Document mis en distribution le 8 octobre 2001 N° 3300 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 octobre 2001. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 3122 rect.) DE M. HENRI CUQ ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs, PAR M. HENRI CUQ, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Enfants. La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane. INTRODUCTION 5 I. - L'EXPLOSION DE LA DÉLINQUANCE DES JEUNES DÉMONTRE L'INADAPTATION DU DISPOSITIF ACTUEL 6 A. UNE DÉLINQUANCE QUI A TOTALEMENT CHANGÉ DE NATURE DEPUIS 1945 6 a) Des mineurs de plus en plus nombreux 7 b) Des mineurs de plus en plus jeunes 7 c) Des mineurs de plus en plus violents 7 B. UN DISPOSITIF LARGEMENT INADAPTÉ 9 a) Le caractère peu lisible de l'ordonnance de 1945 9 b) La protection insuffisante des mineurs 15 II. - LA PROPOSITION DE LOI A POUR VOCATION D'OUVRIR UN DÉBAT SUR LES MOYENS JURIDIQUES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS 17 A. UNE ADAPTATION MESURÉE DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945 17 a) Une extension des possibilités de placement en garde à vue et en détention provisoire qui s'accompagne d'un renforcement des garanties dont bénéficient les mineurs 17 b) Un aménagement des mesures susceptibles d'être prononcées à l'encontre des mineurs 20 c) Une modification équilibrée de la procédure applicable aux mineurs 21 d) La création d'un registre national recensant les mesures éducatives applicables aux mineurs 23 B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES ATTEINTES AUX MINEURS 23 a) Une plus grande responsabilisation des parents 23 b) Une répression accrue de l'incitation à la consommation ou au trafic de stupéfiants 24 c) La lutte contre l'exploitation des mineurs 25 d) Les dispositions diverses 25 DISCUSSION GÉNÉRALE 27 TABLEAU COMPARATIF 33 MESDAMES, MESSIEURS, Déjà en 1922, Emile Garçon écrivait dans son traité de droit pénal que « le problème de l'enfance coupable demeure l'un des problèmes les plus douloureux de l'heure présente. Les statistiques les plus sûres comme les observations les plus faciles prouvent, d'une part, que la criminalité juvénile s'accroît dans des proportions fort inquiétantes, et, d'autre part, que l'âge moyen de la criminalité s'abaisse selon une courbe très rapide. » Le phénomène n'est donc pas nouveau, mais il a effectivement atteint aujourd'hui des proportions fort inquiétantes, le rajeunissement des délinquants s'accompagnant d'une augmentation sans précédent de la violence des infractions commises. Ce constat, que personne ne conteste, doit amener les pouvoirs publics à s'interroger sur l'efficacité du dispositif mis en place après la guerre. Certes, une modification, même importante, du traitement judiciaire de la délinquance ne suffira pas, à elle seule, à ramener la paix dans nos banlieues. L'inversion de tendance actuelle nécessite également de repenser le rôle de l'école, de la famille, de réfléchir aux questions d'urbanisation ou encore de s'interroger sur les modalités d'intervention de la police et de la gendarmerie. De même, il est indispensable de réexaminer les priorités en matière de politiques publiques, afin de doter la justice de moyens financiers et humains lui permettant d'exercer efficacement ses missions. Mais la nécessité d'une approche globale de ce phénomène ne doit pas servir de prétexte à faire l'économie d'un débat sur le dispositif juridique de lutte contre la délinquance des mineurs. C'est dans cet esprit qu'a été demandée l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi, déposée par votre rapporteur et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'ordonnance n °45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs. Ce texte ne prétend pas fournir des réponses définitives au problème des mineurs délinquants, mais propose des pistes de réflexions destinées à ouvrir un véritable débat sur l'ordonnance du 2 février 1945 et sur les dispositions pénales relatives aux mineurs. Ce débat, en effet, n'a pas pu avoir lieu lors de l'examen de projet relatif à la sécurité quotidienne, la majorité refusant de discuter de manière approfondie des amendements déposés par l'opposition L'intitulé de la proposition de loi illustre bien la philosophie qui a présidé à l'élaboration de ce texte. Il s'agit avant tout, selon l'exposé des motifs, de mettre en place « un système global qui ne soit pas uniquement répressif, mais qui offre une protection aux mineurs dans la société contre les autres et contre eux-mêmes ». Le nombre de mineurs victimes est, en effet, loin d'être marginal, puisque, d'après une enquête de l'INSERM, un adolescent sur cinq, déclare avoir été victime de violence. Or, comme le souligne Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierrre Balduyck dans leur rapport au Premier Ministre sur les réponses à la délinquance des mineurs, « les jeunes qui ont été victimes de violences pendant leur minorité ont généralement plus de mal à s'insérer dans la société et sont eux-mêmes plus enclins que les autres à développer des comportements violents ». Le titre premier, relatif aux mineurs délinquants, propose une modification limitée de l'ordonnance de 1945. Si la détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans est autorisée en matière correctionnelle, dans certaines conditions, la majorité pénale, pierre angulaire de l'ordonnance, n'est pas modifiée et reste fixée à 18 ans. En outre, parallèlement à un encadrement plus strict de l'utilisation des mesures éducatives, notamment pour les mineurs récidivistes âgés de plus de dix ans, la proposition de loi renforce les droits des mineurs tout au long de la procédure. Les mineurs victimes font l'objet du titre II. Ce dernier alourdit sensiblement les peines applicables en cas d'atteintes aux mineurs et crée de nouvelles infractions destinées à mieux les protéger, notamment contre les provocations à l'usage et au trafic de stupéfiants. Certaines dispositions ont également pour objet de responsabiliser les parents, dont le rôle dans le processus de réinsertion du mineur est essentiel. Enfin, les titres III, IV et V procèdent à diverses coordinations et donnent un cadre législatif aux arrêtés municipaux d'interdiction de circulation de mineurs de moins de treize ans, compatible avec la jurisprudence récente du Conseil d'Etat en la matière. I. - L'EXPLOSION DE LA DÉLINQUANCE DES JEUNES DÉMONTRE L'INADAPTATION DU DISPOSITIF ACTUEL A. UNE DÉLINQUANCE QUI A TOTALEMENT CHANGÉ DE NATURE DEPUIS 1945 Des mineurs de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes et de plus en plus violents : tels sont, schématiquement, les trois caractéristiques principales de l'évolution de la délinquance juvénile ces vingt dernières années. Les mineurs représentent aujourd'hui près de 22 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie, contre moins de 10 % en 1972. Cette évolution est d'autant plus inquiétante que les statistiques « ne permettent qu'une approche incomplète de l'insécurité », comme l'a d'ailleurs reconnu lui-même le ministre de l'intérieur, lors de l'examen en première lecture, dans notre assemblée, du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. En effet, si les chiffres fournis reflètent parfois davantage l'activité des services de police que l'évolution réelle des faits délictueux, notamment pour l'usage et le trafic de stupéfiants, à l'inverse, ils ne prennent pas en compte la plupart des « incivilités », qui contribuent pourtant à nourrir le sentiment d'insécurité chez nos concitoyens. C'est pourquoi il convient de se féliciter de l'initiative prise par le Gouvernement de confier à deux parlementaires une mission tendant à l'élaboration d'un nouvel instrument statistique de mesure de l'insécurité. a) Des mineurs de plus en plus nombreux En 2000, 175 256 mineurs ont été mis en cause par les services de police et de gendarmerie, soit une hausse de 2,86 % par rapport à 1999. Ce chiffre est à rapprocher des 98 284 mineurs mis en cause en 1990. Il n'est, dès lors, pas illégitime, contrairement à ce qu'affirme le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck, de parler d'explosion de la délinquance des mineurs. La participation des mineurs varie en fonction de l'infraction concernée : s'ils ne représentent que 5,32 % des homicides commis, les mineurs sont responsables de 34 % de faits de délinquance sur la voie publique et de 33 % des vols. En dix ans, leur part dans les infractions économiques et financières est passée de 1,4 % à 4,8 %, dans les crimes et délits contre les personnes de 7,2 % à 15,2 % et dans les autres infractions (dont le trafic de stupéfiants) de 8,5 % à 18,5 %. Cette évolution est d'autant plus inquiétante que la part des moins de dix-huit dans la population globale ne cesse de se réduire. Mais encore ne s'agit-il là que d'une moyenne calculée sur l'ensemble du territoire national. Dans certains quartiers, la part de la délinquance des mineurs dans la commission d'infractions de violence quotidienne est supérieure à 50 %. b) Des mineurs de plus en plus jeunes Bien qu'il n'existe pas d'études exhaustives en la matière, tout le monde s'accorde sur le rajeunissement des délinquants. Comme le souligne Yves Bot, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, dans le numéro de la documentation française consacré à la violence et à la délinquance des jeunes, « les délinquants de 8-9 ans ne constituent plus une exception ». Ainsi, sur les 242 affaires de violences sexuelles entre élèves recensées sur les trois premiers mois de l'année 1999, 30 % des auteurs et 35 % des victimes avaient moins de treize ans et près d'un cas sur cinq concernait des abus sexuels en réunion (1) Les statistiques de la justice, bien que partielles, confirment cette évolution. De 1994 à 1998, le nombre de mineurs de moins de seize ans condamnés pour crime est passé de 78 à 189. Sur les 314 condamnés pour viols en 1998 (contre 136 en 1994), 171 avaient moins de seize ans, parmi lesquels 33 avaient moins de 13 ans (10 en 1994). c) Des mineurs de plus en plus violents L'accroissement et le rajeunissement de la délinquance se sont accompagnés d'une augmentation très nette de la gravité des infractions commises. Ainsi, les condamnations pour atteintes aux personnes ont été multipliées par plus de deux entre 1994 et 1998, celles pour coups et blessures volontaires étant multipliées par près de trois. Même si cette évolution s'inscrit dans un contexte général de banalisation de la violence, elle n'en demeure pas moins préoccupante, puisqu'elle touche davantage les mineurs, comme le démontre l'augmentation de la part des mineurs dans la commission de ce type d'infractions.
