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le 14 mai 2001

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N° 3047

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mai 2001

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI de Mme ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN (n° 613), visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge,

PAR Mme ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN,

Députée.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Logement.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Léon Bertrand, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Yves Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. Éric Doligé, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Jean-Claude Étienne, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Hubert Grimault, M. Michel Grégoire, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jacques Le Nay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Marius Masse, M. Roland Metzinger, M. Roger Meï, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jean Pontier, M. Jacques Pélissard, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. Jean-Claude Robert, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

EXAMEN EN COMMISSION 13

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 13

II.- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE 16

Article unique 16

Article additionnel après l'article unique 18

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 20

MESDAMES, MESSIEURS,

Mieux intégrer les personnes handicapées à la collectivité nationale est et doit demeurer l'un des principaux enjeux d'une politique sociale à la fois moderne et responsable.

Aujourd'hui encore, évaluer le nombre de personnes qui vivent une situation de handicap demeure malaisé. M. Vincent Assante, auteur de la dernière étude sérieuse sur ce sujet pour le Conseil économique et social (CES) (1) relève ainsi que 1,5 million de personnes sont titulaires d'une carte d'invalidité supposant au moins 80 % d'invalidité mais que, si l'on en croit le recensement de 1982 confirmé par l'enquête décennale « Santé » de 1991, 5,5 millions de personnes vivant à domicile se déclarent « handicapées ou souffrant d'une gêne dans la vie quotidienne ».

Une estimation raisonnable se situe probablement entre ces deux valeurs : retenant le total des bénéficiaires de diverses allocations, le rapporteur pour le CES aboutit à un chiffre proche de 3,5 millions de personnes. Il estime surtout que, loin de régresser, ce chiffre élevé est appelé à s'accroître par le jeu spontané d'une série de facteurs. On pense naturellement aux accidents de la route ou du travail, aux maladies professionnelles, aux accidents domestiques ou aux activités sportives. Il faut y ajouter les conséquences du vieillissement de la population - qui multiplie les situations de dépendance - ou des nouvelles technologies médicales (développement des interventions en matière de périnatalité ou de procréation médicalement assistée).

Un cadre juridique diversifié et protecteur. - Confronté à cette réalité douloureuse, le législateur n'est pas resté inactif. Il convient de rappeler ici quelques étapes d'une action empreinte du souci de mieux protéger et de faciliter l'intégration des personnes handicapées :

- la loi n° 57-1223 du 23 novembre 1957 sur le reclassement des travailleurs handicapés instaure un quota de 3 % d'emplois dits « réservés » au sein des entreprises au bénéfice de ces travailleurs et crée les « Ateliers de travail protégé » (ATP) et les « Centres d'aide par le travail » (CAT) (2;

- la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées confère - au nom d'une « obligation nationale » - des droits généraux et un statut distinctif à la personne définie comme handicapée, précisant les modalités d'aide à la vie sociale des intéressées et modernisant les mécanismes indemnitaires dans une perspective de solidarité ;

- la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales organise la coordination, le financement, le contrôle et l'extension des organismes accueillant des personnes handicapées. Un projet de loi (n° 2559) assurant la rénovation de l'action sociale et médico-sociale, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 1er février dernier, est actuellement en discussion devant le Parlement (3) ;

- la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées impose aux établissements d'entreprises de vingt salariés ou plus d'employer au moins 6 % de travailleurs handicapés - obligation dont ils peuvent s'acquitter dans le cadre de l'application d'un accord de branche ou d'entreprise, par des contrats de sous-traitance avec le milieu du travail protégé ou par le versement d'une contribution au Fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (FIPH) ;

- la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991 portant diverses mesures destinées à favoriser l'accessibilité aux personnes handicapées des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public, révise plusieurs dispositions importantes du code de la construction et de l'habitation et du code de l'urbanisme en faveur des personnes handicapées.

Ces dispositions d'ordre général sont complétées par des dispositions spécifiques à l'urbanisme et l'habitat. C'est ainsi que le code de la construction et de l'habitation (CCH) pose le principe selon lequel les dispositions architecturales et les aménagements des locaux d'habitation, des lieux de travail et des établissements et installations recevant du public - notamment les locaux scolaires, universitaires et de formation - doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles aux personnes handicapées (art. L. 111-7 CCH).

