Jacques Ruffié, « Quelques statistiques sur la distribution des patronymes en France », Population, 3, 1997, page 607.

() Pierre Darlu, Anna Degioanni et Jacques Ruffié, ibid, page 616.

() Journal officiel Assemblée nationale, 2e séance du 28 avril 1992, page 727.

() Journal officiel, ibid, page 745.

() Pierre Darlu, Anna Degioanni et Jacques Ruffié, « Quelques statistiques sur la distribution des patronymes en France », op. cit., page 632.

() Laurent Fordant, Atlas des noms de famille en France, op. cit., 1999, page 9.

() La seule référence à l'égalité des femmes et des hommes concerne l'accès aux mandats électoraux et fonctions électives, que la loi favorise, conformément au dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution, introduit par l'article 1er de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999.

() Cette décision avait entraîné l'annulation d'une disposition tendant à instaurer un quota de 25 % de femmes aux élections municipales et, près de vingt ans plus tard, le vote de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, pour mettre en _uvre le principe de la parité souhaité par le législateur.

() Résolution (78) 37 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur l'égalité des époux en droit civil, adoptée le 27 septembre 1978.

() Recommandation N° R (85) 2 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres relative à la protection juridique contre la discrimination fondée sur le sexe, adoptée le 5 février 1985.

() Recommandation 1271 (1995) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe relative aux discriminations entre les hommes et les femmes pour le choix du nom de famille et la transmission du nom des parents aux enfants. Voir également la recommandation 1362 (1998).

() On observera que dans un arrêt Guillot c/ France du 24 octobre 1996, la Cour européenne des droits de l'homme a élargi au prénom le champ d'application de l'article 8 de la Convention.

() Roger Pinto, « La liberté de choix du nom de famille devant la Cour européenne des droits de l'homme : Arrêt du 22 février 1994 Burghartz c/ Suisse », La gazette du Palais, 14-15 septembre 1994.

() Gilles Goubeaux, « Le nom », in : Droit de l'enfant et de la famille, op. cit., page 30.

() Gilles Goubeaux, ibid, page 32.

() Question écrite n° 17081 de M. Jean-Louis Masson (25 juillet 1994), Journal officiel du 5 décembre 1994.

() Pour une présentation exhaustive des discriminations entre enfants naturels et enfants adoptés, on pourra se reporter à : Carine Brière, « L'enfant et le changement de patronyme », Les petites affiches, 16 mars 2000, n° 54, pages 8 et suivantes.

() Gilles Goubeaux, « Le nom », in : Droit de l'enfant et de la famille, op. cit., page 28.

() Titre 3, chapitre 2, section première, article 1er de la Constitution du 3 septembre 1791.

() Voir, en annexe au présent rapport, la note établie par le service des affaires européennes sur le droit en vigueur dans onze Etats de l'Union européenne.

() Rénover le droit de la famille : Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur à l'université de Lille 2, au garde des sceaux, ministre de la justice, La documentation française, collection des rapports officiels, 1999, page 68.

() Réponse à la question écrite n° 38013 du 29 novembre 1999 présentée par M.  Gabriel Montcharmont, Journal officiel Assemblée nationale, 20 mars 2000, page 1877.

() Note établie par le service des affaires européennes.


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