Cette aggravation de la violence va de pair avec une augmentation importante des délits commis par des mineurs multirécidivistes. D'après l'étude réalisée en juin 2000 par Sébastien Roché et une équipe de chercheurs sur la délinquance auto-déclarée des jeunes(2), 5 % des mineurs les plus actifs seraient responsables de 61,5 % des dégradations et de 66,5 % des agressions. Ces multirécidivistes, qui constituent le « noyau dur » de la délinquance, agissent souvent en groupe, semant la terreur dans leur quartier. Trouvant dans ce regroupement une sorte de substitut identitaire, ils se confrontent régulièrement aux bandes des autres quartiers dans des affrontements de plus en plus violents. Tout le monde a en mémoire les événements de février dernier, où des affrontements au centre commercial des Quatre-Temps, à la Défense, avaient opposé environ deux cents jeunes du quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie et de la cité de la Noé à Chanteloup-les-Vignes. Les personnes interpellées par la police après ces incidents étaient, pour deux tiers d'entre elles, mineurs. Réagissant à ces événements, M. Jean-Marie Petitclerc, responsable d'une association de prévention et auteur de plusieurs ouvrages sur la violence des jeunes, estimait dans le journal Le Monde qu'il fallait « abaisser l'âge de la majorité pénale pour réagir à la première transgression, ne pas attendre que les jeunes deviennent multirécidivistes ». La direction centrale des renseignements généraux a comptabilisé en 1999 398 incidents de ce type, contre 204 en 1994, principalement concentrés dans les huit départements de la région Ile-de-France et dans l'Oise. Dans ce contexte, les policiers, perçus comme une bande rivale, font l'objet de multiples agressions. Ces violences dirigées contre les forces de l'ordre sont favorisées par la culture de banlieue, qui entretient les ressentiments, l'esprit de revanche et les stéréotypes anti-institutionnels, comme l'a démontré Lucienne Bui Trong, commissaire divisionnaire honoraire à la direction centrale des renseignements généraux, dans son ouvrage Violences urbaines : Des vérités qui dérangent. Ces différents éléments statistiques démontrent l'inadaptation du dispositif actuel de lutte contre la délinquance des mineurs. Cette inadaptation s'explique par un constat qui relève, ou devrait relever, du bon sens, selon lequel le mineur délinquant du vingt-et-unième siècle n'évolue pas dans le même environnement que le mineur délinquant de l'après-guerrre. La société a changé, la nature de la délinquance des mineurs aussi, et l'ordonnance de 1945 doit s'adapter à ces mutations. Comme le souligne Marc Bessin, sociologue chargé de recherche au CNRS, dans le n °29 des Cahiers de la sécurité intérieure, « l'édification de cette législation d'exception, qui déroge aux principes du droit ordinaire, correspond à des conditions de socialisation particulières, propres à la société industrielle qui achève dans l'après-guerre son long processus d'édification ». Denis Salas, ancien juge des enfants, va dans le même sens, lorsqu'il considère que « la délinquance des mineurs ne résulte plus des ratés de la socialisation dont une action éducative bien dirigée pourrait venir à bout » (3). Même l'argument économique, souvent avancé pour expliquer l'explosion des chiffres, doit être relativisé : la reprise économique et la récente diminution du chômage n'ont eu aucun effet sur la délinquance des mineurs, qui est avant tout un problème de rapport à la norme. B. UN DISPOSITIF LARGEMENT INADAPTÉ a) Le caractère peu lisible de l'ordonnance de 1945 La philosophie sociale qui a présidé à l'élaboration de l'ordonnance de 1945 a conduit à l'adoption d'un certain nombre de dispositions dérogatoires au droit commun, qui, tout en étant pour une large part justifié, brouille l'image de la justice auprès des jeunes délinquants. - Les juridictions spécialisées pour mineurs Le juge des enfants, statuant en audience de cabinet, juge les délits les moins graves. Il ne peut prononcer que des mesures éducatives. Le tribunal pour enfants partage avec le juge des enfants une compétence en matière délictuelle et est saisi des affaires criminelles lorsque le mineur a moins de seize ans au moment des faits. Il est composé d'un juge des enfants, président, et de deux assesseurs nommés pour quatre ans par arrêté du ministre de la justice parmi les personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française, qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leur compétence. Il existe aujourd'hui environ 1 500 assesseurs, dont les trois quarts exercent une activité professionnelle, notamment dans l'enseignement. La cour d'assises des mineurs se distingue de la cour d'assises de droit commun par ses deux assesseurs, qui sont choisis parmi les juges des enfants. L'audience a obligatoirement lieu hors la présence du public. La cour d'assises des mineurs juge les auteurs de crimes âgés de plus de seize ans. Le juge d'instruction des mineurs est, lui, obligatoirement saisi par le parquet des mineurs en cas de crime. - La garde à vue L'ordonnance de 1945 encadre très strictement les conditions de placement et de prolongation de la garde à vue des mineurs de 10 à 16 ans. Les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent pas être placés en garde à vue. Toutefois, les mineurs de 10 à 13 ans ayant commis une infraction punie d'au moins sept ans d'emprisonnement peuvent faire l'objet d'une retenue à disposition d'un officier de police judiciaire, pour une durée qui ne peut excéder dix heures, renouvelable après une présentation du mineur devant un magistrat. La prolongation de la garde à vue des mineurs de 13 à 16 ans n'est possible que si l'infraction en cause est punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
- La détention provisoire Avant tout placement en détention provisoire, le service éducatif auprès du tribunal (SEAT) établit un rapport sur la situation du mineur et propose une solution éducative. Comme pour les majeurs, c'est le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge des enfants ou le juge d'instruction, qui prend la décision de placement en détention provisoire. Cette mesure est interdite pour les mineurs âgés de moins de treize ans et possible uniquement en matière criminelle pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans. La détention provisoire est donc impossible en matière correctionnelle pour les délinquants de 13 à 16 ans, quelle que soit la gravité du délit commis. Cette interdiction prive le contrôle judiciaire de toute efficacité, puisque le mineur sait qu'il ne sera pas sanctionné en cas de non-respect de cette mesure. Elle contribue également à détériorer l'image de la justice auprès de nos concitoyens, qui supportent mal de voir les auteurs de délits très graves rester dans leur quartier et poursuivre leurs exactions, alors même qu'ils ont été arrêtés par la police et que leur culpabilité ne fait aucun doute. La durée de la détention provisoire est limitée à un an, prolongations comprises, pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans en cas de délit et à deux ans en cas de crime. Les mineurs de 13 à 16 ans ne peuvent être détenus plus d'un an (six mois renouvelable une fois).
- Les mesures éducatives Les mesures d'éducation peuvent être prononcées au stade de l'instruction comme au stade du jugement. L'admonestation consiste en un avertissement prononcé par le juge des enfants en présence des parents et de la victime. Comme toutes les mesures éducatives, elle figure au casier judiciaire. En 2000, 34 486 admonestations et dispenses de peines ont été prononcées. Il est d'ailleurs assez significatif que cette mesure soit comptabilisée par le ministère de la justice avec les dispenses de peine. La mesure de liberté surveillée permet au mineur de demeurer dans sa famille, sous le contrôle d'un éducateur qui aide le mineur et rend compte de l'évolution de la situation à la juridiction. Les juridictions spécialisées ont prononcé en 2000 10 600 mesures de liberté surveillée. La mise sous protection judiciaire permet au magistrat de soumettre le mineur, après le jugement, à des mesures de placement ou de suivi en milieu ouvert, en fonction de son évolution. Elle est limitée à cinq ans, mais peut se poursuivre au-delà de la majorité du délinquant. Le placement peut concerner tout mineur, quel que soit son âge. Il en est cependant tenu compte dans le choix de la structure de placement. Les centres d'action éducative (CAE) accueillent en centre de jour les jeunes délinquants, en concurrence avec le secteur associatif habilité. Avec l'aide d'éducateurs, de psychologues et d'assistantes sociales, ils proposent des activités de formation, d'insertion en entreprises ou encore des activités sportives, artistiques ou culturelles. Les foyers d'action éducative (FAE) peuvent héberger près de 1 000 mineurs. Ces derniers bénéficient des activités des CAE et des autres centres de jour du secteur associatif. Avant la création des centres de placement immédiat, les FAE avaient quelques places réservées à l'accueil d'urgence. Les centres de placement immédiat (CPI), créés en janvier 1999, ont pour mission « d'assurer l'immédiateté et la continuité de la prise en charge des mineurs, notamment des plus difficiles d'entre eux ». Ces centres, qui accueillent une dizaine de mineurs, doivent permettre une évaluation de la situation médicale, familiale, scolaire ou professionnelle du mineur pendant un délai d'un à trois mois, qui conduisent à des propositions d'orientation. 