L'effectivité de ce principe est notamment garantie par plusieurs articles qui organisent un contrôle tant amont qu'aval de la conformité des établissements recevant du public aux dispositions de l'article L. 111-7 précité. En amont, conformément à l'article L. 421-3, al. 3 du code de l'urbanisme, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou travaux projetés sont conformes à ses dispositions. En aval, l'ouverture des établissements est subordonnée à une autorisation délivrée par l'autorité administrative (art. L. 111-8-3 du code de la construction et de l'habitation). Celle-ci contrôle également la conformité des travaux conduisant à leur réaménagement ou à leur modification (art. L. 111-8-1 du code de la construction et de l'habitation).

Il faut également mentionner les règles applicables aux bâtiments d'habitation collectifs neufs, énoncées aux articles R. 111-18 et suiv. du code de la construction et de l'habitation. Elles imposent que ces bâtiments, les logements qui y sont situés, les ascenseurs, les locaux collectifs affectés aux ensembles résidentiels et une partie des places de stationnement d'automobiles destinées aux habitants et aux visiteurs, soient accessibles aux personnes handicapées à mobilité réduite, par un cheminement praticable sans discontinuité. Surtout, l'article R. 111-18-1, dans sa rédaction issue du décret n° 80-637 du 4 août 1980, prévoit :

- d'une part, que les circulations et les portes des logements situés dans les bâtiments d'habitation collectifs doivent, dès la construction, permettre le passage des personnes handicapées à mobilité réduite - y compris celles qui circulent en fauteuil roulant ;

- d'autre part, que les logements situés dans ces bâtiments doivent être adaptables par des travaux simples aux besoins des intéressés de façon à leur permettre au moins l'utilisation de la cuisine (ou d'une partie du studio aménagée en cuisine), du séjour, d'une chambre (ou d'une partie du studio aménagée en chambre) et d'une salle d'eau.

En revanche, aucune disposition n'est prévue pour les personnes souffrant d'un handicap sensoriel.

Les difficultés rencontrée paraissent ainsi moins devoir naître d'un cadre juridique véritablement inapproprié, que d'une application parfois problématique.

Un accès au logement social qui demeure problématique. - Les associations rencontrées - qu'il s'agisse de l'Association des paralysés de France (APF), de l'Association Adultes et jeunes handicapés (APAJH) ou de l'Association pour le logement des grands infirmes (ALGI) (4) - font en effet état d'une série de difficultés, qui sèment d'embûches le chemin d'accès des personnes handicapées au logement social. Celles-ci tiennent à l'environnement légal et réglementaire afférent au logement social, aux carences de la gestion du parc de logements adaptés ou à la politique suivie par les bailleurs sociaux.

Un environnement réglementaire problématique. - En dépit de modifications rédactionnelles nombreuses, l'économie du dispositif d'attribution des logements sociaux prévu à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été substantiellement remise en cause au cours des années récentes. Celui-ci prévoit une attribution prioritaire aux personnes mal logées ou défavorisées « ou rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence. »

On retrouve ici la logique de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ou de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui préfèrent s'en tenir à des formulations générales - donc affaiblies, pour ne pas dire affadies - au détriment de l'identification des véritables priorités.

Ces termes généraux sont précisés par l'article R. 441-4 du code de la construction et de l'habitation. On ne peut que déplorer que l'actuelle majorité ait cru bon de faire disparaître de ce texte la mention du handicap comme élément de nature à justifier une priorité dans l'attribution des logements sociaux : dans sa rédaction antérieure au décret n° 99-836 du 22 septembre 1999, il était en effet prévu que les logements sont attribués en priorité « aux personnes ayant des difficultés spécifiques de logement, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes handicapées, de familles nombreuses, de femmes enceintes, de chefs de famille monoparentale ou de jeunes à la recherche d'un premier logement ».

Une offre de logement insuffisante. - On se heurte, en second lieu, au problème crucial de l'insuffisance d'offre de logements sociaux adaptés, liée tant à la gestion des flux (logements neufs) qu'à celle des stocks (parc existant).

D'une part, en dépit des textes qui imposent aux logements neufs de présenter des caractéristiques d'accessibilité minimales, il semble que les bailleurs sociaux ne satisfassent que très partiellement à leurs obligations - du fait notamment des surcoûts que les aménagements spécifiques ne manquent pas d'induire.

Il suffit de rappeler, sur ce point, que la subvention à l'amélioration des logements locatifs sociaux (PALULOS) est limitée à 10 % du montant prévisionnel des travaux effectués dans la limite de 85 000 francs de travaux subventionnables, ce qui laisse aux bailleurs une charge importante. Il ne faut donc pas s'étonner que ces derniers s'adressent alors aux services d'aide sociale des conseils généraux, aux centres communaux d'action sociale (CCAS), aux caisses d'allocations familiales (CAF), aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) ou aux associations pour couvrir tout ou partie du solde.