35 CPI sont actuellement ouverts, 42 le seront en octobre, l'objectif du Gouvernement étant d'atteindre le chiffre de 50 fin 2001. Enfin, 47 centres éducatifs renforcés (CER), accueillent cinq à six délinquants multirécidivistes pour un séjour de rupture de quelques mois. Ces centres, créés en 1996 par M. Jacques Toubon, alors ministre de la justice, se caractérisent par un fort taux d'encadrement destiné à assurer un accompagnement permanent des jeunes délinquants. Par un programme d'activité intensif, ils cherchent à favoriser la réinsertion sociale de jeunes en voie de marginalisation. L'objectif des pouvoirs publics était d'ouvrir 100 centres pour 2001. En 2000, 1 700 mineurs ont été accueillis dans les CPI et les CER. Ce chiffre reste dérisoire par rapport au nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie qui est, rappelons-le, d'environ 175 000. S'il est nécessaire de poursuivre l'effort entrepris pour ouvrir des CER, ceux-ci répondant à un véritable besoin, il est également indispensable de réfléchir à la mise en place de nouvelles structures qui, en empêchant les fugues des mineurs qui y seraient placés, constitueraient une véritable alternative à l'incarcération et permettraient ainsi de diminuer le nombre de mineurs en prison (4) Votre rapporteur regrette d'ailleurs, à cet égard, que les rigueurs de l'article 40 de la Constitution ne lui aient pas permis de faire figurer dans le texte présenté des propositions précises en ce sens. Ces établissements, qui privilégieraient l'action éducative, ne seraient pas gérés par l'administration pénitentiaire, mais relèveraient des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Ils pourraient être divisées en deux catégories distinctes, certains étant destinés à accueillir les mineurs actuellement placés en détention provisoire, les autres recevant les mineurs faisant l'objet d'une décision de placement de la juridiction de jugement. Les mineurs placés dans ces derniers établissement pourraient y rester jusqu'à l'âge de vingt ans, cette prolongation au-delà de la majorité permettant aux juridictions de jugement de prononcer cette mesure à l'encontre de jeunes majeurs pour des faits commis pendant leur minorité. Dans la mesure où la vocation de ces nouvelles structures est essentiellement éducative, le juge des enfants pourrait, en fonction de l'évolution de la situation du mineur, autoriser les sorties à l'extérieur et même demander au tribunal pour enfants la levée de la mesure, sous réserve d'un appel du parquet. Autre mesure éducative, la réparation consiste à faire effectuer au mineur, auteur d'une infraction une action de réparation envers la victime (réparation directe) ou pour la société (réparation indirecte). Lorsque cette mesure constitue une alternative aux poursuites, l'accord du mineur et des titulaires de l'autorité parentale est indispensable. En 2000, 12 000 mesures de réparation ont été prononcées. L'un des principaux inconvénients de ces mesures éducatives, outre leur caractère peu contraignant, est leur délai d'exécution. Bien qu'il soit en très légère diminution ces dernières années, le nombre de mesures en attente demeure important (7 102 en 2000). Or la condition de leur efficacité réside dans l'immédiateté de leur exécution. Une mesure de réparation effectuée plusieurs mois après les faits n'a de sens ni pour l'auteur de l'infraction, ni pour la victime. Ces délais posent d'ailleurs le problème plus général des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, qui sont notoirement insuffisants, tant sur le plan humain que sur le plan matériel, pour pouvoir prendre en charge efficacement tous les mineurs délinquants. - Les peines Lorsque « les circonstances et la personnalité du délinquant » paraissent l'exiger, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent prononcer à l'égard des mineurs âgés de plus de treize ans une condamnation pénale. Les peines privatives de liberté et le montant des amendes ne peuvent être supérieurs à la moitié de la peine théoriquement encourue. Cependant, la diminution de peine peut être refusée au mineur de plus de 16 ans par une décision spécialement motivée. Les peines pouvant être prononcées sont l'emprisonnement, assortie éventuellement d'un sursis simple ou d'un sursis avec mis à l'épreuve, l'amende et le travail d'intérêt général (TIG). Cette dernière peine, qui consiste en un travail non rémunéré d'une durée comprise entre 40 et 240 heures au profit d'une personne morale de droit public ou d'une association habilitée, ne peut être prononcée qu'à l'égard des mineurs de 16 à 18 ans. En 2000, les juridictions pour mineurs ont prononcé 7 652 peines d'emprisonnement ferme pour 10 469 peines d'emprisonnement avec sursis et 3 286 TIG. - La procédure de comparution à délai rapproché Afin de réduire les délais entre la commission des faits et le passage du mineur délinquant devant la juridiction de jugement, la loi du 1er juillet 1996 a mis en place une nouvelle procédure, la comparution à délai rapproché. Elle permet la comparution du mineur devant le tribunal pour enfants ou le juge des enfants dans un délai compris entre un et trois mois. Cette procédure rapide n'est possible qu'en matière correctionnelle pour les mineurs ayant déjà fait l'objet d'une procédure judiciaire. Il semble, en pratique, que cette procédure ne fonctionne pas encore de manière tout à fait satisfaisante. Comme le souligne le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck, son application « est très diverse selon les juridictions ». En outre, les délais prévus, entre un et trois mois, sont plus importants que ceux de la comparution immédiate (de 10 jours à 2 mois) qui, elle, n'est pas applicable aux mineurs. Par sa complexité et la multiplication de ses dispositions dérogatoires au droit commun, l'ordonnance de 1945 envoie un message peu lisible aux mineurs délinquants. Même s'il s'agit également d'un problème de politique pénale, les dispositions législatives actuelles n'étant pas les seules en cause, il est assez significatif que seuls 3 % des jeunes pensent qu'on peut être condamné pour des tags, 15 % pour des vols dans un magasin, 25 % pour des actes de racket et 36 % pour une agression physique (5). Dès lors, une modification de l'ordonnance de 1945 qui, tout en conservant les principales spécificités de cette dernière, comme la majorité pénale ou l'excuse de minorité, la rapprocherait sur certains points du droit commun paraît souhaitable. De même, si la primauté des mesures éducatives doit être conservée, une plus grande sévérité à l'égard des mineurs récidivistes permettrait de rendre plus lisible le message de l'institution judiciaire. b) La protection insuffisante des mineurs - Les dispositions applicables aux parents défaillants Le code pénal et le code de la sécurité sociale comportent un certain nombre de dispositions destinées à sanctionner les parents qui ne remplissent leurs obligations à l'égard de leur enfant. L'article L. 552-6 de code de la sécurité sociale permet ainsi la mise sous tutelle des prestations familiales lorsque « les enfants donnant droit aux prestations sont élevés dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses ou lorsque le montant de ces prestations n'est pas employé dans l'intérêt de l'enfant ». Si cet article est effectivement mis en _uvre, puisque plus de 24 000 mesures de tutelle aux prestations sociales ont été prononcées en 2000, il reste qu'il ne s'applique pas aux parents qui se désintéressent de l'éducation et du comportement de leur enfant. Lorsque l'enfant est placé, que se soit au titre de l'enfance en danger ou de l'enfance délinquante, les allocations sont en principe versées à la personne ou à l'institution qui prend en charge l'enfant. Mais l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale autorise le maintien du versement des allocations à la famille lorsque celle-ci participe à la prise en charge de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer. La suspension du versement des allocations familiales est donc en pratique relativement rare. De même, la disposition qui permet à la caisse d'allocations familiales, sur signalement de l'inspecteur d'académie, de supprimer ou de suspendre le versement des allocations familiales si l'enfant ne remplit pas les conditions de l'obligation scolaire est trop rarement mis en _uvre. Enfin, l'article 227-17 du code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende les parents qui, sans motif légitime, se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leur enfant mineur. Ces dispositions, qui correspondent parfaitement au cas des parents passifs, voir complices, face à la délinquance de leur enfant, sont appliquées de façon inégale selon les juridictions, et toujours de manière excessivement prudente. Pourtant, le rapport Mme Lazerges et de M. Balduyck proposait que « les parquets soient incités, dans les cas où les parents apparaissent particulièrement défaillants, à engager des poursuites contre ces derniers du chef d'abandon moral ou matériel des enfants ». Il n'existe donc pas, pour l'instant, de dispositif efficace pour obliger les parents d'enfants en danger à s'impliquer dans l'éducation de ces derniers. Or l'étude réalisée par Sébastien Roché et une équipe de chercheurs sur la délinquance autodéclarée des jeunes confirme l'analyse de bon sens selon laquelle la délinquance des jeunes s'accroît avec l'affaiblissement du contrôle parental. Selon cette étude, « même dans les conditions les plus difficiles qui soient, à savoir un environnement dégradé et avec une mauvaise situation scolaire, le contrôle parental limite considérablement la délinquance ». - Les autres dispositions Les articles 227-18 et suivants du code pénal mettent en place des incriminations destinées protéger les mineurs contre les provocations à commettre des faits délictueux. L'article 227-21 prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende en cas de provocation directe à commettre habituellement un crime ou un délit. Parmi les faits délictueux, un sort particulier est fait à la consommation et au trafic de stupéfiants, en raison de leur impact en terme de santé publique et de délinquance. Les articles 227-18 et 227-18-1 sanctionnent ainsi la provocation directe à la consommation et au trafic de stupéfiants, même lors ces délits ne sont pas commis de manière habituelle. La provocation directe à la consommation excessive de boissons alcoolique constitue également une infraction passible de deux ans de prison et de 300 000 F d'amende (article 227-19 du code de la santé publique). Le fait de commettre ces différentes infractions sur un mineur de quinze ans, à l'intérieur d'un établissement scolaire ou aux abords immédiats d'un tel établissement, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, constitue une circonstance aggravante. Enfin, la provocation directe d'un mineur à la mendicité est punie de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende. Ces différentes dispositions pénales sont en pratique très rarement mises en _uvre, sans doute en raison de leur définition très restrictive (exigence d'une condition d'habitude et du caractère direct de la provocation ). Il apparaît ainsi très clairement que le dispositif actuel relatif à l'enfance délinquante est à la fois insuffisamment mis en _uvre et largement inefficace. C'est pourquoi il semble urgent, sans polémique et dans un esprit constructif, d'ouvrir un véritable débat sur les modifications législatives à apporter pour mettre fin aux dérives actuelles. II. - LA PROPOSITION DE LOI A POUR VOCATION D'OUVRIR UN DÉBAT SUR LES MOYENS JURIDIQUES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS Les mesures qui figurent dans la proposition de loi ne prétendent pas régler, à elles seules, le problème de la délinquance des jeunes, mais constituent des pistes de réflexion ayant en commun le souci de mieux assurer la protection des mineurs. Nombre d'entre elles sont susceptibles de modifications ou d'amélioration, notamment celles qui concernent la saisine du service éducatif auprès du tribunal ou la possibilité de d'appliquer aux mineurs des périodes de sûreté. A. UNE ADAPTATION MESURÉE DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945 a) Une extension des possibilités de placement en garde à vue et en détention provisoire qui s'accompagne d'un renforcement des garanties dont bénéficient les mineurs - La garde à vue L'article premier de la proposition de loi (art. 4-1 de l'ordonnance de 1945) modifie les règles applicables au placement des mineurs en garde à vue. Il autorise la retenue des mineurs âgés de dix à treize ans dès lors qu'ils sont soupçonnés d'avoir commis une infraction punie de cinq ans d'emprisonnement, au lieu de sept actuellement. Cet assouplissement des conditions de retenue des jeunes mineurs rejoint les observations formulées dans le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck, pour lequel « s'il n'y a aucun doute quant au fait que, pour certains mineurs endurcis, multiréitérants, l'impact d'une interpellation et d'une audition réussies au sens psychologique reste très limité, tel n'est pas le cas pour des mineurs plus jeunes, primo-délinquants ou dont l'acte est l'expression soudaine d'un mal-être familial, social ou psychologique ». Et ce rapport de poursuivre : « Chez ces jeunes, une audition bien menée, une période de garde à vue intelligemment organisée, une rencontre précoce et subtile avec la famille peuvent produire immédiatement et à long terme des effets appréciables ». Les modalités de prolongation de la garde à vue des mineurs âgés de plus de treize ans sont également modifiées : cette prolongation, pour une durée maximale de 24 heures, sera désormais possible quel que soit le quantum de la peine d'emprisonnement encourue, dès lors que le mineur est âgé de plus de quinze ans ; les mineurs âgés de treize à quinze ans continueront en revanche de bénéficier du dispositif actuel, qui n'autorise la prolongation que lorsque l'infraction en cause est un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Afin de simplifier et d'accélérer la procédure, la présentation obligatoire du mineur devant un magistrat est supprimée. Parallèlement à cet assouplissement des modalités de placement et de prolongation de la garde à vue, l'article premier renforce les droits des mineurs concernés par cette mesure. Ainsi, dès le début de la garde à vue, le mineur devra être informé de ses droits. Ses parents, son tuteur, la personne disposant de l'autorité parentale ou le service ayant la garde du mineur seront immédiatement prévenus de la mesure, le parquet ne pouvant plus, comme actuellement, différer cette information. L'examen médical obligatoire, destiné à déterminer leur aptitude à subir une garde à vue, est étendu aux mineurs de plus de seize ans, l'officier de police judiciaire étant chargé de prendre toute mesure utile en vue de cet examen. Il devra être pratiqué à nouveau en cas de prolongation de la retenue ou de la garde à vue. Comme actuellement pour la retenue des mineurs de treize ans, la désignation de l'avocat dès le début de la garde à vue sera obligatoire; lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'auront pas désigné d'avocat, l'officier de police judiciaire informera le bâtonnier afin qu'il en soit commis un d'office. L'avocat ainsi désigné pourra s'entretenir avec le mineur dès le début de la garde à vue, puis à l'issue de la douzième heure, ainsi qu'au début de la prolongation et à la trente-sixième heure. Par coordination, l'article 4-1 de l'ordonnance de 1945, qui prévoit que le mineur poursuivi doit être assisté d'un avocat, commis d'office lorsque ce mineur ou ses représentants légaux n'en ont pas choisi un, est supprimé (article 2 de la proposition de loi). - La détention provisoire Les articles 7 à 9 de la proposition de loi modifient les modalités de placement et la durée de la détention provisoire. L'article 7 crée un nouvel article 10-1 qui définit les conditions de placement en détention provisoire. Alors que, jusqu'à présent, le juge des libertés et de la détention ne peut placer un mineur en détention provisoire que si « cette mesure paraît indispensable ou encore s'il est impossible de prendre toute autre disposition », l'article 7 autorise une telle mesure lorsque les faits retenus contre le mineur présentent un caractère de particulière gravité ou lorsque ce dernier présente un danger immédiat pour l'ordre public. Lorsqu'ils sont âgés de moins de treize ans et que l'infraction commise est un crime, le juge des libertés et de la détention pourra placer les mineur dans un centre de placement immédiat. Les mineurs de treize à quinze ans pourront être placés en détention provisoire lorsque l'infraction est un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et que le mineur concerné se trouve en situation de récidive spéciale (6) au moment des faits ; la détention provisoire sera également possible en cas de non respect du contrôle judiciaire. Les mineurs de quinze ans et plus pourront, quant à eux, être placés en détention provisoire dans les conditions de droit commun, c'est à dire s'ils encourent une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement, ce seuil étant fixé à cinq ans si l'infraction en cause est une atteinte aux biens et que le mineur n'a pas été condamné à une peine d'emprisonnement supérieure à un an. Rappelons qu'actuellement la détention provisoire des mineurs de treize à seize ans est strictement interdite en matière correctionnelle, même en cas de violation du contrôle judiciaire. Afin de réduire les délais de procédure, l'article 9 (art. 12 de l'ordonnance) supprime la saisine, obligatoire avant toute réquisition, décision de placement ou de prolongation de la détention provisoire d'un mineur, du service éducatif auprès du tribunal (SEAT), chargé d'établir un rapport sur la situation du mineur et de formuler une proposition éducative. Cette suppression paraît, à la réflexion, regrettable à votre rapporteur, car elle prive le mineur d'une garantie, qui, certes, allonge les délais de procédure, mais lui donne une chance supplémentaire d'éviter la prison. Les durées maximales de détention provisoire sont définies à l'article 8 de la proposition de loi, qui procède à une nouvelle rédaction de l'article 11 de l'ordonnance de 1945. En matière correctionnelle, lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à sept ans, la durée de la détention provisoire ne pourra excéder deux mois, renouvelable une fois, soit quatre mois au maximum, au lieu de respectivement un et deux mois. Lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention pourra, comme actuellement, ordonner le placement en détention provisoire pour une durée de quatre mois, la prolongation ne devant pas excéder dix mois (au lieu d'un an). En matière criminelle, la durée de la détention provisoire des mineurs sera alignée sur celle des majeurs telle qu'elle est définie à l'article 145-2 du code de procédure pénale, soit deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de détention ou de réclusion criminelles et trois ans dans les autres cas, cette durée pouvant être portée respectivement à trois et à quatre ans dans certains cas (infractions commises hors du territoire national, pluralité de crimes, trafic de stupéfiants...). Rappelons qu'actuellement la durée maximale de détention est d'un an pour les mineurs de treize à seize ans et de deux ans pour les mineurs âgés d'au moins seize ans. b) Un aménagement des mesures susceptibles d'être prononcées à l'encontre des mineurs Si la proposition de loi conserve la spécificité des sanctions applicables aux mineurs, elle modifie certaines d'entre elles, afin notamment de favoriser la prise de conscience par les mineurs récidivistes de la gravité de leurs actes. - Les mesures éducatives Les articles 4 et 10 excluent certaines mesures éducatives lorsque le mineur concerné est en état de récidive, à condition toutefois qu'il soit âgé de plus de dix ans. Ainsi, le juge des enfants statuant en chambre du conseil ne pourra plus dispenser le mineur récidiviste de peine, même si son reclassement est acquis, le dommage causé réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé, l'admonester, ni même le remettre à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance (article 8 de l'ordonnance modifié par l'article 4 de la proposition de loi) ; seuls la mise sous protection judiciaire, le placement éducatif ou la liberté surveillée pourront être décidés. De même, l'article 10 complète l'article 12-1 de l'ordonnance afin d'exclure pour ces mineurs les mesures de réparation. Alors que les articles 15 et 16 de l'ordonnance de 1945 distinguent les mineurs de moins de treize ans de ceux âgés de plus de treize ans pour la détermination des mesures éducatives susceptibles d'être prononcées à leur encontre par le tribunal pour enfants, les articles 14 et 15 de la proposition de loi fixent ce seuil à dix ans. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un mineur de moins de dix ans, le tribunal pourra décider sa remise à ses parents, gardien ou tuteur, le placement dans une institution d'éducation, le placement dans un établissement médical, la remise au service d'aide sociale à l'enfance et le placement dans un internat ; lorsque le mineur est âgé de plus de dix ans, il pourra faire l'objet d'une remise à ses parents, de placement dans un établissement d'éducation, dans un établissement médical ou dans un établissement d'éducation corrective. Comme pour les décisions du juge des enfants, la remise aux parents sera toutefois exclue lorsque le mineur est un récidiviste âgé de plus de dix ans. De même, en matière criminelle, aucune remise aux parents, gardien ou tuteur ne pourra être prononcée, même si le mineur n'est pas en état de récidive (art 16-1 de l'ordonnance créé par l'article 16 de la proposition de loi). Enfin, les articles 17, 18 et 19, outre diverses coordinations rédactionnelles, fixent la durée maximale de mise sous protection judiciaire à la majorité du mineur concerné, comme pour les autres mesures pénales à caractère éducatif. - Les condamnations pénales L'article 20 de l'ordonnance, relatif à la procédure devant la cour d'assises des mineurs, est modifié afin de supprimer toute possibilité de placement ou de garde d'un mineur déclaré coupable d'un crime (article 20 de la proposition de loi) : la gravité de l'infraction commise peut en effet justifier que le mineur, par définition âgé d'au moins quinze ans puisqu'il relève de la cour d'assises, fasse obligatoirement l'objet d'une condamnation pénale. L'article 21 modifie l'article 20-2 de l'ordonnance afin de permettre au tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs d'assortir leurs condamnations à une peine privative de liberté d'une période de sûreté (article 21 de la proposition de loi modifiant l'article 20-2 de l'ordonnance). Rappelons qu'aux termes de l'article 132-23 du code pénal, le condamné ne peut bénéficier pendant la période de sûreté d'aucune suspension ou fractionnement de la peine, de mesures de placement à l'extérieur, de permissions de sortir, de semi-liberté ou de libération conditionnelle. Bien que la minorité des condamnés soit prise en compte, puisque l'article 49 de la proposition de loi précise que la période de sûreté ne pourra être supérieure à la moitié de celle applicable aux majeurs, il n'apparaît pas souhaitable de maintenir une telle disposition : la suppression de toute perspective de réduction ou d'aménagement de peines , outre le fait qu'elle serait contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945, risquerait en effet de compromettre définitivement la réinsertion des mineurs concernés. L'article 22 modifie la liste des peines complémentaires qui ne peuvent être prononcées à l'encontre d'un mineur (article 20-4 de l'ordonnance) : si les peines d'interdiction du territoire français, de jour-amende, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle, d'interdiction de séjour, de fermeture d'établissement, d'exclusion des marchés publics et de publication, d'affichage ou de diffusion de la condamnation sont toujours exclues, les juridictions de jugement pourraient désormais condamner un mineur à une peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille. Pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, il ne semble pas opportun de modifier l'article 20-4 de l'ordonnance, dont les dispositions contribuent à préserver les chances de réinsertion des mineurs délinquants. Enfin, le travail d'intérêt général, actuellement applicable aux seuls mineurs de seize à dix-huit ans, est étendu aux mineurs âgés de plus de quatorze ans (article 23 de la proposition de loi modifiant l'article 20-5 de l'ordonnance). Comme pour les majeurs, cette mesure pourra être prononcée seule ou comme obligation d'une peine de sursis avec mise à l'épreuve. L'âge fixé, quatorze ans, correspond à celui prévu par l'article L. 211-1 du code du travail pour les emplois salariés vacanciers. Les modalités d'application du travail d'intérêt général aux mineurs encore soumis à l'obligation scolaire sont définies à l'article 50 (art. L. 211-1-5 [nouveau] du code du travail) : la mesure devra être adaptée aux rythmes scolaires et ne pourra de substituer aux enseignements dispensés. Rappelons que l'article 20-5 de l'ordonnance précise également que le travail d'intérêt général doit être adapté aux mineurs et présenter un caractère formateur ou de nature à favoriser l'insertion sociale des jeunes condamnés. c) Une modification équilibrée de la procédure applicable aux mineurs La proposition de loi procède à un certain nombre de modifications de l'ordonnance de 1945 qui, tout en conservant ses principales spécificités, permettent de rapprocher la procédure applicable aux mineurs âgés d'au moins quinze ans de celle applicable aux majeurs. Ainsi, parallèlement au système de comparution à délai rapproché, la procédure de comparution immédiate pourrait désormais être applicable aux mineurs âgés de plus de quinze ans (article 5 de l'ordonnance modifié par l'article 3 de la proposition de loi). Cette procédure aurait naturellement vocation à s'appliquer, en priorité, aux mineurs multirécidivistes. Rappelons qu'aux termes de l'article 395 du code de procédure pénale, la comparution immédiate ne peut concerner que les auteurs d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement comprise entre deux et sept ans. L'article 5 modifie l'article 9 de l'ordonnance, relatif aux ordonnances de renvoi et de mise en accusation du juge d'instruction, afin de permettre la saisine de la cour d'assises des mineurs lorsque l'auteur du crime est âgé de plus de quinze ans. La gravité de certains crimes reprochés à de jeunes mineurs justifie amplement cette modification de seuil, au demeurant de portée limitée puisqu'elle ne concerne que les mineurs de quinze ans. En 2000, 282 mineurs ont été jugés pour crimes par les tribunaux pour enfants. Afin d'assurer la prise de conscience, par les mineurs, de la gravité des faits commis, l'article 12 supprime la possibilité qu'a actuellement le président du tribunal pour enfants de dispenser le mineur de comparaître à l'audience et de le faire représenter par un avocat, son père ou sa mère ou encore son tuteur (art 13 de l'ordonnance). De même, les présidents du tribunal pour enfants et de la cour d'assises des mineurs ne pourraient plus ordonner que le mineur se retire pendant tout ou partie des débats (articles 13 et 20 de la proposition de loi). Afin de favoriser la sérénité des débats, seuls les père et mère du mineur délinquant, et non plus les proches parents, pourraient être autorisés par le président du tribunal pour enfant à assister aux débats, avec les témoins, les membres du barreau, les représentants des institutions s'occupant d'enfants et les délégués à la liberté surveillée (art 14 de l'ordonnance modifié par l'article 13 de la proposition de loi). Ce même article 13 remplace l'amende de 40 000 F, prévue en cas de publication des débats du tribunal pour enfants ou de l'identité du mineur délinquant, par une amende de 100 000 F et une peine d'emprisonnement d'un an, ces peines étant portées respectivement à 200 000 F d'amende et deux ans d'emprisonnement en cas de récidive ; de même, l'amende de 25 000 F sanctionnant l'indication du nom du mineur lors de la publication du jugement est portée à 100 000 F, assortie d'un an d'emprisonnement. L'alourdissement des peines applicables répond au souci d'assurer la préservation de l'identité du mineur, gage de sa future réinsertion. La proposition de loi modifie également la composition du tribunal pour enfants, afin de la rapprocher du droit commun. L'article 47 propose ainsi une nouvelle rédaction de l'article L. 522-2 du code de l'organisation judiciaire qui remplace un assesseur par un magistrat du siège, désigné par le président du tribunal de grande instance : le tribunal pour enfants serait donc désormais composé d'un juge des enfants, faisant fonction de président, d'un magistrat du siège et d'un assesseur. Cette réduction du nombre d'assesseurs qui, rappelons-le, sont des magistrats non professionnels nommés par arrêté du ministre de la justice parmi les personnes qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leur compétence, devrait faciliter un rééquilibrage entre les mesures éducatives et répressives prononcées par le tribunal. Signalons enfin que l'article 6 de la proposition de loi modifie les modalités d'information des parents, tuteur ou gardien du mineur poursuivi, en chargeant l'avocat, et non plus le juge d'instruction ou le juge des enfants, de cette information et en supprimant leur audition systématique par le juge (art. 10 de l'ordonnance). Il renforce également les droits du mineur en précisant que le juge doit surseoir à tout interrogatoire