A titre d'exemple, l'Association pour le logement des grands infirmes a ainsi financé l'année dernière 1 616 opérations, au profit de 1 214 familles et pour un montant total de 41,8 millions de francs (5). Les aménagements les plus fréquemment demandés concernent l'installation d'un élévateur, l'adaptation des locaux sanitaires et l'amélioration de l'environnement et des accès extérieurs (rampes). La ventilation par département des aides accordées - sous forme de prêts ou de subventions - met en évidence l'importance des besoins dans le Nord (44 familles bénéficiaires en 2000, pour un montant total de 1,9 million de F), le Rhône (40 familles, pour un total de 1,4 million de F), la Moselle (30 familles, pour un total de 1,3 million de F), l'Isère (36 familles, pour un total de 1,4 million de F) et le Morbihan (36 familles, pour un total de 1,2 million de F).

D'autre part, la gestion du stock de logements existants par les bailleurs sociaux mérite examen.

Outre le fait qu'il n'existe pas de fichier centralisé des logements sociaux adaptés - qui permettrait aux associations d'orienter les demandeurs et à ceux-ci de voir leurs besoins examinés plus rapidement - l'attribution des logements adaptés et laissés vacants par suite, par exemple, du départ de leur occupant, ne semble faire l'objet d'aucun suivi particulier. En d'autres termes, l'affectation peut bénéficier tant à une personne valide qu'invalide alors même que l'article R. 441-4 du code de la construction et de l'habitation précité prévoit aujourd'hui que « les logements construits ou aménagés en vue de leur occupation par des personnes handicapées sont attribués à celles-ci » (ou, à défaut de candidat, en priorité à des personnes âgées dont l'état le justifie ou à des ménages hébergeant de telles personnes).

Pour la seule année 2000, l'ALGI a ainsi enregistré 471 demandes nouvelles de relogement. On observe qu'une fraction très significative de ces demandes concerne les personnes en fauteuil roulant (36,5 % du flux de demandes nouvelles).

Cette association fait état d'un stock de 959 demandes insatisfaites au 31 décembre de l'année dernière. Celles-ci se concentraient sur Paris et les départements limitrophes - 467 demandes pour Paris, 123 pour la Seine-Saint-Denis, 93 pour les Hauts-de-Seine, 54 pour le Val-de-Marne et le Val-d'Oise - contre 62 pour l'ensemble des autres départements.

Les effets pervers de politiques de stricte rentabilité. - Il faut, en troisième lieu, mentionner les effets pervers des politiques d'optimisation conduites par les constructeurs sociaux.

La progression continue des coûts de production du logement social - liée notamment au prix du foncier disponible, à celui des consommations intermédiaires et aux charges de main d'_uvre - conduit les maîtres d'_uvre et les maîtres d'ouvrage à tenter d'optimiser l'occupation du bâti et à lutter contre les pertes d'espace.

Les services de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction se sont fait l'écho auprès de votre rapporteure des critiques qu'inspirent donc à ces opérateurs les législations et réglementations afférents à l'accessibilité. Ils font notamment valoir que ces règles conduisent à une distribution de l'espace au sein des appartements qui ne correspond pas aux attentes d'une population valide : par exemple, la nécessité de laisser autour d'un lit un espace suffisant pour que puisse tourner et circuler un fauteuil roulant, impose des dimensions de chambre à coucher qui paraissent aujourd'hui excessives à la majorité des personnes valides.

Il semble dès lors que ces constructeurs puissent être tentés, au nom d'exigences de rentabilité par ailleurs compréhensibles, de prendre avec ces règles des libertés qui portent préjudice à l'insertion des personnes handicapées.

En définitive, la situation actuelle n'apparaît guère satisfaisante. Comme l'écrit justement M. Vincent Assante (op. cit., p. II-37) : « L'entrée dans un logement et, pour des personnes à faibles revenus comme le sont souvent les personnes handicapées, l'accès au logement social, relève de la quadrature du cercle. Les listes d'attente ont tendance à s'allonger et la triple exigence de surface minimum, de revenu minimum et d'accessibilité rend l'éventualité d'obtenir satisfaction bien hasardeuse. »

Dans ce contexte, la proposition de loi n° 613 vise à permettre aux familles confrontées aux difficultés liées à la présence d'un enfant handicapé en leur sein et à des revenus modestes, d'être prioritaires dans l'attribution des logements sociaux.

EXAMEN EN COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, sa proposition de loi visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge (n° 613).

Après l'exposé de la rapporteure, plusieurs commissaires sont intervenus.

M. Alain Cacheux a estimé que la proposition de loi de Mme Roselyne Bachelot-Narquin constituait une mauvaise réponse à une vraie question.

Il s'est tout d'abord félicité de ce que l'opposition semble avoir renoncé au discours caricatural et stigmatisant qu'elle avait adopté à propos du logement social lors de la discussion de l'article 55 de la loi SRU. Les choix opérés en la matière au cours des années soixante reposaient en effet sur des principes urbanistiques datés, fondés sur une minimisation de l'emprise au sol permettant de multiplier les espaces collectifs pour favoriser les contacts entre les individus ; ils ne sont plus de mise désormais.

Le problème majeur est aujourd'hui celui de l'insuffisance globale de l'offre de logements sociaux, qui appelle une vigoureuse politique de relance. Les mesures récemment présentées par le Gouvernement, qui permettent un meilleur financement de la construction locative sociale, présentent à ce titre un intérêt incontestable. Il a donc fait valoir que c'est d'abord à travers la reprise de la construction qu'une augmentation de l'offre de logements adaptés pourra être obtenue.

M. Alain Cacheux a également estimé qu'il fallait élargir l'attribution prioritaire de logements sociaux que la proposition accorde aux familles ayant à charge un enfant handicapé, aux personnes en situation de perte d'autonomie, comme le sont souvent les personnes âgées.

La multiplication de priorités d'attribution concomitantes risque en effet de vider les mécanismes existants de leur substance - ce qui avait précisément conduit la loi du 29 juillet 1998 précitée à refuser la logique d'une énumération par catégorie et à privilégier la référence plus générale aux personnes « mal logées ».

Il a par ailleurs observé que les travaux réalisés par les organismes constructeurs de logements sociaux pèsent lourdement sur les charges financières inscrites au compte d'exploitation. Une politique en faveur des personnes handicapées suppose une aide financière à ces organismes, qui pourrait prendre la forme d'une déduction totale ou partielle du coût des travaux réalisés, du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - en progression continue au cours des années récentes.

M. Georges Colombier a estimé que le mérite de cette proposition était d'aborder un sujet important dont on ne parlait pas suffisamment.

Il a regretté que les personnes handicapées ne soient pas nommément citées à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation et a souligné l'intérêt de la proposition de loi, qui complète ces dispositions pour établir une priorité au bénéfice des familles ayant à leur charge un enfant handicapé.

M. Georges Colombier a insisté pour que cette proposition aboutisse. Dans le cas contraire, il faudrait étudier la possibilité de recourir au mécanisme des contingents préfectoraux : le préfet dispose en effet, en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-1 et de l'article R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, d'un droit de réservation de 30 % des logements, qui pourrait être utilisé au profit des personnes handicapées.

M. Georges Colombier a rappelé que, plus globalement, il convenait de réfléchir aux moyens financiers à mobiliser afin de rendre les logements sociaux accessibles aux personnes handicapées - qu'il s'agisse d'enfants, d'adultes ou de personnes âgées dépendantes.

M. Léonce Deprez a déclaré que l'esprit de cette proposition de loi, ainsi que son objectif, ne pouvaient qu'être approuvés.

Il a en revanche estimé qu'il convenait, à l'Assemblée nationale comme dans d'autres instances, d'éviter un langage stigmatisant pour qualifier les logements considérés.

Il a jugé néfaste de perpétuer des formulations classant les logements en catégories, qui traduisent des différences de classe et de niveau de vie dommageables à la cohésion sociale et souhaité que soit utilisé le terme de « logement à loyer modéré », plus neutre, notamment vis-à-vis de la population jeune.

M. Patrick Ollier, s'exprimant au nom du groupe RPR, a souligné le caractère incontestablement généreux de cette proposition de loi et a émis le v_u qu'elle aboutisse, même si des mesures d'ordre réglementaire auraient peut-être pu remplir le même objectif.

Il a rappelé qu'il convenait ainsi de marquer l'attention des pouvoirs publics à l'égard de familles qui doivent assumer de lourdes charges.