en attendant la venue de l'avocat. d) La création d'un registre national recensant les mesures éducatives applicables aux mineurs L'article 11 de la proposition de loi insère dans l'ordonnance de 1945 un nouvel article 12-1 qui crée un registre national des erreurs juvéniles. Ce registre recensera l'ensemble des mesures pénales concernant un mineur, à l'exclusion des peines privatives de liberté. Il ne pourra être consulté, dans le cadre d'une information, que par un magistrat du parquet, un juge d'instruction ou un juge des enfants. Les informations concernant un mineur seront effacées lorsque celui-ci aura atteint l'âge de vint ans. Ce registre national est destiné à remplacer le registre spécial, tenu par le greffier de chaque tribunal de grande instance, supposé recenser toutes les décisions concernant les mineurs mais tombé depuis longtemps en désuétude. S'il paraît souhaitable de changer sa dénomination, quelque peu désuète (7), ce registre est en revanche indispensable pour connaître les antécédents judiciaires des jeunes majeurs délinquants. En effet, les mesures éducatives, les amendes, les peines d'emprisonnement inférieures à deux mois et les peines de substitution (comme le travail d'intérêt général par exemple), qui font l'objet d'une inscription au casier judiciaire du mineur, sont automatiquement effacées lorsque celui-ci atteint l'âge de la majorité. Signalons enfin que les articles 24 à 33 procèdent à diverses mesures de coordination dans l'ordonnance de 1945. B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES ATTEINTES AUX MINEURS a) Une plus grande responsabilisation des parents Considérant que les parents ont un devoir de surveillance qui peut être déterminant dans le processus de réinsertion du mineur, l'article 34 de la proposition de loi crée un nouveau délit sanctionnant tout manquement des parents susceptible de porter atteinte à la liberté surveillée. L'article 227-17-3 du code pénal punit ainsi de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende les parents, tuteur ou gardien d'un mineur faisant l'objet d'une mesure de liberté surveillée qui n'informent pas immédiatement le délégué à la liberté surveillée d'un incident dans le déroulement de cette mesure, du décès, de la maladie grave, du changement de résidence ou de toute absence injustifiée du mineur. Lorsque ce délit est commis de manière habituelle, la peine est portée à un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende. L'incitation, directe ou indirecte, à se soustraire aux obligations du régime de liberté surveillée est, quant à elle, punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende. Ce nouveau dispositif est destiné à remplacer le dernier alinéa de l'article 26 de l'ordonnance de 1945, totalement inappliqué et par ailleurs supprimé par l'article 27 de la proposition de loi, qui prévoit une amende civile de 10 F à 500 F lorsque les parents font preuve d'un défaut de surveillance caractérisé ou entravent systématiquement la mission du délégué à la liberté surveillée. L'article 44 permet également de mieux responsabiliser les parents en autorisant la saisie des prestations familiales pour le paiement des amendes ou des dommages et intérêts auxquels le mineur aura été condamné (modification de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale) ; les prestations concernées sont celles auxquelles le mineur condamné ouvre droit. Enfin, l'article 43 crée une nouvelle circonstance aggravante, dénommée commission familiale, définie comme le fait de faire participer, d'utiliser ou de provoquer un parent mineur à la commission d'une infraction. Les auteurs de la proposition de loi ont en effet souhaité sanctionner plus sévèrement l'utilisation d'un frère ou d'un cousin mineur pour commettre des faits délictueux, estimant que la famille devait être avant tout « une cellule sociale permettant au mineur d'évoluer et de progresser, tout en lui assurant une protection matérielle et morale ». Cette nouvelle circonstance aggravante devra par la suite être déclinée dans les différents articles du code pénal susceptibles d'être concernés. b) Une répression accrue de l'incitation à la consommation ou au trafic de stupéfiants S'appuyant sur le fait que la consommation de stupéfiants est un facteur criminogène reconnu, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité mieux réprimer la provocation d'un mineur à la consommation ou au trafic de stupéfiants. Les articles 35 et 36 insèrent après les articles 227-18 et 227-18-1 du code pénal, qui ne traitent que de la provocation directe à la consommation ou au trafic de stupéfiants, deux articles 227-18-2 et 227-18-3 qui sanctionnent la provocation indirecte à de tels actes de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende et de cinq ans d'emprisonnement et de 700 000 F d'amende. Dans le même esprit, l'article 37 crée un nouveau délit de présentation auprès d'un mineur sous un jour favorable de la consommation de stupéfiants, puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende (art. 227-18-4 du code pénal). Enfin, l'article 38 prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende lorsque la provocation directe ou indirecte à la consommation de stupéfiants ou la présentation sous un jour favorable de l'usage de ces substances aura été faite par voie de presse (modification de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). En cas de condamnation sur le fondement de ces nouvelles dispositions, l'entreprise concernée pourra se voir retirer par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour une durée qui ne peut être supérieur à deux ans, son autorisation administrative d'émission (article 39 de la proposition de loi). c) La lutte contre l'exploitation des mineurs Les mineurs sont de plus en plus fréquemment « utilisés » par les majeurs pour commettre des infractions, en raison du régime protecteur dont ils bénéficient. Le ministre de l'intérieur lui-même a souhaité, lors de la réunion des préfets, des procureurs généraux et des procureurs de la République du 6 septembre dernier, que l'on sanctionne en priorité « celui qui tire profit de leur délinquance, leur « employeur » ou plutôt leur exploiteur ». Souhaitant punir plus sévèrement ce type de comportement, l'article 41 modifie l'article 227-21 du code pénal, qui ne vise que les provocations directes et habituelles d'un mineur à commettre des crimes ou des délits, afin de punir également la provocation indirecte, même ponctuelle, ainsi que la simple participation d'un mineur à l'infraction ; les peines prévues sont un emprisonnement de trois ans et une amende de 500 000 F. La commission « de manière habituelle » de ces infractions devient une circonstance aggravante, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende. Ces dispositions se rapprochent de celles introduites par les sénateurs lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité et supprimées lors de la nouvelle lecture de ce texte à l'Assemblée nationale. Dans le même esprit, l'article 40 crée un nouveau délit (art 227-20-1 du code pénal) destiné à sanctionner la provocation indirecte d'un mineur à la mendicité, ainsi que l'utilisation d'un mineur de quinze ans dans une opération de mendicité, même lorsque celui-ci n'est pas amené à quémander lui-même. Rappelons qu'actuellement, l'article 227-20 ne punit que la provocation directe d'un mineur à la mendicité. Ces nouvelles dispositions permettront de mieux lutter contre un phénomène de plus en plus répandu, qui a pour conséquence d'exclure les mineurs concernés du système éducatif. L'article 42 de la proposition de loi insère dans le code pénal un nouvel article 227-23-1, qui punit de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende le fait d'inciter, directement ou indirectement, un mineur à la rébellion envers les agents de l'Etat, même si cette incitation n'a pas été suivie d'effet, ainsi que le fait de présenter ces derniers sous un jour défavorable ayant pour effet d'engendrer un sentiment de haine ou de rejet. Lorsque cette infraction est commise par voie de presse, les sanctions sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 1 000 000 F d'amende ; en outre, l'entreprise responsable peut se voir retirer, pour une durée qui ne peut être supérieure à deux ans, son autorisation administrative d'émission (art. 39 de la proposition de loi). S'il est important de lutter contre la multiplication des propos injurieux à l'égard des agents de l'Etat, qui confortent les mineurs dans leurs comportements agressifs vis à vis de ces derniers, il semble néanmoins nécessaire d'examiner avec attention les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction, afin de les concilier avec la protection de la liberté d'expression. La proposition de loi donne également une base légale aux arrêtés d'interdiction de circulation des mineurs de moins de treize ans. Le Conseil d'Etat, dans trois ordonnances du mois de juillet dernier (8), a défini les critères de légalité de ces mesures : elles doivent être à la fois justifiées par « l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles ont été édictées » et « adaptés par leur contenu à l'objectif de protection pris en compte ». Sur la base de ces critères, la haute juridiction administrative examine, au cas par cas, le taux de délinquance des secteurs concernés par l'arrêté d'interdiction de circuler et les modalités pratiques de cette interdiction. Examinant l'arrêté d'interdiction de circuler pris par le maire d'Etampes, elle a ainsi jugé « excessif par rapport aux fins poursuivies que l'interdiction de circulation commence dès 22 heures », préférant que cette dernière débute à 23 heures. Si ce n'est la période nocturne pouvant être réglementée, fixée entre 22 heures et 6 heures du matin, les dispositions introduites par l'article 51 de la proposition de loi (art. L. 2213-32 du code général des collectivités territoriales) semblent compatibles avec les critères de légalité fixés par le Conseil d'Etat. En cas de risques