M. Francis Hammel a estimé que la proposition de loi de Mme Roselyne Bachelot-Narquin partait d'un excellent sentiment, mais qu'il était souhaitable d'ouvrir le champ d'application du texte - notamment, comme le souhaite M. Alain Cacheux, aux « personnes en situation de perte d'autonomie ».

Il a dit partager l'analyse de M. Alain Cacheux, selon laquelle la construction de logements sociaux constitue un préalable à toute action en faveur des handicapés.

Il a souligné qu'un dispositif législatif cohérent existe déjà, notamment depuis la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi SRU. Les dispositions contenues dans ces lois doivent simplement être appliquées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. André Lajoinie a rappelé que cette proposition ne pouvait aboutir que si un compromis était trouvé entre la majorité et l'opposition.

Il a souligné qu'il convenait d'ouvrir le dispositif aux personnes adultes handicapées et, plus largement, à toute personne ayant perdu son autonomie.

En réponse aux différents intervenants, Mme Roselyne Bachelot a regretté que certains tentent d'utiliser un artifice parlementaire consistant à élargir l'objet de la proposition de façon à la vider de toute substance. Elle a estimé que, face à un problème précis et ponctuel, la perspective d'un grand programme de relance de l'offre locative sociale n'était pas une réponse convaincante, et rappelé que les personnes handicapées représentent aujourd'hui 10 % de nos concitoyens.

II.- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation constitue le premier article d'une section du même code consacrée aux conditions d'attribution des logements sociaux et aux plafonds de ressources qui leur sont applicables.

Dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, l'article L. 441-1 précité renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les logements construits, améliorés ou acquis et améliorés avec le concours financier de l'État ou ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement et appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré ou gérés par ceux-ci  sont attribués par ces organismes : il sera notamment tenu compte « de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage, de l'éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs. »

Ce décret fixe des critères généraux de priorité pour l'attribution des logements - notamment au profit de personnes mal logées, défavorisées ou rencontrant des difficultés particulières de logement, pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence - et définit les conditions dans lesquelles le maire de la commune d'implantation des logements est consulté sur les principes régissant ces attributions et sur le résultat de leur application.


Article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation
(en vigueur)

Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L 441-2-6 détermine les conditions dans lesquelles les logements construits, améliorés ou acquis et améliorés avec le concours financier de l'Etat ou ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement et appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré ou gérés par ceux-ci sont attribués par ces organismes. Pour l'attribution des logements, ce décret prévoit qu'il est tenu compte notamment de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage, de l'éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs. Il fixe des critères généraux de priorité pour l'attribution des logements, notamment au profit de personnes mal logées, défavorisées ou rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence. Il fixe également les conditions dans lesquelles le maire de la commune d'implantation des logements est consulté sur les principes régissant ces attributions et sur le résultat de leur application.

Le décret mentionné à l'alinéa précédent fixe également les limites et conditions dans lesquelles les organismes d'habitations à loyer modéré peuvent, en contrepartie d'un apport de terrain, d'un financement ou d'une garantie financière, contracter des obligations de réservation pour les logements mentionnés à l'alinéa précédent, lors d'une mise en location initiale ou ultérieure. Lorsque ces conventions de réservation ne respectent pas les limites prévues au présent alinéa, elles sont nulles de plein droit.

Il fixe les conditions dans lesquelles ces conventions de réservation sont conclues, en contrepartie d'un apport de terrain, d'un financement ou d'une garantie financière, accordés par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale.

Il détermine également les limites et conditions de réservation des logements par le représentant de l'Etat dans le département au profit des personnes prioritaires, notamment mal logées ou défavorisées.

Les plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux fixés en application des dispositions du présent article sont révisés annuellement en fonction de l'évolution du salaire minimum de croissance visé à l'article L 141-2 du code du travail.

L'article L. 441-1-1 du même code précise que les conditions d'application des règles prévues à l'article L. 441-1 - notamment les critères de priorité pour l'attribution des logements et les conditions de leur réservation au profit des personnes prioritaires, ainsi que les modalités de l'information du représentant de l'État dans le département, des maires et des conférences intercommunales du logement prévues à l'article L. 441-1-4 - sont, pour chaque département, précisées en tenant compte de la mixité des villes et des quartiers ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques des diverses parties de celui-ci, par un règlement établi par le représentant de l'Etat dans le département après avis du conseil départemental de l'habitat. Ce règlement tient compte des programmes locaux de l'habitat, communiqués au conseil départemental de l'habitat, des besoins évalués par le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées prévu à l'article 2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en _uvre du droit au logement, des accords collectifs départementaux prévus à l'article L. 441-1-2 et, le cas échéant, des chartes intercommunales prévues à l'article L. 441-1-5.