graves et imminents à l'ordre public, le maire pourra prendre un arrêté d'interdiction de circulation des mineurs âgés de moins de treize ans non accompagnés d'un majeur ; l'arrêté devra préciser le périmètre géographique concerné ainsi que sa période de validité, qui ne pourra dépasser sept jours (vingt-huit jours en cas de prorogation) ; le parquet, averti sans délai de l'arrêté municipal, en contrôlera l'application. Les mineurs contrevenant à cette interdiction seront reconduits chez leurs parents ; en cas d'absence des parents, ils feront l'objet d'une retenue à disposition d'un officier de police judiciaire (art. 4 de l'ordonnance de 1945) ; en outre, le non respect de cet arrêté figurera au registre national crée par l'article 11 de la proposition de loi. Enfin, les articles 45, 46, 48 et 52 de la proposition de loi procèdent à diverses mesures de coordination dans le code de l'organisation judiciaire, le code pénal et le code de procédure pénale. * * * Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Citant en préambule le traité de droit pénal d'Emile Garçon qui fait déjà état, en 1922, de la progression inquiétante du nombre de mineurs délinquants, Mme Christine Lazerges a constaté qu'il s'agissait là d'un problème intemporel, ajoutant qu'il avait de tous temps suscité le même sentiment d'échec chez les parents, les enseignants et la société en général. Contestant les solutions préconisées dans la proposition de loi présentée par M. Henri Cuq, elle a estimé que les réponses à la délinquance des mineurs devaient être multiples et ne pouvaient, en aucun cas, se traduire uniquement par un changement de la législation applicable. Établissant un parallèle entre cette discussion et le débat actuel sur les actions à mener pour lutter contre le terrorisme, elle a observé que, dans ce dernier cas, un consensus émergeait dorénavant pour estimer qu'une lutte efficace ne pouvait se limiter à une modification du code de procédure pénale, mais devait avant tout se traduire par des actions d'ordre économique ou politique. Rappelant les conclusions du rapport dont elle était l'auteur, avec M. Jean-Pierre Balduyck, sur la délinquance des mineurs, elle a jugé indispensable de mettre l'accent sur les besoins de socialisation des jeunes ; elle a reconnu que la proposition de loi de M. Henri Cuq posait fort justement le problème de la responsabilité parentale et du milieu familial dans lequel évoluent les jeunes en difficulté, tout en contestant la solution préconisée par M. Henri Cuq qui conduit à placer les parents des enfants délinquants en prison. Elle a considéré que le texte sur l'autorité parentale, adopté par l'Assemblée nationale en juin dernier, apportait une réponse beaucoup plus pertinente en la matière, puisqu'il permettrait incontestablement de conforter l'image paternelle, indispensable aux jeunes trop souvent élevés par des femmes seules. Mme Christine Lazerges s'est également interrogée sur la violence diffusée à la télévision, en considérant qu'elle contribuait à effacer chez les jeunes la perception de la distinction entre fiction et réalité. Elle a regretté, à ce sujet, que les contrôles opérés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne soient pas plus sévères, soulignant que des études psychiatriques avaient démontré l'impact très fort de la violence des images sur les jeunes, notamment quand ceux-ci sont laissés seuls devant le poste de télévision, comme c'est souvent le cas de ceux qui sont en difficulté. Au-delà de la question essentielle de la socialisation des jeunes, Mme Christine Lazerges a souhaité que la lutte contre la délinquance juvénile se traduise également par une rénovation, voire une révolution, des pratiques, reconnaissant notamment que le suivi des peines prononcées par le juge des enfants était encore très insuffisant. Elle s'est ainsi interrogée sur la valeur pédagogique pour le jeune délinquant d'une peine mise en application six mois ou un an après les faits et la décision du juge. Elle a également déploré le manque de liens existants entre les juges pour enfants et la protection judiciaire de la jeunesse. S'agissant plus précisément des solutions proposées par M. Henri Cuq, elle s'est élevée contre une proposition qui aboutirait de facto à placer le jeune délinquant de 10 ans en prison, puisque les mesures alternatives existant actuellement, telle que la possibilité d'admonestation ou le placement du jeune auprès d'un tuteur, seraient supprimées. S'agissant de l'abaissement des seuils de majorité pénale, elle a rappelé que l'ordonnance de 1945 prévoyait déjà la possibilité de prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour les jeunes de plus de 16 ans et une condamnation à 20 ans de prison pour ceux ayant entre 13 et 16 ans. Elle a considéré que ces seuils étaient déjà suffisamment sévères, notamment au regard de la législation de pays voisins, tels que l'Espagne et le Portugal, qui ne prévoient de condamnations fermes que pour les jeunes âgés de plus de 16 ans. S'agissant enfin de l'introduction, dans la proposition de loi, d'un délit incriminant la provocation indirecte à commettre une infraction, elle s'est interrogée sur la constitutionnalité d'une telle mesure, tout en s'étonnant que rien n'ait été dit sur l'incitation à l'alcoolisme, pourtant première cause de mortalité chez les jeunes. Évoquant les travaux qu'elle menait en tant que présidente de la mission parlementaire sur l'esclavage moderne, Mme Christine Lazerges a conclu son propos en rappelant que les jeunes délinquants de 10 à 13 ans, qu'ils soient pilleurs d'horodateurs ou qu'ils se prostituent, étaient dans la plupart des cas les victimes de majeurs qui, eux, restaient le plus souvent impunis. Observant que la proposition de loi de M. Henri Cuq était une réponse à la dérobade du Gouvernement qui avait refusé, lors de l'examen du projet de loi sur la sécurité quotidienne, de débattre des modifications proposées par l'opposition à l'ordonnance de 1945, M. Claude Goasguen a récusé les réponses, désormais traditionnelles, du Gouvernement et de la majorité sur le sujet, qui consistent à dire soit qu'il existe déjà un arsenal législatif adapté pour répondre à la délinquance des mineurs, et qu'il suffit donc de l'appliquer, soit que les textes eux-mêmes ne servent à rien puisque la réponse est avant tout sociale, politique ou économique. Estimant, au contraire, que les textes, et principalement la loi, doivent servir de fondement clair à une politique, il a rappelé l'équilibre originel de l'ordonnance de 1945 qui comprenait un volet répressif à côté des volets préventif et éducatif. Constatant que la pratique des magistrats avait consisté à privilégier les aspects éducatifs et préventifs, au détriment du volet répressif, il a jugé désormais souhaitable de modifier les textes, afin que la justice soit obligée d'en revenir aux intentions initiales des auteurs de l'ordonnance de 1945. Il a indiqué que, parmi les pays voisins, l'Allemagne et l'Angleterre disposaient déjà d'un dispositif législatif beaucoup plus sévère que le droit français. Evoquant les propos de nombreux policiers ou magistrats, qui s'estiment démunis dans leur lutte quotidienne contre la délinquance juvénile, il a observé que les propositions présentées par M. Henri Cuq ne consistaient pas à aggraver les sanctions, mais à donner à la justice les moyens de les mettre en _uvre. En réponse à Mme Christine Lazerges, dont il a jugé les propos caricaturaux, il a plaidé pour l'adoption rapide d'une loi pénitentiaire, qui permettrait à des établissements spécialisés pour les mineurs de voir le jour. Il a estimé, en effet, que la spécificité de la délinquance des mineurs exigeait des réponses originales, les établissements pénitentiaires existant actuellement n'étant pas adaptés pour recevoir des jeunes délinquants. M. Gérard Gouzes a regretté que, une fois encore, le législateur accrédite l'idée selon laquelle la solution des problèmes auxquels la société française est confrontée passe nécessairement par le vote d'une loi. Il a estimé que l'initiative de M. Henri Cuq et de ses collègues tendant à modifier l'ordonnance de 1945 était emblématique de ce travers, qui conduit à accumuler des textes de loi sans se préoccuper de savoir s'ils atteindront ou non leurs objectifs. Il s'est donc déclaré surpris, sur le plan de la méthode, par la démarche engagée par l'opposition face à la délinquance des mineurs, mais également déçu, le rapporteur ayant lui-même reconnu que sa proposition de loi n'avait pour objet que d'ajuster à la marge la législation existante. Il a considéré que cet aveu revenait à admettre qu'il ne s'agissait pas d'un texte fondamental, mais uniquement d'une proposition d'opportunité et, partant, inutile. Il a insisté sur le fait que, paradoxalement, des mesures plus ambitieuses pouvaient être mises en _uvre sans passer par la loi, se référant aux réformes d'ores et déjà engagées par l'actuelle majorité, dont il a admis, toutefois, qu'elles devaient être approfondies. Après avoir rappelé les principales dispositions de la proposition de loi, notamment la possibilité de retenir des mineurs de dix à treize ans en cas de crime ou de délit puni de cinq ans d'emprisonnement, de renvoyer les plus de quinze ans devant la cour d'assises des mineurs, d'imposer des travaux d'intérêt général aux délinquants de plus de quatorze ans, d'interdire la circulation nocturne des mineurs non accompagnés ou de saisir les allocations familiales des parents pour le paiement des amendes et des dommages-intérêts auxquels leurs enfants sont condamnés, M. Pascal Clément a considéré que ce texte n'avait véritablement rien d'alarmant. Il a estimé que la réforme proposée était mesurée et d'autant plus nécessaire que rien n'a été fait, en matière de traitement de la délinquance des mineurs, depuis 1997. Il a rappelé que, en 1996, l'opposition de l'époque avait dénoncé l'initiative prise par M. Jacques Toubon, garde des sceaux, tendant à créer des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) pour les mineurs délinquants, ajoutant que l'une des premières décisions prises par le Gouvernement actuel avait été de geler ce programme. Après avoir souligné que, en janvier 1998, un rapport réalisé par les services d'inspection concernés avait mis en exergue les carences graves des services de la protection judiciaire de la jeunesse et les apports positifs des UEER pour l'hébergement des mineurs délinquants, il a constaté que l'actuelle majorité avait dû faire son mea culpa en rétablissant ces derniers sous la forme des centres éducatifs renforcés. Il a toutefois dénoncé la paresse intellectuelle et le manque de volonté politique de la majorité, qui n'a pas poursuivi ce programme de façon ambitieuse, préférant consacrer les marges budgétaires dont elle disposait pourtant à la mise en _uvre de la réduction à 35 heures du temps de travail hebdomadaire. Il a estimé que l'opinion publique, déjà choquée par le refus de l'Assemblée nationale de légiférer sur les conditions d'organisation des rave parties et par les critiques formulées à l'encontre des maires qui interdisent la circulation nocturne des mineurs non accompagnés, ne comprenait pas cette inertie. M. Jean-Pierre Blazy a déclaré qu'il n'avait pas été surpris, après les propos alarmistes tenus par le Président de la République le 14 juillet 2001 sur le problème de la délinquance et la multiplication des arrêtés de couvre-feu pris par des maires de l'opposition durant l'été à l'encontre des mineurs de treize ans, par le dépôt de cette proposition de loi, qui s'apparente davantage à un texte de circonstance qu'à une réforme de fond. Il a rappelé que le principe d'une révision de l'ordonnance de 1945 avait déjà été rejeté, au printemps, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, et a considéré qu'il devait en être de même aujourd'hui, l'importance des questions soulevées exigeant une réflexion plus approfondie. Constatant, en effet, que les mineurs délinquants étaient de plus en plus jeunes, il a jugé que des solutions répressives ne suffiraient pas pour endiguer ce phénomène, observant, au demeurant, que plus de 700 mineurs sont actuellement en détention en France, ce qui constitue un record. Il a estimé que le problème de la délinquance des mineurs devait conduire l'ensemble des responsables publics à s'interroger sur leur action, relevant, à cet égard, qu'il était fréquent que des maires s'opposent à l'implantation sur le territoire de leur commune d'un centre de placement immédiat. Abordant la question spécifique des arrêtés interdisant la circulation nocturne des mineurs non accompagnés, il a considéré qu'il s'agissait d'une solution à la fois inopérante et dangereuse, car elle conduit à stigmatiser des quartiers et des individus en particulier. Il a jugé qu'il était beaucoup plus efficace, face au phénomène de l'errance des mineurs, d'inciter la police, la justice et les services sociaux à travailler en partenariat et, si possible, de façon préventive. Il a défendu le principe de la « coproduction » en matière de sécurité, tout en admettant qu'il sera peut-être nécessaire, un jour, d'adapter la législation à l'évolution de la délinquance des mineurs. Mme Nicole Catala a ironisé sur la réaction indignée de la majorité face à cette proposition de loi, considérant qu'elle était révélatrice de sa gêne et de ses divisions internes. Elle a constaté que le Gouvernement ne faisait rien face à la délinquance des mineurs et prenait soin, au contraire, « d'enterrer » les rares propositions émanant de membres de sa majorité, citant, en particulier, le rapport remis au Premier ministre, en 1998, par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck. Elle a estimé que les solutions préconisées par la proposition de loi de M. Henri Cuq étaient mesurées et répondaient à une partie au moins des préoccupations de l'opinion publique. M. André Thien Ah Koon a évoqué la situation particulière de l'île de La Réunion en matière de délinquance des mineurs. Rappelant que le chômage touchait 40 % de la population de ce département, où la moitié des habitants ont moins de 20 ans, il a considéré que, dans ce contexte, il n'était pas étonnant que La Réunion soit confrontée à de graves problèmes d'ordre public, insistant, en particulier, sur l'exploitation de mineurs par des adultes, le développement de la consommation de drogue et de la prostitution, ainsi que sur la multiplication des agressions sexuelles, des vols et des refus d'obéir à la loi. Il a estimé qu'il était indispensable d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale et d'imposer des travaux d'intérêt collectif aux mineurs délinquants. Il a craint que, à défaut, la police et les magistrats ne finissent par « baisser les bras ». Tout en reconnaissant qu'une réforme de l'ordonnance de 1945 ne suffirait pas, à elle seule, à régler ce problème, M. Christian Estrosi a estimé que la montée actuelle de la violence et le rajeunissement des mineurs délinquants risquaient de conduire, à terme, à l'éclatement du pacte républicain. Il a observé que, ni la récente diminution du chômage, ni les milliards de francs engloutis dans les actions de prévention, notamment dans les équipements socioculturels, n'avaient eu le moindre effet sur la courbe de la délinquance des mineurs. Tout en constatant que l'explosion des chiffres avait amené la majorité actuelle à une conception plus sécuritaire de la lutte contre la délinquance, il a regretté que le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ne comporte que des dispositions anodines sur les cartes bleues, les chiens errants ou les ventes d'armes par correspondance, bien éloignées des préoccupations de nos concitoyens, ajoutant que cette lacune avait conduit l'opposition à déposer cette proposition de loi, qui permet d'apporter des réponses mesurées et graduées à chaque acte de délinquance. Il a souligné que la modification de l'ordonnance de 1945 était demandée par les magistrats eux-mêmes, citant l'exemple du procureur de la République du tribunal de grande instance de sa circonscription. Il a considéré que l'interdiction de laisser les mineurs de moins de 13 ans circuler la nuit relevait du bon sens, tout comme la nécessité de donner des repères aux enfants dès l'âge de 10 ans. S'agissant des sanctions applicables aux parents d'enfants délinquants, il a estimé qu'il fallait faire confiance aux magistrats pour prononcer ces sanctions avec discernement. Après avoir reconnu que l'incarcération des mineurs n'était pas une solution et considéré que les centres éducatifs renforcés et les centres de placement immédiat ne constituaient pas une alternative efficace à cette incarcération, notamment en raison des réticences des éducateurs à y travailler, il a jugé souhaitable de réfléchir à la mise en place de nouvelles structures, du type internats. En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : - La représentation nationale doit prendre ses responsabilités et légiférer, contrairement à ce qu'estiment certains, pour lesquels ce n'est jamais le moment de réformer l'ordonnance de 1945. Les députés du Mouvement des citoyens l'ont d'ailleurs bien compris, puisqu'ils viennent de déposer une proposition de loi modifiant ce texte. - La disposition relative aux arrêtés municipaux d'interdiction de circulation des mineurs de moins de 13 ans a été approuvée par l'Union syndicale des magistrats, ainsi que par la quasi-totalité des syndicats de policiers, et est conforme à la jurisprudence récente du Conseil d'Etat. - Les positions de la majorité sur cette proposition de loi sont contradictoires, puisque certains estiment qu'elle remet en cause l'équilibre de l'ordonnance de 1945, alors que d'autres la jugent insignifiante. - Contrairement à la présentation caricaturale qu'en font certains, la proposition de loi ne prévoit qu'une adaptation mesurée de l'ordonnance de 1945, qui rejoint sur certains points, s'agissant notamment de la retenue des jeunes mineurs, l'analyse figurant dans le rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck. En sanctionnant plus sévèrement la provocation à commettre un crime ou un délit, elle permet de lutter contre l'utilisation de mineurs dans la commission d'infractions. - Ainsi que l'ont reconnu le rapport sur les unités à encadrement éducatif renforcé et le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck, les services de la protection judiciaire de la jeunesse remplissent mal leurs missions. Il serait nécessaire de revenir à une conception plus républicaine de leur fonctionnement, la politique de lutte contre la délinquance des mineurs devant être élaborée par le Gouvernement puis appliquée, et non interprétée, par les éducateurs. Il est ainsi regrettable que certains éducateurs aient cherché à retarder la mise en place des centres éducatifs renforcés et refusent d'accueillir des mineurs, même s'il reste des places effectivement disponibles dans les structures d'accueil, en invoquant des prétextes administratifs. A l'issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions. TABLEAU COMPARATIF ___
3300. - Rapport de M. Henri Cuq (commission des lois) sur la proposition de loi (N° 3122 rect.) de M. HenrI CUQ, tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs -Enfants- () Conclusions de la première étude nationale sur les violences sexuelles à l'école cité dans le Monde du 20 mars 1999 () Enquête réalisée auprès des élèves de 13 à 19 ans dans les agglomérations de Grenoble et de Saint-Etienne () Violence et délinquance des jeunes Etudes de la documentation française () En 2000, 3 996 mineurs ont été incarcérés. () Enquête sur la délinquance auto-déclarée des jeunes juin 2000 () La récidive spéciale consiste en la commission d'un délit identique ou assimilé dans un délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la peine sanctionnant le premier délit () Ce registre pourrait être rebaptisé Registre national des mesures pénales à caractère éducatif () 9 juillet 2001, 27 juillet 2001 et 30 juillet 2001. © Assemblée nationale |