L'article R. 441-3 du code de la construction et de l'habitation indique quant à lui que les commissions d'attribution prévues à l'article L. 441-2 procèdent à l'examen des demandes en tenant compte notamment de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage. Elles tiennent compte en outre de l'éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs.

Il précise qu'en veillant à la mixité sociale des villes et des quartiers, ces commissions attribuent les logements disponibles par priorité aux personnes privées de logement ou dont la demande présente un caractère d'urgence en raison de la précarité ou de l'insalubrité du logement qu'elles occupent, ainsi qu'aux personnes cumulant des difficultés économiques et sociales mentionnées à l'accord collectif départemental prévu par l'article L. 441-1-2. Les autres demandes de logement social sont satisfaites par priorité au bénéfice de catégories de personnes définies par le règlement départemental prévu à l'article L. 441-1-1 dans le respect des orientations définies par les conférences intercommunales prévues à l'article L. 441-1-5, lorsqu'elles existent.

La proposition de loi propose de reconnaître une priorité d'attribution aux familles ayant à leur charge un enfant handicapé pour l'attribution de logements sociaux.

La commission a rejeté un amendement de rédaction globale présenté par M. Alain Cacheux, mentionnant les personnes en situation de perte d'autonomie parmi celles qui sont susceptibles de bénéficier d'une priorité d'attribution, la rapporteure ayant exprimé un avis défavorable fondé sur l'imprécision de la formulation proposée.

La commission a en revanche adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure, accordant une priorité pour l'attribution de logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne dans cette situation, après que M. Alain Cacheux eut indiqué que le groupe socialiste s'abstenait.

Article additionnel après l'article unique

La commission a adopté à l'unanimité un amendement de M. Alain Cacheux, prévoyant la déductibilité de la taxe foncière acquittée sur les propriétés bâties, des dépenses engagées par les organismes d'habitation à loyer modéré pour assurer l'accessibilité et l'adaptation des logements.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure rectifiant le titre de la proposition de loi pour tenir compte de l'amendement de rédaction globale précédemment adopté.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi n° 613 ainsi modifiée et intitulée.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap

Article unique

Dans l'avant-dernière phrase du 1er alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction, après les mots :

« au profit »,

sont insérés les mots :

« de personnes en situation de handicap ou de familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap, ».

Article additionnel après l'article unique

I.- Les dépenses engagées par les organismes HLM pour l'accessibilité et l'adaptation des logements aux personnes en perte d'autonomie sont déductibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties versées aux collectivités territoriales.

II.- La DGF est majorée à due concurrence.

III.- Les pertes de recettes sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article unique

Amendement présenté par M. Alain Cacheux :

Rédiger ainsi cet article :

« Dans l'avant-dernière phrase du 1er alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, après les mots :

« tenant à leurs conditions d'existence »

sont insérer les mots :

« , notamment les personnes en situation de perte d'autonomie ».

3047 - Rapport de Mme Roselyne Bachelot sur la proposition de loi (n° 613) visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge (commission production)

() V. Assante, « Situations de handicaps et cadre de vie », Rapport au nom de la section du Cadre de vie, Conseil économique et social, 12-13 septembre 2000.

() Ces structures accueillent les personnes infirmes, jugées par des commissions spécialisées incapables d'intégrer le milieu ordinaire de travail.

() Ce projet vise tout d'abord à « reconnaître » et « fonder » - selon les termes de son exposé des motifs - des droits nouveaux, à élargir les missions de l'action sociale et médico-sociale et à diversifier les modalités d'action des établissements et services du secteur.

Il vise aussi - et peut-être surtout - à rénover et clarifier les procédures organisant le secteur par une planification concertée plus efficiente, une refonte du régime des autorisations, des mécanismes modernisés d'allocation des ressources et de tarification, le développement de l'évaluation des pratiques, un statut actualisé des établissements publics et une meilleure coordination et responsabilisation des acteurs et des décideurs. Il prévoit également la mise en place d'outils conventionnels diversifiés favorisant l'articulation des politiques de l'Etat et des départements, développant les coopérations entre les divers établissements et services du secteur et permettant la contractualisation des relations entre les autorités tarifaires et les établissements.

() L'Union nationale des parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) a été également contactée. Elle a fait connaître son avis par écrit.

() Source : ALGI, Rapport d'activité 2000, p. 2.


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